Moliere livret pedagogique

Transcription

Moliere livret pedagogique
Dossier
pédagogique
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Un film de Laurent Tirard
Scénario : Laurent Tirard et Grégoire Vigneron
Produit par Fidélité – Olivier Delbosc – Marc Missonnier
En association avec Virtual Films et Wild Bunch
En co-production avec France 3 cinéma et France 2 cinéma
Avec la participation de Canal + et TPS Star
Distribué par Wild Bunch Distribution
Ventes internationales Wild Bunch
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• Réalisation
....................................
• Interprétation
...............................
Laurent Tirard
Romain Duris (Molière)
........................................................
Fabrice Luchini (Jourdain)
........................................................
Laura Morante (Elmire)
........................................................
Edouard Baer (Dorante)
........................................................
Ludivine Sagnier (Célimène)
Fanny Valette (Henriette)
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Gonzague Requillart (Valère)
........................................................
........................................................
Philippe du Janerand (M. Bonnefoy)
........................................................
Gilian Petrovski (Thomas)
........................................................
Sophie-Charlotte Husson (Madeleine Béjart)
• Scénario, adaptation et dialogues
........................................................
Laurent Tirard
Grégoire Vigneron
• Décors
Françoise Dupertuis
.....
..........................................
• Costumes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Pierre-Jean Larroque
Dossier pédagogique Nathan
Présentation : Cécile de Cazanove et Sophie Pailloux
Maquette : Laurence Ningre
Photos : Jean-Marie Leroy © Fidélité films 2006
Dessins : Pierre-Jean Larroque
Édition : Marion Noesser/Marie-Hélène Tournadre
2 •
© Nathan, 2006. ISBN 313-3-09-107066-3
Imprimé en FRANCE par CLERC
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ien avant d’être élevé au rang
de génie sous le nom de Molière,
celui qui n’est encore que Jean-Baptiste Poquelin connaît des débuts
difficiles. Excellent comédien, mais
s’évertuant à jouer des tragédies
pour lesquelles il n’a aucun talent,
il survit tant bien que mal avec sa
modeste troupe, jusqu’au jour où
il est jeté en prison pour dettes.
C’est alors qu’un certain Monsieur
Jourdain, riche commerçant, fait au
jeune acteur une offre qu’il ne peut
refuser : en échange du rachat de
ses créances, Molière doit lui enseigner l’art de la comédie. Jourdain
en a besoin pour éblouir Célimène,
une jeune précieuse qui tient salon
et pour laquelle il a écrit une pièce.
La situation est d’autant plus
complexe que la femme de Jourdain, Elmire, ne doit rien découvrir. Molière est donc introduit chez
Jourdain comme précepteur religieux de leur plus jeune fille. Éloigné
de sa troupe, confronté à un homme
peu doué pour les arts et obligé de
jouer une comédie dans laquelle
chaque situation quotidienne se
transforme en piège, Molière ne rêve
que de fuir. Mais au sein de cette
maison bourgeoise, c’est une autre
vie qu’il découvre. Observateur et
vif, il perce vite à jour les secrets de
chacun et surprend l’amour secret
qu’Henriette, la fille de Jourdain,
entretient avec le modeste Valère.
Molière comprend aussi le double
jeu de Dorante, noble aussi beau
parleur que désargenté qui escroque
Jourdain en lui promettant son entremise auprès de Célimène.
Ce que Molière remarque le plus,
néanmoins, c’est le charme d’Elmire,
son esprit et sa désespérance d’épouse. Peu à peu, au mépris du danger,
Molière la séduit, se révèle à elle, et
vit une histoire d’amour interdite
qui marquera sa vie pour toujours.
Les choses s’accélèrent lorsque
Dorante, plus que jamais décidé à
s’accaparer la fortune de Jourdain,
intrigue pour marier son fils à Henriette.
Pour sauver Elmire et sa fille,
mais aussi Jourdain malgré lui,
Molière va imaginer un stratagème
que seul le plus grand des auteurs
pouvait mettre sur pied. Au bout de
l’aventure, il y aura un départ, une
rupture, un drame qui le hantera
éternellement et lui donnera la force
de faire rire de ce qui fait pleurer et
d’écrire sur la vie comme personne
d’autre ne saura jamais le faire…
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Laurent Tirard a 39 ans. Il a fait des études de cinéma à
New York University, a été lecteur de scénarios pour
Warner Bros à Los Angeles, puis journaliste à Studio
Magazine pendant six années. C’est pour ce magazine qu’il a créé la rubrique « Leçons de cinéma » : des
interviews des plus grands réalisateurs de cinéma
(Scorcese, Almodovar, Allen, Kusturica, Lynch, Godard,
Burton…) en les interrogeant principalement sur
leur manière de travailler, la direction d’acteurs, les
techniques utilisées, etc.
Il a ensuite travaillé sept ans comme scénariste (télévision et cinéma) et a réalisé deux courts-métrages,
De source sûre (1999) et Demain est un autre
jour (2000), avant de s’attaquer à son premier
long-métrage, Mensonges et trahisons, et plus
si affinités, sorti en septembre 2004.
Molière est son second film.
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À vingt-deux ans, Jean-Baptiste Poquelin, alias Molière,
rêve encore d’être un grand tragédien. Mais le public et sa
troupe de l’Illustre-Théâtre le préfèrent en farceur. Criblé
de dettes, il est jeté en prison. Quand on retrouve sa trace,
quelques mois plus tard, il est parti en province avec l’IllustreThéâtre. Ce seront douze années de voyage et de tournées,
avant un retour triomphal à Paris en 1658.
