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KE Lacroix Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Lacroix, KE, 1975La vie selon Dou Tome 2 - L’automne des surprises © Les Éditions de la Paix inc. et KE Lacroix Dépôt légal 3e trimestre 2014 Bibliothèque nationale du Québec Bibliothèque nationale du Canada Imprimé au Canada Maison d’édition Les Éditions de la Paix inc. Courriel : [email protected] http://www.editpaix.qc.ca Janine Perron (Courrier administratif) 412, rue Maupassant Saguenay (Québec) G7J 4P6 Tél. + télécopieur 418 690-2335 Pierre Tuinstra (Gestion Salons du livre et entrepôt) 626, rue Marquis de Vaudreuil Québec (Québec) G1K 5G1 Tél. + télécopieur 418 522-4822 Direction littéraire Gilles Côtes Révision Danielle Malenfant, La Plume Rousse Collaboratrice Comité de lecture Illustrations Mylène Villeneuve Infographie JosianneFortier.com KE Lacroix Illustrations Mylène Villeneuve Collection Transit, No 42 Pour la beauté des mots et des différences Les Éditions de la Paix s’engagent à verser un pour cent des ventes à la Fondation David Maltais. David Maltais est l’auteur du roman Cœur d’argile. www.coeurdargile.com Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition. Les Éditions de la Paix remercient le Conseil des Arts du Canada et la Sodec de l’aide accordée à leur programme de publication. Les Éditions de la Paix bénéficient également du Programme de crédit d’impôt pour l’édition de leurs livres – Gestion SODEC – du gouvernement du Québec. Pour mes trois amours : Vanessa, Ariane et mon adorable Gabryel. Malgré les années qui s’écoulent et parfois l’absence de contact, je vous aime sincèrement. Pour Tommy, Emilie, Kenny-Alexis et Chloe Jade que j’ai vus grandir et que j’adore. Mes souvenirs sont remplis de vos sourires et des beaux moments en votre présence. La vie selon Dou est inspirée de la Gaspésie adorée de KE Lacroix, petit clin d’œil à tous les Gaspésiens s’étant exilés vers les grandes villes pour travailler ou étudier. Pour que tous les gens puissent s’identifier au récit, l’auteure a changé les noms des lieux et certaines distances d’un endroit à l’autre. Dans sa liste de miracles à accomplir, elle a réalisé le premier : partager la culture gaspésienne avec le monde entier et faire sourire petits et grands avec les anecdotes attachantes de Dou Monroe ! PROLOGUE « Le navire prend d’abord forme dans la tête du maître charpentier. L’agencement des courbes, le rapport des proportions et des formes qui émergent sont concrétisés à travers une série de gabarits. » Extrait des gabarits, ancienne exposition de la Charpenterie du Site historique du Banc-de-Pêche-de-Paspébiac. J’aime cette définition, je trouve incroyable le fait que la conception d’un navire commençait sans mesure autrefois, c’était juste une image qui prenait forme dans la tête du maître charpentier. Mon gabarit à moi est ××× 9 ××× un peu compliqué. Il est en forme d’arc pour mieux faire face à la vie et me protéger des mauvais sorts. Il a également une courbe fantaisiste à son bout qui rappelle le sabre des samouraïs. Le navire que je suis est d’une beauté un peu exotique, un peu nature sauvage, et d’une ligne souple, qui le rend rapide sur les eaux mouvementées de l’existence. Je crois sincèrement que je suis une très belle embarcation avec une figure de proue attrayante. Je suis le « Dou Perfection ». — Dou, qu’est-ce que tu fais ? Oh ! Ça, c’est un marin qui vient perturber ma paisible navigation ! — Tu dessines ENCORE un bateau avec ta petite personne en figure de proue ? Ignorons cet inculte. — Tu viens de me dessiner en train de me noyer. Ce que tu es vilaine ! En fait, mon frère Steven a raison. Je ne devrais pas le dessiner en train de se noyer, mais plutôt poursuivi par un requin. Depuis ××× 10 ××× l’enfance, j’ai pris l’habitude d’exprimer tout ce que je vis à travers mes dessins. Tout ce qui m’entoure se retrouve à un moment ou à un autre dans mes croquis. C’est mon passetemps favori. Le deuxième sur ma liste, c’est la culture japonaise. Oh ! que oui ! Je n’aurais pas dû naître au Canada, mais au Japon. Je suis une fanatique des mangas (bandes dessinées d’origine japonaise), des dessins animés et des séries télévisées japonaises. Abe Hiroshi est vraiment mon acteur favori depuis que je l’ai vu dans