1 Richard GELIN, pasteur de l`Eglise évangélique baptiste de l

Transcription

1 Richard GELIN, pasteur de l`Eglise évangélique baptiste de l
Dimanche 7 Septembre 2008 (Retransmis en direct de 11h à 12h)
Culte de l’Assemblée du Désert
Richard GELIN, pasteur de l’Eglise évangélique baptiste de l’avenue du
Maine à Paris. Avec la participation d’une fanfare de Saint Hippolyte du Fort
(30) et de Baden-Baden (Allemagne), et d’une chorale de bénévoles dirigée
par Denise Weber-Gascuel.
Présentation de Danielle Jeanne, responsable du Service Radio de la Fédération
Protestante de France :
D.J. : Bonjour ! Bienvenue pour la retransmission en direct du culte de l’Assemblée du
Désert, dans les Cévennes gardoises. Chaque année, le premier dimanche de septembre,
France Culture permet à ses auditeurs de participer à ce grand rassemblement protestant. Il
est introduit et commenté à la radio par Danielle Jeanne.
Le soleil est au rendez-vous, et dix mille à quinze mille protestants venus des régions
environnantes, mais aussi de toute la France et même de l’étranger, se retrouvent sous les
chênes à proximité du Mas Soubeyran, ancienne maison natale du chef camisard Roland,
devenue le Musée du Désert.
Ces protestants viennent manifester leur attachement à une histoire commune, aussi
glorieuse que douloureuse, où leurs ancêtres étaient persécutés pour leur foi, aux XVII ème
et XVIII ème siècles.
Issus de différentes familles du protestantisme – réformée, luthérienne, évangélique…- ils
vivent ensemble leur foi, dans la ferveur et le recueillement d’un culte célébré en plein air.
Cette pratique de cultes en plein air, fréquente après la révocation de l’Edit de Nantes, s’est
renouvelée au XIXème siècle avec les mouvements du Réveil.
Ces mouvements de Réveil, en provenance de Suisse d’abord, puis du Pays de Galles en
particulier, ont revivifié le protestantisme et lui ont donné sur les plans spirituel et social,
une impulsion qui perdure aujourd’hui.
Des nombreuses églises de la Fédération protestante de France, sont héritières de ces
mouvements de Réveil.
Pour la première fois, c’est un pasteur de la Fédération des églises évangéliques baptistes
de France, qui préside le culte de cette assemblée 2008. Le pasteur Richard Gelin,
commentera ce verset de l’apôtre Paul aux Romains : « Vous savez en quel temps nous
sommes : voici l’heure de sortir de votre sommeil ».
Culte du Désert - 2008
Romains chapitre 13, 11 et 1 Rois chapitre 19, 1 à 8.
Accueil :
RG : Notre aide soit au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, amen.
Ecoutez, mes frères, comment Dieu veut être servi : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de
tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée. C’est là le premier et le grand
commandement. Et voici le second qui lui est semblable : tu aimeras ton prochain comme
toi-même ».
Prière :
Frères, en présence du Dieu saint, que chacun de nous confesse humblement ses péchés, en
suivant du cœur ces paroles :
Seigneur Dieu, Père éternel et tout-puissant,
Nous reconnaissons et nous confessons devant ta sainte majesté,
Que nous sommes des pauvres pécheurs,
Nés dans la corruption, enclins au mal, incapables par nous-mêmes de faire le bien,
Et qui transgressons tous les jours et en plusieurs manières tes saints commandements.
Attirant sur nous, par ton juste jugement, la condamnation et la mort.
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Mais Seigneur,
Nous avons une vive douleur de t’avoir offensé,
Et nous nous condamnons, nous et nos péchés,
Avec une vraie repentance,
Recourant humblement à ta grâce,
Te suppliant de subvenir à notre misère.
Veuille donc avoir pitié de nous, Dieu très bon, Père de miséricorde,
Et nous pardonner nos péchés,
Pour l’amour de Jésus-Christ, ton fils, notre sauveur.
