La ville est un trou
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La ville est un trou
GAB_Ville_2 5/04/07 17:15 Page 5 Charles Pennequin La ville est un trou suivi de Un jour P.O.L 33, rue Saint-André-des-Arts, Paris 6e GAB_Ville_2 5/04/07 17:15 Page 7 La ville est un trou. La ville est un trou et ses habitants respirent. La ville est un trou et ça respire dedans. Ses voisins ils sont dedans, sont dans un trou. Ses voisins, ses habitantes et habitants, tous y respirent, tous les gens dedans, dans le trou. La ville est un trou et les gens qui lisent, ils lisent tous. Tout le monde voudrait lire. Tout le monde le veut, tout le monde à un moment donné désire. Tout le monde désirerait parler. La ville est un trou, tous à l’intérieur. Tous les voisins avec le journal. Le journal est un trou, car le trou c’est tous les jours qu’il est là. Il est dans la ville. La ville est un trou, la ville respire, ses voisins ont des paroles, ils voudraient bien parler. Les voisins parlent, ont envie d’avoir des conversations, ont envie de créer des liens. Toute ville est un trou à liens. Toute ville est un trou. Le lien forme le monde. Le monde est liant, est une sauce. Le trou fonctionne. Les journaux sont imprimés la veille. Les journaux sont pour le lendemain, ou pour le jour même. Le jour même est un trou. La veille au lende7 GAB_Ville_2 5/04/07 17:15 Page 8 main. Tout est un trou. Mais la ville est un trou. Et ses voisins dorment dedans. Ses voisins font des rêves. Ils rêvent qu’ils chutent. Ils rêvent qu’ils tombent, mais ils se font pas trop mal. Ça rebondit. La ville est un trou. Les gens rebondissent. Ils se réveillent. Ils sont dans un trou, mais tout va bien, le journal est imprimé la veille pour le lendemain. Entre les deux, c’est le quotidien. Entre les deux, les voisins ont le choix, ils peuvent dormir ou tomber. Et quand ils dorment, ils tombent aussi. La ville est un trou où tomber. La ville est avec ses habitants et ça respire. C’est tout dedans. C’est respirant. C’est un trou, c’est un trou qu’il y a dans tous les habitants. Ils veulent tous parler. Ils veulent tous avoir du langage. Ils viennent acheter le journal. Le journal est un trou pour les habitants des villes. La ville est un trou. Le trou fonctionne. Les voisins continuent de dormir. Les voisins ont acheté une voiture. Ou c’est une mobylette. Ou c’est un camping-car. Ils vont sur leur petit terrain. Leur petit trou hors de la ville. Mais la ville est un trou. Ils y vont avec le camping-car, ils ont acheté aussi une moto. Ils détruisent les arbres. Ils n’aiment pas les arbres avec des fruits dedans. Les arbres avec des fleurs. Ils n’aiment pas ça. Ils aiment le gazon. Ils ont un beau gazon propre et font des sourires en mettant les mains sur les hanches. La ville est un trou. Les voisins ont mis les mains sur les hanches. Les voisins ont mis du pvc. Les voisins ont mis des dalles. Les voisins ont mis le double vitrage. Et puis ont fait des trous. Ont mis des trous partout. Et puis un jour le voisin se casse la margoulette. En ville on sait bien ce que ça veut dire, on lit ça 8 GAB_Ville_2 5/04/07 17:15 Page 9 dans les journaux. On lit qu’un voisin s’est cassé la margoulette. Ça veut dire qu’il était à moto dans la ville, il s’est pointé au centre. La ville est un trou et il a glissé. On lit ça dans les journaux. Ou ailleurs. On le lit dans la ville, ou dans les journaux d’ailleurs. Ou alors, on lit ça ailleurs. Pas dans les journaux, mais ailleurs. Les journaux sont un trou, et les habitants avec, et leur pensée avec. Et ailleurs aussi. Ailleurs est un trou. Ils n’ont qu’une seule pensée. C’est la pensée des habitants du trou, de n’importe quel trou. Le trou d’ailleurs ou le trou d’ici. Ils n’ont qu’une seule pensée, et ils se torchent dedans. Un jour, le voisin a glissé avec sa moto, ou alors c’est sa fille. Il met sa fille sur la moto. C’est un tout petit bébé. Et pour rigoler il la met sur la moto, et il démarre, pour rigoler. Et la moto l’écrabouille. C’est comme ça en ville. Car la ville est un trou, et ses habitants sont dedans. Et ça