fibre verre epoxy

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fibre verre epoxy
copyright C 1998, Institut Français du Pétrole
CALCUL DES PROPRIÉTÉS
ÉLASTIQUES DES TISSUS UTILISÉS
DANS LES MATÉRIAUX
COMPOSITES
Les renforts textiles s’imposent dès qu’il faut réaliser des structures
massives ou complexes en matériaux composites, comme certains
raccords et jonctions de tubes, des panneaux d’habitation légère,
des carters de protection de têtes de puits en fond de mer, etc.
F. DAL MASO et J. MÉZIÈRE
Institut français du pétrole1
Cet article expose les caractéristiques générales d'un renfort
textile, puis différentes approches micromécaniques analytiques
représentant les tissus à tissage bidimensionnel sont présentées.
En partant du plus simple et en allant vers le plus complexe, ces
modèles sont l’analogie à un stratifié [0°/90°], la mosaïque en série
et en parallèle, les ondulations 1D et les ondulations 2D sérieparallèle et parallèle-série. Toutes ces approches sont fondées sur
la théorie mécanique des stratifiés.
En analysant les résultats d’applications numériques de ces
modèles et les résultats expérimentaux, on constate que les
modèles des ondulations en 2D procurent les meilleures valeurs
estimées des modules élastiques. Les autres modèles n’indiquent
que des ordres de grandeurs.
COMPUTATION OF ELASTIC PROPERTIES OF FABRICS
USED IN COMPOSITE MATERIALS
Woven fabric reinforcements are irreplaceable from the moment
that heavy or complex composite structures should be manufactured,
such as some pipe connections or flanges, light panels for housing,
subsea well head protection panels, etc.
In this paper overall characteristics of woven fabrics are described,
followed by the review of different micromechanical analytical
approaches. Starting with the simplest and continueing with the
more complex, these models are: the analogy with a [0°/90°] laminate,
the series and parallel mosaic models, the 1D fiber undulation
model, and the 2D series-parallel and parallel-series fiber undulation
models. All these approaches are based on the classical laminated
plate theory.
Analyzing the results of numerical applications of the models and
experimental results, one can notice that both 2D fiber undulation
models give the best estimated values for elastic moduli. The other
provide a rough estimate of moduli only.
CÁLCULO DE LAS PROPIEDADES ELÁSTICAS DE LOS
TEJIDOS UTILIZADOS EN LOS MATERIALES
COMPUESTOS
El empleo de los refuerzos textiles se impone a partir del momento
en que es preciso obtener de materiales compuestos compactos o
(1) 1 et 4, avenue de Bois-Préau
92852 Rueil-Malmaison Cedex - France
REVUE DE L’INSTITUT FRANÇAIS DU PÉTROLE
VOL. 53, N° 6, NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1998
857
CALCUL DES PROPRIÉTÉS ÉLASTIQUES DES TISSUS
UTILISÉS DANS LES MATÉRIAUX COMPOSITES
INTRODUCTION
complejos, como ocurre con ciertos racores y empalmes de tubos,
de paneles de viviendas ligeras o de cárteres de protección de
cabezas de pozo en el fondo del mar.
Se presentan en este artículo las características generales de un
refuerzo textil, así como diversos enfoques micromecánicos analíticos que representan los tejidos de tejido bidimensional.
Partiendo del más sencillo y llegando al más complejo, estos
modelos corresponden a la analogía de un estratificado [0°/90°], el
mosaico en serie y en paralelo, las ondulaciones 1D y las ondulaciones 2D serie-paralelo y paralelo-serie. Todos estos enfoques
se fundan en la teoría mecánica de los estratificados.
Al analizar los resultados de aplicaciones digitales de estos modelos
y los resultados experimentales, se puede comprobar que los
modelos de las ondulaciones en 2D procuran los mejores valores
evaluados de los módulos elásticos. Los demás modelos únicamente indican las magnitudes.
Le choix d’un renfort et d’une matrice pour la fabrication d’une structure en matériau composite procède
d’une analyse technico-économique complète. Dans
certains cas, un renfort textile (tissus, satin, etc.) s’impose pour obtenir une bonne résistance à l’impact et au
flambement, ou parce qu’il procure des propriétés plus
équilibrées que les renforts unidirectionnels. Par
ailleurs, la manipulation des renforts textiles est plus
facile, grâce au maintien des fibres par le tissage et à
une plus grande drapabilité. Ce sont donc les renforts
de choix pour la fabrication de panneaux et de structures de grandes dimensions (carters de protection, de
têtes de puits en fond de mer, cellules de vie sur plateforme) ou de pièces dont la forme est complexe (raccords et jonctions de tubes). Ces avantages sont au prix
d’une rigidité et d’une résistance à la rupture plus faibles
en raison de l’ondulation des fils, et d’un coût plus
élevé qu’un ruban unidirectionnel.
Un certain nombre de paramètres interviennent dans
la description des renforts textiles comme les caractéristiques des fibres, la densité de fils dans le tissu, le
titre des fils et l’armure choisie. Des modèles sont donc
nécessaires pour étudier les effets de différents paramètres sur le comportement de tels matériaux et sélectionner un tissu efficace.
Cet article rappelle les caractéristiques générales
d’un renfort textile et présente ensuite les différentes
approches micromécaniques analytiques représentant
les tissus. En conclusion, les résultats des modèles sont
comparés aux valeurs expérimentales pour quelques
exemples caractéristiques.
1 CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES
D’UN RENFORT TEXTILE
Le vocabulaire employé pour décrire les renforts textiles techniques dérive directement de celui des tisseurs
