La légende du Pont du Diable
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La légende du Pont du Diable
La légende du Pont du Diable (AT 1191) Pré-inventaire De nombreux lieux portent le nom de « Pont du Diable », et/ou sont associés au même type de légendes à propos de monuments qui ne sont parfois que de simples amoncellements mégalithiques naturels ou non. Dans la classification internationale des motifs de la littérature orale (contes, mythes, légendes, etc.) ces récits développent les motifs G.303.9.1.1 : « Devil builds bridge » et S.241.1 : « Bargain with devil evaded by driving dog over bridge first ». Ce type de légende est assez connu et répandu pour avoir été porté sur les planches. À Paris, lors de l’Exposition Universelle de 1937, le Petit Théâtre d’Essai de l’Exposition a monté une pièce d’Henri Ghéon intitulée : « La Parade du Pont du Diable » ; y était contée l’histoire d’un ermite ayant trompé le démon en envoyant un chat sur un pont nouvellement construit (Paris-Soir du 11 novembre 1937) . 1.1.2.1.1 - France 02 - Aisne À Soissons, une tradition notée au siècle dernier par Thomas de Saint-Mars, voulait que l’évêque se rendisse à une tour des anciennes fortifications de la ville, pour y exorciser le Diable. Ceci parce que l’architecte du pont lancé sur l’Ame pour relier Soissons à St-Waast s’était fait aider par le Diable, en échange de la treizième âme qui passerait dessus. L’ouvrage fut bâti dans la nuit, et l’on vint en foule l’admirer mais, conformément au contrat diabolique, chaque treizième personne passant dessus était aussitôt emportée. Saint Waast, alors évêque d’Arras et abbé dans le diocèse de Soissons, décida donc d’organiser une processions solenelle, qui partirait de la cathédrale pour aller jusqu’à l’église de St-Waast. Arrivé au pont, l’évêque fit passer douze enfants de chœur devant lui, et attendit fermement le Diable. Quand celui-ci survint pour prendre le treizième passant comme à l’accoutumée, le saint lui passa son étole au cou, et le conduisit ainsi en laisse, jusqu’à une tour des murailles de la cité, où il l’enferma, en lui défendant expressément de sortir autrement que par la lucarne située tout en haut de l’escalier. Cet escalier avait 365 marches, et le Diable avait interdiction d’en monter plus d’une par jour. C’est pourquoi chaque année, alors que le Diable est enfin arrivé en haut de l’escalier et risque de s’enfuir, l’évêque arrive en procession au pied de la tour où, par ses exorcismes, il le force à redescendre (St-Mars ***, Sébillot 1894:166-167). 03 - Allier Pour la commune d’Avermes, Gérard Blacher donne les informations suivantes : « Il y avait dans ce village un cimetière pour les non chrétiens. [...] La rue pour s’y rendre était la « rue de l’Enfer ». Elle existe toujours mais le cimetière a disparu. Vers 1850 la construction de la ligne de chemin de fer Paris/Clermont-Ferrand exigeait l’édification d’un pont, pour que la rue de l’Enfer passe sous la voie ferrée. Ce fut naturellement le Pont du Diable. Ce pont ne présente donc aucun intérêt architectural. Jusqu’en 1987 il était en bois, il a été modifié depuis pour l’électrification de la ligne SNCF, il est maintenant en béton » (Blacher 1996:79). 06 - Alpes-Maritimes Une légende de Pont du Diable a été contée par Chanal pour le viaduc d’Èze: « Messsire Satan eut, au moyen âge, la réputation d’un grand architecte, et surtout d’un habile constructeur de ponts. C’est ainsi qu’on rencontre en Suisse, en Corse, et en maint autre lieu, tel pont antique en dos d’âne, hardiment jeté par-dessus un ravin profond, et que la tradition fait surnommer: le Pont du Diable. On s’expliquera que le village d’Èze ait eu le sien, s’il est vrai, comme le veut la chronique, que la campagne environnante ait été l’un des coins de prédilection où le prince des ténèbres passait ses moments de fraîche villégiature, à l’abri des tisons de l’enfer. Nous ne ferons pas l’honneur à cet ange déchi pour sa perversité, de croire qu’il ait pu être séduit par la grâce sauvage du site et la magnificence de l’horizon: en même temps que le goût du bien Lucifer avait perdu le sentiment du beau! Nous préférerions penser, avec beaucoup d’autres, qu’Èze lui tenait au cœur pour avoir perpétué le nom d’Isis et le souvenir d’un temple où il avait eu jadis la joie de voir cette fausse divinité recueillir les offrandes de la colonie païenne établie en ces lieux. Peut-être aussi les vestiges qu’y ont laissé les Sarrasins, ses plus forcené suppôts, l’attachaient-ils à cet étrange rocher taillé en pyramide, et tout déchiqueté comme par le ciseau de ses démons, où l’étendard surmonté du croissant avait longtemps flotté, dominant les rivages qu’on appelle, pour cette raison ou pour une autre, la petite Afrique, et la plaine bleue de la Méditerranée, à perte de vue. Mais il est une autre supposition qui ne manque pas de vraisemblance pout qui connaît le pays et les gens, c’est qu’une paroisse dont les ouailles sont réputées indolentes entre toutes, n’était pas pour déplaire au diable, qui retient plus facilement sous sa domination les esprits engourdis par la paresse. Quoi qu’il en soit, un beau samedi, l’ennemi des hommes se tenait en observation derrière un arbrisseau de la campagne d’Èze, en face, précisément, du piton où s’élève encore l’église, au pied du château fort ruiné, lorsqu’il entendit, à deux pas un villageois grommeler entre ses dents: — “La peste soit du vallon qu’il nous faut traverser en plein soleil pour aller demaian à la grand’messe! Ne verra-t-on jamais les deux monts reliés par quelque passerelle, qui épargne à nos pauvres jambes deux descentes et deux montées pour chaque office? Ou faudra-t-il que les gens de notre hameau fassent les frais d’une chapelle à construire ici près, pour leur usage? — Pas la peine!” aboya une vilaine créature, dont on distinguait à travers le feuillage les yeux d’un rouge de feu, le corps tout noir et la queue frétillante comme celle d’un chien. — “Serais-tu, par hasard, le grand diable d’enfer?” — demanda l’homme, qui n’ignorait pas la fréquente présence du rôdeur dans ces parages — “si tu l’es vraiment, c’est une belle occasion de manifester ta puissance, que de nous faire cadeau, pour demain matin, d’un pont de deux cents toises de long et de cinquante de haut: qu’en dit ta Seigneurerie? — Que tu es un peu pressé, l’ami! Laisse-moi du moins le temps de dresser mes plans et devis, de réunir mes matériaux, mes maçons et charpentiers. — Baste! Ce n’était pas la peine de te faire baptiser le Malin, si tu n’es qu’un architecte à la douzaine. Nous nous trouverons mieux d’en commander un autre pour avoir notre chapelle, que de compter sur tes offices et artifices pour obtenir cette passerelle-là!” L’idée du sanctuaire où il y aurait une lampe sainte nuit et jour allumée et un bénitier à jamais à sec, désobligeait tellement le Tentateur, qu’il prit l’engagement de construire un vrai pont pour le lendemain, si le paysan voulait faire marché avec lui. Au demeurant, les conditions du grand architecte étaient bien moins léonines que celles de ses petits confrères mortels: pourvu qu’il pût faire main basse sur la première âme vivante qui traverserait le pont, il se tenait pour rémunéré s’un si gros travail » (Chanal 1895: 30-35). Version collectée sur l’internet : « L'édification entre 1911 et 1914 de l'important viaduc qui enjambe du haut de ses 80 mètres le ravin du Gaffinel permit l'achèvement en 1927 de la Moyenne Corniche. Mais dans le village le bruit court que sa construction se fit seulement en l'espace d'une nuit avec l'aide des puissances des ténèbres… Un paysan, lassé de perdre chaque jour plusieurs heures de marche pour rejoindre ses restanques (ses champs en terrasses) de l'autre côté du ravin, passa avec le Diable un marché : un pont en échange de l'âme du premier être vivant qui le traversera. Toute la nuit le paysan ne put dormir, torturé par l'idée de sacrifier une innocente victime. Un notable ? le curé qui bénirait l'ouvrage ? La question demeurait sans réponse. Au petit matin, il se présenta sur la route et découvrit un superbe pont de huit arches en pierres de taille… mais il découvrit aussi le Diable de l'autre côté attendant son du. Soudain le berger ramassa un bâton et le lança sur le pont, son chien se précipita pour l'attraper offrant du même coup son âme au Diable. Satan, dépité de s'être fait une nouvelle fois berné, tourna les sabots se promettant qu'on ne lui le reprendrait plus » (Source : http://www.eze-riviera.com/village/legendes.htm). 07 - Ardèche Un Pont du Diable se trouve à Thueyts en Ardèche, et on dit qu’il a été construit par le Diable, un jour que celui-ci avait décidé d’exécuter une œuvre que ne pouvaient faire les hommes : « Ainsi, il construisit le pont sur la rivière et il étendit son empire sur le gouffre, la cascade et les rochers. Depuis lors, certaines nuit sur son domaine, il chasse les mauvaises âmes, accompagné d’un cortège de bêtes horribles mêlant leurs clameurs à celles du torrent » (Charrié 1982:174) . Gérard Blacher cite les textes suivants, sans en préciser les sources : « Par nos âmes, que le Diable lui-même construise un pont pour que nous puissions rejoindre nos amoureux, disaient les filles de Thueyts. Ainsi fut fait. C’est pour cela que certains jours de grand vent on entend leurs lamentations et leurs cris de repentir » (Blacher 1996:73). « Le Diable jeta ce pont sur le sauvage défilé de l’Ardèche à Thueyts pour que les garçons et les filles du pays puissent abriter sur l’autre rive leurs coupables amours. Mais beaucoup glissant dans le gouffre ne revinrent jamais au village et l’on croit entendre encore parfois leurs appels désespérés mêlés aux grondement des eaux » (Blacher 1996:74). « Le Diable se décida à exécuter ce que les hommes ne pouvaient faire, mais après avoir bâti un pont, il étendit son pouvoir sur le gouffre et le rocher, et la nuit venue il chassa les âmes, suivi par un cortège de bêtes impures dont les clameurs se mêlent au tumulte des eaux » (Blacher 1996:75). « Le pont fut construit sous l’inspiration du Diable pour la perdition des âmes des belles filles de Thueyts » (Blacher 1996:76). L’auteur précise par ailleurs qu’un dicton dit que « Pour être protégé de toutes les maladies, il faut se baigner dans le gour du Pont du Diable la nuit de la Saint-Jean » (Blacher 1996:74), et rappelle que « le gour que franchit le Pont du Diable a porté pendant des siècles le nom de Gour du Poyron » (Blacher 1996:45), c’est-à-dire « du chaudron ». Pierre-Albert Clément (2003:297) donne une autre version: « à Thueyts en Vivarais, la tradition rapporte que ce n’est qu’en sacrifiant une jeune fille vierge que l’on avait pu achever l’ouvrage sur la rivière Ardèche. » Un Pont du Diable est également cité à Neyrac-les-Bains. 08 - Ardennes À Rilly-sur-Aisne, le Diable s’était engagé à construire le pont en une seule nuit, en échange de l’âme de la première personne qui le traverserait avant l’aube. Mais on y fit passer un chien, dont il dut bien se contenter (Sébillot 1894:150-151). 09 - Ariège Dans le Couserans, les habitants de St-Lizier (Ariège), las de franchir le Salat à gué, entreprirent de construire un pont au pied de leur ville, mais leur travail étant régulièrement emporté par une crue ou un orage, il étaient sur le point d’abandonner. Lors survint le Diable: « “Votre pont sera construit en une nuit, leur dit-il, si je peux emporter l’âme du premier passant sur l’édifice”. Marché conclu, le Malin se mit au travail et il l’acheva en effet durant la nuit. C’est alors qu’un chien emprunta, le premier, le nouveau pont. Le Diable, furieux, décida de détruire son ouvrage. En voyant le profit qu’ils pourraient tirer de cette collaboration sans se compromettre, les villageois lancèrent un défi à Satan : reconstruire le pont avant l’aube et avant que le coq ne chante. Aussitôt dit, aussitôt fait, mais les Couseranais, ne voulant pas avoir partie liée avec l’Enfer, firent réveiller un coq en lui trempant les pattes dans l’eau, juste avant l’aube. Et l’animal chanta alors que le Diable allait poser la dernière pierre du pont. Il la jeta dans le Salat et disparut, mais cette ultime pierre manque toujours à l’édifice » (Marliave 1987:220.). D’autres localités ariégeoises gardent mémoire du même conte, comme à St-Antoine près de St-Paul de Jarrat, à Mercus, à Orlu ou à Tarascon (Marliave 1987:220). Le texte suivant est cité par Gérard Blacher pour le pont de Foix, mais il ne cite pas ses sources, selon son habitude : « Les constructeurs éprouvaient des difficultés inexplicables à la finition du pont. Chaque fois le travail terminé, la nuit suivante l’édifice s’effondrait. Pendant dix fois, on recommença. Finalement, l’architecte fit appeler Satan pour signer un pacte avec lui. Il était mentionné que le Diable construirait l’édifice sous réserve que l’âme du premier être vivant s’aventurant en ces lieux se livre à l’Enfer. Le jour venu, le maître d’œuvre fit passer sur le pont un chien fou de rage. Le prince des ténèbres jura de se venger. Chaque année, à la même date, il emporterait l’âme de qui se trouverait à proximité du pont à minuit. Tous les ans, le soir du Vendredi-Saint, on voit une énorme chauve-souris errer autour du pont. Attention, ne vous approchez pas, c’est le Diable qui cherche des âmes » (Blacher 1996:81). Voici l’histoire contée à Orlu, telle que recueillie par les enfants de l’école (source : http://www2.ac-toulouse.fr/eco-orlu/projet/payfoix/pondia.htm) : « La légende du pont du diable: Il était une fois un village qui était isolé car les gens ne pouvaient pas traverser l'Ariège, il n’ y avait pas de pont. Un jour une étrange personne vint voir un fermier du village et lui demanda : - voulez vous avoir un pont? Le fermier répondit : - oui, vous seriez capable dans faire un? L’homme lui dit : - oui, en une nuit. - On ne peut pas faire un pont en nuit, il faudrait 3 ans. Tout à coup le fermier s'aperçoit que l’homme a des cornes et une queue qui lui poussent... le diable lui même ! - Mais le premier qui traversera ce pont, j’emporterai son âme. Le fermier accepta en tremblant. La nuit des petits diablotins sortirent de la terre et tous les gens du village condamnèrent leurs portes avec des meubles, des armoires et même leur mémé ! Toute la nuit on entendit un bruit insupportable ; et au matin, plus rien. On enleva les meubles, les armoires et la mémé! On ouvrit la porte et on vit un pont. Tous les gens se précipitèrent mais s'arrêtèrent brusquement en voyant à l’autre bout du pont, le diable. Il les interroga : - il est bien construit mon pont ? Les gens répondirent: - et... oui ! -et vous allez le traverser ?’’ - Et ... non ! Alors le fermier arriva avec un sac, il le posa, l’ouvrit et sortit de la ficelle, une clochette et un vieux chat raide et tordu. Il attacha la clochette à la queue du chat et lui donna un coup pied. Le chat couru et tout à coup il y eut un grand bruit. Le chat disparut. Et le diable en colère lança des pierres sur le pont, il ne pouvait pas le détruire alors il tomba dans un tourbillon de la rivière. Le curé du village jeta de l’eau bénite... Lorsque vous visiterez l’Ariège, aurez vous le courage de le traverser ? » Le pont de Montoulier bénéficie de trois légendes : « Le pont: Entre Foix et Tarascon sur Ariège, un ouvrage est lancé au dessus des « gorges » de l'Ariège. C'est un pont fortifié à deux arcades dont l'architecture semble datée du XIIIème siècle, bien qu'aucun texte médiéval officiel n'en fasse état. Une marche de cinq minutes est nécessaire avant d’arriver sur le site. Comme beaucoup de pont en France qui porte le nom évocateur de «pont du Diable», des légendes circulent. Légende 1 : " En des temps forts anciens, les pauvres habitants de Ginabat et Montoulieu souffraient d’un terrible isolement. La rivière étant impossible à traverser à cause de ses gouffres et de ses tourbillons, ils leur fallaient se risquer à de périlleuses traversées des forêts et des montagnes pour aller aux foires de Foix et de Tarascon. Mais un jour, l’un des habitants passa un étrange marché avec le Diable. Satan s’engagea à construire un pont à condition d’être payé par l’âme du premier qui le traverserait. Le pont à l’incroyable architecture fut construit une nuit . Mais au matin, personne ne se bousculait pour traverser.... Alors, un habitant très malin de Ginabat fit traverser le pont à .un chat. La pauvre bête fut ainsi sacrifiée à la communauté. Mais le Diable rage hurla de rage et gesticula tant qu’il chuta dans la rivière, au milieu du tourbillon. Le curé de Ginabat eut alors tôt fait d’y jeter un peu d’eau bénite et depuis, Lucifer tente vainement de sortir de ce tourbillon. Mais les passants sont rares sur cet antique ouvrage, car tous savent qu’un jour ou l’autre le Diable pourrait bien remonter à la surface pour réclamer le paiement de son œuvre". C’est du moins ce que l’on racontait le soir, à la veillée. Légende 2 : " Ce matin-là, Raymond Roger (Comte de Foix), se leva de fort méchante humeur. Sans doute le sanglier mangé la veille au soir, passait difficilement. Bref il fit seller son cheval favori, et partit au galop dans la montagne. Il eut tôt fait de traverser la ville et de s’engager sur la route qui borde l’Ariège, rive gauche, en remontant vers sa source. Il traversa Ferrières, puis Prayols. Peu après, lui vint la fantaisie de passer sur la rive droite. Il poussa son cheval au bord de l’eau, mais à cet endroit l’Ariège est encaissée, l’eau y est profonde, et le cheval refusa d’avancer. Furieux, le Comte fit demi-tour et rentra au château. Immédiatement, il envoie chercher le Baron de Saint Paul, et lui commande de faire un pont sur l’Ariège, à tel endroit au-dessous de Montoulieu d’un côté, et du territoire de Saint Antoine de l’autre. Que ce soit fait dans un mois…sinon, le Baron sera pendu haut et court, au sommet de la Tour Carrée. Aucune excuse n’est admise, tout est dit ! Le comte se retire, laissant le pauvre Baron de Saint Paul tout désemparé. Hélas, le baron était un poète, insouciant du lendemain et dépensant dès qu’il avait quelques écus. Aussi n’avait-il rien pour engager les travaux. Et lui qui chantait toujours, devint tout triste. Les jours se succédaient et aucune solution en vue. Il alla sur les bords de l’Ariège, à bout de force il s’écria : - « Oh ! Je traiterais même avec le diable pour me sortir de ce mauvais pas !… » - « Tope là… » dit une voix derrière lui, et le diable lui tendit la main. « …Ton pont sera fait le jour fixé ! Que me donneras-tu ? » - « …Mais…mais… »bredouilla le pauvre Baron. - « Tu n’as pas d’argent, je le sais ! D’ailleurs regarde… » et, ramassant une pierre, le diable la lança et il en sortit des pièces d’or. - « …Ce que je veux, c’est l'âme du premier qui passera sur le pont ! » - « …Eh bien ! Entendu !… »…dit le Baron. Et chacun s’en fut de son côté. Mais à partir de ce moment-là, le Baron fut encore plus triste. Il avait traité avec le diable et donné vilainement l’âme du premier qui passerait sur le futur pont. Bourré de remords, il alla où vont ceux qui ont besoin de réconfort. Il partit à l’église St Volusien. De Foix. Honteux de son péché, il se cacha derrière le premier pilier de droite, et se prosterna en pleurant. Le frère sacristain aperçut cette masse noire et partit trouver le Révérendissime Abbé : - « …Mon Père, dit-il, il y a un voleur à l’église !… » - « …un voleur ! Comment ! Allons voir… » Il y va et s’arrête un peu avant le piler, écoute et entend les sanglots. - « …Ce n’est pas un voleur ! C’est un homme qui souffre… »et s’avançant, il frappe sur l’épaule du Baron : - « …Venez mon ami !… » et il l’emmène à la sacristie où il reconnaît le Baron de St Paul. Celui-ci raconte son affaire, sa peine et confesse son péché. Le père Abbé était très sévère, paraît-il. Ce qu’il lui dit ? Passons, passons, ce n’est pas notre affaire, mais il dut lui passer un « savon » de première classe, et une pénitence assortie. Une fois la confession achevée, le révérend père dit quelques mots à l’oreille du Baron, et cet incorrigible étourdi en eut le sourire. Il rentra chez lui, sifflant comme un merle. Le lendemain était le jour de l’échéance. Toute la nuit, la vallée retentit d’un bruit infernal. Un chantier terrible ! Les gens de Montoulieu n’en dormirent point. Et le matin venu, le pont bâti, le diable s’installa sur le parapet, attendant le premier client. Aux premières lueurs de l’aube, arrive le Baron de St Paul, drapé dans une cape noire. Le diable ricane : - « …Ainsi, c’est toi qui va être le premier ! … » - « …Non, non… » dit le Baron… « Le premier, celui qui est pour toi, (car il passe le premier sur le pont), le voilà ! », et ouvrant le palier caché sous son manteau, il délivre un énorme chat noir, à la queue duquel est attachée une casserole. Le chat détale à toutes pattes et traverse le pont. Furieux, le diable veut se précipiter sur le Baron quand, d’un repli du terrain, émerge la procession des moines de St Volusien, chantant des litanies des saints, avec la croix en tête et le père Abbé tenant le goupillon et aspergeant le pont d’eau bénite. Le diable avait détalé. Pendant de longues années, peu de personnes osèrent s’aventurer la nuit pour traverser le pont. Celles qui le firent ne sont jamais revenues. Le diable se vengea ainsi dit-on. Depuis près de 10 siècles, plus de traces de lui. Si vous allez vous promener làbas et que vous le rencontriez, alors, c’est que c’est vous qui l’avez amené ! (« La legendo del pount del diable » tirée du livre« La Mandrette- Mémoire d’Ariège » - Ed. LACOUR/REDIVIVA) Conclusion : Les archéologues et les historiens des voies de communication ont noté une constante : La plupart des grandes voies antiques ont utilisé les crêtes en évitant au maximum la traversée des ruisseaux par des ouvrages construits. Peut être que la construction d'un pont important sur un cours d’eau ait provoqué des peurs superstitieuses. Les croyances en des êtres malfaisants des Eaux, le tribut à payer à un être maléfique sont de bonne raison populaire pour éviter ses ouvrages. Satan étant le seul capable d’enfreindre les tabous, nos croyances nous pousent à justifier les (anciennes) offrandes destinées à calmer les maléfiques divinités. Le jet de pièces de monnaie dans les gués ou les puit relève de la même mythologie, Ne l'avez jamais vous fait ? » (Source : http://membres.lycos.fr/stephanerevel/montoulier.htm) Il y a encore un Pont du Diable à Garrabet. 11 - Aude Selon Gérard Blacher, un « Pont du Diable » est « situé à mi-chemin » des deux villages de Bram et Alzonne « sur l’ancienne voie romaine », et il « enjambe le canal » (Blacher 1996:85). La légende du Pont du Diable est également connue en Bigorre à Montgaillard (Marliave 1987:220). 12 - Aveyron Non loin de Cassagnes-Begonhès, dans l’Aveyron, le pont de Bonnecombe a été construit par le Diable, ainsi que l’a raconté Marie-Louise Falip, née en 1932 : « On bâtissait le pont de Bonnecombe. L’entrepreneur devait l’avoir terminé pour une date précise, car sinon pour tant de jours de retard, il aurait tant d’amende. Il était dans les temps, il avait bien fini, il était même en avance d’une quinzaine de jours ou plus. Le pont était prêt à inaugurer. Ils enlevèrent les étayages qui le maintenaient. à peine eurent-ils achevé de tout enlever que le pont s’écroula. Il n’était pas fier ! Il rappela tous ses ouvriers et vite, vite... ils recommencèrent. Ils y travaillaient nuit et jour. Ils faisaient tout ce qu’ils pouvaient pour y arriver. Ils achevèrent juste la veille de l’inauguration. Ils enlevèrent à nouveau tous les étayages, et le pont s’écroula à nouveau. Un homme qui passa leur dit : « Si vous voulez, je vous aiderai. Il sera fini demain mais il faut que vous me donniez votre âme ou l’âme du premier qui passera sur le pont ». L’autre se pensa : « Mon âme, mon âme... cela ne se donne pas come ça ». Cela lui donnait à réfléchir. Mais enfin, au bout d’un moment, il promit. Et il y avait beaucoup de monde. Les gens arrivaient de partout. C’était le Diable pardi qui l’avait tenté. Et le lendemain matin, le pont fut fait et il tint bon. Mais pendant ce temps l’entrepreneur était allé trouver le supérieur de Bonnecombe. Celui-ci ne savait pas comment faire. Il arriva avec son aspersoir. Il dit : « Nous allons le bénir avant que quelqu’un arrive. Nous verrons bien ». Le chien de Bonnecombe le suivit, c’était un brave chien. Le Diable se présenta de l’autre côté du pont. Tout à coup, un chat arriva. Et le supérieur de Bonnecombe cria : « Au chat ! Au chat ! ». Et le chien se mit à poursuivre le chat qui passa le premier sur le pont de Bonnecombe. Ils dirent : « Vous avez là l’âme du premier qui est passé sur le pont ! ». Il sauva son âme, et le pont tint et il tient encore » (Texte en occitan et traduction dans Loddo 1996:339-339.). Variante publiée sur l’internet, avec mention d’une autre légende, associant ce pont à un géant: « Pont de Bonnecombe dit Pont du Diable En traversant le Viaur sur le Pont du Diable, le voyageur atteint la rive gauche et la haute tour carrée de St Bernard (XIV s) sur laquelle apparaissent les armoiries de l'abbaye. Elle est surmontée d'une croix impressionnante par sa grandeur. La grande porte donne accès à l'ancienne abbaye de Bonnecombe constituée d'un ensemble de bâtiments restaurés, d'un cloître, d'une église, de jardins… Au milieu du XIIè s, alors que les ferveurs religieuses se développaient, les cénobites vinrent s'installer à Bonnecombe. Leur but : se détacher du monde extérieur, et mener une vie où seuls l'abnégation et les sacrifices importaient. Quel lieu rêvé pour l'isolement que Bonnecombe, sise au fond de la Gorge du Viaur en pleine forêt de Lafon. La fondation monastique bénéficia de nombreux dons ainsi que de la protection de l'évèque de Rodez. Ce lieu devint un monastère cistercien consacré en 1167 par l'Abbé Gausbert de l'Abbaye de Candeil en Albigeois. L'abbaye fut fermée en 1792 et ses propriétés vendues comme biens nationaux. L'évèque de Rodez racheta les bâtiments en 1876 à la Société des Mines de Carmaux et y installa les moines cisterciens d'Aiguebelle. Ces derniers entreprirent la restauration du site et de l'église qui fut consacrée en 1891. Tour à tour, les moines trappistes prirent possession des lieux avant de céder la place à des moines orthodoxes en 1965 qui eux - mêmes partirent 3 ans plus tard. De 1968 à 1980 un centre de réinsertion sociale prit place dans ces locaux, en 1980 vinrent 10 membres de la communauté de l'Arche, 3 ans plus tard ils étaient 90. Aujourd'hui, les membres de la communauté des Béatitudes y vivent. Le pont dit Pont du Diable : ce pont doté d'une seule arche est au moins antérieur à 1509 puisqu'il est fait mention cette année - là, "d'un oratoire du bout du pont". De par son style architectural, il semblerait dater du XII ème s et remonterait donc à l'époque de la fondation de l'abbaye de Bonnecombe en janvier 1167. Deux légendes sont évoquées par rapport à la construction de ce pont. La première ferait allusion à un pacte entre l'architecte et le diable. Ce dernier réclame en échange de sa contribution aux travaux le premier être vivant qui franchira le pont. Manque de chance pour lui, le premier utilisateur du pont fut … un chat ! Une autre légende moins connue toutefois fait référence à un géant qui s'abreuve au pont et avale avec l'eau de la rivière une charrette qui passait par là. » (Source : http://www.levezou-viaur.com/fr/tourisme/ponts_vallee_viaur.php) Autre texte trouvé sur le réseau à propos du Pont du Diable sur le Viaur: « Le montage de l'ouvrage une seule arche, composée de deux arceaux mis l'un sur l'autre évoque une technique romaine et permet de supposer que sa construction remonterait au XIIème siècle. Mais l'ancienneté réelle du pont (sans doute le plus vieux de la vallée) est en fait aussi mystérieuse que celle de son nom! Celui-ci peut tout aussi bien évoquer le danger d'y circuler ou bien encore une prouesse diabolique pour le construire. Placé sur une route d'accès difficile, le pont du Diable était inadadapté au passage des grosses charrettes donc au développement des transports. Mais il fournissait l'avantage surtout au Moyen-Âge, d'être avec Laguépie, le seul point de franchissement du Viaur pour aller d'Albi à Villefranche de Rouergue. En ruine à la fin au XVIIIème siècle, les autorités régionales repoussent continuellement la rénovation d'un passage qui n'a plus qu'un intérêt local et comme les habitants concernés n'ont pas l’argent nécessaire pour une reconstruction qui s'impose après l'écroulement définitif. Rien ne se fait et il ne reste plus aujourd'hui que les assises de ce qui fut probablement le plus ancien pont de la région. » (Source : Thierry COUET, sur http://perso.wanadoo.fr/viaur.vivant/VIAUR/Textes/Pont/Pont1.htm#DIABLE). Versions données par Pierre-Albert Clément (2003: 296-297): « On relate une histoire similaire [à celle d’Olargues] en ce qui concerne le pont jeté au e XII siècle sur le Viaur, dans la commune de Comps-la-Grand-Ville, en Rouergue. Les moines de l’abbaye voisine de Bonnecombe auraient employé le même stratagème pour mystifier Belzébuth. Toujours en Rouergue, on sait qu’il existait autrefois un autre pont du Diable sur le Viaur, dans le territoire de Bor-et-Bar. La dernière arche s’est écroulée en 1787 et la légende s’est perdue [J. Delmas, Les Ponts du Rouergue, brochure 2, AD 13 2003, p. 40 et 49]. À l’entrée existait un péage surnommé par les usagers Cureboursol, littéralement « cure-bourse » tant les droits perçus devaient y être exhorbitants. » 17 - Charente-maritime C’est une curiosité naturelle près de St-Palais-sur-Mer: « Le Pont du Diable. Situé à proximité de la station balnéaire de Saint-Palais-Sur-Mer, Le Pont du Diable constitue une curiosité : cet ensemble de rochers bizarrement découpés aurait été, selon la légende, construit par le diable pour sauver un pêcheur de la tempête en échange de son âme. » (Source : http://www.mairie-saint-augustin.fr/html/cote_mer2.htm) « Après une légère montée pour retrouver la corniche, on découvre les rochers qui avancent dans la mer avec la Roche aux Moines et le célèbre Pont du Diable. Sur ces rochers découpés par l’érosion marine, on est surpris de voir certaines parties rectilignes manifestement taillées par la main de l’homme. Il s’agit effectivement des nombreux fronts de taille exploités pour extraire des pierres qui seront utilisées pour la construction du phare de Cordouan, juste en face. En ce qui concerne la légende du Pont du Diable, elle figure sur un panneau d’information que vous trouverez un peu plus loin sur le chemin qui longe la plage du Platin. C’est de là que l’on a la meilleure vue sur les rochers du fameux Pont du Diable et sur la belle plage du Platin. » (source : http://www.bernezac.com/StPalais_pont_diable_panneau.htm) Un panneau situé sur place indique : « Environ 300 pierres de taille en ont été extraites à la fin du XVIe siècle pour la construction du phare de Cordouan, situé au milieu de l’estuaire de la Gironde. On peut encore distinguer de nombreux fronts de taille tant sur la péninsule du Pont-du-Diable que sur la côté avoisinnante. On dit qu’une nuit d’affreuse tempête, sa barque s’étant brisée sur les récifs, un pauvre pêcheur en grand danger de se noyer, invoquait vainement tous les saints. Soudain, à la lueur d’un éclair, le diable lui apparut: « Je te sauverai, lui dit Satan, si tu consens à m’appartenir. – Soit, répondit le pêcheur. –Relève-toi, lui dit le diable, le vent va se calmer, marche droit devant toi et tu pourras regagner la terre ferme. Tu franchiras la passe sur l’arche de pierre que je vais bâtir devant toi. » Et l’arce salvatrice serait le Pont du Diable. » 19 - Corrèze La légende du Pont du Diable du Puy-des-Roches, commune de Chamberet (commune de Treignac, arrondissement de Tulle), a été ainsi transcrite par Marcelle Delpastre en 1970 : « Les grandes pierres levées que l’on peut encore voir sur le puy des Roches, ce n’est peut-être pas le chemin de la Sainte Vierge. Au contraire, c’est le Diable qui les a laissées là. Il faut croire qu’en ce temps-là, la Soudaine était bien plus grosse qu’aujourd’hui, puisque pour la traverser entre le puy des Roches et le Mont Ceix, on voulut faire un pont. Mais un tel pont que personne n’arrivait à le construire, et que le Diable finit par offrir ses services. – Demain, je l’aurai fait, au jour, dit-il à ceux qui le lui avaient commandé. Pour paiement, il ne faut pas demander ce qu’il voulait. Tout le monde se souvient parfaitement de cet homme qui fit courir son chat sur le pont, après que le Diable lui avait demandé l’âme de la première bête qui passerait dessus. – Ah ! dit-il en colère, tu me paies avec ce qui m’appartient ! Et depuis, on sait que les chats appartiennent au Diable. Au Mont-Ceix, bien sûr, c’était l’âme de quelqu’un qu’il lui fallait. C’est la seule monnaie qui intéresse le Diable ; mais pour en avoir, il ferait n’importe quoi. Cette nuit, vous pouvez croire qu’il ne dormit pas. Et encore, pour l’avancer, les pierres sortaient de terre toutes seules, se dressaient, s’approchaient et se tenaient debout l’une après l’autre, afin que le Diable n’eût qu’à les prendre et à les mettre en place. Et je vous réponds que ça y allait ! Pas assez vite, cependant. Car – tout allait être fini, il ne manquait presque rien – voilà le coq qui chante et le soleil qui montre son nez... le Diable n’avait pas fini ! Tout était perdu. Alors, mes amis, il se tourna, dans sa mâle colère rouge. Et vlan ! D’un coup d’épaule il démolit le pont, et de telle sorte qu’on n’en peut voir aucune trace. Mais les dernières pierres, qui s’avançaient toutes prêtes à servir, sont toujours là, dressées, grosses comme des maisons, et elles n’en bougeront pas pour toute l’éternité de la création » (Delpastre 1970, Guyot 1994:60-61). Vers 1980, le récit suivant a été recueilli en Haute-Marche par Jacques Chauvin et Jean-Pïerre Baldit, qui l’ont un peu littérarisé : « Sur la Creuse, on voit un pont avec une curieuse voûte ogivale; ce pont n’a qu’une seule arche ; il mène d’une rive de la Creuse à l’autre ; sur l’une des rives se trouve un moulin. Il y a longtemps, au Moyen Âge, puisque l’Enmaliciat [« le Diable »] aimait souvent se montrer dans ce temps-là, il n’y avait pas de pont. Le maître du moulin y pensait chaque fois qu’un paysan qui demeurait sur l’autre rive lui apportait son blé ou revenait chercher sa farine ; il fallait traverser la rivière avec une barque ou faire un grand détour jusqu’au pont qui était très loin. Cela ne facilitait pas la vie des h ommes. Le pauvre meunier aurait aimé faire construire un pont, mais il n’était pas assez riche ; parfois il tirait de son moulin de petites bourses pareilles aux sacs de grain, mais beaucoup plus petits [sic] qu’eux ; ces bourses contenaient des pièces d’or ; peut-être attendait-il que les pièces deviennnent plus nombreuses à l’heure d’ouvrir les bourses, mais la monnaie restait ainsi, elle s’accumulait seulement, doucement, lentement, quand le pauvre homme pouvait y mettre quelques pièces de plus. Le meunier avait une jolie fille, bien faite et de surcroît très pieuse, on la nommait Marie. Cela lui aurait bien plu, à elle aussi, d’avoir un pont, elle était obligée de prendre une barque pour aller à l’église, pour rendre visite à ses amies ; pour cette raison, elle ne rencontrait pas souvent la jeunesse du pays, elle se plaignait parce que son « prétendu » Jantou habitait de l’autre côté et elle ne pouvait aller le trouver à son gré. Un jour cependant, elle était allée danser dans un village des environs, mais elle ne rencontra pas le Jantou, peut-être bien qu’il était malade, mais un fier garçon qui commença à la courtiser et à lui faire des compliments ; il lui proposa même, s’il pouvait la ramener jusque chez elle. Elle répondit que oui, mais au moment, il voulut lui lêcher [sic] la babine et la cajôler [sic]. “Avec le corps et l’âme, et pour toujours”. Elle refusa avec force, car elle aimait le Jantou, et parce qu’elle voulait qu’il soit bientôt son promis, puis son mari pour la vie ; là-dessus, elle sauta dans la barque et revint vite au moulin. Le lendemain, le fier garçon vint voir le meunier et se mit à courtiser sa fille. Il demanda la main de la Marie ; le meunier, qui aimait bien Jantou, la lui refusa, mais il insistait sans cesse, et promit même de faire construire un pont, s’il recevait celle qu’il voulait. Ensorcelé, le brave meunier appela sa fille qui dit : “Pourquoi donc un pont, si je ne peux plus aller voir l’homme que j’aime ?” et s’en alla en colère. Alors le visiteur se mit à montrer au père que le pont était une bonne chose. Il lui expliqua par le détail qu’il y aurait plus de monde qui viendrait, et par-là plus d’argent dans la maison, et tout ainsi... Malgré tout, le meunier savait cela mieux que personne ; ce pont, il y pensait tous les jours, cela lui faisait de la peine de refuser, mais d’un autre côté, il était bon père, il aimait sa fille, et aussi le Jantou, et il voulait surtout le bonheur. Alors le Diable, car en réalité le fier garçon était bien le Diable, proposa au meunier : “Dès cette nuit, je te construis le pont. Si, avec les premières lueurs du jour, je ne l’ai pas encore [fini], je le terminerai quand même ; cependant, si le pont est terminé, la première personne qui passera le pont sera mienne pour l’éternité”. Le meunier éclata de rire : “Construire un pont en une seule nuit, ça ne se peut pas ; il faut être niais pour croire de pareils mensonges”. Et tout joyeux, il signa d’une croix, car il ne savait pas écrire, le grimoire que lui donnait le garçon. Le lendemain, la Marie fut bien étonnée quand elle mena l’âne dehors, un pont avec une arche unique était construit au-dessus de la rivière ; et elle aperçut le fier garçon sur l’autre rive qui lui criait : “Ma belle, à toi l’honneur de passer... viens chercher cette broche ». Et il voulait donner un bijou avec des diamants superbes qui luisaient au soleil. Elle allait juste passer le pont, quand lui vint soudain l’idée peut-être envoyée par sa patronne NotreDame, pour laquelle elle avait une grande dévotion, et elle poussa l’âne devant elle... à ce moment, il y eut des éclairs dans le ciel, et la foudre se mit à tonner..., le Diable avait disparu..., il était attrapé. En effet, le “Sabatonat, l’Enmaliciat”put rien contre une créature aimée de Notre Seigneur, marquée du signe de la croix sur le dos, détestée de l’Esprit du Mal. Tout se termina bien : le meunier et sa famille avaient un pont ; Marie épousa le Jantou ; ils furent heureux et eurent beaucoup d’enfants. L’âne qui avait sauvé tout le monde vivait, caressé et dorlotté par tous ; il pouvait se saôuler [sic] de chardons » (Chauvin & Baldit 1991:50-51). Cette version assez originale laisse malheureusement suspecter une part importante laissée à la ré-écriture. Un détail intéressant est que le fait que le contrat est rompu du fait que le premier à passer sur le pont est un âne, animal bien connu pour être marqué d’une croix sur le dos, alors que le meunier, ne sachant écrire, avait signé le pacte diabolique avec une croix, ce qui aurait déjà dû suffire à le rendre caduc. 