La belette
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La belette
La belette Si tout le monde la connaît ou croit la connaître, la confusion est toutefois fréquente… Alors, la belette, petite sœur de l'hermine ? Pas vraiment. Benjamine des carnivores d'Europe, la belette mérite vraiment d'être réhabilitée et protégée... Aire de répartition F i g u r e 1 . Aire de répartition européenne de la belette La Belette se rencontre de l’Europe et du Maghreb à la Sibérie, le Japon et l’Afghanistan. Elle a également été introduite sur plusieurs îles de l’Atlantique et de la Méditerranée pour combattre les souris. En Wallonie, la belette se retrouve sur l’ensemble du territoire. Elle est néanmoins considérée par la Région Wallonne comme une espèce « sensible » c'est-à-dire qu'à moyen terme, elle risque de régresser plus ou moins fortement. 1 Question à cinq francs Voici la benjamine des carnivores d’Europe : oreilles à peine visibles, petite queue, bas sur pattes, c'est vrai qu'elle n'impose guère avec sa vingtaine de centimètres de long et son poids qui avoisine les 80 grammes ! 80 grammes : c'est à peine le poids de trois ou quatre souris grises de nos maisons ! Légère, la belette est aussi svelte ! Incroyable mais vrai : elle s’introduit sans la moindre difficulté dans un trou pas plus large que 23 mm de diamètre, la taille d'une pièce de cinq francs. Vous imaginez bien qu'aucune galerie de rongeurs ne lui résiste ! Mulots, souris et autres campagnols n'ont qu'à se tenir à carreau… Par monts et par vaux La belette se rencontre dans la plupart des habitats : les lisières de forêt, les talus, les fossés, les haies, les broussailles, les vergers, les parcs, les champs et les bois, tout est bon ! Profitant de son aptitude à se glisser dans les galeries des rongeurs, elle passe une bonne partie de son temps sous terre, y chasse, s’y réfugie à la moindre alerte et y établit même son nid. A la différence de l’hermine, elle évite cependant les terrains humides. Alors que les martre, blaireau, putois… ont besoin d’abris naturels diversifiés (haies, buissons, talus, ronciers…) pour se dissimuler, construire un gîte et se reproduire, la belette peut se contenter d'habitats fortement "dénudés" ou modifiés par l'homme. Voilà pourquoi, en Wallonie, on la retrouve notamment dans les grandes plaines céréalières de Hesbaye, là où se produisent périodiquement d’importantes pullulations de campagnols avec les dégâts que l'on sait pour les cultures… Au menu : des rongeurs ! Tous les spécialistes sont unanimes : l'essentiel (90%) de la nourriture de la belette est composée de rongeurs ! Elle en consomme environ 350 par an. Et lorsque les rongeurs pullulent, comme c'est le cas périodiquement, pour la belette c'est une aubaine : elle en capture, "en veux-tu en voilà" ! Avec une moyenne de 30 belettes par km² de cultures [voir encadré "Des pics de pullulation"], faites le compte : ce ne sont pas moins de 10 000 souris et campagnols qui sont ainsi consommées par an ! 10 000 rongeurs par an par kilomètre carré : quel est l'agriculteur qui peut se targuer d'en détruire au- 2 tant ? Alors, nuisible la belette ? J'entends déjà : oui mais elle ne se nourrit pas que de rongeurs ?! C'est vrai, elle peut aussi capturer occasionnellement des musaraignes, des taupes (insectivores), plus rarement des reptiles, des amphibiens et des oiseaux de petite taille. Et qu'en est-il des "protégés des chasseurs" c'est-à-dire les lièvres, les faisans et les perdrix ? C'est possible également… mais vu sa taille de pygmée, la belette ne peut capturer que de très jeunes individus. C'est si rare, si anecdotique, qu'il n'est plus légitime aujourd'hui de pointer la belette comme bouc émissaire. Les vraies causes de disparition du "gibier" sont bien connues [voir encadré : les vraies causes de la disparition du gibier]. Et les poules, et les œufs ? Les animaux domestiques ne sont que très rarement attaqués. Si la belette fréquente le voisinage des enclos, c'est parce qu'elle y est attirée davantage par les souris qui s'y multiplient et viennent grignoter les graines que par les animaux d'élevage. Sa faible taille limite d’ailleurs celle des proies qu'elle peut capturer (poussins, lapereaux…). Ici aussi, cela n'est rien en comparaison aux services qu'elle rend par ailleurs en capturant les rongeurs. Une vie de belette La belette émet des effluves malodorants : une manière comme une autre de repousser les prédateurs. En dépit de la présence de glandes anales aux sécrétions répulsives, elle possède toutefois de nombreux ennemis naturels. Y figurent en bonne place : le renard, le chat sauvage et le chat haret ainsi que la fouine et putois. La belette est plus rarement inscrite au menu des rapaces : buses, autours, chouettes, hiboux. Pour