2.2 Le développement des partenariats locaux et la construction de
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2.2 Le développement des partenariats locaux et la construction de
2.2 Le développement des partenariats locaux et la construction de projets « Il existe dans de nombreuses actions partenariales une caractéristique de pari qui n’est certainement pas réductible à une anticipation rationnelle : un sujet peut s’engager dans un projet partenarial sans que l’intérêt de cette démarche soit flagrant […]. L’engagement peut être déterminé par ce sentiment diffus d’une obligation morale liée à la coexistence sur un même territoire ». 36 Philippe Labbé, qui évoque ici les notions de pari et d’obligation morale, considère le partenariat comme un concept-clé de la culture des missions locales. Selon lui, « le local et le partenariat ont partie et destin liés ». Pour permettre un accompagnement global des jeunes, les missions locales sont dans l’obligation de travailler au quotidien avec les services et les institutions qui, sur le territoire, sont chargés des questions d’emploi, d’information, d’orientation de formation et d’insertion sociale. Comme nous l’avons vu en première partie, les difficultés et les besoins des jeunes se sont complexifiés ; les réponses se sont diversifiées également et les cloisonnements institutionnels que décrivait Bertrand Schwartz en 1981 ne se sont pas réduits : la recherche de solutions exige nécessairement le recours à plusieurs institutions, organismes ou dispositifs et ressources externes. Les missions locales ont un rôle majeur dans la mobilisation de ses ressources externes et dans l’animation des relations partenariales. Il s’agit aussi d’innover et d’expérimenter de nouvelles réponses avec ces réseaux de partenaires sur l’ensemble des champs favorisant l’insertion des jeunes. L’article 3 de la charte de 1990 dispose que « les partenaires s’engagent, fort de leurs compétences spécifiques, à travailler ensemble pour renforcer leurs actions communes et faire évoluer l’action de chacun ». En 2008, l’ingénierie de projet et l’animation locale au service de l’insertion professionnelle et sociale des jeunes sont clairement identifiés dans la Convention Pluriannuelle d’Objectifs avec l’axe 5. Toutes les structures ne travaillent pas de la même façon en matière d’animation locale, les contextes de politique locale ou d’organisation et d’ancienneté de l’équipe jouant un rôle dans la plus ou moins grande implication dans cet axe. Dès 1999, la mission locale Sud Essonne n’ayant ni la vocation, ni les moyens humains et financiers de tout faire, elle a affiché un objectif clair de développement des partenariats et des projets. Depuis bientôt dix ans, elle a tissé des liens de partenariat nombreux sur le territoire ; il s’agissait de repérer les ressources locales dans les domaines de l’information, de la formation, de l’orientation, de l’emploi et de l’insertion sociale, d’apprendre à connaître les 36. Labbé Philippe, Les Bricoleurs de l’indicible, tome II, éditions Apogée, 2004, p 216. 85 différents intervenants et leur mode d’intervention et de créer, ou organiser et renforcer les relations de partenariat. Il s’agissait aussi, à partir de motivation et d’intérêts communs, de construire ensemble des projets innovants. Construire et animer des partenariats demande disponibilité et investissement en temps : cela représente environ 12 % du temps de travail de l’équipe. a ) Le partenariat au quotidien La connaissance mutuelle des compétences et des actions de chacun est indispensable au développement des partenariats. L’interconnaissance est en tout cas nécessaire pour consolider les relations de travail que les conseillers des missions locales entretiennent avec les autres organismes dans le cadre de l’accompagnement global des jeunes. Comme le souligne Philippe Labbé, « on trouve dans la notion de partenariat, l’altérité, c’est-à-dire la mise en relation sur la base d’une connaissance et d’une reconnaissance réciproques de l’autre en tant qu’entité (ou sujet) singulière et de plein droit ». Les missions locales et leurs partenaires ont de nombreuses occasions de rencontres et d’échanges. Les réunions de conseils d’administration, de comités de pilotage ou de commissions locales sur différents