rigole. Et c’est comme ça. Et les voisins respirent. Ils s’imaginent que tous les matins il faut se regarder. Moi monsieur je me regarde. Moi monsieur j’ose encore me regarder dans la glace. Moi monsieur dans la ville dans mon cabinet. Moi monsieur mon cabinet ma ville ma toilette monsieur. Moi dans les toilettes monsieur dans les cabinets. Moi faire ma toilette et après moi monsieur, après m’être toiletté, moi monsieur faire le visage dans le miroir et regarder par le trou. Le trou du visage moi monsieur. Moi monsieur j’ai deux trous pour regarder. Et moi monsieur je dévisage les trous. Et les habitants sont tous comme ça. Ils sont tous voisins et tout le monde s’ignore. Ils ignorent leur voisin. Puisqu’ils le dévisagent. Et qu’ils sont dans un trou. Et dans un trou on ignore tous les voisins du monde. 9 GAB_Ville_2 5/04/07 17:15 Page 10 Moi monsieur dans mon trou je m’a regardé et je m’a vu. Et moi monsieur je n’aime pas les tulipes qui poussent et je va au boulot. Et moi monsieur quand je va au boulot je n’aime pas les tulipes qui poussent. Moi monsieur je pars à mobylette. Et moi je pars à scooter. Et moi monsieur je vais en voiture. Et moi je pétarade. Et moi je démarre au feu vert. Et moi je m’arrête au feu rouge. Et moi je m’en fous. C’est un feu orange. Ou alors il est rouge. Ou alors je m’en fous. Et moi monsieur la ville est un trou. Et il faut faire attention. Il y a une vieille publicité qui le dit. Il n’y a que les voisins de plus de quarante ans qui la connaissent. Peut-être aussi certains ont quarante ans tout juste, peut-être même moins. Trente-neuf ans. Trente-neuf ans dans cette merde, comme ils disent. Trente-neuf ans à vivre dans ce trou. Trente-neuf ans dans un trou à attendre qu’on meure. Ils disent tous ça les voisins. Ils disent qu’est-ce qu’on attend pour s’endormir. Il y a une vieille publicité qui dit ça. Qui dit quoi. Qui dit faut s’endormir. Ou peut-être pas. Peutêtre elle dit : Et si tous les jours on est dans la même ville, et que la même ville est un trou, et qu’on a trente-neuf ans, et qu’on est dans la merde, et qu’on prend le même trajet pour aller du trou au trou, et que même si le trou change pas en cours de route, il faut pas s’endormir. Car on aura un accident. Moi monsieur j’ai eu des accidents. Je me suis cassé la margoulette. J’ai planté la bobine. Et j’ai planté des clous aussi. J’ai pratiqué des trous. Et astiqué du mou. Et rebranlé du chef. Et remonté la pente. Puis repété les plombs. Moi monsieur maintenant je va beaucoup mieux, je fais des barbecues pour les voisins de la ville, de la ville est un trou. Ce sont de jolies demoiselles. Et 10 GAB_Ville_2 5/04/07 17:15 Page 11 je vais les baiser dans le jardin moi monsieur. Et ce sont des lesbiennes, et elles viennent toutes les deux des beaux-arts, et elles baisent, et elles me regardent avec mes saucisses, et ça leur fait du bien. Sauf qu’il fait chaud tout là-haut, tout là-haut dans le ciel il fait très chaud. Plus on se rapproche du soleil et plus il fait chaud. Et plus ça va et moins ça nous vient. Voilà. Plus ça va et plus le voisin se souvient de rien. Il se souvient qu’il était juste à terre, quand il a marié sa fille. Ou alors c’était sa communion. Il était tellement bourré moi monsieur qu’il a dormi sur le gazon. Et ils ont coupé l’arbre. Pourtant sa fille aimait l’arbre, et aurait aimé qu’il reste là. Mais les voisins ont voulu le couper quand même. Le jour de sa communion. Ou bien le lendemain. Le lendemain du mariage. Car tous les voisins sont des cochons. Les voisins sont tous des cochons. Ils lisent tous la même chose. Moi monsieur il n’y a qu’avec la voisine que je lis Kafka. Et Kafka dit bien que nous sommes tous des cochons. Ce sont des porcs tout nus qui gambadent, dit-il. Ils sont nus sur la terre. Les cochons ont l’impression d’habiter des cabanes, et de monter des huttes. Mais les cabanes sont dans leurs têtes. Les huttes c’est de la fiction. Moi monsieur, les huttes c’est pour nous faire croire qu’on est au chaud à deux dans la cabane en train de lire. Mais qu’est-ce qu’on peut lire tous les deux avec nos robes de chambres et avec Kafka. Tous les deux avec nos coussins sous la tête. Tous les deux avec notre pyjama et nos pantoufles. Alors qu’il n’en est rien. On est tout seul. Et on lit pas. Et on est nus sur la terre. Et on a froid. Et on est des cochons. Et on va crever. 