20 - Corse Le gué du moulin du village de Castirlo, sur le Golo, était souvent rendu impraticable par les crues, au grand dam du meunier qui, un jour qu’il lançait des imprécations à cause de l’eau qui l’empêchait de traverser avec son âne chargé de farine, vit apparaître un étranger, qui l’interrogea sur les raisons de sa colère. Renseigné, l’étranger s’engagea à construire un pont avant minuit sonnant, en échange de l’âme du meunier : « Le meunier accepta. Peu d’instants après, la rivière était le centre d’un grand mouvement ; l’œuvre commencée se poursuivait avec une activité diabolique, et tout faisait prévoir que la promesse de l’inconnu serait réalisée. Le meunier, qui n’avait pas tout d’abord réfléchi aux conséquences du contrat, devint perplexe. Cet inconnu pouvait être Lucifer, et il lui avait livré son âme. Son angoisse allait grandissant avec l’avancement des travaux. Elle fut à son comble quand il vit que les trois voûtes étaient fermées que l’on commençait à maçonner les tympans. L’ouvrage ne pouvait tarder à être achevé, et minuit était encore loin. Une idée lui vint : il alla réveiller le curé du village et lui raconta le pacte qu’il avait conclu. Après quelques instants de réflexion, le curé lui dit : “As-tu un coq parmi tes poules ?” Et, sur sa réponse affirmative, il ajouta : “Va vite, remplis une cruche d’eau, et jettes-en une partie sur lui : en sentant la fraîcheur de l’eau, le coq battera des ailes et chantera. Pars, et si tu arrives avant l’heure convenue, tu est sauvé.” Le meunier se hâta de suivre ce conseil, et avant minuit, le coq chanta. Il ne restait plus que les parapets à construire. Un épouvantable fracas suivit le chant du coq et fut répété par les échos de la vallée. Avant que le pont ne fût restauré et élargi pour l’usage de la route forestière qui l’a emprunté, on découvrait sur la chaussée une large pierre portant l’empreinte d’un pied fourchu » (Sébillot 1894:158-159). Une variante versifiée précise que lorsque le Diable comprit qu’il avait été dupé, il voulut détruire son ouvrage, mais en vain (Sébillot 1894:162). 21 - Côte-d’Or Dans sa Côte-d’Or mythologique, A. Colombet rapporte la légende suivante : « Une nuit de Noël, la planche qui permettait aux habitants de Cissey (près de Mercueil) de gagner l’église de l’abbaye de Maizières (Saône-et-Loire) afin d’assister à la messe de minuit, disparut. Satan se présenta à eux et leur promit de reconstruire en quelques instants un pont de pierre à condition que, comme salaire, il puisse s’approprier le premier villageois qui y passerait. Nos paysans acceptèrent. Quand le pont fut terminé, un enfant bien inspiré piqua un âne qui se trouvait là ; la bête, affolée, traversa le pont et devint la proie du Diable » (Cité dans Fromage 1990:7). 23 - Creuse Les ponts de Crozant et d’Anzême, dans la Creuse, sont des Ponts du Diable et, à propos du second, le Dr Janicaud a publié le récit suivant : « Anzême n’avait pas de Pont. Pour y traverser la Creuse, encaissée entre deux rives abruptes, il fallait prendre un bateau, non sans danger, le lit de la rivière étant encombré de roches et le courant souvent torrentueux. Depuis longtemps, les habitants réclamaient un mont ; mais sa construction dans cet étroit ravin devait être difficile, longue et coûteuse. Les entrepreneurs sollicités se récusaient ou demandaient un prix bien supérieur aux ressources de la paroisse. Un soir, les notables, réunis dans une salle obscure, discutaient la question. – Si nous ne trouvons pas d’entrepreneur à prix abordable, s’écria enfin l’un d’eux, il n’y a qu’à s’adresser au Diable ! À peine avait-il parlé qu’au milieu de la salle apparut un homme noir. – Le Diable, c’est moi ! déclara-t-il. Vous voulez un pont ? Je m’engage à vous en construire un solide en une nuit. Mais, comme paiement, j’exige l’âme du premier être qui passera dessus. Je viendrai demain soir chercher votre réponse. Puis il disparut. Les pauvres notables étaient bien ennuyés. Que faire ? Ils allèrent consulter le curé qui répondit : “Acceptez et laissez-moi faire”. Le lendemain soir les notables déclarèrent à Satan qu’ils acceptaient le marché. Il se mit aussitôt à l’œuvre. Toute la nuit il maçonna. Le matin, au petit jour, il ne restait plus qu’une pierre à sceller à une extrémité du pont, quand, à l’autre extrémité, se présenta le curé. Il portait un panier qu’il posa sur le sol et ouvrit. Satan, stupéfait, en vit sortir un gros chat noir qui s’avança gravement vers lui et vint se frotter à ses jambes. Le Diable était bien attrapé. Il avait négligé de spécifier qu’il voulait l’âme d’un chrétien ; il dut se contenter de celle d’un matou. Furieux, il déclara que le pont ne serait jamais achevé. C’est pourquoi la dernière pierre n’a jamais pu être scellée. Chaque fois qu’on la remet en place, Satan vient la déplacer la nuit suivante » (Republié par Laconche 1993, III:165-166). La légende du pont d’Anzème est ainsi rapportée par Gérard Blacher : « La fille du meunier voulait rejoindre ses amants de l’autre côté de la rivière, mais il n’y avait pas de pont Le Diable dut construire le pont en une nuit avant le chant du coq. Il ne restait qu’une pierre à poser pour que le Diable gagne son pari. La meunière mit une bague devant une bougie éclairée. Le diamant lança une étincelle vers le coq qui croyant le jour arrivé poussa un retentissant cocorico. Le Diable avait perdu son pari. Il manque toujours une pierre au pont. Quiconque essaiera de la remettre; me Diable la retirera la pleine lune suivante » (Blacher 1996:86). 25 - Doubs Dans ses Traditions populaires du Doubs, Charles Thuriet rapporte en 1891 une légende selon laquelle, lors de la construction (au XIXe siècle ?) du « Pont du Diable » enjambant le gouffre des Laizines sur le Lison entre Ste-Anne et Crouzet, le Malin venait chaque nuit renverser les travaux exécutés durant la journée. Il promet finalement au maîtremaçon de ne plus l’importuner, à la condition d’emporter la première âme à passer sur l’ouvrage. Mais le maître-maçon tombe fort malade, et ses ouvriers préviennent le curé de Crouzet, pour qu’il vienne l’administrer. Le premier à passer sur le pont nouvellement terminé, le lendemain, fut donc ce curé, qui portait avec lui le Bon Dieu... ce que voyant, le Diable tomba d’épouvante dans un gouffre sans fond (Thuriet 1891:18). Ainsi explique-t-on de nos jours encore la présence d’une sculpture figurant la tête du Diable, à l’emplacement de la clef de voûte du pont . Selon une autre version, le Diable aurait attendu que le curé soit arrivé à la moitié du pont, pour bondir sur lui. Mais le saint homme se défendit vaillamment et, en lui assénant des coups de chapelets, réussit à mettre le Diable en fuite (Cornaille 1997:68-69.). La version donnée par Gérard Blacher pour Nans-sous-Ste-Anne est la suivante : « Un maçon audacieux se chargea de la construction du pont. Le but était presque atteint, quand, une nuit, l’ouvrage s’écroula. Le maçon tenace ne perdit pas courage et recommença. Mais le sort s’obstinait et le maçon était sur le point de recommencer, quand se présenta devant lui le Diable en personne. Le malin s’av oua responsable des effondrements successifs et proposa de tout reconstruire, à une seule condition : que le maçon lui livrât en échange l’âme du premier passant qui emprunterait le fameux pont. Le marché était dur ; le maçon s’y résigna tout de même et la construction fit l’admiration de tous. Mais dans la nuit, l’imprudent fut pris de violents remords et dans son délier appela un prêtre. Le curé, pour aller plus vite, emprunta le premier le pont. Aussitôt, le Diable se précipita au devant de lui pour s’emparer de son âme, mais, ébloui par l’éclat du ciboire, Satan enjamba le parapet et sauta dans le vide, d’où le nom de Pont du Diable » (Blacher 1996:89). Le même Gérard Blacher signale un autre Pont du Diable, sur la commune de Ponthous: « Ce pont est bien le Pont du Diable. Il se raconte qu’il fallait bâtir un pont. ‘Deux frères, les frères Colet, se chargèrent de l’affaire, mais une fois le pont terminé, ils se disputèrent et se fâchèrent à vie. On y vit l’œuvre du Diable, ce fut le Pont du Diable’. Le problème est que, si les frères Colet ont bien vécu et étaient bien maçons au XVIIIe siècle, le pont, lui, a été bâti en 1870, donc un siècle plus tard selon les archives de la DDE. L’architecture elle-même porte bien l’empreinte du XIXe siècle. Ce pont ne semble pas être connu des habitants eux-mêmes. Seules deux personnes sont à même d’en parler et très peu savent où il se trouve » (Blacher 1996:92). 27 - Eure Le nom de la ville de Pont-de-l’Arche fait allusion au fait qu’elle est traversée par un vieux pont reconstruit en 1858, mais dont les parapets présentent des interruptions importantes. Pour les expliquer, ont dit que « le Diable, n’ayant eu qu’un chat pour salaire, refusa de le terminer » (Sébillot 1894:150). Cet ouvrage a fait l’objet d’une abondante bibliographie. En 1833, un érudit signant Alf. B. donne un récit selon lequel un duc de Normandie (non nommément cité), désireux de rendre visite au comte d’Evreux, aurait exigé du gouverneur d’Hasdams qu’il préparât en quelques heures un nombre de barques suffisant pour le passer, lui et sa suite et ses gens d’armes. Le message aurait été apporté par le diable lui-même, sous les apparences d’un chevalier normand offrant ses services au gourverneur, en proposant de le tirer de ce mauvais pas : « Pour toi un pont, dit-il, pour moi le premier être qui de ses pas en pressera les dalles. Le gouverneur jure sa parole de chevalier ; Satan disparaît avec l’intention de tenir la sienne. Comme la gentille Alice, fille du gouverneur, va s’élancer sur le pont et tomber sous la main infernale, son père a l’adresse de lancer un chat, qui sert de paiement ; cet animal a passé le premier sur le pont. Malheureusement, une arche restait à faire, et jamais elle ne put arriver à bonne fin. La ville où tout cela s’est passé a reçu depuis le nom de Pont-de-l’Arche, et cette arche si célèbre, on la montre encore à gauche en arrivant de Rouen, à l’entrée du pont. Souvent on a tenté de la terminer ; mais les pierres qu’on employait ou devenaient tout à coup disproportionnées en longueur, ou, placées pendant le jour, disparaissaient la nuit au fond des eaux » (Revue de Rouen 1833:423). En 1843, Léon de Duranville donne deux versions de la légende : « Comme si ce n’était point assez, pour le pont construit sous Charles-le-Chauve, et qui fournit le nom de la petite ville de Pont-de-l’Arche, que de remonter jusqu’aux invasions normandes, et d’avoir été construit au chant des terribles litanies du IXe siècle, on a voulu lui donner une origine diabolique : le prince de l’enfer a semblé préférable au roi de France, au petit-fils de Charlemagne. Il existe plusieurs variantes de cet événement merveilleux. [...]. Ou bien l’architecte n’aurait pas voulu de l’assistance du prince d’enfer, qui lui faisait offre de services, et pour lors Satan, partout reconnaissable à ses griffes, c’est-à-dire à ses mauvais tours, aurait juré que personne ne verrait le pont fait et parfait, ni dans les IXe, Xe et XIe siècles, ni même dans le XIXe. Ou bien le découragement de l’architecte fut si grand, qu’il supplia le mauvais génie de lui venir en aide. Le prix qu’il s’engageait à payer était d’une autre valeur que le premier objet vivant : il promettait de livrer son âme, de la dévouer aux tourments éternels de l’autre monde, à ces supplices que le tentateur porte partout avec lui, à cet enfer, qui n’abandonne jamais Satan quand il apparaît sous forme humaine, quand il se plonge dans les eaux de l’Océan et soulève d’affreuses tempêtes. Le jour de l’échéance devait être le propre jour où l’ouvrage serait terminé : “Or sus, maintenant,” lui crierait une voix épouvantable, “tu m’appartiens à bon droit, tu es un de mes vassaux.” Désolé d’avoir souscrit un semblable engagement, il répandait des larmes amères : on peut en répandre à moins. Heureusement, son repentir intéresse son patron en sa faveur et, chaque nuit, ce bienheureux habitant du ciel enlève quelque pierre du pont. Il en fut ainsi de la toile de Pénélope et du tonneau des Danaïdes : le pont ne fut jamais achevé entièrement ; l’architecte eut le temps de mourir de sa belle mort et d’échapper aux griffes qui le convoitaient » (L. de Duranville, Nouveaux documents sur la ville de Pont-de-l’Arche. Revue de Rouen 1843:1-2.). En 1856, le même auteur republiera ces deux versions, en des termes pratiquement identiques (L. de Duranville, Essai historique et archéologique sur la ville du Pont-de-l’Arche et sur l’abbaye de N.-D. de Bonport, Rouen / Paris, Lebrument / Didron, 1856:15-17), mais en attirant l’attention sur des légendes homologues d’autres régions : « Ce conte fantastique se rattache à d’autres localités. Il y a le pont du Diable, à Voilau, dans le midi de la France, et l’on peut lire un récit fort agréable de sa construction dans l’Echo de la Jeune France (année 1837, article de M. Eugène Barruau). Il y a encore dans le pays de Galles le pont du Diable, jeté sur le Minach, torrent qui coule à près de 70 mètres de profondeur ; son origine est de la fin du XIe siècle. Les paysans suisses attribuent au diable un pont jeté sur la Reuss, et qui réunit les vallées de Gœschenen, canton d’Uri, au val de Cornéra, canton des Grisons. Des circonstances semblables se rattachent au pont de SaintGuillem, dans les environs de Montpellier. M. le Comte Amédée de Beaufort en parle fort au long dans les légendes de saint Guillem, objet de comparaison : Guillaume, duc de Toulouse, parent de Charlemagne, et célébré par les poëtes du moyen-âge sous le nom de Marquis au court nez, voulant construire un pont sur l’Hérault, avait fait marché dans ce but avec Satan, moyennant le premier passager. Saint Guillem, que Guillaume visitait souvent, et qui, en sa qualité de saint, avait à cœur de mettre des bâtons dans les roues du char satanique, fit connaître cette convention à tous ses amis, de peur qu’ils ne tombassent dans le guet-à-pens : car fort souvent la curiosité pousse certaines personnes à tenter les premières un passage qu’on n’a point encore franchi. Puis, aussitôt que l’ouvrage est terminé, saint Guillem lâche un chat dont le malin esprit est contraint de se contenter. Depuis ce temps, dans ce pays, les chats appartiennent au diable, et le pont à saint Guillem » (Duranville 1856:19-20, n. 1). Voici la version popularisée par Amélie Bosquet : « Si l’on en croit... l’opinion la plus répandue, il s’agissait de livrer à Satan le premier être vivant qui traverserait le pont, et l’on eu soin d’y faire passer un malheureux matou qui était devenu suspect aux ménagères du voisinage, pour cause d’abus de confiance et de vol domestique. Toujours est-il que le diable se trouva forcément débouté de ses réclamations, à preuve, c’est qu’il refusa de terminer son œuvre. En effet, on remarque aujourd’hui encore de notables interruptions aux parapets du pont. Au reste, satan eut lieu de se consoler de sa défaite : la remarquable solidité de ce pont est toujours un sujet d’étonnement pour l’observateur, et cet échantillond des ouvres d’art du diable peut faire sincèrement regretter que l’infernal architecte ne nous vienne plus désormais en aide que dans les travaux de démolition » (A. Bosquet, La Normandie romanesque et merveilleuse, rééd. Vertout, 1987, pp. 487-488). Amélie Bosquet rapproche de cette légende la suivante, concernant l’ancienne voie romaine qui, des environs de Condé-sur-Iton, conduisait à Suindinum : « Voici comment les habitants de Condé expliquent ce fait merveilleux : On avait un besoin pressant de ce chemin, mais il paraissait impossible de l’achever pour l’époque déterminée. Le diable proposa de se charger de cette entreprise, et même de la mener si promptement à fin, qu’un cheval lancé au galop ne pourrait suivre les progrès de son travail. Témoins pris et gageure faite, le diable acheva le travail dans le délai fixé » (Bosquet 1987:488, d’après G. Vaugeois, Histoire des antiquités de la ville de l’Aigle, p. 478.). Le pont fut constuit au lieu-dit Archas ou les Dans (ad Danos), au point extrême de la marée montante. La Chronique de l’abbaye de Fontenelle dit que les Normands abordèrent dans un lieu nommé Augusto Dunæ, qui, selon l’abbé Lebeuf, serait, par contraction à l’origine de celui de Hasdans, puis de Dans (L. de Duranville, Essai historique et archéologique sur la ville du Pontde-l’Arche. Documents supplémentaires. Rouen, Le Brument, 1870:5). Le bras de la Seine s’étendant en aval au-delà du pont s’appelait au XIIe siècle Maresdans, de Mare as Dans. Le 14 juillet 1856, la marée finit de ruiner le vieux pont de pierre, dont la sécurité était depuis longtemps compromise. On a parfois écrit que ce pont aurait été construit par Charles le Chauve, ce qui en ferait le plus ancien pont de pierre de France alors que, du point de vue architectural, il doit dater des XIIe-XIIIe siècles. Mais selon Hincmar, le castellum (ensemble de l’ouvrage fortifié) était « ex ligno et lapide », ce qui signifie que les têtes du pont étaient des tours de pierre, mais que le reste de l’ouvrage était en bois. Le premier pont de pierre est dû à Richard Cœur de Lion, qui l’entreprit en 1195, pour contribuer à la défense de la Normandie contre les attaques de Philippe-Auguste. à partir de cette date, ce pont acquit une grande importance stratégique, du fait qu’il était alors l’unique lieu reliant les portions du duché de Normandie situées à droite et à gauche du fleuve (F. Lot, Mélanges carolingiens, Le Moyen Âge XVIII(1905):21-27). Ce pont « mesurait 334 mètres de longueur et 6 m. 50 de largeur, non compris l’épaisseur des parapets. Il était formé de 23 arches de largeurs fort inégales » (Émile Chevallier, Le pont de Pont-de-l’Arche. Les Amis des Monuments Rouennais 1903:79-92, ici 80). Il est vraisemblable que les parapets étaient crénelés à l’origine : en 1858, Raymond Bordeaux rapporte « que l’on avait retrouvé sous les parapets modernes les vestiges d’un système de créneaux des plus curieux » (R. Bordeaux, dans : Annuaire de l’Institut des Provinces et des Congrès Scientifiques 1858:141). Il a été démoli pour moitié en 1855 par les ingénieurs des Ponts et Chaussées, vers la rive droite (Il devait déjà être en mauvais état. L’une des piles de « l’arche marinière » (arche principale) était presque entièrement détruite en 1639 – cf. Chevallier 1903:85), pour faciliter la navigation de la Seine ; ce qui restait a été emporté par la catastrophe du 12 juillet 1856. Lors de la destruction, on a retrouvé dans des objets dans ses fondations : « On n’a trouvé aucune médaille dans les fondations du vieux Pont-de-l’Arche qui puisse assigner une date certaine à sa création. Les seuls choses remarquables qu’on ait trouvées sont une pierre tombale et une cotte de maille » (C. Leclerc, dans : Revue générale de l’Architecture et des Travaux publics XVI(1858): col. 93). Les attributions chronologiques très anciennes prêtées à ce monument s’appuient sur un passage d’Hincmar, auteur des Annales de Saint-Bertin, qui raconte que Charles-leChauve, voulant s’opposer aux incursions des Normands, vint avec les principaux de son royaume à son château de Pîtres, au début de juin 862, et y rassembla de nombreux chariots et des ouvriers qui travaillèrent au moins quatre ans à l’exécution d’un barrage fortifié (« Karolus... omnes primores regni sui ad locum qui Pistis dicitur, ubi ex una parte Andella et ex altera Audura Sequanam influunt, circa juni Kalendas cum multis operatiis et carris convenire facit, et in Sequana munitiones construens ascendendi vel descendendi nabibus propter Nortmannos aditum intercludit » (Annales Bertiniani, ad annum 862. - Les Annales de Saint-Bertin et de Saint-Vaast, publiées par l’abbé Dehaisne, Paris 1871:112). Le problème est que la nature de cette construction n’est pas précisée, ni son emplacement exact... Son appellation en langue vulgaire est Pont-de-l’Arche ou Pont -des-Arches. Parmi les autres formes anciennes, on trouve Pons Arcæ sur une carte de la Normandie datée des environs de l’an 1200, mais aussi : Pons Arcûs, Pons Archæ, Pons Archie, Pons Archas, Pons Arcuatus, Pons Arcatum, Pons Arcis et en français, Pont des Arches ou des Archiers. Un historien anglais cité par Adrien de Valois a écrit le Pont de l’Arche guerroise (L. de Duranville, Essai historique et archéologique sur la ville du Pont-de-l’Arche. Documents supplémentaires. Rouen, Le Brument, 1870:8.). Selon Le Prévost, l’étymologie de ce nom se trouverait dans un diplôme d’Henri II : « pons arcis meae », c’est-à-dire « pont de ma citadelle », ce qui est linguistiquement insoutenable. Différents actes du XIIe siècle offrent la forme Pons archæ, ce qui pourrait faire penser à une tautologie, arca désignant le pont. Or les textes latins plus anciens donnent la forme Arcas. Ainsi Dudon écrit-il à la fin du Xe siècle, en parlant de Rollon remontant la Seine jusqu’à Rouen : « Rollo igitur super responsis suorum laesus, a Rotomo, divulsis navibus, subvenitur ad Archas usque As Danas dicitur » (De moribus et actis primorum Normanniæ ducum, ed. J. Lair, p. 153-154). Guillaume de Jumièges, continuateur du précédent, dit « statio navium apud Hasdans quae Archas dicitur » (Historia Nothmannorum, l. II, c. 10, ds Migne, Patr. lat. 149:796) (F. Lot, Mélanges carolingiens, Le Moyen Âge XVIII(1905):21-27.). La chronique de Guillaume de Jumièges rapporte les faits suivants : « Rollon s’étant emparé de Rouen, méditait la ruine de Paris. Lui et les siens détachant alors leurs navires, sillonnèrent les flots de la Seine et vinrent s’arrêter aux Damps, que l’on appelle aussi Arches. Renaud, généralissime des troupes françaises, ayant appris l’arrivée des payens, se porta au devant d’eux, sur le fleuve de l’Eure, avec une vaillante armée, et envoya en avant, avec d’autres députés, Hastings, qui habitait Chartres et connaissait leur langage ; il vint à eux en suivant le cours de la rivière de l’Eure. Il leur demanda ce qu’ils voulaient ; Rolon répondit qu’ils ne voulaient se soumettre à personne, mais se rendre maître de tout ce qu’ils pourraient conquérir. Hastings alla porter cette réponse au chef français. Pendant ce temps, Rollon et ses Normands se firent des retranchements et une redoute en forme de château ; ils se fortifièrent derrière une levée de terre, en laissant au lieu de porte un vaste espace ouvert. à la pointe du jour, les Francs se rendirent à l’église Saint-Germain de Louviers, entendirent la messe, participèrent au corps et au sang du Christ. Partant de là, ils aperçurent bientôt sur la rive du fleuve les vaisseaux des pirates, et ceux-ci cachés derrière leurs retranchements. L’attaque a lieu sur-le-champ ; mais les Normands, cachés et recouverts de leurs boucliers, se relèvent. Roland, porte-enseigne du général des francs, s’élance avec ardeur ; il est tué au premier choc. Sa mort entraîne la fuite des assaillants, et Rollon peut ensuite sans obstacle lever son camp des Dans et s’avancer sur la Seine jusqu’à Meulan » (Cité dans Charpillon, Dictionnaire historique de l’Eure, 1868, p. 925). Dans son Histoire et Chronique de Normandie (éd. de 1610, p. 10, citée par L. de Duranville 1843:5), Guillaume de Jumièges évoque en ces termes le dialogue entre Hastings et Rollon : « – Holà, très vaillants chevaliers [dit Hastings], apprenez-nous de quelles rives vous êtes arrivés ici, ce que vous cherchez en ces lieux, et quel est le nom de votre seigneur : nous sommes députés vers vous par le roi des Francs.– à ces questions Rollon répondit : – Nous sommes Danois et tous égaux. Nous venons chasser les habitants de cette terre, désirant nous faire une patrie et la soumettre à notre domination ». La première mention de ce toponyme associé au mot pons se trouve des chartes du duc Richard II pour l’abbaye de Jumièges : « ipso loco concedo... pontem Archas et ecclesiam et theoloneum ... » (Le Prévost, loc. cit. II:573) . On écrit ici Archas et non archae, c’est-à-dire qu’on disait alors Pont-d’Arches et non Pont-de-l’Arche. C’est que cet ouvrage était construit dans une localité appelée As Dans et Archas, nom à l’origine d’un grand nombre de toponymes en France, du type Arches ou Arques, d’un terme qui, selon Ferdinand Lot, aurait voulu dire « borne, limite ». Dès le XIIe siècle, il y a eu remotivation sous l’influence du mot arche (du bas latin arca pour arcus). Et ainsi, Pons Archas devint Pont-d’Arches, voire Pontdes-Arches (F. Lot, Mélanges carolingiens, Le Moyen Âge XVIII(1905):21-27). 29 - Finistère En Finistère, le double alignement qui s’étend au nord de Plougastel-Daoulas jusqu’au Quilliou, s’appelle « Pont du Diable » (Saintyves 1936, n° 1866). Une légende comparable est connue à Plounéventer (Finistère), bien qu’elle concerne un pont dont le nom évoque le Christ, et non le Diable : « Avant de construire le pont du Pont-Christ, en Plounéventer, il avait fallu promettre au Diable de lui livrer le premier être qui y aurait passé. Le pont achevé, on n’y avait fait passer qu’un chat : ce qui avait tellement mystifié Satan, qu’il avait juré, sur le pont même, qu’il l’aurait détruit sans cesse, et que de plus, à ses côtés, il aurait formé deux trous, dont l’un aurait été pour les marquis et l’autre pour les papes. Il détruisait la nuit ce qui avait été édifié le jour ; enfin, de guerre lasse, il a donné la paix à la digue, qui remplace aujourd’hui le vieux pont » (Sébillot 1894:150). Un autre Pont du Diable se trouve entre Plouguerneau et Lannilis : « Pont du Diable ou pont Krac'h Date : âge de fer ou haut Moyen Âge Lieu : sur l'aber Wrac'h Le pont du Diable ou pont Krac'h, qui relie Plouguerneau et Lannilis, est un très ancien pont au-dessus de l'aber Wrac'h. Il aurait entre 1.000 et 2.000 ans. Construit à une époque où le niveau de la mer était plus bas, il est ennoyé à chaque marée. Selon la légende, il existait autrefois sur la rive, côté Plouguerneau, un petit moulin qui approvisionnait en farine les habitants des environs mais aussi ceux de Lannilis, de l'autre côté de la rivière (ou plutôt de Ploudiner, nom de l'ancienne trêve qui regroupait les paroisses de Lannilis, Landéda et Broennou). Pour desservir ses derniers clients, le meunier devait accomplir un long détour qui l'obligeait à emprunter, souvent lourdement chargé, des pentes abruptes. Aussi fut-il heureux le jour où le diable, qu'il avait invoqué en pestant, lui proposa un marché : "Tu veux un pont. Demain tu pourras traverser la rivière, mais à une condition : que la première âme qui emprunte ce pont m'appartienne !" Marché conclu et, la nuit venue, le diable, armé d'un grand marteau, se mit au travail. Aux premières lueurs de l'aube seuls quelques blocs manquaient encore lorsque le meunier s'approcha, chargé d'un sac. Le diable se réjouissait déjà, lorsque le meunier s'arrêta et ouvrit le sac. Il en jaillit un chat qui en quelques bonds eut franchi le pont ! Il faut croire que les animaux avaient une âme. Le diable furieux d'avoir été joué, lança de dépit son marteau qui se ficha en terre et prit la forme d'une croix en granit, à laquelle manque un croisillon à l'extrémité supérieure. Une telle croix existe encore côté Lannilis. » (source: site de la commune de Plouguerneau, à http://perso.wanadoo.fr/plouguerneau/patrimoine/pc6.html#dia). Des traditions orales régionales ont été relevées par un habitant de Lampaul qui se présente ainsi : « Les longues soirées consacrées à étudier le vocabulaire breton à Lampaul en compagnie de ma grand-mère Kerebel ont été pour moi l'occasion de noter quelques croyances païennes et autres superstitions. Il m'est paru intéressant d'en faire part aux lecteurs de Peseurt' Nevez. Dans le but de confirmer et de compléter la mémoire de ma grand-mère, j'ai contacté une petite quinzaine de Lampaulais "de souche" en avril 1999. » Parmi ses notes, on trouve la suivante: « Passer de nuit les petits ponts qui enjambent le ruisseau à Milin an Aod et à Keramelon (Poull Edarn) est donc particulièrement dangereux. On raconte l'histoire d'un homme descendant un soir de Pelleoc, qui arrivé devant le pont de Milin an Aod (Ar Chaocheur), marque un temps d'arrêt. Il dit : "Pontig Doue ! (petit pont de Dieu)", et passe le pont en courant. Arrivé de l'autre côté, il se retourne pour dire : "Pontig an Diaoul ! (petit pont du Diable)" avant de disparaître vers les fermes de Plouarzel. Peut-être voulait-il se protéger des viltansou ? ou pire, du diable ? » (Source: http://lambaol.chez.tiscali.fr/patrirel/croyance.htm; 5-X-2005) 30 - Gard L’une des légendes les plus célèbres est celle du « Pont du Gard », cet aqueduc romain long de 266 m construit sans mortier en 19 avant J.-C., pour conduire les eaux de la fontaine d’Eure à Nîmes. Cette légende a été contée en 1868 par Frédéric Mistral dans son Armana prouvençau. Les riverains avaient résolu de construire un pont sur le Gardon tumultueux, mais le maître maçon ne pouvait arriver à bout de son ouvrage, car la rivière détruisait tout. Désespéré, il finit par s’écrier : « Voilà trois fois que je recommence ; maugrebleu de ma vie ! – Il y aurait de quoi se donner au Diable ! ». Aussitôt, le Diable apparaît, et promet de construire l’ouvrage en échange de la première âme qui y passera. Voyant que le malin aura fini avant l’aube, le maçon se confie à sa femme, qui lui conseille d’envoyer sur le pont un levraut que vient de capturer leur chienne. Au moment où sonne la cloche de l’angélus, le maçon lâche donc le levraut sur le pont ; le Diable s’en empare, mais voyant ce que c’est, le placarde contre le pont, et disparaît. Gérard Blacher présente les faits différemment : « Le Pont du Diable est le pont du chemin de fer situé à l’entrée Nord de Nîmes. Il a été construit en 1839 et il enjamble la route. A cette époque c’était le quartier du Mas du Diable. On peut donc penser que le pont a pris tout simplement le nom du quartier [...]