domaines permettent de travailler ensemble régulièrement ; des réunions inter équipes, entre deux ou plusieurs structures peuvent être organisées ponctuellement ou de manière régulière dans le cadre de conventions de partenariat ou de façon plus informelle. Les commissions locales d’attribution du Fonds d’Aide aux Jeunes (FAJ) animées par les conseils généraux partout en France sont des moments d’échanges entre les partenaires de l’insertion sociale. Les visites des conseillers ou les appels téléphoniques aux partenaires dans le cadre d’une orientation ou d’un suivi de jeune favorisent aussi, bien sûr, le développement de l’interconnaissance. Dans le domaine de l’emploi, les conventions « espace jeunes », signées avec l’ANPE à partir de 1995, définissent les modalités de partenariat, notamment dans le cadre de la co-traitance, c’est-à-dire du suivi conjoint des jeunes inscrits dans un programme commun 37. Les conseillers mission locale sont ainsi régulièrement en contact avec les agents de l’ANPE, et pas uniquement avec l’agent mis à disposition de la mission locale. En général, ils se concertent lorsqu’ils suivent ensemble des jeunes, ils croisent leurs informations et leurs réseaux. La mise en place en 2007 du Dossier Unique du Demandeur d’Emploi (DUDE), outil commun aux ANPE et aux missions locales, a facilité la mise en commun des systèmes informatiques. On ne peut nier cependant que des difficultés existent, que les relations sont parfois tendues, marquées 37. En 2007, la mission locale Sud Essonne a accompagné 183 jeunes dont 72 indemnisés dans le cadre de ce Projet d’Action Personnalisée pour un Nouveau Départ (PAP-ND). 86 par des incompréhensions lorsque l’agence locale de l’emploi considère la mission locale comme un sous-traitant ou inversement lorsque la mission locale considère l’agence locale comme un concurrent, incapable en outre de comprendre la complexité des situations des jeunes. Dans l’intérêt des jeunes, il est pourtant essentiel de mettre en avant la nécessité de la complémentarité et du dépassement des relations de pouvoir. À Étampes, malgré la signature de la convention espace jeunes et l’importance du travail réalisé dans le cadre de la sous-traitance, le partenariat reste à améliorer. Les relations avec les structures du réseau de l’information jeunesse (PIJ, BIJ, CIJ) sont variables selon les contextes locaux. Elles peuvent aller d’une gestion d’un BIJ par une mission locale à la mise en place de projets conjoints ou de participation à des actions ponctuelles. À Étampes, les liens étroits tissés avec le Bureau Information Jeunesse (BIJ) dès 1999 ont permis de développer des collaborations efficaces et complémentaires, probablement renforcées par le rapprochement géographique des locaux des deux organismes. Les fonctions de chacun ayant été bien intégrées par les professionnels des deux structures, les jeunes savent bien « qui fait quoi » (les jobs d’été et les stages étudiants pour le BIJ, la recherche d’un contrat d’apprentissage pour la mission locale) et les articulations permettent une prise en compte globale des besoins (« coup de pouce » financier du BIJ pour une formation d’un jeune facilitant son parcours vers l’emploi réalisé avec la mission locale). Un Espace Public Numérique (EPNE) a été mis en place conjointement de façon à accueillir l’ensemble des jeunes permettant une économie d’échelle et une meilleure synergie entre les deux structures. En matière de culture et de mobilité internationale, des projets conjoints ont également été mis en œuvre (Voir partie IV). En matière d’orientation et de liens avec l’Éducation nationale, les missions locales travaillent avec les conseillers des Centres d’Information et d’Orientation (CIO) et les Missions Générale d’Insertion (MGI) afin d’accompagner les jeunes en situation de déscolarisation précoce ou souhaitant retourner dans le système scolaire. Les relations de la mission locale Sud Essonne avec le CIO d’Étampes se sont développées progressivement depuis 1999 et sont désormais très régulières et fructueuses ; la concertation est également forte avec la coordinatrice de la MGI, notamment chaque année entre juillet et novembre, lorsqu’il convient de ne laisser aucun jeune sur le bord de la route dans une période de choix entre la fin de la