Mais que s’est-il passé à sa sortie de prison ? Les historiens
l’ignorent. Laurent Tirard a imaginé sa rencontre avec des
individus qui deviendront les personnages de ses grandes
comédies. Ainsi, c’est un certain Monsieur Jourdain qui
rembourse ses dettes ; introduit dans le château de son
bienfaiteur, le jeune dramaturge devra se déguiser en…
Tartuffe, puis affronter Elmire, l’épouse de Jourdain, dont il
deviendra l’amant…
Comment cette expérience transformera-t-elle son existence ?
M
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Madeleine Béjart, Catherine de Brie, Gros René et tous les
comédiens de l’Illustre-Théâtre sont unanimes : Molière
n’est pas fait pour jouer la tragédie. Madeleine, son amante,
le supplie d’y renoncer. Les huissiers accablent la troupe, la
faillite est là, Molière est en prison pour dettes. Rien n’y fait.
Le chef de la troupe s’obstine jusqu’au jour où…
Les compagnons de Molière sauront-ils le convaincre de suivre
sa véritable vocation ?
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Monsieur Jourdain rêve de savoir peindre, danser et ferrailler, de composer une pièce, d’écrire d’élégants billets
doux, de faire la révérence, de parler galamment, en un mot
de faire oublier qu’il est marchand. Il voudrait unir sa fille
à un comte, ou même à un duc, être l’ami d’un noble bien
introduit à la Cour. Et surtout, il aimerait tant séduire Célimène
la précieuse ! Mais il découvre que celle-ci le méprise, que sa
fille Henriette est malheureuse, que son « ami » Dorante le
dupe et… que sa femme le trompe avec Molière-Tartuffe.
Ce Jourdain-là est-il le même que le Bourgeois de Molière ?
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Dans le film, la séduisante Madame Jourdain se prénomme
Elmire. Exaspérée par les fantaisies de son mari, irritée de
se voir imposer un conducteur d’âmes en la personne de
Molière-Tartuffe, elle sera néanmoins séduite par les talents
d’écrivain qu’elle découvrira chez notre héros dramaturge.
C’est elle qui, au cours de leur aventure éphémère, lui permettra
de prendre conscience de son vrai génie : la comédie.
Comment persuadera-t-elle le jeune homme de suivre sa voie ?
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Noble mais sans fortune, Dorante doit sauver les apparences
dans les salons mondains et surtout auprès de Célimène,
qu’il courtise assidûment. Cet intrigant sans scrupule flatte
Monsieur Jourdain, le trompe, lui ment, le vole, cherche à
marier son fils à la fille du riche Bourgeois, accepte de renoncer
à cette union pour 30 000 livres, et se résout même à introduire son « ami » dans le salon de Célimène, au risque d’y
perdre sa réputation de galant homme.
Mais à trompeur, trompeur et demi ?
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« Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour »,
soupire Monsieur Jourdain. Célimène a certes de beaux yeux
mais surtout une langue de vipère. Malheur à ceux qu’elle
épingle par des formules brillantes et assassines, telle l’héroïne
du Misanthrope, à qui elle emprunte ses traits. Personne
n’en sort indemne et Monsieur Jourdain semble la victime
toute désignée de sa raillerie et de sa causticité.
Cette « jolie vache déguisée en fleur » achèvera-t-elle le bourgeois
amoureux à coups de métaphores précieuses ?
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Difficile d’être la fille de Monsieur Jourdain et d’échapper à
ses desseins : son père a décidé de la marier à Thomas, fils
du noble Dorante. Mais, de son côté, la jeune fille est éprise
de Valère. Elle en est réduite à recevoir des billets doux en
cachette dans le parc et à faire passer son soupirant pour
un professeur de chant.
Plus difficile encore de devenir le gendre de Monsieur Jourdain
quand on n’est pas noble. Valère en fait la cruelle expérience.
Henriette et Valère – Lucile et Cléonte dans Le Bourgeois
gentilhomme – forment le couple traditionnel des amoureux
contrariés par l’autorité paternelle.
Molière parviendra-t-il à secourir le jeune couple ?
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Thomas est un jeune homme aux idées fort modernes : au
grand effroi de son père Dorante, il veut travailler, dans le commerce de surcroît. Il a étudié le droit du négoce et c’est un
adepte du « libéralisme économique » bien avant l’heure :
les lois françaises sont trop strictes à son goût et il sait
comment les contourner pour accroître le profit ! Il propose
même de délocaliser ses manufactures en Espagne. « Et
pourquoi pas en Chine ? », lui répond son père, abasourdi par
tant d’audace…
Jourdain laissera-t-il un tel personnage épouser sa fille ?
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L’homme de confiance de Monsieur Jourdain se voit confier
une mission délicate et secrète : trouver un auteur capable de
transmettre les arts de la scène et du spectacle à son maître,
afin de séduire Célimène. Il est ensuite chargé de rédiger les
articles du contrat qui lie Molière à son hôte, le tout, bien sûr,
à l’insu de Madame Jourdain.
À quelle occasion ce notaire va-t-il révéler ses talents de comédien ?
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La légende Molière
De Molière, il ne reste ni manuscrit ni correspondance. Très tôt sa biographie s’est
effacée derrière la légende. Alfred Simon en cite une : « Un paysan [serait] venu à Paris,
conduisant une charrette pleine de manuscrits de Molière. Renvoyé de bureau en bureau
par les fonctionnaires des ministères qui se déclaraient incompétents, le manant et sa
charrette sont repartis le soir même pour disparaître à jamais. » La vie de Molière présente
donc des zones d’ombre. L’une d’entre elles sert de point de départ au film.