. Quant au nom du quartier il est lui-même récent car il ne figure pas sous cette appellation sur le plan Napoléon » (Blacher 1996:93). Il convient de noter que dans la légende associée au Pont-Saint-Esprit « un étrange et mystérieux ouvrier arrivait chaque jour le premier à l’embauche, avant même le lever du soleil. Il travaillait avec une telle ardeur qu’il entraînait tous ses compagnons à accélerer les cadences lors du coffrage des arches et lors du montage des piles. Bien mieux, à la tombée de la nuit, il ne venait jamais réclamer le salaire de la journée, comme il en était coutume au Moyen Âge! Cette intervention du Saint-Esprit ne pouvait qu’inciter les chrétiens à apporter leur concours à ce qui reste encore un des monuments les plus représentatifs du génie civil au XIVe siècle. La première pierre du pont Saint-Esprit avait été posée le 12 septembre 1265 sur la rive gauche par le prieur clunisien Jean de Thianges. Les travaux durèrent quarante-quatre ans et l’ouvrage fut ouvert à la circulation en 1309 » (Clément 2003: 300, d’après Alain Girard, Pont-Saint-Esprit, Mairie de Pont-St-Esprit, 1980). Version donnée sur l’internet (7-oct-2005): « Mais d'où vient il ? Qui l'a construit ? Les romains, comme le prétendent les scientifiques, ou bien… un maçon, ainsi que le veut la légende, et le disent les bonnes gens… Un jour, un maçon décida de construire un pont. Mais pas n'importe lequel : un pont gigantesque, capable de transporter l'eau des sources, afin d'irriguer les champs de la région, et d'avoir des récoltes plus productives. Sa femme, comme tous les gens du village, se moquait de lui, et lui rabâchait sans cesse : "—Arrête de t'escrimer sur ce pont, et viens dans les champs avec moi, les légumes ne vont pas pousser tous seuls ! " Le maçon lui répondait alors : "—Tu verras, quand ce pont seras construit, nous n'aurons plus besoin d'aller chercher l'eau, et nous vivrons dans la joie et la richesse ! " Il reprenait alors tous ses instruments, pelle, marteau, pioche, brouette, truelle, et il continuait son ouvrage. A force de persévérance, la première arche fut achevée. Elle était magnifique, prestigieuse, digne de la volonté dont le maçon avait été animé. Sa femme le félicita comme il se doit, et les villageois admirèrent l'ouvrage, en pique - niquant sous l'arche. Soudain, une pluie torrentielle s'abattit, et tout le pont s'effondra, laissant le maçon devant son ouvrage, totalement désemparé ; tandis que les villageois rentraient chez eux. Le maçon se remit à l'œuvre, et tailla les pierres encore et encore, les scella, et à force de persévérance, la première arche fut achevée. On revint le féliciter, mais encore une fois, des pluies diluviennes s'abattirent, et l'arche s'effondra. "Bon sang de bonsoir ! Cela n'est pas possible, cela est l'œuvre du diable." dit - il à sa femme. Tous regardèrent vers le ciel, et sa femme répondit : " En effet, je vois ses cornes dans le ciel !" La silhouette du diable se dessinait déjà dans le ciel, et tous les gens apeurés rentrèrent chez eux. Le maçon, resté seul, recommença à tailler et à sceller les pierres, afin de reconstruire son ouvrage. Tandis qu'il travaillait dur, une voie nasillarde et grinçante lui proposa : "—Veux -tu que je t'aide, au lieu de travailler comme une bête de somme ? " Le maçon leva les yeux, et vit le diable s'adresser à lui. Il lui demanda : "— Que veux -tu en échange ? — Juste une petite compensation. Que la première créature vivante qui passe sur ce pont vienne avec moi. — Je réfléchis, répondit le maçon. — Donne moi tout de suite la réponse, ou j'enverrai les pires pluies sur ton ouvrage, qui le détruiront sans cesse. — Alors d'accord." Ainsi, le pacte entre le diable et le maçon fut conclu. Soudain, des nuées de diablotins sortirent de nulle part, et s'affairèrent sans relâche à construire le pont. Déjà, il était achevé, et le maçon rentra chez lui. "— Le pont est fini, mais j'ai fait un pacte avec le diable : si je veux que le pont reste debout, je dois lui donner l'âme de la première créature qui le franchira. Je partirai donc demain, et traverserai donc ce maudit pont. — Quel malheur ! Mon frère a ramené un lièvre, et je voulais le cuisiner. Mais le diable a parlé d'une créature vivante, n'est- ce- pas ? — Oui. — Demain, tu partiras avec le lièvre, et tu le feras traverser le pont avant toi. C'est une créature vivante. Ainsi, le diable sera bien attrapé ! " Tout content, le maçon partit, le lendemain, avec le lièvre sous l'épaule, et le lâcha sur le pont. Le diable, qui attendait de l'autre côté, fut fou de rage devant la supercherie, et renvoya le lapin. Il se contente maintenant d'envoyer des orages qui grossissent le cours des rivières. Ainsi se termine la légende du pont du Gard, mais allez voir, peut -être découvrirez- vous sur les pierres du pont un tête de lièvre, en hommage à l'animal qui a sauvé la vie au maçon, et là, qui croirez -vous : les savants ou les bonnes gens…? » (source: http://www.philagora.org/contes-legendes/gard2.htm) 31 - Haute-Garonne La légende du Pont du Diable est connue en Comminges à St-Christaud (Marliave 1987:220). 33 - Gironde On dit que la table du pseudo-dolmen de la Pierre du Diable à Lugos aurait été abandonnée par le Diable, sur injonction divine, alors qu’il la transportait à Dax, pour y construire un pont sur l’Adour. Ce bloc de grès naturel, en place, porte une série de cinq traits interprétés comme une trace de la « Main du Diable », mais qui sont peut-être d’origine récente (il ne s’agit pas d’un polissoir, en tout cas). 34 - Hérault Le pont d’Aniane, appelé Pont du Diable ou Pont du Gour Noir, long de 65 mètres, haut de 16m, à trois arches inégales et remontant au XIe siècle (il fut construit en 1031), fait l’objet d’une légende ainsi racontée par Gérard Blacher : « La bonté de Guillaume, retiré dans le Comté de Gellone, attire les humbles et les malheureux. Pour faciliter le passage de l’Hérault, Guillaume décide de construire un pont. Mais chaque nuit, un inconnu vient détruire ce que Guillaume a édifié le jour. Cela dure depuis plus d’un mois. Guillaume excédé fait le guet. Une nuit, il surprend le Diable. Aussitôt il engage la lutte. Avec l’aide de Dieu, il saisit Satanas à bout de bras, le fait tourner trois fois au-dessus de sa tête et à la quatrième il le précipite dans la rivière. Le Diable se noie et le ‘gour’ où l’eau en tournoie est toute noire [sic] : les pèlerins y jettent encore des pierres » (Blacher 1996:95). La version rapportée par Paul Sébillot en 1894 est la suivante : « Quand Guillaume, duc de Toulouse, dit le Marquis-au-Court-Nez, qui allait souvent visiter son ami saint Benoît au couvent d’Aniane, voulut construire un pont sur l’Hérault, au lieu ordinaire de sa traversée, le Diable renversait la nuit ce qu’il avait édifié à grand’peine pendant le jour. Guillaume finit par se lasser : il appela le Diable et fit un pacte avec lui, aux conditions ordinaires : le premier passager lui appartiendrait. Le saint duc, plus rusé que Satan, fit connaître le marché à tous ses amis pour les en préserver ; puis il lâcha un chat qui le premier traversa le pont, et dont le démon fut bien forcé de se contenter. Depuis ce temps, dans le pays, les chats appartiennent au Diable, et les chiens à saint Guillem » (Sébillot 1894:151). Voici celle que donne Pierre-Albert Clément, lequel précise que les mentions écrites de l’appellation « pont du diable » ne sont pas antérieures au XVIIe siècle: « Le démon était intervenu pour démolir chaque nuit les piles du pont construites dans la journée par les maçons employés par les moines. Les deux abbés qui s’alarmaient de voir leur travail anéanti avaient demandé à une sorcière de leur prendre rendez-vous avec le malin. Celui-ci leur avait promis de les laisser terminer leur ouvrage à condition qu’ils s’engagent à lui livrer la première âme qui y passerait. Le frère cellerier avait alors imaginé, au matin de l’inauguration, de lancer un chien sur la chaussée terminée la veille. Furieux d’avoir été floué, Satan avait poussé un cri horrible et s’était précipité dans l’Hérault, enveloppé d’un nuage à l’odeur et à la couleur de soufre. Depuis, les rochers qui tapissent le lit du fleuve ont pris une teinte sombre qui a valu au gouffre de toujours s’appeler « le Gour Noir ». Pour les détracteurs de légendes, le diable ne serait autre que le fleuve Hérault, dont les violentes crues ne cessaient d’emporter les piles en construction. » (Clément 2003: 295). En légende de la figure p. 296, le même auteur indique « Le Pont du Diable du Gour Noir à Saint-Jean-deFos ». Version collectée sur l’internet : « Le pont du Diable a été construit de concert par les abbayes amies d'Aniane et de Gellone, vers 1025, pour faciliter leurs échanges. Dix siècles plus tard, il résiste encore aux crues de l'Hérault. La beauté de l"ouvrage, considéré comme un exemple parfait de l'art roman primitif, et son rôle historique de point de passage sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle, lui ont valu d'être inscrit en 1998 au patrimoine mondial de l'UNSECO. L'amitié entre les deux abbayes a duré moins longtemps que le pont: dès 1060 Aniane, jalouse de la renommée et de l'indépendance acquise par Gellone tente de rétablir son autorité. Le conflit ne sera réglé qu'en 1090, lorsque le pape Urbain II reconnait solennellement l'indépendance de Gellone. Le nom du pont dérive d'une légende liée à Guilhem d'Aquitaine, devenu Saint Guilhem. Ce dernier avait entrepris de construire un pont sur la rivière d'Alaor (l'Hérault) pour visiter plus commodément son ami Benoît (voir l'histoire d'Aniane), mais Satan, pour empêcher la réunion des deux saints, détruisait chaque nuit ce qui avait été fait le jour. Guilhem fit alors un pacte avec lui: il pourrait construire son pont à condition que le premier passant soit livré au Diable. Guilhem construit son pont, fait prévenir tous ses amis de se garder d'y passer quand il serait achevé, et lâche un chat qui devient ainsi le premier passant. Depuis, les chats du pays sont propriété du diable, mais le pont tient toujours. » Source : http://www.univ-montp2.fr/~neurodvpmt/places4/PDA.html À Ollargues se trouve également un Pont du Diable, construit de 1060 à 1100 sur la rivière Jaur. Il est long de 32,60 m et a trois arches (une grande, flanquée de deux petites) (Blacher 1996:101). Voici ce qu’en dit Pierre-Albert Clément (2003: 296): « La tradition rapporte que les habitants avaient entrepris d’élever un pont car le gué qui permettait à la route de Vieille-Toulouse de franchir le Jaur était souvent submergée par les sautes d’humeur de la rivière. Malgré l’aide de fées bienveillantes, le chantier était sans cesse à recommencer. On fut donc contrant de pactiser avec le diable. Le matin où il fallut tenir la promesse faite à Lucifer, on vit arriver deux aubergistes portant chacun un sac à l’intérieur duquel on avait l’impression que quelque chose bougeait. Lorsque l’on ouvrit le premier, un chat s’en échappa, frénétiquement poursuivi par le chien qui était caché dans le second ». Il y en a un autre à Villemagne, long de 14m, à deux arches, construit au XVIIIe siècle sur la rivière la Mare. Voici de qu’en dit Pierre-Albert Clément (2003: 295-296): « Le Pont du Diable qui surmonte la Mare au nord de Villemagne est lui aussi très proche voisin d’une abbaye bénédictine héraultaise. Dans le village, on raconte qu’un âne y fut offert en holocauste au démon. » 37 - Indre-et-Loire En 1644, la tradition suivante a été notée pour Chinon par Louis Coulon, dans son livre sur Les rivières de France : « Chinon est remarquable par ses grands ponts de pierre qu’on nomme communément les ponts de la Nonain, soutenus d’une infinité d’arcades inégales, et chargés de croix en plusieurs endroits, pour ce qu’on tient que ce fut un Lutin ou quelque Esprit inconnu qui en assit la première pierre et acheva le dessin de l’Architecte qui l’auoit entrepris » (Coulon 1644, I:344). 38 - Isère À St-Christophe-en-Oisans, un Pont du Diable franchit un torrent appelé Torrent du Diable, qui prend sa source au glacier de la Selle et coule au pied d’un sommet dit du Diable (2867 m) et dominant un Lac Noir. Selon Gérard Blacher, « ici... lorsque l’on demande le Pont du Diable on vous montre l’actuel pont routier construit en 1898 alors que le véritable Pont du Diable se trouve en dessous. Il est daté d’époque romaine. Aux alentours, il reste les vestiges d’une implantation médiévale. [...]. Contiguës au pont on peut voir les ruines d’un moulin qui apparaît dans les textes en 1313. Il a été détruit en 1825 écrasé par un bloc de rocher tombé de la falaise. Il fut reconstruit en 1827 à l’emplacement actuel et porte le nom de Moulin du Diable » (Blacher 1996:103). Blacher ajoute ce commentaire de son crû : « certainement afin d’harmoniser la toponymie » et raconte ainsi la légende : « Les hommes voulaient bâtir un pont. La tâche était particulièrement ardue. à plusieurs reprises la construction s’écroula. Découragés, les hommes allaient abandonner lorsqu’un passant vêtu de noir leur proposa de bâtir ce pont en une nuit. En contrepartie, il prendrait, l’âme du premier passant. De retour au village ils en parlent au curé. Le lendemain, ce dernier se rendit sur les lieux avec son chien. Le diable attendait, le curé lança son chien courir sus au Diable. Le chien traversa le pont, le diable berné, dû [sic] prendre l’âme du chien et s’enfuit en hurlant » (Blacher 1996:105.). 39 - Jura Légende cité pour Salins-les-Bains: « Le pont du Diable Au nord-est de Salins-les-Bains, le touriste curieux ne manque pas de visiter la Source du Lison, le Creux Billard et la Grotte Sarrazin qui forment une des plus remarquables curiosités naturelles du massif jurassien. Quelques kilomètres plus loin, en admirant la vallée encaissée entre les deux villages de Crouzet-Migette et SainteAnne, il emprunte le Pont du Diable qui enjambe la gorge très profonde où coule un ruisseau, affluent du Lison. Quelle est donc la légende se rapportant à ce pont et qui se raconte dans la région r Vers la fin du XIIIe siècle, les gens du pays sollicitèrent un entrepreneur de Salins nommé Babey pour réaliser cet ouvrage difficile. Consciencieux et de bonne renommée, ayant déjà fait ses preuves en construisant une église et d'autres édifices importants, paraissant suffisamment compétent pour réussir, il signa un contrat avec les deux communes qui voulaient faciliter leurs échanges et promit d'achever les travaux avant un an. Terrassiers, carriers, maçons, manoeuvres et transporteurs affluèrent. Sur chaque versant, quelle animation sur les chantiers! L'entrepreneur, l'architecte et les maîtrescompagnons se concertèrent pour choisir de part et d'autre l'endroit adéquat où l'on entaillerait la roche pour asseoir solidement sur leurs fondations les extrémités du pont ou culées. Des chariots tirés par des boeufs ou des chevaux, dans un va-et-vient incessant, amenaient à pied d'oeuvre les énormes blocs extraits des carrières voisines, ou transportaient des poutres de chêne. Les appels répétés, les cris rauques des voituriers retentissaient au loin dans la vallée. A proximité, des équipes s'activèrent autour des roches pour les transformer en pierres de taille que les maçons assemblaient. Infatigable, les plans en mains, Babey se déplaçait d'un groupe à l'autre, exigeant ici un travail plus soigné, là stimulant les ouvriers. Après plusieurs mois, les culées furent terminées. L'arche progressa lentement et l'on envisagea de poser prochainement le tablier ou plancher du pont. Heureux, le maître d'oeuvre se frottait les mains de satisfaction. Mais une nuit, un vacarme assourdissant réveilla les gens de Crouzet-Migette et SainteAnne. Inquiet, dès l'aube Babey fut sur les lieux. Quel désastre! Dans un enchevêtrement indescriptible, pêle-mêle au fond de la gorge, étaient entassés blocs, poutres, cailloux et autres matériaux. L'homme de l'art ne s'attarda pas à se lamenter, ni à discourir sur les causes de la catastrophe. Volontaire et décidé, n'ayant qu'une parole, il embaucha aussitôt d'autres ouvriers pour doubler les équipes. Il fallait se remettre à l'ouvrage avec ardeur pour pouvoir respecter les délais. Avec plus de rigueur et de minutie qu'auparavant, il contrôla le travail des maçons. Bientôt la construction reprit forme... Hélas! un soir un épouvantable fracas fit à nouveau sursauter les habitants effrayés qui se signèrent. -Quelle malédiction s'acharne donc sur cet édifice ? se demandait-on à la ronde. Babey toujours si sûr de lui, avait-il vraiment toutes les capacités pour mener à bien cette délicate entreprise ? Le doute commençait à s'installer dans les esprits. L'entrepreneur déçu ne pensa qu'à recommencer une fois de plus pour tenir ses engagements. Désormais une garde de quelques hommes resterait la nuit sur place pour empêcher toute malveillance et effectuerait de fréquentes rondes. Tous les ouvriers du chantier redoublèrent de courage, travaillant dès l'aube jusqu'à la nuit. Une troisième fois, le pont se dressa solide et massif. Que pouvait-on encore craindre ? Dans quelques jours il serait complètement achevé. Pourtant dans la nuit, malgré les précautions prises, tout s'écroula à nouveau pour la troisième fois dans un bruit infernal. L'éboulement faillit même entraîner au fond du précipice les gardiens présents sur les lieux. Accablé, prostré, le constructeur resta le dernier à contempler les décombres du pont qui, la veille encore, avait si fière allure. Tous ses efforts étaient anéantis. D'après le contrat, l'ouvrage devait être achevé dans huit jours! Babey se voyait humilié, ruiné, la risée de tous, lui, qui d'habitude mettait son honneur à respecter scrupuleusement les délais. Impuissant devant ce nouveau coup du sort, il s'écria : -Pour terminer, je donnerais tout, absolument tout, même mon âme au diable s'il le faut. A ces mots, le démon surgit à sa gauche. C'était bien lui, cet être étrange au visage sillonné de rides, à la chevelure noire et hirsute, à la barbiche taillée en pointe et surtout au regard perçant et à la longue queue poilue relevée vers l'arrière. -Je suis Satan. Tu m'as bien appelé. Que désires-tu ? Abasourdi, effrayé, l'entrepreneur ne put articuler un seul mot. -Tu es fort troublé. A trois reprises, tu t'es acharné à reconstruire un pont que je démolissais à chaque fois. Ne cherche pas à poursuivre les travaux sans mon consentement, car ma puissance est sans limite. Par contre si tu acceptes mes conditions, j'ai le pouvoir de tout achever aujourd'hui même. -Que faudrait-il donc pour cela, interrogea Babey d'un air embarrassé. -Tu es déjà d'accord pour me vendre ton âme. C'est entendu. J'exige encore celle de la première personne qui utilisera le pont terminé. -Je ne peux guère consentir à cela et je n'en ai pas le droit. -Alors tu t'en repentiras. Satan fit mine de s'éloigner vers le fond de la gorge tandis que Babey hésitait... Mais l'orgueil l'emporta à la pensée de ce troisième échec, de sa réputation ternie à jamais, des critiques malveillantes à son égard le jugeant incompétent... Finalement il rappela Lucifer. -Allons, signe ce contrat sans attendre, trancha le diable en lui tendant un parchemin jauni. Tandis que l'homme de l'art s'exécutait, sur un geste mystérieux du démon, pierres de taille et poutres reprenaient leur place initiale... et voilà le pont reconstruit. O surprise, ô satisfaction! Babey était-il comblé ? Obsédé par ce pacte qu'il se repentait maintenant d'avoir signé, avec de sinistres pressentiments, il rentra très tard à Sainte-Anne où il ne dit mot, ne confiant son secret à personne. Malgré l'insistance de sa femme, il refusa toute nourriture. Las, accablé, fiévreux, il dut se coucher. Des cauchemars terrifiants, des visions horribles l'assaillirent, hantant son esprit tourmenté, secouant son corps de grands frissons. Le malheureux cherchait à s'asseoir sur son lit, transpirait à grosses gouttes, hurlait, parlait du diable et voulait fuir au loin. Épouvantée, sa femme appela les voisins. -Mon pauvre mari est bien mal. Il délire et va trépasser... Ayez pitié et courez prévenir le curé de Crouzet, je vous en supplie, pour qu'il lui apporte les sacrements. Le jour commençait à poindre quand le vieux prêtre alerté sortit du presbytère. Portant le ciboire d'or contenant les hosties, il pressait le pas, se sachant attendu impatiemment à Sainte-Anne. Il allait emprunter le sentier abrupt qui descendait au fond de la vallée quand il vit, à son grand étonnement, le pont terminé. A Crouzet ne chuchotait-on pas que l'oeuvre serait abandonnée après les trois échecs successifs ? Comme il fallait faire au plus vite, il revint donc sur ses pas et s'engagea résolument sur le pont qu'il était le premier à franchir. A mi-chemin le diable surgit, s'apprêtant à l'assaillir. Mais le brave curé reconnut tout de suite le Prince des ténèbres. -Vade retro Satanas ! Retire-toi Satan, s'écria-t-il aussi fort qu'il put, en présentant le ciboire devant lui. Et Dieu intervint, sauvant son serviteur Ébloui, désemparé, Lucifer sauta au-dessus du parapet pour tomber au fond de la gorge et disparaître à jamais dans une profonde excavation, qui n'est autre que l'entrée en forme d'entonnoir de l'Enfer, selon la croyance... Alors le prêtre put poursuivre sa route jusqu'à la maisonnette de Babey toujours délirant qu'il rassura et réconforta. Bientôt le patient retrouva son calme. Depuis, solidement amarré aux deux versants de la vallée, le pont subsiste... Bien plus tard, d'importantes modifications lui furent apportées, mais son nom rappelle toujours l'hallucinante aventure. » (Source : http://www.cancoillotte.net/html/heritages/Legendes/PontDuDiable.htm ; également cité sur : http://www.tromal.net/conte/view.php?urlHistoCount=6414; 7-X-2005) 40 - Landes Mac Devignes précise qu’une légende analogue à celle de la Pierre du Diable à Lugos (Gironde) « existe pour de nombreux menhirs du département des Landes : Rion, SteColombe, Pouillon, Sarron... » (Devignes 1995:120). 42 - Loire Le pont du Diable de St-Marcelin-en-Gorez (ou en Forêt ? ==> à vérifier), construit au XIVe siècle, long de 14,4 m et à deux arches, est le support de la légende suivante : « Il fallait l’aide du Diable pour construire le pont. Le Diable demandait en contrepartie l’âme du premier vivant qui passait sur ce pont, en général un ‘cochon’. Le Diable aurait construit ce pont en une nuit, cadeau du Malin » (Blacher 1996:106). 43 - Haute-Loire Gérard Blacher rapporte la légende suivante, expliquant la construction du pont de Chalençon, qui remonte au XVe siècle (long de 50m, il est à deux arches): « Un vieux pont que les crues de la rivière qu’il enjambe détruisaient régulièrement, était, reconstruit au prix de dures journées d’efforts par les habitants du village. Un jour, le seigneur de ce village descendant une nouvelle fois voir les dégâts, fut accosté par le Diable qui lui tint ce langage : ‘Je reconstruirai le pont cette nuit à la condition que la première âme qui le franchira m’appartienne’. Et il disparut. Le seigneur, car c’était un bon seigneur, ne voulant point sacrifier un de ses sujets, décida de se sacrifier lui-même. Le lendemain il descendit et il vit que le Diable, qui se tenait de l’autre côté du pont, avait tenu parole. Le pont était là, magnifique et solide. Ce que le Diable n’avait pas prévu, c’est que le chien du seigneur qui gambadait devant son maître comme le font beaucoup de chiens, passa le premier sur le pont. Le Diable, tout d’abord surpris, dut prendre l’âme du chien, mais furieux fit tomber, en disparaissant, une des pierres du parapet. Chaque fois que cette pierre est remise à sa place, elle est retrouvée dans la rivière le lendemain. Le diable disparut à jamais. Le pont devint Pont du Diable et ne s’écroula plus » (Blacher 1996:109). Pierre-Albert Clément (2003:297) dit simplement: « à Saint-André-de-Chalançon, dans le nord du Velay, le seigneur du lieu avait réussi à terminer son pont sur l’Ance en se défaisant d’un de ses lévriers, vieux, usé, fatigué et presque aveugle ». Il continue en citant cette autre légende: « Un récit atypique demeure lié au pont du Diable sur lequel la voie romaine et médiévale de Nïmes à Gergovie franchissait jadis le ruisseau de Rouchoux, un kilomètre au nord-ouest de Saint-Privat-d’Allier. Douze jeunes gens, un chiffre symbolique, y dansaient rituellement. tout-à-coup, ils s'aperçurent avec frayeur qu’un treizième personnage s’était mêlé à eux: ses pieds avaient la forme de sabots de pourceaux, attributs spécifiques de Lucifer » (Clément 2003: 297). 44 - Loire-Atlantique Le nom de Barbechat, en Loire-Atlantique, est populairement expliqué par la légende suivante : « Saint Martin [de Vertou] avait souvent besoin d’user du chemin de Vertou au Loroux, mais il était toujours gêné par la nécessité de recourir à un bac, dont le service n’était pas régulier, pour passer le fossé dit de Louan, dans le marais de Goulaine, fossé d’ailleurs très profond : ce qui gênait pour la construction d’un pont. Le Diable vint offrir ses services à saint Martin à une condition : c’est qu’il aurait en retour la propriété de la première personne qui passerait le pont. Saint Martin, qui n’était point sot, accepta, prit un chat sous son manteau et le jour où l’ouvrage fut terminé, lança la bête. Le Diable se mit à la poursuite et ne put saisir que sa barbe, tant il courait fort. Depuis ce temps, le lieu où la course prit fin s’appelle Barbe-Chat » (Dr Marcel Baudouin, notes manuscrites conservées aux Archives Départementales de la Vendée). Celui de la commune de Pont-Saint-Martin fait manifestement allusion à une légende similaire. Voici ce qu’en dit le site de l’association « Sauvegarder et Promouvoir le Patrimoine naturel et culture du Pays de Rez » : « Dans cette commune, Saint-Martin entre dans plusieurs légendes. La mémoire de ce moine évangélisateur est souvent rattachée à la réalisation de ponts. C'est le cas du Pont de l'Ouen, dans les marais de Goulaine, ou du pont entre l'Ile d'Yeu et le continent. A chaque fois, Saint-Martin faisait un pacte avec le diable pour lui faire construire les ouvrages nécessaires. A Pont Saint Martin, pour franchir l'Ognon, le diable demande pour paiement l'âme du premier être vivant qui passerait sur le pont. Le jour venu, St Martin ne présenta qu'un chat pour le sacrifice… C'est ainsi que furent construits tous ces ponts… Vous connaissez l'Ile d'Yeu, et vous avez le souvenir d'avoir pris un bateau, pour vous y rendre? L'ouvrage fut construit, mais le diable, de colère, le détruisit en découvrant le subterfuge. Il reste, en vestiges, le Pont d'Yeu, une chaussée rocailleuse de quelques kilomètres qui se découvre lors des grandes marées. Elle est située sur la côte vendéenne, près de Notre Dame de Monts. » (Source : http://museepaysderetz.free.fr/p_pontsaintmartin.html) 45 - Loiret En 1884, Henry Gaidoz et Paul Sébillot signalaient que les gens de Beaugency sont surnommés « Les chats de Beaugency » par allusion à une légende de pont du Diable : « La tradition rapporte que ce sobriquet remonte à un pont difficile à construire que le Diable fit à condition que l’architecte lui donnerait la première âme qui passerait sur le pont. L’architecte y fit passer un chat, qui déchira le visage du Diable et finit par lui échapper » (Gaidoz & Sébillot 1884:254). La légende de Beaugency est ainsi développée en 1894 : « Un architecte qui ne pouvait achever la construction du pont se voua au Diable. Le pont terminé, l’architecte lâcha dessus un chat ; le Diable, furieux, chercha à détruire son ouvrage : il lui donna un grand coup de pied, mais ne put que faire pencher un contrefort ; il s’empara du chat, mais celui-ci se débattit et lui déchira le visage » (Sébillot 1894:150). Version diffusée sur l’internet (7-X-2005): « Cette histoire, encore toute récente à l'échelle de l'humanité, remonte à l'époque où les balgenciens se promenaient encore à pied où en calèche et déféquaient, sans états d'âme, dans quelques recoins sombres et puants des ruelles. Point d'usine ne régurgitait encore de poisons dans l'air et dans l'eau. Et les pires toxines étaient véhiculées par la langue des curés. C'était au temps béni où les poumons tuberculeux respiraient un air moins nauséeux, mais tout aussi brumeux… Par une curieuse nuit d'hiver, comme on n'en trouve de pareille qu'aux abords des larges rivières. Un immense linceul de brume recouvrait alors la Loire. A tel point, qu'aucune embarcation raisonnable ne se serait risquée à en effectuer la traversée. Cette nuit nuit là, le bac était solidement amarré et gardé par quelques algues. Donc, je reprends... par cette curieuse et étrange nuit, désertée de la lune, mais point des étoiles qui étaient fort nombreuses, Le Diable surgit soudain à la surface brumeuse des eaux et, imitant Jésus, par quelque ironie, se mit à faire les cent pas. L'ange déchu, de rouge vétu, réfléchissait de quelle délicate manière il pourrait capturer l'âme d'un de ces balgentiens, rusés et fiers à qui on ne la fait point. Jetant un regard vers la rive il apperçu à travers la brume un volet qui remuait, comme pour lui rappeler que la ville était bien gardée. Un volet qui remue, se dit le diable! se souvennant alors, qu'il était pour de nombreuses mémères le loisir de journées entières de contempler les mouches voler, tapies derrière le rideau d'une fenêtre, d'un volet entrouvert ou d'une meurtrière. Ces mémères furent et demeurent au fil des âges, les gardiennes de la bienséance sacrée, telles d'antiques statues de granit érodé et moussu elles veillent sur la sérénité des nuits Balgentiennes. Donc notre ami Diable réfléchissait, et le fait d'imiter Jésus en parcourant les eaux subjugait sa réflexion Car il n'était pas sans ignorer que cet acte portait sur les nerfs des mémères et exitait les Ursulines à l'oeil perçant qui, observent la Loire de leur couvent perché. Dans un instant de clairvoyance, jaillit dans l'esprit du malin une idée qu'il tint alors pour remarquable. Ainsi le diable éructa quelques incantations de son cru à travers la brume. Au matin la brume humide et fraîche se dissipa, révélant un pont qui enjambait la loire, sous un ciel se sombres nuages. Les balgentiens s'attroupèrent à l'entrée de l'édifice, moines, marauds, artisans, notables et malandrins se bousculaient aux abords de cet ouvrage remarquable qui n'existait pas la veille. Un malandrin s'avança pour l'inaugurer mais fut arrêté net par une voix de fausset : c'était l'Abbé Barnabé qui était non seulement lettré, clairsemé, quasi-tondu, mais avait également de belles lunnettes recouvertes de peau de batracien. — Halte-là malandrin, s'exclama-t-il ! Ne vois tu, donc pas cette pancarte négligemment posée contre le pont ? — Millediou! l'avois pas vue, c'étiou que j'n'aviou pas d'si belles lunettes que vious mon abbé! L'Abbé flatté s'avança prestemment de la pancarte, suivit par ses ouailles aussi curieuses que roucoulantes. L'Abbé Barnabé y décrypta une inscription latine, portée en fines lettres gothiques. Même avec des lunettes en peau de batracien, c'était pas évident à lire. qu'il traduisit en prenant soin de laisser les syllabes se détacher dans le vent : — Gentils Balgentiens, ce pont est pour vous, traversez-le prestement ! A ces mots les balgentiens, dont l'esprit n'était pas moins vif que celui des moutons de Grand-Mère Bérangère, ne se sentirent plus de joie et se précipitèrent vers le pont, tels un essaim de grosses mouches apercevant sur un gros fromage oubliée sur le soleil de l'été . — Restez ici badeaux! S'écria l'Abbé Barnabé brandissant sa loupe, qu'il transportait en général pour observer les fourmis. Je n'ai pas terminé, il y a encore quelque chose d'annoté en caractères liliputiens, là juste en dessous... (et il poursuivit :) Post Scriptum : En modeste contrepartie à cet ouvrage, je prendrai la première âme qui s'engagera sur le pont. Amicalement, le Diable. à ces mots les balgentiens reculèrent vivement en bèlant indignés : ils ne se sentaient plus du tout de joie. Bien heureusement l'Abbé Barnabé qui passait pour un esprit vif et agile, bien qu'ayant une panse fort développée, roula un peu des yeux et sourit d'un air plein de malice. — Qu'on m'apporte un seau d'eau! Dit-il. Les balgentiens intrigués par la ferveur de l'Abbé s'exécutèrent. L'Abbé Barnabé s'empara alors d'un gras matou, dénommé Kroukrou, qui observait tranquilement un pigeon, L'Abbé saisit le seau d'eau de Loire, verte et pleine d'algue, par le rebord de sa main libre et en déversa le contenu glacé sur le chat qui s'enfuit sur le pont en miaulant des protestations indignées. Parvenu au milieu du pont, il s'arrêta et vit, un Diable, très bien habillé qui le saisit par la peau du cou et jetant un regard dédaigneux vers les balgentiens il se jura à lui même qu'on ne le prendrai plus à méditer en marchant sur l'eau. Alors que le chat se débattait en griffant, le Diable déclara que Jésus était un crétin et les balgentiens des ânes. Puis il fit apparaître une trappe à la surface du pont et emmena son chat en enfer. Depuis, les balgentiens qui connaissent cette légende traversent le pont d'un pas rapide avec une crainte mêlée de respect. La trappe n'existe plus, car c'est à son emplacement qu'au XXe siècle, le pont s'écroula. Si votre chat est turbulent, racontez-lui cette histoire. Et si par défiance il refusait d'y croire, emmenez-le se promener au bord de la loire. Aujourd'hui encore, dès la tombée de la nuit, des dizaines de chats parcourent Beaugency. Et si l'envie vous prenait, de les suivre, vous constateriez que jamais, ça non, jamais, un seul d'entre eux ne s'aventure trop prêt... du pont du Diable. » (Source : http://www.2ours.com/beaugency-pont-legende/legende-pont-diable-beaugency/legende-pont-diable- beaugency.html). Autre texte publié sur l’internet: « Dès le Moyen-Age. En Orléanais, au XIXè siècle, on disait tout aussi bien : "Malheur à celui qui tue un chat, car rien ne lui réussira" que "Rêver d'un chat, c'est signe de malheur pour soi ou pour la maison où l'on est". La légende de Beaugency illustre le côté obscur du chat. Bien que trois versions différentes soient apparues au cours du XVIIIè et du XIXè siècles pour "dédiaboliser" l'histoire des chats attachée à cette ville, il semble bien que l'origine de celle-ci doive être recherchée dès le Moyen-Age dans la légende du "Pont du diable". La première édition rédigée date de 1842. Elle fut popularisée en 1936, par James Joyce qui écrivit alors "Le chat et le diable". Le Malin, n'ayant obtenu en échange de la construction du pont de Beaugency qu'un chat, aurait dit à ses habitants : "Vous n'êtes pas de belles gens du tout ! Vous n'êtes que des chats !" Aujourd'hui, les Balgentiens semblent avoir admis cette comparaison à l'origine peu flatteuse puisque de par les rues, sur les toits ou les enseignes, les chats ont investi la ville. (Source : http://www.loiret.com/cgloiret/ index.php?page=display&class=notrehistoire_traditions&object=r81_chats&method=h_display_full; 7-X-2005) 46 - Lot À Cahors, le pont de Valentré a été constuit par un architecte qui vendit son âme au Diable à la condition que ce dernier obéirait à tous ses ordres pendant la construction. Au moment où le pont allait bientôt être terminé grâce à cette aide, l’architecte demanda au Diable d’aller chercher dans un crible l’eau nécessaire aux maçons... « Satan alla trouver l’architecte et lui promit de lui jouer un tour de sa façon ; le pont allait être terminé, quand tout à coup, sans cause apparente, l’angle nord-est de la tour du milieu s’écorna dans le voisinage du toit. On le répara ; le lendemain nouvelle écornure. Cette fois, Satan lassa les ouvriers, si bien qu’en 1872 l’angle était encore écorné. M. Gout, qui restaura le pont à cette époque, combla le vide, mais, désireux de perpétuer cette vieille légende, il a fait sculpter sur la pierre Satan faisant encore des efforts pour l’arracher » (Sébillot 1894:165-166). Une autre version de ce récit précise que le pont était pratiquable mais que, « à toutes fins utiles, on fit traverser un chien, puis un brigand de grands chemins à qui l’on avait promis la liberté : rien ne se passa » (Martinot ***). Une lettre de l’abbé Victor Dorin, adressée au Dr. Marcel Baudouin le 20 décembre 1937 et conservée aux Archives Départementales de la Vendée, apporte les précisions suivantes : « On racontait que lorsqu’on traversait le pont pour la première fois, une vieille femme apparaissait au voyageur et lui adressait ces paroles : Cal boïa lo bieilho (“Il faut embrasser la vieille”). La légende du Diable arrachant les dernières pierres pour empêcher l’achèvement du pont Valentré est la seule transmise jusqu’à nos jours, en quelque sorte attachée à l’histoire du pont » (Fonds Baudouin aux Archives départementales de la Vendée. Cote provisoire 47.14, p. 226. ). Gérard Blacher donne les deux versions suivantes : 1. « Pour que l’on aidât Satan à construire le pont, l’architecte jura de lui donner son âme. Mais lorsque vint le jour de payer le démon, l’architecte ne voulut pas laisser prendre son âme. Aussi il lui demanda de porter de l’eau dans un crible. Satan échoua, c’est là chose impossible. Mais le Diable, car il est rancunier, revint chaque nuit pour desceller une pierre du pilier de la tour qu’on ne put, de ce fait, achever. Des siècles donc passèrent jusqu’au jour où Calmon fit un Diable de pierre de ce méchant démon. La tour fut terminée et depuis, accroché par les pieds et les griffes, là-haut, tout au faîte, bien que tentant la nuit d’ébranler le pilier, l’affreux Diable vaincu a signé sa défaite » (Blacher 1996:111). 