La fonction de direction dans l`enseignement fondamental

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La fonction de direction dans l`enseignement fondamental
Note commune aux fédérations de pouvoirs organisateurs de l’enseignement subventionné et à l’enseignement organisé par la Fédération Wallonie‐Bruxelles (CECP, FELSI, SeGEC, Communauté française) La fonction de direction dans l’enseignement fondamental ‐ État des lieux Les missions des directeurs de l’enseignement fondamental en Communauté française Les missions des directeurs d’écoles maternelles, primaires et fondamentales sont d’abord définies par le décret fixant le statut des directeurs du 2 février 2007 et ensuite par la lettre de mission que chaque directeur doit négocier avec son pouvoir organisateur pour décliner les règles générales par rapport à la spécificité de l’établissement qu’il dirige. 1 Les missions du directeur telles que définies par le décret fixant le statut du directeur du 2 février 2007 1.1 Les missions générales Article 4 ‐ Le directeur met en œuvre au sein de l'établissement le projet pédagogique de son pouvoir organisateur dans le cadre de la politique éducative de la Communauté française. Dans l'enseignement subventionné, le directeur est le représentant du pouvoir organisateur, auprès des services du Gouvernement et du service général d'inspection. Article 5 ‐ Le directeur a une compétence générale d'organisation de l'établissement. Il analyse régulièrement la situation de l'établissement et promeut les adaptations nécessaires. 1.2 Les missions spécifiques L’AXE RELATIONNEL Article 7 ‐ Le directeur assure la gestion et la coordination de l'équipe éducative. Dans ce cadre, il organise notamment les services de l'ensemble des personnels, coordonne leur travail et leur fixe des objectifs en fonction de leurs compétences et des textes qui régissent leurs missions. Dans cette optique, le directeur suscite l'esprit d'équipe, veille au développement de la communication et du dialogue avec l'ensemble des acteurs de l'établissement scolaire et gère les conflits. Il veille également à l'accueil et l'intégration des nouveaux personnels, ainsi qu'à l'accompagnement des personnels en difficulté. Il suscite et gère la participation des membres du personnel aux formations en cours de carrière, obligatoires ou volontaires. Article 8 ‐ Le directeur est responsable des relations de l'établissement scolaire avec les élèves, les parents et les tiers. Dans ce cadre, le directeur veille notamment à développer l'accueil et le dialogue vis‐à‐vis des élèves, des parents et des tiers. Il vise à l'intégration de tous les élèves, favorise leur bonne orientation et encourage le développement de leur expression citoyenne. 1 La fonction de direction dans l’enseignement fondamental en Communauté française : état des lieux – Janvier 2012 Il fait respecter le règlement d'ordre intérieur de l'établissement scolaire et prend, le cas échéant, les mesures nécessaires. Article 9 ‐ Le directeur représente son établissement dans le cadre de ses relations extérieures. Dans cette optique, il s'efforce, selon ses possibilités, d'entretenir et de favoriser ces dernières et assure les relations publiques de son école. Il assure la coordination des actions à mener notamment avec les centres psycho‐médico‐sociaux (P.M.S.) et peut établir des partenariats. Il peut également nouer des contacts avec le monde économique et socioculturel local, de même qu'avec des organismes de protection de la jeunesse, d'aide à l'enfance et d'aide à la jeunesse. L'AXE ADMINISTRATIF, MATÉRIEL ET FINANCIER Article 10 ‐ Le directeur organise les horaires et les attributions des membres du personnel dans le cadre de la législation existante. Il gère les dossiers des élèves et des membres du personnel. Il veille, le cas échéant, à la bonne organisation des organes de concertation et des conseils de classe prévus par les lois, décrets et règlements. Le directeur gère les ressources matérielles et financières de l'établissement. Dans l'enseignement subventionné, il le fait selon l'étendue du mandat qui lui a été confié par le pouvoir organisateur. Il veille par ailleurs à l'application des consignes de sécurité et d'hygiène au sein de l'établissement. L'AXE PÉDAGOGIQUE ET ÉDUCATIF Article 11 ‐ Le directeur assure la gestion de l'établissement scolaire sur le plan pédagogique et éducatif. Dans cette optique, il anime la politique pédagogique et éducative de l'établissement et évalue la pertinence des attitudes, des méthodes et des moyens mis en œuvre par les membres de l'équipe éducative. Il met en œuvre et pilote le projet d'établissement, et veille à l'actualiser. Le directeur s'assure de l'adéquation entre les apprentissages, les socles de compétences, les compétences terminales, les profils de formation et les programmes ou les dossiers pédagogiques. Il veille à la bonne organisation des évaluations certificatives et des évaluations externes au sein de l'école. Dans le respect de la liberté en matière de méthodes pédagogiques, le directeur collabore avec le service général d'inspection et les autres services pédagogiques. 