En effaçant nos souillures, accorde-nous et augmente-nous continuellement
Les grâces de ton Saint-Esprit, afin que reconnaissant de plus en plus nos fautes,
Et en étant vivement touchés, nous y renoncions de tout notre cœur,
Et nous portions des fruits de justice et de sainteté qui te soient agréables,
Par Jésus-Christ, notre Seigneur.
Cantique : Psaume 6, strophes 1 et 4. Recueil Arc en Ciel.
Promesse de grâce :
Dans la foi, nous recevons la promesse de grâce : « Dieu a tellement aimé le monde, qu’il a donné son fils
unique, afin que quiconque croit en lui, ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle. »
Que tous ceux qui se repentent dans la foi, reçoivent de la part du Seigneur, l’assurance de leur pardon.
« Mon enfant, dit le Seigneur, tes péchés te sont pardonnés, va et ne pèche plus ».
En réponse à cette promesse chantons le Psaume 103, la première et troisième strophe.
Cantique : Psaume 103, strophes 1 et 3. Recueil Arc en Ciel.
Prière d’Illumination :
Préparons-nous à écouter les Ecritures, prions :
Dieu notre Père, nous te rendons grâces,
Car c’est une bénédiction que de pouvoir, ensemble, ouvrir les Ecritures ;
Confiants en ton Esprit, nous désirons entendre ta parole,
Apaise en nos cœurs et nos pensées, toute inquiétude qui voudrait l’étouffer ;
Libère-nous de notre superficialité et de nos arrogances ;
Que notre vie soit, par ta grâce, terre profonde où ta semence germe et porte son fruit ;
Donne-nous de comprendre et d’aimer ta volonté.
Par ta parole, Père, garde nos yeux fixés sur ton Christ, Jésus,
Et plie nos genoux devant lui, car il est Seigneur,
Amen.
Lectures bibliques :
« Akhab parla à Jézabel de tout ce qu’avait fait Elie, et de tous ceux qu’il avait tués par l’épée, tous les
prophètes. Jézabel envoya un messager à Elie pour lui dire : « Que les dieux me fassent ceci et encore cela
si demain à la même heure, je n’ai pas fait de ta vie ce que tu as fait de la leur ! ». Voyant cela, Elie se leva et
partit pour sauver sa vie ; il arriva à Béer-Shéva qui appartient à Juda et y laissa son serviteur. Lui-même s’en
alla au désert, à une journée de marche. Y étant parvenu, il s’assit sous un genêt isolé. Il demanda la mort et
dit : « Je n’en peux plus ! Maintenant, Seigneur, prends ma vie, car je ne vaux pas mieux que mes pères. »
Puis il se coucha et s’endormit sous un genêt isolé. Mais voici qu’un ange le toucha et lui dit : « Lève-toi et
mange ! » Il regarda : à son chevet il y avait une galette cuite sur des pierres chauffées, et une cruche d’eau ;
il mangea, il but, puis se recoucha. L’ange du Seigneur revint, le toucha et dit : « Lève-toi et mange, car
autrement le chemin serait trop long pour toi. » Elie se leva, il mangea et but, puis, fortifié par cette nourriture,
il marcha quarante jours et quarante nuits jusqu’à la montagne de Dieu, à l’Horeb. » (1 Rois chapitre 19, 1 à 8)
« D’autant que vous savez en quel temps nous sommes : voici l’heure de sortir de votre sommeil. Aujourd’hui,
en effet, le salut est plus près de nous qu’au moment où nous avons cru, la nuit est avancée, le jour est tout
proche. » (Romains chapitre 13, 11)
Ta parole, Seigneur, est la vérité ;
Sanctifie-nous par la vérité.
Amen.
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Louange :
Que la parole du Seigneur libère notre louange !
Cantique : Cantique 243 : Grand Dieu nous te bénissons, strophes 1, 2 et 3. Recueil Arc en Ciel.
Prédication :
Frères et sœurs, j’aimerais mettre en résonance ces deux textes de l’Ecriture. Cette exhortation de Paul à sortir
de notre sommeil et ce récit du livre des Rois concernant le prophète Elie.