la belette, il y a les "bonnes" et les "mauvaises" années. Les "bonnes" années sont celles où les proies (campagnols…) sont abondantes. Dans ces conditions, elle peut avoir deux portées, chacune de 3 à 9 (voire 12) petits en moyenne. Par contre, durant les "années de vaches maigres", la belette n'aura souvent qu'une portée unique. Tous pour un, un pour tous ! Comme l'a montré le chercheur Fitzgerald, les différentes espèces de carnivores sont complémentaires dans le maintien des petits rongeurs à des niveaux raisonnables. Ainsi, les "spécialistes" comme la belette ou l’hermine joueraient un rôle déstabilisant sur les populations de rongeurs lors de phases de pullulations alors que les prédateurs plus généralistes (renard, chat, buse…) joueraient plutôt un rôle régulateur durant les phases de déclin et de faibles densités des proies. Des pics de pullul ation F i g u r e 2 . Le périmètre des triangles rouges représente la courbe d’évolution temporelle de la population de Campagnol des champs (0 à 1000-4500 individus/km2 ), la courbe en pointillés, celle de la population de belette (0.2 à 30 individus/km2). Cette dernière présente un décalage positif de quelques semaines. Les populations de belettes fluctuent selon des cycles de deux à quatre années qui suivent les populations de rongeurs dont elles se nourrissent. Cela signifie que s'il y a beaucoup de rongeurs… il y aura aussi beaucoup de belettes. Ainsi, le nombre de belettes au km² peut atteindre 30 individus lorsque les populations de campagnols sont au plus fort (100 à 450 individus/hectare). Lorsque les densités de rongeurs sont faibles (quasi au bord de l’extinction suite à l’action des b e l e t t e s ) , celles de belettes le deviennent aussi (en moyenne inférieures à 0,2 individus/km²). D'une année à l'autre les rapports entre faibles ("mauvaises" années) et fortes ("bonnes" années) densités peuvent être de l’ordre de 1 à 100. On le voit, les variations de densités de populations de belettes sont donc uniquement fonction de celles de ses proies (principalement les rongeurs). Que se passe-t-il lorsque les populations de rongeurs diminuent ? N'y a-t-il pas le risque que la belette se rabatte, faute de rongeurs à se mettre sous la dent, sur des proies plus rares ou… sur le "gibier" des chasseurs ? Pas du tout ! Même en présence d'autres proies, on observe que les populations de belette régressent (mortalité naturelle) parallèlement à celle des rongeurs. La belette ne risque donc pas de faire des ravages sur d'autres proies ! 3 Des arguments pour protéger la belette ? 3. La belette ne se nourrit qu’exceptionnellement de jeunes levrauts, poussins ou œufs, et elle ne fait qu’exercer par là son rôle normal de prédateur naturel 1. Trente belettes consomment 10 000 rongeurs par an et par km² ! Ce résultat est atteint lors des pullulations de rongeurs, où la densité de belettes peut atteindre environ 30 individus par km² et où chaque individu consomme environ 350 rongeurs par an. 2. La reproduction de la belette est fonction de la densité de petits ron-geurs dont elle se nourrit La belette constitue un cas unique parmi les prédateurs : • Sa fécondité peut varier dans des proportions étonnantes : de 3 à 8 parfois même 12 jeunes par portée, suivant la quantité de proies disponibles. • Cas unique, lors des pullulations de rongeurs, elle peut avoir deux portées par an au lieu d’une. • Sur le plan de la maturité sexuelle, la belette est très précoce. Les femelles nées au printemps peuvent déjà mettre bas à l’âge de 5 mois lors de pullulations de campagnols. Les populations de belettes s'adaptent donc rapidement à cette situation nouvelle. Les autres carnivores sont quant à eux obligés d’attendre l’année suivante pour se reproduire. De tous les carnivores, la belette est donc bien celle qui paraît la mieux à même de contrôler en permanence les populations de rongeurs et d’empêcher ou de retarder leurs pullulations dont on connaît les dégâts sur le plan agricole. 4 La belette peut s’attaquer à l’occasion à de jeunes proies vivantes tels que jeunes levrauts, poussins divers (faisans, perdrix…) et œufs, qu’elle trouve lors de ses pérégrinations à la recherche des petits rongeurs. Cette prédation est dans l’ordre des choses. Certains témoignages font état de l’attaque de lièvres adultes (plusieurs kilos) par la belette (au maximum une centaine de grammes). Il est impensable qu’une belette qui ne pèse jamais que trois à quatre fois le poids d’une souris, puisse venir à bout d’un lièvre en pleine santé. Ces observations concernent plus probablement des animaux blessés ou malades. C'est probablement le cas pour les lièvres atteints de "tularémie", une maladie virale qui a fortement réduit les populations de lièvre en Wallonie. Mais dans ce cas, la belette joue simplement son rôle de prédateur naturel en éliminant prioritairement les individus malades ou blessés. 