Mémoire et création au Parc de la Villette
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Mémoire et création au Parc de la Villette
..' 1/1 'CIl 1/1 oLU If) L- CI 0" Mémoire et création au Parc de la Villette Vincent Poussou CIJ "" Promenez-vous au Parc de la Villette en l'an 2000 : pour qui ne connaît pas le pa ssé des abattoirs, pour qui est né après 1975, quelles traces de cette" cité du sang" qu'a évoqué La Villette pendant un siècle? La plus évidente, cette halle dite aujourd'hui " grande ", évoq ue davantage maintenant le jazz, le hip hop, Cités-Ciné ou le Jardin Planétaire que les troupeaux de bovins qui y changeaient de mains. Au fil de la promenade - entre jeux pour enfants, vastes pelouses dévolues en été au Cinéma en plein air, petits bâtiments rouges si étranges qu'ils sont nomm és Fo lies - qui reconnaîtra l'ancienne roton de des vétérinaires, aujourd'hui li eu d'exposition, et dans le Théâtre Paris-Villette l'ancie nne Bourse? Plus difficile encore, lire dans le travail architectural d'Adrien Fainsilber - maître d'œuvre de la Cité des Sciences et de l'Industrie - la réhabilitation d'une structure destinée à abriter la nouvelle sa lle des ventes des abattoirs. Le Parc de la Vi llette, friche industrielle transformée en plus vaste parc parisien, véritable livre ouvert de l'architecture contemporaine - avec des œuvres aussi originales que la Cité de la Musique dessinée par Christia n de Porzamparc ou que les Folies dues au crayon de Bernard Tschumi - prend ainsi des faux airs de " tabula rasa". Pourtant, la mémoire y est présente; plus encore, elle y a été prise en compte. Le nouveau projet de La Villette est devenu à cet égard à travers rupture, transition et fid élité, un lieu où la création interroge l'identité individuelle et collective. >34 Rupture C'est peut être l'aspect qui frappe le plus. La rupture avait été annoncée: il fallait effacer l'image (scanda leuse à plu s d'un titre) des abattoirs. Un lieu futuri ste, prototype d 'un nouveau concept de " parc cu lturel urbain ", modèle pour le XXIe siècle, devait naître. Lieu d'utopie, pour de nouveaux liens entre loisirs et cu lture, entre arts et science, entre Paris et banlieue. Initié en 1979 autour d'un projet de mu sée des Sciences voulu par Valéry Giscard d'Estaing et co nfié à Paul Delouvrier, le réa ménagement de La Villette prit une nouvelle dimension avec des moyen s accrus - quand il fut intégré au programme des" grands travaux" de François Mitterrand. Un programme ambitieux fut élaboré, un concours international d'architecture s'ouvrit à plu s de 300 projets. Le lauréat, Bernard Tschumi, convoqua Lacan, Foucault et Deleuze afin de mettre l'avant-garde au service d'une vocation culturelle et socia le. Si les émanation s conceptuelles du projet purent - en leur t emps - faire craindre le pire, force est aujou rd 'hui de consta ter son efficacité pour relier les formes les plu s contemporaines à l'héritage du passé. Fidélité Constitué de va stes pelouses, de jardins égrenés au long d'une promenade sinueuse, de deux li gnes de circulation perpendiculaires et d'une trame de 25 Folie s, le parc de Bernard Tschumi tisse un paysage nouveau autour de co nstructions di sparates. Mais la mémoire des lieux reste présente à la fOiS dans ce paysage et dans les bâtiments. Même façonné selon un dessin original, l'espace reste structuré par des éléments fondamentaux qui exis taient du temps des abattoirs : les ca naux Saint-Martin et de l'Ourcq, les boulevards des maréchaux et périphérique, sont révélés par un aménagement qui a privilégié la planéité du terrain par rapport à la création de dénivelés. Quant aux bâtiments, la plupart de ceux qui ont survécu au temps des abattoirs ont vu leur destination changer. Leur toponymie actuelle révèle cependant encore leur histoire: grande halle (an cienne halle aux bœufs transform ée en lieu de spectacles et d'expositions), pavillon du charo lais (hébergeant le Théâtre International de Langue Française). Le pavillon Janvier, du nom de l'architecte des abattoirs, abritait l'a dministration de ce ux-ci ; il abrite aujourd'hui ce ll e de l'Etablissement Public du Parc et de la Grande Halle de la Vi llette, chargé de la gestion et de la programmation du parc. Transition Si les activités de cette in stitution publique ont manifesté elles aussi un esprit de