Je crois que ce rapprochement peut nous aider à comprendre notre propre expérience spirituelle, à la penser
comme étant toujours expérience de “sommeil” et expérience de “réveil”.
Il n’est pas rare dans nos milieux que nous évoquions le “réveil”, mais nous ne sommes pas assez attentifs au
“sommeil”. Peut-être parce que nous le ressentons comme une faute, comme un état indigne qui ne devrait
pas être ? Mais comprendre le second, suppose de s’intéresser aussi un peu au premier. Sommeil et Réveil
sont les deux temps d’une unique expérience.
Le livre des Rois présente d’abord Elie comme ce prophète courageux, audacieux, capable de défier les
puissances religieuses et les puissances politiques ; comme cet homme de foi dont la prière persévérante
obtient la pluie du ciel. Il est l’exemple du croyant fort, engagé, hardi, totalement consacré à sa vocation et
dont la conviction est inébranlable. Une sorte de “super-héros” de la foi.
Mais d’un chapitre à l’autre le voici qui passe brutalement du Carmel au désert. Une nouvelle fois sous la
menace, Elie fuit au désert, dans le doute, en proie au découragement, éprouvant un désir de mort, et
finalement sombrant en léthargie.
Personne ne lui jettera la pierre.
Qui n’a jamais éprouvé l’envie de fuir, la tentation de renoncer, de se replier sur soi, de se recroqueviller.
Chacun sait (ou saura) ce que l’on éprouve à être à nouveau confronté au mal quand on aspirait à un peu
d’apaisement. C’est profondément décourageant.
Le sommeil d’Elie est le sommeil que l’on recherche quand la crise nous submerge. Nous y plongeons alors
pour échapper à l’angoisse, à la désespérance ; pour essayer de nous soustraire à cette permanence menaçante
du mal ; à ce sentiment - Elie l’exprimera - d’une solitude face au mal : « Je suis resté moi seul ». A ce
point-là, sa vocation n’est plus rien d’autre qu’un fardeau. Alors Elie renonce et s’endort.
Cette crise nous la vivons aussi parfois vis-à-vis de nous-mêmes.
En vérité, c’est une crise d’espérance qu’il traverse. Devant la menace de Jézabel, sa présence au monde n’est,
tout à coup, plus liée au Dieu qui l’a appelé et envoyé. Il ne reste de sa vocation que son impossibilité.
En vérité, notre vocation, à tous, est toujours un fardeau, mais ce fardeau, cette charge, nous la vivons à cause
d’une espérance beaucoup plus grande.
Mais, privé de cette espérance, que l’épître aux hébreux déclare être une ancre de l’âme, Elie est à la dérive.
Sans l’espérance, la mission prophétique n’est plus qu’écrasement.
Sans l’espérance, de l’Eglise il ne reste qu’une organisation, qu’une institution, que des discours sur la foi.
Sans l’espérance, une Eglise peut être bien établie, elle a certainement gagné le monde, mais perdu son âme.
L’espérance voit ce que l’œil ne voit pas ;
L’espérance ressent ce que le sentiment ne ressent pas : là, dans nos circonstances, dans nos événements, sous
cette menace où parfois l’Evangile nous a conduits, Dieu lui-même est engagé. Christ a vaincu la mort. Il est
Seigneur.
L’espérance est la condition du témoignage vivant de l’Eglise dans le monde.
Nous savons bien aujourd’hui que les tout premiers siècles de l’Eglise, l’extension de l’Eglise dans les tout
premiers siècles, s’est faite dans les marges de l’Empire romain. A la fois les marges géographiques mais
surtout les marges sociales.
Le développement de l’Eglise s’est fait auprès d’une population pour laquelle l’intégration à l’Empire était
impossible, n’était pas voulue, n’était pas désirée ; cela ne représentait aucune espérance.