traditionnels. De plus, chaque technologie de fabrication entraîne la création de nouveaux mots spécifiques.
Dans cet article, la plupart des termes choisis sont génériques ou se rapportent aux fibres de verre, qui restent
de loin les fibres les plus utilisées. Les termes anglais
correspondants sont indiqués entre parenthèses.
1.1 Les fils de renfort
Une fibre (fiber) est le terme générique qui désigne
tout matériau filamenteux. Un filament (filament) est
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CALCUL DES PROPRIÉTÉS ÉLASTIQUES DES TISSUS
UTILISÉS DANS LES MATÉRIAUX COMPOSITES
l’unité de base de tout renfort textile. Dans le cas du
verre, les filaments sont obtenus par filage au travers
d’une filière. Le diamètre courant d’un filament peut
aller de 5 à 15 µm. Les filaments en sortie de filière
peuvent être ensimés et groupés pour former un brin
(strand, end, sliver). Un type particulier de brin est le
silionne (split strand) qui est un groupement de 102,
204 ou 408 filaments. Plusieurs brins peuvent ensuite
être assemblés sans torsion, pour former un roving ou
une mèche (roving, tow) ou en les torsadant légèrement,
pour former un fil à fin de tissage (yarn). En règle générale, un roving comporte plus de brins qu’un fil et
conduit à des tissus plus grossiers. De plus, bien que
théoriquement non torsadés, les filaments d’un roving
subissent toujours une certaine torsion et s’entrecroisent.
Leur résistance mécanique en est diminuée, pour ne
retenir le plus souvent que 50 % de leur valeur initiale.
Un monofilament (monofilament) est un filament suffisamment souple et résistant pour pouvoir directement
être tissé. Le titre (linear density) d’un fil ou d’un
roving indique sa masse par unité de longueur. Souvent,
ce titre est exprimé en tex (tex), qui correspond à la
masse en grammes d’un fil ou roving d’une longueur de
1000 mètres, ou en denier (denier) pour une longueur
de 9000 mètres.
Les tableaux 1A et 1B résument quelques propriétés
des fibres les plus courantes. Il met en évidence que les
performances mécaniques sont fortement anisotropes
en dehors des fibres de verre. Cela provient d’une structure moléculaire très orientée.
TABLEAU 1A
Propriétés de quelques fibres organiques
Properties of various organic fibers
ρ
EL
ET
σrL
σrT
εrL
αL
(g/cm )
(GPa)
(GPa)
(MPa)
(MPa)
(%)
(10 K )
(10-6 K-1)
Polyaramide HM
1,45
120
2,5
2900
60
1,9
-2
60
Polyamide 6,6 HT
1,14
6
960
20
Polyester HT
1,38
14
970
16
36
Polyéthylène HT
0,97
90
2700
3,5
-12
Polypropylène HT
0,92
7
740
15,5
Fibres
3
-6
αT
-1
TABLEAU 1B
Propriétés de quelques fibres inorganiques
Properties of various inorganic fibers
ρ
EL
ET
σrL
σrT
εrL
αL
(g/cm )
(GPa)
(GPa)
(MPa)
(MPa)
(%)
(10 K )
(10-6 K-1)
Carbone HM
1,81
392
0,7
-0,8
20
Carbone HT
1,81
230
6
3500
2730
1,5
-0,2
20
Carbure
de silicium
2,55
200
26,5
2900
6730
1,5
Verre E (standard)
2,60
73
68
2500
2730
3,5
5
5
Verre R (haute
résistance
mécanique)
2,53
86
Fibres
3
2700
3300
-6
αT
-1
3,3
εr allongement à la rupture
α coefficient de dilatation thermique ; les indices L
et T réfèrent aux directions longitudinale et
transverse à la fibre respectivement.
Avec :
ρ masse volumique
E module
σr contrainte de rupture
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CALCUL DES PROPRIÉTÉS ÉLASTIQUES DES TISSUS
UTILISÉS DANS LES MATÉRIAUX COMPOSITES
Dans les toiles ou taffetas (plain weave fabrics), les
fils de chaîne et de trame s’entrecroisent alternativement (nc = nt = 2). Ce sont les tissus les plus rigides et
les plus stables, du fait du maintien latéral maximum
des fibres. Parce qu’ils manquent de flexibilité, ils sont
surtout utilisés pour des structures planes ou de formes
peu complexes. Les propriétés mécaniques des taffetas
sont égales dans les directions chaîne et trame.
Dans les satins (satin weave fabrics), un fil de chaîne
passe au-dessus de plusieurs fils de trame successifs
puis en dessous d’un fil de trame en suivant un schéma
irrégulier. Dans ces tissus, nt = nc ≥ 4. Les satins sont
les tissus les plus souples et les plus déformables ; ils
sont donc très utilisés pour réaliser des pièces complexes. Les satins standard pour les matériaux composites sont les satins 5 et 8.
Les sergés (twill weave fabrics) sont intermédiaires
des taffetas et des satins. Un fil de chaîne passe sous
plusieurs fils de trame successifs puis au-dessus d’un fil
de trame, en suivant un schéma régulier. Ce type d’armure produit un motif diagonal. Ces tissus sont à la fois
denses et souples. La figure 1 illustre ces différents
types d’armure.
1.2 L’architecture textile de renforcement
Il existe une vaste variété d’architectures textiles, de
la plus simple (monofilament utilisé seul) à la plus
complexe (nid-d’abeilles, tissage multiaxial, etc.).
Le tableau 2 présente les différentes organisations
possibles, en fonction de la position des fibres dans le
plan de tissage (axe) et dans l’espace (dimension).
Dans la suite de cette note, seuls les tissus (architecture plane et tissage biaxial) seront considérés.
Un tissu (woven fabric, cloth) est un assemblage de
monofilaments, de fils ou de rovings, réalisé sur un
métier à tisser. Il est constitué :
– de fils de chaîne (warp), i.e. les fils parallèles à la
longueur du tissu ;
– de fils de trame (fill, weft, woof), i.e. les fils perpendiculaires à la longueur du tissu.
Les tissus diffèrent par le type de fibres utilisées (filaments, fils, rovings) et par le type d’armur (weaving
pattern), c’est-à-dire le mode d’entrecroisement des