la série Trick. Trop beau et incroyable comme acteur, ce Japonais ! Désolant qu’il ne soit pas plus connu ailleurs dans le monde, car je ne me sentirais pas si seule dans son fan-club québécois. J’écoute tout ce qui vient du Japon, sous-titré en anglais, bien sûr, car mon japonais n’est pas excellent. Je l’apprends à l’oreille, graduellement, avec le temps. Pour bien acquérir cette langue, il faudrait que je la parle avec quelqu’un régulièrement et que je connaisse la base grammaticale. C’est plus long quand on le fait à l’oreille sans aide d’aucune sorte. ××× 11 ××× C’est triste que les Asiatiques n’aient pas tous le même dialecte, car j’ai découvert récemment quelques séries sud-coréennes fabuleuses (mes frères diraient que c’est logique que ça ne vienne pas de la Corée du Nord, puisque c’est un lieu fermé au reste du monde), et les acteurs Lee Min-ho (vous adoreriez la série Faith, aussi nommée The Great doctor) et Oh Ji-ho sont à couper le souffle. Allez voir sur Internet, ça vaut le détour ! Ce n’est pas évident d’apprendre deux langues en même temps, mais je persévère ; je suis encore jeune. Personnellement, je trouve le japonais plus facile à comprendre que les autres dialectes d’Asie. Les langues asiatiques sont plus complexes que celles des Occidentaux, mais à ma grande joie, le japonais est une langue basée sur les sons et dont la prononciation est plus compréhensible pour une fille de campagne, Québécoise-Anglaise-Française, comme moi. Eh oui, je suis un sang-mêlé canadien ! Pour ceux qui ont tendance à commencer un récit par le milieu, je vous résume ce que j’ai déjà raconté à mon auditoire invisible (vous, votre voisin, votre grand-père, votre sœur ou votre copine de classe) lorsque j’ai partagé ××× 12 ××× l’histoire de l’été incroyablement farfelu et pourtant divertissant de mes quatorze ans. Je vous fais ça court pour ceux ou celles qui le savent déjà. Comme mes parents, Vanessa Chamory et Donald Monroe, sont divorcés depuis dix ans, qu’ils en font encore tout un drame, que notre père n’est pas vraiment présent pour mes frères et moi, disons que notre vie de famille n’est pas des plus sereines. À mes yeux, le lien familial n’a de sens que lorsque mes frères sont là. Steven, l’aîné, est âgé de dix-neuf ans et il travaille comme garagiste. Karl, le second, a dix-sept ans et il étudie la littérature dans un cégep à environ une heure de route de la maison. C’est la raison pour laquelle notre mère fait du covoiturage pour se rendre au travail, car elle lui a prêté sa voiture. L’essence coûte moins cher qu’un logement et tout ce qui s’en suit. D’un autre côté, cette manière d’agir permet à Karl de se passer de prêt étudiant et ainsi, de ne pas s’endetter pour vingt ans. Je ne commencerai pas à vous parler des frais d’études au Québec, c’est déprimant ! Cependant, si notre père ne payait pas les frais scolaires de mon frère, ma ××× 13 ××× mère ne pourrait pas assumer les études de celui-ci. Steven n’a pas voulu en faire. Il a terminé le secondaire, et c’était suffisant pour lui. Il a utilisé son talent en mécanique pour se trouver un emploi et il s’applique dans son métier. La petite dernière, c’est moi, Donavane Monroe. Vous comprendrez que, malgré la symbolique de mon nom qui mélange les prénoms de mes deux parents (Dona pour Donald et Vane pour Vanessa), je me fais surnommer Dou Monroe. Un surnom que j’adore pour sa simplicité et son originalité ! — Dou ? Oups, j’étais tellement concentrée sur ce que je faisais que j’en ai oublié mon frère casse-pied. — Quoi ? — Tu viens m’aider à préparer le repas ? Un coup d’œil à mon réveille-matin me fait sursauter. J’ai complètement dépassé mon temps de repos prescrit par le Livre des lois ××× 14 ××× des Dou-en-état-de-choc. Steven tire sur l’une de mes longues mèches sombres. — Karl sera là dans une heure. Tu ne veux tout de même pas qu’après ses heures de cours et deux heures de route, il prépare à manger pour tout le monde ? J’aurais pu répondre : « Pourquoi pas ? » mais ça aurait été sans-cœur et je ne le suis pas. De plus, j’adore mes frères et je ne voudrais en aucun cas les décevoir. Je me suis levée, comme poussée par un ressort. — Je m’occupe du spaghetti. Steven a grimacé un sourire : — Bien sûr, c’est tellement compliqué de faire bouillir de l’eau, puis