4. Si la belette entre dans un poulailler, c’est pour chasser les rongeurs En effet, sa taille de pygmée en comparaison à celle des poules ne lui permet guère de s’attaquer à de grosses proies. Que vient faire alors la belette dans le poulailler ? Tout simplement chasser les souris et les mulots attirés par le grain distribué chaque jour à la volaille. Enfin, en cas de récit de dommages causés par une prétendue belette, il sera toujours bon de s’assurer que la personne en question ne la confond pas avec un autre carnivore, ou avec le rat surmulot, gros rongeur fréquent dans les basses cours et autres poulaillers, et qui consomme les œufs et les jeunes poussins. 5. Les élevages à gibier pe uvent attirer la belette La gestion artificielle de la chasse (libération de faisans peu de temps avant les tirs) entraîne une multiplication des faisanderies et autres élevages. Ces concentrations d’animaux prisonniers dans des volières et affaiblis par les conditions artificielles de leur détention, constituent pour tous les carnivores sauvages une tentation permanente. Ici aussi, il y a lieu de rester sceptique quant à d’éventuelles attaques par la belette sur les oiseaux élevés. Comme dans le cas des poulaillers, la belette peut s’aventurer dans ces élevages pour y capturer les rongeurs attirés par les graines. Pour en savoir plus : DELATTRE P., 1987. La belette et l’Hermine. Encyclopédie des Carnivores de France. Ed. de la Société Française pour l’Etude et la Protection des Mammifères. 73 pp. DELATTRE P., CROSET H., ANGOL J.P., 1991. Comment fonctionnent les populations de vertébrés ravageurs ? Bulletin technique d’information du Ministère de l’agriculture français. Mars-Avril. 16-23 DUNN E., 1977. Predation by weasels (Mustela nivalis) on breeding tits (Parus sp.) in relation to the density of tits and rodents. J. Anim. Ecol., 46. 633-652. ERLINGE S., 1975. Feeding habits of the weasel (Mustela nivalis) in relation to prey abundance. Oikos, 26. 378-384. ERLINGE S., GORANSSON G., HOGSTEDT G., L IBERG O., L OMAN J., NILLSON I. et VON SHANTZ, 1982. Factor limiting numbers of vertebrate predators in a predator prey community. Trans. Inter. Congre. Garne Biol., 14.261-268. FITZERALD, B.M., 1977. Weasel predation on a cyclic population of the montane vole (Microtus montanus) in California. J. An. Ecol., 46 : 367-397. HAINARD R., 1965. Mammifères sauvages d’Europe, Vol.1 (Insectivores, chiroptères, carnivores). Eds Delachaux et Niestlé. HEPTNER V. G. et NAUMOV N. P., 1974. Die säugetiere der Sowjetunion. 17. Untergattung Mustela. 628-720. KING C. M., 1980. Studies of the control of stoats (Mustela erminea) in new Zealand forest. World. Furb. Conf. Maryland, 443-469. L OCKIE J. D., 1966. Territory in small carnivores. Symp. Zool. Soc. Lond., 18. 143-165. PERRINS J. C., 1965. Population fluctuations and clutch-size in the great tit (Parus major). J. Anim. Ecol., 35. 217-233. POWELL R. A., 1973. A model for raptor predation on weasels. J. Mamm., 54, 1. 259-263. SHILLING D., SINGER D. et DILLER H., 1986. Guide des mammifères d’Europe. Ed. Delachaux et Niestlé. 280pp. 5 L’Hermine Hermine, la brune… Hermine la blanche. Longtemps chassée pour sa fourrure, l'hermine était plus connue exhibée au cou de quelques dames frileuses que dans la nature. Depuis quelques années, la chasse et la capture de ce petit carnivore ne sont plus autorisées en Wallonie. Mais voilà que surgit à nouveau le spectre archaïque de la "destruction" d'un animal aussi beau qu'utile… Aire de répartition F i g u r e 3 . Aire de répartition européenne de l’hermine L’hermine se rencontre dans tous les pays d'Eurasie et d’Amérique du Nord. En Europe, on la retrouve dans les régions froides et tempérées, à l’exception de la Provence en France, la Corse, l’Italie et les îles méditerranéennes. En Wallonie, l’hermine a une répartition ubiquiste. Elle semble néanmoins plus localisée au nord du sillon Sambre et Meuse. Son statut est considéré comme « sensible » par la Région wallonne c'est-à-dire qu'à moyen terme, elle risque de régresser plus ou moins fortement. 