L`insuffisance androgénique de la ménopause : faut

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L`insuffisance androgénique de la ménopause : faut
Mini-revue
mt Médecine de la Reproduction, Gynécologie Endocrinologie 2012 ; 14 (3) : 236-41
L’insuffisance androgénique
de la ménopause : faut-il la traiter ?
Androgen deficiency in menopause : should it be treated ?
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Catherine Azoulay
Centre de santé de la MGEN
178, rue de Vaugirard
75015 Paris
France
<[email protected]>
Mots clés : androgènes, androgénothérapie, ménopause, vieillissement
Abstract. Androgen deficiency in menopausal women occurs progressively with age but is
more abrupt in surgical menopause. Most often, androgen insufficiency symptoms are a diminished sense of well-being or dysphoric mood, a persistent, unexplained fatigue and sexual
function changes (decreased libido, sexual receptivity, and pleasure). For the diagnosis, in the
absence of a sufficiently sensitive assay or absolute threshold, free testosterone values should
be at or below the lowest quartile of the normal range for the reproductive age, in conjunction
with the presence of clinical symptoms and adequate estrogen status, without confounding
conditions. Most convincing studies on efficacy of androgen therapy in menopausal women
are those of transdermal testosterone in surgically menopausal women with hypoactive sexual
desire disorder (HSDD). Long term tolerance of this type of treatment is not completely documented. In randomized, placebo-controlled trials of DHEA on sexual function, well-being,
metabolic parameters and cognitive function, no evidence of any efficiency was shown.
Key words: androgens, androgen treatment, menopause, aging
L
médecine thérapeutique
a littérature s’accorde sur le fait
que les androgènes jouent un rôle
important mais sous-estimé dans la
physiologie féminine [1]. Cinq androgènes et précurseurs d’androgènes
sont cliniquement importants : la
testostérone, la dihydrotestostérone
(DHT), l’androsténedione (A), la déhydroépiandrostérone (DHEA) et le
sulfate de déhydroépiandrostérone
(SDHEA) [2]. La testostérone libre est
l’androgène actif, notamment par sa
transformation en DHT. Cette dernière
est en effet l’androgène le plus puissant chez la femme : dix fois plus que
l’A et 20 fois plus que la DHEA ou le
SDHEA.
Seulement, 1 à 2 % de la testostérone circulante est libre. Le reste
est soit lié fermement à la sex hormone binding globulin (SHBG) ou
moins fermement à l’albumine (respectivement environ à 66 et 33 %)
[3]. Les variables qui augmentent les
taux de SHBG peuvent diminuer la
testostérone libre, celles qui diminuent la SHBG peuvent augmenter
les taux de testostérone libre [4]
(tableau 1).
Chez la femme non ménopausée,
les androgènes circulants sont normalement issus :
– des ovaires ;
– des surrénales ;
Pour citer cet article : Azoulay C. L’insuffisance androgénique de la ménopause : faut-il la traiter ? mt Médecine de la Reproduction, Gynécologie Endocrinologie
2012 ; 14 (3) : 236-41 doi:10.1684/mte.2012.0418
doi:10.1684/mte.2012.0418
Médecine
de la Reproduction
Gynécologie
Endocrinologie
Tirés à part : C. Azoulay
236
Résumé. L’insuffisance androgénique de la femme ménopausée est progressive avec l’âge
mais plus marquée en ménopause chirurgicale. Ses signes les plus caractéristiques sont la
diminution de la sensation de bien-être ou humeur dysphorique, une asthénie persistante inexpliquée et l’altération des fonctions sexuelles (baisse de la libido, de la réceptivité sexuelle
et du plaisir sexuel). Pour porter ce diagnostic, en l’absence de méthode de dosage suffisamment sensible ni de seuil précisément défini, on admet que les taux de testostérone libre
doivent se situer dans ou en-dessous du quartile le plus bas des taux normaux de la femme
en période reproductive, en association avec les signes cliniques et un statut œstrogénique
correct, après élimination d’une pathologie confondante. Les seules études convaincantes de
l’effet de l’androgénothérapie chez la femme ménopausée portent sur l’effet de la testostérone transdermique sur la baisse de la libido associée à une souffrance psychologique chez la
femme ovariectomisée et hystérectomisée. La tolérance à long terme de ce type de traitement
reste encore à préciser. Les études randomisées contrôlées contre placebo n’ont montré aucun
effet favorable de la déhydroépiandrostérone (DHEA) sur la fonction sexuelle, le bien-être, les
paramètres métaboliques et la fonction cognitive.
