La Lettre # 19 - WordPress.com

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La Lettre # 19 - WordPress.com
La lettre d’Archimède
L’actualité de l’Eldo vue par un spectateur
Sommaire
No 19 — 1er août 2015
Summer
Les Mille et Une Nuits. Volume 2 : Le Désolé — Vice-versa
Nosferatu le vampire — King Kong — L’Étrange Créature du lac noir
Le film mystère
Prochains rendez-vous à l’Eldo
SUMMER
une romance d’Alanté Kavaïté
SANGAÏLÉ. — Ça fait quoi de danser sur scène ?
SA MÈRE. — C’est juste… indescriptible.
SANGAÏLÉ. — Ça te manque ?
SA MÈRE. — Je crois que c’était ce qu’il y a eu de plus vrai dans ma vie. Tu sais, quand tu es dans les coulisses et que tu attends
l’entrée en scène, tu as l’impression que ton cœur va exploser. Mais une fois que tu y es, tout disparaît, complètement. Il n’y
a plus de pesanteur, tu t’élèves, tu te dissous. La musique… ce mouvement qui t’emporte…
Au cours d’une démonstration aérienne, deux jeunes femmes de 17 ans se rencontrent. La taciturne Sangaïlé est venue en amateur d’aviation, échappant à l’ennui de la riche maison de campagne où l’adolescente passe l’été avec ses parents. L’exubérante Austé distribue aux badauds des tickets de tombola, le
lot étant un vol avec le champion national Jurgis Kairys. Elle insiste pour que Sangaïlé prenne un numéro
— « Ça ne se refuse pas » — qui, Austé jouant aussi « la main innocente » lors du tirage, se révèle gagnant.
Contre toute attente, Sangaïlé s’enfuit à l’annonce du résultat. Quelques temps après, elle se rendra à la
cantine de la centrale où Austé travaille pendant l’été ; celle-ci lui propose alors de venir à la plage avec
quelques amis. Les deux jeunes femmes deviendront de plus en plus proches…
Summer ne se réduit pas à une simple histoire d’amour lesbien, ce n’est ni une bluette sentimentale, ni
un film militant. Summer est avant tout l’histoire d’une adolescente mal dans sa peau, rêvant d’aviation
alors qu’elle est sujette au vertige, ne trouvant aucun réconfort auprès de sa mère, une ancienne ballerine
au caractère impérieux, et se scarifiant pour atténuer la souffrance qu’elle ressent. La rencontre avec
Austé change la donne, Sangaïlé découvre qu’elle peut être objet d’amour, que quelqu’un peut croire en
elle, peut voir en elle une force dont elle-même se croyait dépourvue. Par son amour, son attention, Austé
permet à Sangaïlé de devenir adulte.
Même si la parole est importante, c’est avant tout par l’image que la réalisatrice Alanté Kavaïté choisit
d’exprimer les sentiments des deux jeunes filles, de montrer leur parcours intérieur. Ainsi le décor de leur
chambre révèle leur caractère, celle de Sangaïlé, austère, dominé par l’ordre, s’oppose à la luxuriance, au
chaos artiste de celle d’Austé, mais, en se fréquentant, les deux filles absorbent un peu de l’une de l’autre,
preuve en est la géométrie d’un patron de robe qu’Austé dessine, ou la rupture de la verticalité quand
Sandaïlé lutte contre son acrophobie. Certains pourront reprocher ce symbolisme un peu marqué, mais
Summer, film lumineux et juste, est l’une des bonnes surprises de l’été.
Summer (Sangaïlé ; Lituanie, France, Pays-Bas ; 2015 ; 90’ ; couleur, 1.85:1 ; 5.1), écrit et réalisé par Alanté Kavaïté, produit par Živilé Gallego
et Antoine Simkine ; décors de Ramunas Rastauskas, image de Dominique Colin, montage de Joëlle Hache, musique de JB Dunkel ; avec Juljija
Steponaïtyté (Sangaïlé), Aïste Dirziute (Austé). Distribué par UFO Distribution. Sidabrinė gervė de meilleur film, de la meilleure actrice et pour
la direction artistique 2015 ; Prix de la mise en scène au Festival du film de Sundance 2015.