C’est encore un peu le cas aujourd’hui…Dans le développement de nos Eglises, dans les banlieues. Tout à
coup l’Evangile, hier comme aujourd’hui, représente, pour des hommes et des femmes sans espérance, ne
percevant pas leur avenir dans ce monde, l’espérance d’être, de vivre, d’être reconnu et accepté.
Cette exhortation « Voici l’heure de sortir de votre sommeil » est l’aboutissement d’une première exhortation,
celle du début du chapitre 12 : « Ne vous conformez pas au monde présent ». Ces deux chapitres (12 et 13 de
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l’épître aux Romains) concernent de façon concrète la présence de la communauté chrétienne dans la société
romaine. Il s’agit de vivre dans cette société, telle qu’elle est, sans céder à l’esprit du monde ; refuser de se
laisser entraîner par sa violence, renoncer au désir de vengeance ; rechercher la paix, en gardant la volonté du
bien et du juste ; refuser de mépriser les autorités - elles étaient très loin d’être un modèle démocratique - tout
en refusant aussi de les adorer. C’est vivre en tension entre la présence dans la société, voulue et assumée, et
la différence qui naît de l’Evangile. C’est la tension de notre témoignage.
Et bien, vivre cette tension, hier comme aujourd’hui, suppose de demeurer ancré dans cette assurance que
l’avenir de ce monde, de notre monde, est en ce Dieu qui ne l’abandonnera jamais au mal, qui n’a jamais
renoncé à l’aimer, et c’est là ce que la Croix établit.
Cette espérance Paul l’atteste ainsi : «Le salut est aujourd’hui plus proche qu’au moment où nous avons cru».
Il se dit que connaître le passé est indispensable pour comprendre le présent. Certes. Mais notre présent, pour
le vivre en témoins de l’Evangile, c’est cet avenir particulier qu’il faut “connaître” ; non l’avenir des
circonstances et des évènements, mais l’avenir de notre monde comme inséparablement lié à ce salut “plus
proche que jamais”.
Les Réveils sont des temps de vive espérance.
Cette espérance vive, qui au fil des siècles, a tenu éveillé les témoins dans les heures les plus sombres, et qui
nous tient encore éveillés aujourd’hui.
Le journal La Croix rapporte ces jours-ci l’histoire d’un égyptien, né musulman, converti au Christ par la
lecture d’un évangile, qui ces jours-ci fait appel au Haut Tribunal Administratif pour que sur sa carte
d’identité la mention “musulman” soit remplacée par celle de “chrétien”. Ne pensez-vous pas qu’il lui faut
une espérance solidement ancrée dans le Christ, pour engager cette démarche dans la conscience de toutes les
conséquences ?
En vérité, toutes les Eglises – au moins toutes les Eglises nées du protestantisme - sont nées d’audace, de
courage et de foi.
Toutes les Eglises que nos représentons se sont opposées à des puissances établies ;
Toutes nos Eglises ont bouleversé des rigidités religieuses, sociales.
Toutes nos Eglises ont obtenu par leur prière la pluie du ciel (et aujourd’hui du beau temps !).
Toutes ont accepté de payer le prix de la grâce.
Toutes, sans exception, se sont un jour allongées sous un genêt, découragées, s’interrogeant sur leur raison
d’être, se laissant gagner par l’engourdissement.
Quelle espérance nous habite, quelle espérance nous porte, quelle espérance nous fait vivre ?
Permettez-moi deux remarques : La première à propos du sommeil et la seconde à propos du réveil.
La première pour souligner dans ces deux textes, l’absence de reproche, l’absence de mépris. Je souligne cette
absence parce que certains, qui peut-être se croient debout, expriment parfois du mépris envers ceux qu’ils
jugent “endormis”. Or le mépris est toujours étranger à l’Evangile. Au début du chapitre14 de l’épître aux
Romains, ceux qui se croient réveillées, qui se croient debout, Paul les interpelle : « Mais toi, pourquoi jugestu ton frère ? Et toi, pourquoi méprises-tu ton frère ? » Et encore : « Qui es-tu pour juger un serviteur qui ne
t’appartient pas ? Qu’il tienne bon ou qu’il tombe, cela regarde son propre maître. Et il tiendra bon car le
Seigneur a le pouvoir de le faire tenir ».