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Tableau 1. Facteurs influençant la concentration
de sex hormone binding globulin (SHBG)
(d’après Mathur et Braunstein [4]).
Augmentation de la SHBG
Diminution de la SHBG
Âge
Grossesse
Contraception orale
Œstrogénothérapie
Atteinte testiculaire primaire
Anorexie mentale
Antiépileptiques
Hyper SHBG-émie
congénitale
Hyperthyroïdie
Cirrhose
Obésité
Androgénothérapie
Progestatifs
Glucocorticothérapie
Insuline
Ménopause
Syndrome des ovaires
polykystiques
Maladie de Cushing
Acromégalie/administration de
Growth Hormone
Hypo SHBG-émie congénitale
Hypothyroïdie
Syndrome néphrotique
– de la conversion périphérique de l’androstènedione et de la DHEA circulantes en testostérone.
Après la ménopause, les androgènes sont majoritairement produits localement dans les tissus périphériques
pourvus en enzymes permettant la transformation de la
DHEA en DHT ou en œstradiol.
Définition
de l’insuffisance androgénique
Il n’y a pas de définition clinique ou biochimique de
l’insuffisance androgénique chez la femme qui soit basée
sur des seuils précis de concentrations sériques de testostérone totale ou libre. Par ailleurs, les techniques de
dosage des androgènes n’ont pas été optimisées pour les
faibles taux féminins de postménopause mais plutôt pour
les taux masculins. Les taux de testostérone totale étant
modulés par la SHBG, la testostérone libre pourrait être un
meilleur reflet du statut androgénique de la femme ménopausée. Peu de méthodes actuelles ont la sensibilité et la
spécificité suffisantes pour réaliser ce dosage en postménopause, d’autant que les taux sériques ne reflètent pas
la production intracellulaire de testostérone à partir des
pro-hormones surrénaliennes et ovariennes [5]. Le guideline de l’Endocrine Society de 2006 [5] recommandait le
développement de méthodes sensibles et spécifiques pour
mesurer la testostérone totale et libre chez la femme tout
au long de sa vie.
Causes d’insuffisance
androgénique chez la femme
Les causes d’insuffisance androgénique chez la femme
sont multiples (tableau 2). Elles peuvent être exogènes ou
endogènes ; trois de ces causes sont détaillées ci-dessous.
Tableau 2 . Causes d’insuffisance androgénique chez la femme
(d’après North American Menopause Society [2]).
Ménopause chirurgicale
Âge
Insuffisance hypothalamique/hypopituitarisme
Insuffisance surrénalienne
Traitement glucocorticoïde
Œstrogénothérapie orale
Hyperthyroïdie
Maladie chronique
L’âge
Les taux de testostérone chez la femme diminuent à
partir de la trentaine, quasiment de moitié entre l’âge
de 20 et de 40 ans, donc bien avant la ménopause [6]
(figure 1). En préménopause immédiate, les taux sont environ divisés de moitié par rapport aux taux de la vingtaine
[7]. Les précurseurs surrénaliens DHEA et SDHEA diminuent aussi substantiellement avec l’âge [8].
Ménopause naturelle
À la fin de la ménopause, les taux de testostérone diminuent dans certains travaux encore de 15 % en moyenne
[9]. Une étude longitudinale [8] sur des femmes de 45 à
55 ans a trouvé une stabilité des taux de testostérone dans
les quatre dernières années avant et dans les deux premières années après les dernières règles. La diminution
de la testostérone semble donc plutôt due à l’âge qu’à
un effet spécifique de la ménopause. L’élévation de la LH
ménopausique pourrait continuer à stimuler la production
d’androgènes par les cellules thécales.
Ménopause chirurgicale
L’ovariectomie bilatérale induit une diminution
abrupte de la production des androgènes ovariens et de
leurs précurseurs que l’on soit en pré- ou en postménopause, où les taux circulants moyens des androgènes
ovariens principaux sont inférieurs chez les femmes
ovariectomisées que chez les femmes non ovariectomisées [10]. La femme en ménopause chirurgicale
constitue donc un bon modèle d’étude de l’efficacité de
l’androgénothérapie chez la femme en insuffisance androgénique.