2. « Le Diable se voyant joué, revendiqua l’honneur de poser la dernière pierre de la tour centrale. Mais elle était tellement peu conforme que le chapiteau de la tour tombait sur les voyageurs qui l’empruntaient. On alla chasser le Diable que l’on dénicha un soir d’orage dans sa tanière. On le traîna de force jusqu’au milieu de l’édifice et on le hissa par force d’échaffaudages au sommet de la tour où un solide rivet qui tenait tout eut raison de lui » (Blacher 1996:113). Version donnée sur l’internet: « Tous les habitants de Cahors avaient grand chagrin : plusieurs générations avaient mis leur cœur à bâtir un pont sur le Lot, et depuis si longtemps que Consuls et échevins travaillaient à le faire construire, la besogne en était à peu près au même point. On aurait dit que le Lot mettait malice à déjouer les projets des Cadurciens. Il faisait sec, la fontaine des Chartreux ne coulait plus par dessus-bords, la rivière baissait. Vite, compagnons et manoeuvres, au travail ! On élevait des barrages, on creusait des trous, et on commençait les piles. Tout à coup, une nuit, le vent soufflait, il pleuvait gros comme des socs de charrue, et tout fier, le Lot montait, emportant tout, barrages et maçonneries, dans des eaux rouges comme du sang. Les bourgeois de Cahors étaient découragés, et quelques-uns, disaient déjà que cela avait coûté force beaux écus sans rien rapporter. Les anciens avaient toujours passé le Lot en barque, on pouvait continuer ainsi. Cet avis commençait à être écouté, quand un homme hardi, maître maçon des plus habiles, s'en vint trouver les consuls, et se fit fort , si l'on voulait le bien payer, de finir le pont avant les pluies de l'automne. Ce fut une rude discussion entre les consuls : les uns disant que l'homme tiendrait parole et les autres objectant que les deniers de la ville s'épuisaient. Enfin, les consuls se mirent d'accord, et, ils dirent au maçon qu'on le pendrait haut et court si l'on ne passait pas la prochaine vendange sur un solide pont de pierres à tours crénelées. Le maître maçon réfléchit un moment et relevant la tête : "C'est dit, !", fit-il, et l'on se frappa dans les mains. Il fit venir tout de suite beaucoup d'ouvriers de tout le Quercy, et l'on posa bientôt, au son des cloches, la première pierre, arrosée de vin de Cahors comme on n'en boit plus. Cette fois le Lot se laissa faire, il n'y eut plus une seule crue de tout l'été, et chaque soirs les bourgeois venaient voir de combien les piles avaient monté. Mais elles ne montaient pas bien vite ! Pourtant les pampres rougissaient aux basses branches des ceps et on arrivait à la Saint-Michel. Les vendanges s'annonçaient fort belles, et dans l'attente du vin nouveau, tout le monde riait et chantait, sauf le maître maçon. Le pauvre homme était au désespoir : mais une parle est une parole, ce qui est promis doit-être exécuté, et malheureux voyait maintenant que son pont demandait encore au moins une année de travail. Enfin, brûlé de fièvre, poussé par l'orgueil qui était son grand défaut, il résolut de demander l'aide du diable. Il connaissait de vue une fagillière, une de ces étranges créatures qui, vont tourmenter les gens dans leur sommeil et rentrent ensuite dans leur enveloppe mortelle. Le maître maçon l'appela donc et lui murmura comme dans un râle : "Venez demain sur les huit heures". On ne peut pas dire qu'il fût soulagé, il ne pouvait plus dormir. Son coeur honnête était brisé. Il ne voulait pas qu'on pût continuer à sourire devant son pont, en disant qu'on ne le verrait jamais fini. Si, il le finirait son pont, à l'heure dite, et pour cela il y perdrait son âme. Le lendemain, de bonne heure, seul en sa maison il attendit la femme. Trois coups furent frappés à la porte et une vieille affreuse, ridée, ratatinée, avec des yeux verts et méchants, se trouva devant lui. "Que me veux-tu et que me donneras-tu ?" Je te donnerai une carte de farine et deux poques d'huile si tu me dis comment je pourrai parler au diable. La vielle se mit à rire : "Je te le dirai : montre moi d'abord la farine et l'huile, et je veux le double de ce que tu m'offres." Elle se fit remplir un sac et une grosse gourde, puis elle donna ses instructions à l'homme. Quand il fût bien instruit, elle s'assit sur le sac et tout disparut. Cette nuit-même, l'homme se leva, sortit de la ville . Il portait une besace où quelque chose s'agitait. Il faisait très beau, le ciel était plein d'étoiles qui se répétaient, brillantes, dans le Lot. Le maître maçon ne voyait rien, n'entendait rien. Il gravissait les roches glissantes, arriva tout en haut de la colline, à une grande place où l'on aurait dit que l'herbe avait été brûlée. Il s'arrêtât, plaça sept pierres en rond, et tira de sa besace un chat noir. Il le posa par terre : aussitôt des étincelles jaillirent en crépitant de tout le corps du chat qui miaula trois fois. Au troisième miaulement, il vit devant lui un diablotin qui lui arrivait à peu près au genou. Il s'attendait à un diable aussi haut qu'un chêne et en demeura stupide de surprise et de désappointement. "Eh bé, lui dit le petit démon, tu n'as pas de langue ? Pourquoi m'as-tu fait appeler ? " Que veux-tu que je demande à un ragnalet comme toi, dit le maçon ? "Ragnalet, toimême. Tu pensais peut-être voir Lucifer en personne ? " Écoute, diablatou, dit-il, parlons franc. Oui ou non, es-tu capable de me finir le pont du Lot en une semaine ? L'autre s'esclaffa : "Une semaine ! Tu me prends pour une fourmi ? Je le finirai bien la nuit prochaine si je le voulais. " Toi, si petit ? "Oui, grande bête, moi tout seul ! Avant que le premier coq de Cahors chante, la nuit prochaine, je t'achèverai ton pont, si fort et si solide que les gens de Cahors ne pourraient pas le démolir s'ils s'en avisaient." L'homme crut voir la foule, bannières au vent, qui venait fleurir la tour la plus haute. Une sueur froide baignait tout son corps, mais il dompta cette défaillance de sa chair baptisée et topa avec le diablotin. Le prix de pont c'était son salut : il trembla, mais il n'hésita plus. A peine s'était-il frappé dans les mains que le maçon se retrouva devant sa porte sans savoir comment il y était venu?. Dans l'âtre le chat noir veillait. Il ne put trouver le sommeil... Le matin, en sortant de chez lui, dans la rue étroite, il rencontra des Consuls qui s'arrêtèrent. Eh bien, maître dirent-ils, en riant, les vendanges sont mûres, il serait temps de planter le rameau sur le pont ! c'est vrai messires, mais on pourra le planter demain. Comment, ? demain ! vous voulez rire. Non, répondit-il du même air fier et froid, demain le pont sera prêt. Eh bien soit ! Demain, à l'aube nous viendrons avec toute la ville lever le rameau et si vous voulait faire le plaisant, maître maçon, vous vous en repentirez ! Il s'inclina sans rien dire, et continua son chemin. Ce soir là, toute la ville était en rumeur : les consuls avaient ordonnés de tout préparer pour planter le lendemain à l'aube le rameau sur le pont. Au premier son de cloche, on devait se former en cortège. Les bourgeois savaient pourtant bien où en étaient les travaux... Quand toutes les portes furent closes, l'homme descendit vers le Lot, portant ses plans. Le diablotin l'attendait. Il examina les dessins et les approuva : "Tu es habile, dit-il. Je n'aurais pas aussi bien fait, je l'avoue ; mais je saurai te contenter maintenant. Dirige, je bâtirai." C'était à voir, croyez le bien. L'homme et le diable rivalisaient d'ardeur. L'homme ordonnait, et le diable allait revenait , retournait encore, remuant pierre et moellons comme des plumes. Il posait sa petite patte velue sur un énorme rocher qui se transformait aussitôt en une quantité de larges dalles, de fiers créneaux, qui-d'eux-mêmes allaient se placer où il commandait. Le maçon était transfiguré, debout au milieu du pont, un noble pont armé de tours légères et massives à la fois, couronnées comme des reines. Se doutant de quelque chose, sa femme s'était levée pour le suivre. Elle avait vue, à l'insu de son mari, un célèbre devin qui employait sa science au soulagement des peines : Jésus Seigneur ! dit-elle, Il ne manque plus qu'une pierre ! Vite la lanterne ! O mon Dieu merci, le coq chante et la pierre n'est pas posée. La femme sortant de sa cachette, alla se jeter dans les bras de son mari riant et pleurant à la fois. Le sonneur de la Cathédrale ébranlait ces cloches, et le diablotin était encore à pousser sa dernière pierre, sans pouvoir arriver à la bien consolider. Va-t'en ! Va-t'en Diablatou : voici venir les consuls, les prêtres et la foule pour la bénédiction et Monseigneur lui-même avec sa crosse et sa mitre. Va-t'en, pauvre Diablatou ! Il n'écoutait rien. On planta le rameau, on bénit le pont, le diable posait toujours sa pierre. Il a fini par prendre corps avec elle, et la retient encore en haut de la maîtresse tour. Le maître maçon pleura sa faute, repentant et heureux, fier et brisé. Mais un homme ne saurait vivre longtemps après avoir tant souffert. Son corps ne tarda pas à revenir sur terre, mais son âme immortelle fut sauvée et sa femme obtint de le rejoindre bientôt dans l'autre vie. Les gens de Cahors lui firent de belles funérailles, et menèrent un grand deuil quand il mourut. Puis ils se dirent que le maître maçon avait bien fait de ne pas vivre davantage, car ainsi nulle autre ville n'aurait un pont aussi beau que le pont Valentré. (D'après Légendes Quercynoises racontées par Tante Basiline - J. Vertuel, Libraire-Éditeur à Saint-Céré, 1970) Source secondaire : http://perso.wanadoo.fr/claude.lufeaux/pont_valentre/diable.htm. Autre version collectée sur l’internet: « On voit au sommet de la tour centrale, accroché à une pierre d'angle, un diable qui s'efforce de l'arracher. En effet, le pont, qu'on appelle aussi Pont du Diable, a sa légende, où le diable a une part importante, encore que l'histoire tourne à son désavantage. Commencé en 1308, la construction du pont se poursuit durant plus d'un demi-siècle. Désespéré par la lenteur des travaux, l'architecte accepte de signer un pacte avec le diable : Satan apportera à pied d'oeuvre tous les matériaux nécessaires et, s'il exécute fidèlement tous ses ordres, l'homme lui abandonnera son âme. Le pont s'élève alors avec une rapidité prodigieuse, bientôt les travaux touchent à leur fin. Lorsque le moment vient de poser la dernière pierre, au sommet de la plus haute tour, l'architecte, ne tenant pas à gouter au supplice éternel, a l'idée de demander au démon d'y porter l'eau de la rivière dans un crible. Après quelques vaines tentatives, Satan doit s'avouer vaincu. Pour se venger de sa défaite, il prend soin d'écorner à son sommet la tour du milieu. Chaque fois qu'on tente de poser la dernière pierre, elle tombe de nouveau. Jusqu'en 1879 où l'architecte, lors d'une restauration, la fait sceller solidement et fait sculpter par le ciseau de C.A. Calmon sur l'angle de la pierre un petit diable faisant des efforts pour l'arracher. » Source : http://www.geocities.com/Hollywood/Cinema/4188/clem/cult/Cah.html 49 - Maine-et-Loire À Liré en Maine-et-Loire, trois menhirs appelés Pierres du Diable, disposés en triangle mais dont deux furent détruits en 1857 par M. Bauchet d’Ancenis leur propriétaire, étaient l’objet d’une légende de pont citée pour la première fois en 1897. Le Diable avait en effet projeté de faire une nuit, avant le chant du coq, un pont sur le ruisseau des Robinets, au lieudit Le Pont-Renaud ou Pont Guerlin. Pour exécuter cette entreprise, le Malin partit un soir au clair de lune, chargé de ces trois grosses pierres, une sur la tête, les deux autres sous les bras. Arrivé sur la coulée de la Nanterie, il était fatigué de son fardeau et ralentissait le pas. Pour son malheur, il fut surpris par le jour (ou bien, selon une variante, le coq de la Ferrière, à StLaurent, se mit à chanter à plein gosier). Voyant son projet manqué, il laissa choir ces trois pierres au milieu de la prairie avant de s’asseoir, plein de dépit, sur la plus grosse, qui était en forme de siège. Depuis, elle porte l’empreinte de son derrière, et l’on dit que les pactes avec le Diable se concluaient ici, lorsqu’il était assis sur ce trône minéral (Bousrez 1897, Desmazières 1931, Gruet1967:147). 50 - Manche Dans la Manche, on surnomme le grand Pont jeté sur le Braye-du-Valle « Pont-duDiable », car sa construction serait due à celui qu’on a parfois appelé Pontifex Maximus (Saintyves, 1936, n° 1687). La légende suivante est citée, sous le titre « Pont du Diable », pour Mortain : « Le dernier ouragan venait de tout renverser à travers la vallée de la Cance, sous les murs du château de Mortain, et d'enlever pour la dixième fois le pont bâti sur le torrent impétueux, en avant du Pas-du-Diable, presqu'au pied du fameux roc connu sous le nom de l'aiguille et qui est peut-être le plus beau monolyte que la nature ait créé dans la Normandie entière. - Bien malin celui qui refera un pont sur la Cance, dit un vieux railleur. Notre rivière a mauvais caractère, elle emportera toujours tout dans ses bonds furieux. - Rien ne coûte d'essayer, dit un autre. - Comment ! rien ne coûte, dites-vous ? On a beau tenter tous les moyens, creuser profondément les rives, élargir le ravin, on n'a jamais réussi à rien faire qui pût résister aux chocs des eaux rapides. Qui en boit sait combien elles sont froides ! - Non, fit un troisième interlocuteur. Jusqu'ici aucun pont n'a résisté aux ouragans : mais on réussira à la fin avec de la persévérance. - Le pont nous est indispensable ! s'écria un groupe. - Il est impossible, reprit le railleur. - Allons donc ! il est nécessaire et tout ce qui est nécessaire devient un jour exécutable et possible. Là-dessus on commença à se quereller fort et ferme. Tous se mirent à parler à la fois, les têtes s'échauffaient. Chacun prenait son voisin ou son vis-à-vis à partie. Bientôt on ne s'entendit même plus. Peut-être allait-on passer des paroles aux actes, quand on vit entrer dans la salle un inconnu habillé de noir. Sa façon de regarder les gens étonnait. - Pourquoi vous disputez-vous ? demanda-t-il. On le mit aussitôt au courant de la discussion. - Un pont ! s'exclama-t-il. C'est bien une petite affaire : Je me charge d'en construire un en moins d'une semaine. - Vous ! Et combien demandez-vous pour cela ? cria-t-on de tous les côtés. - Je ne demande rien, absolument rien. On ne paiera même pas de tribut pour franchir mon pont ! Tout le monde y pourra passer. Mais il me faut un otage... Le premier qui franchira le pont me suivra ! Le marché fut immédiatement accepté. On l'arrosa solennellement du contenu de quelques bons verres et l'on se frappa dans la main. Tout à coup, notre premier orateur devint affreusement pâle et perdit contenance ; il avait senti dans sa main le contact d'une griffe pointue. Il voulut le dire ; mais avant qu'il eût pu prononcer une parole, l'inconnu s'était évanoui en fumée : l'homme noir n'était autre que le diable. On se dispersa en silence, ils étaient tous dégrisés, et ne savaient plus que dire. Le lendemain, dès la première lueur du jour, la surprise des habitants de la petite ville fut grande. La matinée se passa en commentaires. Un nouveau pont, magnifique cette fois, unissait les deux rives fleuries de la Cance. Tous se rendirent en hâte dans la vallée profonde pour le contempler. Seulement les buveurs de la veille , c'est-à-dire ceux qui avaient été les témoins du contrat, empêchèrent que l'on s'engageât sur le pont. On apercevait, de l'autre côté du pont, sur la rive opposée, l'homme noir dissimulé derrière un chêne. Il semblait attendre patiemment que l'on veuille bien lui envoyer l'otage. Cependant la foule s'amassait sous les murs de la forteresse. Elle devenait houleuse et ne savait quel parti prendre, quand un jeune homme, qui avait entendu, lui aussi les conditions du marché, s'avança seul, vers la tête du pont. On tremblait pour lui, mais la curiosité de ce qui allait advenir l'emportait. Il ouvrit alors tranquillement un petit sac de toile qu'il tenait à la main, en fit sortir un jeune chat tout noir. Après avoir fait du feu au moyen d'un fragment de pierre et d'un morceau de fer, il alluma une chandelle de résine qu'il fixa à l'une des pattes de l'animal, et le lança brusquement sur le pont. Des rires et des cris éclatèrent aussitôt et le pauvre minet s'enfuit à toutes pattes vers celui qui était aux aguets en poussant des miaulements de souffrance. Aussitôt le jeune homme s'avança à la suite du félin et se hâta de planter une croix sur l'un des piliers du pont. Belzébuth n'avait pas spécifié quel genre d'être vivant devait passer le pont en premier... Alors, dans sa fureur, il se mit à renverser les sapins et les chênes sur les rochers et bouscula les rochers contre le pont. Mais la croix l'empêcha de détruire son propre oiuvrage : les quartiers de roc se heurtaient en vain contre l'arche surmontée de la croix bénite. Ils retombaient sur les rives de telles façons qu'ils formèrent deux contreforts qui protégèrent pendant des siècles le Pont du Diable, dont le nom survécut aux ouragans et aux assauts de la tempête. » Source : http://mortain.free.fr/Legendes/legende4.htm 53 - Mayenne Il y aurait un Pont du Diable près de Mayenne, dans la Mayenne (Congrès Scientifique de France, Session de Poitiers, 1834:206). Je ne sais s’il s’agit de l’un des suivants. Du Pont Perron situé près de la seigneurie du parc d’Avaugour, Robert Guy rapporte qu’il « possède une légende comparable à celle du Pont d’Aron ». Selon lui « la diablesse aurait contribué à la construction de ce pont en amenant dans son tablier des blocs de pierre disséminés dans le vallon. Pour prix de ses services, elle aurait exigé du fermier riverain l’âme du premier être vivant qui passerait sur le pont une fois achevé. Comme dans toutes les histoires analogues, la femme du fermier amena au bout du pont un chat dans un panier et le lâcha à l’entrée du pont. La diablesse le voyant traverser la chaussée comprit qu’elle était punie et se contenta du chat » (Guy 1989:24). 56 - Morbihan Jeannette Maquignon a raconté en 1980 qu’entre St-Martin-sur-Oust et St-Gobrien, « le Diable s’était fait rouler par saint Gobrien avec un pont en construction » (Poulain 1995:262). Le nom de saint Gobrien est populairement comme « le saint qui gobe rien », c’est-à-dire « qui ne se fait pas berner », ce qui pourrait être mis en rapport avec une légende de Diable dupé. Pour le vérifier, il serait bon de connaître une version développée de la légende. Les restes d’une telle légende ont été cités pour le Pont du Diable de Sené : « On appelle [...] Pont du Diable un ancien passage à gué jeté sur un petit bras de mer et dont il subsiste encore quelques vestiges. Au XVIIIe siècle vécut à Séné un abbé fort pieux et fort charitable qui mourut en odeur de saintenté. Il subissait les attaques du démon, sous la forme d’un grand chien noir, lorsqu’il empruntait ce gué » (Blacher 1996:136). L’un des plus célèbres « Ponts du Diable » est celui qui est associé à saint Cado en la commune de Belz. Selon un guide de 1900 consacré aux plages de Bretagne, « St-Cado est un village à la pointe d’une petite presqu’île de la rivière d’Etel. Une petite île, reliée au village par une chaussée longue de 100 m, formée d’énormes pierres, porte la chapelle romane de St-Cado, contiguë à un jardin qui renferme les ruines d’un prieuré de templiers. Le village, l’île et la chapelle ont pris le nom d’un saint moine, fils d’un roi de Clamorgan, qui vint s’établir dans l’île au Ve ou au VIe siècle » (Joanne 1900:54). La légende associée au lieu, illustrée par les imageries populaires de Rennes et d’Épinal dès 1863, a été ainsi publiée en 1894 par Paul Sébillot, qui l’avait recueillie lui-même : « Le saint habitait son îlot de la rivière d’Etel et avait de la peine à traverser l’eau pour aller à la grande terre. Le Diable y passe un jour ; saint Cado le rencontre et lui dit : – Fais-moi un pont pour venir de mon île à Belz. – Que me donneras-tu ? – Le premier qui y passera, à la condition que tout le travail soit fait en une seule nuit. – Marché fait. Le Diable va chercher sa mère pour l’aider et, la nuit venue, ils se mettent à l’œuvre. La mère ramasse des pierres et les porte à son fils dans son tablier. Celui-ci les pose en place en faisant le maçon : mais il ne savait pas son métier, car le pont est grossièrement façonné : et c’est depuis qu’on dit d’un travail mal fait qu’il est fait à la Diable. Le pont fut achevé néanmoins en une seule nuit. Lorsqu’il eut mis la dernière pierre en place, pour rappeler sa mère, il lâche un cri qui fait résonner tout le pays. La mère du Diable était en ce moment sur une lande de Plouhinec avec son tablier plein de si grosses pierres que la plus petite d’entre elles pesait bien une tonne de cidre. Elle les jette là en tas, donne un coup de bâton sur la plus grosse et la casse en deux. Et depuis, tout le monde, dans le pays, connaît les pierres de la mère du Diable. Celui-ci, avant la lever du soleil, va trouver le saint et lui réclame le paiement convenu. Il riait de bonheur, car il pensait avoir quelque moine ou le saint lui-même à brûler en enfer. – Oui, oui, dit le saint, je vais te payer de suite. Cours vite à l’autre extrémité du pont et emporte celui qui va y passer. Saint Cado suit de près. Arrivé sur le pont, il fait sortir de sa large manche un petit chat. – Attrape ! attrape ! crie-t-il au Diable. Voilà ton paiement. Le Diable prend le chat par la queue, et depuis tous les chats portent sur la queue la marque des doigts du Diable. Celui-ci devient furieux. – Ah ! tu m’as trompé ! Tu t’es moqué de moi ! Je vais défaire le pont.. Et aussitôt il se mit à jeter les pierres du pont dans la mer. Le saint, se précipitant pour l’arrêter, glissa ; mais le pont fut conservé et existe encore aujourd’hui. L’empreinte du pied de saint Cado, laissée sur le pont lorsqu’il glissa, se nomme la glissade de saint Cado. Elle est restée un objet de vénération pour les pèlerins et pour les habitants du pays ; on l’a recouverte d’une grille en fer, au-dessus de laquelle on a élevé un calvaire en granit » (Sébillot 1894:146-147). Voici une autre version de ce récit, recueillie en 1929 : « Entre la petite île de de S. cado et la côte, près de l’embouchure de la rivière d’Etel, le Diable fut sollicité par le Saint de lui construire un pont. Il y consentit, à condition de pouvoir emporter la première créature vivante qui y passerait. En une seule nuit, le Diable vint à bout de son travail, fait d’énormes pierres, transportées avec la plus grande facilité. Sa femme l’aidait de son mieux, ayant, dans son tablier, d’autres “roches”, beaucoup plus petites. Comme il n’en était plus besoin, elle les jeta à terre, ce qui en fit un “beau tas”, sur lequel le saint bâtit, plus tard, sa chapelle. Le Diable attendant son salaire, S. Cado sortit, d’un sac, un chat noir et le jeta sur le pont. Satan, furieux d’avoir été dupé, se met en devoir de détruire ce pont, pour lequel il avait été si mal payé ; mais S. Cado fut plus leste que lui, et, arrivé au bout du pont, d’un signe de croix, il sanctifie l’œuvre infernale. En courant, le saint glissa, laissant sur l’une des pierres les traces de sa chute, entourées, aujourd’hui, d’une grille et surmontées d’une croix » (Fouquet 1857:100, Saintyves 1936, n° 2239). 57 - Moselle Le pont de Jouy-aux-Arches, près de Metz (Moselle) est réputé être contruit par le Diable (Collin de Plancy 1863:551.). 62 - Pas-de-Calais Il existe un Pont du Diable à la limite de Calonne-Ricouart et de Camblain-Châtelain, là où la Chaussée Brunehaut (Chemin de Théréwane au XVe siècle, Chaussée de Brunault au XVIIIe, Quémin d’Arrau au XIXe) enjambe la Clarence. Le Diable avait fait ce pont « suffisamment dangereux pour que les ivrognes et les jeunes imprudents puissent y avoir un accident et gagner ainsi l’enfer un peu plus vite que prévu » (Coussée 1998:21). 63 - Puy-de-Dôme Le pont de Giroux est un Pont du Diable à deux arches dissymétriques (portée : 10 m et 16,5 m), qui enjambe la Dore, sur la route de Courpière à Ambert par Olliergues. Miss L. Stuart-Costello, qui passa en ce lieu à l’occasion d’un voyage accompli en 1841, apprit que se tenait là une « laveuse de nuit » : « On la voit au clair de lune lavant son linge dans le ruisseau et le frottant avec une pierre bleue magique. Elle vous demandera de l’aider à tordre son linge ; si vous acceptez avec bonne grâce, les gouttes d’eau qui en sortiront se changeront au clair de lune en perles de saphir qui disparaîtront lorsque le soleil les frappera de ses rayons. Si vous refusez d’aider la laveuse, elle vous jettera dans le torrent la tête en avant. Si vous avez hésité avant d’accepter, elle tordra malicieusement le linge du même côté que vous et instantanément votre bras se mettra à enfler d’une manière horrible : puis elle laissera tomber son ouvrage, se jettera sur vous, vous brisera un bras et prendra la fuite avec un rire perçant » (Stuart-Costello 1945, apud Blacher 1996:118-119). 64 - Pyrénées Atlantiques La légende du pont du Diable est connue à Licq-Atherey et à Orthez (Stuart-Costello 1945, apud Blacher 1996:118-119). Dans cette dernière localité, les récits concernent un pont construit au XIIIe siècle pour en remplacer un plus ancien, mais il a été partiellement détruit vers 1860, pour permettre le passage de la voie ferrée. Trois récits sont cités par Gérard Blacher, le sedond, très littérarisé, ayant été publié en 1900 : 1. « On connaît bien la légende d’un maçon qui se proposa d’en dresser le plan et qui se laissa séduire par le Diable. Ce Diable qui lui promettait d’édifier lui-même le pont en une seule nuit... s’il lui accordait son amitié. Accord signé ! Le pont fut bel et bien construit dans le temps imparti. Chacun sait cela à Orthez ! Mais personne n’a jamais pu vous donner des nouvelles du pauvre maçon » (Blacher 1996:125). 2. « Lugubre retour dans un orage épouvantable. Et comment passer le Gave, puisqu’aucun pont n’apparaît ? C’est alors qu’au milieu des éclairs, un homme au visage rougeoyant et tout de rouge vêtu se présente à l’illustre chasseur embarrassé. Et le diabogue suivant s’engage : – Je suis ici pour t’aider, parle. – Qui es-tu ? – Celui qui commande au tonnerre et dirige l’éclair. – Puisque tu es si puissant, bâtis-moi donc ici un pont de pierre. – Et que me donneras-tu pour ce service ? Tout ce que tu voudras, vachettes, ardits (monnaie ancienne) et menues pièces, mon corps, mon âme également, s’il faut, par-dessus le marché. ... enhardi, le Malin devient plus exigeant. Et il réclame ainsi les neufs premières vierges qui viendront à passer sur le pont ! – Donné ! Donné ! s’écrie le seigneur en demandant son nom à l’étranger. Point de réponse. Et l’étranger paraît reculer. Il recule en effet, tourne même les talons et s’enfuit en courant sur la [sic] Gave. à cinq cents pas, on le distingue encore ! On aperçoit ses deux cornes et entre ses cornes on peut lire, écrit en lettres de feu, ce ceux mots qui font frémir et qui disent qui il est : « Lou H astiàu » (Le Sale... Le Diable !). Mais le lendemain, chaque orthézien pouvait admirer un superbe pont sur le Gave. Un pont si beau que Monseigneur de Moncade l’adopta et fit graver sur ses pierres la fameuse devise: ‘Toques-y si gaùses !’ » (Blacher 1996:125-126). 3. « Le pont aurait été bâti en une nuit par les fées afin de permettre à une amie de Charlemagne de traverser le Gave... Les fées ne marchandèrent pas leur zèle ce jour-là ! L’une d’elles qui venait de loin portait un rocher à la pointe de sa quenouille. Bien près du Béarn, elle fut interpelée par un ange de la manière suivante : – Où achemines-tu cette pierre ? – Au pont d’Orthez ! – Dis : si à Dieu plaît ! – Qu’à Dieu plaise ou plaise pas, toi pierre au pont d’Orthez tu iras ! – Eh bien, pose-là ici ! » (Blacher 1996:126). La pierre en question, abandonnée par force, se trouve entre Hagetmau et Dumes, à droite de la route. Ses dimensions apparentes sont : 4 x 2 x 1 m, et la légende veut que sa partie enterrée soit égale à la partie visible. Olivier de Marliave signale encore des Ponts du Diable à St-Martin-d’Arrossa et à Espès-Undurrein (Marliave 1987:220). On dit également à Bidarray que le Pont d’Enfer est ainsi appelé parce que le Diable, furieux de n’avoir pu apprendre la langue basque, s’y serait précipité (Mozzani 1995:1465). Mais la version donnée par Gérard Blacher est la suivante : « Les habitants de Bidarray avaient de grosses difficultés à construire un pont sur la Nive, lorsque le Diable leur apparut. Il leur proposa de construire un pont à condition d’avoir l’âme de celui qui le franchirait le premier. Les habitants acceptèrent et trompèrent le Diable en y faisant passer un chien » (Blacher 1996:123). 66 - Pyrénées Orientales La Pedra Dreta est un menhir proche de Maçanet de Cabrenys (Ampurdan), que le Diable aurait lancé là, dépité de n’avoir pu terminer le pont qu’il construisait à Céret, car il se fit berner juste au moment où il ne restait plus que ce bloc à poser (Marliave 1987:220, et 242 n. 10). Un manuscrit découvert à Prats-de-Mollo atteste que le pont a été construit en 1321 (Pall Mall Gazette, 18 fév. 1890, citée dans Anonyme 1890: 524). Pierre-Albert Clément (2003: 297) écrit quant à lui : « à Céret, en Roussillon, un chat noir avait été propulsé pour satisfaire le démon, lorsque le pont sur le Tech a été construit en 1331 ». Version diffusée sur l’internet (http://perso.wanadoo.fr/appvcv/Patrimoine/ ceretptdiable.htm): « Situé à l'extérieur de la ville, sur le Tech, le célèbre Pont du Diable date du 14ème siècle. Il avait, à son origine, une importance stratégique du fait qu'il était l'unique moyen d'accès de la ville au moyen-âge et qu'il représentait la limite inférieure du Vallespir. Construit en 1321, Céret s'associa à diverses communes alentours afin d'achever cet ouvrage qui s'agrémente, depuis plusieurs siècles, d'une légende particulière. Classé parmis les monuments historiques, ce pont, mesure 45 mètres de haut pour 4 mètres de largeur. Appareillé de schiste, il ne possède qu'une seule arche ouverte de 45 mètres, et située à 30 mètres au dessus du Tech. Il vint un jour aux cérétans, une idée fort naturelle : faire un pont solide en maçonnerie; mais les rives du Tech étaient fort escarpées. A quel endroit construirait-on ce pont ? On manda tous les ingénieurs du pays à réfléchir sur ce problème. Après de nombreuses prospections sur les lieux, les ingénieurs déclarèrent cet ambitieux projet impossible. Malgré ces déclarations, un ingénieur, plein d'hésitations, et alléché par la récompense offerte à celui qui construirait ce pont, se chargea de l'entreprise et promis de le monter en un an. Pendant que les cérétans se chargèrent de réunir la somme promise, l'ingénieur se mit au travail : il dressa les plans de construction, et débuta les travaux. Rapidement, les pieds du pont se dressèrent ; les charpentiers s'attelaient à réaliser l'échaffaudage de la voute. Mais, bien vite un orage fit déborder le fleuve de ses rives qui emporta tout sur son passage: pieds et voute. Désappointés, les cérétans s'en prirent à l'ingénieur qui s'innocenta et promis de continuer la construction du pont contre une augmentation de sa récompense. Les mois passèrent, et le pont reprenait vie. Les cérétans, heureux, gratifiaient l'ingénieur audacieux. Mais, une fois encore, l'ouvrage s'écroula. Plus de pont, plus de voute ! Les cérétans, en colère, accusèrent l'ingénieur d'être l'auteur de ces désagréments, et au travers la voix de leurs consuls, firent savoir à l'ingénieur qu'il n'avait d'autres choix que de remonter le pont dans un délai de six mois, au risque d'être pendu ! Alors, une fois de plus, l'ingénieur se remit au travail. Jusqu'à la veille du dernier jour de l'ultimatum, la reconstruction du pont se fit sans anicroches. Pourtant, ce soir là, de larges nuages apparurent, un vent violent et froid se mit à souffler. Le tonnerre se mit à gronder et les éclairs à déchirer le ciel. Un violent orage s'abattit sur la ville. Le fleuve gronda, s'élargit et déborda, encore une fois de ses rives emportant tout sur son passage, le pont avec ! Effrayé et désespéré, l'ingénieur prit la fuite dans la montagne afin de se mettre à l'abri de la colère des villageois. En chemin, il rencontra un homme grand, maigre, effrayant. Cet homme questionna alors l'ingénieur : "Où vas-tu ? - que t'importe, laisse-moi passer !, répondit l'ingénieur. - je sais qui tu es, et je peux te sauver la vie. - et toi, qui es-tu ? - peu importe. Ce soir, à minuit, le pont sera reconstruit. Mais, il faudra que tu remplisses une condition. - laquelle ? - tu devras me livrer le premier vivant qui traversera ce pont ! Effrayé, l'ingénieur accepta la condition que demandait l'homme se doutant qu'il ne pouvait s'agir que du Diable. Seul, le Diable était capable d'ériger le pont en quelques heures. Le Diable disparut, après s'être assuré que l'ingénieur acceptait le marché. L'ingénieur s'en retourna chez lui et se mit à réfléchir à ce qu'il devait faire. Vers onze heures, tout le monde endormi, l'ingénieur se dirigea vers les rives du Tech portant sur son dos un sac. Arrivant sur les rives, il aperçut le Diable travailler ardemment à la reconstruction du pont. Habilement, et tel un maçon expert, il entassait les matériaux les uns sur les autres pour redonner forme à l'arche, solidifier la travée... Lorsque Minuit sonna, le pont était achevé. Aussitôt, l'ingénieur sortit de sa cachette et attrapa son sac à dos pour en sortir un chat noir ; sa queue attachée à une casserole en fer ! Alors que le Diable posait la dernière pierre, la clef de voute, il fut interrompu par le passage de ce vivant. Lachant la pierre qu'il tenait dans ses mains, il attrapa ce premier passant, qu'il prenait pour un chevalier armuré. "Trompé, trahi ! ", s'écria le diable en colère après avoir compris la supercherie. Il disparut aussitôt, laissant le pont inachevé. Encore aujourd'hui, cette pierre manque à l'édifice. Pourtant, bien des ingénieurs s'attelèrent à faire tenir cette pierre dans son trou. Mais sans aucun succès... » Passage extrait d’un ouvrage de Pierre Vidal, ancien archiviste de la ville de Perpignan: « Ce pont est une des curiosités du pays et il est classé, avec juste raison, parmi les monuments historiques. Il n'a qu'une seule arche, d'une hardiesse inouïe. Avec le pont de Brioude, lequel n'existe plus, le pont de Cérêt est le plus grand et le plus curieux de l'ancienne France. L'ouverture de l'arche à 45m45; sa largeur est de 4m; la distance de sa clef de voûte au niveau des eaux ordinaires est de 22m30. (...) Plusieurs archéologues on prétendu que notre pont remonte à l'époque romaine, à raison de sa forme en plein cintre; mais l'architecture gothique ne méconnut point ce genre d'arceau (...) Notre savant ami Salsas a d'ailleurs péremptoirement démontré que le pont fut construit en 1321. Le travail avait été entreprit aux frais de la ville de Cérêt, mais diverses communes du haut-Vallespir contribuèrent pécuniairement à l'achèvement de cette oeuvre magistrale. Anciennement, dit la légende, Cérêt ne communiquait avec la rive gauche du Tech qu'au moyen d'une simple passerelle de planches posées sur de gros cailloux. Au moindre orage, les eaux emportaient ce pont rudimentaire." (Vidal 1899). 