fibres. Pour les définir, deux chiffres sont utilisés : nc, qui
indique qu’un fil de trame est entrecroisé avec chaque
nc-ième fil de chaîne, et nt, précisant qu’un fil de chaîne
est entrecroisé avec chaque nt-ième fil de trame. On
trouve surtout comme tissus techniques, les tissus unidirectionnels, les taffetas, les satins et les sergés.
Les tissus unidirectionnels (unidirectional fabrics)
sont essentiellement unidirectionnels, comme leur
nom l’indique. Dans ces tissus, les fibres sont orientées
dans la direction chaîne et maintenues en position par
quelques fibres de trame non renforçantes, qui passent
régulièrement au-dessus et au-dessous de la chaîne.
1.3 Caractéristiques comparées des
tissus et des rubans unidirectionnels
Pour décider du choix d’un tissu à tissage bidirectionnel ou d’un ruban unidirectionnel pour une application donnée, il faut tenir compte des avantages et inconvénients particuliers de ces renforts.
TABLEAU 2
Les différentes architectures textiles
Possible textile architectures
Axe
Dimension
0
Non axial
1D
1
Monoaxial
2
Biaxial
3
Triaxial
4 et plus
Multiaxial
Monofilaments,
fils, rovings
2D
Mats à fibres
coupées ou fils
continus
Nappe
unidirectionnelle
Tissus
Tissage
triaxial
Tissu, tricot
multiaxiaux
3D
Éléments linaires
Mats 3D à fibres
coupées ou fils
continus
Tresse 3D
Tissage
multicouche
Tissage
triaxial 3D
Tissage
multiaxial 3D
Stratifiés
Poutres en I
Nid-d’abeilles
3D
Élements plans
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CALCUL DES PROPRIÉTÉS ÉLASTIQUES DES TISSUS
UTILISÉS DANS LES MATÉRIAUX COMPOSITES
chaîne
,,,,,,
yyyyyy
trame
,,,,,,
yyyyyy
,,,,,,
yyyyyy
,,,,,,
yyyyyy
,,,,,
yyyyy
,,,,,,yyyyy
yyyyyy
,,,,,,
yyyyyy
,,,,,,
,,,,,yyyyyy
,,,,,,
yyyyyy
,,,,,,yyyyy
yyyyyy
,,,,,yyyyyy
,,,,,,
,,,,,,
yyyyyy
,,,,,,
yyyyyy
,,,,,,
yyyyyy
,,,,,,
yyyyyy
yyyyyyyyyy
,,,,,,,,,,
,,,,,,,,,,
yyyyyyyyyy
,,,,,,
yyyyyy
,,,,,,,,,,,
yyyyyyyyyyy
,,,,,,
yyyyyy
,,,,,,,,,,
yyyyyyyyyy
,,,,,,,,,,,
yyyyyyyyyyy
,,,,,,,,,,,
yyyyyyyyyyy
yyyyyyyyyyy
,,,,,,,,,,,
,,,,,,
yyyyyy
yyyyyyyyyyy
,,,,,,,,,,,
,,,,,,,,,,,
yyyyyyyyyyy
,,,,,,,,,,
yyyyyyyyyy
,,,,,
yyyyy
yyyyyy
,,,,,,
,,,,,yyyyyy
,,,,,,yyyyy
yyyyyy
,,,,,,
,,,,,,,,,,
yyyyyyyyyy
,,,,,,
yyyyyy
,,,,,,
yyyyyy
,,,,,,
yyyyyy
,,,,,
yyyyy
,,,,,,
yyyyyy
,,,,,,
yyyyyy
,,,,,
yyyyy
,,,,,,
yyyyyy
,,,,,
yyyyy
,,,,,,
yyyyyy
,,,,,,,,,,
yyyyyyyyyy
,,,,,,
yyyyyy
,,,,,,
yyyyyy
,,,,,,
yyyyyy
,,,,,,
yyyyyy
yyyyyyyyyy
,,,,,,,,,,
,,,,,,,,,,
yyyyyyyyyy
,,,,,,
yyyyyy
,,,,,,
yyyyyy
,,,,,,,,,,
yyyyyyyyyy
,,,,,,
yyyyyy
,,,,,,
yyyyyy
,,,,,
yyyyy
,,,,,
yyyyy
Satin 5
nc = nt = 5
Sergé 2,2
nc = nt = 3
Taffetas ou toile
nc = nt = 2
,,,,,
yyyyy
Figure 1
Armures courantes dans l’industrie des composites.
Usual weaving patterns used in the composite industry.
2.1.1 Hypothèses de calcul
Ainsi, on préfèrera un tissu en raison des avantages
suivants :
– meilleure résistance au délaminage ;
– tolérance à l’endommagement grâce au tissage des
fibres ;
– épaisseur régulière grâce au maintien latéral des
fibres ;
– propriétés mécaniques dans le sens transverse ;
– drapabilité.
Mais les tissus présentent les inconvénients suivants :
– rigidité et résistance mécanique diminuées dans le
plan du tissu ;
– fraction volumique de fibres réduite dans le composite;
– gauchissement des structures minces dans certains
cas ;
– coût plus élevé (opération de tissage).
– Les structures sont limitées à des plaques ou coques
minces, formées d’une combinaison de plis
unidirectionnels assemblés par cuisson en un seul
ensemble, le stratifié. Les interfaces fibres/matrice
sont supposées parfaites et ne sont pas considérées
dans les calculs. L’épaisseur du stratifié est petite
comparée à ses autres dimensions.
– La plaque ou coque est considérée infinie dans les
deux directions du plan x et y. Les effets de bord, de
raidisseurs, de trous sont ignorés.
– Les déformations sont petites ; les lois de l’élasticité
s’appliquent.
– Les normales au plan de la plaque ou de la coque
avant déformation restent normales au plan après
déformation.
– Les efforts appliqués ne résultent que de contraintes et
de moments dans le plan de la plaque ou de la coque.
On se place dans l’hypothèse des contraintes planes.
2 CALCUL DES PROPRIÉTÉS ÉLASTIQUES
DES TISSUS
2.1.2 Lois de comportement
2.1 Rappels de la théorie classique
des stratifiés
Le champ de déformation {ε} peut être écrit, en
tenant compte des hypothèses, sous la forme suivante :
La théorie classique des stratifiés est utilisée dans la
plupart des modèles décrivant le comportement mécanique des tissus. Quelques équations fondamentales de
cette théorie, ainsi que les hypothèses de calculs, sont
donc rappelées avant d’exposer ces modèles.
ε xx = ε 0xx + z ⋅ κ xx
ε yy = ε 0yy + z ⋅ κ yy
2 ⋅ ε xy = 2 ⋅ ε 0xy + 2 ⋅ z ⋅ κ xy
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(1)
CALCUL DES PROPRIÉTÉS ÉLASTIQUES DES TISSUS
UTILISÉS DANS LES MATÉRIAUX COMPOSITES
[Q]i, et de l’angle θ entre l’axe des fibres et l’axe
principal du stratifié, comme l’indiquent les équations
suivantes :
ou sous forme condensée :
(2)
{ε} = {ε 0 } + z ⋅ {κ}
[Q ] = [ T ] ⋅ [Q] ⋅ [ T ] T
Cette relation indique que les déformations sont
égales aux déformations au centre du stratifié {ε0} plus
une courbure {κ} mulipliée par la distance au centre du
stratifié. L’origine de l’axe z est placée par convention
au centre du stratifié.
Par commodité, on utilise les résultantes des
contraintes et des moments plutôt que les contraintes
directes en théorie des stratifiés. Les résultantes des
contraintes {N} et des moments {M} sont définies
comme :
avec :
 cos 2 θ
sin 2 θ
−2 ⋅ cosθ ⋅ sinθ