2 La lettre de mission négociée avec le pouvoir organisateur Article 30 ‐ Dès l'entrée en fonction du directeur, le Gouvernement (pour le réseau organisé par la Communauté française) ou le pouvoir organisateur (pour les réseaux subventionnés) lui confie une lettre de mission. Le Gouvernement, sur proposition de la Commission d'évaluation des directeurs visée à l'article 37, ou le pouvoir organisateur, y spécifie les missions du directeur et les priorités qui lui sont assignées, en fonction des besoins de l'établissement au sein duquel le directeur est affecté. Article 33 ‐ L'évaluation se fonde sur l'exécution de la lettre de mission et sur la mise en pratique des compétences relatives aux axes relationnel, administratif et pédagogique. 2 La fonction de direction dans l’enseignement fondamental en Communauté française : état des lieux – Janvier 2012 Les grandes évolutions du contexte dans lequel la fonction de direction s’exerce en 2011 Nous l’avons vu dans la première partie de ce document, le directeur se voit confier par le législateur une mission générale de mise en œuvre du projet pédagogique de son PO, de représentation de son PO, d’organisation de l’établissement, d’analyse de la situation de son établissement et de promotion des changements nécessaires. De manière plus précise, ses missions sont déclinées en trois axes : relationnel, pédagogique et administratif. Chaque directeur négocie avec son PO une lettre de mission qui explicite, dans le respect du prescrit légal, le mandat qui est le sien au regard de l’établissement qu’il dirige. Ces responsabilités doivent s’exercer dans le cadre de la politique éducative de la communauté française dont l’essentiel est défini dans le décret « Missions » dans le respect des projets éducatif et pédagogique des réseaux. Pour bien appréhender la tâche qui incombe aujourd’hui aux directeurs d’école fondamentale, il est nécessaire de prendre la mesure des changements qui sont intervenus dans notre société. Ces changements affectent l’école en profondeur. Les rapports de l’école avec ceux qu’elle accueille, ceux qui y travaillent et son environnement s’en trouvent radicalement modifiés. Les responsabilités des directeurs s’en trouvent transformées. 1 Le rapport aux familles L’école est aujourd’hui confrontée aux évolutions du modèle familial moderne. Chaque enfant qui pousse la porte de l’école véhicule désormais avec lui un système éducatif singulier avec des normes et des repères différents. L’injonction des familles s’avère souvent paradoxale : l’école doit assurer la meilleure formation possible de leurs enfants et, dans le même mouvement, ne rien faire qui vienne brider leur créativité et leur épanouissement. Jadis, l’école assurait sa mission à l’abri du regard des parents et des familles, chacun assurant sa part de responsabilité : instruction à charge des uns, éducation à charge des autres. Aujourd’hui, les choses sont bien plus compliquées. Marcel Gauchet1 note que « jadis pilier de la collectivité, la famille s’est privatisée, elle repose désormais sur le rapport personnel et affectif entre des êtres à leur bénéfice intime et exclusif ; la tâche éducative est difficile à intégrer dans ce cadre, visant à l’épanouissement affectif des personnes ». La répartition des rôles entre l’école et la famille s’en trouve perturbée : à charge désormais pour l’école d’instruire et d’éduquer. Les parents interpellent aujourd’hui l’école à tout propos qu’il s’agisse de la qualité des repas, de l’organisation des surveillances, de la durée de la sieste, du parascolaire, de la méthode de lecture, etc. Aujourd’hui, la part de ce qui n’est pas discutable dans l’école a fondu comme neige au soleil. Assaillie de revendications individuelles, l’école traverse une période où le projet collectif qu’elle porte est mis à mal. Et ‐ paradoxe ! ‐ c’est au moment où les attentes à son égard sont les plus fortes que l’école est mise en cause et donc affaiblie. Dans ce contexte, le directeur doit tenter de concilier l’inconciliable : garantir le respect des particularités de chaque enfant tout en veillant dans le même temps à leur dépassement pour les inscrire dans un projet collectif d’apprentissage et d’éducation. 1