Ce sommeil dit notre humanité, notre nature de “vase d’argile”, pour garder le vocabulaire de l’apôtre Paul.
Ce “vase d’argile” que demeure toute Eglise, tout serviteur, tout croyant.
Nous nous inscrivons tout simplement dans la lignée de Moïse ; relisez dans le livre des Nombres (chapitre
11) le récit du découragement de Moïse.
Relisez aussi les évangiles. Voyez à Gethsémani, les disciples qui s’endorment de tristesse, incapables de
veiller avec le Seigneur dans la nuit.
Notre chemin de vie, notre chemin spirituel, le chemin de notre service, nos chemins d’Eglise, sont toujours
sommeil et réveil.
Ma seconde remarque sera pour souligner que l’espérance nous détourne de toute mauvaise nostalgie. Il m’a
semblé quelques fois, derrière certaines aspirations au Réveil, discerner comme un refus d’être présent au
présent ; un refus de l’aujourd’hui de Dieu. La nostalgie instille le mythe d’un temps où vivre l’Evangile
aurait été facile. Cela n’a jamais été. Le Réveil n’est pas un temps où la mission devient, soudain, agréable.
Le Réveil n’est pas n’on plus un retour en arrière ; il est toujours un retour au Christ.
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Parlant un jour de nostalgie avec un ami historien, il m’a dit : « Tu sais ? L’historien n’est jamais nostalgique,
parce qu’il connaît la réalité des temps et de l’Histoire.
Devant cette tentation de la nostalgie, il vaut de relire les prophètes post-exiliques. Les années qui suivent le
retour de Babylone sont propices à la nostalgie. Elle va s’attacher en particulier à la reconstruction du Temple.
La nostalgie c’est ce qui fait que cette reconstruction n’est pas vécue comme une étape nouvelle, comme
l’occasion de revenir au cœur de l’Alliance, de se laisser interroger par Dieu. Elle est vécue comme une
tentative d’effacer la blessure de la destruction de Jérusalem et de la captivité, comme la tentation de fuir les
questions soulevées, en quelque sorte, de nier la crise. Là, le passé est idéalisé, glorifié. Il est alors stérilisé.
Or, le réveil comme aboutissement d’une crise est toujours une compréhension nouvelle de Dieu, de sa
présence, de sa volonté, dans le temps présent.
Certes, Ezéchiel, Aggée, appellent le peuple à se réveiller, à renoncer à regarder en arrière à la nostalgie d’un
mythe. Ils évoquent un temple nouveau, qui n’est pas la copie-conforme de celui de Salomon. Nouveau, « Car
le salut est plus proche de nous » ; ce temple dont Jésus dit « Détruisez-le, et en trois jours je le relèverai ».
Tout Réveil est une étape nouvelle. Tout Réveil est résurrection.
Nous avons laissé Elie endormi. Il dort encore, incapable de se réveiller, incapable de se donner vie à luimême. Voici qu’un ange le touche, pour passer du sommeil au réveil ; il faut toujours qu’un ange roule la
pierre. Voici une galette cuite sur des pierres chauffées et une cruche d’eau. Elie mange et se rendort :
profondeur de son découragement, mais aussi persévérance de Dieu : une seconde fois l’ange le touche… si
l’ange ne le touche pas, Elie ne se réveille pas. Voyez-vous en cet ange, l’annonciateur de l’Esprit saint ; de
l’Esprit qui donne vie ; de l’Esprit qui ressuscite et sans lequel nous demeurons dans notre sommeil ? On ne
comprend pas les phénomènes du Réveil sans cette reconnaissance de l’Esprit saint qui touche son Eglise
endormie.
Alors l’ange, une seconde fois le touche et lui dit : « Lève-toi, mange et bois, car autrement le chemin serait
trop long pour toi ».
Dieu connaît nos limites. Parfois nous voulons les ignorer. Combien de découragements surgissent
d’engagements multipliés, de don de soi sans ressourcement, donc de présomption ?