2
2
[T ] =  sin θ
cos θ
2 ⋅ cosθ ⋅ sinθ 
cosθ ⋅ sinθ − cosθ ⋅ sinθ cos 2 θ − sin 2 θ 


E11

1 − υ .υ
12 21


υ .E
[Q] =  12 22
1 − υ12 .υ 21


0


h
{N} = ∫ {σ} ⋅ dz
−h
et :
(3)
h
{M} = ∫ {σ} ⋅ z ⋅ dz
−h
E xx =
Gxy
{N} = [ A]{ε 0 } + [ B]{κ}
(4)
∑ [Q ] .(z − z
i =1
i
1
[ B] = ⋅
2
∑ [Q ] .(z
1
[ D] = ⋅
3
∑ [Q ] .(z
k
i =1
i
2
i
k
i =1
i
3
i
i −1
E22
1 − υ12 .υ 21
0
0
G12
(7)
2
A11 A22 − A12
2 h ⋅ A22
A
= 66
2h
ν xy =
E yy =
A12
A22
2
A11 A22 − A12
2h ⋅ A11
ν yx =
(8)
A12
A11
2.2 Analogie à un stratifié [0°/90°]
k
i
0










Après ce rappel de la théorie des stratifiés, les différents modèles micromécaniques analytiques des tissus
sont exposés ci-après.
Ces trois matrices s’expriment par :
[ A] =
υ12 .E22
1 − υ12 .υ 21
Dans le cas particulier des stratifiés à empilement
symétrique, le couplage membrane-courbure disparaît ;
la matrice [B] est nulle et les constantes élastiques du
stratifié homogène équivalent sont alors :
pour lesquelles les intégrations sont réalisées sur
l’épaisseur 2h du stratifié.
En utilisant la loi de l’élasticité et le fait que l’intégrale peut être remplacée par une somme sur le nombre
de plis k du stratifié, on peut introduire trois matrices
[A], [B] et [D], respectivement les matrices de rigidité
en membrane, de couplage membrane-courbure et de
courbure, telles que :
{M} = [ B]{ε 0 } + [ D]{κ}
(6)
)
−z )
2
i −1
L'analogie à un stratifié [0°/90°] a été proposée par
Halpin. Elle consiste à considérer le tissu comme un
stratifié constitué de deux couches (fig. 2) :
– la première orientée à 0° et représentant la chaîne ;
– la seconde orientée à 90° et représentant la trame.
Les épaisseurs respectives de ces couches sont proportionnelles à la fraction volumique des fibres dans
chaque direction (chaîne et trame).
Le comportement élastique de chaque couche est
décrit par des constantes élastisques qui lui sont
propres.
(5)
− zi3−1 )
où zi et zi-1 représentent les cotes haute et basse du pli i.
Les matrices de rigidités de chaque pli, [Q ], sont
calculées à partir des constantes élastiques des plis
dans leurs axes principaux (axes d’orthotropie),
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862
CALCUL DES PROPRIÉTÉS ÉLASTIQUES DES TISSUS
UTILISÉS DANS LES MATÉRIAUX COMPOSITES
Figure 2
Il faut noter que les pavés ont des longueurs
différentes dans le cas des satins (fig. 3).
Le calcul des propriétés du tissu en deux dimensions
est simplifié en considérant deux modèles à une dimension, à savoir, le modèle en parallèle et le modèle en
série (par rapport à l’axe considéré), qui vont fournir les
bornes basse et haute des constantes élastiques.
La figure 4 illustre ces deux dispositions, pour le
calcul des propriétés le long de l’axe x.
Modélisation d’un satin 5 par un stratifié [0°/90°].
Modeling of a 5 satin weave fabric by a [0°/90°] laminate.
2.3.1 Cas en parallèle
trame = pli à 90°
chaîne = pli à 0°
Dans ce modèle, on considère un niveau moyen
uniforme de la déformation et de la courbure dans
tout le tissu (hypothèse d’isodéformation). La contrainte
moyenne en membrane selon l’axe x peut alors s’exprimer par :
Ce modèle, par nature, conduit à un empilement non
symétrique. La matrice [B] de couplage membranecourbure est non nulle et le tissu est donc sujet à
gauchissement sous l’action de contraintes planes.
Expérimentalement, ce phénomène est rarement
observé. En fait, ce modèle ne peut être exploité qu’au
travers de la matrice de rigidité en membrane [A].
Nx =
a
n.a