Diagnostic de l’insuffisance
androgénique en ménopause
Lors du consensus de Princeton [11] en 2001, une
revue des études épidémiologiques et cliniques a été réalisée pour évaluer les effets potentiels d’une insuffisance
androgénique sur les divers aspects de la santé féminine et du bien-être. Du fait du faible nombre d’études
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Taux de testostérone libre (pmol/L)
25
238
20
15
10
5
0
18-25
25-35
35-45
n = 595
45-55
55-65
65-75
Âge
Figure 1. Diminution des taux de testostérone libre avec l’âge (d’après [6]).
analysables et des limites des dosages hormonaux, les
symptômes et les signes cliniques sont d’une importance
majeure pour établir le diagnostic d’insuffisance androgénique chez la femme. Les signes les plus caractéristiques
sont :
– diminution de la sensation de bien-être ou humeur
dysphorique ;
– asthénie persistante inexpliquée ;
– altération des fonctions sexuelles (baisse de la
libido, de la réceptivité sexuelle et du plaisir sexuel).
Des bouffées de chaleur ou une baisse de la lubrification peuvent également être observées, même chez des
femmes correctement substituées en œstrogènes. D’autres
tableaux sont possibles : ostéoporose, diminution de la
force musculaire et troubles des fonctions cognitives ou
altération de la mémoire. La plupart des signes cliniques
sont donc non spécifiques et il n’est pas recommandé
de se contenter du seul diagnostic clinique, surtout en
postménopause où l’absence de traitement hormonal substitutif ou une dépression concomitante peuvent mimer ce
même tableau clinique. Il est donc préférable de porter
le diagnostic d’insuffisance androgénique chez la femme
ménopausée en présence d’une œstrogénothérapie correctement équilibrée.
Pour porter le diagnostic d’insuffisance androgénique
chez la femme [11], en l’absence de méthode de dosage
suffisamment sensible ni de seuil précisément défini, on
admet que les taux de testostérone libre doivent se situer
dans ou en-dessous du quartile le plus bas des taux normaux de la femme en période reproductive (20-40 ans),
en association avec les signes cliniques et un statut œstrogénique correct. Des taux bas isolés ne suffisent donc pas
à porter un diagnostic d’insuffisance androgénique chez
la femme ménopausée.
L’insuffisance androgénique
en ménopause : qui traiter ?
Les signes cliniques de l’insuffisance androgénique à la
ménopause étant non spécifiques, le consensus de Princeton [11] recommande de bien rechercher toute pathologie
confondante avant de démarrer une androgénothérapie
éventuelle, et en particulier :
– un stress majeur récent ou des conflits relationnels ;
– une pathologie thyroïdienne (hypo- ou hyperthyroïdie) ;
– des carences métaboliques ou nutritionnelles (fer,
vitamine D) ;
– d’autres causes d’asthénie chronique (maladie de
Lyme, syndrome de fatigue chronique. . .) ;
–
des troubles psychiatriques (dépression
majeure. . .).
Évidemment, une insuffisance androgénique réelle
peut coexister avec ces troubles et les divers traitements
peuvent être associés.
L’insuffisance androgénique
en ménopause : traiter quoi ?
Traitement par testostérone
L’androgénothérapie chez la femme ménopausée peut
porter sur divers symptômes mais la plupart des études randomisées contrôlées étudient la fonction sexuelle, et en
particulier les troubles du désir sexuel [2], bien que le lien
entre fonction sexuelle et taux de testostérone endogène
n’ait jamais été clairement établi. La faible puissance de
ces études, du fait d’un trop petit effectif ou des méthodes
mt Médecine de la Reproduction, Gynécologie Endocrinologie, vol. 14, n◦ 3, juillet-août-septembre 2012
Body fat (%)
55
r = -0,375
p = 0,045
40
25
0,75
1,00
1,25
1,50
5,0
Peak VO2 (L/min)
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de dosage critiquable peuvent expliquer cette absence
de corrélation mais des études plus solides sur un grand
nombre de patientes n’ont pas davantage établi de lien.
Une étude australienne en particulier, menée par Davis
et al. [12], a évalué les scores de désir et de satisfaction
sexuels grâce à une échelle psychométrique validée, le
« Profil de la Fonction Sexuelle Féminine (PFSF© ) » [13, 14]
chez 1 423 femmes de 18 à 75 ans recrutées au hasard
dans les listes électorales. Aucune relation significative n’a
pu être établie entre un bas score au PFSF© et des taux bas
de testostérone totale ou libre ou d’androsténedione.
Une étude plus récente [15] sur 29 femmes en ménopause naturelle a cependant corrélé positivement les taux
de testostérone à une plus grande capacité aérobique
maximale et les taux de DHEA, SDHEA et androsténedione à une plus grande sensibilité à l’insuline. Les taux
de testostérone étaient négativement corrélés à la masse
grasse de ces femmes (p < 0,10 ; figure 2) Les androgènes
endogènes semblent donc ici associés à un profil morphométrique, métabolique et fonctionnel favorable mais
l’étude porte sur un petit nombre de femmes en ménopause naturelle.