Marcel Gauchet et Philippe Meirieu, Contre l’idéologie de la compétence, l’éducation doit apprendre à penser, in Le Monde du 3 septembre 2011. 3 La fonction de direction dans l’enseignement fondamental en Communauté française : état des lieux – Janvier 2012 2 Le rapport aux enseignants Dans son rapport aux enseignants, le directeur se trouve face à un défi de même nature. Il occupe ce que le psychanalyste Jean‐Pierre Lebrun2 appelle la « place d’exception » : c’est une place différente des autres, occupée par celui qui est garant d’un projet collectif tout en faisant droit au trajet singulier de chacun. La légitimité de celui qui occupe cette fonction n’était jadis pas contestée. Le simple fait de l’occuper conférait l’autorité nécessaire à son exercice. Ce n’est plus le cas ! Aujourd’hui, cette légitimité ne va plus de soi, et le directeur doit en permanence la refonder. Questionnée de l’extérieur par les familles, la dimension collective du projet de l’école est également mise à mal « de l’intérieur » dès lors que semble se développer, comme en écho de l’individualisme des parents, celui des enseignants. Cet individualisme est de tradition dans le monde de l’enseignement. La conception classique du rôle même de l’enseignant y pousse. Seul maître à bord devant « sa classe », une fois la porte refermée, l’enseignant développe volontiers une attitude un peu « monarchique ». Celle‐ci se trouve probablement renforcée par la rencontre du puissant mouvement culturel d’individuation contemporain et des évolutions pédagogiques de ces trente dernières années qui laisse chaque enseignant libre de le rejoindre par les chemins qu’il jugera les plus appropriés avec de gros risques de manque de cohérence et de continuité. Nouveau paradoxe : c’est au moment où chacun s’accorde sur l’importance d’un exercice collectif du métier que les directions éprouvent de grandes difficultés à mobiliser collectivement leur équipe. La multiplication des temps partiels, la définition du temps de travail des instituteurs en minutes, la difficulté d’organiser les concertations, la définition actuelle de la charge qui se réduit à peu de chose près au face à face pédagogique ne font que renforcer cette évolution. 3 Le rapport au personnel d’accueil Autre évolution notoire, l’école est désormais ouverte tôt le matin et ferme ses portes tard le soir. Autrefois, l’arrivée à l’école avant l’heure était l’exception, c’est aujourd’hui la règle. Les locaux scolaires ne sont plus réservés exclusivement à l’enseignement. Ce sont aujourd’hui également des lieux d’accueil et de garde. Le temps « non scolaire » peut, dans certains cas, dépasser celui qui est consacré à l’enseignement proprement dit. Comme le relève Dominique Ottavi3, on assiste à une banalisation de l’usage des lieux scolaires et à l’effacement des anciens seuils symboliques que constituaient l’entrée et la sortie de l’école. Évolution concomitante : la confusion entre les notions d’enseignement et d’accueil scolaire. Confusion qui se traduit notamment dans le fait que, pour beaucoup de parents, ce sont les services rendus par l’école en termes de garderies, d’études, de repas et de parascolaire qui guident le choix de l’école. Dominique Ottavi pointe encore que cette évolution résulte du fait qu’une nouvelle contrainte s’est installée : le rythme de vie des enfants doit, pour des raisons économiques, être calqué sur celui des parents. La journée scolaire des enfants est alignée sur la journée professionnelle des parents. Un nouveau personnel fait son apparition dans l’enceinte de l’école, chargé d’encadrer les enfants, en dehors des heures de cours, pendant des périodes d’attente, de parenthèses et de présence à la finalité indéterminée. Le personnel d’encadrement voit son importance croître si l’on considère le temps pendant lequel les enfants lui sont confiés et l’action éducative que les parents en attendent. Mais il y a un décalage évident entre les compétences professionnelles de ces nouveaux intervenants et les défis à rencontrer. Il faut cependant nuancer ce constat : d’une part il arrive encore que les enseignants eux‐mêmes assurent une partie de ces prestations et, d’autre part, le dispositif d’ « Accueil Temps Libre » (ATL) a pour objectif la formation des personnels qui encadrent les enfants pendant des activités pensées comme de réels temps d’animation. L’animation pendant ces périodes « non scolaires » reste cependant perçue comme un appoint, alors qu’elles recouvrent parfois la plus 2