scolarité et l’entrée dans la vie professionnelle. Certains jeunes peuvent notamment être orientés vers des formations spécifiques que la MGI est chargée de mettre en place. Dans le domaine social, les liens sont en général très réguliers avec les travailleurs sociaux. À Étampes, comme dans l’ensemble du département, une convention a été signée avec la maison des solidarités formalisant le travail de concertation et de partenariat avec les assistantes sociales. Des réunions 87 inter équipes ont été mises en place chaque année, permettant une meilleure connaissance de chacun, de ses fonctions et des échanges sur les thèmes de la précarité et du logement, notamment. Elles ont contribué à améliorer l’accompagnement global au quotidien et les suivis conjoints. S’agissant des aides financières, le lien est fait avec les CCAS, la CAF et les associations caritatives. Concernant la santé, les missions locales tissent des partenariats avec les organismes spécialisés ; lorsque le besoin est identifié et que le contexte le permet, elles disposent d’un personnel spécialisé, parfois d’un médecin qui réalise des consultations en interne. À Étampes, comme dans les autres missions locales de l’Essonne, des partenariats existent avec les CDPS du conseil général afin de faciliter les orientations vers les consultations médicales. De même, la convention avec le Point Accueil Ecoute Jeune (PAEJ) permet la tenue de permanences hebdomadaires d’écoute psychologique au sein de la mission locale Sud Essonne et des interactions régulières entre les conseillers et le psychologue. En matière de prévention de la délinquance, les missions locales sont en lien avec les éducateurs de prévention. En l’absence de club de prévention à Étampes jusqu’à 2008, le travail partenarial était effectué davantage avec les médiateurs de la ville et les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse. Au-delà de ces relations que les missions locales entretiennent au quotidien avec les partenaires locaux et des complémentarités qu’elles mettent en place, l’innovation et la construction de projets en commun sont nécessaires pour développer les réponses aux jeunes. b ) Les journées des métiers, dans le cadre du Réseau Public d’Insertion des Jeunes (RPIJ) À Étampes, l’un des premiers partenariats que la mission locale a contribué à construire est celui qui s’est constitué avec le Bureau Information Jeunesse (BIJ) et le Centre d’Information et d’Orientation (CIO) à partir du Réseau Public d’Insertion des Jeunes (RPIJ), créé en juin 1996 en région Île-deFrance. Ce dispositif régional est venu légitimer le rapprochement que nous avons effectué, localement, entre professionnels de l’orientation, de l’information et de l’insertion des jeunes. « Afin que chacun puisse être acteur de son devoir professionnel, l’État et la Région développeront l’accès à l’information professionnelle sur les métiers et les formations et à l’orientation sur la formation professionnelle initiale tout au long de la vie à travers […] la poursuite des initiatives prises au sein du 88 Réseau Public à l’Insertion des Jeunes, particulièrement grâce au renforcement et à la restructuration du réseau information jeunesse. » (Article 12 du contrat de Plan État-Région). Relevant de plusieurs ministères (Emploi, Éducation nationale, Jeunesse et Sports, Agriculture), ainsi que des collectivités locales (Région, Communes…), le RPIJ est l’un des rares outils de politique transversale. Il s’agit, pour les acteurs de terrain, d’élargir leurs partenariats pour améliorer la transition que vivent les jeunes entre leur sortie du système scolaire et leur entrée dans la vie professionnelle. À Étampes, le champ de l’orientation et de l’information sur les métiers apparaissait pour la mission locale, le BIJ et le CIO comme le domaine dans lequel nous pouvions construire des projets communs permettant d’enrichir nos programmes d’actions respectifs, tout en préservant les spécificités de chacun et tout en créant localement une offre de service supplémentaire. Avec des logiques propres et des compétences spécifiques (l’information jeunesse est généraliste, la mission locale a pour mission l’insertion sociale et professionnelle et le CIO est chargé de l’orientation scolaire) mais avec un objectif commun d’insertion des jeunes