67 - Bas-Rhin Il se trouve un Pont du Diable au château du Haut-Barr à Saverne : « La légende du Pont du Diable : Pont en bois reliant le château primitif au rocher du Markfels acquis par l'évêque Rodolphe suite à un échange avec l'abbé de Marmoutier . " La légende veut que Lucifer pour aider à la construction difficile de ce pont ait demandé l'âme du premier qui le franchirait après son achèvement. Le maître des enfers dût rire jaune - le premier qu'on fit passer fut un chien galeux ! Depuis ce temps le pont est appelé " Pont du Diable " ". D'après " Notice Historique sur le Château du Haut - Barr " de Dagobert Fischer. » (Source : http://www.ot-saverne.fr/FR/sites/chateau_haut_barr.htm) 71 - Saône-et-Loire La légende du pont de Toulon-sur-Arroux est ainsi rapportée par Jean Drouillet : « Il y a bien longtemps, Toulon-sur Arroux ne possédait qu’un petit pont menaçant ruine ; les notables du pays, réunis un soir d’hiver, décidèrent de le remplacer par un grand et beau pont de pierre qu’on inaugurerait le jour de la fête de Pâques. La tâche fut acceptée par un entrepreneur qui avait une grande et belle fille ; l’homme travailla d’arrache-pied et il ne manquait, la vieille de Pâques, que la clé de voûte. Le maçon la voulait forte et d’un seule bloc ; mais on ne trouva dans le voisinage aucune pierre qui convînt. L’entrepreneur se désespérait et se vouait à tous les Diables. Aussitôt, le Diable apparut et lui proposa : – La clé de voûte sera en place demain matin avant le chant du coq, mais tu me donneras ta fille ! L’entrepreneur hésita puis finalement accepta ; or sa fille avait entendu la conversation et elle se rendit aussitôt prêt de son amoureux et lui dit : – Mets ton gros coq dans un sac et montons vite à Uchon (qui est un sommet rocheux à 15 km au nord-est de Toulon-sur-Arroux) ! Ils y arrivèrent aux environs de minuit et virent le Diable se précipiter sur un gros rocher pour l’emporter à Toulon. Ils lâchèrent alors le coq qui, tout heureux d’être libéré, se mit à chanter. Au chant du coq, le Diable crut que l’aube était là et que le jour allait se lever : il s’envola en lâchant la pierre sur laquelle il laissa l’empreinte de ses griffes. La pierre se voit encore, avec sa griffade, au bord de la colline, au-dessus de la vallée. Quant à la clé de voûte du pont, elle fut remplacée par plusieurs claveaux » (Drouillet, cité dans Fromage 1990:7). 73 - Savoie Il se trouve un Pont du Diable à Modane. Selon Gérard Blacher, « Le Pont du Diable actuel est très récent puisque construit en 1858. C’est une passerelle en bois de 45 mètres de long suspendue à 90 mètres au-dessus de l’Arc. Il a été réparé en 1990. Il remplace un ancien Pont du Diable qui était construit un peu plus loin. Il permet la liaison entre la redoute MarieThérèse et le fort Victor-Emmanuel » (Blacher 1996:129). Une légende semblable se conte à Bessans : « La légende du diable à quatre cornes Il y a bien longtemps, Joseph, un petit entrepreneur bessannais, s'était vu confier la construction d'un pont de pierre reliant deux ouvrages fortifiés: la Redoute Marie-Thérèse et le Fort Victor-Emmanuel. Les travaux n'avançaient pas vite et pourtant l'hiver arrivait. Le malheureux bessannais se lamentait et, pour comble de tous ses tourments, deux jours avant la date de livraison du pont, ses ouvriers le quittèrent. Ce coup-là était trop dur pour lui, jamais il ne pourrait terminer seul le pont, et s'il ne remplissait pas son contrat, c'était l 'emprisonnement dans l'un des deux forts ou, pire encore, la déportation en Piémont. "Que vais-je devenir, se lamentait-il, ce pont sera ma mort si je ne le termine pas avant demain. Dieu sait si je reverrai ma femme et mon doux village de Bessans ? Que dis-je Dieu ? Seul le Diable peut me venir en aide..." Arrivant par la route de Modane, un homme de haute taille, coiffé d'un chapeau à larges bords, comme on en voyait dans la région, s'approcha de Joseph. - Qu'as-tu l'ami à te lamenter ainsi ? - Ne m'en parlez pas, Etranger, je dois finir ce pont avant demain, le travail n'avance pas et tous mes ouvriers m'ont quitté. - Ce n'est pas bien grave, cela peut encore s'arranger. - Mais je n'y arriverai jamais et on me jettera en prison. - Tu as appelé le Diable à ton secours, eh bien, il m'envoie t'aider. Tu veux éviter la prison, alors signe-moi ce papier et ton pont sera construit demain à l'heure dite et toi tu pourras retourner à Bessans avec tous les honneurs et les écus qu'on te donnera. Joseph, l'entrepreneur, n'était pas rassuré. Mais d'aller en prison à Turin ne l'enchantait pas. Après avoir réfléchi, il dit à l'envoyé de Satan : - D'accord, je signe, mais cela me semble trop beau ! Que me demandes-tu en échange ? - Voilà, demain, le pont sera fait, mais à une seule condition, la première personne qui passera sur le pont, appartiendra à mon maître. Joseph était affolé, il ne pouvait faire une chose pareille ! Mais la peur de moisir en prison avec les rats fut la plus forte, et... il signa... Revenu à Bessans, sa femme lui trouva un air tourmenté et à force de questions, elle finit par savoir toute l'histoire. - Ne t'en fais pas, Joseph, on trouvera bien un moyen d'empêcher le Diable de faire cette sinistre besogne... Et le lendemain matin, quand Joseph et sa femme arrivèrent près des forts, ils eurent la surprise de voir un magnifique pont tout en belles pierres de taille, qui enjambait l'Arc de plus de cent mètres au-dessus de l'eau. Mais quand ils regardèrent à l'autre bout du pont, ils virent avec frayeur une bête monstrueuse, la bouche grande ouverte sur des dents horriblement longues, avec sur la tête une crinière de lion d'où sortaient deux grandes cornes pointues, c'était le Diable !... Il attendait la première personne passant sur le pont. - Mon Dieu ! Marie !... Le bonhomme n'avait pas menti ; le pont est là, mais le Diable aussi ! Qu'allons-nous faire, mon Dieu ? Qu'allons-nous faire ?... Déjà, venant de Modane, toute une troupe de soldats approchait; ils devaient se rendre au fort en passant par le pont. A leur tête venait un petit tambour, un gamin de 12 ans, tout fier d'avoir été choisi pour passer le premier. - Ce malheureux gosse ! C'est lui qui va être la victime, pleurait Joseph... Ce n'est pas possible !... C'est alors que Marie aperçut à quelques pas de là, un troupeau de chèvres, broutant entre les rochers, et au milieu de ce troupeau: un bouc ! Mais pas un petit bouc de rien du tout. Non ! Un grand bouc noir, aux sabots luisants et aux cornes redoutables. Marie eut une idée: ramassant un bâton qui traînait sur le chemin, elle écarta les chèvres et arrivant derrière le bouc, elle lui donna un tel coup que celui-ci partit comme une flèche en direction du pont. Le bouc stoppa net avant de traverser... De l'autre côté, il avait vu la bête !... - Un autre bouc, se dit-il, en apercevant les deux cornes du monstre ; il voulait prendre mes chèvres!... II se rua si fort, qu'il traversa la tête de la bête avec ses deux cornes et celles-ci restèrent plantées sur le crâne du monstre. Plus jamais on ne vit le Diable dans la région, mais c'est depuis ce jour, qu'à Bessans, il porte quatre cornes... Bien des années se sont écoulées depuis cette histoire, le beau pont de pierre s'est depuis longtemps écroulé, il fut remplacé par une passerelle de fer. Mais cette passerelle s'appelle toujours : " Le Pont du Diable". Histoire racontée par Lucien Personnaz "de Damien", doyen de Bessans. Recueillie et adaptée par Maxime Gautier, maire de Bessans ( de 1971 à 1977 ), et par Georges Personnaz, animateur de la station. »« La légende du diable à quatre cornes Il y a bien longtemps, Joseph, un petit entrepreneur bessannais, s'était vu confier la construction d'un pont de pierre reliant deux ouvrages fortifiés: la Redoute Marie-Thérèse et le Fort Victor-Emmanuel. Les travaux n'avançaient pas vite et pourtant l'hiver arrivait. Le malheureux bessannais se lamentait et, pour comble de tous ses tourments, deux jours avant la date de livraison du pont, ses ouvriers le quittèrent. Ce coup-là était trop dur pour lui, jamais il ne pourrait terminer seul le pont, et s'il ne remplissait pas son contrat, c'était l 'emprisonnement dans l'un des deux forts ou, pire encore, la déportation en Piémont. "Que vais-je devenir, se lamentait-il, ce pont sera ma mort si je ne le termine pas avant demain. Dieu sait si je reverrai ma femme et mon doux village de Bessans ? Que dis-je Dieu ? Seul le Diable peut me venir en aide..." Arrivant par la route de Modane, un homme de haute taille, coiffé d'un chapeau à larges bords, comme on en voyait dans la région, s'approcha de Joseph. - Qu'as-tu l'ami à te lamenter ainsi ? - Ne m'en parlez pas, Etranger, je dois finir ce pont avant demain, le travail n'avance pas et tous mes ouvriers m'ont quitté. - Ce n'est pas bien grave, cela peut encore s'arranger. - Mais je n'y arriverai jamais et on me jettera en prison. - Tu as appelé le Diable à ton secours, eh bien, il m'envoie t'aider. Tu veux éviter la prison, alors signe-moi ce papier et ton pont sera construit demain à l'heure dite et toi tu pourras retourner à Bessans avec tous les honneurs et les écus qu'on te donnera. Joseph, l'entrepreneur, n'était pas rassuré. Mais d'aller en prison à Turin ne l'enchantait pas. Après avoir réfléchi, il dit à l'envoyé de Satan : - D'accord, je signe, mais cela me semble trop beau ! Que me demandes-tu en échange ? - Voilà, demain, le pont sera fait, mais à une seule condition, la première personne qui passera sur le pont, appartiendra à mon maître. Joseph était affolé, il ne pouvait faire une chose pareille ! Mais la peur de moisir en prison avec les rats fut la plus forte, et... il signa... Revenu à Bessans, sa femme lui trouva un air tourmenté et à force de questions, elle finit par savoir toute l'histoire. - Ne t'en fais pas, Joseph, on trouvera bien un moyen d'empêcher le Diable de faire cette sinistre besogne... Et le lendemain matin, quand Joseph et sa femme arrivèrent près des forts, ils eurent la surprise de voir un magnifique pont tout en belles pierres de taille, qui enjambait l'Arc de plus de cent mètres au-dessus de l'eau. Mais quand ils regardèrent à l'autre bout du pont, ils virent avec frayeur une bête monstrueuse, la bouche grande ouverte sur des dents horriblement longues, avec sur la tête une crinière de lion d'où sortaient deux grandes cornes pointues, c'était le Diable !... Il attendait la première personne passant sur le pont. - Mon Dieu ! Marie !... Le bonhomme n'avait pas menti ; le pont est là, mais le Diable aussi ! Qu'allons-nous faire, mon Dieu ? Qu'allons-nous faire ?... Déjà, venant de Modane, toute une troupe de soldats approchait; ils devaient se rendre au fort en passant par le pont. A leur tête venait un petit tambour, un gamin de 12 ans, tout fier d'avoir été choisi pour passer le premier. - Ce malheureux gosse ! C'est lui qui va être la victime, pleurait Joseph... Ce n'est pas possible !... C'est alors que Marie aperçut à quelques pas de là, un troupeau de chèvres, broutant entre les rochers, et au milieu de ce troupeau: un bouc ! Mais pas un petit bouc de rien du tout. Non ! Un grand bouc noir, aux sabots luisants et aux cornes redoutables. Marie eut une idée: ramassant un bâton qui traînait sur le chemin, elle écarta les chèvres et arrivant derrière le bouc, elle lui donna un tel coup que celui-ci partit comme une flèche en direction du pont. Le bouc stoppa net avant de traverser... De l'autre côté, il avait vu la bête !... - Un autre bouc, se dit-il, en apercevant les deux cornes du monstre ; il voulait prendre mes chèvres!... II se rua si fort, qu'il traversa la tête de la bête avec ses deux cornes et celles-ci restèrent plantées sur le crâne du monstre. Plus jamais on ne vit le Diable dans la région, mais c'est depuis ce jour, qu'à Bessans, il porte quatre cornes... Bien des années se sont écoulées depuis cette histoire, le beau pont de pierre s'est depuis longtemps écroulé, il fut remplacé par une passerelle de fer. Mais cette passerelle s'appelle toujours : " Le Pont du Diable". Histoire racontée par Lucien Personnaz "de Damien", doyen de Bessans. Recueillie et adaptée par Maxime Gautier, maire de Bessans ( de 1971 à 1977 ), et par Georges Personnaz, animateur de la station. » Bibliographie : N° spécial de la revue BJA : "Contes de la Lombarde - Légendes au pays du Diable" Damien Tracqui, Editions La Fontaine de Siloé » (source : http://www.bessans.com/decouvrir_legende.htm Un pont suspendu pour piétons, construit à Aussois en 1991, a reçu le nom de « Pont du Diable ». Il est long de 45 m et s’élève à 90m au-dessus du vide. 74 - Haute-Savoie Arnold Van Gennep a signalé un Pont du Diable à la Chapelle du Bard, sur le Brens (Haute-Savoie), mais il ne disposait d’aucun autre renseignement à son sujet (Van Gennep 1991, I:147). Un autre Pont du Diable enjambe le Bonnant à St-Gervais. Gérard Blacher donne ainsi sa légende : « Autrefois, il n’y avait pas de pont sur le Bonnant. Comme chacun peut se l’imaginer, Saint-Gervais était de ce fait-là coupé irrémédiablement en deux. Le curé, particulièrement, réfléchissait chaque jour aux inconvénients qui résultaient de cet état de fait, si nuisible à ses ouialles de la rive gauche, qu’il ne pouvait atteindre. Un soir, un étranger se présenta à la porte du presbytère. Introduit devant le curé, il lui dit à brûle-pourpoint : ‘Je vous offre de bâtir en une seule nuit un pont sur le Bonnant’. Le curé, surpris, lâche une exclamation bien peu orthodoxe : – Diable ! s’écria-t-il. – C’est moi-même, répondit le personnage en s’inclinant. Le curé fit le signe de la croix et Satan grimaça singulièrement. – Que voulez-vous pour cela ? demanda, le curé, peu rassuré. – Je demande que l’on m’accorde la première créature vivante qui passera sur le pont. Le marché fut conclu et signé sur un parchemin aux marques infernales, et le Diable se retira. Le lendemain, le pont était construit. Le curé arriva, portant quelque chose sous sa soutane. Une foule émerveillée le suivait. Il s’avança sur le pont et y lança, avec force, un superbe chat que le Diable happa avec des rugissements de colère, mêlés aux miaulements désespérés du matou expiatoire. Ainsi fut fait et le brave curé put enfin réunir tout son peuple de ce côté de l’eau » (Blacher 1996:131). La variante suivante se termine sur une actualisation intéressante : « La légende du Pont Du Diable (Haute-savoie) Il y a très longtemps, le petit village de St Gervais était partagé en deux parties par un torrent appelé le Bonnant. Ceci était d'autant plus ennuyeux que le prêtre du village habitait en face de son église mais sur la rive opposée !!! De plus, il n'y avait aucun pont pour traverser la rivière. Alors, tous les matins, il devait parcourir 10 km à pied pour aller emprunter le pont du village voisin. Il arrivait souvent en retard à la messe de 10 heures et les gens du village commençait à se plaindre. "Vous n'avez cas construire un pont !" disaient-ils. Hélas ! Il avait essayé de nombreuses fois de construire le pont "miracle" mais, à chaque essai, les fondations à peine commencées, la force du courant l'emportait. Un soir, alors que le prêtre priait Dieu de l'aider à trouver la force d'affronter le courant et de commencer un autre pont, on frappa à sa porte. Le prêtre se leva et alla ouvrir. Une vision d'horreur lui apparut : c'était le diable en personne ! Affolé, il s'empressa de refermer la porte et pesa de tout son poids pour ne pas le laisser entrer. Lorsqu'il fut certain de ne plus entendre aucun bruit suspect, il lacha enfin prise et bougonna : "- Je perds la tête ! Ce pont va me rendre fou !" Lorsqu'il se retourna, il faillit avoir une crise cardiaque. Le diable lui faisait face, souriant. Appeuré, le prêtre balbutia difficilement : "- Que... que voulez-vous ?" Le diable, très calmement répondit : "T'aider." Ebahi, le prêtre s'étonna : "- M'aider ? Mais pour quoi ? - Je peux t'aider à construire le plus solide de tous les ponts du monde entier. En échange, je ne te demande qu'une seule chose... - Laquelle ? - Une vie" Une vie ??? Qui voudrait se sacrifier au diable pour construire un pont dont il ne profitera pas ? Le prêtre n'était pas d'accord : il ne sacrifiera personne ! A moins que... Un sourire se dessina sur ses lèvres et, très sûr de lui, le prêtre répondit : "- Je suis d'accord. Vous aurez votre vie. - Bien ! Demain matin, le pont sera construit. A 6 heures précises, tu m'apporteras la vie que tu me dois. L'échange aura lieu sur le pont même. Si tu tentes de me tromper, ta vie sera mienne ! AHAHAHAHAHAH !!!" Le diable disparut dans des rires affreux à glacer le sang. Pourtant, le prêtre avait confiance et gardait un sourire sournois. Il sortit rapidement et alla réunir le conseil municipal et leur expliqua la situation en détail. Lorsqu'il en vint à l'échange proposé par le diable, le maire s'indigna: "- Vous êtes fou ! Je refuse de sacrifier l'un des nôtres !" Le prêtre adopta le même petit sourire qu'en face du diable et leur expliqua son plan... Le lendemain matin, le pont était là, magnifique. Tout le village s'était réuni pour voir l'échange. A six heures précises, le diable apparut. Le prêtre était au bout du pont, les mains dérrière le dos. Le diable l'interpella et le prêtre s'avanca. Le diable rit et, le voyant seul, lui dit : "-Tu as décidé de te sacrifier toi-même vieux fou ! J'accepte avec plaisir !" Le prêtre sourit et lui répondit : "- Bien sûr que non ! Je ne me sacrifie pas, je respecte le pari" Il lui tendit un chat qu'il cachait derrière son dos et lui dit ironiquement : "-Voilà ta vie !" Le diable, fou de rage, arracha le chat des mains du prêtre et, bien contraint de voir que le prêtre avait respecté les règles qu'il lui avait imposé, s'en alla en jurant qu'il reviendrait pour se venger. Le pont fut surnommé le "pont du diable" par les gens du village et aujourd'hui encore, il est toujours là, pareil à son premier jour: il n'a jamais été rénové ! Mais il existe un fait bizarre qui se passe tous les 50 ans, à la même date. Le 23 mars, quelqu'un se suicide en se jetant du haut de ce pont. On ne retrouve jamais le corps... La prochaine fois que cela doit se produire, c'est l'année prochaine... Le diable a donc respecté sa parole: tous les 50 ans, il se venge. » Source : http://www.kazibao.net/francais/adozone/adozine/adozoom/europe/legendes/ chin.shtml 75 - Paris « Le pont Notre Dame se situe sur une des voies les plus anciennes de franchissement de la Seine, avec le Petit-Pont qui se situe dans son prolongement. Dés l’antiquité les Romains construisirent un pont sur pilotis appelé Grand Pont . Il fut détruit par les Normands au IXéme siècle et remplacé par une passerelle en bois qui fut emportée par les crues de 1406. Le 31 mai 1413, Charles VI pose le premier pieux de la construction du pont Notre Dame. Ce pont en bois, mesurait 106m de long, sur 27m de large fut achevé en 1421. Il était célèbre pour ses armureries et ses librairies, car comme beaucoup de ponts à cette époque il portait 60 maisons, trente de chaque côté, toutes semblables. Hélas le 25 octobre 1499, malgré les avertissements d’un charpentier, il s’effondre brutalement entraînant les soixante maisons dans sa chute. Ce fut une épouvantable catastrophe ! Le prévôt des marchands Jacques Piedefer, les échevins furent rendus responsables et finirent leurs jours en prison. Un nouveau pont en pierre de six arches fut mis en chantier sous la houlette de Jean Joconde. Il mesure alors 124m de long sur 23m de large et porte 68 maisons, trente quatre de chaque côté, toutes semblables, faites de briques et de pierres, décorées de médaillons des rois de France, ainsi que de bustes d’hommes et de femmes supportant des corbeilles de fruits. Ces maisons portaient des numéros en lettres d’or, pairs d’un côté, impairs de l’autre : c’était le premier essai de numérotation des maisons de Paris. C’était un des endroits les plus élégants de Paris. Il fut restauré en 1660 pour l’arrivée à Paris de Marie-Thérèse d’Autriche, l’épouse de Louis XIV. En 1676, une pompe hydraulique fut installée au milieu aval du pont. Cette Pompe Notre-Dame, œuvre de Daniel Jolly et Jacques Demance, était aspirante et foulante et servait à alimenter plusieurs fontaines parisiennes. Elles étaient enfermées dans deux bâtiments aux portes ornées d’un médaillon de Louis XIV et de figures en relief sculptées par Jean Goujon. Les pompes élevaient l’eau dans une tour haute de 20 m située entre les deux bâtiments et des conduites menaient l’eau de la Seine vers les fontaines La pompe Notre Dame a été démolie en 1858, après la construction d’un nouveau pont. Suite aux grands travaux du Baron Haussmann, le niveau du sol de la rue Saint Martin et de la rue de Rivoli dut être abaissé, ce qui imposait la construction d’un nouveau pont. Ce nouveau pont en maçonnerie composé de cinq arches de 17m à 19m d’ouverture, est alors implanté sur les fondations du précédent, mais il ne convient pas aux mariniers car à cet endroit, au moins 35 accidents sont à déplorer, ce qui lui vaut le surnom du "pont du diable". Finalement, pour améliorer l’écoulement du fleuve, les trois arches médianes furent remplacées par une seule arche métallique de 60m de long. L’ouvrage ainsi transformé est inauguré en 1919 par le président de la République Raymond Poincaré. Ce pont mesure 106m de long et 20m de large et on y accède par le métro Cité. » (Source : http://www.histoire-en-ligne.com/article.php3?id_article=58; 7-X-2005). 81 - Tarn À l’occasion d’une exposition organisée à Gaillac sur « les êtres fantastiques », l’histoire du pont de Bonnecombe (Aveyron) fut présentée en décembre 1997 avec le commentaire suivant: « Cette même légende existe à propos d’un pont près du Travet (Tarn), aujourd’hui englouti après la construction d’un barrage sur le Dadou ». Une légende de Pont du Diable est citée par Gérard Blacher pour Albi : « Sur la rive gauche de l’Agout de la ‘Poutsado dal diaplé’ (le contenu de la poche du Diable) est un énorme éboulis qui a donné naissance, comme la plupart des rochers du Sidobre, à une légende où interviennent le Diable et Guilhot de Ferrières. On avait demandé au démon de construire un pont à Thésouliés. Il réclama pour prix de son aide l’âme de celui qui passerait le premier sur la nouvelle construction. Guiljhot proposa d’y faire passer un âne: les femmes parlèrent un peu trop, le Diable le sut et de colère vida sa poche de pierres dans l’Agout » (Blacher 1996:137). 84 - Vaucluse Selon Paul Sébillot, une légende de pont du Diable a été signalée dans le Vaucluse : le Diable s’engage à construire l’ouvrage avant l’aube, et n’est finalement payé que d’un chat, à la place de l’âme promise (Sébillot 1894:348). Il s’agit du fameux pont d’Avignon, dont le récit de la construction par Bénézet, datant des années 1230, était lu par les quêteurs de l’œuvre lors des prêches dominicaux ; il y est écrit : « Tunc iratus Diabolus nocte venit ad pontem et dissipavit pilam unam pontis », « Alors le Diable en colère vint une nuit au pont, et détruisit l’une des piles de l’ouvrage... » (Cité dans Mesqui 1986:115). C’est la plus ancienne allusion à la légende des Ponts du Diable en France. 85 - Vendée En Vendée (ancien Bas-Poitou), on raconte à Brétignolles que le Diable aurait bien voulu construire un pont reliant la commune à New York, mais que sa tentative échoua (Le Quellec 1997:52). à Commequiers, un autre Pont du Diable fut entrepris sur la rivière de la Vie par Satan, selon une légende notée au début de ce siècle : « C’est la nuit que ce dernier portait les pierres nécessaires à l’édifice, et il a laissé la trace énorme de ses pieds sur un sentier qui descend à la rivière. Des blocs, tombés de la barge du Diable, bordent ce chemin. Pendant tout le temps que dura la construction, un grand nombre d’animaux disparurent. Un paysan, moins effrayé que les autres, se mit une nuit aux aguets, derrière des rochers, et vit Satan qui entraînait des bêtes vers la rivière, où il les noyait » (Note manuscrite conservée dans les dossiers d’Edmond Bocquier aux Archives Départementales de la Vendée, cote 59.J.16.11). Le Pont de Sénard, sur la commune de l’Herbergement, a été construit par le Diable qui, furieux de s’être laissé duper, a voulu le détruire. Depuis, on n’a jamais pu le réparer : dès qu’on remet en place les pierres d’un bout, celles de l’autre extrémité croulent dans la rivière. à proximité, se trouve une roche présentant quatre cavités qu’on dit être les fesses et les talons du Diable (Note manuscrite conservée dans les dossiers d’Edmond Bocquier aux Archives Départementales de la Vendée, cote 59.J16.11). La légende a été ainsi racontée en 1901 par Jehan de la Chesnaye : « Impossible de gagner la rive et ma femme qui m’attend. Le Diable m’emporte si un pont ne serait pas utile là, avait dit un jour un seigneur en indiquant un passage de la Maine, la petite rivière qui passe à Montaigu ! Et le Diable apparût : “Tu auras ton pont, dit-il, mais j’aurai la première âme qui passera dessus”. Le pont fut construit, en effet ; mais la châtelaine joua le malin, en y lançant une souris, poursuivie par un chat. Le Diable, furieux, démolit son œuvre, et jamais depuis le Pont de Sénard n’a pu être réparé » (De la Chesnaye 1901). Quant à Pierre-Plate, c’est le nom d’un village situé entre la Copechagnière et l’Herbergement, où un ponceau mégalithique permettait de franchir le petit ruisseau du Tail. Selon Jehan de la Chesnaye, cette pierre de 1,80 par 1,10 mètre aurait été apportée là par le Diable, et il s’agit d’une sorte de réplique miniature du Pont du Diable de Sénard, voisin : « Quand la dame d’un châtelain l’eût joué à Sénard en lançant sur le pont un rat et une souris, le malin se rendit à Pierre-Plate, et déposa un des blocs du fameux pont sur le Tail, où il demeure encore » (De la Chesnaye 1906:69). À Mervent, le Pont des Ouillères, maintenant englouti sous les eaux retenue d’un barrage, fut souvent considéré comme « pont romain », alors qu’en réalité, il date du Xve siècle. En 1893, Louis Brochet rapporte qu’il s’agit d’une construction diabolique : après l’avoir terminé, Satan se serait reposé sur un rocher un peu en aval, et y aurait laissé son empreinte (Brochet 1893 :42-43, 65-66). Le Pont d’Yeu, supposé relier la Barre de Monts à l’île d’Yeu, résulte d’une tentative diabolique avortée : Le Diable « avait fait, suivant son habitude, un stupide pari. Pour s’assurer une âme, une âme de choix sans doute, il s’était engagé à construire entre la nuit tombante et le dernier coup de minuit, un pont qui réunirait le rivage à l’Ile [d’Yeu]. Or le rivage montois manque de pierres; il fallait aller en chercher jusqu’aux alentours de Challans, et ces courses lui firent perdre beaucoup de temps. Il fallait pourtant finir quand minuit sonna au clocher de NotreDame, alors qu’il ne croyait pas qu’il se fît si tard. De stupeur, il laissa tomber sa dernière pierre, qui forma un rocher à fleur d’eau à deux kilomètres en aval de l’Ile d’Yeu » (Texte publié en 1929 par L. Dubreuil dans La Grande Revue 12:296). Une autre version de cette légende a été localisée à St-Gilles-Croix-de-Vie par G.R. Phelippeau, instituteur de Dompierre-sur-Yon qui écrivait en 1904 : « On raconte que le Diable fit un jour avec un propriétaire de St-Gilles un pari qu’il construirait un pont reliant cette dernière [localité] à l’Ile d’Yeu. Pour cela, il alla au loin chercher d’énormes quartiers de roc qu’il apportait dans son tablier, lorsque tout d’un coup, se sentant atteint d’un vigoureux coup de pied, il se retourna et vit avec effroi la Vierge qui le poursuivait ; il se mit à courir et, en arrivant à Commequiers, une pierre tomba de son tablier. On peut la voir de nos jours et elle porte les empreintes du coprs de Satan. Une autre tomba à Challans. Enfin, en arrivant à Croix-de-Vie, Satan tomba dans la mer, et ses pierres en se brisant formèrent une partie des rochers échelonnés sur la côte » (Phelippeau 1904:6). Cette histoire est très connue dans toute la région (Baudry 1865:244-245, Bocquier s.d.), et il en existe de nombreuses variantes. Voici celle publiée par E. Louis en 1881: « On raconte que, par une brûlante journée d’été, St-Martin voulut se rendre de NotreDame-de-Monts à l’Ile d’Yeu pour y prêcher l’évangile. Mais comment traverser le bras de mer qui l’en séparait ? Satan seul l’eût tiré d’embarras. Pour tenter le démon, notre saint fait briller à ses yeux un magnifique moulinet ou éventail en glace. Le Malin ébloui se laisse prendre au piège et propose en échange de convertir en or tous les graviers du rivage. Or saint Martin se contenterait d’un pont jeté sur l’Océan avant le chant du coq, entre la côte et l’île d’Oïa. Il est vrai que pour le prix de ce service, Satan deviendra maître du premier passant. Au comble de la joie, Lucifer convoque toutes ses légions infernales, et des montagnes de pierres s’entassent dans le gouffre béant. Le coq du village a été enivré pour leur besogne. Hélas! le maudit volatile, dérouté par la boisson qu’il a prise, se met à chanter longtemps avant l’aube du jour. Aussitôt l’œuvre s’arrête; et les énormes monolithes transportés par les airs tombent à la place qu’ils occupent encore. Satan dissimule sa rage et se porte au milieu de la chaussée inachevée. Le saint lance alors dans les griffes du démon un gros chat noir poursuivi par un chien; et Satan en est réduit à cacher sa confusion au fond de la sombre forêt de l’Ile d’Yeu. Il allait assister au triomphe de ses plus mortels ennemis » (Louis 1881). Il existe aussi, de ce récit, une variante en clé mélusinienne, racontée à Noirmoutier par Gabriel Boucard, en Février 1982 : « La grand-mère du Diable avait décidé de construire un pont qui relierait l’Ile-d’Yeu au continent. Dame, elle était douée, la grand-mère, d’une force comment? herculéenne! Alors, entre le coucher du soleil et le chant du coq, sans arrêt, toute la nuit, elle transportait dans son tablier d’énormes blocs de granit pour construire le pont. Il paraît qu’elle les arrachait à la côte de Pornic et pis elle allait comme ça jusqu’à Notre-Dame-de-Monts qu’est le point le plus proche de l’Ile-d’Yeu! Pis alors, cette nuit-là, le temps était si beau qu’elle a voulu faire un voyage de plus, pour gagner du temps. Mais voilà que l’aube la surprend, làbas, près du moulin de la Houssinière. Y avait le coq du meunier, monté sur un sac de grain, qui se mit à chanter, mais alors à tue-tête! À ce moment-là, les nœuds du tablier de la pauvre mère se sont défaits, et le rocher qu’était dedans est tombé à la mer. Ce rocher, il existe toujours, on peut le voir. Alors après ça, elle a jamais pu reprendre le travail: elle était plus assez forte! Et pis on dit que c’est pour ça que, de nos jours, l’Ile-d’Yeu n’est toujours pas reliée au continent » (Gaborit s.d., II:68). Ce « pont » est en réalité une chaussée en dôme accentué, découvrant aux marées de 115-118 sur une longueur de plus de trois kilomètres. Plus loin, elle est recouverte par très peu d’eau et, au sixième kilomètre, elle est interrompue par une grande coupure à pic, de plus de neuf mètres de profondeur. Le Dr Baudouin expliquait cela par l’hypothétique existence d’une ancienne voie romaine qui se serait affaissée au moment de l’évangélisation de la contrée par saint Martin de Vertou, dont le nom aurait ensuite été associé traditionnellement au souvenir de ce phénomène géologique... voilà qui est ingénieux, mais rien moins que prouvé. Nous retrouvons là, semble-t-il, le même type d’attribution historico-légendaire que celle qui veut faire du Pont Krac’h un monument gaulois. En tout cas, la première mention connue de cette chaussée naturelle se trouve sous la plume de Jean Fonteneau dit Alphonse de Saintonge, qui écrivait en 1544 que... « à la terre de l’Isle Dieu y a un mauvais rochier, qui s’appelle le Pont, lequel entre bien une lieue et demye en la mer». On aura remarqué qu’il n’est donc alors question que de « Pont », et non pas de « Pont d’Yeu » ni de « Pont St-Martin » (Musset 1904:153, n. 5). Saint Martin semble n’être mentionné dans les textes qu’à partir du XVIIIe siècle. Le géographe Masse rapporte en effet que « le Pont Saint-Martin s’avance à une lieue en mer... il découvre en malines, sauf quelques endroits, en mort-eau » (Masse 1704:133). Marcel Baudouin signale néanmoins dans une note manuscrite qu’il a vu l’indication de « Pont-St-Martin » sur une carte du Bas-Poitou signée Sanson et datée de 1679, conservée à la Galerie du Louvre (Marcel Baudouin, Dossiers manuscrits non classés conservés aux Archives Départementales de la Vendée. Dossier 47 du classement provisoire). Les registres paroissiaux mentionnent la découverte de noyés auprès du « Pont St-Martin » les 26-IX-1726 et 9 XI-1733, ce qui montre que l’appellation de « Pont d’Yeu » n’était pas encore utilisée à cette époque et qu’elle est donc récente. Sa première mention semble remonter à 1815, dans un mémoire inédit de Berthelot, receveur de l’enregistrement (Mémoire de Berthelot, Navigation, 1er bureau, 4-XI-1815, n° 2112. Archives Nationales, F14.751). En 1844, A.D. de la Fontenelle de Vaudoré conjugue les deux appellations, en mentionnant « le Pont-Dieu ou de St-Martin » (La Fontenelle de Vaudoré 1844:290). Le Pont d’Yeu est parfois appelé « Barre de Dieu », selon le Dr Baudouin (Marcel Baudouin, Dossiers manuscrits non classés conservés aux Archives Départementales de la Vendée. Dossier 47 du classement provisoire). C’est là une appellation doublement intéressante, car on peut d’une part la rapprocher de celles du type « Barre de Monts » – motivée par la topographie du rivage – tout en soulignant de l’autre que « Barre de Dieu » et « Pont du Diable » ne s’opposent sans doute pas par hasard. 