Lu ailleurs
Les Mille et Une Nuits. Volume 2 : Le Désolé
Vice-versa
Les Mille et Une Nuits. Volume 2 : Le Désolé
Les Mille et Une Nuits. Volume 2 : Le Désolé (As Mil e Uma Noites. Volume 1: O IDesolado ; Portugal, France, Allemagne, Suisse ; 2015 ; 131’ ;
couleur, 2.40:1; 5.1), réalisé par Miguel Gomes, écrit par Miguel Gomes, Mariana Ricardo et Telmo Churro, produit par Luís Urbano, Sandro
Aguilar, Thomas Ordonneau ; image de Sayombhu Mukdeeprom et Mário Castanheira, son de Vasco Pimentel, montage de Telmo Churro,
Pedro Marques et Miguel Gomes ; avec Crista Alfaiate (Schéhérazade / le génie / la vache blessée), Chico Chapas (Simão « sans tripes »),
Luísa Cruz (la juge), Gonçalo Waddington (le fils stupide / Vasco), Joana de Verona (la fille de la juge), Teresa Madruga (Luisa). Distribué par
Shellac. Sydney Film Prize au Festival du film de Sydney 2015.
« La critique lors de la sortie en salle du 29/07/2015 » par Louis Guichard (Télérama)
Comme certains proustiens recommandent aux profanes de commencer La Recherche non par le
début, mais par La Prisonnière, on suggère même, à qui aurait manqué l’épisode 1 des Mille et Une
Nuits, de voir d’abord celui-ci : Le Désolé. Il compte deux grands morceaux de bravoure, deux chapitres parmi les plus fous de cette fresque chatoyante sur le Portugal contemporain. […] Ces ruines
de bonheur, entrevues à travers la fumée, rappellent Tabou, précédent film de Miguel Gomes,
dont on retrouve une actrice, Teresa Madruga. La surprise vient, cette fois, d’un petit chien — mais
oui. Ange gardien des naufragés de l’immeuble, lien social à lui tout seul, dépositaire de la mémoire
des lieux, il dialogue avec son propre fantôme entre deux services rendus aux humains… À l’anémie
de la crise, Les Mille et Une Nuits oppose un animisme malicieux et bienfaisant.
« Les Mille et Une Nuits – Le Désolé, un film audacieux qui peut dérouter » par Thierry Chèze (L’Express)
Gomes maîtrise comme peu l’art du contraste. Il ne se contente pas de capter la désespérance, il
en fait une matière tragique, lyrique, poétique et comique. Et rend ainsi hommage au peuple en
souffrance en jouant avec eux sans jamais se jouer d’eux.
Vice-versa
Lava (États-Unis ; 2015 ; 7’ ; couleur, 2.39:1), réalisé par James Ford Murphy, produit par Jonas Rivera, produit par Andrea Warren ; image
de Colin Levy ; avec les voix de Kuanu Torres Kahele (Uku), Napua Greig (Lélé). Prix du public au Festival international du film d’Hawaï 2014.
Vice-versa (Inside Out ; États-Unis ; 2015 ; 94’ ; couleur, 1.85:1), réalisé par Pete Docter, écrit par Pete Docter, Meg LeFauve et Josh Cooley,
produit par Jonas Rivera ; montage de Kevin Nolting, musique de Michael Giacchino ; avec les voix de Charlotte Le Bon (Joie), Marilou Berry
(Tristesse), Mélanie Laurent (Dégoût) , Gilles Lellouche (Colère), Pierre Niney (Peur). Distribué par the Walt Disney Company France.
En version française dans le cadre de la programmation Ciné-mômes. Dès 3 ans.