1,75
2,00
r = 0,408
p = 0,028
4,5
4,0
3,5
3,0
0,75
n = 29
1,00
1,25
1,50
1,75
2,00
Log10 Testostérone
Figure 2. Corrélations entre taux de testostérone et mesures morphométriques et fonctionnelles (n = 29) (d’après [15]).
Dans les études randomisées contrôlées avec la testostérone exogène chez les femmes ménopausées, un
effet significatif a été démontré dans le désir sexuel, la
réponse sexuelle et la fréquence des activités sexuelles.
Les essais SM1 [16] et SM2 [17], études pivots du patch
à la testostérone, ont porté sur des femmes en ménopause chirurgicale, chez qui l’insuffisance androgénique
(en particulier les troubles sexuels) est plus marquée. Il
s’agit de deux études multinationales (États-Unis, Canada
et Australie) de phase III, au design identique, portant
respectivement sur 562 et 532 femmes. L’objectif était
l’évaluation de l’efficacité et de la tolérance d’un patch
transdermique à la testostérone (300 ␮g/j) chez la femme
ménopausée chirurgicalement (surgical menopause [SM])
avec baisse de la libido associée à une souffrance psychologique (hypoactive sexual desire disorder [HSDD]).
Les critères d’inclusion dans les etudes étaient les
suivants :
– ovariectomie bilatérale associée à une hystérectomie six mois ou plus avant le début de l’étude ;
– dose stable d’œstrogènes (oraux ou transdermiques) depuis trois mois ou plus avant le début de
l’étude ;
– relation stable, avec un partenaire présent plus de
50 % du temps ;
– vie sexuelle satisfaisante avant l’ovariectomie, perte
significative du désir sexuel et diminution de l’activité
sexuelle après l’opération provoquant une souffrance psychologique (HSDD).
La démonstration objective d’une amélioration de la
fonction sexuelle des patientes à six mois a été faite à partir
de trois instruments psychométriques validés :
– le carnet de recueil de l’activité sexuelle (SAL© ),
permettant aux patientes de quantifier et qualifier précisément leur activité sexuelle totale hebdomadaire ;
– le profil de la fonction sexuelle féminine [13, 14]
(PFSF© ), déjà évoqué, mesurant, sur 30 jours la baisse de
la fonction sexuelle chez les femmes ménopausées dans
sept domaines de la fonction sexuelle (désir, plaisir, excitation, réponse, image de soi, orgasme et inquiétude d’ordre
sexuel) ;
– l’échelle de souffrance psychologique [18] (PDS© ),
mesurant, sur 30 jours, la souffrance psychologique liée à
l’absence de désir sexuel.
Ces travaux ont montré que, après six mois de traitement, le patch à la testostérone augmente le désir et
l’activité sexuelle satisfaisante totale et réduit la souffrance
psychologique secondaire. Davantage d’hyperpilosité a
été constatée dans le groupe traité par rapport au placebo
(7,3 % vs 5,9 %) sans que cette différence n’atteigne
la significativité clinique. Quatre-vingt-onze % à 96 %
des effets secondaires androgéniques (acné, alopécie,
hyperpilosité, raucité de la voix) ont été considérés légers
et se sont révélés réversibles à l’arrêt du traitement pour
la majorité des cas. Une étude américaine devait par la
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Mini-revue
suite confirmer le caractère cliniquement significatif des
résultats de ce traitement [19].
En ce qui concerne la femme ménopausée sans
estrogénothérapie, l’étude Aphrodite [20] a porté sur
814 femmes en ménopause chirurgicale ou naturelle,
atteintes de HSDD et traitées par patch de testostérone
pendant six mois. Le traitement a donné des résultats du
même ordre que ceux des études SM1 et 2, mais le taux
des effets secondaires androgéniques, en particulier de
l’hyperpilosité a été plus élevé dans le groupe traité que
dans le groupe placebo (30 % vs 23,1 %). Un cancer du
sein a été observé chez quatre femmes du groupe testostérone 300 ␮g/j vs aucun dans le groupe placebo mais des
études plus prolongées sont nécessaires pour conclure sur
les effets mammaires à long terme de ce type de traitement.
Enfin, l’étude Intimate NM1 [21] a étudié l’effet du
patch de testostérone chez 549 femmes en ménopause
naturelle atteintes de HSDD et recevant une dose stable
d’œstrogènes oraux avec ou sans progestatif. Le traitement
par testostérone a significativement augmenté le désir
sexuel et la fréquence de l’activité sexuelle satisfaisante
sans effet secondaire notable par rapport au placebo.