L’histoire d’Elie, elle commence au ravin de Kérith où Dieu le nourrissait par les corbeaux.
Recevons de Dieu le manger et le boire, car « Autrement le chemin sera trop long… ».
Elie se lève, mange et boit. Ainsi fortifié, il marche jusqu’à l’Horeb, la montagne de Dieu.
Ce n’est pas l’énergie de sa mission qu’il reçoit, mais la force d’entreprendre une marche de 40 jours et de 40
nuits jusqu’à l’Horeb ; il reçoit la force de traverser le temps de l’épreuve, de se remettre en marche vers
Dieu. Il est réveillé, renouvelé, pour rencontrer Dieu.
Cette résurrection d’Elie, par ce don de la galette et de la cruche aux échos eucharistiques, dévoile le cœur du
“Réveil”.
Le Réveil n’est pas programmatique ; il n’est pas un activisme ; il n’est pas une manière nouvelle de vivre
l’Eglise. Le Réveil est profond renouvellement de la connaissance de Dieu, profond renouvellement de la
connaissance de Jésus-Christ, de cette connaissance que nous recevons de l’Esprit.
Être réveillé, c’est se redécouvrir connu de Dieu, c’est entendre l’Esprit, attester à notre esprit que nous
sommes enfants de Dieu, et, dans cette redécouverte, se relever et marcher vers lui afin de le connaître alors
lui et la puissance de sa résurrection.
Après l’amertume de la désespérance, Elie goûte maintenant la douceur et la proximité de ce Dieu qui n’éteint
pas la mèche qui vacille. Ensuite, mais seulement ensuite, il poursuivra sa mission.
Frères et sœurs, le Réveil est une manifestation de grâce.
Dans notre nuit, Dieu nous fait la grâce de nous envoyer son Esprit afin, que nous éprouvions d’une façon
toute nouvelle, peut-être comme pour la première fois, la profondeur, la longueur, la hauteur, la largeur de
l’amour du Christ.
Alors, quand réveillés par l’Esprit, fortifiés par la galette et la cruche, nous regardons, le mal est toujours là,
mais le salut est beaucoup plus proche. Et c’est là notre espérance. Amen.
Cantique : Cantique 628 : La foi renverse, strophes 1 à 4. Recueil Arc en Ciel.
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Interview (par Danielle JEANNE) de l’historien Sébastien FATH, spécialiste du protestantisme,
chercheur au CNRS, pendant le moment de l’offrande :
DJ : Vous êtes baptiste, comme le pasteur Richard Gélin…
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SF : Oui, la présence de Richard Gélin ce matin et la présence de Ruben Saillens précédemment à
l’Assemblée du Désert en 1922, qui était aussi un pasteur baptiste, nous rappelle une chose : le baptisme ce
n’est pas que les Etats-Unis. C’est vrai que c’est là que les baptistes sont les plus nombreux, environ un
américain sur cinq (ou sur six) est baptiste aujourd’hui, ce qui est très important ; c’est plusieurs millions de
baptistes.
Ceci dit, c’est une identité protestante née avant la naissance des Etats-Unis, qui est née en Europe et qui est
aujourd’hui présente sur les cinq continents et qui dispose en France d’un ancrage historique, des racines qui
remontent à presque deux siècles d’histoire.
DJ : Comment est arrivé en France le baptisme ?
SF : Le baptisme est né en France au début du XIX ème siècle, au lendemain des guerres napoléoniennes, à
partir de groupes bibliques locaux qui ne disposaient plus de l’encadrement d’un prêtre catholique, qui se sont
réunis autour de la Bible, qui ont été visités par des missionnaires, des évangélistes, dont un qui s’appelait
Henri Pyt, qui était lui-même de conviction proche du baptisme. Et c’est donc à partir de ce terreau que les
églises baptistes ont commencé à se développer au début des années 1820 ; elles ont été ensuite à partir des
années 1830 encouragées à la fois par des baptistes britanniques et ensuite par des baptistes américains (ceuxci ont soutenu le développement du baptisme en France jusqu’au début des années 1930.