rupture, lié à la mise en œuvre d'un projet culturel nouveau, . elles ne s'en so nt pa s moins inscrites dans une continuité avec des initiatives anciennes et la nécess ité de prendre en compte la charge affective de la vocation passée du territoire. A cette nécessité a correspondu durant des années la présence d'un centre de ressources sur 1/1 ..,n o 1/1 !D1/1 I.hi stoire du quartier, également lieu d 'exp osition, situ é dans l'a ncienne rot ond e des vétérin aires . L'obj ec tif défini ét ait de favoriser l'acceptati on du nouvea u projet par les habitants qui ava ient connu la " cité du sang " . Ce nouvea u projet avait, quant à lui, été préparé avec l'accueil d'activités cu lturel les par l'administration des aba ttoirs, au temps où ceux-ci éta ient déjà en déshérence et où leurs responsa bles voulai ent changer l'image du lieu. C'est ainsi qu'avant la con stru ct ion du Zénith, des concerts de rock se tenaient déj à à La Villette. Plus ta rd, quand la con stru cti on du parc co mmença, des act ion s culture lles impliquant les habitants du quartier furent éga lement org anisées : ateliers, ca rnava ls avec les écoles ... On retrouve dès cette époque deux axes qui allaient s'épan ouir dans les activités actu elles : le travail avec les quart iers, et l'att ention portée aux arts populaires. Création Où se situe aujourd'hui la mémoire, ou plutôt le travail de mémoire - pour reprendre l'expression de Paul Ricoeur dans les créations culturelles et arti stiqu es initiées par le Parc de la Vi llette ? Parton s, pour abord er cette question, de l'exemple le plus évident : en 1998 fut organi sée par La Villette une exposition justement intitulée" 19 14- 1998 : le tra va il de mémoire " sur les guerres, massacres et génocid es qui ont marqué notre siècle. Cette exposition de photographies et d'œuvres plastiqu es visait ce rtes à favori ser le trava il de mémoire chez le vi siteur, mais interrogeait éga le- ment le rôle de l'art dans ce travail. Une étude auprès de plusieurs groupe s d'élèves, plusieurs mois après la vi site de l'exposi ti on, mont ra que les plus touchés furent ceux qui, dans des quartiers difficiles, viva ient au quotidien les situations de raci sme et de vio lence : la ca pacité au trava il de m émoire s'ancrait chez eux sur la mémoire de l'exclusion. C'est également porteurs de cette mémoire et de la ra ge à l'exprim er que les jeunes dan seurs de hip hop se propulsent sur le devant de la scène nombreux sont les spectacles présentés lor s des Rencontres des Cultures Urbaines qui évoqu ent l'humiliati on et la révo lte, et fusionn ent dans de nou velles form es ar tis ti ques cultu r es actuelles et cu ltures hér it ées. Par le mouvement encore, comme Si l'urgen ce à dire ne trouvait pas ses mots, les j eunes arti st es de cirque contemporain présentés à La Villette utilisent de manière renouvelée le langage traditionnel du cirque pour exprim er une présen ce au mond e qui ne peut se satisfaire des norm es exista nt es. Recréation Si le Parc de la Villett e se qualifie aujourd 'hui de " laboratoire ", c'est ce r ta inement en rai son de cette ca pacité assumée à s'ouvrir sans a priori au x recher ches artistiqu es, esthétiq ues, culturelles qui émerge nt d'une société conna issa nt des process us de transformation rapid e, au sein de laquelle la dialectique de la création et de la mémoire rej oint celle de l'identité individuelle et collective. Aussi, n 'est -ce pa s un hasa rd si les futures expositi ons de La Villette abord ent, à travers les cas précis des co mmun autés mali ennes d'une part, et indiennes du Mexique d'autre part, les questions compl exes d'identit é culturelle dans un cont exte de mondiali sa tion. Ap rès s'être attaché à présenter plusieurs cultures t radition nelles menacées - navajo, t ibétain e, aborigène - le point de v ue va s'attacher cette fois à remettre en question la demande d'authenticité d'un ce rtain r ega rd occid ental, pour décrire les modalités et dynamiqu es de recréa ti on culturelle des sociét és. Vincent Poussou Con t ac t s - Vincent Poussou, directeur de la communication et des publics t el: 01 40 03 7485 / fax : 01 40 03 75 12 e-mail : vince nt.poussou @li bertysurf.fr - Christin e Millot, Chargée des relations avec le milieu scolaire tel: 01 40 03 77 68 / fax : 01 40 03 75 06 p arcv i [email protected]