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1643 : Molière a 21 ans
En 1643, l’Illustre-Théâtre naît de la rencontre de Jean-Baptiste Poquelin, qui prend
alors le nom de Molière, et de la famille Béjart. Au début de l’année 1644, la troupe présente
au public des tragédies. Échec sur échec. Les comptes font apparaître un déficit considérable. Les chandelles dont on ne peut se passer pour éclairer la scène coûtent une fortune… qui part en fumée ! Le public boude cette nouvelle compagnie. Molière se retrouve
en prison pour dettes, poursuivi par un blanchisseur et un fournisseur de chandelles.
Les spectacles reprennent à sa sortie de prison. Hélas ! La situation se dégrade très
rapidement et, à l’automne 1645, l’Illustre-Théâtre cesse d’exister.
1645 : Molière disparaît !
« Malheureusement, on ne sait absolument pas ce que devint après ceci notre héros. Il fut
comme effacé de la surface de la terre et on ne le vit plus à Paris. Pendant toute une année, il
ne donna pas signe de vie… » (Mikhaïl Boulgakov, Le Roman de Monsieur de Molière, 1933).
Pour certains, Molière serait allé en Italie avec le duc de Guise mais rien n’est moins
sûr. Une certitude toutefois : pendant l’été 1646, « un pauvre convoi avait quitté Paris par
le faubourg Saint-Germain et avait pris la direction du sud de la France. »
L’Illustre-Théâtre commence alors une tournée en province qui durera douze années.
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1658 : l’avènement du génie comique
À son retour à Paris, en 1658, la troupe de l’Illustre-Théâtre s’est enrichie de nouveaux
acteurs de talent et jouit d’une bonne renommée ; elle gagne la protection du Prince de
Conti puis de Monsieur, frère du Roi. Molière, pendant ses années en province, a écrit des
farces qui ont fait rire des salles entières. Il n’a pas pour autant renoncé à la tragédie et
c’est une pièce de Corneille, Nicomède, qu’il présente le 24 octobre 1658 dans la salle du
Vieux Louvre, en présence de Louis XIV. Les applaudissements sont maigres. Molière achève
la représentation par une farce, qui remporte, elle, un franc succès. Les dés en sont jetés :
une carrière d’auteur et d’acteur de comédie s’ouvre avec Les Précieuses Ridicules (1659).
Elle s’achèvera en 1673 avec Le Malade Imaginaire.
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La trouvaille du film
« En lisant les biographies, nous sommes
tombés sur le passage qui parle de la disparition de Molière en 1645… Nous avions envie de profiter de cette brèche dans sa vie. »
(Laurent Tirard)
Mais le film ne se contente pas de combler
un vide biographique : « Molière a opéré son
passage d’acteur à auteur. Son humanité
nous a beaucoup parlé, et particulièrement
son drame intime : avoir ce talent qu’il ne
reconnaissait pas au début (comédien) et
avoir envie d’un autre talent (tragédien),
pour lequel il n’était pas fait. Cette frustration
lui a finalement permis d’aller puiser de la
profondeur dans la tragédie, qu’il a introduite
dans la comédie. » (Laurent Tirard)
Le film mêle subtilement des figures qui
deviendront les personnages de l’œuvre de
Molière : M. Jourdain est aussi Orgon, celui
du Tartuffe, et un peu Arnolphe, le barbon
dupé de L’École des femmes. Le réalisateur
multiplie les clins d’œil en introduisant les
formules qui font la saveur des textes de
Molière (« Le petit chat est mort »). Il reprend
des situations connues : comme Orgon,
Jourdain se retrouve sous une table pour
confondre Tartuffe l’imposteur. Le spectateur
est emporté dans un tourbillon où il devient
à la fois difficile et délicieux de démêler le
vrai du faux, le théâtre de la réalité, l’œuvre
de la vie.
Le film double le « drame intime »
d’une rencontre amoureuse qui amènera
Molière à reconnaître son véritable
talent :
Elmire. – Eh bien ! Jouez des comédies
qui explorent l’âme humaine.
Molière . – Ce genre de comédie
n’existe pas.
Elmire. – Alors inventez-le !
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Devant la Cour
Le 14 octobre 1670, au château de Chambord, Molière présente devant le roi et
la Cour une nouvelle création, Le Bourgeois gentilhomme. Cette comédie-ballet
remporte un succès immédiat : « En vérité, aurait déclaré Louis XIV à Molière, vous
n’avez rien fait qui m’ait plus diverti, et votre pièce est excellente. » La troupe du
Roi a déployé tout son talent : Armande Béjart tient le rôle de Lucile ; le jeune La Grange
joue Cléonte. Plus étonnant pour nous, mais dans la tradition théâtrale de l’époque,
Hubert joue le maître de musique aux actes I et II, et… Madame Jourdain dans la
suite de la pièce ! Molière incarne Monsieur Jourdain et Lully apparaît, en mufti,
pendant la cérémonie turque qui clôt la représentation.
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Historique de la pièce
Le Théâtre du Palais-Royal
Inaugurée en 1641 par Richelieu, cette salle est la mieux aménagée de Paris. La scène est vaste (35 m x 17 m)
et permet ainsi aux ballets de présenter avec faste les danses qui ponctuent la pièce. Les représentations
du «Bourgeois gentilhomme» font salle comble…
À Paris
La pièce est reprise à Paris, au Théâtre du Palais-Royal, dès le 23 novembre 1670.
