Dynamiques territoriales des Etats-Unis et du Brésil

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Dynamiques territoriales des Etats-Unis et du Brésil
B / Les dynamiques territoriales des Etats-Unis et du Brésil
- S’interroger sur les dynamiques territoriales, c’est étudier l’organisation du territoire et ses
dynamiques spatiales qui sont des facteurs de puissance. Les USA et le Brésil, de taille équivalente,
sont deux puissances inégales. Il s’agit donc de comparer leur organisation spatiale. La
mondialisation est à l’origine de dynamiques territoriales qui modifient l’organisation spatiale des
territoires.
Pbq : « Comment s’organisent comparativement les territoires des USA et du Brésil ? »
1 / L’organisation et les dynamiques spatiales du territoire des USA
a/ La maîtrise du territoire
- Les caractéristiques naturelles
Avec ses 9.6 millions de km², le territoire américain est un Etat-continent qui fait 17 fois la France
et possède 20 000 km de côtes ouvertes sur l’océan pacifique et l’océan atlantique. Cette immensité
est à la fois un atout (variété du relief, des climats et des ressources) et une contrainte (desserte par
les réseaux de transports). L’ouverture maritime est aussi un atout (interface économique, ZEE). Le
relief des USA est très divers : massif montagneux des Appalaches l’Est, Hautes Terres (Rocheuses,
chaine des Cascades, Sierra Nevada) à l’Ouest et Grandes Plaines au centre. Le climat des USA est
très varié : tempéré en majeure partie (océanique sur ses franges littorales et continental à l’intérieur
des terres), subtropical au Sud (plus sec à l’Ouest, plus humide à l’Est) et méditerranéen sur le
littoral sud-ouest. Il y a des risques naturels aux USA : liés à la géodynamique (volcanisme et
séisme à l’Ouest) et au climat (coulées d’air froid polaire, tornades, inondations, érosion dans les
Grandes Plaines ; ouragans (hurricane) dans le Sud-Est comme Katrina qui a frappé la NouvelleOrléans en 2005 ; sécheresse à l’Ouest du 100ème méridien). Mais dans l’ensemble, ces risques sont
bien gérés.
- Le peuplement
Avec 313 millions d’habitants et une densité faible (moins de 34 hab./km²), la population des USA
est inégalement répartie : les fortes densités s’observent au Nord-est (mégalopolis, Grands Lacs et
littoral atlantique) puis se trouvent en chapelet dans la Sun Belt autour des grandes villes (noyaux
isolés du Sud-est et du Sud-ouest). Le centre est faiblement peuplé. Cette inégalité est liée à
l’histoire du peuplement : le noyau de peuplement le plus ancien (XVII° siècle) étant le Nord-est,
le peuplement s’est diffusé à partir de là jusqu’à l’Ouest (ruée vers l’or, chemin de fer
transcontinental, conquête de l’Ouest achevée au XIX° siècle), ce qui a développé le mythe de la
frontière. C’est un peuple de pionniers. La population américaine est dynamique, marquée par une
forte proportion de jeunes (20 %) et d’actifs. Elle est en croissance sur le plan naturel (0.6 % par
an, 2.1 enfants par femme lié aux minorités, mais vieillissement des WASP) et surtout sur le plan
migratoire (40 % de la croissance démographique, 500 à 800 000 entrée par an et 1 million de
clandestins). La population est mobile : des flux migratoires internes s’observent des régions en
crise (Rust Belt Nord-Est) vers les régions dynamiques du Sud (Sun Belt). C’est une mobilité
professionnelle et de retraités. La population est contrastée socialement (très riches et très
pauvres) et ethniquement (melting pot ou salad bowl = communautarisme). Le cosmopolitisme est
lié à l’histoire migratoire du pays, terre d’accueil (voir cours sur la religion).
- La mise en valeur des ressources
Les ressources sont très diverses et abondantes. Leur exploitation a donné lieu à des belts
(manufacturing belt, corn belt…). Il y a des ressources minières principalement dans les Hautes
Terres et des ressources énergétiques comme le charbon dans l’Est et le centre du pays et des
hydrocarbures au Texas, dans le Golfe du Mexique, en Californie (off-shore) et en Alaska. Les
ressources agricoles sont variées : bons sols dédiés aux céréales (blé et soja) dans les Grandes
Plaines, plantes tropicales (tabac, coton, canne à sucre, agrumes) dans le Sud-est, maraîchage et vin
en Californie. L’agriculture est productive : intensive et mécanisée. C’est de l’agrobusiness avec
une importante R&D et des IAA puissantes. Les ressources fluviales sont aussi importantes avec le
bassin du Mississippi, le Rio Grande ou le Colorado pour l’hydroélectricité, l’irrigation et la
circulation des marchandises. Les ressources touristiques comme la diversité des paysages sont
mises en valeur avec des parcs nationaux (Yellowstone) ou balnéarisation du littoral (Floride).