86 - Vienne À Gençay, dans la Vienne, il existe un Pont du Diable à propos duquel on raconte la légende suivante : « Jadis, avant la construction du pont qui franchit la Clouère au pied du bourg de Gençay, on devait traverser la rivière au gué d’Enfrenet. Or il se trouva qu’en un temps de grandes eaux, un paysan fut longtemps empêché par les inondations de mener son bétail paître dans ses prés sur l’autre rive. Il en conçut un tel dépit qu’il invoqua le Diable. Celui-ci accourut à son appel et lui promit de construire un pont la nuit même à condition qu’il lui livrât l’âme de celui des membres de sa famille qui y passerait le premier. Le marché conclu, le paysan rentra chez lui et, dès la chute du jour, le Diable se mit à la besogne. La nuit durant, l’homme fut torturé par l’angoisse. Avant l’aube, il réveilla sa femme et lui livra son secret. Celle-ci, après avoir réfléchi un instant, sortit et revint bientôt avec un sac ficelé dans lequel elle avait enfermé le chat de la maison. Porte ce sac à l’entrée du pont, dit-elle à son mari : tu l’ouvriras et le frapperas avec ton bâton. Le paysan ayant fait comme il lui avait été dit, le chat bondit hors du sac et s’élança sur le pont à peine achevé. Dans la pénombre, le Diable se jeta à sa poursuite, mais au moment de se saisir de cette proie, il comprit qu’il avait été joué. De rage, il lança un grand jet de flamme et plongea dans la Clouère. Depuis lors, on voit à cet endroit une fosse noire et profonde dans le lit de la rivière. Le proche moulin d’Enfrenet porte un nom qui paraît en relation avec cette légende. En effet, Enfrenet, forme métathétique de Enfernet, est un diminutif d’enfer et signifie le petit enfer » (Mineau & Racinoux 1995:251). 92 - Hauts-de-Seine Une légende de Pont du Diable est signalée par Piganiol de la Force dans sa Description des environs de Paris, à propos du pont de St-Cloud, commandé en 1556 par Henri II : « On fait un conte de l’architecte de ce pont qui, ne pouvant l’achever, promit au Diable (qui lui apparut et lui promit de l’achever pour lui) la première chose qui passerait dessus, et, pour s’acquiter de sa parole, il y fit passer un chat, que le Diable prit en enrageant. On fit ce conte à l’ambassadeur du Maroc, qui répondit plaisamment qu’on ne devait pas espérer de gagner quelque chose avec les Français, ou de surprendre des gens qui savent tromper le Diable » (Piganiol, cité dans Sébillot 1894:145-146). La version donnée par Paul Sébillot contient d’autres détails : « L’architecte du pont, à qui le Diable avait avancé une forte somme d’argent, s’était engagé à lui livrer le premier “être” qui le traverserait. Dès que le pont fut fini, la femme du constructeur, qui n’était pas dans le secret, voulut avoir l’honneur d’y passer la première. Le mari se trouvait fort embarrassé. Il alla consulter le curé de la paroisse, qui se hâta d’accourir, portant dans les plis de sa soutane un chat, qu’il poussa sur le pont. Ce fut tout ce qu’eut le Diable » (Sébillot 1894:145). Le caractère diabolique de ce pont est confirmé par J. Collin de Plancy, selon lequel il s’ébranla au XVIe siècle, lors du passage d’un enfant qu’on venait de baptiser, et finit par s’écrouler (Collin de Plancy 1863:551). Une tradition rapporte que ce pont était ensorcelé, en ce sens que ceux qui voulaient en compter les arches en trouvaient toujours une de trop (Migne 1846-1848, Mozzani 1995:1464). En France, mais à Localiser : À Vers, la légende met en scène un amoureux qui construit un pont pour une belle princesse, et se fait aider du Diable, auquel il donne un chat pour tout salaire (Sébillot 1894:348). « Autres sujets, les ponts, autres légendes car l'homme du Moyen-Age voyait dans ces constructions audacieuses l'oeuvre du Diable. Si ce n'était pas le cas, mieux valait de toute façon l'associer à ces constructions pour éviter que ne lui vienne l'envie de les détruire. Le pont, élément contre-nature s'il en est, était donc particulièrement exposé à ces croyances, c'est ainsi que ceux de Beaugency et de Jargeau font l'objet de récits légendaires. Comme dans la quasi-totalité des lieux où l'on trouve un "pont du Diable" (on peut en dénombrer plus de 80 en France), on y raconte que le Malin a demandé en échange de son travail, que le premier être vivant à passer sur le pont lui appartienne mais au final il n'hérite que d'un chat. » (source: http://www.loiret.com/cgloiret/ index.php?page=display&method=h_display_full&class=notrehistoire_traditions&object=r69_legendes; 7-X-2005) Europe Le récit du Diable dupé lors de la construction d’un pont se retrouve, hors de France, en plusieurs pays d’Europe. Allemagne La légende se raconte en Allemagne à propos de plusieurs lieux, tel le pont de Sachsenhäuser à Frankfort : « L’architecte... voyant qu’il ne pouvait le terminer dans le délai fixé, appela à son secours le Diable, qui lui promit son aide aux conditions habituelles. Le matin, l’architecte livra un coq au Diable ; celui-ci mit en pièces le coq et le jeta à travers le pont dans l’eau ; cela fit deux trous qui jusqu’à ce jour n’ont pu être bouchés ni maçonnés. On voit encore aujourd’hui un coq doré sur une lance de fer, à l’entrée » (Sébillot 1894:154). L’image d’un coq, installée sur le pont, témoigne toujours de ce récit. Voici la version des frères Grimm : « The Sachsenhäuser Bridge at Frankfurt (Germany) There are two arches in the middle of the Sachsenhäuser Bridge. At the top they are closed partially only with wood which, in time of war, can easily be removed so that the connection can be destroyed without blasting. The following legend is told about this bridge: The builder had agreed to complete the bridge by a certain date. As the date approached he saw that it would be impossible to meet the deadline. With only two days remaining, in his fear he called upon the devil and asked him for help. The devil appeared to him and offered to complete the bridge during the last night if the builder would deliver to him the first living being that crossed the bridge. The contract was settled, and during the last night the devil completed the bridge. In the darkness no human eye saw how he did it. At the break of day the builder came and drove a rooster across the bridge ahead of himself, thus delivering it to the devil. However, the latter had expected a human soul, and when he saw that he had been deceived he angrily grabbed the rooster, ripped it apart, and threw it through the bridge, thus causing the two holes that to the present day cannot be mortared shut. Any repair work that is completed during the day just falls apart the next night. A golden rooster on an iron bar still stands as the bridge's emblem. » Source: Jacob and Wilelm Grimm, Deutsche Sagen (1816), vol. 1, no. 186. À Ratisbone (Regensburg) sur le Danube, c’est également à un architecte que le Diable vient en aide : « L’architecte du pont avait parié avec celui de la cathédrale, qui se construisait en même temps, que le pont serait terminé avant que son confrère eût posé la clef de voûte de l’édifice sacré. Il n’avait malheureusement pas prévu une forte crue du Danube, qui arrêta les travaux. Il se désespérait, quand le Diable, apparaissant tout à coup, lui promit de lui faire gagner son pari s’il s’engageait à lui donner les “trois premiers” qui passeraient sur le pont. L’expression était vague, et il faut que le Diable ne soit pas aussi normand qu’on le dit pour s’en être contenté. L’architecte, plus malin que lui, lança sur le pont, pour l’inaugurer, un chien, un coq et une poule. Le Diable comprit qu’il était joué ; il mit en pièces les trois bêtes et se retira ensuite philosophiquement » (Sébillot 1894:154). À Bamberg, localité de Bavière construite sur la Regnitz et le canal Louis, on conte le même type d’histoire de pari entre deux architectes, à qui irait le plus vite, du maître qui construisait un pont, ou de son compagnon qui bâtissait la tour de la cathédrale : « Le maître avait presque fini, et le compagnon en avait encore pour longtemps, quand celui-ci conclut avec le Diable un pacte, d’après lequel il lui bâtirait le pont rapidement, moyennant quoi il recevrait le premier être vivant qui y passerait. Le Diable se mit avec ardeur au travail et, en l’espace de peu de temps, l’ouvrage était terminé ; mais le compagnon avait pris un coq et l’avait chassé sur le pont. Aussi le démon s’en alla mécontent. Quand à l’architecte de la tour, il fut si affligé de la rapide construction du pont, que, dans son chagrin, il se précipita du haut de la tour » (Sébillot 1894:154-155). Voici la version de Kuhn : « The Bamberg Cathedral and Bridge (Germany) A famous master builder and his journeyman, while building the Bamberg Cathedral's tower and the Bamberg Bridge, entered into a wager which could finish first. When the master was almost finished, the journeyman was still far behind, so the latter made a pact with the devil, that he should quickly build the bridge. In return, the devil would receive the first living being to cross the bridge. The devil quickly went to work and was finished within a short time. Then the journeyman fetched a rooster and chased it across the bridge. The devil angrily departed with it. The master builder of the tower was so irritated with the early completion of the bridge that in his dismay he threw himself from the tower. » Source: Adalbert Kuhn, "Dom und Brücke zu Bamberg," Sagen, Gebräuche und Märchen aus Westfalen und einigen andern, besonders den angrenzenden Gegenden Norddeutschlands (Leipzig: F. A. Brockhaus, 1859), vol. 1, no. 418, pp. 372-373. Récit similaire au lac de Galenbeck: « In Lake Galenbeck (in the vicinity of Friedland) there is a tongue of land, probably artificial, that stretches about to the middle of the lake. It is called the devil's bridge, and is said to be the remains of a bridge started, but never completed, by the devil. A shepherd had to drive his herd completely around the lake in order to reach his pasture. This annoyed him, and one day he wished with a curse that a bridge went across the lake. He had scarcely uttered this wish when a man appeared before him. The man promised to build a bridge in one night, before the rooster crowed three times, under the condition that the shepherd would then belong to him. The shepherd entered into this agreement. That evening when he arrived home, he told his wife what had happened. She said nothing, but at midnight she went to the chicken coop and awakened the rooster, who thought that it was already morning, and crowed three times. The devil heard this. He was not finished with his work, and angrily flew off through the air without completing the bridge. » Source: Karl Bartsch, "Die Teufelsbrücke im Gahlenbeker See," Sagen, Märchen und Gebräuche aus Meklenburg (Vienna: Wilhelm Braumüller, 1879), v. 1, no. 555, p. 400. La source de Bartsch est « Fräulein W. Zimmermann from Neustrelitz ». Angleterre Il existe à Kirkby Lonsdale, Westmoreland (Cumbria), un Devil’s Bridge (« Pont du Diable ») du XIVe siècle sur la rivière Lune et dont une légende dit qu’il fut construit par le Diable, mais que celui-ci fut spolié de son salaire, par ruse (Simpson 1975:93, n. 6). Voici ce qu’en dit un site internet destiné à promouvoir le tourisme dans la région : « Local folklore claims that Devil's Bridge was built by the devil himself, as the story goes, an old woman driving her flock across the river Lune at this point day after day was getting weary with the constant fight against the strong current, noticing this the devil built the bridge and offered to the let the old woman cross on a day when the river was in flood, but only in return for the soul of the next being to cross. Tired and confused the woman retreated and thought long and hard on her plight. Shortly after she returned to the bridge and threw a bread roll across which her trusty sheep dog ran after. The devil threw himself off the bridge having only received the soul of a dog and not the old woman. » (source : http://www.virtuaalcumbria.net/views/ southlakes/devils_bridge.htm) Récit comparable à props du Killgrim Bridge: « Many bridges having been built on this site by the inhabitants, none had been able to withstand the fury of the floods until his "Satanic Majesty" promised to build a bridge which would defy the fury of the elements, on condition that the first living creature who passed over should fall a sacrifice to his "Sable Majesty." Long did the inhabitants consider, when the bridge was complete, as to who should be the victim. A shepherd, more wise than his neighbors, owned a dog called Grim. This man having first swum the river, whistled for the dog to follow. Poor Grim unwittingly bounded across the bridge and thus fell a victim to his "Sable Majesty." Tradition says, from this circumstance the spot has ever since been known as Kill Grim Bridge » (Gutch 1901, vol. 2, Printed Extracts, no. 4., p. 19). Un autre pont du Diable est signalé près d’Aberystwyth dans le pays de Galles, lancé sur un gouffre impressionnant. Selon la tradition, une vieille femme s’aperçut un jour que sa seule vache était de passée de l’autre côté de la cataracte. Comme elle cherchait un moyen de l’atteindre, le Diable lui apparut sous la forme d’un moine, et lui promit de construire un pont en échange du premier être vivant qui le traverserait. Elle accepta avec joie, et le pont apparut bientôt au-dessus du ravin. Le Diable se tenait à l’autre bout, attendant que la vieille avance dessus pour l’étrenner. Mais elle fut la plus maline, car elle avait reconnu le constructeur : pendant que celui-ci travaillait, une de ses jambes s’était découverte, et il était visible qu’il avait le genou articulé à l’envers, et qu’en plus il avait des sabots en place de pieds. Elle fouilla dans sa poche, en sortit un croûton qu’elle jeta sur le pont... son chien se précipita pour l’attraper, et la vieille s’écria : « Le chien est à toi ! » (Briggs 1971, I:86-87 – Mozzani 1995:1465). Voici une version littérarisée au début du XXe siècle : « The Devil's Bridge (Wales) One day in the olden time, old Megan of Llandunach stood by the side of the river Mynach feeling very sorry for herself. The Mynach was in flood, and roared down the wooded dingle in five successive falls, tumbling over three hundred feet in less than no time. Just below the place where Megan was standing, there was a great cauldron in which the water whirled, boiled, and hissed as if troubled by some evil spirit. From the cauldron the river rushed and swirled down a narrow, deep ravine, and if the old woman had had an eye for the beauties of nature, the sight of the seething pot and the long shadowy cleft would have made her feel joyous rather than sorrowful. But Megan at this time cared for none of these things, because her one and only cow was on the wrong side of the ravine, and her thoughts were centered on the horned beast which was cropping the green grass carelessly just as if it made no difference what side of the river it was on. How the wrong-headed animal had got there Megan could not guess, and still less did she know how to get it back. As there was no one else to talk to, she talked to herself. "Oh dear, what shall I do?" she said. "What is the matter, Megan?" said a voice behind her. She turned round and saw a man cowled like a monk and with a rosary at his belt. She had not heard anyone coming, but the noise of the waters boiling over and through the rocks, she reflected, might easily have drowned the sound of any footsteps. And in any case, she was so troubled about her cow that she could not stop to wonder how the stranger had come up. "I am ruined," said Megan. "There is my one and only cow, the sole support of my old age, on the other side of the river, and I don't know how to get her back again. Oh dear, oh dear, I am ruined." "Don't you worry about that," said the monk. "I'll get her back for you." "How can you?" asked Megan, greatly surprised. "I'll tell you," answered the stranger. "It is one of my amusements to build bridges, and if you like, I'll throw a bridge across this chasm for you." "Well, indeed," said the old woman, "nothing would please me better. But how am I to pay you? I am sure you will want a great deal for a job like this, and I am so poor that I have no money to spare, look you, no indeed." "I am very easily satisfied," said the monk. "Just let me have the first living thing that crosses the bridge after I have finished it, and I shall be content." Megan agreed to this, and the monk told her to go back to her cottage and wait there until he should call for her. Now, Megan was not half such a fool as she looked, and she had noticed, while talking to the kind and obliging stranger, that there was something rather peculiar about his foot. She had a suspicion, too, that his knees were behind instead of being in front, and while she was waiting for the summons, she thought so hard that it made her head ache. By the time she was halloed for, she had hit upon a plan. She threw some crusts to her little dog to make him follow her, and took a loaf of bread under her shawl to the riverside. "There's a bridge for you," said the monk, pointing proudly to a fine span bestriding the yawning chasm. And it really was something to be proud of. "H'm, yes," said Megan, looking doubtfully at it. "Yes, it is a bridge. But is it strong?" "Strong?" said the builder, indignantly. "Of course it is strong." "Will it hold the weight of this loaf?" asked Megan, bringing the bread out for underneath her shawl. The monk laughed scornfully. "Hold the weight of this loaf? Throw it on and see. Ha, ha!" So Megan rolled the loaf right across the bridge, and the little black cur scampered after it. "Yes, it will do," said Megan. "And, kind sir, my little dog is the first live thing to cross the bridge. You are welcome to him, and I thank you very much for all the trouble you have taken." "Tut, the silly dog is no good to me," said the stranger, very crossly, and with that he vanished into space. From the smell of brimstone which he had left behind him, Megan knew that, as she had suspected, it was the devil whom she had outwitted. And this is how the Bad Man's Bridge came to be built. » Source: W. Jenkyn Thomas, The Welsh Fairy Book (London: T. Fisher Unwin, Ltd., [1908], pp. 286-290. Voici ce qu’en dit un site touristique: « Devil's Bridge is situated high in the foothills of the Pumlumon mountain range twelve miles east of Aberystwyth. The village is actually called Pontarfynach - which is Welsh for Devil's Bridge. The village is world famous thrice over, for: - The three bridges; - The great little narrow gauge steam railway that climbs through the verdant Vale of Rheidol from Aberystwyth. -For the cascading waterfalls of the river Mynach. Uniquely, the three bridges are built one on top of the other. The original bridge was believed to have been built either by the Cistercian monks of Strata Florida abbey or by Knights Templar. It is said that the Devil offered to build a bridge across the chasm in return for the soul of the first living creature to cross the finished bridge. The Devil finished constructing the bridge and was waiting for his prize but the people came up with a plan to outwit him. Instead of sacrificing one of the people of the village to the devil they threw a round loaf of bread across the bridge for a dog to chase and so the Devil did not get his prize. In the eighteenth century the original bridge was thought to be insecure but instead of replacing it another bridge was built over the top. The first bridge was used to support the scaffolding during the construction of the second bridge. A third bridge was added over the top of the second in 1901 that carries traffic over the Mynach to this day. There are paths, accessed via coin-operated turnstiles, that lead down to either side of the bridges. As with all paths, stout footwear and appropriate dress is recommended. The longest, and steepest, path leads all the way down to the valley floor affording wonderful views of the cascading falls; crosses the raging torrent and climbs all the way up again. The climb back up to Devil's Bridge is something that not all those who venture down realise lies before them. This path is definitely not for the elderly or for persons not enjoying full mobility. The second path, leading to the east of the three bridges, although also requiring care and attention, does not involve such a climb. It affords magnificent views of the chasms hewn by the raging torrent from the rock and also allows a close view of the three bridges. The scenery in and around Devil's Bridge is spectacular in all seasons, the colours of the woodland in this heavily afforested area changing with the weeks and months. » (Source : http://members.virtualtourist.com/m/1692b/4cb3a/) À Kentchurch (Herefordshire), le héros régional légendaire Jack of Kent s’était entendu avec le Diable pour que soit construit en une seule nuit un pont sur la rivière Monnow, car toutes les tentatives pour le faire avaient échoué, les constructions du jour s’écroulant durant la nuit. Il avait été prévu que la personne à passer sur l’édifice appartiendrait au Diable, mais Jack lança un os sur la chaussée, et un malheureux chien s’y élança pour le récupérer : c’est tout ce que le Diable put jamais obtenir pour être payé de ses peines (Leather 1912: 134 ; Briggs 1971, I:52). Dans le Devon, on raconte que le Diable et la Vierge se disputaient pour choisir l’emplacement du Bidefort Bridge : la Vierge voulait le faire là où il se trouve actuellement, mais le Diable le voulait un demi-mile plus haut. La situation n’avançait guère, car le Diable venait chaque nuit défaire les travaux effectués durant le jour par la Vierge et ses ouvriers. à la fin, c’est quand même la Vierge qui eut le fin mot, en prenant le Diable de vitesse (Briggs 1971, I:52). Le pont situé au-dessus de la rivière Dibble, sur la route de Pately Bridge à Grassington dans le Yorkshire, est connu sous le nom de Devil’s Bridge. Le Diable, dit-on, le construisit dans un délai de quatre jours à la demande d’un cordonnier qui passait souvent par-là. Le prêtre du lieu bénit l’édifice, et installa, à chacune de ses extrémités, des croix de pierre qui y restèrent longtemps (Briggs 1971, I:87-88). L’histoire a été notée à la fin du XIXe siècle : « The Devil's Bridge Yorkshire, England The highway between Pateley Bridge and Grassington crosses, in the parish of Burnsall, the deep dell in which runs the small river Dibb, or Dibble, by a bridge known in legend as the Devil's Bridge. It might reasonably be supposed that Deep-Dell Bridge, or Dibble Bridge, was the correct and desirable designation, but legend and local tradition will by no means have it so, and account for the less pleasant name in the following manner. In the days when Fountain's Abbey was in its prime, a shoemaker and small tenant of part of the abbey lands, named Ralph Calvert, resided at Thorp-sub-Montem, and journeyed twice a year along this road to pay his rent to the abbot, dispose of the fruits of his six months' handiwork, and return the shoes entrusted to him on his previous visit for repair, and bring back with him, on his return, a bag well filled with others that needed his attention. The night before setting out on one of these occasions, he had a fearful dream, in which he struggled with the devil, who, in this wild, rocky ravine, amid unpleasant surroundings, endeavored to thrust Ralph into a bag, similar to the one in which he carried his stock-intrade. This he and his wife feared boded no good. In the morning, however, he started on his journey, and duly reached the abbey, assisted at the service, did his business with the abbot and brethren, and then started, with his well filled bag, on his return homewards. When he arrived near home, in the deep ravine, where on previous occasions he had found but a small brook which he could easily ford, he now found a mountain torrent, through which he only with difficulty and some danger made his way. Having accomplished the passage, he sat down to rest and to dry his wetted garments. As he sat and contemplated the place, he could not but recall how exactly it corresponded with the spot seen in his dream, and at which the author of evil had tried to bag him. Dwelling on this brought anything but pleasant thoughts, and to drive them away, and to divert his mind, he struck up a familiar song, in which the name of the enemy finds frequent mention, and the refrain of which was: Sing luck-a-down, heigh down, Ho, down derry. He was unaware of any presence but his own. But, to his alarm, another voice than his added a further line: Tol lol derol, darel dol, dolde derry. Ralph thought of his dream. Then he fancied he saw the shadow of a man on the road. Then from a projecting corner of a rock he heard a voice reading over a list of delinquents in the neighborhood, with whom he must remonstrate -- Ralph's own name among the rest. Not to be caught eavesdropping, Ralph feigned sleep. But after a time was aroused by the stranger, and a long conversation ensued, the upshot of which was, after they had entered into a compact of friendship, that Satan informed the shoemaker who he was and inquired of the alarmed man if there was anything that he could do for him. Ralph looked at the swollen torrent and thought of the danger he had lately incurred in crossing it, and of his future journeys that way to the abbey. And then he said, "I have heard that you are an able architect. I should wish you to build a bridge across this stream. I know you can do it." At nightfall Ralph reached his home at Thorpe, and related his adventure to his wife, and added, "In spite of all that is said against him, the Evil One is an honest gentleman, and I have made him promise to build a bridge at the Gill Ford on the road to Pateley. If he fulfils his promise, St. Crispin bless him." The news of Ralph's adventure and of the promise soon spread among the neighbors, and he had no small amount of village chaff and ridicule to meet before the eventful Saturday -- the fourth day -- arrived. At last it came. Accompanied by thirty or forty of the villagers, Ralph made his way to the dell, where, on arrival, picture their astonishment at the sight! Lo, a beautiful and substantial bridge spanned the abyss! Surveyor, and mason, and priest pronounced it to be perfect. The latter sprinkled it with holy water, caused a cross to be placed at each approach to it, and then declared it to be safe for all Christian people to use. So it remained until the Puritan Minister of Pateley, in the time of the Commonwealth, discerning the story to be a Popish legend, caused the protecting crosses to be removed as idolatrous. After that time, neither the original builder nor any other person seems to have thought fit to keep the bridge in "good and tenantable" repair, and in time it fell into so disreputable and dangerous a condition, that the liberal and almost magic-working native of the parish -Sir William Craven, Lord Mayor of London in the reign of the 1st James -- took the matter in hand and built upon the old foundations a more terrestrial, but not less substantial and enduring, structure. Still men call it the Devil's Bridge » (Parkinson 1888: 121-124). Un impressionnant Devil’s Bridge se trouve près d’Aberystwyth, Ceredigion (Pays de Galles). Le lieu est également connu pour ses chutes d’eau. Voici ce que dit à son propos un site publicitaire pour les circuits de randonnées dans la région: « Take a walk along the Nature Trail and see the spectacular 300ft waterfalls and the view of the three bridges which span the breathtaking woodland gorge. The first bridge is reputed to have been built by the Devil but in reality it was built in the 11th century by the monks; the middle bridge was built in 1708, wider than the lower bridge, to take horse drawn vehicles; the top bridge was built in 1901 to cope with modern traffic. Cross the humped bridge spanning over the Mynach river at the bottom of the waterfalls and begin to ascend the other side of the gorge. Go into Robbers Cave, an old hide out place next to the waterfall. Alternatively, choose the easier, short walk to view the three bridges and the Devil's Punchbowl. Discover the legend, of how an old lady and her dog outwitted the Devil. » (http://www.travelpublishing.co.uk/HiddenPlacesWales/ CeredigionWALDevilsBridgeFalls.htm) Autriche Il y a un Teufelsbrücke, en bois, couvert, construit en 1876 à Finkenberg, dans le Tyrol (source : http://www.structurae.net/structures/data/index.cfm?ID=s0010906). Sa légende est la suivante: « Schlau sind die Zillertaler von jeher gewesen, dass sie selbst den Teufel ein Schnippchen schlagen konnten. Einst wollten die Bauern von Finkenberg über die tiefe Schlucht beim Dornau Hof einen Steg bauen, wussten aber nicht recht wie. Sie riefen schließlich den Teufel an, der sich sogleich bereit erklärte, den Steg zu bauen, aber das erste Lebewesen, das die neue Brücke betrete, müsse zum Lohn ihm gehören. Die Finkenberger waren einverstanden, und der Teufel erbaute in stürmischer Nacht einen Steg über den wildbrausenden Tuxer Bach. Als der Bau vollendet war, setzte sich der Satan mitten auf den Steg, um auf sein Opfer zu lauern. Da jagten die schlauen Bauern einen Geißbock über die Brücke, der überlistete Satan packte unter Wutgeheul das Tier bei den Hörnern und ritt mit dem Bock durch die Lüfte, vom schallenden Gelächter der Finkenberger Bauern begleitet. » (source : http://www.tiscover.at/at/guide/5,de,SCH1/ objectId,SIG1467at,curr,EUR,parentId,RGN16at,season,at1,selectedEntry,sights/intern.html) Belgique « Situé entre Chaudfontaine et Ninane, le Pont du Diable se dessine à l'horizon sur sa colline, reliant deux promontoirs boisés, dans un de ces sites étonnant qui compte parmi les grandes valeurs touristiques de la localité. Sa construction bizarre remonte à une date indéterminée. Voici au sujet de sa dénomination la légende que nous a racontée un vieux calidifontain qui la tenait déjà de son grand-père : "Jadis les cultivateurs du hameau de Ninane et des hameaux environnants se rendaient à la ville en empruntant la vallée de la Vesdre qu'ils rejoignaient en descendant vers Chaudfontaine. Toutefois, pour atteindre cette dernière localité, un seul chemin était accessible et au centre de ce chemin se dressait un pont rudimentaire qu'ils devaient emprunter. Or, un beau matin, à la stupéfaction générale, les paysans constatèrent que le pont en question s'était écroulé pendant la nuit. Sa reconstruction, à l'époque, allait nécessiter plusieurs semaines de travail acharné et une nombreuse main-d'oeuvre. Après s'être lamenté toute la journée, et après examen de la situation, les paysans désespérés décidèrent, la nuit tombante, de rentrer chez eux. C'est à cet instant même qu'une grande lueur se produisit et que dans un tourbillon de flammes apparu le Diable en personne. A peine revenu de leur stupéfaction, les paysans tremblant de frayeur entendirent Satan leur proposer le marché suivant. – Si vous le désirez, dit-il, pour demain matin, ce pont sera reconstruit ! Toutefois, en compensation, je vous demande de me donner l'âme de la première créature qui franchira le nouveau pont . Foncièrement chrétiens, les paysans refusèrent un tel marché. ... Les jours passèrent... les nuits passèrent... les finances baissèrent... et la misère commença à se faire jour. Acculés par la faim, les paysans retournèrent près des ruines du pont et conclurent le marché proposé quelque temps auparavant par Satan. Et le lendemain matin, lorsqu'ils découvrirent le pont reconstruit et Satan attendant, en triomphateur sa victime, ils se concertèrent. On installa alors un grand sac à l'entrée du pont. De ce sac, s'enfuit un magnifique bouc qui se précipita sur le pont et se jeta dans les bras du Diable qui, se voyant trompé, n'eut d'autre solution que de retourner en hurlant vers le feu éternel de son royaume maudit. Voilà, telle qu'elle nous a été racontée, la légende de ce pont qui depuis lors s'appelle "LE PONT DU DIABLE". » Source : http://www.chaudfontaine.be/site/tourisme/curiosites/ index.php?ref_annu=1392 En pays flamand, l’animal lancé sur le pont peut être un porc: « Le diable lui-même n'est pas toujours plus malin que le Flamand : plusieurs légendes font allusion au diable qui construit un pont sur une rivière agitée au profit d'un village en réclamant simplement l'âme du premier à traverser ce pont du diable : et le premier passant est un cochon ! » (source : http://www.mdsk.net/histk_fr.html; 7-oct-2005) Espagne En 1894, Paul Sébillot mentionnait des « Ponts du Diable » à Gironella (sur le Llobregat), à Pont-Major (sur le Ter), à Olbena (sur l’Essena), et à Orgañá. Du pont de Martorell (construit en 1283-1289 sur la Llobregat), on dit : « Il y a bien des années, une vieille femme allait tous les soirs chercher de l’eau à la fontaine de l’Endu et, comme cette fontaine se trouve de l’autre côté de la rivière, la vieille était forcée de se mouiller pour la traverser. Un soir, le Diable lui apparut et lui promit de faire un pont, à la condition qu’on lui donnerait l’âme de celui qui passerait le premier ; il croyait qu’il le finirait juste au moment où la vieille y arriverait. Le lendemain le pont était fait, mais la vieille, qui n’était pas sotte, y amena un chat et le fit passer le premier, en se moquant du Diable. [...] D’autres disent que celui qui a fait ce marché avec le Diable fut un juif d’Igualada qui ne pouvait pas traverser la rivière avec ses bestiaux à cause d’une forte crue » (Sébillot 1894:151-153). « Un chat », est du reste la bonne réponse à la devinette espagnole : « Qui fut le premier qui passa sur le pont du Diable ? » (Sébillot 1894:153). Un autre Pont du Diable se trouvait naguère près d’Ainsa (Sobrarbe), mais il a été englouti sous la retenue d’eau d’un barrage. En Catalogne, un Pont du Diable situé en aval de la Seu d’Urgell fut construit par le démon qui s’était engagé à le terminer avant le chant du coq, en échange de l’âme du premier passant, mais on réussit à le berner. Quant au Puente del Diable qui franchit le rio Rigart entre Ribes et Planoles, s’il manque une pierre à sa voûte, c’est pour la raison suivante : « Un habitant de Planoles avait essayé de le construire à plusieurs reprises sans y réussir. En désespoir de cause, il pactisa avec le Diable qui s’engagea à finir le travail avant le chant du coq. L’homme, effrayé par la rapidité de la construction du Malin, attrapa un coq roux avant minuit et le fit chanter. Le Diable lui dit : “El ros no es pas bo, fins que canti el negre” (le coq roux ne fait pas l’affaire, j’attends que chante un coq noir). La femme du montagnard alla chercher à son tour un coq noir, elle lui donna du grain, et il chanta quelques instants avant l’aube ! Le Diable, désespéré, laissa tomber la dernière pierre du pont qui se trouve encore, dit-on, dans le rio » (Marliave 1987:221). L’aqueduc de Ségovie, construit par Trajan, est appelé « Puente del diablo », et fait l’objet d’une légende évoquée en 1615 dans un Inventaire général des plus curieuses recherches du royaume d’Espagne, dont l’auteur écrit : « Quelques-uns trouvent qu’il a esté basti par les Diables, mais j’estime que c’est une fable, parce que je l’ay ouy dire en ceste mesme ville ». Sur place, on conte que le Diable serait apparu, sous les traits d’un beau jeune homme, à la servante que le curé envoyait chercher de l’eau à deux lieues de la ville, et lui aurait rempli ses cruches... « Exorcisé par le curé, il promet de bâtir un aqueduc, à la condition qu’il aura l’âme de la servante s’il a achevé sa besogne avant le lever du soleil.. Par le conseil du curé, elle retarde l’horloge d’une heure : le Diable, trompé, croit avoir près de trois heures pour achever son œuvre. Le soleil se leva juste au moment où il tenait la pierre qui devait terminer le dernier pilier ; depuis ce moment, personne n’a pu le terminer » (Sébillot 1894:349.). Une légende apparentée est celle que mentionne Sandor Ferenczi : « Le symbolisme du pont et la légende de Don Juan Il y a peu de temps, dans une brève communication portant sur le « symbolisme du pont », j’ai tenté de découvrir les multiples couches de signification prises par le pont dans l’inconscient. Selon cette interprétation, le pont est: 1° Le membre viril qui unit le couple parental pendant les rapports sexuels et auquel le petit enfant doit s’agripper s’il ne veut pas périr dans 1’« eau profonde » que le pont surplombe. 