6 L'immaculée L’hermine est le prototype du petit carnivore vermiforme : corps long et mince, oreilles courtes et arrondies. Un peu plus massif que la belette, l'hermine est souvent confondue avec cette dernière tant leurs pelages d'été sont semblables. La queue de l'hermine terminée par un pinceau noir est le principal signe de reconnaissance. En moyenne, l'hermine mesure 30 à 42 cm dont 10 à 12 cm pour la queue. Les femelles sont plus petites que les mâles. Le poids varie de 100 à 300 grammes. Le saviez-vous ? Contrairement à une opinion répandue, toutes les hermines ne deviennent pas blanches en hiver. Certaines années, dans les régions de plaine notamment, de très nombreux individus conservent leurs couleurs d’été. Habitat La plupart des habitats conviennent à l'hermine : champs, prés, prairies bocagères, lisières des bois, fossés, haies, jardins, friches, régions pierreuses ou marécageuses, dunes, parcs boisés… Elle semble toutefois plus rare au cœur des forêts denses et dans les grandes plaines céréalières où les abris naturels (haies, bosquets, talus…) ont disparu. Là où elle n’est pas persécutée, elle s’enhardit et s'approche volontiers des habitations. Au menu ? Des rongeurs ! Comme la belette avec qui elle partage un régime alimentaire semblable, l'hermine est adaptée par sa morphologie mince et effilée à la chasse aux rongeurs dans leurs galeries. Elle en fait son quotidien puisque jusqu’à 99% de son alimentation est composée de campagnols terrestres, de campagnols des champs, de mulots, ou de rats surmulots. Plusieurs recherches ont montré qu'un individu adulte consommait quotidiennement entre 70 et 230g de nourriture soit 3 à 8 campagnols des champs par jour ! Multiplié par 365 jours, les agriculteurs auront vite fait le compte : une hermine préservée équivaut à 1000 ou 3000 petits rongeurs en moins par an ! Qui a dit que l'hermine était "inutile" ? Elle peut aussi se nourrir de temps à autre d’autres petits vertébrés (lézards, grenouilles...) et d'invertébrés (escargots, insectes…), mais aussi d'insectivores (taupes, musaraignes) voire pendant les périodes de faible densité de rongeurs, de fruits qui sont alors ingérés en quantité appréciable. Elle se nourrit occasionnellement, il est vrai aussi, de jeunes oiseaux, de lapereaux ou levrauts qu'elle prélève au nid mais rappelons le caractère anecdotique de ces prélèvements. Qui plus est, elle n'est en rien responsable de la disparition du "gibier" des chasseurs : les causes sont à rechercher ailleurs, notamment dans l'intensification de l'agriculture (perte d'habitats, arasement des haies et des talus…). Et si elle pénètre à l'occasion dans les poulaillers ou les élevages, c'est souvent pour les mêmes bonnes raisons que la belette ! Les populations : c'est de la dynamique ! Les prédateurs principaux de l’hermine sont les renards, les chats harets et sauvages et le hibou grandduc. Le nombre de jeunes est très variable d’une année à l’autre et selon les régions : entre 4 (parfois 3) et 7 pouvant aller jusqu’à 9. Tout comme pour la belette, les effectifs sont tributaires de l’abondance en proies disponibles, notamment de campagnols terrestres, qui constituent la nourriture de base de l’hermine. Et lorsque le nombre de proies diminue, il en résulte éga- Hermine ou belette ? Voici 4 critères pour distinguer l'hermine de la belette : • l’hermine a le bout de la queue noir, pas la belette ; • elle est plus longue que le belette (mais elle est à peine plus épaisse) ; • la ligne de séparation entre le dessus brun et le dessous blanc est régulière chez l’hermine, en zigzag chez la belette ; • Le pelage de la belette est beaucoup plus ras et plus foncé que celui de l’hermine. 7 lement des diminutions importantes de densité de populations d’hermines. Les capacités de multiplication de l’hermine paraissent relativement moindres en comparaison à celles de la belette. Contrairement à la belette qui peut avoir deux portées par an, l'hermine n'en a qu'une. En cause : un mécanisme d'implantation différée des embryons qui l'oblige à attendre 9 à 11 mois avant de se reproduire à nouveau. Ainsi, alors que la production maximale d’une belette adulte est de 30 jeunes en une vie, la valeur correspondante chez l’hermine est de 13. Voilà pourquoi l’hermine ne peut « répondre » aussi rapidement que la belette à des augmentations de densité de population de ses proies. Les densités fluctuent fortement d’une année à l’autre et semblent suivre des cycles de 4 à 9 ans (contre 2 à 4 chez la belette). Les densités maximales, à l’échelle locale, sont de l’ordre de 1 à 2 individus pour 10 hectares dans les habitats les plus favorables (marécages, bocages…). Toutefois, tous les milieux n’étant pas également colonisés, les densités évaluées à l’échelle régionale seraient en moyenne beaucoup plus faibles (en- Mécanisme de régulation des densités de populations F i g u r e 4 . Le périmètre des triangles bleus représente la courbe d’évolution temporelle de la population de Campagnol terrestre (0 à 100010000 individus/km2 ), la courbe en pointillés, celle de la population d’hermine (0.2 à 20 individus/km2). Les préférences alimentaires de l’hermine à l’égard du campagnol terrestre créent une apparente dépendance de ce prédateur vis-à-vis de sa proie. Il en résulte des diminutions importantes de densité de populations d’hermines pendant les phases de déclin de ses proies. tre 0,2 et 0,04 individus/10 ha). Pourquoi protéger l'hermine ? 