b/ L’organisation des réseaux et l’ouverture sur le monde
- Le réseau urbain
Les USA sont urbanisés à plus de 80 %. L’armature du réseau est puissante avec trois mégapoles
New York ( 22 millions d’habitants), Los Angeles (17 millions) et Chicago (9.5 millions). 1/3 de la
population vit dans des vilels de plus de 5 millions d’habitants. Plus de 40 villes ont plus d’1
millions d’habitants. Les villes en forte croissance sont celles de la Sun Belt (Dallas, Phoenix, Las
Vegas…). Certaines villes forment des mégalopoles avec la mégalopolis de Boston à Washington.
Certaines mégalopoles plus ou moins importantes sont en formation : de San Francisco à San Diego
incluant Los Angeles, la Pugetopolis autour de Seattle, la Chipitts de Chicago à Pittsburg, la
Métrolina de Norfolk à Atlanta. La métropolisation est très importante avec des villes mondiales
comme New York, Los Angeles, Washington et Chicago. Ces villes attirent des fonctions
internationales : financières à New York et Chicago, politiques à Washington, de conception à San
Francisco (Silicon Valley), culturelles à Los Angeles (Hollywood), touristiques à Miami. Les villes
américaines sont structurées sur le même modèle. On trouve au centre un downtown (centre-ville),
un CBD actif le jour et vide la nuit constitué de gratte-ciels et souvent des ghettos autour, ainsi que
pour les villes du NE des espaces industriels en crise (friches). Des opérations de reconversion, de
rénovation et de réhabilitation ont été menées avec succès (cf. Boston) et ont entrainé une
gentrification de ces quartiers. La périphérie des villes américaines est marquée par un important
processus d’étalement spatial, c’est le domaine des vastes banlieues pavillonnaires qui
concentrent 75 % des Américains, quadrillées par des autoroutes le long desquelles s’installent les
« edge cities », les nouveaux centres dédoublés qui concentrent commerces, bureaux et parcs
scientifique, au-delà on trouve parfois des « gated communities » (quartiers fermés). L’espace de la
ville américaine est donc fragmenté, ségrégué socialement et spatialement et éclaté entre vieux
centre, technopôles, ancien et nouveaux CBD, donc polynucléaire (cf. Los Angeles).
- Les réseaux de transports
Les USA ont le réseau de transports et de télécommunications le plus vaste et le plus complet du
monde, ce qui permet de surmonter le problème de l’immensité. Mais leur organisation est inégale :
denses dans le cœur historique (NE) et deviennent plus lâches ailleurs (gradient E/O). Ils
s’étirent transversalement d’Est en Ouest (ponts transcontinentaux), à l’exception de quelques
grands axes méridiens (N/S) : côte pacifique, axe du Mississipi et côte atlantique. La longueur
des réseaux est exceptionnelle : plus de 6 millions de km de routes, 270 000 km de voies ferrées, et
des réseaux de canaux le long du Mississippi reliant le Golfe du Mexique aux Grands Lacs et au
Saint-Laurent puis à l’Atlantique. Le rail est plus important que la route pour le transport de
marchandises grâce aux transcontinentales, tandis que pour les passagers longue distance c’est
l’avion qui l’emporte. Le territoire américain est polarisé par de grands carrefours : Los Angeles
est le centre portuaire de la façade pacifique tandis que la façade atlantique a vu se développer une
myriade de ports au NE avec New York et dans le Golfe du Mexique ; les aéroports ou hubs
(plateformes multimodales et desserte hiérarchisée du territoire) sont aussi des pôles importants :
pôles internationaux comme New York, Chicago, Los Angeles, San Francisco, Miami et
Washington / Baltimore, pôle nationaux comme Dallas, Atlanta, Houston puis Denver, Saint-Louis,
Seattle, Las Vegas, Phoenix. Ces aéroports sont dotés d’infrastructures ultramodernes pour attirer
les compagnies aériennes. Le territoire est organisé en hubs and spokes par les transports.
- Les interfaces frontalières et maritimes
L’ouverture terrestre des USA est celle sur ses voisins : le Canada au Nord et le Mexique au Sud.