1 
90 / 0
N
d
y
+
N x0 / 90 dy
x

n.a  0

a
∫
∫
(9)
où les exposants 0/90 et 90/0 réfèrent respectivement
aux pavés [0°/90°] et [90°/0°].
Les épaisseurs des plis à 0° et à 90° sont considérées
égales dans un premier temps.
En développant l’équation (9) suivant la théorie des
stratifiés, supposée applicable à chacun des pavés de
taille finie, il est possible d’écrire :
2.3 Modèle en mosaïque
Dans ce modèle, le premier d’Ishikawa et Chou
(1981), l’ondulation des fibres est négligée et les fibres
sont supposées discontinues. À partir de ces hypothèses, le tissu est discrétisé en un ensemble de pavés,
constitués de deux plis croisés asymétriques [0°/90°] et
[90°/0°].
2
(10)
N x = A110/ 90 ⋅ ε xx + A120/ 90 ⋅ ε yy + 1 −  ⋅ B110/ 90 ⋅ κ xx
 n
trame
y
n.a
a
y
chaîne
x
x
Modèle en parallèle
Modèle en série
Figure 3
Figure 4
Modélisation d’un satin 5 par une mosaïque de plis
asymétriques [0°/90°] et [90°/0°].
Modeling of a satin weave fabric by a mosaic of [0°/90°]
and [90°/0°] asymetric plies.
Dispositions en parallèle et en série du modèle en mosaïque
(les n unités de la mosaïque ont une largeur a).
Parallel and series configurations of the mosaic model
(a: width of the n base units of the mosaic).
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863
CALCUL DES PROPRIÉTÉS ÉLASTIQUES DES TISSUS
UTILISÉS DANS LES MATÉRIAUX COMPOSITES
Les autres composantes de la résultante des
contraintes et la résultante des moments sont déterminées en suivant le même raisonnement.
On en déduit finalement les matrices, A , B et D
du tissu :
[ ][ ] [ ]
2
[ A ] = [ A] [ B ] = 1 −  ⋅ [ B] [ D ] = [ D]
 n
résine pure
fil de trame
θ
h2(x)
h1(x)
fil de chaîne
dx
(11)
Ce modèle permet d’obtenir la borne haute des
constantes élastiques.
z
2.3.2 Cas en série
h ht
Dans le modèle en série, on considère que les
contraintes sont uniformes dans le tissu (hypothèse
d’isocontrainte). En prenant l’exemple de la figure 4, la
contrainte le long de l’axe x est Nxx. La courbure
moyenne en x dans le tissu est alors égale à :
x
a0
a1
au
a2
a/2
a/2
Figure 5
n. a
a

1  90 / 0
0 / 90
κx =
 ∫ κ x dx +∫ κ x dx 
n⋅a  0

a
Schématisation et définition de l’ondulation 1D d’un taffetas
imprégné réticulé, selon l’axe x.
1D undulation model and definitions for an impregnated and
cured plain weave fabric, along the x axis.
(12)
De la même manière que le modèle en parallèle,
les matrices de complaisance du tissu, [ a ], b et d
peuvent être obtenues :
[] [ ]
L’ondulation du fil de trame est décrite par la
fonction h1(x), qui s’exprime ainsi :
2
[ a ] = [ a] [b ] = 1 −  .[b] [ d ] = [ d ]
 n




 π

h1 ( x ) = 1 + sin
 au




Par inversion, on en déduit les matrices de rigidité.
Ce modèle fournit la borne basse des constantes
élastiques.
2.4 Modèle des ondulations en 1D
Ce modèle, le second proposé par Ishikawa et Chou
(1982), tient compte de l'ondulation et de la continuité
des fibres le long de l’axe considéré.
Il a d’abord été établi pour les taffetas, et les expressions dérivées pour ces tissus, qui sont une extension du
modèle mosaïque en série, sont présentées en premier
lieu. Ensuite, on exposera les équations obtenues en
étendant ce modèle aux satins. Celles-ci intègrent une
combinaison des modèles en série et en parallèle.
Dans le modèle des fibres ondulées, un taffetas
imprégné réticulé est schématisé comme le montre la
figure 5.
a  h
⋅  x −   ⋅ t

2    4
ht
2
(0 ≤ x ≤ a 0 )
( a 0 ≤ x ≤ a 2 ) (13)
( a 2 ≤ x ≤ a)
La section du fil de chaîne est représentée par la
fonction h2(x) :

ht

2


 π
a  h
 1 − sin ⋅  x −    ⋅ t
2    4
 au 

h2 ( x ) =  
− 1 + sin π ⋅  x − a    ⋅ ht


 
2    4
 au 
 
h

− t

2

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VOL. 53, N° 6, NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1998
864
0
(0 ≤ x ≤ a0 )
a
(a0 ≤ x ≤ )
2 (14)
a
( ≤ x ≤ a2 )
2
( a2 ≤ x ≤ a)
CALCUL DES PROPRIÉTÉS ÉLASTIQUES DES TISSUS
UTILISÉS DANS LES MATÉRIAUX COMPOSITES
En appliquant la théorie des stratifiés, supposée
applicable à chaque élément infinitésimal de largeur dx,
les termes des matrices de rigidité, qui sont des fonctions de x, peuvent s’écrire pour (0 ≤ x ≤ a/2) :
Des expressions similaires peuvent être obtenues
pour la partie complémentaire (a/2 ≤ x ≤ a). Les
matrices [A], [B] et [D] de rigidités équivalentes du
tissu sont calculées par intégration des rigidités locales
le long de l’axe x.
Pour étendre ce modèle aux satins, Ishikawa et Chou
(1983) ont découpé le motif de répétition du satin en
cinq zones, notées de A à E, de la manière indiquée
sur la figure 6.
Les calculs effectués pour une ondulation dans le cas
du taffetas sont repris pour la zone C. Les zones A, B,
D et E, sans ondulation, peuvent être calculées comme
des plis [0°/90°] ou [90°/0°].
Les expressions suivantes sont établies pour les
propriétés le long de l’axe x. En supposant que la déformation moyenne et la courbure moyenne des zones B,
C et D sont égales (modèle en parallèle), la rigidité
moyenne de l’ensemble de ces zones peut être écrite
ainsi :
h 