1. L’ensemble des points discutés pour la belette sont également valables pour l’hermine. 2. Contrairement à une légende très répandue, l’hermine tout comme la belette ne boivent pas le sang de leurs proies ! L’hermine et la belette boivent-elles le sang de leurs proies ? La question peut paraître, au premier abord, totalement dépourvue d’intérêt. En effet, en quoi le fait de se nourrir de sang serait-il plus « répréhensible » que de consom8 mer de la chair ? Mais nous devons compter avec l’habitude qu’à l’homme de juger les animaux selon ses propres valeurs morales. Ainsi, aux yeux du public, les herbivores passent-ils pour des animaux doux et paisibles, alors que les carnivores sont souvent considérés comme des brigands et des voleurs. Quant aux buveurs de sang, leur cas est pendable : il ne s’agit plus d’animaux, mais purement et simplement de monstres ! « Elle suce le sang de ses victimes et ne les lâche qu’avec les dernières secousses de l’agonie » écrivait un chasseur en France à propos de l’hermine. Il n’a jamais été démontré que l’hermine, la belette et la fouine (principaux "nuisibles" accusés de vampirisme) consommaient le sang de leurs proies. La mise à mort la plus fréquemment utilisée par les mustélidés est l’écrasement de la boite crânienne, méthode qui provoque une mort immédiate. Après cet acte, relâchant sa proie, elle la flaire, lèche le sang qui s’écoule et la dépèce. C’est ce comportement qui a vraisemblablement amené l’affirmation selon laquelle elle suce le sang jusqu’à l’ivresse… 3. L’hermine s’attaque -t-elle à de grands lièvres adultes ? Ce cas de prédation est cité des revues cynégétiques, comme étant monnaie courante. Cette opinion est toutefois à nuancer très sérieusement : • Les cas d’attaque de gros lièvres par des hermines sont exceptionnels; • Il ne peut s’agir que de grands jeunes de 1 ou 2 kg (le lièvre adulte, quant à lui, pèse 4 kilos alors que l’hermine ne fait que 300 grammes…). • Rien ne démontre qu’il s’agisse de lièvres en bonne santé, bien au contraire. Ainsi, concernant les lièvres adultes malades, l’hermine ne fait que jouer un rôle sanitaire en empêchant les épidé- mies de se propager. Pour en savoir plus DEBROT S., 1981. Trophic relation between the stoat (Mustela erminea) and its prey, mainly the watervole (Arvicola terrestris Sherman). World Furb. Conf. Maryland, 1, 1.1259-1280. DELATTRE P., 1983. Density of weasel (Mustela nivalis) and stoat (Mustela erminae) in relation to water vole abundance. Acta Zool. Fenn., 174.221-222. DELATTRE P., 1987. La belette et l’Hermine. Encyclopédie des Carnivores de France. Eds de la Société Française pour l’Etude et la Protection des Mammifères. 73 pp. ERLINGE S., 1981. Food preference, optimal diet and reproductive output in stoats (Mustela erminea) in Sweden. Oikos, 36. 303-315. ERLINGE S., 1983. Demography and dynamics of a stoat (Mustela erminea) population in a diverse community of vertebrates. J. Anim. Ecol., 52. 705-726. ERLINGE S., GORANSON G., HOGSTEDT G., LIBERG O., LOIMAN J., NILLSON I. et VON SHANTZ L., 1982. Factors limiting numbers of vertebrate predator in a predator prey community. Trans., Inter. Congr. Game Biol. , 14. 261-268. HAINARD R., 1965. Mammifères sauvages d’Europe, Vol.1 (Insectivores, chiroptères, carnivores. Eds Delachaux et Niestlé. KRAFT V. A., 1966. Effect of temperature on the mobility of the Hermine in winter. In King (Some soviet research, 1, 104). SEGAL A. N., 1975. Postnatal growth, metabolism and thermo regulation in the stoat. Ecology, 61.2832. SHILLING D., SINGER D. et DILLER H., 1986. Guide des mammifères d’Europe. Eds Delachaux et Niestlé. 280pp. VaiS feld M. A., 1972. A contribution to the Ecology of ermine during the cold season in the European north. Zool. Zh., 11. 1705-1714. VERSHININ A. A., 1972. The biology and trapping of the ermine in Kamchatka. In King (Some soviet Research, 2. 11-24). 9 La martre Que ce soient pour ses poils ou son pelage, longtemps la martre fut réputée auprès des peintres et des dames de la bourgeoisie. Heureusement, certaines traditions… n'ont pas la peau dure. Aujourd'hui, la martre est protégée en Wallonie. Mais pour combien de temps encore ? Un vent de panique souffle dans les bois : voilà que la chasse de cet animal pourrait être à nouveau autorisée… Cousine de la fouine Aire de répartition F i g u r e 5 . Aire de répartition européenne de la martre La martre d'Europe, Martes martes, se rencontre… partout en Europe : au nord jusqu’à la limite des zones forestières, et au sud sur les pourtours de la Méditerranée. Elle est également présente dans les îles britanniques, en Russie de l’Ouest et dans une grande partie de l’Asie. En Belgique, la martre, également appelée "marte", est essentiellement confinée au sud du sillon Sambre-et-Meuse. C'est que l'espèce ne réside qu'au sein de grands massifs boisés pas trop morcelés : Ardenne, Lorraine, Fagne, Famenne. Elle est par contre d'une extrême rareté en Flandre où des individus sont régulièrement observés dans les pinèdes du nord de la Campine. 