alya sebti – note d`intention

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alya sebti – note d`intention
Marrakech Biennale 5
Marrakech Biennale Association
2 Derb Moulay Abdellah Ben Hassan
Riad el-Fenn, Bab Laksour, Medina
Marrakech, Morocco 40 000
+212 (0)524378265
www.marrakechbiennale.org
ALYA SEBTI – NOTE D’INTENTION
OÙ SOMMES-NOUS MAINTENANT ?
Accroître l’accès à la culture contemporaine en Afrique du nord
“Le concept idéal qui sous-tend une Biennale est double : avoir un lien culturel avec les traditions
locales du lieu d’exposition mais être ouvert aux échanges internationaux.” Hou Hanru
Depuis des siècles, Marrakech est une plaque tournante intellectuelle et politique en Afrique
du nord. “Ses racines multiples et poreuses”, telles que décrites par le philosophe Edouard
Glissant, se nourrissent de ses diverses influences culturelles qui s’étendent vers le sud à
travers l’Afrique sub-saharienne, vers l’est en passant par le Moyen-Orient et l’Asie, vers le
nord à travers l’Europe et vers l’Ouest en direction des Amériques. Cependant le Maroc - et
plus généralement l’Afrique du nord – est arrivé à un carrefour déterminant : le paysage
socio-politique complexe de la région est en train d’être pénétré par une demande croissante
de démocratisation de l’accès à la culture. Nous assistons à l’émergence d’un élan nouveau et
il est urgent d’en interroger les circonstances comme d’inviter un public plus large à
participer à un dialogue constructif sur l’esthétique.
La Biennale de Marrakech a été créée pour initier des débats socio-politiques délicats en
adoptant la perspective des arts. Elle vise à bâtir une plateforme artistique trilingue – français,
anglais et arabe – qui mette en valeur le travail des membres de la scène culturelle
contemporaine au Maroc et sollicite des discussions entre artistes, écrivains, réalisateurs,
musiciens et chorégraphes marocains et étrangers. Après dix années d’existence, ce festival
est devenu non seulement “un lieu d’expérimentation important pour la réalisation
d’expositions”[i], il a diversifié “les paramètres déterminant la forme d’une exposition afin d’y
inclure des discussions plus discursives, plus spontanées et plus géopolitiques”[ii].
OÙ SOMMES-NOUS MAINTENANT ? cherche à accroître le rôle de la Biennale en tant que
contributeur inestimable aux transformations culturelles et sociales qui se produisent
actuellement au Maroc. Cette “institution instable”, pour reprendre la définition des
biennales donnée par Carlos Basualdo, “n’appartient pas totalement au système et peut
susciter l’éclosion de possibilités subversives.”[iii] La force de la Biennale de Marrakech tient
à son instabilité : c’est un laboratoire ouvert, qui revèle les interstices et crée des traits
d’union.
La Biennale de Marrakech 5 a été conçue comme un dialogue entre quatre disciplines : les
arts visuels et sonores, la littérature, le cinéma et la vidéo, ainsi que les arts de la scène. La
question ouverte, qui lui a été donnée pour titre, invite le spectateur “stimulé” à analyser sa
propre réalité sous de nouveaux angles. Le concept d’une arène politique ouverte, l’agora ou
la Jamaa – pour reprendre l’expression arabe qui désigne un lieu communautaire et un
espace de dialogue – constitue le fil rouge qui relie les nombreuses expositions simultanées.
L’exposition Visual & Sound Arts, dont le commissaire est Hicham Khalidi, comprend une
majorité d’œuvres in situ, produites à Marrakech et s’étant inspirées de cet environnement.
Elle s’intègre à des discussions sur la dualité et la pluralité, l’héritage, le changement sociopolitique et la contradiction qui se pose entre le patrimoine unique de la ville et sa situation
actuelle, culturellement difficile.
La Biennale de Marrakech est une association à but non lucratif / The Marrakech Biennale is a non-profit organisation
Les artistes et les écrivains choisis par le commissaire littéraire Driss Ksikès, un écrivain et
dramaturge marocain, interviendront sur la place Jamaa El Fna, cœur spirituel de Marrakech
et principal lieu de transmission du patrimoine oral de la ville. Ksikès présente une série de
tables rondes et de lectures-performances qui lieront les arts de la scène à la littérature, l’art
de la comédie aux arts visuels et à la littérature. Ces incursions dans des espaces publics
permettent de sortir la littérature de son cadre classique et élitiste dans un pays encore miné
par l’analphabétisme, l’art étant ici proposé comme expérience émancipatrice.
C’est Jamal Abdennassar, fondateur du festival pionnier d’installations vidéo Casaprojecta, qui
s’est occupé de Cinéma & Vidéo. Son exposition, qui présente des installations vidéo dans
des endroits atypiques, s’intéresse aux créations contemporaines d’Afrique du nord en lien
avec d’autres régions, en particulier l’Afrique sub-saharienne et le Moyen-Orient. Aux
projections de films et aux tables rondes viennent s’ajouter des Cartes Blanches organisées à
la légendaire cinémathèque de Tanger.