2° Dans la mesure où c’est au membre masculin que l’on doit d’être né de cette eau, le pont constitue une voie de passage important entre 1’« autre-côté » (ce qui n’est pas encore né, le sein maternel) et « Ce-Côté » (la vie). 3° Comme l’être humain est incapable de se représenter la mort, l’au-delà de la vie, autrement qu’à l’image du passé, donc comme un retour au sein maternel (l’eau, la terre-mère), le pont acquiert également la signification symbolique d’une voie de passage vers la mort. 4° Enfin le pont peut servir à figurer des «passages », des « changements d’état ». Or la version primitive de la Légende de Don Juan présente les trois premiers motifs (1-3) si étroitement associés à un symbole de pont évident que je me sens autorisé à y voir une confirmation de mon interprétation. Selon la légende, le célèbre séducteur Miguel Monara Vicentello de Leco (Don Juan) allume son cigare à celui du diable par-dessus le Guadalquivir. Un jour il rencontra son propre convoi funèbre et voulut être enterré dans la crypte d’une chapelle construite par lui afin d’être foulé aux pieds. Ce n’est qu’après cet « enterrement »qu’il se convertit et devint un pécheur repenti. Je voudrais montrer que le cigare allumé par-dessus le Guadalquivir constitue une variante du symbole « pont » qui (comme c’est souvent le cas avec les variantes) permet le retour d’une grande partie de l’inconscient refoulé. Le cigare évoque, par sa forme et par son incandescence, l’organe masculin brûlant de désir. Le geste grandiose - allumer son cigare par-dessus le fleuve - s’accorde parfaitement avec l’image d’un Don Juan doué d’une puissance prodigieuse dont on voudrait se représenter le membre dans une colossale érection. La présence à son propre enterrement pourrait s’expliquer en supposant que ce fantasme du double est en fait la personnification d’une partie essentielle du Moi corporel de Don Juan son organe sexuel. A chaque rapport sexuel, celui-ci est effectivement « enterré » et ce au lieu même qui fut celui de la naissance ; et le reste du Moi pourrait considérer cet « enterrement » avec une certaine angoisse. La psychanalyse d’un grand nombre de rêves et de la claustrophobie névrotique explique la crainte d’être enterré vivant par le désir, transformé en angoisse, de retourner dans le sein maternel. Par ailleurs, dû point de vue narcissique, tout rapport sexuel, tout don de soi à la femme, constitue une sorte de castration au sens de Stärke et le Moi lésé peut réagir à cette castration par une angoisse de mort. Des scrupules de conscience et des fantasmes de châtiment peuvent également contribuer à ce qu’un Don Juan se sente à chaque acte sexuel plus proche de l’enfer, de l’anéantissement. Ce fantasme de châtiment s’éclaire quelque peu si, à la suite de Freud, nous considérons la vie amoureuse à la manière de Don Juan, c’est-à-dire la compulsion à la formation de séries, à la conquête de femmes innombrables (la liste de Leporello!), comme un simple substitut de la seule et uniquebien-aimée qui reste interdite même à Don Juan (fantasme oedipien) ce fantasme ne fait sans doute que pressentir le « péché mortel par excellence. Je ne prétends nullement avoir dévoilé dans ces quelques lignes le contenu caché de la légende de Don Juan, qui possède encore plus d’un trait obscur (indiquons par exemple la signification probablement homosexuelle du fait d’allumer son cigare à celui d’un autre); je voulais seulement produire une preuve en faveur de l’interprétation du pont comme phallus ou vie-et-mort quand il apparaît parmi les symboles typiques de la mort, de la naissance et de la sexualité. » (Ferenczi 1922). Grèce Près d’Épidaure, un pont pélasgique a la réputation d’avoir été construit par le Diable (Mozzani 1995:1465). Islande Dans la grande collection de contes publiée de 1862 à 1864 par Jón Árnason (À nouveau disponible: Árnason 1954-1961), figure le récit suivant, dont la source est un manuscrit compilé au début du XVIIIe siècle par Árni Magnúson à partir des récits de trois informateurs (dont l’évêque Björn Thorleifsson, mort en 1710) : « Sæmundur demanda au démon qui était son serviteur de construire un pont sur la rivière Rangá au-dessous de Bergvad, parce qu’il était souvent difficile de la traverser, particulièrement pour les gens qui devaient aller à l’église d’Oddi. En paiement, le démon demanda d’avoir les trois premiers à passer le pont le premier dimanche qu’il serait en service ; ce que Sæmundur accepta. Pour tenir sa promesse quand le pont fut terminé, Sæmundur apporta trois chiots jusqu’au pont, et les lança dessus. Le maître-bâtisseur dut s’en contenter, car il n’eut jamais d’autre salaire » (Árnason 1954-1961, I:472.). Sæmundur Sigfússon le Sage, prêtre-prince d’Oddi, né en 1056 et mort en 1133, fut une autorité en matière d’histoire, et il écrivit notamment une Historia Regum Norwegiæ, maintenant perdue, comme du reste tous ses écrits. Sa renommée s’accrut avec le temps, et son nom finit par être populairement associé à l’idée d’une sagesse plus qu’humaine, acquise par sorcellerie, si bien qu’au XVIIe, il était devenu l’archétype du sorcier. L’un des plus anciens récits recueillis sur lui, justement noté au XVIIe, le présente comme un écolier de l’École Noire de Satan, où il n’est sauvé que par l’intervention du saint évêque d’Hólar, Jón Ögmundsson (C’est le conte « Sæmundur at the Black School », dans Simpson 1975:19-20). Selon le folkloriste islandais B.S. Benediktz, « Dans les récits recueillis au XVII et XVIII siècles, c’est une autre image qui apparaît. Sæmunudur, jusqu’alors présenté comme un homme sauvé par un saint, est magnifié sous les traits d’un superman, une sorte de héros de bande dessinée du XVIIIe, capable de voir dans la terre, et qui est constamment engagé dans une lutte contre le Diable, auquel il promet de grandes récompenses en paiment de tâches pénibles, puis évitant de le payer par des moyens tout aussi douteux que ceux qu’utilise le Maître du Mensonge lui-même. Il laisse le Diable grincer des dents d’impuissance, et déjoue avec aplomb toutes ses tentatives de revanche » (Benedikz 1964). Italie Miss R.H. Busk, dans son Folk-Lore of Rome paru en 1874, rapporte un récit concernant saint Jean Chrysostome, mais étroitement apparenté aux précédents, et résumé ainsi par Paul Sébillot : « Saint Jean-Bouche-d’Or, ayant commis un meurtre, entreprend, pour l’expier, de jeter un pont sur une rivière profonde et rapide, dans laquelle beaucoup de pèlerins avaient été noyés. Il se met en route pour chercher des ouvriers à Rome ; mais en chemin il en rencontre qui lui proposent de le construire ; l’ouvrage est fait en deux jours ; la femme du saint pense qu’il y a là-dessous quelque Diablerie ; elle conseille à son époux de faire rouler sur le pont un fromage rond, et de lancer un chien après ; quand le chien fut au milieu du pont, celui-ci s’écroula » (Busk 1874:206, Sébillot 1894:157). Selon P. Faccini Lantermoz, les habitants de Pont-St-Martin, en Val-d’Aoste, avaient entrepris de constuire un pont sur la Lys, mais l’argent vint à manquer pour le terminer. Un bûcheron inconnu survint, et proposa aux notables du lieu de leur offrir une bourse bien ronde, suffisant largement à tout payer, mais à la seule condition d’emporter la première âme à traverser l’ouvrage. Les notables acceptèrent, et le pont fut promptement terminé. Mais les épouses des notables, suspectant leurs maris de quelque machination, finirent par leur faire avouer le pacte qu’ils avaient passé, ce qui fait que, ce secret dévoilé, personne ne se hasardait à passer sur le pont. Ce que voyant, le Diable, qui attendait son paiement, se mit en colère, et lança sur le pays une série de catastrophes : les vaches ne donnaient plus de lait, les poules ne pondaient plus, les fruits se desséchaient sur les arbres, et toute la région s’acheminait vers la famine, tandis que les notables rejetaient l’un sur l’autre la responsabilité de cette situation. Finalement, le curé du pays décida de demander conseil à saint Martin, qui vivait en ermite dans les bois de la chapelle de Nostra Signora della Guardia. Celui-ci s’écria : « Vous vous inquiétez pour pas grand chose ! Vous avez promis au Diable la première âme à passer sur le pont, mais lui n’a pas précisé laquelle ! Croyez-moi, ce Diablelà est bien sot ! ». Le curé s’étonnait de voir Martin prendre la chose aussi légèrement, quand celui-ci reprit : « Demain, à l’aube, réunissez la population, et faites sonner l’angelus. Je serai là ». Ainsi fut fait, et le lendemain, une foule énorme se pressait à l’une des extrémités du pont. À l’autre bout, le Diable se frottait les mains. Martin arriva, tenant en laisse un chien dont la maigreur disait assez quelle faim devait le tenailler. Les cloches se mirent à sonner. Martin fit le signe de la croix, tira un pain de son bissac et le lança sur le pont, tout en libérant le chien. L’animal bondit sur le pont, et courut jusqu’au Diable. Lui, furieux de s’être fait fourguer une telle âme, piqua une colère mémorable, donna un grand coup dans le parapet du pont – lui laissant une marque qui se voit encore – et disparut dans un nuage de fumée. Pour remercier saint Martin, on donna son nom au pont (Lantermoz 1964, Gatto Chanu 1996:197-201). Voici la version donnée en 1901 par J.J. Christillin: « La légende du Diable et de Saint Martin : La tradition rapporte que le saint évêque de Tours se rendant à Rome, passa par la Vallée d'Aoste, et s'arrêta un soir dans un bourg situé au bord d'un torrent. Pendant la nuit les eaux grossirent tout à coup et emportèrent la seule passerelle en bois qui existait alors sur le Lys. Le saint dut séjourner plusieurs jours chez les habitants de ce pays, en attendant qu'ils eussent construit un pont provisoire. Les principaux chefs de famille tinrent conseil. Ils voulaient avoir un pont, mais il le fallait beau, grand, très solide sans qu'il coutât une trop forte dépense. Le grand thaumaturge, voyant leur inquiétude, prit la parole et leur dit: "Rassurez-vous, mes frères, je vous aiderai à construire le pont, car je vous dois de la reconnaissance pour la cordiale hospitalité que vous exercez envers les étrangers. Votre pont sera comme vous le désirez, beau, grand et surtout très solide. En outre la dépense sera proportionne à vos faibles ressources, car vous n'êtes pas riches". Je tromperai le diable, pensait le saint; et c'est lui qui fera le pont. Le jour suivant, Saint Martin rencontra le malin esprit dans les environs. Il lui dit: "Or, ça, maître Satan, j'ai pensé à toi pour la construction d'un pont sur ce torrent, mais il le faut beau, grand et très solide, estce compris? Dis-moi quelles sont tes conditions "Voilà qui est au mieux, répondit le diable en se frottant les ergots; j'accepte de faire un pont beau, grand et très solide à la condition que le premier qui y passera m'appartienne tout de bon". Le pacte fut conclu et la tradition rapporte que Satan aidé d'une troupe de méchant esprits éleva le pont dans l'espace d'une nuit. Le Saint, toujours plus fin que son adversaire, avait fait connaître aux habitants la condition posée par le diable de s'emparer du premier passant. Quand la construction fut achevée, Saint Martin se rendit près du pont, accompagné de tout le peuple. Alors, prenant un pain, il le lança à l'autre bout et lâcha un petit chien qu'il avait apporté dans son manteau. L'animal s'élança sur le pont et passa ainsi le premier. Le diable fut tellement furieux de se voir ainsi joué en présence d'une foule nombreuse, qu'il déchira entre ses griffes le pauvre chien, le mit en pièces et voulut ensuite détruire son propre ouvrage. Il avait déjà fait une grande brèche dans le parapet quand Saint Martin revint en toute hâte et planta une croix sur le point culminant. Le diable disparut pour toujours. Alors le grand Saint suivi de tout le peuple traversa le pont avec toute assurance et depuis bien des siècles on y passe sans danger. Le pont est là, beau, grand et surtout très solide, car il a l'air de vouloir durer bien longtemps. Pour perpétuer le souvenir de ce prodige et en témoignage de reconnaissance envers le Saint bienfaiteur, les habitants donnèrent à leur petite cité le nom de Pont-Saint-Martin. Mais quand on voulut répare le brèche que le diable avait faite, les matériaux placés par les chrétiens tombaient toujours et pendant longtemps, elle resta béante. On eut enfin l'idée de construire un oratoire à cette place pour détruire le maléfice. Le diable fut vaincu encore une fois et l'oratoire bâti au milieru du pont en chassa pour toujours les malins esprits » (Christillin 1901). Selon une variante du même récit, le pont aurait été construit par le Diable à la demande de saint Martin lui-même et, sitôt le chien lancé sur l’ouvrage, le malin dupé aurait tenté de détruire son œuvre. Mais le saint, plus rapide, avait eu le temps d’un planter une croix, et le Diable dut disparaître sans rien pouvoir entreprendre (Jorio 1994:95, n. 50). Pour terminer un pont commencé à Lucca, Saint Julien (S. Giuliano) aurait demandé l’aide du Diable mais, en guise de récompense, il ne lui attribua que l’âme d’un chien, qui était le premier être vivant à traverser l’ouvrage (D’Aronco 1953:144 (776 b)). Le Ponte del Diavolo à Cividale et celui du même nom qui traverse la Stura à Lanza, dans les Alpes, seraient aussi l’œuvre du malin, à preuve pour le second les empreintes de pied qu’il a laissées à chacune de ses extrémité, lorsqu’il franchit l’ouvrage d’une seule enjambée (Lopez 1889:72, Sébillot 1894:171-172, Jorio 1994:6). Après s’être acquité de sa construction en une seule nuit, le Diable n’y aurait gagné que l’âme d’un chien... et Piercarlo Jorio révèle que ‘l diao était le surnom donné au maître-maçon anonyme qui fut chargé d’ériger l’ouvrage, pour 1400 florins, au XIVe siècle (Jorio 1994:6-7). Légende contée à popos du « Pont de Tibère » à Rimini: « De nombreux habitants de Rimini savent que le vieux Pont de Tibère s'appelle également "Pont du Diable". Par ailleurs, la fête traditionnelle du Bourg de San Giuliano donna naissance à plusieurs manifestations liées à cet autre nom du vieux pont romain. L'une des plus éclatantes de ces initiatives fut l'exposition d'un char représentant le Diable, que l'on plaça à l'entrée du pont. Ce nom est lié à la réputation que le Pont de Tibère a acquise au long des siècles et selon laquelle il serait indestructible. Commencé en 14 apr. J.-C. par l'empereur Auguste, il fut achevé par son fils Tibère en 21 apr. J.-C. Cet admirable exemple de l'ingénierie romaine prit le nom du deuxième bâtisseur et il s'entoura d'une légende qui, aujourd'hui encore, accompagne ses pierres millénaires. Tibère mit sept ans à achever la construction du pont d'Ariminum que son père avait entreprise. Au cours de ces années, il s'avéra très difficile de poursuivre le travail. Les travaux allaient au ralenti, car chaque fois que l'on construisait un nouveau tronçon du pont, il s'écroulait ou il était mal réussi. Il semblait que cette œuvre ne devait jamais voir le jour et qu'elle était destinée à miner la gloire de l'empereur. Après avoir prié en vain tous les dieux, ce dernier joua sa dernière carte et invoqua le seul être surnaturel qui pouvait y mettre son grain de sel. Et il le mit vraiment. Tibère invoqua le Diable et, le priant de lui venir en aide, il noua un pacte avec le seigneur des ténèbres qui aurait construit le pont, recevant, en échange, l'âme du premier qui le passerait. L'empereur dut accepter et le Diable se mit tout de suite à l'ouvrage. Le pont fut bâti en une seule nuit. Beau, solide et imposant, il n'attendait plus que quelqu'un le passe. Le moment de l'inauguration arriva et le cortège officiel était prêt pour la parade. Tout à coup, l'empereur eut une idée pour se libérer du désagréable pacte qu'il avait noué avec le Diable. Tibère ordonna que, en signe propitiatoire, le pont devait être franchi en premier par un chien. Sitôt dit, sitôt fait! Le Diable, qui attendait son âme sur l'autre rive, en resta sur sa faim. Fou de rage pour avoir été roulé si bêtement, Satan décida de se venger sur l'heure et de faire crouler le Pont de Tibère. Il déchaîna à plusieurs reprises sa colère sur les pierres qu'il avait assemblées, mais il n'y eut rien à faire. Il l'avait construit indestructible et personne, pas même lui, ne pouvait l'abattre. Ainsi, il dut s'en aller... tout bredouille. Pour témoigner de cet épisode, il reste quelques empreintes de bouc sur l'une des grosses pierres situées à l'entrée du pont, sur le côté donnant sur la ville. Il est juste que ce pont romain ait acquis la réputation d'être indestructible, car il est resté debout pendant près de vingt siècles, supportant pendant tout ce temps le trafic citadin et assumant ses fonctions quotidiennes "sans faire un pli". Nombreux sont ceux qui, tout au long de l'histoire, ont tenté de l'endommager ou de le détruire. Ce fut toujours en vain. Les bombardements de la Deuxième Guerre mondiale se sont particulièrement acharnés sur cet important nœud de communication, mais ils ne purent même pas l'érafler. Serait-ce vraiment l'œuvre du Diable? » (http://www.erimini.com/fr/tiberio_fr.htm). À Venise, où se trouve « La calle del diavolo » (la ruelle du diable), « le pont du diable se nomme ainsi non pas pour des motifs obscurs mais parce que ce pont était escarpé et périlleux. » (http://www.veniceguide.net/misterifr.htm). Autre légende à propos du pont d’un autre pont sur la rivière Serchio à Borgo a Mozzano en Toscane: « The Devil's Bridge is on the river Serchio near the town of Borgo a Mozzano, along the road 'SS12 dell'Abetone e del Brennero' that you can take from Lucca. The Maddalena's bridge connect the two banks of the river Serchio at the height of Borgo a Mozzano. Its construction goes back to the era of the Countess Matilde di Canossa (1046-1115), that had large influence and power on this zone of Tuscany, the 'Garfagnana', but its current aspect is due to the reconstruction carried on by Castruccio Castracani (1281-1328), Sir of the near town of Lucca , in the first years of the 14th century. The aspect of this medieval bridge is the classic, for its high frequence in Tuscany, called at 'donkey back', here, and this becomes a unique characteristic, with asymmetric arches. The bridge is known as Devil's Bridge' in force of a popular legend, reinforced from its strange aspect: a master mason had begun its building but soon he noticed that it would not be successful to complete the work for the fixed day and taken from the fear of the possible consequences invoked to the Devil asking him aid. The Devil accepted to complete the bridge in a night in change of the spirit of the first that will cross it. The contract was signed but the constructor, full of remorse, confess himself with a religious of the zone that advised him to let cross the bridge for first at a pig. So the Devil was defeated and he disappeared in the deepness of the river » (http://freeweb.supereva.com/toscanamedievale/diavolo.htm?p) Version de la même légende selon Pierre-Albert Clément (2003: 298): « En Italie, le pont roman en dos d’âne de Burgo di Mezzano (province de Lucques) a conservé la légende du chien ayant dupé Lucifer ». Il ajoute: « on trouve également des ponte del Diavolo, dont les arches remontent à l’école romaine, à Massa Martana (provinde ce Perugia), à Pignatore (prov. de Frosinone), ainsi qu’à Bieda et à Campobasso (prov. de Viterbo) [P. Gazzola, Ponti romani, vol. II, Leo Olski ed., Florence 1963]. » Un Ponte del Diavolo existe à Cividale dans le Frioul: « The Devil's Bridge is one of the symbols of Cividale del Friuli. Boldly suspended on the Natisone River is wrapped in legend. The two banks were joined, at least from the 1200's, by a wooden passage, replaced, after various inconclusive attempts, by a stone bridge planned by lacopo Daguro from Bissone, who began the construction in 1442. The job, slow and contrasted by adversity of varied nature, continued five years after under the guide of Erardo (or Everardo) from Villaco, the former collaborator of Daguro, that perhaps died of plague or, according to other versions, he gave up without completely honouring his contractual obligation. When the master builder Erardo died, Bartolomeo delle Cisterne finished the long desired bridge, that according to a notarial act, was paved in the 1501 and in the 1558. Its ends were defended by towers, pulled down around the second half of the past century. Works of restoration followed one another in the course of the ages in order to maintain in full efficiency the indispensable passage, that it had to support the impetuous floods of the river. In 1843, during the works of reinforcing the central pillar, they recovered two important stones of Roman age, now in Museum. The fate of the bridge had a tragic epilogue the 27th of October 1917 when, during the defeat of Caporetto, it was blown up attempting to slow down the enemy. A useless destruction, as the Imperial Army crossed the river the same evening.The bridge was however reconstructed in short times, by the Germans with local skilled workers, keeping the ancient structure following the precise reliefs executed years before by the engineer Ernesto de Paciani of Cividale. The street was widened by two meters. Already the 18th of May 1918, the new bridge was solemny inaugurated. But it had short life for the 29th of April 1945 the Germans tried to blow up, but this time it did not suffered many damages. It therefore remained unchanged in its original lines, only the parapets and irony loops have been replaced with the current parapet, perhaps aesthetically less well-chosen, but able to mitigate violent squalls of wind that run over the bridge in winter. The rocky walls the arches of the bridge rest on have been recently reinforced, they are different, one is of m. 22 and the other of m. 18, with a height of m. 22.5. The central pillar rests on a natural rock, protruding nearly in the center of the bed river.The popular fantasy has connected the construction of the bridge to the supernatural, giving origin to the demoniac legend, diffused in innumerable variants, according to which the devil would have facilitated the construction of the bridge in exchange of the soul of the first person passing through. To carry out in the short space of one night the Evil One bothered also his mother, and she carried in her apron the central imposing rock. But the inhabitants of Cividale mocked the devil, sending through the new passage an animal, dog or cat according to the versions. The admirable buliding inspired the arts: writers have dedicated to it pages of intense poetry, while skillful painters have reproduced it in their works, fixing shapes and colors, with the transparency of waters. On the left bank of the river, the wiew of the town deserves to have some photos taken and one can go down to the gravelley river bed from a stairway, that starts from the boundary of the parapet, on the right. From the bottom, the two archs reveal all their majesty and a thought goes to the inventor of the brilliant realization that, after many centuries, is still in a position to excite wonder and admiration. The new belvedere, realized behind the close church of S. Martino, gives the possibility to enjoy a wonderful landscape. From here the colored houses are visible, the animated running after one another of loggias and balconies, the bell towers and on the background the hilly reliefs and the Matajur (m. 1641) and the Black Mount (m. 2245). Westwards the river is furrowed by the large arch of the new bridge, that from 1988 it joins the two sides of the river with its futuristic structure » (« Guida Storico Artistica di Claudio Mattaloni », cité à /www.cividale.com/citta/ponteuk.asp) Norvège Les frères Grimm rapportent une tradition de Norvège selon laquelle une géante parie avec saint Olaf de construire un pont sur un bras de mer avant que lui-même ait terminé de bâtir son église. Mais le pont n’était pas à moitié construit que déjà les cloches sonnaient dans le clocher (Grimm 1882-1888:1021, Sébillot 1894:163). Une note du Docteur Baudouin explique ainsi l’origine du Pont de Spirillien : « Le géant Jutul le construisit pour aller voir sa maîtresse qui demeurait de l’autre côté de l’eau, sans se mouiller. Mais le soleil se leva avant qu’il eût terminé son ouvrage, & le pont fut mis en pièces » (Note manuscrite de Baudouin aux Archives départementales de la Vendée (cote provisoire : 47.14, p. 227-4), citant comme source : Chorne, t. II, p. 6 (?)). Pologne Le conte suivant est donné pour recueilli en Pologne, mais sans davantage de précision : « Il y avait un roi qui voulait établir une communication entre son palais et l’autre bord du précipice près duquel il était situé. Aucun ingénieur n’osait construire le pont parce qu’il fallait le bâtir en l’air. Un jeune maçon dit au roi qu’il s’engageait à l’entreprendre. Mais, ayant réfléchi à cette promesse, ne grande peur s’empara de lui. Néanmoins, comme son honneur était engagé, il s’écria : “Quoi qu’il arrive, je le bâtirai tout de même, dussé-je faire un pacte avec le Diable.” Tout à coup le Diable lui apparut et lui dit : “Quel profit en auraije ? – Eh bien, qu’est-ce que tu demandes ? – Je ne suis pas exigeant. À moi doit appartenir l’être vivant qui le premier passera sur le pont. – Convenu,” répondit le maçon, et dans peu de temps le pont fut prêt. Le Diable croyait que le maçon traverserait le emier le pont. Mais celui-ci était un homme pieux, et Dieu l’inspira. Or il prit un cochon et le lança sur le pont. Le Diable furieux saisit le cochon et le frappa sur le tablier avec une telle violence qu’il se forma un trou à l’endroit où il l’avait assommé. Le roi et ceux qui visitèrent le nouveau pont furent bien étonnés, ne pouvant pas comprendre à quoi pouvait servir ce trou. C’est de ce temps que vient le proverbe ironique : “indispensable comme un trou dans un pont” » (Sébillot 1894:156-157). Portugal Le Diable accepta de construisire le pont d’Allaviada, mais seulement après que saint Gonzalo eut promis de ne pas le bénir. Mais quand l’ouvrage fut terminé, Gonzalo leva son bâton comme pour montrer quelque chose, et lui fit décrire une croix. Le Diable, furieux de s’être fait berner de la sorte, s’enfuit sur une montagne, d’où il lança des pierres au saint (Vasconselos 1882:313, Sébillot 1894:170). Suisse J. Collin de Plancy, qui écrivait au milieu du siècle dernier, rapporte la légende suivante : « On ne peut rien imaginer de plus hardi que la route qui parcourt la vallée de Schellenen. Après avoir suivi quelque temps les détours capricieux de cette route terrible, on arrive à cette œuvre de Satan, qu’on appelle le Pont du Diable. Cette construction imposante est moins merveilleuse encore que le site où elle est placée. Le pont est jeté entre deux montagnes droites et élevées, sur un torrent furieux, dont les eaux tombent par cascades sur des rocs brisés et remplissent l’air de leur fracas et de leur écume » (Collin de Plancy 1863:551). Dans ce cas, le nom du pont a été probablement inspiré par le caractère « imposant » et « merveilleux » d’un ouvrage d’art particulièrement audacieux. Mais la légende du pontife diabolique et dupé est connue en plusieurs localités, comme à Einsiedeln (Mozzani 1995:1465) et Gœschenen : « Le Diable s’engagea à construire sur la Reuss, en une nuit, un pont assez solide pour durer cinq cents ans, en paiment duquel le bailli de Gœschenen concédait l’âme du premier individu qui passerait dessus. Le lendemain, le bailli y fit passer un chien. Satan, furieux, voulut démolir le pont, mais il l’avait construit si solidement qu’il usa ses ongles. Il allait jeter dessus un rocher, quand il vit que le clergé de Gœschenen venait de bénir le pont, qui désormais ne pouvait être détruit par lui ; au sortir du petit village de Gœschenen, on remarque une grande quantité de débris de rochers que les habitants appellent Teufelstein (Pierre du Diable), et que celui-ci avait apporté dans l’intention de détruire le pont qu’il avait construit, sur la route d’Altdorf à Bellinzona » (Sébillot 1894:155-156). Selon une autre tradition, recueillie en Suisse au début du XIXe siècle par les frères Grimm, à propos de ce « Teufelsbrücke » : « Un berger [...] qui allait souvent voir sa maîtresse, était obligé ou de se donner une peine infinie pour traverser la Reuss, ou d’aller prendre un grand détour. Un jour qu’il était sur la montagne à une hauteur extraordinaire, il lui échappa de dire dans son impatience : “Je voudrais que le Diable fût ici, et qu’il me construisît un pont pour aller là-bas”. À l’instant même le Diable parut, et il lui dit : “Si tu me promets la première créature vivante qui passera dessus, je vais te construire un pont sur lequel tu pourras toujours passer pour aller et revenir.” Le berger y consentit. En quelques instants, le pont fut prêt ; mais notre berger chassa devant lui un chamois et suivit. Le Diable trompé fit aussitôt tomber du haut du pont dans l’eau les membres mis en pièces de l’animal » (Grimm 1838, I:327-328). Version donnée sur l’internet : « Légende du Pont du Diable Il y a bien longtemps, la population locale voulait remplacer un pont de bois en mauvais état par un pont massif mais elle remarqua bien vite que c'était quasiment impossible. Un étranger se tenait près des villageois qui discutaient et leur proposa de construire le pont. Il exigea toutefois en guise de gage la première âme qui traverserait le pont. La population se déclara d'accord avec cette proposition et c'est ainsi que fut érigé le nouveau pont. Quand il fut terminé, personne n'osa le traverser car on s'était rendu compte que seul le diable avait pu exiger un tel gage. Un fermier futé eut l'idée d'envoyer son bouc. Hors de lui, le diable voulut détruire le pont et jeta un rocher en bas de la Schöllenen. Mais la pierre manqua son but et vola jusqu'à Göschenen. C'est là que repose depuis lors la "Pierre du Diable" » (http://www.poste.ch/SiteOnLine/FR/Accueil/1,1727,18404,00.html). Le Dr Marcel Baudouin cite un Pont du Diable à une demi-heure d’Andermatt, au nord « c’est-à-dire proche du St-Gothard, près du Trou d’Uri ». D’après une source qu’il ne cite pas, il existait en 1707 « un pont suspendu qui faisait le tour de la Pierre-du-Diable, au milieu des gouttelettes d’eau dont l’inondait la Reuss ». La version suivante de la légende a été « surprise à un poste de radio à Croix-de-Vie le 16 janvier 1940 » : « Il y avait autrefois sur l’une des rives de la Reuss, une auberge, une aubergiste et sa fille qui, naturellement, était très jolie. Le pays étant superbe, grâce à ses solides montagnes, les affaires de l’auberge étaient très prospères. Malheureusement, il n’y avait pas là de pont sur la rivière ; et l’auberge perdait pour cette raison la moitié de sa clientèle. On venait de loin sur la rive opposée pour admirer la jeune fille qu’on ne voyait qu’à la distance d’une portée de fusil. On se plaignait de cela à l’aubergiste qui répondait : “C’est aux services publics d’exécuter ce pont, pas à moi !” – Mais tout le monde cependant regrettait de ne pas avoir de pont. Un soir, un voyageur aux allures de prince dit qu’il venait à l’auberge pour voir la “beauté”, et l’épouser. L’aubergiste renouvela ses plaintes et demanda un pont tout d’abord. L’étranger parut s’y intéresser, se dit constructeur de ponts, et raconta qu’il avait déjà établi plusieurs ponts. Le lendemain matin, un pont à trois arches était construit sur la Reuss. Ce fut une surprise générale. Mais le pont avait été apporté et fait pendant la nuit. Alors le voyageur de l’endroit vit la mère, l’enjomina pour avoir la fille près de lui. Elle ferait mieux encore en lui donnant sa fille, car elle aurait son pont à elle ! La mère exigea d’abord que tout le monde passât sur le pont pour venir à l’auberge (les affaires sont les affaires). Le constructeur commença le pont à la nuit, et appela à l’aide tous les