Cette ouverture est renforcée depuis la création de l’organisation régionale intégrant ces trois pays :
l’ALENA. Des régions transfrontalières ont émergé. Il y a d’abord la Main Street American qui
est à cheval sur les USA et le Canada, reposant sur d’intenses échanges et la mise en réseau de
grandes métropoles américaines avec la Chipitts et canadienne comme Toronto et Montréal grâce à
d’importants axes de transports comme le Saint Laurent. On peut ajouter à l’Ouest la Pugetopolis
avec Seattle, Portland et Vancouver. Il ya aussi la Mexamerique à cheval sur les USA et le
Mexique qui est structurée par des villes-jumelles comme San Diego et Tijuana et par des échanges
(capitaux américains, produits issus des maquiladoras mexicaine) mais les flux migratoires y sont
très contrôlés par les USA. Riches de 20 000 km de côtes, les USA bénéficient d’une grande
ouverture maritime sur le monde grâce à leurs trois façades portuaires (atlantique autour de New
York, golfe du Mexique avec les ports de la Nouvelle-Orléans et de Houston, pacifique avec Los
Angeles et son port Long Beach). Cela les met en relation principalement avec l’Europe,
l’Amérique latine et l’Asie.
c/ Un territoire inégalement dynamique et intégré à la mondialisation
- Le Nord-est, centre ancien
Le NE s’organise autour de la mégalopolis et des métropoles de la région des Grands Lacs. Cette
région concentre plus du 1/3 de la population des USA. On y trouve les plus fortes densités
humaines et de transports des USA. Cet espace concentre des fonctions de commandement (ONU,
FMI, Maison Blanche, Pentagone), des fonctions de conception et des fonctions de production.
C’est depuis le début le centre décisionnel des USA avec 70 % des sièges sociaux des firmes
américaines. C’est le premier marché financier du monde (New York). La mégalopolis est
marquée par une grande concentration des universités et des pôles de R&D (Yale à Princeton,
Harvard et le MIT à Boston). Le NE reste aussi la première région industrielle du pays avec 45 %
des emplois industriels (Manufacturing Belt) malgré une crise dans les années 1960-1980 (textile,
sidérurgie, mécanique), qui a surtout touché des villes comme Détroit, Chicago, Cleveland et
Pittsburgh (Rustbelt = ceinture de la rouille). Les villes du NE se sont réorientées vers des
activités industrielles de haute technologie et le tertiaire supérieur. C’est un espace ouvert sur
l’Europe et le reste du monde.
- La Sun Belt, périphérie attractive et dynamique
La Sun Belt (ceinture du soleil) constitue ce croissant périphérique en forte croissance, formé de
15 Etats de la Virginie à l’Etat de Washington. On y trouve 4 Américains sur 10. Son attractivité
relève du phénomène de l’héliotropisme (douceur du climat). Le tourisme (Floride et Californie),
la position d’interface avec l’Amérique Latine et l’Asie-Pacifique mais aussi le Canada (SeattleVancouver / Pugetopolis), le développement d’activités de R&D dans l’aéronautique, l’aérospatiale
et la défense, les ressources du sous-sol qui ont induit la création d’industries lourdes, contribuent à
son dynamisme. Mais il n’y a vraiment que Los Angeles, Dallas, Houston et San Francisco qui font
un contrepoids au NE et les contrastes socio-spatiaux y sont très forts. Quatre régions motrices se
distinguent : la Floride qui attire les retraités, les touristes et les capitaux d’Amérique Latine ; le
Texas qui a une puissante agriculture et des ressources en hydrocarbures, des industries High Tech
et d’importantes infrastructures de transports ; la Californie avec une agriculture très développée,
des industries de pointe, un important tourisme et qui a été l’objet d’investissements de l’armée ;
l’Etat de Washington avec Seattle, ville de Microsoft et de Boeing et le développement de Portland
en liaison avec Vancouver au Canada. Des centres secondaires apparaissent : Atlanta la ville de
Coca (électronique, aéronautique) et sa région le « Vieux Sud » (industrie d’assemblage,
polyculture) ; Phoenix ; Las Vegas. Il existe aussi des régions qui sont des têtes de pont des USA :
l’Alaska (forêt, pêche et hydrocarbures) et les îles Hawaii (tourisme et agriculture tropicale) : ce
sont des espaces lointains mais stratégiques.
- L’intérieur, marge exploitée
Grandes Plaines et Hautes terres sont peu peuplées. Les Grandes Plaines sont les greniers à blé des
USA et du monde, on y fait aussi de l’élevage, tandis que les Hautes Terres se tournent vers leurs
ressources naturelles (minerais, hydrocarbures) et la beauté de leurs paysages (parcs naturels,
tourisme). Quelques centres urbains d’envergure parsèment ce vaste ensemble : Kansas City,
Denver et Salt Lake City et y concentrent des activités de services et des industries.
Cl° 1 : Le territoire des USA est un territoire immense, dotés d’atouts tels que d’abondantes
ressources mais qui a des contraintes. C’est un territoire peuplé, maîtrisé et exploité par les
hommes. Il est organisé en réseaux, structuré par des métropoles puissantes et spécialisées et un
réseau de transports en hubs and spokes. C’est un espace ouvert sur le monde par trois façades
maritimes et deux voire trois régions transfrontalières en émergence. Les grandes régions de ce
territoire contribuent de façon complémentaire à la puissance de pays et concentrent fonctions de
commandement, de conception et de production.