Jean‐Pierre Lebrun, Y a‐t‐il un directeur dans l’institution ?, Presses de l’EHESP, 2009. Dominique Ottavi in Marie‐Claude Blais, Marcel Gauchet, Dominique Ottavi, Conditions de l’éducation, Une éducation sans société ? l’expérience quotidienne de l’enfant, Stock, 2008. 3
4 La fonction de direction dans l’enseignement fondamental en Communauté française : état des lieux – Janvier 2012 grande part de l’éducation. Que ces moments soient assurés et organisés par du personnel de l’école ou des communes, les interférences avec le temps « scolaire» sont évidentes, et le directeur est garant de la cohérence de l’action de chacun. La gestion de ce personnel « pas comme les autres » est lourde pour les directions : il travaille dans l’enceinte de l’école, avec les mêmes élèves, à d’autres moments que les instituteurs, ne dépend pas nécessairement ‐ juridiquement parlant – du directeur. Les parents ne rentrent évidemment pas dans ces subtilités. Ils attendent de l’école que tout se passe bien quels que soient le moment et le type d’intervenants à l’œuvre. 4 Le rapport aux intervenants sociaux et de la sphère judiciaire L’école est aussi le lieu où se manifestent et se détectent beaucoup de difficultés sociales et familiales. Bien malgré elle, l’école et son directeur se retrouvent au cœur d’un réseau d’intervenants multiples ‐ police, parquet, juges, avocats, conseillers d’aide à la jeunesse, ONE, etc. ‐ qui sollicitent de plus en plus sa collaboration. Ces questions nouvelles ne se posent pas partout avec la même acuité, notamment selon que l’école est située en milieu urbain ou rural. Les questions de maltraitance enfantine sont bien sûr très présentes. Les directeurs et leur PO doivent se former en matière de procédures à suivre, de secret professionnel, d’autorisation à obtenir et de sécurité à assurer. Ils doivent établir efficacement les relais qui permettent une intervention rapide des services compétents et les retours d’informations nécessaires. Autre domaine qui requiert la plus grande vigilance des directions : les conflits relatifs à l’exercice de l’autorité parentale. L’augmentation exponentielle du nombre de séparations conflictuelles conjuguée à une législation de l’inscription scolaire fort délicate pose aux directions d’incessantes questions quant à la légalité de leurs actes et à l’humanité de leurs décisions. La justice a également fait son irruption dans l’école dans le cadre des conflits entre les parents et l’école. Le moindre désaccord provoque parfois la demande immédiate de changement d’école ; une sanction jugée trop sévère, un incident entre deux élèves, une chute dans la cour de récréation par temps de neige, voilà l’histoire qui quitte la cour de récréation pour la cour de justice après un petit détour par la presse locale. On le voit, les directions et leurs PO sont au cœur de ces problématiques sociales et acceptent avec enthousiasme de relever les défis qu’elles leur posent. Comme nous l’évoquerons plus loin, il est cependant difficile de faire face à ces nouvelles responsabilités sans disposer d’un encadrement social et éducatif minimum, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. 5 Le rapport au politique et à l’administration Il faut enfin noter l’évolution des rapports entre l’école et le monde politique. Face aux problèmes et événements de la vie de tous les jours, fortement médiatisés, les responsables politiques sont sommés de donner des réponses rapides. Ils constatent leur relative impuissance à agir via les politiques classiques, d’emploi, de logement, d’urbanisme, de sécurité ou de prévention. Ces politiques sont de moyen ou de long terme. Nous sommes ici dans le registre de l’immédiateté, dicté par les médias et l’opinion. L’école devient alors l’outil par excellence des responsables politiques, dernier levier « surinvesti » pour tenter de répondre vite aux questions qui ne peuvent trouver de réponses immédiates ailleurs. La tentation est d’autant plus grande que, dès qu’il s’agit d’école, on peut décréter, prendre une circulaire et agir directement sur les contenus des cours ou l’organisation de l’école : problème de mixité sociale, d’obésité, d’homophobie, d’alimentation saine, d’éducation à l’environnement, de violence, d’éducation sexuelle, etc. Marcel Gauchet4identifie bien le problème : « On demande à l’école de résoudre par des moyens pédagogiques des problèmes civilisationnels résultant du mouvement même de nos sociétés et on s’étonne qu’elle n’y parvienne pas. » François Dubet5 disait la même chose autrement : « Il faut déscolariser la société, c’est‐à‐dire sortir de l’idée que l’école doit fabriquer une « bonne » société. L’école doit fabriquer une bonne école. » 4