travailleurs de la nuit. Ravi du résultat obtenu, il alla chercher la mère et la fille, car il voulait la fille avant midi. Discussion, mais admiration. Alors le curé arrive et dit qu’il s’agissait du Diable. Pour le faire partir à midi, au lieu de lui envoyer la jeune fille, le prêtre lui envoya sur le pont une ânesse ! C’est l’ânesse qui devait faire la jeune fille. Le Diable fila sans doute. En tout cas, on ne le revit pas. Mais le pont resta là » (Fonds Baudouin aux Archives départementales de la Vendée, cote provisoire 47.17, p. 227-1 à 3). Version donnée sur l’internet : « C'est l'histoire d'un pont très difficile à construire, dans les Alpes (à travers le col du St-Gothard). Une légende raconte que les habitants ont pu construire ce pont seulement grâce au diable, qui a voulu la première âme qui passe sur le pont. Les habitants ont fait passer une chèvre: on l'a eu, ce diable! » (http://www.esigge.ch/primaire/banque/hist/13/gothard2/ gothard.htm). Cette autre version a été donnée par Gérard Blacher : « Les hommes voulaient bâtir un pont. Devant l’ampleur de la tâche qui semblait impossible tant la vallée était large et profonde, ils se découragèrent. C’est alors qu’un personnage apparut et leur proposa de réaliser en une nuit ce qu’ils ne pouvaient faire. En contrepartie, il demanda l’âme du premier passant. Les hommes acceptèrent le marché. Au matin, le pont était construit. les hommes avaient alerté le curé car ils avaient, bien sûr, reconnu le Diable. Le curé jeta un morceau de pain de l’autre côté du pont, son chien se précipita et le Diable dut prendre l’âme du chien » (Blacher 1996:141). NB : La Reuss River descent des Alpes Alpes près du cole du Saint-Gottard Pass et se déverse dans le lac Urn près de la ville Suisse d’Altdorf. Version de Pierre-Albert Clément (2003:298): « En Suisse, la légende la plus savoureuse concerne le pont du Diable bâti au Moyen Âge pour franchir la Reuss dans les gorges de Schöllenen situées entre Göschenen et Andermatt. Les muletiers du canton d’Uri avaient […] subi un chantage de la part du Malin, lorsqu’ils avaient commencé les travaux. Leur subterfuge avait consisté à envoyer un bouc « émissaire ». Écumant de rage, Belzébuth s’apprêtait à faire dévaler un énorme rocher pour détruire le pont, mais une vieille femme avait tracé furtivement une croix sur la pierre, la clouant ainsi au bord du précipice. Très respectueux des traditions, les Suisses ont déplacé à grands frais le rocher au lieu de le dynamiter quand ils ont aménagé l’autoroute du SaintGothard. Bien mieux, ils ont peint le diable et le bouc sur la paroi rocheuse du tunnel qu’empruntent aujourd’hui les automobilistes. » Une légende du même type existe à Isleten : « Isleten. La tardive vengeance du diable. Le trafic individuel, censé favoriser le mouvement et la mobilité, est de plus en plus souvent synonyme de paralysie et d’attentes. Peut-être est-ce une vengeance tardive du diable à qui, selon la légende, les Uranais ont offert l’âme d’un bouc au lieu de celle d’une être humain pour salaire de la construction du Pont du diable (13e siècle) » (Source : http:/ /www.tellbittemelden.ch/html/ index.php?module=pagesetter&func=printpub&tid=5&pid=14) Ce pont du diable est le sujet d’une aquarelle de Turner : « The Devil's Bridge, St Gothard Maker/s Turner, Joseph Mallord William (draughtsman) [ULAN info: British artist, 1775-1851]. Dimensions height: 238 mm , width: 305 mm. Dates circa 1841 to 1843. Provenancegiven: Ruskin, John 1861. Content: Devil's Bridge No. 8 (in Turner's hand)/ Documentation 1. Ruskin, John & Cook, E.T. & Wedderburn, Alexander Works, [page: 558]. — Exhibition Catalogue: Gage, John & Wilton, Andrew (1974-5) Turner, 1775-1851, London: Tate Gallery. — Cormack, Malcolm (1975) J.M.W. Turner, R.A. 1775-1851; a catalogue of Drawings and Watercolours in the Fitzwilliam Museum, Cambridge, Cambridge (Cambs.): Cambridge University Press [page: 71] [comments: cat. no. 45, pl. 45 (black and white)]. — Wilton, Andrew (1979) The Life and Work of J.M.W. Turner, London [comments: no. 1499 as 'c. 1843']. — Shanes, Eric (1990) Turner. The Masterworks, [page: 134] [comments: repr.p. 135]. Notes: In 1842, Turner crossed the St Gothard pass, from Lucerne to Bellinzona for the first time in nearly forty years. Since 1802, the flimsy bridge which he would have seen on his first visit had been replaced in the 1830s by a more stable structure. The contrast with Turner’s earlier treatment of the same landscape, also exhibited here, could not be more dramatic. Where the former conveys a notional sense of naturalism through the use of a monochromatic handling and rugged palette, the direct confrontation with the rock face and vigorous downwards hatching emphasise the sublime aspect of the apparently bottomless chasm below. (Text from 'Ruskin's Turners' Exhibition Website). Accession Number 586 (Paintings, Drawings and Prints) (Input Date: 2000-10-11 / Last Edit: 2003-09-22) ». Turner a fait au moins un autre tableau sur le même thème. Et il est ainsi mentionné par Honoré de Balzac : « (..) j'avais fait un voyage horriblement beau; il est bon de l'avoir fait. (...) J'ai passé le Saint-Gothard avec quinze pieds de neige sur les sentiers par lesquels je l'ai traversé. (...) J'ai failli périr plusieurs fois, malgré onze guides. J'ai monté le Saint-Gothard à une heure du matin, par une lune sublime; j'y ai vu le lever du soleil dans les neiges. Il faut avoir vu cela dans sa vie. (...) J'ai eu les horreurs du pont du Diable (...) J'ai cru cette route économique de temps et d'argent et j'ai, au contraire, dépensé énormément de l'un et de l'autre. Mais j'en ai eu pour mon argent; c'est un superbe voyage. » (Cité sur :http://www.esigge.ch/primaire/banque/hist/13/gothard2/gothard.htm#pont_diable; le 7 oct 2005) Il y en a un autre Pont du Diable à Thusy : « L'histoire du village de Pont-la-Ville (ou Pons Villa en latin) est étroitement liée à celle du pont de Thusy qui reliait les deux rives de la Sarine avant la montée des eaux du lac de la Gruyère en 1948. Ce pont, dont les origines sont antérieures à 1490, a été construit tout d'abord en bois, et finalement en pierre de tuf vers 1544. D'une longueur de 82 mètres et comprenant 3 voûtes, il était le plus ancien pont du canton de Fribourg. Il constitue d'ailleurs l'emblème figurant sur les armoiries de la commune de Pont-la-Ville. On l'appelait aussi le Pont du Diable, car il avait été, selon la légende, construit en une nuit. L'on pense qu'un passage devait déjà exister à cet endroit au temps des Romains, réunissant les "villas" (ou maisons en latin) de Marsens et celles du voisinage au pays de la Roche encore non habité à l'époque, en passant par Pons Villa. Le village de Pont-la-Ville devrait ainsi l'origine de son nom à cet ancien passage. Nombreuses sont les légendes qui auréolent le site mythique de Thusy. " Pont légendaire de Thusy, tu gis aujourd'hui solitaire, sous les eaux du lac de la Gruyère, mais ton histoire fabuleuse, ta légende dorée, nous la conterons encore aux oreilles émerveillées de nos petits enfants." » (Source : Clément Fontaine, Nos villages gruériens, Pont-la-Ville), cité sur: http://www.pont-la-ville.ch/presentation/historique.htm ) Voici le commentaire de Bernard de Vevey (1978) : « Sur la rive gauche de la Sarine, en face de Pont-la-Ville, Pont, appelé aujourd’hui Pont-en-Ogoz, occupe une presqu’île arrondie formée par un méandre de la rivière, presqu’île reliée à la terre par un isthme étroit. C’est sur cet isthme qu’était situé le château de Pont, actuellement en ruine, et qui protégeait ainsi du côté de la terre un petit bourg défendu naturellement des autres côtés par les falaises dominant la Sarine. Cet isthme était lui-même coupé dans toute sa largeur par un grand fossé qu’on ne pouvait traverser que par un pontlevis. Pont est un haut lieu de l’histoire des châteaux fribourgeois. En effet, ce site était déjà occupé à l’âge du bronze, vraisemblablement aussi à l’époque de la Tène; il le fut certainement par les Romains, enfin on en connaît l’histoire assez précise dès le XIIe siècle. Comme il domine le cours de la Sarine de quelque 50 m il était facile à défendre, et c’était ainsi un lieu de refuge tout indiqué. Aujourd’hui, le lac de la Gruyère a noyé toute la presqu’île de Pont, sauf son point le plus élevé où se trouvent la chapelle et les ruines du château. En 1945/1946, la construction du barrage de Rossens avançant rapidement et le lac artificiel allant être mis en eau, le Heimatschütz de la Gruyère, groupe de la Société fribourgeoise d’art public, s’est ému de cette situation, car le nouveau lac submergerait pour toujours des terres qui, certainement, devaient contenir de nombreux vestiges archéologiques. Aussi, fit-il faire des prospections sur les berges de la Sarine en 1945 et en 1946. La Société suisse de préhistoire et la Commission cantonale des monuments octroyèrent les subsides nécessaires pour entreprendre les travaux préliminaires. MM. Karl Keller-Tarnuzzer, secrétaire de la Société suisse de préhistoire, à Frauenfeld, et H.-G. Bandi, du Musée ethnographique de Bâle, se mirent à l’oeuvre et firent des sondages qui donnèrent d’heureux résultats. Grâce aux photographies aériennes fournies par l’aviation militaire et aux détecteurs de mines du génie, un travail précis put être accompli à Pont. Les sondages révélèrent sur le plateau de Pont, à une profondeur de 20 à 50 cm. de nombreux tessons de l’âge du bronze. Le Conseil d’Etat ayant accordé une nouvelle subvention, les recherches furent poursuivies en 1947, spécialement par des élèves de l’Ecole normale et des étudiants du Cercle universitaire d’archéologie, sous la direction de MM. Keller-Tarnuzzer et Ferdinand Rüegg. Dès le début, ce fut la découverte d’une foule d’objets, surtout des tessons, appartenant au dernier âge du bronze, mais d’autres aussi remontant au bronze moyen. Notons parmi les plus intéressants un outil d’os, quelques silex bien retouchés, des mortiers à blé, des pierres meulières; comme objets de bronze, une épingle à enroulement, une bague remarquable, un anneau assez grand et mince (anneau d’oreille ou bracelet?); enfin quelques perles de verre, typiques de l’âge du bronze, importées probablement d’Egypte. A plusieurs endroits, on a retrouvé les emplacements des pieux des habitations. Deux vases d’argile ont pu être complètement reconstitués. Le nombre considérable de tessons démontre qu’on se trouve ici en présence non pas d’un simple campement, mais bien d’un établissement stable et qui a duré assez longtemps, la presqu’île de Pont étant un véritable lieu de refuge, précédant la tête de pont qu’il deviendra dans la suite des temps. Un pavement de galets en forme de rosace pourrait bien dater de l’époque de la Tène. Enfin, on a trouvé quelques débris de tuiles romaines à rebord et deux beaux morceaux de vases en terre sigillée décorés à la molette, datant de la première moitié du IVe siècle de notre ère (1). On a ainsi la preuve que la presqu’île de Pont fut occupée de façon permanente de l’âge du bronze moyen à l’époque romaine, soit de l’an 1750 av. J.-C. environ jusque vers 350 de notre ère. Les Romains avaient établi un réseau routier assez serré dans nos contrées. Ainsi, de la Basse Gruyère, trois routes menaient à Avenches: l’une allait de Riaz par Vaulruz, Vuisternens-devant-Romont, Mézières, Châtonnaye, Montagny-les- Monts et rejoignait à Corcelles la grande route de la vallée de la Broye; deux autres routes couraient le long des rives de la Sarine: elles se rejoignaient par des embranchements secondaires et traversaient la Sarine par des gués (ou peut-être par des bacs) à Corbières, à Pont, Arconciel et à Châtillon. La Glâne était également passée à gué à Sainte-Apolline. Comme la Sarine est très étroite à Pont, on peut même se demander si le gué qui s’y trouvait n’a pas été pratiqué à l’époque préhistorique déjà. Des postes de vigie furent établis, à l’époque romaine déjà peut-être, sur la rive droite de la Sarine à Bertigny, Mallamollié, et sur la rive gauche au Vieux-Châtel et Vers-les-Tours, c’est-à-dire à l’emplacement du château de Pont. Le gué a dû être remplacé par un pont au XIIe siècle déjà, et c’est ce dernier qui a donné son nom à la seigneurie de Pont, aux villages de Pont-en-Ogoz et d’Avry-devant-Pont, ansi qu’à Pont-la-Ville sur la rive droite. Un premier pont semble avoir été construit sous le lieu-dit Vieux-Châtel, un peu en amont des ruines actuelles du château de Pont, en un endroit où la Sarine était resserrée à 20 m. entre les falaises et où l’on remarquait, sur la rive gauche, les traces d’un chemin qui descendait en serpentant vers l’emplacement du pont (2). Un second pont fut construit à l’extrémité de la presqu’île de Pont, à laquelle il aura donné son nom, à environ 20 m en aval du confluent du ruisseau de Mallamollié, et où l’on remarquait encore des entailles dans le rocher de la falaise. Sur cette même rive droite, le chemin qui menait au pont existe encore jusqu’au niveau de lac. Sur la rive gauche, le chemin partait de la barbacane sise en contre-bas de la rangée de maisons du bourg et descendait en zigzag jusqu’à la rivière. On ignore quand ces deux ponts ont été détruits. Il est vraisemblable qu’ils étaient en bois et établis trop bas sur l’eau, et comme le régime de la Sarine est essentiellement torrentiel, ils auront été emportés par une forte crue. Un troisième pont, enfin, fut construit plus en amont, à quelque 200 m en aval de l’embouchure de la Serbache dans la Sarine. Aussi en bois, son existence est attestée dès 1490, année où Fribourg, venant d’acheter la seigneurie de Pont, entreprit les premières réparations connues. Ce pont coûta cher à l’Etat; tous les 5 ou 6 ans, il fallut le réparer, ainsi en 1490, 1500, 1503, 1509, 1515, 1520, 1527! Fribourg payait la moitié des frais, l’autre moitié étant à la charge de l’évêque de Lausanne, seigneur de La Roche. Finalement on le reconstruisit en pierre en 1544: ce fut le pont appelé «pont de Tusy»; mais Fribourg fut seul à en assumer les frais, car entre temps La Roche était tombée entre les mains de LL.EE. Il est composé de trois voûtes surbaissées en tuf, s’appuyant sur des îlots de rocher et de petits promontoirs fomés par l’érosion de la Sarine. Ce pont est maintenant sous l’eau du lac! On comprend que ces nombreuses destructions du pont aient frappé l’imagination de la population (certainement peu cultivée) et aient ainsi provoqué la naissance de la légende de sa construction par le diable. Celui-ci aurait bâti le pont de Tusy en une nuit et aurait demandé comme prix de son travail l’âme du premier être vivant qui le passerait. Le gouverneur de Pont-la-Ville, homme fort avisé, lâcha le matin suivant un rat que poursuivait un chat. Le diable, furieux du tour qui venait de lui être joué, aurait alors lancé un gros bloc de rocher pour écraser le pont, mais le bloc tomba à côté du but, dans la Sarine, où on pouvait encore le voir avant la mise en eau du lac. Cette légende est donc assez proche de celle qu’on raconte au sujet de la construction du Pont du Diable, sur la route du col du St-Gothard (Amédée Gremaud, Le pont de Tusy, dans FA 1897 pl. VI). » (Vevey 1978). Tchéquie « À Prague, le pont Charles IV sur la Vltava, le célèbre Carlum Most, garde la réputation d’avoir échappé aux maléfices. Avec leur solide humour, les Tchèques se font un plaisir de conter que l’architecte qui dirigeait le chantier avait eu l’idée originale de choisir sa propre épouse comme victime expiatoire. Ils ajoutent avec malice qu’il avait gagné sur les deux tableaux. D’une part il avait préservé son chef-d’œuvre en contentant pleinement le Diable, et d’autre part, il s’était débarrassé pour toujours d’une femme du genre acariâtre. » (Clément 2003: 298). Explication donnée par Clément 2003: 299 :« Peut-être l’européanité de ce mythe dérive-t-elle des fantasmes des voyageurs médiévaux qui imaginaient des démons autour des chemins » (!!!!!) Hors d’Europe Hors d’Europe, notre thème légendaire est très rare. Amérique du Nord: Arizona Devil’s Bridge est le nom donné à une arche naturelle de la forêt de Coconino, près de Sedonba: « Devil's Bridge is the largest natural sandstone arch in the Sedona area; don't let its name fool you: It's one of the most heavenly sights in an area famous for them. » (Source : http://www.fs.fed.us/r3/coconino/recreation/red_rock/devils-bridge-tr.shtml). Québec Historique du pont de Québec : Le 2 octobre 1900, lors d'une Grandiose cérémonie, Sir Wilfrid Laurier Premier Ministre du Canada, pose la pierre angulaire du piller nord du pont de Québec. Pendant plus de 50 ans, la possibilité de relier le réseau ferroviaire de la rive sud à celui de la rive nord est étudiée et finalement, en 1900, débute la construction d'un pont de type cantilever. Ce système est choisi comme principe de construction parce qu'il permet des portées plus grandes entre les piliers. Le site près de l'embouchure de la rivière Chaudière est retenu en raison de l'étroitesse du fleuve à cet endroit et de l'escarpement des falaises, ce qui laisse une hauteur libre suffisante pour permettre le passage des bateaux. Parmi les autres avantages, les coûts pour l'aménagement du site s'avèrent moindre que la construction d'un pont devant Québec. Le contrat pour la construction du pont est signé le 19 juin 1900 selon les plans de la Phoenix Bridge Company de Pennsylvanie qui prévoit construire un pont de 67 pieds de largeur et d'une longueur totale de 3 242 pieds. Le pont compte alors deux voles ferrées, deux trottoirs, mais pas de voie carrossable. Le 29 août 1907, le pont tombe une première fois, entraînant dans la mort 76 ouvriers. La cause principale de l'accident est attribuée à une mauvaise évaluation du poids réel des composantes des structures. Un important télégramme qui aurait arrêté les travaux à temps avait été expédié par l'ingénieur-consultant, M. Théodore Cooper de New York. Cependant, ce télégramme arrive trop tard à cause d'une grève des télégraphistes aux Etats-Unis. Il faut plus de deux ans pour nettoyer la rive sud des 9 000 tonnes de ferrailles visibles à marée basse. Dès l'année suivante, le Gouvernement canadien décide de reconstruire le pont. La St Lawrence Bridge Company obtient le contrat et constitue une solide équipe dont le membre le plus célèbre est certainement l'ingénieur allemand, Joachim Von Ribbentrop, collaborateur de Hitler et futur ministre des Affaires étrangères sous le IIIe Reich. À l'aube du 11 septembre 1916, la travée centrale reconstruite dans l'anse de Sillery est amenée vers l'endroit de son ascension. Quatre crics hydrauliques placés à chaque extrémité procèdent à son élévation. À 10 h 47, un bruit épouvantable se fait entendre et la masse de fer plonge dans les profondeurs du fleuve. Cette fois, 13 personnes meurent. On attribue l'accident au bris d'une pièce de support de l'appareil de levage. La St Lawrence Bridge Company s'empresse de reconstruire la travée. Le 17 septembre 1917, la travée centrale reprend son chemin vers les deux bras cantilevers. Son ascension se termine trois jours plus tard. L'inauguration officielle du pont est faite par le prince de Galles, futur Édouard VIII le 22 août 1919 (http://www.pontdequebec.com/page1pont.html) « Le Pont de Québec ou le pont du diable Le 29 août 1907, une partie importante du pont en construction s'écroula, tuant d'un coup plus de 75 ouvriers et en blessant plusieurs autres. Le 20 juillet 1916, un autre accident eut lieu. On parle alors de 13 morts. Il semble bien que la construction de ce fameux pont était victime d'un certain maléfice. On décida quand même de poursuivre les travaux car un pont à Québec était nécessaire au transport ferroviaire et au développement de la région. À la reprise des travaux, un ingénieur se présenta au contremaître pour lui proposer ses services. Il promettait un travail sans catastrophe mais à certaines conditions: celui-ci devait entre autres choses, lui promettre que l'âme de la première personne à traverser le pont lui soit remise. Ébranlé par tout ce qui venait d'arriver, et sans réfléchir, le contremaître accepta. Les travaux reprirent enfin et tout se passa bien jusqu'au jour de l'inauguration. Au moment où l'on s'apprêtait à traverser le pont, le contremaître aperçut le fameux ingénieur et lui trouva un air diabolique. Il se rappela alors sa promesse de lui offrir l'âme de la première personne à traverser le pont. Réalisant avec horreur qu'il avait agi sans réfléchir et avant qu'il ne soit trop tard il empoigna un gros chat noir qui se serait malencontreusement trouvé, au mauvais endroit au mauvais moment sur le pont et le lanca sur le faux ingénieur. Tous les deux, l'ingénieur et le chat noir, disparurent. On ne retrouva qu'un petit tas de poils ensanglantés. Si vous vous rendez à Québec un jour, et que vous souhaitiez traverser le fleuve, il vaudrait peut-être mieux emprunter le pont Pierre-Laporte car il paraît que le diable attend toujours de se venger.... » (http://www.legrenierdebibiane.com/trouvailles/legendes/pont/ legende.html) Plusieurs autres légendes concernent cet édifice : « Le boulon d'or Au fil des ans, une rumeur persiste à l'effet qu'un boulon d'or aurait été fixé au pont au moment de sa construction. Plusieurs personnes auraient tenté de le trouver, mais en vain. Des versions différentes subsistent concernant cette légende. Cependant, personne n'a réussi à prouver avec certitude la présence du boulon d'or. Le pont des blasphèmes Une autre légende veut qu'après avoir entendu des ouvriers et des constructeurs du pont blasphémer, des témoins se seraient rendus en informer le curé de Sillery, qui à son tour, se serait rendu sur le pont pour dire aux ouvriers: "Tant que vous blasphémerez, jamais ce pont ne se bâtira". À la construction du deuxième pont, les travailleurs blasphémaient toujours. Le curé se serait rendu pour une seconde fois sur le site leur dire qu'une œuvre du génie humain ne peut se réaliser en défiant et en injuriant Dieu. On raconte également que c'est grâce à l'interdiction de blasphémer que le pont aurait tenu le coup en 1917. Le pont du diable Enfin, une troisième légende prétend que le pont de Québec aurait été construit par le diable en personne, déguisé en ingénieur. Après avoir retrouvé des dizaines d'ouvriers aux membres brisés, à la suite de la première grande catastrophe, un drôle de personnage se serait présenté au contremaître afin de lui proposer un marché. Le supposé diable aurait promis un travail sans catastrophe à la condition que l'âme de la première personne à traverser le pont lui soit remise. Sans trop y penser, le contremaître aurait accepté. Comme prévu, tout se passe bien jusqu'au jour de l'inauguration. Repensant à son marché, le contremaître, plutôt futé, aurait pris un énorme chat noir et l'aurait lancé sur le pont. Arrivé au milieu, le chat aurait disparu subitement ! À l'endroit même, on n'aurait trouvé qu'un petit cas de poils et du sang. On dit que le diable attend toujours pour se venger. » (http://www.pontdequebec.com/page2pont.html). Il existe aussi un Pont du Diable sur la Malbaie, à Charlevoix, où le diable a aussi construit l’église : « Les gens de La Malbaie s'étaient groupés pour paver la route en bordure du fleuve et construire le pont sur la rivière Malbaie. L'hiver arrivant et ne réussissant pas à monter les chevalets et les travées du pont, le charpentier engagea des hommes pour se faire aider. Mais la mésentente se mettant de la partie, les travailleurs quittèrent les lieux. Reconnu pour son mauvais caractère, le charpentier maudissait son entreprise quand il vit arriver un étranger qui s'offrit à construire le pont. Il ne demandait pas de salaire; mais en retour, il exigeait que l'âme du premier être à traverser le pont lui appartienne. L'inconnu revint alors avec ses travailleurs qui se mirent à l'ouvrage et quinze jours après, les habitants apprenaient que le pont était terminé. Voici alors ce qui arriva. L'épouse du menuisier, remarquant que son mari devenait de plus en plus songeur à mesure que la construction avançait, décida d'agir seule. Lorsque le jour de l'ouverture du pont fut venu, l'étranger arriva et s'assit à un bout du pont avec son chat noir, attendant que le premier être passe. L'épouse, cachée à l'autre bout avec son chien, n'eut aucune peine à le faire bondir en avant lorsqu'il aperçut le chat. Le diable, réalisant qu'il ne récolterait que l'âme d'un chien, se précipita à l'eau et disparut. Depuis, on a l'habitude de dire que la femme est plus rusée que le diable.» (Jean-Claude Dupont, Légendes de l'Amérique française, 1985) « Le Diable constructeur de pont et d’église dans Charlevoix Les légendes du Diable constructeur de pont à La Malbaie et d’église aux Éboulements permettent d’évoquer de manière amusante des faits d’histoire locale. Depuis 1999, un nouveau pont enjambe la rivière Malbaie dans la municipalité de la Malbaie afin de traverser sur la rive est et d’aller ainsi vers la Côte-Nord par la route 138. Il remplace un autre pont nommé le “ pont Arthur-Leclerc ” en l’honneur du député provincial de l’époque et qui a été érigé là en 1956. Mais, avant cette date, il y avait un pont de fer à La Malbaie datant du début du 20e siècle. En principe, comme les autres ponts qui lui ont succédé ce dernier semble avoir été construit par l’autorité du ministère de la Voirie du Québec. Toutefois, selon la légende, il n’en est rien et il aurait même été construit avec l’aide du Diable en personne. Au début du 20e siècle, il est encore courant de faire appel à une corvée populaire afin de construire un pont. C’est le cas à La Malbaie. Durant l’automne, le chantier se déroule plutôt bien mais il paraît clair que l’échéancier prévu risque de ne pas être respecté. L’hiver approchant qui rend la suite des travaux difficile voire impossible, les habitants de La Malbaie commencent à craindre que le pont ne soit pas terminé à temps. Il se présente alors un étranger qui se propose afin d’achever la construction du pont. Nul ne le connaît. Il ne demande aucun salaire et son offre généreuse est acceptée. La construction du pont de fer de La Malbaie se termine alors en moins de quinze jours. Certains commencèrent à reconnaître Satan sous les traits de l’étranger et la rumeur circula qu’il voudrait en échange de ses services recueillir l’âme de la première personne à traverser le pont. Le jour de l’inauguration du pont aucun des dignitaires présents n’accepte de traverser le pont afin de l’inaugurer. De même, aucun autre habitant de La Malbaie ne semble intéressé à traverser ce nouveau pont. La femme du charpentier du pont décide alors d’envoyer son chat traverser le pont et ce fut la seule âme que recueillit le Diable ce jour-là. Par la suite, tous ont accepté de traverser le pont qui dessert La Malbaie durant près de soixante années. Aux Éboulements, selon la légende, le Diable participe plutôt à la construction d’une église. Au tournant du 18e siècle, il apparaît clair aux paroissiens des Éboulements que l’église paroissiale située sur le bord du fleuve est trop éloignée de l’ensemble de la population qui réside en majorité sur le plateau. Les paroissiens décident donc de reconstruire leur église sur le plateau en utilisant les matériaux du temple situé sur la rive dans la construction de la nouvelle église. Cette idée est excellente mais les paroissiens ont négligé de considérer la longue montée que doivent faire les chevaux afin de transporter les matériaux des Éboulements en bas jusque sur le plateau. Les chevaux peinent et peinent encore. Le travail ne se fait pas très rapidement, loin s’en faut. Se présente alors un inconnu qui offre ses services. Il possède un magnifique cheval blanc attelé à un énorme chariot. Après un premier voyage de pierre taillée, le cheval n’est même pas fatigué. Il travaille ainsi sans relâche la journée durant. Les travaux sont réalisés rondement en grande partie grâce à l’étranger et à son beau et vaillant cheval blanc. À la fin des travaux, le mystérieux personnage et son cheval disparaissent comme ils sont venus. Personne ne les a revu par la suite. La légende transporte depuis la rumeur que c’est le Diable lui-même qui a assisté les paroissiens des Éboulements dans la construction de leur nouvelle église. En 1934, cette église à l’histoire peu banale fut incendiée. Elle est rapidement remplacée par un temple à peu près semblable et qui existe toujours dans la paroisse de Les Éboulements. Le Diable constructeur de pont et d’église : est-ce vraiment sérieux? De nombreuses légendes existent à ce sujet dans Charlevoix. Plus personne ou presque n’y prête vraiment attention. Ces histoires certes amusantes et pittoresques ont le mérite de nous raconter l’histoire locale. Elles témoignent en fait d’une mentalité et de croyances religieuses anciennes. C’est pour cela qu’il est primordial de les garder en mémoire et même de les raconter encore. » (Serge Gauthier. Historien et ethnologue. Président de la Société d’histoire de Charlevoix. Notre-Dame-Des-Monts. 26 septembre 2002. Bibliographie : Revue d’histoire de Charlevoix. Numéro 22 (septembre 1995): 40 pages. Source : http://www.encyclobec.ca/ main.php?docid=30). Caraïbes: Le toponyme est connu à Antigua : « Devils Bridge At the north-eastern point of Antigua there is a remote wild area known as Indian Town Point. Why it was named thus, is unknown as to date no Indian archaeological remains have been found on this peninsula. The area was legally constituted a National Park in the 1950's. Within the park there is a remarkable example of sea-water erosion. Geological, Devil's Bridge is a natural arch carved by the sea from soft and hard limestone ledges of the Antigua formation, a geological division of the flat north-eastern part of Antigua. A bridge was created when a soft part of the limestone eroded away by action of Atlantic breakers over countless centuries. Sammy Smith, a 104 year old Antiguan patriot had the answer. Here is a quote from his memoirs "To shoot Hard Labour". "On the east coast of the island is the famous Devil's Bridge. Devil's Bridge was call so because a lot of slaves from the neighboring estates use to go there and throw themselves overboard. That was an area of mass suicide, so people use to say the Devil have to be there. The waters around Devil's Bridge is always rough and anyone fall over the bridge never come out alive". » (Source : http://www.antiguanice.com/places/devils/devils.htm) Amérique du Sud Colombie Près de Tibacui, le pont monolithique d’Icononzo est appelé la Pena del Diablo (« la Roche du Diable ») ou la Cabeza del Diablo (« la Tête du Diable »). Il est formé d’une énorme roche de sept mètres de longueur, posée sur un gouffre d’une centaine de mètres de profondeur, et qui fait l’objet d’une légende dont l’origine européenne est évidente. « Le Diable voulait bâtir le pont d’Icononzo. Par une belle nuit de vendredi saint, il vint dans le cerro de Pena Blanca, près de Tibacui, choisit cette pierre et l’emporta. Minuit sonnait comme il passait devant Panche, roche entre ses griffes. Un coq chanta. Or cet animal est sacré depuis la nuit de la passion de Jésus-Christ. Belzébuth, épouvanté, laissa tomber la pierre et s’enfuit à tire d’aile. Arrivé à Icononzo, il fut réduit à pousser péniblement, du haut de la montagne, un énorme grès, qui roula sur le rio de Sumapaz et y forma le pont actuel » (Sébillot 1894:163). Ce récit étant parfaitement isolé en Amérique du Sud, dans un pays hispanophone, il y a fort peu de chance qu’il soit précolombien. Japon Résumant une communication de M. de Milloué, parue dans la revue Nemausa, Paul Sébillot rapporte une tradition japonaise selon laquelle des ponts auraient été construits par des démons : « Un saint prêtre du Boudhha, Yén-nô-guiô-dja, puissant faiseur de miracles, avait des Diables pour serviteurs. Son grand plaisir était de se promener dans les montagnes, distraction qui lui valut de devenir le dieu des touristes. Ayant un jour le désir de franchir plus facilement une vallée profonde de la province de Kiotô, il donna l’ordre à ses démons de lui construire un pont sur cette vallée. Mais le pont n’ayant pas été fini dans le temps voulu, Yén-nô-guiô-dja mit ses Diables pour les punir dans la prison du canton. Stimulés par cet acte de vigueur, ils eurent bientôt achevé leur travail ; mais sans doute ils ne prirent pas assez de précautions, car aujourd’hui il ne reste plus trace du pont » (Nemausa, t. I, p. 83 ; Sébillot 1894:172-173). Ce récit nous éloigne de notre thème légendaire, car on n’y trouve plus le thème – crucial – de la duperie. Il ne s’agit plus là que d’une variante de la tradition qui, dans le monde entier, attribue les sites ou monuments grandioses à des géants ou à des êtres surnaturels de la mythologie – lesquels peuvent être ensuite démonisés par la suite. Turquie Le toponyme « Pont du Diable » est attesté dans les Rhodopes : « Les gorges de Bouinovo se trouvent à quelques kilomètres plus au sud de Trigrad, le long de la rivière Bouinovska, affluant initial de Vatcha. Non loin du grand carrefour routier à Téchél, les rochers se joignent presque, en formant des gorges majestueuses. Les eaux vives de la rivière ont creusé la roche calcaire et ont fait un coin magnifique dans la montagne. Les rochers sont si près, qu'on croit pouvoir sauter de l'un sur l'autre. L'endroit s'appelle « Le saut des loups » et les villageois de Yagodina racontent que les loups affamés en hiver traversent les gorges ici pour aller s'attaquer à leurs troupeaux. Dans la vallée d'un petit affluant de la rivière Bouinovska se trouve un autre phénomène naturel - le Pont du Diable. Cette arche rocheuse est longue de 10 m et large de 2-3, avec une hauteur de 30 m au-dessus du torrent. Les falaises des deux cotés sont verticales. Selon les légendes, ce n'est que le Diable qui peut y passer. A 1 km plus loin de la bifurcation vers le village de Yagodina on arrive à une des plus belles grottes bulgares - celle de Yagodina. (Source : http://www.rhodope.net/nat_fr_fr.htm) Là non plus, on ne trouve pas la duperie. Bibliographie ABGRALL Abbé J.-M., 1890. Les pierres à empreintes. les pierres à bassins et la tradition populaire. Bulletin de la Société Archéologique du Finistère, XVII:62-72. ABJEAN Philippe, 1993. L’ange blond du « Pont du Diable » ! Le Progrès Courrier du 25-IX-1993, p. 10. Anonyme 1890. A « Devil’s Bridge » Legend Exploded. Folklore 1 (4): 524. ANONYME 1985. Dictionnaire des saints bretons. Paris, Sand, 396 p. ANONYME 1994. Pont du Diable : du monde sur le pont... Le Télégramme du 10-X1994. áRNASON Jón, 1954-1961. íslenzkar Thjó∂sögur og Aevintyri. 2e éd., par árni Bö∂varsson & Bjarni Vilhjálmsson, Reykjavík, 6 vol. (1ère éd. : 1862-1864). AUBERT Pol, 1947. La légende dorée de saint Pol Aurélien. 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