« Cannes 2015 : Vice-versa / Critique » par Aurélien Allin (Cinéma Teaser)
En montrant les Hommes comme des créatures littéralement gouvernées par leurs émotions, Pete
Docter fait plus que réunir intellect et sentiment. Ils les assimilent l’un à l’autre. Pas la moindre
des grandes idées du film, d’ailleurs. Cette manière qu’il a de faire se tutoyer cortex et palpitant,
noirceur et splendeur, concret et abstrait, souvent dans le même plan, par la grâce d’une réalisation aérienne, d’un character design malin et d’une musique splendide, relève purement et simplement du génie. Ou, tout du moins, du cinéaste en état de grâce. Au bout du compte, en faisant
de l’enfance le décor du temps qui efface tout, Pete Docter signe une superbe et courageuse observation du travail de deuil. Ce qui ne fait pas de Vice-versa un grand Pixar ou un grand film animé.
Mais un grand film tout court.
Créatures de cinéma
« BEAUTY KILLED THE BEAST »
Nosferatu le vampire — King Kong — L’Étrange Créature du lac noir
Nosferatu le vampire
King Kong
L’Étrange Créature du lac noir
S’il est fait explicitement référence à La Belle et la Bête plusieurs fois dans King Kong, ce n’est pas la
rédemption que la bête Kong trouve auprès de la belle Ann Darrow mais la mort, contrairement au conte
de Mme Leprince de Beaumont. Nosferatu et la créature du lac noir sont aussi de ces monstres (en général
masculins) victimes de leur désir irrépressible pour un humain (en général féminin).
Dans Nosferatu le vampire, adaptation assez libre mais reconnaissable de Dracula (1897) de Bram Stoker,
le nom des personnages ayant été modifié pour éviter de payer les droits d’auteur, personne ne semble
pouvoir résister au comte Orlok, créature maléfique qui se nourrit de sang humain, capable de se changer
en hyène et propageant la peste lors de ses déplacements. Dans les quatre premiers actes, les victimes
directes du comte Orlok sont uniquement des hommes — Hutter et l’équipage de l’Empusa. Ellen pourra
vaincre Nosferatu car elle saura utiliser sa propre faiblesse pour faire oublier « le chant du coq » au vampire, tout à son obsession pour cette « femme au cœur pur » et au « cou magnifique ».
Pure création de cinéma, Kong est né de l’imagination d’Edward Wallace, romancier britannique arrivé à
Hollywood en 1931, et du producteur Merian C. Cooper. Ce dernier avait déjà réalisé deux films documentaires avec Ernest B. Schoedsack, dont Chang (1927) dans lequel la destruction d’un village siamois
par des éléphants n’est pas sans évoquer celle du village par Kong. La créature tombe amoureux d’Ann
Darrow dès le premier regard, mais, contrairement au remake (1976) de John Guillermin, la belle
n’éprouve que peur face à son ravisseur. Il faut dire que le gorille dont la face exprime des sentiments
humains n’est pas sans évoquer la représentation des Noirs dans le cinéma américain de l’époque (face
lippue, nez épaté, yeux qui roulent, esprit simple et joueur) alors que les lois Jim Crow qui interdisent
toutes relations sexuelles interraciales n’ont pas encore été abrogées. Dans Le Fils de Kong (1933), suite
réalisée par le seul Schoedsack, toute connotation amoureuse entre la bête et la belle sera d’ailleurs bannie, et c’est le cinéaste Denham, non l’actrice qui l’accompagne, que le jeune gorille géant, encore plus
simple que son père, sauvera de la noyade.
L’Étrange Créature du lac noir ne bénéficiant pas du budget de King Kong, Jack Arnold trouve le spectaculaire dans la 3D et surtout les scènes sous-marines, point fort du film. En particulier, lorsque la belle Kay
se baigne, la créature l’accompagne sans se faire voir en un ballet aquatique, sorte de parade nuptiale.
Que le monstre soit de taille humaine permet en outre au fiancé de Kay et à son rival humain d’affronter
directement la créature alors que l’aviation était nécessaire pour vaincre Kong. L’Étrange Créature du lac
noir eût du succès, vit deux suites dont l’une réalisée par le même Jack Arnold, La Revanche de la créature
(1955), et inspira de nombreux réalisateurs amateurs de série Z comme Joe Dante.