Marcel Gauchet, op.cit. François Dubet, Déscolariser la société, in Sciences Humaines, n°199, p.35, Décembre 2008. 5
5 La fonction de direction dans l’enseignement fondamental en Communauté française : état des lieux – Janvier 2012 Dans la foulée du constat qui précède, le rapport à l’administration s’est… intensifié ! Depuis quelques années, c’est une véritable pluie de décrets et de circulaires qui s’abat sur l’école et qui rend la gestion administrative des établissements fastidieuse et incertaine. Il faut y voir le résultat des évolutions technologiques qui permettent à l’administration et aux écoles de communiquer toujours plus et toujours plus vite. De manière paradoxale, l’informatisation de la gestion administrative des établissements scolaires n’a pas, loin de là, réduit la charge administrative des directions. Il faut cependant relever de nombreuses tentatives de l’administration pour alléger la charge administrative des écoles au rang desquelles la plus prometteuse est l’interfaçage entre les web‐services SIEL et Primver avec les applications locales des réseaux. Les conditions d’exercice de la fonction de direction Dans n’importe quel secteur professionnel, celui qui éprouve de l’intérêt pour l’exercice d’une fonction de direction se pose généralement trois grandes questions : ¾ Suis‐je compétent et suffisamment formé pour exercer la fonction ? Pourrais‐je parfaire cette formation en cours de carrière ? ¾ La rémunération est‐elle en rapport avec les responsabilités et la charge de travail ? C’est la question de l’attractivité financière qui se pose. ¾ Y a‐t‐il autour de moi les ressources humaines suffisantes pour rencontrer les objectifs qui me sont assignés ? Pour comprendre les problèmes de pénurie qui commencent à se poser ici et là, il y a lieu de faire l’état des lieux de ces trois questions dans l’enseignement fondamental. 1 La formation des directeurs 1.1 La formation initiale C’est le décret du 2 février 2007 fixant le statut des directeurs (article 16 et suivants) qui rend la formation initiale des directeurs obligatoire et en fixe le cadre légal. La formation initiale des directeurs comportera dorénavant 120 heures, ce qui constitue une indéniable amélioration par rapport aux 72 heures exigées dans le cadre du décret du 6 juin 1994 relatif à l’enseignement officiel subventionné ou à l’absence de formation préalable requise dans le réseau libre. Avant le nouveau décret du 2 février 2007, dans le réseau organisé par la fédération Wallonie‐Bruxelles, des formations devaient être suivies préalablement à la passation de 4 épreuves conditionnant l’obtention du brevet. La formation prévue par le nouveau décret comporte une partie commune à tous les réseaux et une partie propre à chaque réseau, ce qui engendre redites et pertes de temps pour les réseaux libre et officiel subventionnés, ce dernier souhaitant par ailleurs que l’accompagnement des nouveaux directeurs soit intégré à leur formation initiale. ¾ La formation relative au volet commun à l’ensemble des réseaux (formation interréseau) compte 60 heures. Elle est composée de trois modules qui visent l’acquisition des compétences de l’axe relationnel, de l’axe administratif, matériel et financier et de l’axe pédagogique. Le volume des 60 heures se répartit en 3 modules, de la manière suivante : ‐ 30 heures pour l’axe pédagogique ; ‐ 10 heures pour l’axe administratif, matériel et financier ; ‐ 20 heures pour l’axe relationnel. 6 La fonction de direction dans l’enseignement fondamental en Communauté française : état des lieux – Janvier 2012 ¾ La formation relative au volet propre à chaque réseau (formation réseau) compte 60 heures. Elle se compose de deux modules qui visent l’acquisition des compétences de l’axe administratif et de l’axe pédagogique et éducatif. Le volume des 60 heures se répartit en deux modules de la manière suivante : ‐ 30 heures pour l’axe pédagogique ; ‐ 30 heures pour l’axe administratif, matériel et financier. Un directeur occupant un emploi définitivement vacant doit être en possession de ces 5 attestations de réussite dans les 2 ans de son engagement dans le poste de direction puisque les 5 attestations sont obligatoires pour l’engagement à titre définitif. Le stage peut toutefois être prolongé d’un an. La formation des directeurs est gratuite. Elle est en principe organisée en dehors des périodes normales de fonctionnement des établissements scolaires (mercredi après‐midi, samedis et congés scolaires). Pour s’inscrire à ces formations, le candidat doit remplir un certain nombre de conditions légales d’ancienneté, de nomination et de titre. 