Le public est varié : au parterre s’installe, debout, une foule peu fortunée et souvent
très agitée. Les loges, installées dans des galeries sur les côtés de la salle, accueillent
un public élégant mais souvent bavard. Certains jeunes aristocrates achètent, à chers
deniers, des chaises ou des banquettes sur les côtés de la scène. Leur présence diminue l’espace des acteurs et perturbe régulièrement les spectacles : il arrive en effet que
l’on prenne l’arrivée tardive d’un spectateur pour l’entrée d’un acteur ! Parfois aussi,
des querelles éclatent entre le parterre à l’esprit moqueur et ces jeunes seigneurs enrubannés qui se pavanent sur scène. Les représentations sont souvent interrompues et
reprennent quand le calme se fait, au cri de « Place au théâtre ! »
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1 Molière auteur
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2 Molière comédien
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3 Molière metteur en scène
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Analyse des 3 images
Molière ou le théâtre incarné
Le film de Laurent Tirard, par sa fiction, conduit le spectateur à pénétrer
dans les coulisses de la création théâtrale. Molière (Romain Duris) y apparaît
comme l’incarnation même du théâtre, dans tous ses aspects.
x Chaque photo du film saisit un moment particulier.
1 1658 : Molière essaie en vain d’écrire une comédie pour Monsieur, frère du roi, et
ne parvient toujours pas à renoncer à écrire et jouer des tragédies. Il s’agit
d’une étape clé, celle où l’expérience vécue va devenir, par l’écriture, texte
de théâtre, étape douloureuse, comme le signifient à la fois l’expression du
personnage et le désordre qui règne autour de lui. Dans le retrait du monde
que lui offre la nuit, Molière passe de la vie vécue à cette autre vie recréée.
2 1645 : Molière a séduit Elmire. Sa chambre devient la scène où il mime pour la
flash jeune femme, spectatrice, les attitudes courtisanes de M. Jourdain, sorte
back de chien docile. Il y révèle ses talents d’acteur comique, lui qui ne rêve
encore que de jouer des tragédies. Cette scène représente un moment fondamental du parcours de Molière : la prise de conscience des pouvoirs du
rire et la naissance d’un nouveau genre de comédie, à la fois satirique et
subversif.
3 1659 : La grande carrière de Molière commence, avec la représentation des Précieuses ridicules. Cette photo consacre l’apothéose du spectacle théâtral
lui-même. De l’autre côté du rideau, Molière, l’homme, le créateur, le metteur
en scène, s’efface derrière le monde qu’il a fait naître. Sous les feux de la
scène, s’animent pour un public royal les figures de sa vie et les projections
de son imagination. Le jeu d’ombres chinoises suggère cette frontière incertaine entre réalité et illusion qui constitue le pouvoir même du théâtre.
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LE BOURGEOIS GENTILHOMME (1670)
Acte II, scène 4 (extrait)
Monsieur Jourdain. – Au reste, il faut que je vous fasse une confidence. Je suis amoureux
d’une personne de grande qualité, et je souhaiterais que vous m’aidassiez à lui écrire quelque
chose dans un petit billet que je veux laisser tomber à ses pieds.
Maître de philosophie. – Fort bien.
Monsieur Jourdain. – Cela sera galant, oui.
Maître de philosophie. – Sans doute. Sont-ce des vers que vous lui voulez écrire ?
Monsieur Jourdain. – Non, non, point de vers.
Maître de philosophie. – Vous ne voulez que de la prose ?
Monsieur Jourdain. – Non, je ne veux ni prose ni vers.
Maître de philosophie. – Il faut bien que ce soit l’un, ou l’autre.
z-moi
i ? quand je dis : « Nicole, apporte
“mesQuopantoufl
es, et me donnez mon bonnet de nuit », c’est de la prose ? ”
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Monsieur Jourdain. – Pourquoi ?
Maître de philosophie. – Par la raison, Monsieur, qu’il n’y a pour s’exprimer que la prose, ou les vers.
Monsieur Jourdain. – Il n’y a que la prose ou les vers ?
Maître de philosophie. – Non, Monsieur : tout ce qui n’est point prose est vers ; et tout ce qui
n’est point vers est prose.
Monsieur Jourdain. – Et comme l’on parle qu’est-ce que c’est donc que cela ?
Maître de philosophie. – De la prose.
Monsieur Jourdain. – Quoi ? quand je dis : « Nicole, apportez-moi mes pantoufles, et me don-
nez mon bonnet de nuit », c’est de la prose ?
Maître de philosophie. – Oui, Monsieur.
Monsieur Jourdain. – Par ma foi ! Il y a plus de quarante ans que je dis de la prose sans que
j’en susse rien, et je vous suis le plus obligé du monde de m’avoir appris cela. Je voudrais donc
lui mettre dans un billet : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour ; mais je voudrais
que cela fût mis d’une manière galante, que cela fût tourné gentiment.
Maître de philosophie. – Mettre que les feux de ses yeux réduisent votre cœur en cendres ; que
vous souffrez nuit et jour pour elle les violences d’un…
Monsieur Jourdain. – Non, non, non, je ne veux point tout cela ; je ne veux que ce que je vous
ai dit : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour.
Maître de philosophie. – Il faut bien étendre un peu la chose.
Monsieur Jourdain. – Non, vous dis-je, je ne veux que ces seules paroles-là dans le billet ; mais
tournées à la mode, bien arrangées comme il faut. Je vous prie de me dire un peu, pour voir, les
diverses manières dont on les peut mettre.
Maître de philosophie. – On les peut mettre premièrement comme vous avez dit : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour. Ou bien : D’amour mourir me font, belle Marquise,
vos beaux yeux. Ou bien : Vos yeux beaux d’amour me font, belle Marquise, mourir. Ou bien :
Mourir vos beaux yeux, belle Marquise, d’amour me font. Ou bien : Me font vos yeux beaux mourir, belle Marquise, d’amour.
