Dominique A va «où la vie n`est pas l`esclave des étoiles»!

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Dominique A va «où la vie n`est pas l`esclave des étoiles»!
SAMEDI 31 MARS 2012 LE JOURNAL DU JURA
RIFFS HIFI 23
FRANCE Avec la sortie de «Vers les lueurs», son 10e album studio
Dominique A va «où la vie
n’est pas l’esclave des étoiles»!
PIERRE-YVES THEURILLAT
Bleu Pétrole», pourtant sanctifié de partout, n’est pas le
meilleur album de Bashung.
Pour Dominique A, «choqué»
en positif comme beaucoup par
l’écoute de «l’Imprudence» du
même Bashung à sa sortie, il y a
eu «Tout sera comme avant», le
magnifique double album paru
au tournant d’une carrière désormais ouverte sur l’intégration
d’arrangements plus classiques
peut-être, contemporains sans
doute. Quelques fans de perdus,
mais beaucoup d’autres arrivants: «Vers les lueurs» (distribution Disques Office) s’inscrit
dans la continuité amorcée dès
2003 et constitue le prolongement de la belle exploitation
d’un style en place.
Avec ce 10e album, la stabilité
de son univers poétique s’accroît encore. A mesure qu’il expérimente en approfondissant,
le chanteur gagne ici sans doute
du terrain sur ses objectifs les
plus secrets, les plus enracinés.
La résonance des éléments classiques, partiellement choisis
par David Euverte, l’arrangeur
de cet album de treize titres
d’une durée de presque une
heure, mêlés à des rythmes personnalisés, des guitares originelles, donnent du répondant à
un étrange et beau tissu verbal
Enième retour réussi des hommes en noir
On croyait qu’ils ne survivraient pas au départ d’Hugh Cornwell, les
Stranglers. Fatale erreur! Depuis cette époque déjà lointaine, les
hommes en noir alignent les albums intéressants. «Giants»
(distribution Phonag), leur petit dernier, frôle même l’excellence. Les
Stanglers? C’est les Doors qui feraient du punk. Les Clash qui sauraient
jouer. Ah! les climats d’orgue à la Manzarek, les notes de basse à la
John Entwistle. Et puis, toujours cette voix sombre qui vous glace. C’est
pas «Y a de la joie», mais ça fait autant de bien. W PABR
GONZO & MR WONKEYMAN
Du punk acoustique sans toc, volume 3
Vous adorez Pink Floyd, King Crimson et Yes? Passez votre chemin! La
troisième galette concoctée par la paire Gonzo & Wonkeyman
s’adresse à ceux qui ne se sont jamais remis de la mort de Johnny
Thunders, qui ne jurent que par les premiers Dylan ou Stones. Du
punk acoustique, des covers sympa (Clash, Talking Heads, Gun Club,
etc.) éructées dans le plus pur style destroy et entrecoupées des récits
de vie de Gonzo (Alain Meyer): on aime. On vous dirait bien que cette
galette est disponible dans les bonnes drogueries. Comme elles ont
mis la clé sous le paillasson, tapez [email protected] W PABR
PRETTY MAIDS
Une renaissance «Maid in Switzerland»
Le très prolixe chanteur français Dominique A sort ces jours dans la continuité une remarquable galette LDD
qui se déploie devant notre esprit un rien stupéfait par tant de
soin, de qualité marquée et de
soulignements justes dans
«cette parole qu’il faut prendre
par le col».
Tout sera comme avant ?
Tout en énonçant les choses,
Dominique A semble prendre
des distances infinies avec elles,
avec tout, et ce sens du détachement appelle à toutes les soifs,
toutes les faims. On pouvait
« J’ouvre des coffres lourds, des
●
secrets immobiles, au regard de
chats méfiants et indociles...»
DOMINIQUE A CHANTEUR
prévoir qu’avec Dominique
Ané, de son vrai nom, le fond
des choses allait être bien dépouillé. Et puis, essayez d’enlever certaines rimes comme lui
le fait, vous n’arriverez pas aux
mêmes fins que lui, l’artiste au
grand A, en son art qui ne l’est
pas moins. «Tout sera comme
avant», a décidément très à
faire avec ce «Vers les lueurs»,
étant du même bois, du même
art de le ciseler.