1.2 La formation en cours de carrière (formation continuée) Le décret du 11 juillet 2002 relatif à la formation en cours de carrière des membres du personnel des établissements d’enseignement fondamental ordinaire fixe le cadre de la formation continuée des instituteurs et des directions sans identifier de manière spécifique la fonction de direction. Par formations en cours de carrière, on entend les formations qui sont suivies dans le cadre de la fonction occupée par le directeur. Le décret prévoit que les directeurs ‐ à l’instar des enseignants du fondamental – doivent suivre de manière obligatoire 6 demi‐jours de formation par an. En réalité, une journée est consacrée à la correction et à l’exploitation avec les inspecteurs des résultats des épreuves d’évaluation externe non certificative et deux journées sont organisées par école, centrées sur la dynamique pédagogique et le pilotage de l’établissement. Ces dernières se déroulent essentiellement dans l’école avec l’équipe éducative. Le décret prévoit également, pour les directeurs, la possibilité de suivre 10 demi‐jours de formations sur une base volontaire. Ces formations peuvent être suivies soit à l’Institut de formation en cours de carrière (IFC), soit dans le cadre d’un dispositif que les réseaux sont libres de mettre en place. Dans les faits, les directeurs participent quasi exclusivement aux formations organisées par leur réseau. Dans l’enseignement officiel subventionné, le CECP organise une formation de huit demi‐jours à l’intention des nouveaux directeurs s’articulant autour des axes suivants : ‐ Redéfinition du cadre organisationnel ; ‐ Axe administratif et organisationnel ; ‐ Axe pédagogique ; ‐ Axe relationnel. Dans l’enseignement de la Communauté française, la formation continuée destinée aux directions du fondamental est inscrite dans un continuum, se décline dans les domaines relationnel, pédagogique et administratif. Elle repose sur différents axes comme : - l’identité et les valeurs qui animent les établissements du réseau de la Communauté française ; - le pilotage d’un établissement et ses enjeux ; - de la culture d’établissement à l’identification des éléments constitutifs permettant un fonctionnement efficace ; - la conduite de réunions ; 7 La fonction de direction dans l’enseignement fondamental en Communauté française : état des lieux – Janvier 2012 -
la communication et la méthodologie en regard de situations tensionnelles ; l’harmonisation des pratiques méthodologiques et d’évaluation ; la remédiation ; la bureautique au service des directions (matériel, logiciels) ; l’actualisation du programme de gestion scolaire (gestscol). Dans l’enseignement catholique, un dispositif articulé autour de deux axes a été mis en place. Le premier axe se concrétise par un programme de formations modulaires centrées sur les difficultés concrètes rencontrées dans l’exercice de la fonction. Ces formations rencontrent les plans individuels de formation professionnelle des directeurs construits sur base d’un tableau de compétences actualisé. Cette programmation est inscrite dans une planification pluriannuelle étalée sur trois ans. Le deuxième axe cible les aspects collectifs du métier et favorise la construction d’une culture professionnelle commune dans le cadre de séminaires résidentiels. 2 La rémunération dans les fonctions de directions (voir tableau chiffré annexe 1) 2.1 Jusqu’en 2009… une tension salariale faible mais réelle Jusqu’en 2009, instituteurs et directeurs sont rémunérés sur base d’un barème « instituteur », complété pour les chefs d’établissement par un supplément « direction », variable selon le nombre d’élèves de l’établissement. La détention d’un master n’est pas valorisée. Il existe alors (toujours d’application aujourd’hui) 4 catégories de directeurs qui s’articulent autour du nombre d’enfants que l’école totalise : ‐ Barème 177 – Directeur de catégorie 1 ‐ Jusqu’à 71 élèves. ‐ Barème 178 – Directeur de catégorie 2 ‐ De 72 à 140 élèves. ‐ Barème 179 – Directeur de catégorie 3 ‐ De 141 à 209 élèves. ‐ Barème 180 – Directeur de catégorie 4 ‐ A partir de 210 élèves. Le graphique qui suit met en rapport le salaire mensuel brut indexé des directeurs des 4 catégories avec celle d’un instituteur aux anciennetés 0, 10 ans et 25 ans de fonction. 8 La fonction de direction dans l’enseignement fondamental en Communauté française : état des lieux – Janvier 2012 On notera que la tension salariale varie selon l’ancienneté et la taille de l’établissement de 11% à 28%. 