Monsieur Jourdain. – Mais de toutes ces façons-là, laquelle est la meilleure ?
Maître de philosophie. – Celle que vous avez dite : Belle Marquise, vos beaux yeux me font
mourir d’amour.
Monsieur Jourdain. – Cependant je n’ai point étudié, et j’ai fait cela tout du premier coup. Je
vous remercie de tout mon coeur, et vous prie de venir demain de bonne heure.
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MOLIÈRE (2007)
Scénario (extrait)
Int. jour — Maison Jourdain, salon
Jourdain. – Dorante est là qui m’attend, porteur d’un présent pour ma douce Célimène.
Mais je souhaite y joindre un mot bien tourné pour parfaire l’entreprise.
Molière. – (Résigné) Et que voulez-vous lui dire ?
Jourdain. – Je voudrais lui dire : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour.
Mais je voudrais que cela fût mis d’une manière galante.
Molière réfléchit.
Molière. – Eh bien vous pourriez lui dire par exemple que les feux
de ses yeux réduisent votre cœur en cendres, que...
Jourdain. – Non, non, non. Je ne veux pas cela. Je ne veux que
les mots que je vous ai dits : Belle Marquise, vos beaux yeux me
font mourir d’amour. Mais je me demande s’il n’y a pas une
autre façon de les tourner.
Molière. – (Affligé) Eh bien, on peut les mettre comme vous avez
dit : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour. Ou
bien : D’amour mourir me font, belle Marquise, vos beaux yeux.
Ou bien : Vos beaux yeux d’amour me font, belle Marquise, mourir.
Ou bien : Mourir vos beaux yeux, belle Marquise, d’amour
me font. Ou bien : Me font vos yeux beaux mourir, belle
Marquise, d’amour.
Jourdain. – Mais laquelle est la meilleure ?
Molière. – Celle que vous avez dite : Belle Marquise,
vos beaux yeux me font mourir d’amour.
Jourdain. – Incroyable ! Et elle m’est venue du
premier coup !
Molière est accablé.
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our me font.
d’am
vos beaux yeux, belle Marquise,
“OuMobienurir: Me
font vos yeux beaux mourir, belle Marquise, d’amour.”
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Analyse des 2 extraits
Comment écrire un billet doux ?
Telle est la question que se pose M. Jourdain,
amoureux fou d’une marquise, Dorimène/Célimène, dont les noms se font écho. Il demande
conseil au Maître de philosophie dans la pièce
et à Molière dans le film. Tous deux suggèrent
d’écrire le billet doux en termes imagés, qui plairont à la belle précieuse : « les feux de ses yeux
réduisent votre cœur en cendres ». Métaphores,
hyperboles, emphase, le langage amoureux respire
la préciosité en cette dernière moitié du XVIIe siècle.
M. Jourdain, lui, préfère une autre hyperbole,
plus éculée, celle de l’amour fatal : « Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour »
et il n’en démord pas. Ses conseillers, dans la
comédie comme dans le film, en sont réduits à
proposer des variations acrobatiques autour de
ces mots.
Molière, un double du Maître
de philosophie ?
Les deux personnages sont au service de M.
Jourdain, l’un pour lui enseigner la philosophie,
l’autre pour lui apprendre à être acteur et à écrire.
Le Maître de philosophie acquiesce à tout ce
que dit M. Jourdain : « Oui, monsieur », « Je n’y
manquerai pas ». Il ne laisse échapper aucun
mouvement d’humeur, aucune trace d’impatience car il est à son service ! Molière, par contre,
manifeste une affliction grandissante au cours
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de la scène. Les gros plans sur le visage de Romain Duris soulignent le dépit de celui qui n’est
pas écouté et qui se heurte à une obstination qui
voisine au caprice.
Le Maître de philosophie est un personnage
secondaire. Dans le film, l’épaisseur psychologique
de Molière se construit peu à peu, au gré de ses
confrontations avec M. Jourdain.
Les métamorphoses de M. Jourdain
La scène fait rire, au théâtre comme au cinéma,
c’est indéniable. La phrase du billet, déclinée
sous toutes les formes possibles, répétée mécaniquement et de plus en plus vite, finit par être
tellement déformée qu’elle confine au non-sens.
Les distorsions syntaxiques culminent dans le
dernier avatar : « Me font vos yeux beaux mourir,
belle Marquise, d’amour . » La chute de la scène
est un exact retour au point de départ : M. Jourdain
se félicite de ce qu’il croit être son talent naturel.
Cependant, toute une partie du dialogue de la
pièce a disparu dans le film : les répliques, très
célèbres, sur « prose et vers ». Il est vrai que
l’urgence est plus grande : « Dorante est là qui
m’attend, porteur d’un présent pour ma douce
Célimène ». Cette suppression correspond à une
inflexion du caractère de M. Jourdain, plus naïf
que ridicule dans le film.
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: L
T
G
V
Boulgakov. Nous avons trouvé les autres un peu
froides, plus factuelles : elles fermaient les portes
plus qu’elles ne les ouvraient à la fiction.
GV Ce qui nous a frappés, c’est son caractère,
la personnalité qui se dessinait au fil de nos lectures.
Molière se trouvait à nos yeux dépoussiéré. Il
apparaissait comme un personnage vivant, romanesque, entreprenant. C’était un vrai héros comme
on les aime : à la fois fort et faible, courageux et
couard, plein de défauts, caractériel.
x Comment est née l’idée de ce film ? Vient-elle
d’une fascination particulière pour Molière ?