Aij ( x ) = Qijmat ⋅ h1 ( x ) − h2 ( x ) + h − t

2
ht
+ Qijch ⋅ (h2 ( x ) − h1 ( x ))
2
h
h 

Bij ( x ) = t ⋅ Qijtr (θ) ⋅ h1 ( x ) − t

2
4
h
+ t ⋅ Qijch ⋅ (h2 ( x ) − h1 ( x ))
4
+ Qijtr (θ) ⋅
Dij ( x ) =
(15)
h 3
1 mat 
h3 
⋅ Qij ⋅  h1 ( x ) − t − h2 ( x ) 3 + 
3
2
4

 h 3 3 ⋅ ht2 ⋅ h1 ( x ) 3 ⋅ ht ⋅ h1 ( x ) 2 
1
+ ⋅ Qijtr (θ) ⋅  t −
+

3
4
2
 8

(
1
+ ⋅ Qijch ⋅ h2 ( x ) 3 − h1 ( x ) 3
3
)
[(
1
⋅
n
1
BijBCD =
⋅
n
1
DijBCD =
⋅
n
AijBCD =
(
Dans ces équations, les symboles en exposants mat,
tr et ch représentent respectivement la résine pure, le fil
de trame et le fil de chaîne.
tr
La rigidité des fils de trame, Qij (θ) , varie le long de
l’axe x, en fonction de l’angle :
 dh ( x ) 
θ( x ) = arctan 1 
 dx 
)
n − 1 ⋅ AijB + AijC
]
)
n − 1 ⋅ BijB
[(
(17)
)
n − 1 ⋅ DijB + DijC
]
motif de base
selon :
 E xtr (θ) Dv

Qijtr (θ) =  E ytr ⋅ ν tryx (θ) Dv

0

E ytr .ν tryx (θ) Dv
E ytr Dv
0
où :
simplification
du motif de base
5a
5a
(16)
c


=1 
2 2
4
tr
tr
tr 
+ 1 Gxz
−
2
v
⋅
+
E
c
s
s
E
zx
x
z 

4
E xtr (θ)
0 

0 
tr
Gxy
(θ)
(
E xtr
y
A
)
a
2a
Figure 6
tr
tr
tr
(θ) = v zx
v yx
⋅ c 2 + v yz
⋅ s2
c = cos(θ)
x
B
tr
tr
tr
(θ) = Gxy
⋅ c 2 + Gyz
⋅ s2
Gxy
⋅ E ytr
E
C
E ytr (θ) = E ytr = E ztr
tr
(θ ) 2
Dν = 1 − v yx
D
Schématisation d’un satin 5 dans le modèle des
ondulations 1D.
1D undulation model for a satin weave fabric.
E xtr (θ)
s = sin(θ)
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865
CALCUL DES PROPRIÉTÉS ÉLASTIQUES DES TISSUS
UTILISÉS DANS LES MATÉRIAUX COMPOSITES
Puis, en considérant que les efforts dans les régions
(B + C + D) sont égaux à ceux des régions A et E
(modèle en série), la complaisance moyenne du satin
est exprimée par :
[
[
[
1
. 2.aijBCD +
n
1
bij =
. 2.bijBCD +
n
1
dij =
. 2.dijBCD +
n
aij =
Naik (1992) ont proposé un modèle plus général en
deux dimensions. Il tient compte du tissage dans les
deux dimensions, ainsi que des espaces entre fils
voisins. Ce modèle n’a été établi que pour les taffetas.
Le motif élémentaire du tissu est schématisé comme le
montre la figure 7.
Les sections parallèles à A-D sont divisées en différentes zones notées de a1 à a5. Ces valeurs sont dépendantes de la largeur du fil de chaîne (ach), de l'espace
entre deux fils de chaîne adjacents (gch) et de l'ondulation du fil de trame (utr). De même, les sections parallèles à D-C sont divisées en différentes zones notées de
b1 à b5. Ces valeurs sont dépendantes de la largeur du
fil de trame (atr), de l'espace entre deux fils de trame
adjacents (gtr) et de l'ondulation du fil de chaîne (uch).
Les autres notations et symboles sont identiques à ceux
utilisés dans le chapitre précédent.
Les fonctions de forme des ondulations des fils sont
des fonctions sinusoïdales similaires à celles données par
Ishikawa et Chou (1982) et décrites dans les équations
(13) et (14) et la figure 5, étendues aux deux dimensions
x et y. Ces fonctions sont notées h1(x,y) et h2(x,y) pour les
fils de chaîne et de trame respectivement. Par commodité, une troisième fonction h3(x,y), qui décrit la face
inférieure des fils de trame, est définie :
h3(x,y) = h1(x,y) + htr(y)
) ]
(
n − 2 .aijA
(
n − 2 .bijA
(
n − 2 .dijA
) ]
(18)
) ]
La différence importante de comportement entre les
taffetas et les satins provient de l’existence des zones B
et D, pour le calcul des propriétés le long de l’axe x, des
zones A et E le long de l’axe y. En effet, la rigidité de
l’ondulation est plus faible que celle des zones connexes ;
ces dernières reprennent donc une part importante des
efforts appliqués pour les transmettre aux zones
voisines, augmentant la rigidité globale du tissu.
2.5 Modèle des ondulations en 2D
Le modèle des ondulations en 1D ne représentant
pas complètement la structure du tissu, Shembekar et
B
z
B
y
B
A
trame
C
y
chaîne
z
C
A
h
A
ht
C
D
hc
h
ht
r
D
D
x
a1
a2
a3a4
ut
r+g
ch
ac
h+g
ch
b5
a5
b4
b2b3
x
b1
+ gtr
uch
gtr
atr +
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866
Figure 7
Schématisation du
motif de base d’un
taffetas dans le modèle
des ondulations 2D.
Base unit of the 2D
undulationmodel for a
plain weave fabric.
CALCUL DES PROPRIÉTÉS ÉLASTIQUES DES TISSUS
UTILISÉS DANS LES MATÉRIAUX COMPOSITES
trame, Qijtr (θ tr ) , est fonction de l’angle θtr formé avec
l’axe x. Leur calcul est réalisé par le biais d’équations
analogues à l’équation (16).
Afin de déterminer les constantes élastiques équivalentes du tissu, et en supposant que celui-ci est soumis à
un effort en membrane le long de l’axe x, deux
méthodes, série-parallèle et parallèle-série, peuvent être
employées. Ces méthodes diffèrent par les procédures
d’assemblage des parties du motif de base. En effet, les
éléments de largeur dx des sections parallèles à AD
(fig. 8) sont assemblés en série par rapport à x, la direction de chargement ; on peut leur appliquer l’hypothèse
d’isocontrainte (même effort moyen dans chaque élément de la section). Quant aux éléments de largeur dy
des sections parallèles à DC, ils sont assemblés en
parallèle par rapport à la direction de chargement ; dans
ce cas, l’hypothèse d’isodéformation est appliquée
(même déformation moyenne au centre de chaque élément de la section).
Le calcul des constantes élastiques du tissu procède
d’une double intégration selon x et y. La méthode sérieparallèle (S-P) revient à mener cette intégration sur x
puis sur y ; la méthode parallèle-série (P-S) réalise la
démarche opposée. On ne présente ici que le développement de la méthode série-parallèle.
En inversant les matrices [A], [B] et [D] de l’équation (19), on obtient les complaisances locales d’éléments infinitésimaux. Les complaisances moyennes des
La théorie des stratifiés est alors appliquée, en
supposant sa validité pour chaque élément infinitésimal
de section (dx ,dy).
Les termes des matrices de rigidité peuvent s’écrire
pour (0 ≤ x ≤ a3) et (0 ≤ y ≤ b3) :
Aij ( x, y ) = Qijmat ⋅ (h3 ( x, y ) − h2 ( x, y ) + h)
+Qijtr (θ tr ) ⋅ (h1 ( x, y ) − h3 ( x, y ))
+Qijch (θ ch ) ⋅ (h2 ( x, y ) − h1 ( x, y ))
(
)
1 mat
⋅ Qij ⋅ h3 ( x, y ) 2 − h2 ( x, y ) 2
2
1
+ ⋅ Qijtr (θ tr ) ⋅ h1 ( x, y ) 2 − h3 ( x, y ) 2
2
1
+ ⋅ Qijch (θ ch ) ⋅ h2 ( x, y ) 2 − h1 ( x, y ) 2
2
Bij ( x, y ) =
(
)
(
Dij ( x, y ) =
)
(19)
1 mat 
h3 
⋅ Qij ⋅  h3 ( x, y ) 3 − h2 ( x, y ) 3 + 
3
8

