L`Amour par Mahault Albarracin

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L`Amour par Mahault Albarracin
I love you, and you , and you and… Il m’arrive de plus en plus d’avoir des conversations avec des personnes autour de moi qui tournent autour de la notion d’amour. Si l’on en croit Socrate, l’amour est a l’opposé du bonheur. Il ne peut y avoir amour que s’il y a manque et par conséquent souffrance. Lorsque le besoin est rempli, l’amour s’achève. Platon fait d’ailleurs la différence entre plusieurs types d’amoures (oui, amour, au pluriel, prend un e, comme si l’amour au féminin implique forcement une multitude contre l’amour au masculin qui se suffit dans l’unicité). La Philia ou l’appréciation pure entre deux personnes de rang égal (soit souvent 2 hommes, manifestement, les seuls capables d’un amour pure), l’éros ou la luxure, souvent pour le sexe opposé et l’agape, soit l’amour sans attente de retour (Ficin, 2002). Platon nous amène déjà une première notion de la multiplicité des amoures qu’il peut exister. Il mentionne, dans le banquet, qu’il est possible pour une même personne de ressentir ces trois types d’amoures en même temps, pour des personnes différentes évidemment, puisque certaines personnes élicitent et méritent des affections différentes (c’est à ce point que Platon cesse d’être séduisant). La partie la moins séduisante de cette définition, pour moi, est que ces sentiments soient fixés sur des partenaires particuliers ayant des descriptions spécifiques et ne sont en aucun cas liés à la personne qui les ressent en tant que tel. En effet, l’émotion, presque divine, n’utilise celui qui la ressent que comme un outil, un medium à travers laquelle exister. Kant, suivant légèrement Socrate, aurait tendance à nous dire d’éviter l’amour, et à le comprendre comme un danger. L’amour serait l’ennemi de la morale qui, selon Kant, devrait être le fondement de la vie (Kant, 1964). Au contraire, Spinoza nous offre encore une vision de l’amour comme entité entière et indépendante, mais sous un angle beaucoup plus positif. Selon lui, l’amour est la manifestation de la joie à travers le médium imparfait de l’humain (Hampshire, 1956). Beaucoup d’autres auteurs se sont penchés sur la question de l’Amour. En donnant à l’amour son entité propre, et en le sortant du contexte du personnel, on trouve que celui‐ci n’a plus besoin d’un objet. L’amour existe, qu’il se manifeste ou non. Il est omniprésent, intangible et utilise l’humain à ses fins. Je trouve que cette vision laisse la place à la possibilité que le sentiment lui‐même puisse donc se manifester de façon diffuse et imprécise et que ce serait plutôt l’humain qui lui donne une intention, qui l’encadre dans le moule limitatif d’une relation. Revenons donc à nos moutons: De plus en plus de gens me parlent d’amour et essaient de lui faire rimer fidélité. Comme si les deux mots ne pouvaient qu’aller de paire. Ils me demandent s’il est possible d’aimer plusieurs personnes à la fois. S’ils devraient en parler à leur partenaire. Si ce sentiment veut dire qu’ils sont infidèles. Si la mention de ce sentiment à leur partenaire va lui faire du mal… Je ne peux pas répondre à toutes ces questions. Tout simplement parce que je ne peux prédire l’avenir et que les réactions de chacun n’ont en réalité aucun lien avec les autres. Ce qu’une personne vit à l’intérieur d’elle n’est qu’une réaction de ce qu’elle perçoit en lien avec ce qu’elle a déjà vécu auparavant. Par exemple, il est possible d’être insulté par une phrase qui ne se veut absolument pas méchante ou malicieuse. Et il est aussi possible de ne pas du tout comprendre que quelqu’un essaie de nous faire passer un message (c’est souvent d’ailleurs ce avec lequel les gens qui utilisent des techniques passives‐agressives tentent de jouer). Je peux, par contre essayer de répondre à la première question: peut‐on aimer plusieurs personnes à la fois. Sternberg a créé un modèle de l’amour à trois dimensions. Sternberg définit avec ces 3 dimensions 7 Types d’amoures (Sternberg, & Weis, 2006). Sternberg définit d’abord les 3 dimensions comme étant l’intimité, l’engagement et la passion. Il définit l’intimité comme étant la composante affective de l’amour. Elle concerne les sentiments de proximité, d’attachement, de chaleur humaine et s’exprime par le besoin de la présence de l’autre avec lequel on se sent en communion. Elle est généralement présente dans les relations familiales et amicales. Sa définition de l’engagement est la composante motivationnelle de l’amour. Elle conduit à l’état amoureux, à l’attirance physique et à l’acte sexuel. Elle implique un niveau élevé d’activation physiologique. Et finalement, il définit la passion comme étant la composante cognitive de l’amour. Elle s’exprime à la fois dans le court terme (décision d’aimer quelqu’un) et dans le long terme (décision de maintenir cet amour). Les 7 types d’amour qui se manifestent à travers ces 3 dimensions sont: 1.