LT Non ! Je n’avais pas de vieille passion pour
le personnage. C’est peut-être aussi ce qui m’a
permis d’avoir un regard frais et neuf sur sa vie.
J’avais envie d’orchestrer une rencontre fictionnelle entre l’auteur et ses personnages. En lisant les
biographies, nous sommes tombés sur le passage
qui parle de la disparition de Molière. On avait
envie de profiter de cette même brèche dans la vie
de Molière, plus ou moins grande et réelle selon
les historiens, pour inventer une fiction dans laquelle Molière rencontrerait ses personnages.
x Quel travail avez-vous effectué sur les biographies de Molière ?
LT Les biographies qui nous ont intéressés
étaient les moins officielles, comme celle de
LT L’humanité du personnage nous a ainsi
beaucoup parlé, et particulièrement son drame
intime : avoir ce talent qu’il ne reconnaissait pas
au début (comédien) et avoir envie d’un autre
talent (tragédien), pour lequel il n’était pas fait.
Cette frustration lui a permis d’aller puiser de la
profondeur dans la tragédie, qu’il a introduite
dans la comédie.
x Craignez-vous que l’on vous accuse d’avoir
« trahi » Molière ?
LT La question ne s’est jamais vraiment posée : le
poids du personnage ne nous a pas gênés, il ne faut
d’ailleurs pas penser à ce genre de choses. L’idée
était de faire un film qui nous permettait de mettre
tout ce qui nous plaisait chez Molière, tout ce
qu’on aimait dans ses pièces, et que le tout soit
fidèle à l’esprit de Molière. Nous avons finalement
essayé de refabriquer une pièce de Molière.
x Votre film se nourrit du théâtre de Molière,
mais vous avez privilégié trois pièces : Le
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Tartuffe, Le Bourgeois gentilhomme et Le Misanthrope. Pourquoi ?
GV Nous avons répertorié de façon exhaustive
toutes les situations qui nous plaisaient – et elles
sont nombreuses – puis tous les personnages,
tous les dialogues et toutes les expresssions. À
partir de là, nous avons construit notre propre
histoire. Il s’est trouvé que nous étions principalement dans ces trois pièces-là parce qu’elles correspondaient le mieux à notre sujet : l’opposition
entre M. Jourdain et Molière, l’homme de mauvais
goût et l’homme de bon goût, le rapport complexe et
ambigu entre l’artiste et l’homme de pouvoir. Une
question très présente à notre avis chez Molière.
Dans notre film, Jourdain s’appelle Jourdain parce
qu’il a plus le caractère de Jourdain, mais il y a aussi
Dandin, Orgon, Chrysale et même Monsieur de
Pourceaugnac dans ce personnage. De même,
Célimène aurait pu s’appeler Philaminte.
x La complexité de votre M. Jourdain estelle, selon vous, présente dans Le Bourgeois
gentilhomme ?
LT Je ne crois pas : il est ridicule, naïf et stupide
dans la pièce (il joue le rôle traditionnel de la dupe
chez Molière). Sa complexité dans le film vient du
fait qu’il est construit à partir de plusieurs personnages de bourgeois des pièces de Molière, ce
qui lui donne plus d’épaisseur. Elle correspond
aussi à la vision que pouvait avoir Molière des
bourgeois, influencée par son rapport à son père :
un rapport de haine et de tendresse mêlées.
GV C’est là d’ailleurs sa force, on sent qu’il peut se
mettre à la place de tout le monde : un homme, une
femme, un bourgeois, un paysan, un aristocrate…
LT Ce qui est très intéressant, c’est le rapport entre
M. Jourdain et Molière : un rapport conflictuel
entre l’artiste et le riche parvenu que le premier
méprise mais dont il est obligé de reconnaître la
sincérité, le travail et le courage. Ce thème nous
plaît beaucoup car il évoque le conflit entre l’art et
l’argent et le rapport au pouvoir. Une thématique
qui ne pouvait être intéressante que si les deux
personnages étaient de complexité égale.
x Quelle image de Molière souhaitez-vous que
le public retienne de votre film ?
GV Molière a vécu dans son époque intensément. Nous avons voulu montrer que son talent
n’était pas inné mais qu’il était le fruit d’un travail
acharné, d’une réflexion menée sur une vie entière
et nourrie par ses angoisses, ses voyages, ses expériences… Il a pris des risques, a été mis au ban de
la société, a connu une vie très difficile, mais s’est
consacré entièrement à son art.
LT Nous souhaiterions que le public prenne le
même plaisir à le redécouvrir et à réécouter ses
comédies que nous, que ce film efface le vieux
souvenir scolaire et poussiéreux de Molière
pour laisser la place à l’esprit brillant, pertinent,
contemporain et humain qu’il fut. z
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D
En définitive, c’est la scène du théâtre qui m’a
libéré. Sur les planches, on ressent une émotion
très personnelle et l’intimité qui se crée avec la
salle, le parterre, m’a rassuré sur la liberté que
j’avais d’interpréter le rôle.
x Comment vous êtes-vous approprié le
personnage de Molière comédien, tel que
le film le représente ?
x Comment vous êtes-vous préparé pour
ce rôle ?
J’ai abordé le personnage par étapes. Pour me
documenter, je suis allé en premier lieu au musée
du Louvre étudier des tableaux du XVIIe siècle.
Dans un second temps, je me suis rendu à la
Comédie-Française. Au cœur de ce temple
de l’art dramatique, le poids de l’image que
l’on donne de cet homme m’a presque écrasé.