Croquis : « Les dynamiques territoriales des Etats-Unis »
2 / L’organisation et les dynamiques spatiales du territoire du Brésil
a/ La maîtrise du territoire
- Les caractéristiques naturelles
Avec 8.5 millions de km², soit 15 fois la France, 4000 km d’Ouest en Est et 3700 km du Nord au
Sud, le Brésil est le pays le plus vaste d’Amérique latine (50 % de sa superficie) qui possède plus de
7400 km de côtes ouvertes sur l'océan Atlantique (ZEE). Cette immensité est à la fois un atout et
une contrainte (desserte du territoire). Le relief se divise en deux grands ensembles : au nord une
vaste plaine drainée par l'Amazone et ses affluents dominée par la forêt amazonienne et au sud des
plateaux et massifs anciens aux ressources abondantes. Le Brésil est marqué par une grande variété
de climats chauds : équatorial au nord, tropical et subtropical vers le sud avec même un climat
tempéré dans le sud-est ce qui permet une grande variété de cultures. C’est un pays soumis à des
aléas tropicaux (sécheresse du polygone de la sécheresse dans le Nordeste) et dont la vulnérabilité
est forte (les inondations près de Rio en 2011 ont fait 1000 morts).
- Le peuplement
Avec 199 millions d’habitants et une densité moyenne faible de plus de 23 hab./km², la population
brésilienne est très inégalement répartie : le Sud-est et le Nord-est concentrent 70 % de la
population. Il y a un fort contraste entre le littoral densément peuplé et l’intérieur vide. Ceci est
lié à l’histoire du peuplement brésilien : la colonisation portugaise s’est établie sur des bases
côtières au Nord-est dès le XVI° siècle, elle s’est étendue vers le Sud en fonction des cycles
économiques successifs, ne s’étendant pas à plus de 150 km du rivage au milieu du XX° siècle. En
1960, est créée la nouvelle capitale Brasilia par l’architecte Oscar Niemeyer, dont la position est
plus dans l’intérieur des terres. Dès les années 1970, est mise en place une politique de colonisation
des régions intérieures du Centre-Ouest et de l’Amazonie, c’est la « marche vers l’ouest » lancée
par le PIN (plan d’intégration nationale). C’est le domaine des fronts pionniers qui s’accompagnent
du défrichement de la forêt amazonienne en forme d’arrêtes poisson le long des routes où l’on
envoie els paysans sans terre (espace de violences). La population brésilienne est dynamique, avec
plus de 25 % de jeunes de moins de 15 ans et une masse d’actifs. Elle est en croissance sur le plan
naturel (1 %) mais la transition démographique est achevée au Sud et pas encore au Nord. Elle
connaît aussi une croissance migratoire mais moins importante que celle des USA. La population du
Brésil est très mobile : l’exode rural est encore important, les flux migratoires interrégionaux se
font vers le Sudeste, le Centre et le Nord. La population du Brésil est également très contrastée. La
majorité de la population est d'origine européenne (53%). Par exemple 25 millions de Brésiliens
sont d’origine italienne. Ils se concentrent fortement dans les régions du Sud et du Sudeste. La
population comporte également des métis (37%), des noirs (6%), des amérindiens (1%), et
des asiatiques (1%). Par exemple la plus forte communauté japonaise du monde en dehors du japon
est présente à Sao Paulo avec plus de 900 000 personnes. Cela est lié aux différentes vagues
migratoires qu’a connues le pays : Portugais, Italiens, Espagnols et Noirs (traite des noirs) avant le
XX° siècle puis Allemands et Japonais. Le Brésil est surtout marqué par des contrastes sociaux
extrêmement élevés : les 1 % les plus riches ont des revenus 160 fois plus importants que les 10 %
les plus pauvres. Ce contraste est également spatial entre un Sud riche et développé et un Nord
pauvre et souffrant de mal-développement, mais aussi entre villes et campagnes et à l’intérieur
des villes. Ces inégalités sociales s’atténuent avec l’essor d’une classe moyenne lié au
développement de l’industrie et des services et avec les programmes mis en place sous le Président
Lula comme la bolsa familia en 2003, une aide aux familles pauvres qui a permis de sortir 30
millions de personnes de l’extrême pauvreté. Ces inégalités, notamment rurales, sont aussi liées au
régime foncier qui oppose grands propriétaires (fazendas ou latifundios) aux petits propriétaires
(minifundios) et à la masse de paysans sans terre : c’est la question agraire. Il y a donc de fortes
revendications en faveur d’une réforme agraire (redistribution plus équitable des terres agricoles), la
colonisation de l’Amazonie étant un moyen de l’éviter.
