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RACINES. Vivre entre Sèvre et Loire
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VIE LOCALE
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PORTRAIT
“Benoît s’il te plaît,
dessine-moi un oiseau”
Insectes, mammifères, oiseaux…. Peu de “bestioles” des bois et
des prés échappent à Benoît Perrotin. Et à son coup de crayon !
D
es écureuils espiègles sur une branche, une
couleuvre vipérine glissant dans l’eau, une
série d’oiseaux aux noms audacieux : gobemouche noir, fauvette grisette, linotte mélodieuse… Les dessins naturalistes du
Pouzaugeais Benoît Perrotin habillent, jusqu’au 5 avril, les murs
du centre régional de la biodiversité de Beautour(1), à La Rochesur-Yon. “Sur le vif”, l’exposition résume parfaitement sa façon
de travailler : “Ces 25 planches de croquis, tous exécutés en extérieur,
montrent des espèces (animales ou végétales) que l’on peut observer
à Beautour.”“Cette première exposition temporaire est née d’une belle
rencontre : de notre volonté d’avoir des expos temporaires et de la
proposition de Benoît, explique Alain Bulteau, directeur du centre.
Je le connaissais surtout par son livre de croquis sur le Burundi(2).
Ensemble, on a "co-fabriqué" l’exposition avec ses planches originales,
tirées en grand format. "Sur le vif" tournera ensuite dans les Pays de
la Loire, et sera présentée au Festival du film animalier de Ménigoute.”
Les croquis de Benoît Perrotin, saisis en milieu naturel au
crayon graphite, ou ses aquarelles achevées en atelier, sont le
fruit d’une patiente observation et d’une connaissance sans
Lunette coudée, feuille blanche et crayon à la main, Benoît Perrotin s’est installé pour dessiner près de l’observatoire de la réserve naturelle de Saint-Denis-du-Payré.
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RACINES. Vivre entre Sèvre et Loire
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faille de la faune. Pantalon gris, blouson sombre, chaussures de
marche, crayon ou fusain à la main, l’homme se fond dans les
sous-bois, se cache dans les herbes du marais. Sans bruit, il
observe, repère, guette... Il esquisse un trait, lorgne dans sa
lunette coudée installée sur trépied, crayonne… Un vrai paparazzi des animaux ! “Pour une mésange charbonnière, pas besoin
de camouflage. J’écoute pour savoir où elle se tient. J’étudie son comportement : ai-je le temps de faire une planche complète ou juste
quelques croquis ? Après, c’est un travail de mémoire visuelle, pour
retranscrire son attitude. Pour d’autres espèces, comme la genette
d’Europe, animal nocturne, on repère les "crottiers"(car elle fait ses
crottes toujours au même endroit). On s’en fait un affût de nuit. La
première nuit, je ne verrai peut-être rien ; la deuxième non plus,
mais au bout de la quatrième, il se passera quelque chose.” Silencieux,
hors de portée du vent et posté dans un angle favorable, il
attend. “Un soir, je me suis retrouvé entouré par une famille de
blaireaux : les jeunes venaient me sentir les pieds. Je suis resté immobile, derrière un haut fragon. Les blaireaux, myopes, ne se sont pas
sentis agressés. Pour eux, il y avait quelque chose d’inhabituel, mais
ils ne savaient pas quoi. Ils étaient troublés, inquiets… et curieux.”
L’observateur émerveillé
Le dessinateur pose sur la nature un regard peut-être candide
(voire “sûrement naïf”, sourit-il) ou émerveillé par ce qu’il découvre, mais celui qu’il tourne vers les hommes n’est pas tendre.
“L’homme inflige des plaies à la nature qui pourrait lui renvoyer
une belle "gifle". Par excès d’orgueil des hommes, on aboutit
aujourd’hui à des aberrations, comme c’est le cas pour le paysage de
Sotchi, lieu des Jeux Olympiques. Un vrai gâchis !”
“Depuis que je suis gamin, j’adore dessiner. À l’adolescence, vers
12-13 ans, je me suis passionné pour la nature. Mes deux passions
se sont rejointes.” Fort d’un Brevet d’État d’Animateur Technicien
de l’Éducation Populaire et de la jeunesse (Beatep), il s’engage
sur la voie de l’animation Nature en Vendée : guide sur la réserve
naturelle de Saint-Denis-du-Payré dès 17 ans, il est embauché
ensuite par l’association la Boulite à La Flocellière, près de chez
lui et de ses chères collines (“mes montagnes vendéennes!”). De
1994 à 1998, au sein du Conseil général de la Vendée, il initie
ou collabore à diverses réalisations (exposition sur le fleuve
Yprésis, CD-Rom sur la migration des oiseaux dans le Marais
breton vendéen, à l’écomusée du Daviaud…).
“J’ai commencé à dessiner dans le bulletin du Groupe ornithologique vendéen. La connaissance des animaux, des oiseaux, et de la
nature en général, ça s’acquiert sur le terrain ou en échangeant avec
d’autres naturalistes : on s’enrichit de leur expérience. Personnellement, je m’intéresse plutôt aux oiseaux, aux mammifères, aux reptiles
amphibiens et aux orthoptères (grillons, sauterelles, criquets…).”
En 2002, le dessin l’emporte sur l’animation. Artiste indépendant, il fait de sa passion son métier. Il le diversifie et répond
VIE LOCALE
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Une des planches de l’expo de Beautour : croquis d’un grosbec casse-noyaux.
à des commandes de créations : signalétiques pour des sentiers
de balades (collectivités territoriales), réalisations muséographiques (comme celle de la Maison de la réserve naturelle de
la baie de Saint-Brieuc), illustrations de livres naturalistes(3)…
À 42 ans, il jouit aujourd’hui d’une belle notoriété, en étant
publié dans Terre Sauvage ou La Salamandre, magazine animalier(4), fondé à Neuchâtel par un autre fondu de nature, Julien
Perrot. “Le monde des illustrateurs naturalistesest un tout petit
réseau. J’ai participé au premier festival de la Salamandre à Morges,
en Suisse. J’y ai rencontré Julien. Le dernier dossier sur lequel on a
bossé, c’était sur le grillon champêtre. Il m’a sollicité récemment pour
faire quelques illustrations autour de l’escargot, à paraître en avril.”
Yvelise Richard
(1) “Sur le vif, croquis et aquarelles de Benoît Perrotin”, au centre Beautour, Accès
Parc Éco, à La Roche-sur-Yon. Tél. 02 51 24 32 40.
(2) Burundi : Cœur de l'Afrique, avec Louis-Marie Préau, aux éditions Hesse (2012).
(3) L’artiste a participé au Guide de la nature dans le Marais poitevin, avec Éric Rousseaux (Geste éditions, 2010). Il a écrit les Carnets naturalistes en Vendée (Nathan, 2004).
(4) La Salamandre, la revue des curieux de nature, www.salamandre.net.
Vive les jeunes et la scien ce !
Ouvert en juin dernier, le centre régional pour la biodiversité de Beautour redonne vie à l’héritage du naturaliste vendéen Georges Durand (1886-1964). Financé
par la Région, le site veut sensibiliser à l’environnement
et au développement durable. L’exposition permanente
présente plus de 80 pièces de la collection Durand. “Sur
le vif” sera suivie par une expo sur l’Atlas des oiseaux
nicheurs des Pays de la Loire (publié chez Delachaux
et Niestlé), et cet été par une expo sur les coccinelles.
Scolaires et scientifiques peuvent se croiser sur le site:
les premiers pour des animations et des ateliers nature;
les seconds, œuvrant dans la recherche et l’innovation.
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