(
)
1
+ ⋅ Qijtr (θ tr ) ⋅ h1 ( x, y ) 3 − h3 ( x, y ) 3
3
1 ch ch
+ ⋅ Qij (θ ) ⋅ h2 ( x, y ) 3 − h1 ( x, y ) 3
3
(
)
Des expressions similaires peuvent être établies pour
les autres parties du motif de base.
ch
ch
La rigidité des fils de chaîne, Qij (θ ) , est fonction
de l’angle θch formé avec l’axe y. La rigidité des fils de
le
allè
par
dx
dy
sér
D
C
sér
dir
cha ection
rge
d
me e
nt (
x)
ie
le
allè
par
ie
A
D
Figure 8
Configurations série-parallèle et parallèle-série du modèle des ondulations en 2D.
Configurations série-parallèle et parallèle-série du modèle des ondulations en 2D.
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867
CALCUL DES PROPRIÉTÉS ÉLASTIQUES DES TISSUS
UTILISÉS DANS LES MATÉRIAUX COMPOSITES
sections le long de l’axe x (direction de chargement)
sont déterminées par intégration, en utilisant l’hypothèse
d’isocontrainte (l’exposant S indique en série) :
ach + gch
aijS ( y ) =
1
ach + gch
∫0
bijS ( y ) =
1
ach + gch
∫0
d ijS ( y ) =
1
ach + gch
ach + gch
ach + gch
∫0
La méthode série-parallèle fournit les valeurs basses
des constantes élastiques du tissu. Les valeurs hautes
sont obtenues par la méthode parallèle-série.
aij ( x, y ) ⋅ dx
bij ( x, y ) ⋅ dx
3. RÉSULTATS
Les différents modèles analytiques étant présentés, il
reste à les comparer entre eux et aux valeurs expérimentales. Pour cela, on choisit un exemple typique : un
pli de taffetas imprégné réticulé, de fraction volumique
en fibres égale à 47 % et dont les paramètres géométriques du tissu sont regroupés dans le tableau 3.
Les constantes élastiques des matériaux constitutifs
des plis sont regroupées dans le tableau 4.
Les modèles micromécaniques permettent de faire
varier les paramètres de définition du tissu. Ainsi, on
peut faire varier le rapport u/a pour évaluer l’ondulation des fibres et le rapport h/a pour évaluer l’épaisseur
du pli. Pour les calculs, la largeur des fils dans les deux
directions est prise égale à 1 mm et l’espace entre fils
est considéré nul.
Les tableaux 5 et 6 rassemblent les modules expérimentaux et les modules calculés par les différents
modèles suivant la chaîne et la trame.
(20)
d ij ( x, y ) ⋅ dx
Les matrices de rigidités moyennes de ces sections
sont obtenues en inversant les matrices de complaisances moyennes. Enfin, les matrices de rigidité de
l’unité de base du taffetas sont obtenues en intégrant
selon y, et en utilisant l’hypothèse d’isodéformation :
atr + gtr
AijS − P =
1
atr + gtr
∫0
BijS − P =
1
atr + gtr
∫0
DijS − P =
1
atr + gtr
∫0
atr + gtr
atr + gtr
AijS ( y ) ⋅ dy
BijS ( y ) ⋅ dy
(21)
DijS ( y ) ⋅ dy
TABLEAU 3
Paramètres géométriques des taffetas utilisés pour réaliser les comparaisons
Geometric parameters of the plain weave fabrics used for the comparison
Taffetas
Épaisseur ht
Nombre/cm
Largeur fil (mm)
Espace entre fils (mm)
(mm)
chaîne
trame
chaîne (ach)
trame (atr)
chaîne (gch)
trame (gtr)
0,16
9,00
9,00
1,10
0,96
0,011
0,151
cas 1
0,10
17,00
13,00
0,59
0,52
0
0,25
cas 2
0,18
5,80
5,80
1,44
1,12
0,12
0,60
cas 3
0,50
13,75
13,75
0,50
0,50
0,23
0,23
Carbone (T-300)
Verre E
TABLEAU 4
Constantes élastiques des matériaux constitutifs utilisés pour les calculs et les essais
Elastic constants of the materials used for the computation and the experiments
EL
ET
GLT
GTL
(GPa)
(GPa)
(MPa)
(MPa)
Fibres de carbone (T-300)
230
40
24
14,3
0,26
Fibres de verre E
72
72
27,7
27,7
0,30
Résine époxyde
3,5
3,5
1,3
1,3
0,35
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868
VLT
CALCUL DES PROPRIÉTÉS ÉLASTIQUES DES TISSUS
UTILISÉS DANS LES MATÉRIAUX COMPOSITES
TABLEAU 5
Modules en traction calculés avec les modèles micromécaniques et expérimentaux dans la direction de la chaîne
Computed and experimental elastic moduli in tension in the warp direction
Matériau
Épaisseur
Module