Cette année, la Biennale inaugure également un volet Arts de la scène, conçu par Khalid
Tamer, fondateur du festival des arts de la rue Awaln’art à Marrakech. Cet important
développement permet de mettre en avant des performances de rue qui suscitent la
participation des passants. La programmation de Tamer interroge les tensions entre le
contemporain et le traditionnel, mettant en relation les deux principaux sites de la Biennale :
l’espace traditionnel de la Médina et le quartier moderne de Gueliz.
OÙ SOMMES-NOUS MAINTENANT ? accueille de surcroît dix Projets parallèles, organisés et
financés de manière indépendante, qui ont été sélectionnés par le comité artistique directeur
de la Biennale. Ces projets offrent une variété d’expositions annexes, dont certaines
emploient des dispositifs sonores pour propager et diffuser leur contenu dans des espaces
publics. Ces projets nationaux et internationaux, disséminés à travers Marrakech, reflètent la
créativité et les points de vue en évolution rapide qui animent la ville et le pays tout entier.
En impliquant d’autres partenaires et programmes indépendants, la Biennale valorise des
initiatives culturelles locales à Marrakech et élargit le périmètre de sa créativité foisonnante.
Après avoir suivi sa croissance naturelle pendant plus de dix ans, la Biennale de Marrakech
est parvenu à un tournant. Elle doit trouver le moyen, et de s’ancrer de façon permanente au
Maroc, et d’accroître son rôle en tant que lieu d’échange international. Pour ce faire, elle doit
prendre part aux réalités économiques et politiques du pays tout en conservant son
autonomie et sa liberté d’expression. La Biennale de Marrakech 5 est en train de prendre des
mesures significatives pour s’installer dans la ville, tout en favorisant une prise de conscience
des défis et des opportunités culturels qu’elle apporte à son public au niveau local.
OÙ SOMMES-NOUS MAINTENANT ? s’engage à améliorer l’accès des habitants de Marrakech
à l’art contemporain au travers de formations alternatives efficaces et un programme de
stages significatif. Aider les jeunes Marocains à développer leur sensibilité critique permet
non seulement de disposer d’un public plus réceptif, mais contribue à la professionalisation
de ce public sur le long terme. Pénétrer dans le tissu social de la ville en se faisant connaître
auprès des jeunes permettra à la Biennale d’atteindre un jour son objectif premier : offrir “un
accès équitable aux biens et aux services culturels” aux habitants de Marrakech.[iv]
Depuis longtemps, la Biennale de Marrakech aspire à devenir totalement trilingue. OÙ
SOMMES-NOUS MAINTENANT ? cherche à faire un pas de plus en proposant des
interventions dans des espaces publics en Darija ou “arabe marocain”. Bien que le Darija ne
soit pas reconnu comme dialecte officiel au Maroc, il s’agit de la langue la plus couramment
parlée dans le pays et la plus répandue géographiquement. Demander “Où sommes-nous
maintenant ?” en Darija ne prouve pas seulement que la Biennale s’adresse au public
marocain, mais permet aussi de réaliser un rêve incessant : devenir une plateforme accueillant
Marrakech Biennale 5
Marrakech Biennale Association
2 Derb Moulay Abdellah Ben Hassan
Riad el-Fenn, Bab Laksour, Medina
Marrakech, Morocco 40 000
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des structures culturelles permanentes, susceptibles de rassembler un public plus réceptif et
plus professionel au niveau local, et où l’accès aux services culturels ne soit plus réservé
exclusivement à une élite.
Par cette approche, OÙ SOMMES-NOUS MAINTENANT ? espère contribuer à une réflexion
fondamentale sur notre société, en encourageant ses participants et un plus grand nombre de
Marocains motivés à prendre part à un processus culturel ouvert à tous, sans exception.
Alya Sebti, Directeur artistique
[i] Elena Filipovic, Marieke van Hal, et Solveig Øvstebø, “Biennology,” dans The Biennial
Reader, éditions Marieke van Hal et Solveig Øvstebø (Bergen: Bergen Kunsthall & Hatje
Cantz, 2009), 16.
[ii] Paul O’Neill, “The Curatorial Turn: From Practice to Discourse,” dans Issues in Curating
Contemporary Art and Performance, éditions Judith Rugg (Chicago: Intellect, 2007), 13.
[iii] Carlos Basualdo “The Unstable Institution," MJ - Manifesta Journal 2 (hiver 2003–
printemps 2004).
2003.
[iv] Simon Njami cité dans Perrin Lathrop, “Localising the Global Biennale? The Encounters of
Bamako: African Biennial of Photography, 1994-Today,” SAVVY Journal for Critical Texts on
Contemporary African Art numéro 4 (2012).
La Biennale de Marrakech est une association à but non lucratif / The Marrakech Biennale is a non-profit organisation