de surveiller la cuisson des pâtes ! J’ai affiché un grand sourire innocent en réponse à cette réflexion et je me suis élancée hors de la chambre en riant. Cependant, entre vous et moi, je me dois de vous confier ce qui m’a chamboulée récemment. J’ai croisé la route d’une petite ××× 15 ××× princesse qui m’énerve sur bien des points, et après une semaine, je n’arrive toujours pas à digérer mon entrée scolaire qui a mal commencé. Dire qu’après un été haut en couleur et de belles rencontres, l’automne me paraît se présenter avec de gros nuages sombres. Puisque je ne veux pas inquiéter mes frères, je mets un point d’honneur à plaisanter, à chialer et à argumenter, bref, à être moi-même malgré mes soucis. Comme ma tante Kate le dit toujours : « Les oiseaux se cachent pour mourir, mais les humains se cachent pour souffrir. » ××× 16 ××× CHAPITRE UN MA NÉMÉSIS Loi douze du Livre des lois des Dou-en-état-de-choc : « Parfois, on peut, sans le savoir, trouver la solution à un problème qui surviendra plus tard. » ××× 17 ××× Je traîne de la patte, car je n’ai aucune envie d’aller à l’école aujourd’hui. Pourtant, mes frères et moi avons la réputation de dévorer tous les livres, toutes les informations que l’on place à notre portée. Ce trait de caractère est un héritage de tante Kate Monroe. Après la séparation, puis le divorce de nos parents, nous étions trois gamins laissés à eux-mêmes. Notre mère était déprimée, elle se sentait trahie, et c’est la sœur de notre père, une passionnée d’art et de littérature, qui a veillé sur nous durant un mois. Il a fallu un seul petit mois pour que son influence s’imprègne en nous. Lorsque Vanessa Chamory s’est considérée comme assez forte pour reprendre le flambeau familial, notre chère tante Kate est retournée sur son île d’Hawaï, et nous la voyons très rarement depuis. À Noël et pour nos anniversaires, elle nous envoie des livres, tandis que nous lui téléphonons de temps à autre, en particulier pour sa fête. C’est cette soif de connaissance qui fait que mon manque d’entrain pourrait paraître suspect, et, que je dois faire un effort. Voici ce qui s’est produit il y a exactement une semaine de cela : j’ai ××× 18 ××× rencontré la fille de Lucifer. Vous ne me croyez pas ? Attendez que je vous raconte ! C’était la première journée d’école à la polyvalente de Mertierville. Mes quatorze ans tout frais du mois de juillet me donnaient un air blasé. Mon attention entièrement retenue par l’Ave Maria pop de David Bisbal que je fredonnais tout bas (je ne parle pas espagnol, donc je fredonne l’air à défaut de connaître les paroles), et mon nez dans le numéro 20 du manga Nana (que je dévorais littéralement), n’incitaient pas les gens à m’adresser la parole. En réalité, je profitais de l’absence de mes trois meilleures amies pour terminer ma lecture. Une mèche blonde a cascadé sur ma page et j’ai levé les yeux, surprise. Une jolie jeune fille d’environ mon âge, aux yeux bleus rieurs et au sourire si lumineux que j’ai été aveuglée, venait de se pencher vers moi. J’ai reculé contre le mur et je l’ai dévisagée bêtement. Elle avait une voix mélodieuse et s’est adressée à moi comme Blanche-Neige chantant avec les oiseaux : — Bonjour ! Tu es Dou, n’est-ce pas ? ××× 19 ××× Comment cette apparition sortie d’un livre de contes connaissait-elle mon nom ? J’ai hoché la tête, et elle a dit, avec un petit rire que j’ai jugé énervant, peut-être parce qu’elle me donnait des complexes avec sa fraîcheur lumineuse : — Joseph m’a parlé de toi. Il m’a dit que tu étais sans doute la seule fille jolie de Mertierville qui adorait les bandes dessinées japonaises. Mon cœur a fait un bond dans ma poitrine, et je me suis sentie mal. Joseph DeGuise, c’est le garçon dont je me suis éprise durant l’été, celui qui est parti, celui dont je n’ai pas de nouvelles, celui que je veux absolument oublier. J’ai serré le poing sur mon livre et j’ai ainsi refermé les doigts sur l’anneau irlandais que Joseph m’a offert. Mes souvenirs ont défilé à toute allure dans ma tête. Comme il me manque, ce jeune homme qui s’entoure de mystères comme le personnage d’Usui dans le manga Kaichou wa maid-sama ! J’en avais mal à l’âme, et l’espace de quelques secondes, j’ai replongé dans un passé pas si lointain. Je me suis rappelé ma rencontre ××× 20 ×××