2.2 Depuis 2009, situation transitoire hybride… avec une tension salariale parfois inversée Par son arrêté du 14 mai 2009, le Gouvernement de la Communauté française décide de valoriser la détention d’un master6 par les instituteurs et les directeurs. Cela crée une situation hybride où, à côté des instituteurs « classiques », les instituteurs titulaires d’un master font légitimement valoir leur droit nouveau, alors que très peu de directeurs en sont détenteurs. Dans ce cas de figure, le graphique qui suit met en évidence qu’à une exception près ‐ ancienneté 0 dans une école de + 210 élèves ‐ la tension salariale entre l’enseignant « masterisé » et son directeur est négative : autrement dit, les enseignants titulaires d’un master sont mieux rémunérés que leur directeur qui n’en a pas. Le bon sens ne commande‐t‐il pas au directeur de suivre lui aussi une formation universitaire, à l’instar de ce que font de plus en plus d’instituteurs comme en atteste l’explosion des inscriptions dans les facultés des sciences de l’éducation? Certes oui, mais l’ampleur de la fonction permet très rarement de libérer le temps nécessaire pour se lancer dans pareil projet. 6
Master en sciences de l’éducation, master en psychopédagogie, licence en sciences de l’éducation, licence en sciences et techniques de la formation continue, licence en sciences psychopédagogiques, licence en psychopédagogie, licence en politique de formation et psychopédagogie, licence en politiques et pratiques de formation. 9 La fonction de direction dans l’enseignement fondamental en Communauté française : état des lieux – Janvier 2012 2.3 A terme… une tension salariale quasi absente L’horizon que dessine l’arrêté du 14 mai 2009, c’est celui d’une école fondamentale où directeur et enseignants seront tous détenteurs d’un master. Dans ce cas de figure, la tension salariale entre les enseignants et le directeur est dérisoire. Après 25 ans d’ancienneté, elle oscillera selon la taille de l’établissement entre 0.2% et 4.6 %. Ceci signifie que dans l’école fondamentale de demain, telle que la projette le législateur, direction et enseignants seront, à très peu de choses près, rémunérés de la même manière. 3 L’encadrement de la fonction de direction Longtemps, le directeur d’une école fondamentale a été considéré d’abord comme un instituteur qui, accessoirement, se chargeait de la direction de son établissement. En témoigne le fait qu’aujourd’hui encore, dans les écoles de petite taille, le directeur doit assurer un certain nombre d’heures de cours face aux élèves. Le vote en 2007 du décret fixant le statut des directeurs a définitivement acté que la fonction de direction était bien distincte de celle de l’instituteur. Nous avons rappelé les changements culturels majeurs qui ont modifié en profondeur le rôle et les contraintes nouvelles qui pèsent sur l’école et, en premier chef, sur celui qui est responsable de son organisation. 3.1 L’aide aux directions de l’enseignement fondamental Pour permettre aux directions de relever ces nouveaux défis, le décret fixant le statut des directeurs a pris deux types de mesures. Il a d’abord réduit le nombre de périodes de cours qu’un directeur doit assurer : dorénavant les directeurs d’une école de 50 élèves n’auront plus à assurer que 18 périodes de cours (au lieu de 24), ceux des écoles de 50 et 129 élèves 12 périodes et non plus 18, ceux des écoles entre 130 et 179 élèves 6 périodes de cours et non plus 12. Le décret prévoit, d’autre part, pour les établissements d'enseignement maternel, primaire et fondamental ordinaire qui scolarisent au moins 180 élèves (60 élèves dans l’enseignement spécialisé) 10 La fonction de direction dans l’enseignement fondamental en Communauté française : état des lieux – Janvier 2012 une allocation, par élève régulièrement inscrit, pour l'organisation de l'aide spécifique aux directions : ‐ pour l'année scolaire 2007‐2008 : 2,08 euros ; ‐ pour l'année scolaire 2008‐2009 : 12,80 euros ; ‐ à partir de l'année scolaire 2009‐2010 : 20,78 euros. Ces montants sont indexés, dans la limite des moyens budgétaires disponibles, chaque année civile, sur l'indice général des prix à la consommation à la date du 1er janvier. Le montant indexé pour l’année scolaire 2010‐2011 s’élève à 20,91 euros. Les moyens sont alloués à chaque pouvoir organisateur. Ces moyens doivent être utilisés pour financer toute forme de soutien mise en œuvre dans le cadre de la gestion d’un établissement scolaire, à l’exception des tâches pédagogiques. Les moyens peuvent être perçus directement et individuellement par le PO. Mais les PO peuvent également décider de les utiliser avec d’autres PO pour aider les directions dans le cadre d’un projet collectif avec ou sans création d’un centre de gestion. Pour être complet, il faut signaler que les écoles maternelles et primaires autonomes du réseau de la Communauté française bénéficient d’un correspondant‐comptable. 