- La mise en valeur des ressources
Les ressources du Brésil sont très abondantes. Elles sont été mises en valeur selon des cycles
économiques (exploitation puis abandon) : bois de braise (teinture rouge) dans le Nordeste (XVI°XVII° siècles), or dans le Sudeste au XVIII° siècle, caoutchouc en Amazonie, coton dans le
Nordeste, café dans le Sudeste, aux XIX°-XX° siècles. Aujourd’hui, le Brésil dispose de la 1 ère forêt
tropicale du monde dont les richesses sont encore à découvrir, d’importantes réserves de fer et de
bauxite, et d’abondantes terres agricoles dont une partie est mécanisée et intégrée à l’agrobusiness
(blé, soja, viande, maraîchage). Le Brésil dispose pour ses ressources énergétiques de fleuves
gigantesques pouvant fournir de l'hydroélectricité (barrage d’Itaipu et projet du barrage de Belo
Horizonte) et de récentes découvertes de pétrole de pétrole en mer qui lui permettent d’être autosuffisant. Une grande partie de l’espace est encore en réserve (Amazonie et Mato Grosso), le
territoire reste largement à maîtriser.
b/ L’organisation des réseaux et l’ouverture sur le monde
- Le réseau urbain
La population est très largement urbaine à plus de 80 % mais il y a des inégalités régionales : le
Sudeste est urbanisé à plus de 90 % alors que le Nord et le Nordeste sont plus ruraux. Les
mégapoles se situent sur le littoral dans le Sudeste : Sao Paulo (20 millions, 1 Brésilien sur 10, 4°
ville du monde par sa taille, 2° en Amérique Latine après Mexico, immense aire urbaine de Gran
Sao Paulo de 1000 km d’Est en Ouest et 65 km du Nord au Sud) et Rio de Janeiro (13 millions) qui
forment une mégalopole en émergence. On peut y ajouter des villes importantes de plus de 2
millions d’habitants comme Salvador de Bahia, Brasilia, Fortaleza et Belo Horizonte. Les villes en
forte croissante sont au Nord et à l’Ouest du Brésil (Manaus, Fortaleza, Brasilia). La
métropolisation est encours et entraine une spécialisation des métropoles : fonctions politiques à
Brasilia, fonctions de commandement économiques et financières à Sao Paulo (sièges sociaux,
bourse), seule ville mondiale du pays, fonctions touristiques à Rio de Janeiro, fonctions industrielles
et tertiaires dans les villes du triangle industriel de Sao Paulo, Rio de Janeiro et Belo Horizonte. On
a là un autre contraste spatial important du Brésil entre un centre (le triangle industriel) et une
périphérie (le reste du pays). Les villes brésiliennes connaissent un fort étalement spatial et une
importante fragmentation et ressemblent de plus en plus aux métropoles américaines. Les centresvilles sont riches, développés et bien équipés, ils comprennent à la fois le CBD, signe de
l’intégration du Brésil à la mondialisation ; le centre historique, symbole du passé colonial ; des
maisons individuelles entourées d’arbres ou de hauts murs, souvent gardés par des vigiles réservés
aux élites. Les périphéries sont pauvres et en développement, sous-équipées, elles voient la
multiplication des bidonvilles ou favelas, quartiers d’habitat précaire et spontané faits de maisons
auto-construites, marqués par le mal-développement. Entre les deux, on trouve tout type de
quartier : les cortiços (ruches) sont des quartiers taudifiés faits d’immeubles dégradés, sortes de
favelas verticales peuplées par des familles de néo-urbains pauvres et de plus en plus nombreuses ;
d’autres favelas se situent dans les espaces laissés libres et dans les zones à risques, à proximité des
voies ferrées, des autoroutes ou des aéroports, ou sur les pentes ; les « condominios fechados »
sont des quartiers fermés pour les riches gardés par des milices privées, des gated communities, qui
parfois ont leur propre shopping center ; des immeubles d’habitat collectif pour les classes
moyennes ; des quartiers aux fonctions économiques (industrielles, commerciales…). Ces
contrastes sociaux entraine des violences urbaines très importantes, Rio et Recife font partie des
plus violentes du monde.
- Les réseaux de transports
Les réseaux de transports sont inachevés. On observe un gradient décroissant du Sud-est au Nord-
ouest. Les transports restent un goulet d’étranglement. Mais il y a des améliorations : la marche vers
l’Ouest s’est traduite par la construction de routes en Amazonie pour la désenclaver notamment la
transamazonienne, mais aussi la Brasilia-Belem, la Cuiaba - Porto-Velho ; le trafic aérien a été
multiplié par deux dans les années 2000. L’axe fluvial majeur est celui de l’Amazone. Le principal
aéroport du pays est celui de Sao Paulo tandis que les ports importants sont ceux de Rio, de Santos
près de Sao Paulo et de Porto Alegre, celui de Belém est en plein essor.