10 La martre a une taille comparable à celle d’un chat domestique soit environ 80 cm de long, dont 25 cm pour la queue. Son aspect est toutefois plus mince et effilé. Les mâles sont en moyenne plus grands que les femelles. Ressemblant à la fouine, la martre s’en distingue toutefois par sa bavette d’un beau jaune (blanche chez la fouine) qui contraste avec le dos brun et le bas du ventre blanc. Dans la forêt profonde Si la martre ressemble à la fouine, les deux espèces fréquentent des habitats totalement distincts. La martre est strictement forestière et ne s'approche guère des maisons. La fouine, par contre, est inféodée aux habitats rocheux (rupicoles) et fréquente volontiers les abords des habitations urbaines. Le comportement rupicole de la fouine serait d'ailleurs induit par la compétition avec la martre. Ainsi, on observe dans certaines régions, qu'en l'absence de la martre, la fouine peut aussi occuper des habitats forestiers. La martre occupe des gîtes, soit dans les arbres, soit au niveau du sol, où elle se réfugie ou élève ses jeunes. Durant la saison chaude, les gîtes dans les arbres sont préférés. Il peut s'agir d'une cavité dans un tronc, d'un amas de lierre, d'un nid d’oiseau abandonné, voire d'un nichoir à chouette. Les densités de populations ne sont pas plantureuses : en moyenne, 1 individu par km² dans les peuplements forestiers âgés et à peine un pour 10 km2 dans les peuplements jeunes. Des études par radio-pistage le confirment et ont montré que les territoires occupés différaient aussi selon le sexe : de 900 à 1 000 ha pour les mâles et de 250 à 450 ha pour les femelles. Mais ces chiffres varient aussi au cours du temps, les densités de populations étant fonction des ressources alimentaires. Ainsi, durant une période de disette, la compétition pour la nourriture augmente ce qui a une influence directe sur le nombre d'individus qui arrivent à survivre. Plus surprenant, la compétition a également un impact à long terme sur le nombre de femelles fertiles. Leur poids étant inférieur à celui des mâles, elles subissent en effet une plus forte mortalité ce qui diminue d'autant la capacité de reproduction de la population. En période de pénurie alimentaire, on constate donc aussi un déséquilibre entre les sexes. C'est tout bon ! Le régime alimentaire de la martre varie suivant les saisons. Les petits mammifères forment l'essentiel de sa nourriture. Il s’agit pour plus de 80% de petits rongeurs, essentiellement des campagnols roussâtres, des campagnols agrestes, des mulots et des musaraignes. La martre en consomme surtout en hiver et au printemps, mais la proportion de rongeurs dans son alimentation dépend surtout de leur densité de population. D'autres petits mammifères sont consommés en quantité plus modeste : à l'occasion, elle ne dédaigne pas des écureuils, des lapins, voire des chauvessouris. La martre n'hésite pas à se nourrir de charognes de grands mammifè- 11 res (chevreuil, renard) et joue de ce fait un rôle sanitaire en forêt. Les oiseaux (pigeons ramiers, passereaux…) et leurs œufs constituent une nourriture qui peut être importante au printemps, d'autant plus importante que les rongeurs forestiers sont rares. De par son habitat strictement forestier, la martre ne commet bien sûr aucun dégât aux élevages domestiques. Quant aux fruits, ils sont souvent consommés par la martre en été et en automne et peuvent alors représenter plus de 70 % de son régime alimentaire. En conclusion, la martre est avant tout une opportuniste qui s'adapte à l'abondance de ses proies. Ainsi, elle peut aussi se nourrir d'insectes (coléoptères, hyménoptères…) de mollusques, de vers de terre ou de batraciens. Démographie faible Les martres ne sont matures qu'à l'âge de deux ans, n'ont qu'une portée par an et une fécondité modeste (3 à 5 en moyenne). L’ensemble de ces facteurs, et ce malgré une grande durée de vie, augmente la sensibilité des populations aux prélèvements excessifs. Selon une étude réalisée en Ecosse, la longévité moyenne serait de 3 à 4 ans et le maximum de 11 ans. Les causes de mortalité sont diverses : chasse, piégeage, empoisonnement, trafic routier, prédation. La martre est en outre très sensible au dérangement. Pour quelques poils de martre La martre joue un rôle essentiel dans les écosystèmes forestiers : les études consacrées à son régime alimentaire démontrent de façon évidente