DJ : Qu’est-ce qui caractérise le baptisme ?
SF : Comme les réformés et les luthériens…les baptistes ce sont des protestants avec un ancrage calviniste
important, mais c’est vrai qu’ils ont des traits distinctifs dont on peut citer trois :
Un héritage calviniste ; ils ne sont pas du tout luthériens ;
Le baptême par immersion du converti ; c’est le point central, essentiel qui les distingue des autres ;
L’accent sur la communauté locale ; les baptistes mettent l’accent sur l’assemblée locale, seule souveraine.
On ne pourra jamais parler d’Eglise baptiste de France ou d’Eglise baptiste des Etats-Unis, il y a des églises
baptistes. Pour les baptistes, la réalité de l’Eglise c’est avant toute chose l’assemblée locale.
DJ : Quel(s) lien(s) avec ces mouvements de Réveil, qui sont le thème de cette Assemblée du Désert 2008 ?
On a choisi un pasteur baptiste pour présider le culte, un peu résonance avec ce thème…
SF : Les baptistes sont des nouveaux protestants en France, puisqu’ils n’apparaissent qu’au XIX ème siècle, ce
qui est relativement récent par rapport à l’histoire (longue) du protestantisme en France qui remonte au
XVIème siècle. Et pour se développer, ils ont eu recours à une chose : la conversion, l’évangélisation active,
par le biais des missionnaires, par le biais des sociétés spécifiques ; et donc dès le départ, l’identité baptiste
française est intrinsèquement liée à l’idée d’évangélisation et de réveil. On sait que tous les mouvements de
Réveil protestants ont mis l’accent sur l’évangélisation et ce trait-là est, effectivement, extrêmement fort dans
l’identité baptiste française.
Même, si l’on regarde plus globalement, il faut rappeler que tous les baptistes ne sont pas nécessairement
évangéliques et ils ne sont pas tous nécessairement prosélytes.
DJ : Un exemple…
SF : Par exemple, aux Etats-Unis vous avez des églises baptistes considérées comme théologiquement très
libérales, qui ne valorisent absolument pas l’évangélisation directe, l’évangélisation véhémente ; mais c’est
vrai qu’en France, les églises baptistes françaises sont toutes portées sur l’évangélisation, pour une raison
simple : elles sont relativement récentes, elles souhaitent se développer, élargir leurs assises, et elles se
retrouvent pleinement dans ce qu’on appelle le protestantisme évangélique, qui est une identité fondée sur la
conversion – on ne naît pas chrétien, on ne naît pas protestant, on le devient suite à une expérience
personnelle - .
DJ : C’est ceux que les américains appellent les « born again » ?
SF : Effectivement, c’est la thématique de la nouvelle naissance ; mais on peut rappeler à cet égard qu’on la
retrouve dans toute la tradition chrétienne, pas seulement aux Etats-Unis. On la retrouve déjà dans l’évangile
de Jean au chapitre trois, la conversation entre Jésus et Nicodème ; on la retrouve dans le démarrage du Réveil
piétiste avec la notion également de « nouvelle naissance » qui est développée par Spener dans le « Pia
desideria », et on la retrouve dans de nombreuses traditions protestantes. Ce n’est pas du tout une spécificité
des protestants évangéliques (l’accent sur la conversion).
DJ : Vous allez publier un livre sur ce que vous appelez les « églises XXL ». Pouvez-vous nous en dire un
peu plus ? Cela concerne justement, je crois, les églises évangéliques…
SF : Effectivement, on est toujours dans cette logique d’un protestantisme évangélique très militant, très
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prosélyte, qui met l’accent sur la conversion, et qui essaime considérablement dans nos banlieues aujourd’hui.
Ce phénomène m’a effectivement intéressé, ce phénomène de « méga-église », parce qu’il est relativement
récent, il est urbain, il ne peut exister sans la voiture et il représente aujourd’hui des milliers d’églises aux
Etats-Unis et on en repère au moins quatre en France métropolitaine, davantage si on tient compte des DOMTOM.