- Les interfaces frontalières et maritimes
Le Brésil est un pays ouvert par ses 7400 km de côtes atlantiques, notamment la partie sud qui
forme son interface avec les USA, l’Europe et le reste du monde. La partie ouverte sur les
Caraïbes est une interface en essor. Le Brésil a des frontières avec 10 Etats d’Amérique latine. Les
interfaces frontalières sont en plein essor depuis la création du Mercosur, notamment entre le
Brésil, le Paraguay et l’Argentine. De nouveaux axes de transports sont créés pour souder les
économies de ces pays.
c/ Un territoire inégalement dynamique et intégré à la mondialisation
Selon le géographe Hervé Théry, il y a trois Brésil : « une Suisse, un Far-West et un Pakistan ».
- Le centre : Sud et Sudeste = « la Suisse »
Ces régions produisent les ¾ du RNB et 70 % du PIB industriel et concentrent plus de 50 % de la
population du pays sur 18 % du territoire (fortes densités). Elles comportent des régions
industrielles telles que le triangle industriel (Sao Paulo avec 50 % de la production nationale des
industries lourdes sidérurgiques et chimiques, des industries mécaniques automobiles et des
industries de haute technologie / Rio de Janeiro / Belo Horizonte) mais aussi des régions
d’agriculture commerciale moderne tournée vers l’exportation (agrumes, café). Elles sont
ouvertes sur le monde par leurs ports et sont animées par de grandes métropoles (Sao Paulo, Rio de
Janeiro). Les classes moyennes se sont développées et ont contribué à l’essor d’un marché de
consommation. Le niveau de vie y est supérieur au reste du pays, avec des salaires plus élevés, un
IDH plus élevé, un analphabétisme faible, des taux de fécondité et de mortalité infantile plus
faibles. Leur essor date du XIX° siècle (cycle du café) entretenu par les politiques de
développement au XX° siècle (investissements publics et enfin IDE). Le Sudeste et notamment ses
centres urbains sont un espace d’accueil pour les flux migratoires intérieurs.
- Les périphéries en voie d’intégration : Centre-Ouest et Amazonie (Nord) = « le Far-West »
Ces régions représentent 14,5 % des Brésiliens sur 64 % du territoire (faibles densités). Leur mise
en valeur est assez récente et ponctuelle. Elles attirent les flux migratoires et ont un fort potentiel de
développement car elles ont d’importantes réserves d’espace. Le Mato Grosso ou Centre-Ouest est
devenu une région d’élevage extensif, mais voit aussi se développer la culture du
soja transgénique dans d’immenses exploitations modernes après avoir connu le cycle de l’or au
XVIII° siècle. Le Mato Grosso est plus riche et plus développé que l’Amazonie. Cette dernière,
constituée d’un immense bassin hydrographique et forestier, a des ressources abondantes. C’est une
région intermédiaire en termes de développement. Après avoir connu le cycle du caoutchouc et son
déclin, elle a été mise en valeur ponctuellement avec le percement des routes transamazoniennes,
l’essor des fronts pionniers où se développent agriculture (petits terrains donnés aux colons,
grands domaines d’élevage extensif) et exploitation minière (mines de Carajas : plus grande mine
du monde). Ceci entraine le recul de la forêt, ce qui pose le problème de la durabilité de ce
développement. Des parcs naturels et des réserves indiennes tentent de préserver les premiers
occupants de cette région. Une zone franche pour développer la construction mécanique et
l’électronique a été créée à Manaus.
- Les périphéries en marge du développement : le Nordeste = « le Pakistan »
Cette région comprend 28 % de la population sur 18 % du territoire (fortes densités depuis la
colonisation du pays par les Portugais, le cycle de la canne à sucre et le système esclavagiste). On y
trouve l’ancienne capitale du Brésil, Salvador de Bahia. Le Nordeste est la région la moins
développée du Brésil avec un IDH faible, un analphabétisme plus élevé (22 %) et le problème de la
faim. C’est une région encore assez rurale au rôle économique réduit, très dépendante du centre.
C’est une région d’émigration, d’exode rural vers les villes du Sud-est. L’intérieur du Nordeste, le
Sertao est une vaste poche de pauvreté qui présente les retards économiques et sociaux les plus
graves du pays où se concentrent des paysans sans terres et des ouvriers agricoles. C’est une
région semi-aride autour de la vallée du Sao Francisco marquée par des sécheresses qui peuvent
durer plusieurs années (les secas) et par les inégalités foncières les plus marquées du pays.