Nosferatu le vampire (Nosferatu, eine Symphonie des Grauens ; Allemagne ; 1922 ; 95’ ; teinté d’origine, 1.33:1 ; muet), réalisé par F.W.
Murnau, écrit par Henrik Galeen d’après le roman Dracula de Bram Stoker, produit par Enrico Dieckmann et Albin Grau ; costumes et décors
d’Albin Grau, image de F.A. Wagner, musique (2002) de Galeshka Moravioff ; avec Max Schreck (le comte Orlok), Gustav v. Wangenheim
(Hutter), Greta Schroeder (Ellen), G.H. Schnell (Harding). Distribué par Films sans frontières. OFTA Film Hall of Fame 2010.
King Kong (États-Unis ; 1933 ; 100’ ; noir et blanc, 1.37:1 ; mono), produit et réalisé par Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack, écrit par
James Ashmore Creelman et Ruth Rose sur une idée d’Edgar Wallace et Merian C. Cooper ; image d’Eddie Linden, J.O. Taylor et Vernon
Walker, montage de Ted Cheesman, musique de Max Steiner ; avec Fay Wray (Ann Darrow), Robert Armstrong (Carl Denham), Bruce Cabot
(John Driscoll). Inscrit au National Film Registry en 1991 ; TV Land Award du meilleur film vu en drive-in 2008 ; OFTA Film Hall of Fame 2009.
L’Étrange Créature du lac noir (Creature from the Black Lagoon ; États-Unis ; 1954 ; 79’ ; noir et blanc, 1.85:1 ; mono), réalisé par Jack Arnold,
écrit par Harry Essex et Arthur Ross, produit par William Alland ; image de William E. Snyder, montage de Ted J. Kent ; avec Richard Carlson
(David Reed), Julia Adams (Kay Lawrence). Distribué par Carlotta Films.
Le film mystère
L’image ci-dessous est le plan final d’un blockbuster, le film mystère de la semaine. Comment ne pas y
voir une réminiscence du plan final des Oiseaux d’Alfred Hitchcock, actuellement à l’Eldorado dans le cycle
Créatures de cinéma, dans lequel une voiture s’éloigne vers un horizon sombre avec une lueur d’espoir ?
La première personne qui nous communiquera le titre du film mystère et le nom de son réalisateur
recevra deux invitations valables à l’Eldorado pour le film (ou les films) de son choix. La réponse doit
être remise soit par mail à [email protected], soit sur papier libre à l’accueil du cinéma
(dans ce cas, noter la date et l’heure, ainsi qu’un nom et une adresse mail ou postale).
Le film mystère précédent
Si le xénomorphe a un air de famille avec celui d’Alien. Le Huitième Passager, c’est qu’il en est l’ascendant.
L’image est extraite du dernier plan de Prometheus (2012) de Ridley Scott, film prévu initialement comme
une préquelle d’Alien. Félicitations aux rares qui ont reconnu ce film, particulièrement à Francis S. qui a
été le plus rapide à nous répondre et qui a donc gagné deux places gratuites.
Au vendredi 31 juillet, 503 spectateurs ont donné 38 796 €.
Et vous ?
Informations et modalités de la souscription sur le site Web de l’Eldorado
Prochains rendez-vous à l’Eldo
Août
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Mardi 11, 20 h : Avant-première de Les Mille et Une Nuits, volume 3 : L’Enchanté de Miguel Gomes.
Mardi 18, 20 h : Avant-première de Les Mille et Une Nuits, volume 3 : L’Enchanté de Miguel Gomes.
Jeudi 20, 19 h 30 : Projection de More et d’Amnesia en présence du réalisateur Barbet Schroeder.
Cinéma Eldorado
21, rue Alfred de Musset / 21 000 DIJON
Divia : liane 5 et ligne 12 — Station Vélodi à proximité
Site web : http://www.cinema-eldorado.fr — Courriel : [email protected]
Twitter : @CinmaEldorado — Facebook : CinemaEldorado
La lettre d’Archimède
Site web : https://cinemaeldorado.wordpress.com/la-lettre — Courriel : [email protected]

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