Alors que j’essayais jusqu’à présent de ne pas
me laisser impressionner par la dimension
mythique du personnage, j’ai presque eu peur
de le jouer. Je me suis alors posé une série de
questions : que signifiait, à l’époque, être artiste
dramatique ? comment vivre de son art ? qui
serait-il aujourd’hui ? Sans doute serait-il
tenté par le cinéma, parce que ce génie vivait
en adéquation avec son temps. Enfin, j’ai relu
quelques pièces.
Laurent Tirard a longtemps hésité sur une
question importante : fallait-il ou non prendre
des libertés avec l’époque ? Personnellement,
il me semblait nécessaire de me conformer au
style du XVIIe siècle, et je souhaitais interpréter
le personnage de façon réaliste. Peut-être parce
qu’il s’agissait de Jean-Baptiste Poquelin et
d’un film d’époque, mais je me suis beaucoup
plus préparé en amont que pour mes précédents
films, et ce fut un plaisir ! J’ai beaucoup travaillé
les scènes de tragédie : j’ai appris à déclamer, à
réciter, je me suis entraîné avec un spécialiste.
J’ai également fait de la calligraphie. Une heure
par jour, la pratique de l’écriture à la plume
me transportait ailleurs. Je suis peu à peu entré
dans le personnage, au point de reprendre au
quotidien certains mots et certains aspects de
la diction de l’époque !
L’idée de modernité m’a aussi rapproché de
Molière : il était de son époque autant que
je peux l’être de la mienne. Laurent Tirard a
dessiné un personnage humain, complexe, qui
bouillonne d’envies, d’ambition et de doutes.
C’est un artiste face à son œuvre et un homme
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face à lui-même. Il aimait ceux dont il se moquait, et cela contribue, je crois, au ton comique de
ses comédies. Ce qui comptait pour lui, c’étaient
les situations, la vie, nos failles. À travers cette fragilité, je me suis senti proche du personnage.
En revanche, interpréter un homme aussi à l’aise
avec la comédie représentait un véritable défi.
un provocateur, et qu’il utilisait l’humour en
virtuose pour se moquer de ses contemporains. J’emmènerais les élèves au Louvre pour
leur montrer les toiles de l’époque, je les ferais
monter sur les planches d’un théâtre, pour
qu’ils appréhendent mieux l’émotion intense
que l’on peut ressentir face au public ! z
x Quels sont vos souvenirs de lycéen de
Molière ?
Du théâtre de Molière, je n’ai gardé malheureusement qu’une image poussiéreuse, acquise
à l’école. En relisant ses pièces pour préparer
le film, j’ai pris conscience de la distance abyssale
entre la façon dont on nous le présentait et la
vie, l’énergie que Jean-Baptiste Poquelin avait
mises dans son travail. Aurait-il apprécié les
mises en scène très classiques, que l’on propose
si souvent aujourd’hui de ses pièces ? Pas sûr…
Son œuvre peut parfaitement captiver les élèves, si on la présente de façon vivante, sans
emphase inutile. Molière est moderne, critique,
volontiers subversif. C’est en tout cas l’image que
le film donne de lui. Avec justesse, je crois.
x Quels conseils donneriez-vous à des
élèves pour leur faire lire Molière ?
Voilà une question bien difficile ! Peut-être
faudrait-il éviter d’asséner aux élèves le poncif
suivant, très décourageant : « Lisez-le, même
si c’est difficile, car vous aurez envie de le relire
plus tard. » C’est faux. Je leur dirais plutôt que
Molière était un homme moderne, un marginal,
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L
personnages de Molière : il y a du Chrysale, de
l’Arnolphe en lui. Tirard a créé un bourgeois assez
éloigné de la convention.
x Avez-vous fait évoluer le personnage du
scénario ?
x Le personnage de Jourdain, vous a-t-il séduit
quand on vous l’a proposé ?
Non, le personnage ne me séduisait pas. Le
Bourgeois gentilhomme est une comédie qui m’intéresse moyennement. De M. Jourdain, j’avais
la vision figée de l’incarnation de la naïveté. C’est
plus un type qu’un personnage, selon moi. C’est
d’ailleurs là qu’est le génie de Molière : par un élément, une réplique, il crée un « type ». M. Jourdain
est ainsi « celui qui fait de la prose sans le savoir ».
Seul le désir du metteur en scène, Laurent Tirard,
m’a fait accepter le rôle.
x Le personnage dans le film, justement, est
plus qu’un type ?
Oui ! Il est drôle au début, tragique à la fin. Quand il
enlève sa perruque dans le salon de Célimène, il est
pathétique. Et puis, c’est un composé de plusieurs
Je n’ai pas vraiment infléchi le personnage, je me
suis laissé diriger par Laurent Tirard. Dans La
Discrète, c’était la même chose : je ne croyais pas
vraiment à ce personnage quand j’ai lu le scénario.
C’est la détermination du metteur en scène qui
m’a convaincu. Pour moi, d’ailleurs, l’acteur n’a
pas à avoir d’opinion sur son rôle. Il sait ce qu’il
peut faire ou ne pas faire. Il y a, dans le personnage
de M. Jourdain chez Molière, une véritable dimension burlesque, ridicule, que je ne saurais pas
rendre. Je ne l’ai donc pas joué burlesque, mais
naïf. S’il y a quelque chose que j’ai apporté à Laurent
Tirard, c’est l’émerveillement du personnage.
x Avez-vous déjà joué des personnages de
Molière ? Quel rôle aimeriez-vous interpréter ?