Avec Dominique A, la relation
à l’autre est importante. Les
adresses à autrui («Loin du Soleil», «Parce que tu étais là»)
deviennent l’adresse à un frère,
une sœur qu’il a fallu imaginer
(«Vers le bleu»). Dominique,
fils unique, veut nous «faire
passer le goût du feu» mais il n’y
a pas à s’enflammer ici, les intensités sont plutôt instrumentales que vocales.
Une voix transparente, qui
laisse transparaître bien des traits
d’esprits, nous chante ses mots
pudiquement. Dominique A ressemble à un puer aeternus, mais
comme issu des années 40, d’on
ne sait quel siècle exactement. Il
nous chante aussi un lieu « où la
vie n’est pas l’esclave des étoiles».
Les bras nous en tombent.
Ce n’est pas un album de consommation habituelle. Il requiert
la solitude, un peu de concentration, accueil, écoute et silence,
pour que le partage soit total,
vrai, pour que les mots deviennent utiles. «Même en plein soleil, on est toujours loin du soleil», ou encore: «J’ouvre des
coffres lourds, des secrets immobiles, au regard de chats méfiants
et indociles».Les véritésinscrites
de Dominique A sont bien audelà où en dehors de nos brouhahas quotidiens ordinaires. W
INDUSTRIE Les échoppes biennoises bradent leurs stocks de CD. Youpie!
La fin du compact-disc: tout doit partir!
On brade. Et en grande quantité! Au point que les mélomanes
biennois savourent avec délectation la fin de l’ère du compactdisc. Depuis quelques jours, le
Sporting, le dernier magasin de
disques de la métropole seelandaise pour quelques semaines
encore, lâche ses stocks de CD à
un prix défiant toute concurrence. Tout doit partir, et à
9 fr.90. la pièce – à la rare exception des nouveautés –, les bacs se
THE STRANGLERS
vident plus rapidement que les
doigts de Steve Vai chatouillent
le manche de sa guitare. Des doubles, des coffrets, des raretés, l’intégrale à 9 fr. 90! Dans les locaux
de la gare de Bienne, la chaîne
City Disc s’y est également mise.
Dans un registre moins rock,
beaucoup plus hit-parade, le prix
du CD a également été fixé à
9 fr. 90, en tout cas pour la majeure partie des objets en exposition. Un coffret 2 CD assorti d’un
Des CD à 9,90 fr., du vol? Non, une réalité biennoise! KEYSTONE
DVD de raretés studio et live
d’AC/DC? Sur l’étiquette, on
vous le cède à 74 fr. 90. A la
caisse, un petit billet jaune suffit.
Le nirvana, rien de moins...
La mort du CD est programmée. Déjà, les «majors» pensent
concrètement à cesser la production de ce support dès l’année prochaine. L’objet, dont les
ventes ne rivalisent plus avec celles du numérique, perd également la face devant le revival du
vinyle. Les passionnés, les collectionneurs préfèrent désormais
acquérir un bon vieux 33 tours.
Une histoire tactile, une histoire
de son, également, plus chaud
dans ce format que l’on croyait
désuet. Reste qu’à 9 fr. 90 le CD
a plein de copains.
L’histoire retiendra que c’est
Philipps et Dire Straits qui ont
popularisé le CD en 1985 avec la
sortie de «Brothers in Arms».
L’histoire retiendra également
qu’aujourd’hui, les «majors» qui
décidaient de l’avenir de la musique sont à la ramasse. Pondeuse
de hits, Adele est soutenue par le
label indépendant XL Recordings. Depuis la sortie de «21»
en janvier 2011, la Britannique,
qui survole toujours les charts, a
écoulé plus de 21 millions
d’exemplaires de son deuxième
album. Pour contourner les
«majors», internet devient de
plus en plus sûrement le
meilleur vecteur de découverte
et de distribution. YouTube joue
même le rôle de baromètre.
Groupe australo-belge inconnu
du grand public, Gotye – autre
escouade propulsée par un label
indépendant – vient de dépasser
la barre des 133 millions de visionnages pour son titre «Somebody that I used to know».
Oui, 133 millions, soit davantage que le nombre de
«Thriller» vendus
physiquement par Michael Jackson.