11 GAB_Ville_2 5/04/07 17:15 Page 12 Kafka dit ça. Il dit moi monsieur j’ai décidé de crever. Moi monsieur j’ai pris la décision, tout le monde devrait en faire autant.Tous les voisins décident de crever. De toute façon ils vont mourir, qu’ils la prennent ou non cette décision, ils meurent. Mais là au moins ils auront réalisé quelque chose dans leur vie. Moi monsieur sinon avec les autres j’ai réalisé ma vie. C’est-àdire j’étouffais. Je réalisais l’étouffement du vivant, et ce en compagnie des autres. Je n’étais pas seul à étouffer du vivant. Chacun étouffait dans son coin. Chacun avait son chacun à étouffer tranquillement. Moi monsieur tranquillement je me suis étouffé comme ça. Ou plutôt je me ratatinais. J’étais dans mes talons. Et me montais dessus. C’était des talonnettes. Moi monsieur je mettais des talonnettes pour me ratatiner. Allez savoir pourquoi. Pourquoi on fait dans le ratatiné. Chacun fait son ratatiné à lui. Chacun n’a pas le désir de crever pourtant. Chacun voudrait bien vivre. C’est pour ça que chacun regarde la télé. Car dans la télé ils disent que chacun habite dans un trou. Mais la télé est un trou aussi. Et c’est la vie même, c’est-à-dire que chacun tourne en rond. C’est là qu’on a des bords, et qu’on peut transporter.Tout au moins on dit ça. On dit dans la télé qu’ils disent : vous aurez des poignées. On dit dans la télé qu’ils disent : vous vous transporterez. On dit dans la télé qu’ils disent : faites un gros tas avec tous vos problèmes. On dit dans la télé qu’ils disent : faites un gros trou et jetez tout. On dit dans la télé qu’ils disent : mourez sans engagement de votre part. On dit dans la télé qu’ils disent : sans obligation d’être vivant. On dit dans la télé qu’ils disent : mourez à prix coûtant. 12 GAB_Ville_2 5/04/07 17:15 Page 13 Le voisin meurt sans engagement de sa part. Il regarde la télé avec son chien. C’est un gros chien. Ou alors c’est un petit. C’est un tout petit chien. Une petite boule qui le suit. Depuis qu’il est tout petit la petite boule le suit. Depuis tout petit qu’il est. Et qu’il est son voisin. Et qu’il est dans un trou. Il est suivi d’une boule. Allez savoir pourquoi. Le mal-être ça n’attend pas. Un jour il s’est cassé la margoulette. Il avait un journal avec lui. Un journal où c’était marqué en tout petit que la ville est un trou. Et ses habitants dedans. Ses habitants qui respirent. Ses habitants qui ont des sentiments. Ses habitants qui s’imaginent quoi. Ses habitants qui s’imaginent qu’ils pourront faire quoi. Ses habitants qui ont des idées de comment élever quoi. Avec des coups de pied au cul par exemple. À coup de taloches. Comment élever quoi avec des baignes, par exemple. Comment élever quoi sous la torture. Et comment martyriser quoi. Et comment passer de quoi à quoi. On passe de quoi à l’enfance, par exemple. Et comment se passer d’exemple. En passant mieux l’enfance à quoi. On passe l’enfance au père. Le père est un martyrisé. Comment le père du voisin rentre comme ça du boulot. Le père du voisin rentre comme ça du boulot : à coup de taloches. Le père du voisin ramène que son pinard des courses. Un jour le père du voisin revient tous les jours cuit. La ville est un trou : qu’on les foute tous dedans, et on sera bien débarrassé ! 