Cl° 2 : Le territoire du Brésil est immense et dotés d’abondantes ressources mais il est marqué par
un triple contraste : littoral peuplé / intérieur vide ; sud riche et développé / Nord pauvre et en
développement ; centre du triangle industriel / périphérie. Il est organisé autour des espaces
centraux du Sud et du Sudeste, fortement métropolisés et ouverts sur le monde, puis on distingue
des périphéries en voie d’intégration au Centre-Ouest et en Amazonie mais dont le développement
n’est pas toujours durable, et enfin on trouve une périphérie en marge du développement au
Nordeste. C’est un territoire qui reste encore à maîtriser.
Croquis : « Les dynamiques territoriales du Brésil »
3 / Points communs et différences des dynamiques territoriales des USA et du Brésil
a/ Les points communs
- Le peuplement
Ces deux pays ont connu une histoire du peuplement similaire : peuplement européen installé
initialement sur le littoral Est avec mise en place de cultures de plantation faisant appel à
l’esclavage (traite des Noirs) puis diffusion de ce peuplement vers l’Ouest, ce qui explique les
inégales densités. Mais la « marche vers l’Ouest » du Brésil est encore inachevée alors qu’elle a pris
fin au XIX° siècle aux USA. Ce sont donc deux sociétés pionnières, dont la mentalité se retrouve
dans les intenses mobilités internes, vers la Sun Belt pour les USA et vers le Mato Grosso et
l’Amazonie pour le Brésil. Ce sont aussi deux sociétés très contrastées, notamment au niveau des
origines des habitants à cause des similitudes de leurs histoires migratoires : pays neufs, terre
d’accueil pour les Européens, les Africains du fait de la traite et d’autres peuples venus du monde
entier. Mais l’attraction exercée par les USA sur les flux migratoires encore de nos jours est de loin
beaucoup plus forte que celle du Brésil. Les contrastes de la population sont aussi sociaux : ce
sont deux sociétés marquées par des inégalités de richesse et de développement, mais ils sont
beaucoup plus forts au Brésil qu’aux USA. Les USA ont un niveau de vie moyen plus élevé que le
Brésil alors que ce dernier connaît une pauvreté de masse. Leurs populations sont très dynamiques,
en croissance, marquée par une importante proportion de jeunes et d’actifs, ce qui fournit de la
main-d’œuvre et stimule la consommation intérieure. Ce dynamisme démographique repose pour
les USA sur les populations immigrées alors que le Brésil est en train d’achever sa transition
démographique.
- La métropolisation et la fragmentation socio-spatiale
Ces deux pays sont tous les deux très urbanisés (plus de 80 %). Ils possèdent des mégapoles
formant des mégalopoles comme NY et la mégalopolis ou Sao Paulo et Rio de Janeiro. Les
métropoles attirent les hommes et les activités, elles se spécialisent dans certains domaines : NY
et Sao Paulo sont les centres de commandement et financiers de ces deux pays, Washington et
Brasilia concentrent les fonctions politiques, Miami et Rio sont des pôles touristiques majeurs. Mais
le réseau urbain américain est plus puissant que celui du Brésil, l’aire d’influence des métropoles est
plus vaste : les USA possèdent plusieurs villes mondiales, ce sont non seulement des centres pour le
pays mais aussi des centres pour le monde, ce qui n’est pas le cas du Brésil, excepté Sao Paulo.
Toutefois les villes américaines et brésiliennes se ressemblent de plus en plus. Elles sont marquées
par le processus de fragmentation spatiale lié à l’étalement spatial urbain, au déplacement ou au
dédoublement des activités du cv en périphérie, à la ségrégation socio-spatiale. Ainsi les activités
sont éclatées entre différents pôles comme les CBD ou les zones industrielles et commerciales
tandis que les riches s’enferment dans des gated communities ou condominios fechados et que les
pauvres vivent dans des ghettos ou des favelas. Toutefois ces contrastes sociaux sont beaucoup plus
marqués et violents dans les villes brésiliennes.
b/ Les différences
- L’intégration à la mondialisation
Si les USA et le brésil sont deux puissances bien intégrées à la mondialisation du fait de leur
ouverture ou de leurs organisations régionales, les USA ont des interfaces maritimes et
frontalières plus nombreuses et plus puissantes que celles du Brésil. Leurs territoires ne
contribuent pas de la même façon à la puissance de ces deux pays. Les différentes régions des USA
sont toutes très intégrées à la mondialisation. Si l’intérieur des USA est une « marge » à l’échelle du
pays, il ne l’est pas à l’échelle du monde dont il est le grener à blé. Pour le Brésil, la situation est
bien différente, la marge que constitue le Nordeste, espace agricole en crise, marqué par une
pauvreté et un sous-développement très important, est bien une marge à l’échelle mondiale. Il en va
de même pour les autres régions : celles des USA sont toutes très bien intégrées à la
mondialisation et apparaissent comme des centres du monde, ce qui n’est pas le cas pour les
différentes régions du Brésil.