qu'elle a un impact sur les populations de rongeurs. Lorsqu’ils sont en nombres importants, les rongeurs peuvent occasionner d’importants dégâts aux plantations (écorçage et cisaillement des bourgeons) et donc compromettre la régénération forestière. Comme les autres mustélidés, la martre complète donc utilement l’action des rapaces qui limitent le nombre de petits rongeurs et empêchent leurs pullulations. Les campagnes d’empoisonnement, la chasse pour sa fourrure ou sa naturalisation et la dégradation de son habitat par une gestion et une exploitation forestières inappropriées sont les principaux facteurs de régression de la martre. Sensible à de telles activités, l'espèce a déjà disparu de plusieurs régions. Par ailleurs, la fragmentation des habitats, les dérangements répétés dus au développement du tourisme, des aires de repos et des villages de vacances en forêt l'affectent aussi. Pourquoi protéger la martre ? 1. La martre est rare, en tout cas peu abondante, dans son milieu forestier ce qui justifie sa protection 2. La martre effectue une prédation essentielle sur le campagnol roussâtre, vecteur de la FHSR La martre est un carnivore exclusivement lié aux grands massifs forestiers. La densité de ses populations est faible et son impact sur le petit gibier est insignifiant. La prédation naturelle qu’effectue la martre sur les rongeurs forestiers, en particulier sur le campagnol roussâtre, est essentielle 12 pour réguler leurs populations dont la prolifération périodique provoque des dégâts aux jeunes plantations forestières. Par ailleurs, sa proie favorite, le campagnol roussâtre, apparaît aussi comme étant le vecteur de la fièvre hémorragique avec syndrome rénal [FHSR]. Cette maladie (hantavirose) est provoquée par un virus proche du virus d'Ebola qui peut se transmettre aux usagers de la forêt (travailleurs forestiers…). En limitant les populations de campagnols roussâtres, la martre diminue donc les risques sanitaires de cette maladie. 3. La martre, ami du forestier Par ailleurs, avec l’autour rapace rare en bien des endroits - la martre est pratiquement le seul prédateur à pouvoir contrôler les populations d’écureuils qui, lorsqu’elles dépassent localement un certain seuil, peuvent occasionner quelques dégâts aux forêts (écorçage des cimes…). 4. La Martre ne s'attaque pas aux élevages domestiques La martre est liée au milieu forestier, ne s’approchant qu'exceptionnellement des maisons. Les cas de prédation de la martre dans des élevages domestiques (pigeonniers, poulaillers, cla- piers) sont rarissimes et controversés. Pour en savoir plus : ANDERSON , E. (1970) - Quaternary evolution of the genus Martes (Carnivora, Mustelidea). Acta. Zool. Fenn. 130 : 132. ARTOIS, M. et DELATTRE, J. (1986) - Encyclopédie des Mammifères de France : La martre (Martes martes) -. Société française pour l’étude et la protection des mammifères, n°17. 31 p. BURT, W.H. (1943) - Territoriality and home range concept as applied to mammals. J.Mamm.,24 : 346-352. Davis, M.H. (1983) - Post-release movements of introduced Marten. J. Wildl. Manage., 47: 59-66. DELIBES, M. (1983) - Interspecific competition and the habitat of the stone marten in Europe. Acta. Zool. Fennica,174 : 229-231. DELMÉE, E., DACHY, P.et SIMON , P. 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Thèse de doctorat, Université de Neuchatel, Institut de zoologie.-185 p. MARSHALL, W.H. (1951)- Pine Marten as a forest product. J. For., 49 : 899-905. SAINT GIRONS, M.C. (1973) - Les mammifères de France et du Bénélux. Doin, Paris - 267 p. 13 La fouine Fouine ou martre ? Les distinguer n'est pas chose aisée. Forts semblables, la fouine est un peu la martre des villes et des villages. De nature curieuse, elle explore les moindres recoins de son habitat et n'hésite pas à s'approcher des habitations. Peut-être la surprendrez-vous un soir de pleine lune gambader sur le faîte de la maison. Jamais un animal n'a aussi bien porté son nom ! Aire de répartition F i g u r e 6 . Aire de répartition européenne de la fouine La Fouine se rencontre dans toute l’Europe, de la Méditerranée jusqu’au golfe de Finlande au Nord. En Wallonie, elle se retrouve sur l’ensemble du territoire. Début des années 80, la fouine était considérée comme une « espèce sensible ». Depuis lors, cette espèce anthropophile et opportuniste a regagné progressivement le terrain perdu, sans que les densités de population n'aient cependant atteint leurs niveaux d'antan. 