Le CD est mort. Et il n’y peut
rien.Aprèsl’avoirexploitéavecindécence, les «majors» l’exécutent
sommairement. Obnubilées par
leurs profits, elles ont oublié que
lamusiquevitd’abordparlesartistes qui la créent. W LAURENT KLEISL
A une époque où de sots prophètes prédisent la fin du CD, il est plutôt
désopilant que de vieux dinosaures utilisent leurs dernières forces
pour inverser la tendance. Ainsi, les papys d’Uriah Heep se sont
récemment fendus d’un double CD live accouplé avec un DVD en
public. Aujourd’hui, les vétérans danois de Pretty Maids optent pour la
même tactique. Leur double CD live augmenté d’un DVD a été commis
en Suisse, soit au Z7 de Pratteln, le temple du heavy metal, du thrash
metal et du pagan metal. Sur «It comes alive, Maid in Switzerland»
(distribution Musikvertrieb), il n’est question que de heavy metal
finalement assez mélodieux. Pensez: on y trouve même des climats
d’orgue. On vous rassure quand même: c’est pas du Yes... W PABR
PRODUIT DU TERROIR
Metamorphosis et W.O.F en concert à Bienne
Les amateurs de rock aussi mélodique qu’intelligent ont un devoir
printanier: répondre à l’invitation lancée par Metamorphosis et W.O.F.
Vendredi 20 avril (portes à 21h), le groupe du Biennois Jean-Pierre
Schenk et celui porté par le guitariste chaux-de-fonnier Olivier Guenat,
par ailleurs six cordiste d’exception de Metamorphosis, se produiront à
l’UFO, ex-Etage, salle sise en vieille ville dans les locaux du SaintGervais. Seule une excuse béton, du style une petite virée avec les
gosses dans un parc d’attraction voué au capitalisme triomphant,
pourrait justifier une absence. Deux groupes de grande qualité pour
seulement 20 fr. d’entrée, elle n’est pas belle la vie? W LK
LA PLAYLIST DE...
Laurent Kleisl
[email protected]
THE MARS VOLTA Noctourniquet (2012)
Sorti mardi dernier, il est tout frais, le nouveau Mars Volta! Trois ans
après «Octahedron», la musique proposée par Omar Rodriguez-Lopez
(compositeur, producteur et guitariste) et Cedric Bixler-Zavala (paroles
et chant) est toujours aussi inclassable, quelque part entre rock, metal,
prog, jazz et funk. Une œuvre à découvrir en écoute libre sur
www1.rollingstone.com/hearitnow/player/marsvolta1.html.
KING CRIMSON THRAK (1995)
Après un break d’une dizaine d’années, le guitariste Robert Fripp,
l’âme du roi cramoisi, rameute ses troupes. En pleine vague grunge,
alors que la britpop s’empare des charts, King Crimson prend dix ans
d’avance. Aussi fou que visionnaire, Robert Fripp ouvre la porte au rock
indépendant d’aujourd’hui. Un point de départ pour Muse, Radiohead,
The Mars Volta et tous les autres. «THRAK»? Un monument ignoré.
CREAM Wheels of Fire (1968)
Un double album d’anthologie du premier power trio de l’histoire de
l’humanité. Une première partie studio comprenant notamment «White
Room» et «Politician», une seconde partie live portée par «Spoonful»,
monumentale reprise du bluesman Willie Dixon. Sur près de
17 minutes, Eric Clapton (guitare), Jack Bruce (chant et basse) et Ginger
Baker (batterie) se déclarent la guerre des virtuoses.
OASIS Time Files... 1994-2009 (2010)
Egos surdimensionnés, arrogants, agaçants, adeptes de la dope et des
boissons euphorisantes, les frères Noel et Liam Gallagher ont
accumulé les clichés du rock’n’roll jusqu’à l’ultime clash du
28 août 2009. Leur héritage, compilé dans «Time Files», se veut le
témoignage d’une des belles pages de l’histoire du rock. Oasis, on
aime ou on déteste, mais les hommes qui ont conçu «Supersonic»,
«Live Forever», «Wonderwall» ou encore «Don’t look back in Anger» ne
peuvent pas être que mauvais. Enfin, on espère... W LK