- La maîtrise du territoire
Si ces deux territoires sont immenses, force est de constater que leur maîtrise est inégale. Les
infrastructures de transports sont nombreuses, puissantes et efficaces aux USA alors que le
réseau est encore très incomplet et marqué par de fortes discontinuités au Brésil. L’abondance
et la variété des ressources dans les deux pays sont inégalement exploitées : les USA les mettent
toutes à profit alors que le Brésil possède encore de vastes espaces en réserve dont on doit encore
explorer les richesses, notamment dans la forêt amazonienne. Mais cela pose la question de la
durabilité du développement de ces eux pays. L’exploitation intensive des ressources américaines
s’est traduite par de nombreux gaspillages et pollutions. De plus, à l’échelle mondiale, ils ont
souvent bloqués certaines actions visant à instaurer un développement durable de la planète,
refusant de sacrifier leur croissance économique à la protection de l’environnement. Ce fut le cas
lors de l’instauration du protocole de Kyoto visant à lutter contre le rejet des gaz à effet de serre
(GES). Le Brésil est au contraire un champion de la cause du développement durable dans la sphère
des altermondialistes, organisant des Forums Sociaux Mondiaux à Porto Alegre. La ville de Curitiba
est d’ailleurs un exemple de réalisations concrètes d’un développement durable à l’échelle urbaine :
développement des transports collectifs qui desservent les quartiers défavorisés, programmes en
faveur des populations les plus pauvres (échange de déchets à recycler contre des légumes). Mais
les modes d’exploitation de l’Amazonie, avec l’ouverture de fronts pionniers agricoles et miniers
qui entrainent le défrichement de la forêt amazonienne, le « poumon vert » de la planète, soulèvent
des débats à l’échelle mondiale. Certains acteurs voudraient voir confier la gestion de cet espace à
la communauté internationale alors que le Brésil réaffirme sa souveraineté pleine et entière sur cet
espace et son droit au développement. La gestion des risques est aussi très inégale dans ces deux
pays : alors que les USA font face à des aléas très divers tant naturels que technologiques, ils ont
une vulnérabilité humaine faible, et les catastrophes font plus de dégâts matériels que de pertes
humaines. Leur capacité de résilience est élevée, leur gestion des risques le plus souvent efficace.
Le Brésil, en tant que puissance émergente, doit lui faire à des aléas naturels tropicaux mais aussi à
l’augmentation des aléas technologiques alors que la vulnérabilité des populations est forte et que la
vulnérabilité matérielle est en hausse. Résilience et gestion des risques y sont plus faibles. On en
déduit que les USA ont un territoire largement maîtrisé alors que celui du Brésil reste encore
en grande partie à maîtriser.
Cl° 3 : L’organisation et les dynamiques spatiales du territoire des USA et du Brésil ont des points
communs au niveau du peuplement (histoire du peuplement et histoire migratoire, population
contrastée mais dynamique et mobile), au niveau de la métropolisation et de la fragmentation
urbaine (des métropoles qui attirent les hommes et les activités mais qui sont marquées par un
éclatement des activités en différentes pôles et par une forte ségrégation socio-spatiale). Mais les
USA et le Brésil ont aussi des différences très marquées au niveau de l’intégration à la
mondialisation (des interfaces plus nombreuses et puissantes et des régions plus productives et
d’envergure internationale aux USA) et au niveau de la maîtrise du territoire (réseaux de transports,
exploitation des ressources et gestion des risques plus performants aux USA).
Cl° B : Si aux origines de la maîtrise du territoire, l’histoire du peuplement et de l’exploitation
économique des USA et du Brésil ont des points communs, l’évolution de cette maîtrise a fortement
différé dans le temps. Les USA ont rapidement exploité leur territoire et ses ressources ce qui a
fortement contribué à la formation d’une hyperpuissance longtemps sans égale alors que le Brésil a
dû faire face à des problèmes de sous-développement social et spatial. Le processus de
mondialisation actuel tend à faire de nouveau converger cette maîtrise du territoire, impulsant des
dynamiques similaires telles que la métropolisation et la fragmentation des espaces urbains et
favorisant un effet de rattrapage des USA par le Brésil, d’où son émergence en tant que puissance,
qui se traduit par l’essor de nouvelles activités et une mise en exploitation des vastes espaces en
réserve. Mais si les USA ont un territoire maîtrisé, le Brésil a encore un territoire à maîtriser.

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