sur un même territoire, il y avait un intérêt évident à développer des actions partenariales. En 2000, des discussions d’abord informelles entre une conseillère du CIO d’Étampes, la responsable du PIJ et moi-même ont permis de faire naître les premières idées de journées des métiers menées conjointement. Nous avons ensuite formalisé les projets et rédigé les dossiers de réponse aux appels d’offre du RPIJ. Nous pensions que ce type d’actions était important à mener localement et en partenariat pour plusieurs raisons : tout d’abord parce que les jeunes du bassin d’Étampes ne se rendent pas dans les lieux de découverte à Paris, tels que la Cité des métiers à la Villette, le Salon de l’étudiant ou les forums de la Porte de Versailles, à cause de l’éloignement et des contraintes de mobilité ; ils ont ainsi un accès moindre aux informations et aux opportunités de rencontres avec des professionnels, pourtant essentiels pour avancer dans la construction de leur projet. Nous pensions également que ces actions pouvaient permettre une meilleure connaissance des besoins des jeunes en matière d’orientation. Ces journées conjointes permettaient aussi d’offrir ensemble des réponses aux jeunes qui ne pouvaient exister dans chacune des structures (mutualisation des moyens humains, financiers et des savoirs faire). Elles étaient un moyen de faire connaître aux jeunes les différentes structures locales, leurs spécificités et leurs champs communs d’intervention, notamment en matière d’information sur les métiers. Enfin, il nous semblait aussi que ces projets partenariaux étaient une occasion d’enrichissement de nos propres équipes, par l’apport de points de vue et de cultures différentes. 89 Depuis 2000, nous avons ainsi monté deux à trois projets communs par an sur le champ de l’orientation et la découverte des métiers. Les forums ont porté sur des domaines variés, allant des « métiers de la création » aux secteurs du sanitaire et social en passant par les travaux publics et le bâtiment, les métiers du commerce ou les espaces verts. L’ANPE a été associée à ces actions dès 2001 en apportant l’information sur les débouchés et en diffusant les offres d’emploi dans les secteurs concernés. Des améliorations ont été apportées chaque année, en fonction de l’analyse des résultats. Une réflexion collective était menée avant chaque nouvelle action pour décider des nouveaux thèmes, des nouvelles formules à mettre en place, en termes d’intervenants ou de participation des jeunes aux témoignages. Aucune convention n’a été signée entre les co-organisateurs des actions menées. Il existait un projet et des intérêts partagés ainsi que le sentiment d’une appartenance territoriale permettant de faire le lien et de dépasser les intérêts particuliers. L’énergie, la motivation et l’expérience du collectif de la part responsables étaient également une garantie de l’efficacité d’une telle démarche partenariale. Daniel Delique, directeur du CIO d’Étampes, insiste également sur l’importance de l’engagement des individus : « Tant que les personnes sont là, c’est l’existentiel mais comment on le met dans un rapport ? Quand les gens se rencontrent, c’est parce qu’il y a des visions communes ; l’approche pluridisciplinaire fait que chacun apporte sa contribution. » En mai 2008, nous apprenons que le RPIJ est peut-être amené à disparaître… aucun appel à projet n’est encore diffusé pour l’année 2008. Si ce dispositif était abandonné, pour Daniel Delique, « ce serait un appauvrissement de la contribution plurielle. Les actions concrètes en partenariat, légitimées par le RPIJ, permettent en effet d’alimenter le quotidien et la globalité de l’approche en face à face. Si le RPIJ disparaît, cela veut dire que les politiques n’y croient pas ». Le Forum de l’emploi et des métiers sur les secteurs de l’enfance et du service aux personnes Étampes, décembre 2007 Les demandes des jeunes étampois étant nombreuses en matière de formation et d’emploi dans ces domaines et particulièrement dans celui de la petite enfance, la mission locale Sud-Essonne, le Bureau Information Jeunesse, le Centre d’Information et d’Orientation ont organisé en 2007 une journée d’information sur les secteurs du para-médical, du sanitaire et social, de l’éducation, de l’animation et des personnes âgées. Ce 90