Traitement par
déhydroépiandrostérone
Le traitement par DHEA repose sur le rationnel qu’elle
et la SDHEA sont d’importants précurseurs des œstrogènes
et des androgènes (figure 3) et, qu’à ce titre, ils pourraient soulager les signes fonctionnels de la ménopause,
tout en améliorant le bien-être général et la sexualité.
Davis et al. [22] a fait la revue de tous les travaux portant sur l’effet de la DHEA sur la fonction sexuelle, le
DHEA SULFATE
ESTRADIOL
L’insuffisance androgénique
en ménopause : faut-il traiter ?
L’analyse de la littérature montre donc que les seules
études convaincantes de l’effet de l’androgénothérapie
chez la femme ménopausée portent sur l’effet de la testostérone transdermique sur le HSDD. La testostérone par
voie orale, intramusculaire, ou implant est uniquement
disponible dans les pays anglo-saxons. La testostérone par
voie transdermique est commercialisée en France sous le
nom d’Intrinsa® , sous forme d’un patch bihebdomadaire
(délivrant 300 ␮g/j) uniquement indiqué, sur la base des
études SM1 et 2, en association à une œstrogénothérapie,
dans le traitement de la baisse de désir sexuel chez les
femmes qui ont subi une ovariectomie bilatérale et une
hystérectomie (ménopause induite chirurgicalement). Il
est recommandé jusqu’à l’âge de 60 ans et contre-indiqué
en cas de cancer du sein ou de néoplasie œstrogénodépendante. La durée optimale de ce traitement reste encore
à préciser.
La DHEA, disponible sous forme orale (comprimé à
50 mg), ne possède aucune AMM à ce jour chez la femme.
La tolérance à long terme de ce type de traitement
reste encore à préciser. Le rôle des androgènes sur le
5-DIOL SULFATE
DHEA
ESTRONE
bien-être, les paramètres métaboliques et les fonctions
cognitives jusqu’en 2010. Bien que quelques études transversales ont évoqué un lien entre taux bas de DHEA et
altération de la fonction sexuelle, diminution du bienêtre et des performances cognitives en postménopause, les
études randomisées contrôlées contre placebo n’ont montré aucun effet favorable de la DHEA orale dans toutes ces
indications, ni sur les bilans lipidiques ou glucidiques.
ANDROSTÈNEDIONE
TESTOSTÉRONE
5-DIOL
5β-A
ETIO
ETIO-G
5α-A
ADT
ADT-G
DHT
3α-DIOL
3α-DIOL G
3β-DIOL
3β-DIOL G
DHT = dihydrotestostérone ; 5-A = 5-androstènedione ; 3-diol = 5-androstane-3,17-diol
ETIO = étiocholanone; ETIO-G = étiocholanone glucuronide
Figure 3. Métabolisme de la DHEA chez la femme (d’après [22]).
240
mt Médecine de la Reproduction, Gynécologie Endocrinologie, vol. 14, n◦ 3, juillet-août-septembre 2012
développement et la progression du cancer du sein, en
particulier, n’est pas encore parfaitement connu. Plusieurs études in vivo et in vitro démontrent que les
androgènes ont un effet inhibiteur sur l’épithélium mammaire, tandis que la majorité des études épidémiologiques
rapportent une association positive entre des taux élevés d’androgènes et le risque de cancer du sein [23].
L’expression du récepteur aux androgènes semble être un
facteur pronostique positif.
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Conclusion
Le diagnostic d’insuffisance androgénique de la femme
ménopausée doit être posé par le biais d’un dosage de
testostérone libre dans, ou en-dessous, du quartile le
plus bas des taux normaux de la femme en période
reproductive en association avec les signes cliniques et
un statut œstrogénique correct, après élimination d’une
pathologie confondante. En France, la seule AMM de
l’androgénothérapie chez la femme ménopausée consiste
en un patch bihebdomadaire de testostérone (Intrinsa®
délivrant 300 ␮g/j) uniquement indiqué, en association à
une œstrogénothérapie, dans le traitement de la baisse de
désir sexuel chez les femmes qui ont subi une ovariectomie bilatérale et une hystérectomie (ménopause induite
chirurgicalement). Il est recommandé jusqu’à l’âge de
60 ans et contre-indiqué en cas de cancer du sein ou
de néoplasie œstrogénodépendante. La tolérance à long
terme de ce type de traitement reste encore à préciser.
Conflits d’intérêts : consultante chez Procter & Gamble Pharmaceuticals, de 2007 à 2010.
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