13 GAB_Ville_2 5/04/07 17:15 Page 14 Moi monsieur j’ai des sentiments, et j’ai des enfants dedans, et mes enfants je leur donne la priorité. C’està-dire je veux pas qu’ils crèvent moi monsieur. Moi monsieur mes enfants sont déjà crevés. Car je les ai faits nés. Et c’est pour ça moi monsieur que je veux les voir, mais pas qu’ils crèvent. En fait le voisin ne sait pas ce qu’il veut, il veut des naissants mais il veut rien dedans. Je veux dire moi monsieur quand on veut du naissant, on veut que ça nous crève dedans. Sinon : on laisse faire. On laisse dame nature. Et dame nature c’est elle qui décide si tes enfants doivent crever avant toi ou pas. S’ils crèvent après le voisin tant mieux. S’ils crèvent avant lui tant pis. D’ailleurs je pense que je crèverai après lui. Car lui il est plus vieux. C’est mon voisin qui m’a dit ça. Il m’a dit : laisse-le crever. Ou plutôt il a dit : laisse-le, il crèvera bien. Et ça crèvera d’avant nous. Et nous on sera tranquille à ce moment-là. Ça fait quarante ans de ça. Quarante ans et le voisin n’est toujours pas crevé. Et on n’est pas tranquille. On a toujours peur de se casser la margoulette. De se rompre le cou. De se casser la vertèbre. De se fendre d’un truc. De se briser en quelque chose. Moi monsieur je me suis brisé en tout seul. Je suis un brisé de naissance. Et moi monsieur je n’ai rien à vous dire. Je n’ai pas de parole. Et moi monsieur je n’ai pas la possibilité d’échanger le moindre avis. Car je n’en ai pas. Voilà. La ville est un trou, et les habitants n’ont pas d’avis. Mais ça respire toujours. Et les habitants pensent quoi. Et tout le monde pense aussi quoi. Quoi pense dans tout le monde. Tout le monde s’agite. Tout le monde s’éparpille. Et pourquoi je m’éparpille. Et pourquoi je ne dis pas popo toute la sainte journée. Si 14 GAB_Ville_2 5/04/07 17:15 Page 15 je disais popo toute la sainte journée à mon voisin estce que ça le fatiguerait. Si je le croise dans la rue je lui dis popo. Si je croise ses rejetons popo. Si je croise sa femme. J’aime toutes les femmes. Le voisin aussi. Il aime bien regarder la voisine. Il aimerait la sauter. Il sauterait toutes les femmes. Il dit ça à sa voisine. Je veux te sauter toute. Tu seras la toute sautée. La sautée totale. Celle qu’on saute avant de sauter. Qu’on a toujours en saut, dans la tête. Qu’on pense en tête. C’est-à-dire qu’on saute. Avant d’être. Qu’on voit en soi. C’est-à-dire en saut. En son propre sauté d’être. Qu’on se voit avant, quand on y était. Quand on était dans le saut. C’est le saut du popo. Celui qui fait qu’on tente toujours de sortir. De se sortir en sautant l’autre de soi. La ville est un trou, et ses pensées avec. Ses petites pensées de mirliton. Ses petites pensées qui vont dedans et avec un couvercle. Il faut toujours être démoli. Toujours sembler être le démoli terrien. Le démoli de toute terre. Tous les jours il semble qu’on a son équivalent de terreau dans la main, ou dans l’os. C’est dans l’os de la main qu’on a son équivalent en mort, en mort terrien de terreau, et de tais-toi donc. Va donc te taire en toi. Tu es terrien et tu te terres dans un trou. La ville est un trou et le voisin s’est fabriqué une voix. Il dit : c’est la première des machines sans doute. Il dit : une machine de merde sans doute. C’est parce qu’il a pas sa place le voisin. Il dit : j’ai pas ma place de voisin dans la nature. Alors j’habite dans la ville. Et alors la ville est un trou. Il dit : je vois pas pourquoi j’ai inventé la parole, si c’est pas pour foutre au trou 15 GAB_Ville_2 5/04/07 17:15 Page 16 le langage. Hier déjà le voisin détruisait tout. C’est pas nouveau je dis. Moi monsieur j’ai tout détruit. J’ai détruit la nature depuis que vous êtes nés. Et depuis que je suis né moi aussi je détruis tout. Moi monsieur il n’y a rien de nouveau là-dedans. Car moi monsieur la machinerie est en marche. Le développement des voisins est une sorte de tumeur. C’est ce qu’il dit le voisin. Mais la tumeur est une bulle qui m’entoure, et le reste je le passe à la moulinette moi monsieur. Car j’ai toujours programmé ça. Avec ma moulinette. Et je peux pas faire machine arrière. Car je me souviens de rien. Et c’est pour ça qu’il brode. Il faut bien broder sa vie quand on se souvient de rien. Moi monsieur je me souviens je naissais. Et moi monsieur je me suis mis à naître. Et après. Après j’a mouru. Et après. Car après vivre on nous a pas dit de vivre. Et avant non plus. Avant la nuit du vivant, il y a la nuit d’avant vivre. La grande nuit. Et puis après, y a la grande nuit d’après. Et on nous a dit de vivre en plein milieu. Et le voisin a dit : allez vous faire foutre. Oui