expérimental
(mm)
(GPa)
Carbone/Époxy
0,16
60,3
Verre/Époxy
0,15
Analogie
stratifié
Mosaïque
P
S
58,2
60
27,2
14,5
21,2
—
0,20
18,1
21,2
0,50
14,8
21,2
Ondulations
Ondulations
1D
2D
PS
SP
54,7
58,8
38,2
—
23,1
14,9
13,9
—
—
24,1
21,5
18,4
—
—
24,4
21,6
18,4
TABLEAU 6
Modules en traction calculés avec les modèles micromécaniques et expérimentaux dans la direction de la trame
Computed and experimental elastic moduli in tension in the fill direction
Matériau
Épaisseur
Module
expérimental
(mm)
(GPa)
Carbone/Époxy
0,16
49,3
Verre/Époxy
0,15
Analogie
stratifié
Mosaïque
P
S
58,2
60
27,2
14,5
21,2
—
0,20
—
21,2
0,50
13,8
21,2
Ondulations
Ondulations
1D
2D
PS
SP
51,5
45,8
31,1
—
23,1
14,9
13,9
—
—
26,8
17,1
16,7
—
—
26,3
16,1
15,7
– Le modèle des ondulations 1D se rapproche des
valeurs expérimentales dans le cas du tissu en carbone, mais surestime nettement les valeurs des tissus
en verre E. En effet, les caractéristiques géométriques des fils de chaîne et des fils de trame sont
identiques. Cela conduit à surestimer les modules
dans la direction de la trame.
– Les modèles des ondulations en 2D procurent les
meilleures valeurs estimées des modules. Notons que
les résultats prévus par les deux modèles (PS et SP)
sont relativement proches les uns des autres pour un
pli fait de fibres isotropes (verre E), alors que l’écart
est notable pour les fibres de carbone, anisotropes.
La comparaison de résultats expérimentaux obtenus
avec des taffetas à ceux fournis par ces modèles permet
de constater que les modèles les plus simples, ne prenant pas en compte les ondulations du tissu, sont insuffisants. Les autres modèles sont plus adaptés, en particulier le modèle 2D parallèle-série. Il est important de
noter qu’une caractérisation géométrique fine du tissu
est indispensable pour obtenir de bons résultats.
CONCLUSION – ANALYSE DES RÉSULTATS
Plusieurs modèles micromécaniques analytiques des
tissus à tissage bidimensionnel ont été présentés. En
partant du plus simple et en allant vers le plus complexe, ce sont :
– l’analogie à un stratifié [0°/90°],
– la mosaïque en série et en parallèle,
– les ondulations 1D,
– les ondulations 2D série-parallèle et parallèle-série.
En analysant les résultats d’applications numériques
de ces modèles et les résultats expérimentaux, on
constate que :
– L’analogie à un stratifié [0°/90°] et les modèles
mosaïques ne fournissent qu’une approximation
moyenne des valeurs expérimentales. Le fait de ne
pas tenir compte de l’ondulation semble particulièrement critique. De plus, le couplage local entre la
flexion et l’extension n’affecte pas le module dans le
modèle mosaïque en parallèle et conduit donc à une
valeur trop importante.
REVUE DE L’INSTITUT FRANÇAIS DU PÉTROLE
VOL. 53, N° 6, NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1998
869
CALCUL DES PROPRIÉTÉS ÉLASTIQUES DES TISSUS
UTILISÉS DANS LES MATÉRIAUX COMPOSITES
De la même manière que des modèles ont été établis
pour le calcul des modules, certains auteurs ont calculé
la résistance des tissus. On pourra par exemple se
reporter au document de Dow et Ramnath (1987).
Enfin, il faut noter que seuls les modèles analytiques
ont été présentés dans cet article. Plusieurs méthodes
numériques (éléments finis par exemple) ont été
employées pour estimer les propriétés mécaniques des
tissus, avec des succès divers. Certains logiciels sont
même spécialisés dans la description géométriques des
renforts textiles et peuvent être utilisés comme partie
intégrante des préprocesseurs en éléments finis.
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composite plates of satin weave cloth. Fibre Science and
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Manuscrit définitif reçu en octobre 1998
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