3.2 L’aide aux directions dans l’enseignement secondaire : prise en compte éducative, sociale, administrative et comptable Pour évaluer le degré de reconnaissance des besoins des directions du fondamental, il n’est pas inutile de se pencher sur la réalité de l’enseignement secondaire en la matière. Dans l’enseignement secondaire, depuis longtemps déjà, l’encadrement pédagogique des écoles est complété, de manière organique, par des emplois d’éducateur, d’aide administrative et comptable. Par ailleurs, dans le respect d’un certain nombre de règles dont l’obligation de consulter le personnel, le chef d’établissement peut prélever un maximum de 3% de l’enveloppe « encadrement » (NTPP) pour de la coordination pédagogique, des activités de conseils de classe, ou encore de la coordination école‐société. Enfin, un nombre limité de périodes peut être consacré à un encadrement supplémentaire de personnel d’auxiliaire d’éducation sous la forme de surveillant‐
éducateur ou d’assistant social. Cette approche permet d’assurer un soutien éducatif, social, administratif et comptable au‐delà du travail dans les classes. 3.3 Comparaison fondamental/secondaire Si l’on s’en tient à l’aide spécifique ‐ organique dans le secondaire ‐, la comparaison entre l’enseignement fondamental et secondaire est éclairante : Nombre d’élèves 80 180 300 540 700 900 Nombre d'emplois École fondamentale ordinaire 0 ETP 0,16 ETP 0,21 ETP 0,48 ETP 0,62 ETP 0,8 ETP École secondaire ordinaire 2 ETP (*) 3 ETP (*) 4ETP 7 ETP 9 ETP 10 ETP (*) La norme minimale de maintien d’une école secondaire rend ces situations théoriques sauf pour les écoles en création. 11 La fonction de direction dans l’enseignement fondamental en Communauté française : état des lieux – Janvier 2012 Ainsi, une école secondaire 300 élèves peut compter sur deux emplois de surveillants‐éducateurs et deux emplois administratifs, soit quatre équivalents temps plein (ETP) là où l’école fondamentale dispose de 0.21 ETP. Une école secondaire de 540 élèves se verra octroyer 7 ETP dont au minimum 4 surveillants‐éducateurs, alors qu’une école fondamentale de même taille disposera de 0.48 ETP. Pour être précis, il faut noter que les écoles fondamentales peuvent recourir, selon leurs capacités et dans le cadre de quotas eux‐mêmes insuffisants, à d’autres types de contrats (PTP, ALE, ACS/APE…) qui n’offrent pas nécessairement le degré de qualification requis ni la stabilité nécessaire. Autrement dit, le manque de soutien organique empêche les écoles fondamentales d’engager du personnel éducatif, social et administratif qualifié de manière stable. Contrairement à ce qui est prévu pour l’enseignement secondaire, l’utilisation d’une partie du capital‐périodes pour assurer un réel soutien éducatif, social n’est pas autorisée pour les écoles fondamentales ordinaires, même si des ouvertures pour les écoles en encadrement différencié ont été faites ainsi que dans l’enseignement spécialisé. * Sources des tableaux et figures : SeGEC. 12 La fonction de direction dans l’enseignement fondamental en Communauté française : état des lieux – Janvier 2012 Annexe à la note commune sur « La fonction de direction dans l’enseignement fondamental »
Salaire mensuel indexé d’un directeur et d’un instituteur (avec ou sans master) à différentes échelles d’ancienneté (barème instituteur 301 = 100%) Barème 177 Barème 178 Barème 179 Barème 180 Barème 301 Barème 501
Ancienneté Direction d'établissement < 71 élèves 0 > 210 élèves Instituteur avec master
Instituteur 2.620,73€ 2.727,00€ 2.833,28€ 2.200,66€ 2.748,40€ 114,3% 119,1%
123,9%
128,7%
100,0% 124,9%
3.131,70€ 3.238,01€ 3.344,27€ 3.450,55€ 2.762,75€ 3.515,30€ 113,4% 117,2%
121,0%
124,9%
100,0% 127,2%
4.135,48€ 4.241,78€ 4.348,05€ 4.454,33€ 3.704,84€ 4.848,02€ 111,6% 114,5%
117,4%
120,2%
100,0% 130,9%
25 ans > 141 et < 209 2.514,43€ 10 ans > 71 et < 140 Source : SeGEC 2012 Salaire mensuel brut indexé d’un directeur et d’un instituteur porteurs d’un master (barème instituteur 501 = 100%) Barème 823 Ancienneté 10 ans 25 ans Barème 825 < 140 élèves 0 Barème 824 > 141 et < 209 > 210 élèves Barème 501 Instituteur 2.908,58€ 3.014,85€ 3.121,13€ 2.748,40€ 105,8% 109,7%
113,6%
100,0%
3.590,31€ 3.696,58€ 3.802,86€ 3.515,30€ 102,1% 105,2%
108,2%
100,0%
4.860,12€ 4.966,39€ 5.072,62€ 4.848,02€ 100,2% 102,4%
104,6%
100,0%
Source : SeGEC 2012 * 13 La fonction de direction dans l’enseignement fondamental en Communauté française : état des lieux – Janvier 2012