monsieur. Mon existence est un squat. Oui monsieur. Défense d’entrer veut dire : je m’enterre. Oui monsieur. Je suis entré veut dire : j’enterre. C’est tout. Je m’enterre dans tout. Et c’est pas une vie. C’est pas une vie de s’enterrer dans tout. Une vie à entériner l’existence. C’est ça que tout voisin devrait dire. Il dit : je m’entérine ici. J’existe. Je suis propriétaire. Propriété égale je prie pour exister. Propriété j’enterre. Je prie pour y être. Propriété égale la ville est un trou et ses habitants foncent dedans. Propriété égale ils foncent dans le trou. Et c’est celui qui ira le plus vite. C’est celui qui rejoindra son trou au plus vite. Son petit trou de vite. C’est ça qu’il voit rejoindre. Il se rejoint en vitesse. Car la vie est 16 GAB_Ville_2 5/04/07 17:15 Page 17 un trou. C’est sa propriété. Propriété égale on n’a plus de nouvelles de nous depuis qu’on est né. De notre propriété à nous. Et ça nous est égal. On est tellement égal qu’on regarde les émissions. Le millionnaire est un jeu de la française des trous du cul qui se regardent, qui regardent leur trou du cul. Car qui veut gagner des millions à part des propriétaires. C’est-à-dire des trous du cul désinsérés qu’on réinsère. On les refout au trou. Car il leur faut gagner la vie. Et gagner le cœur de la voisine. Gagner son trou du cul aussi. C’est pour ça que les voisins se regardent. Ils se regardent en trou télé. Car la télé est un trou, et ses habitants avec. Prions pour eux. Prions pour que la religion et que l’état, et prions pour que le patronat et que le flicanat. Prions pour que l’industrie et que le cul et que le dow jones, et pour que l’industrie du cul et que le dow jones. Prions pour que les télés et les commentateurs sportifs et les bons analystes avec les bonnes analyses. Prions pour que les moralistes et prions pour que les présentateurs avec les moralistes et les commentaires sportifs qui vont bien. Prions pour que la communication et que la culture avec la consommation et la communion des esprits. Prions pour que tout ça leur prête vie. Nous avons les moyens de vous faire exister. La vie est un trou du cul et vous mourrez à prix coûtant. Et le voisin lit Cioran à sa voisine. Et Cioran dit quoi. Il dit je suis un tas avec du rien dedans. Ou : je suis en carton-pâte et on a mis des trous pour voir. Ou : je suis mon isolement en fosse commune. Il a bien dû dire ça. Ou il aurait pu le dire. Comment on fait pour ne plus être né. On naît dans l’isolé. Comme une insolation. On est tout insolé de soi. Dans une 17 GAB_Ville_2 5/04/07 17:15 Page 18 fosse où on croit être. Mon être qui pend au bout de ma vie. Mais ma vie est un trou et je n’ai pas l’impression d’y être. Je n’ai pas l’impression d’être vivant. Je n’ai pas l’impression mais je peux me tromper. On peut se tromper d’impression. On peut qu’interpréter. Là j’interprète que je suis pas vivant. C’est qu’une interprétation au vu du cadavre. C’est en voyant le cadavre que je me suis dit que je devais pas être vivant dedans. C’est en me voyant là, comme un cadavre. Mais je peux me tromper. Ce n’est peut-être pas un cadavre. Ou pas encore. C’est peut-être pas demain la veille qu’on se verra vraiment cadavre. Mais en tout cas je me suis pas vu vivre dedans. Dedans le demain du cadavre. Car demain le dedans du cadavre c’est aujourd’hui que je le sens, et ça fait tout bizarre. Ça fait tout bizarre de se sentir dans un cadavre. Faites un gros trou dans les problèmes. Ça y est j’ai besoin de tes clefs la poitrine va arriver Carter j’ai eu une femme qui s’est fait mordre par un chien les femmes adorent consoler les hommes tristes homme en état de choc attention prêt à le soulever sortie d’une balle au-dessus de l’omoplate laissez-le mourir je suis sa mère laissez-le mourir c’est le diable ça charge on dégage il fibrille toujours laissez-le mourir je suis sa mère c’est le diable parfait drain thoracique poussezvous non inutile il a tué deux garçons aujourd’hui un autre le mois dernier vous auriez dû le laisser mourir. La vie est un trou et nous avons les moyens de vous faire exister.