Je n’ai jamais joué de personnage de Molière à la
scène, mais je l’ai beaucoup travaillé. Jouvet disait
qu’il fallait à l’acteur 50 minutes de gammes quotidiennes sur Molière. Pour moi, c’est la langue
qui fait son génie : une langue à la fois difficile et
organique, une langue qui n’a pu être écrite que
par un acteur de génie, une langue puissante et
étonnante, plus en vers qu’en prose, d’ailleurs. z
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P
D
-J
)
(
L
(
)
richesse de M. Jourdain que de se soumettre au
style Louis XIII, très triste, avec des meubles en
bois tourné et des tissus sombres qui ne racontaient pas le bon personnage. C’était trop austère.
L’important est de donner du sens.
x Quelles ont été les directives de Laurent Tirard ?
Travaillez-vous ensemble ou séparément ?
FD Laurent Tirard est un metteur en scène très
ouvert et nous avons eu beaucoup de liberté dans
notre travail. Le scénario donne bien sûr des indications précises (scènes en extérieur, en intérieur, lieu
« nouveau riche » ou populaire…), mais la part de
créativité est très grande pour imaginer les décors
et les ambiances de chaque scène. Nous en avons
beaucoup parlé dans la période de repérage des
lieux et pendant toute la préparation du film,
avant tournage. C’est un moment essentiel du
processus d’élaboration des décors.
C’est ainsi que j’ai un peu triché par exemple sur
la période : le film se déroule surtout avant le départ
en tournée de Molière avec l’Illustre-Théâtre
(en 1646), mais j’ai un peu décalé le style dans
le temps, vers la fin du siècle, plus riche, plus
visuelle, avec plus de dorures, de faste, qui était
plus en harmonie avec les personnages. Nous essayons d’être au plus proche de la réalité dans la
sensation. Il était plus important de souligner la
JPL J’aime voir ce que le chef décorateur a repéré
avant de créer les costumes, pour m’imprégner
du lieu. Un exemple : à la fin du film, le lieu choisi (Versailles) est un théâtre du XVIIIe siècle, qui a
une palette de couleurs spécifique de cette époque. Il était difficile d’y intégrer des costumes du
XVIIe siècle, dont la gamme de couleurs était différente. J’ai donc opté pour une harmonisation des
couleurs. Nous travaillons toujours ensemble, ce
qui nous permet de créer une unité filmique.
x Comment se sont effectués le
repérage et le choix des lieux
et costumes du film ?
FD Pour des raisons pratiques, il fallait tourner en Îlede-France, où les châteaux XVIIe
sont nombreux, mais, hélas, pas
mal transformés au XIXe, voire au
XXe siècle. La difficulté consistait
donc à retrouver l’ambiance particulière de l’époque, à travers ces
modifications, en les gommant,
ce qui est assez complexe,
quand les sols et les plafonds
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ont été modifiés : les décors muraux
peuvent être facilement maquillés,
voire redoublés par mes équipes, alors
qu’il est techniquement très difficile
de redoubler un plafond décoré.
Nous avons donc trouvé un château, près de Paris, en assez mauvais état, mais qui pouvait se plier
à ces contraintes. Certaines
pièces étaient trop grandes
pour le scénario : elles ont été
recoupées et retravaillées en
volume. D’autres ont été
intégralement habillées en
bois, cimaises et lambris. Les tableaux
ont joué un grand
rôle dans ces décors, et j’ai
recherché les toiles qu’un nouveau riche aurait
pu acquérir. C’est ainsi que Jourdain est montré
dans un univers pictural allant de Poussin à De La
Tour, en passant par Vermeer.
C’est aussi dans les communs de ce château que
j’ai reconstitué une taverne avec l’ambiance de
l’époque, en m’inspirant largement des peintures
flamandes qui sont une source d’une très grande
richesse pour la documentation sur l’époque.
Quant aux extérieurs, il a fallu trouver d’autres
jardins, et tourner dans un autre château, devant
une autre façade.
JPL Je ne m’inspire pas des travaux de costumiers qui ont déjà interprété une époque. Ce que
je recherche, ce sont des documents d’époque et
la manière dont je vais pouvoir m’en servir au
mieux pour créer l’ambiance qui convient au film.
x Quel travail particulier avez-vous effectué
pour les lieux théâtraux eux-mêmes ?
FD Les scènes de théâtre ont été tournées avec la
machinerie existante du Petit Théâtre de Versailles
et ses machinistes. Les changements de décor ont
été faits à vue, avec cette machinerie d’époque qui
vient d’être restaurée. Ce Petit Théâtre, fait pour
Marie-Antoinette, qui aimait jouer à Versailles, est
très fragile : tout en bois, il ne peut accueillir des représentations publiques pour des raisons de sécurité.C’est un vrai privilège que d’avoir pu y tourner.
C’est aussi une occasion de le montrer au public…
JPL J’ai recherché l’unité scénique des représentations théâtrales des pièces de Molière dans le
film, de manière à ce qu’on ne puisse les confondre avec les scènes « réelles » : je souhaitais que les
spectateurs sentent immédiatement à l’écran que
l’on était au théâtre, sans tomber dans la « Comédie-Française des années 50 ». Or, à l’époque, afin
d’être bien vus, les acteurs portaient beaucoup de
doré et d’argent, se maquillaient le visage en blanc
et soulignaient leurs sourcils de noir. Les costumes
de scène sont ainsi tous dans cette palette de couleurs
afin de bien mettre en valeur leur aspect théâtral.
x La personnalité de l’acteur influence-t-elle
vos choix ?
JPL Je suis toujours à l’écoute des acteurs. Je
leur soumets quelques idées et je leur pose des
questions afin de mieux cerner la manière dont
ils voient leur personnage. L’essentiel repose sur
la perception qu’aura l’acteur de mes créations :
j’apprécie donc qu’il participe au choix du costume
car il va vivre dedans. Le costume doit devenir
vêtement ! z
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