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Amitié (intimité) Engouement (passion) Amour vide (engagement) Amour romantique (intimité et passion) Amour compagnon (intimité engagement) 6. Amour fat (engagement, passion) 7. Amour consumé (engagement, passion, intimité) La psychologie moderne accepte donc qu’il est possible qu’il y ait plusieurs amoures. Peut‐on alors ressentir plusieurs types d’amoures en même temps? En y pensant quelques secondes, la réponse semble aisée. Si l’amour qui n’implique que l’intimité est appelée amitié et l’amour qui implique seulement la passion est appelé l’amour entiché, soit l’amour que l’on peut ressentir pour un partenaire avec lequel il ne s’est encore rien passé, il est facile de repenser à une situation où nous avons eu des amis et des amoureux en même temps. Il est aussi possible de penser à notre meilleur ami, soit l’engagement et l’intimité (amour complice) ayant du mal à nous partager avec notre nouvel amoureux (ou amoureuse) soit l’amour romantique (intimité et passion). La seule façon pour ces amoures de ne pas être simultanés, est s’il nous fallait oublier une personne pour en aimer une autre. Si lorsque vous êtes avec votre ami, votre attention lui appartenait au complet, et que vous oubliez votre partenaire en sa présence (et vice versa). Sommes‐nous réellement si pointu? Si spécifique? Si étroits? Nous est‐il absolument nécessaire de n’avoir en tête qu’une seule chose à la fois? Comment fait‐on alors, si toutes ces personnes se retrouvent toutes ensemble dans un seul endroit? Est‐on moins l’ami de quelqu’un lorsque l’on est l’ami de quelqu’un d’autre? Si l’on en croit Aaron Ben‐Zeév, Ph.D., il n’est même pas nécessaire d’avoir des types différents d’amoures pour aimer plusieurs personnes en même temps. La raison pour laquelle il nous semble impossible d’aimer plusieurs personnes en même temps est parce que nous investissons nos partenaires émotionnellement. L’amour coute cher, en énergie et en ressources. Qui plus est, les émotions sont basées sur une préférence. Si nous aimons, c’est que nous pouvons aussi ne pas aimer, impliquant une gradation, et donc une sélection. Si nous aimons le plus que nous pouvons, c’est que nous sélectionnons aussi de plus en plus, ce qui rend illogique l’idée que plusieurs personnes répondent aux mêmes critères. C’est illogique pour nous, car ces notions créent une dissonance cognitive entre la compréhension que l’on a de l’amour et les sentiments que l’on ressent parfois lorsque la personne que l’on aime va voir ailleurs. Nous ressentons de la douleur, mais il est impossible de l’expliquer logiquement si l’on ne prend en compte l’amour que comme une entité. Il est donc nécessaire de le rendre sujet au médium et à l’objet. Il nous est nécessaire d’ancrer notre compréhension de l’amour chez un partenaire. Cela implique que nous nous attendons en retour à de l’exclusivité pour ne pas ressentir les émotions négatives liées à nos propres insécurités. La peur du rejet n’a pas réellement de lien avec les actions de l’autre. Aimer deux personnes n’implique pas que l’on veuille rejeter l’une ou l’autre. Mais notre peur de perdre notre partenaire a besoin d’une logique pour que nous n’ayons pas de dissonance cognitive. Mahault Albarracin. Bibliographie: Ficin, M. (2002). Commentaire sur » Le Banquet » de Platon, » De l’amour »: Commentarium in Convivium Platonis, De amore. P. Laurens (Ed.). Les Belles Lettres. Hampshire, S. (1956). Spinoza. Manchester University Press. Kant, I. (1964). The Metaphysical Principles of Virtue: Part II of the Metaphysics of Morals (Vol. 85). Bobbs‐Merrill. Sternberg, R. J., & Weis, K. (Eds.). (2006).The new psychology of love. Yale University Press. http://www.psychologytoday.com/blog/in‐the‐name‐love/200803/loving‐two‐people‐the‐same‐time