Ce sont des églises qui se caractérisent par deux éléments essentiellement : d’abord, au moins deux mille
fidèles physiquement présents chaque dimanche, ce qui est énorme, surtout pour la France ; le deuxième
point : ce sont des églises qui ne proposent pas uniquement des activités de type « cultuel », elles ne sont pas
uniquement consacrées à la prière, au culte, etc., elles mettent l’accent aussi sur d’autres activités comme la
chorale, le sport, la restauration, elles proposent des services multiples qui débordent très largement de la
sphère religieuse au sens strict.
DJ : Pour quelles raisons ?
SF : C’est tout simplement parce que nous vivons aujourd’hui dans ce qu’on appelle « la société de
consommation » ; les consommateurs sont de plus en plus exigeants, ils manquent également de temps, quand
ils se déplacent quelque part, ils souhaitent pouvoir bénéficier d’une grande variété de services. Et ces églises
évangéliques actuelles, ces « XXL », ont compris que pour « résister » aux sirènes de la société de
consommation il faut proposer, dans la sphère religieuse, un type d’offre qui répond à ces besoins multiples
de consommateurs d’aujourd’hui.
DJ : Enfin, quel(s) lien(s) la Fédération des églises évangéliques baptistes de France (FEEBF) entretient-elle
avec les églises baptistes américaines ?
SF : Il n’y a plus de lien financier direct et ce depuis longtemps (depuis le début des années 1930 il n’y a plus
de perfusion financière) ; ce sont des églises indépendantes financièrement, qui sont tout à fait indépendantes
et autonomes dans leur approche de la Bible, dans leur théologie ; mais elles maintiennent naturellement des
liens proches : des liens dénominationels, des liens fraternels avec les églises américaines. Mais il n’y a
absolument aucun lien substantiel ; ce sont des relations d’amitié entre membres d’une même communauté
protestante, mais cela ne va pas plus loin. Et il faut rappeler qu’il y a quand même de nombreuses différences
religieuses entre les baptistes français et les baptistes américains : les baptistes français boivent volontiers du
vin, ce n’est pas le cas du tout aux Etats-Unis ; par ailleurs les baptistes américains et les évangéliques
américains sont, d’une façon générale, très polarisés sur certains thèmes éthiques, je pense en particulier à
l’avortement, qui est souvent un critère de vote déterminant aux Etats-Unis, ce qui n’est pas le cas en France.
DJ : Finalement, les baptistes en France sont plus proches, sur le plan éthique, des églises réformées ?
SF : Cela dépend des églises, là encore, c’est tout le problème quand on parle du baptisme : comme chaque
église locale est autonome, il y a une grande variété de positions. On va retrouver un certain nombre d’églises
baptistes extrêmement proches des églises réformées sur les questions éthiques, on va retrouver aussi
beaucoup d’autres beaucoup plus proches de la ligne de type évangélique, plus conservatrice, plus
traditionnelle, sur les questions éthiques. Je crois que l’important c’est de rappeler qu’il n’y a pas qu’un
baptisme, il y a un débat inter-baptiste, très riche et qui est tout à fait conforme à la tradition protestante de la
diversité : il n’y a pas une église protestante, il n’y a pas un magistère, chaque chrétien est confronté à sa
responsabilité devant la Bible, et cela est très fort aussi dans les églises baptistes.
***
Fin de la retransmission sur France Culture. (Dans la célébration de cette Assemblée du Désert, la Sainte
Cène a suivi, puis une exhortation, la bénédiction et le chant final de l’Assemblée. Danielle JEANNE annonce
les conférences de l’après-midi et la table ronde qui sera enregistrée avec les conférenciers du Désert 2008 et
qui sera retransmise sur France Culture le 1er Novembre 2008 de 9h30 à 10h).
MEDITATIONS RADIODIFFUSEES - France Culture Dimanche 8h30
Fédération protestante de France Service Radio 47, rue de Clichy - 75311 PARIS Cedex 09
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