14 Morphologie et anatomie Le pelage de la fouine est d'un beau brun roux mais contrairement à la martre qui lui ressemble, la gorge et la poitrine sont blanches. En moyenne, la fouine mesure entre 45 et 50 cm sans compter la queue qui atteint 25 à 30 cm. La taille de la femelle est légèrement inférieure à celle du mâle de même que son poids : de 1 à 1,5 kg pour la femelle contre 1,2 à 2 kg pour le mâle. La martre des rochers Vivant dans les greniers, les hangars et les granges, mais ne sortant que la nuit, la fouine passe souvent inaperçue. Cet animal peut parfois être moins discret à l’époque du rut ou de l’élevage des jeunes en raison de leurs sarabandes nocturnes ponctuées de cris aigus. Sa souplesse, ses talents de grimpeuse et ses prouesses acrobatiques sont extraordinaires. Elles lui permettent d’établir ses quartiers dans des greniers, des combles ou des clochers qu’elle rejoint en escaladant agilement les murs. Mais de nombreux autres endroits lui permettent aussi de se reposer : buissons épais, amas de blocs, terriers, tas de bois, gros nids d’oiseaux. La grande faculté d’adaptation de cette espèce lui permet de vivre dans des milieux aussi différents que les zones de cultures, les villes, les forêts morcelées, les bocages… Une fouineuse A l'écart de l’homme, la fouine exploite avant tout les fruits sauvages : mûres, framboises, sorbes ainsi que sureau noir, myrtilles et prunelles constituent l’essentiel de son alimentation. Ensuite, ce sont les mammifères, principalement les campagnols et les mulots qui sont consommés. Les oiseaux, surtout les passereaux et leurs œufs, les insectes voire même les vers de terre sont des proies fréquentes en fonction des régions. En zone rurale, la fouine met à profit les ressources qui lui sont offertes par la proximité de l’homme : fruits domestiques, volailles, déchets de cuisine. Mais ici aussi, l’alimentation repose surtout sur l’exploitation de pommes, poires, mûres, sorbes, arilles d’if, baies de sureau ou de Ligustrum, raisins, voire mandarines ! Les oiseaux figurent également en bonne place, notamment les pigeons, moineaux et étourneaux. Les mammifères semblent en revanche peu consommés. Enfin, la fréquence des déchets ménagers est parfois assez élevée. sources “ sauvages ” de nourriture, notamment des petits mammifères, des rongeurs en particulier. Parmi les oiseaux, les espèces les plus fréquemment consommées sont de petits passereaux, moineaux et merles, et corvidés. Les pigeons ramiers et domestiques figurent également en bonne place, de même que les œufs chapardés dans les fermes (poule, oie, canard) ou provenant du pillage de nids d’oiseaux sauvages (merle, ramier…). En milieu urbain, les fouines s’alimentent principalement de fruits de toutes sortes, tant sauvages que cultivés : cerises, prunes, La fouine est une opportuniste qui mange de tout. Elle adapte cependant son régime en fonction des ressources les plus abondantes et les plus faciles d’accès selon les saisons : 15 • en automne et en hiver, le régime est très riche en fruits de toutes sortes ; • en hiver et au printemps, les mammifères et les oiseaux (y compris les œufs) sont principalement capturés. Ces proies sont en effet plus rares à la fin de l'été et en automne. Les charognes et les déchets ménagers interviennent aussi en nombre durant cette période ; • les insectes sont plus fréquemment consommés en été et en automne. Démographie et dynamique de population Renard, chat sauvage, martre et hibou grand-duc sont les principaux prédateurs de la fouine. Les femelles n'ont qu’une seule portée de deux à trois jeunes par an. Plus de la moitié des jeunes meurent avant leur première année. Toutes les femelles ne se reproduisent pas chaque année et généralement ne le font qu’à l’âge de 1 an. Toutefois des femelles de moins d’un an peuvent se reproduire à l'occasion. Ce phénomène pourrait cons- Les solutions pour se protéger des attaques de la fouine (mais aussi d'autres carnivores comme le renard ou le putois) au poulailler existent ! Ces attaques ne concernent, dans l'immense majorité des cas, que des clapiers ou des poulaillers particulièrement vétustes, mal verrouillés ou mal entretenus. Si un grillage est troué de partout, si les planches sont disjointes et les portes dans un état lamentable, il ne faut pas s'étonner qu'un jour ou l'autre une bête sauvage profite de l'occasion qu'on lui offre aussi imprudemment. Par contre, un élevage de conception rationnelle ou correctement entretenu se trouve automatiquement à l'abri des prédateurs. Il est bien entendu également important de veiller à ce que les volailles soient enfermées chaque soir à l'intérieur du poulailler. Si malgré tout, un prédateur particulièrement obstiné tente de rentrer dans votre poulailler, diverses substances répulsives (par ex. la Korniline) sont en vente dans toute bonne droguerie et vous permettront à coup sûr d'éloigner définitivement le prédateur. tituer une réponse à une augmentation de la pression de prélèvement (prédation naturelle, chasse). L’espérance de vie ne dé- passe pas trois ans. Exceptionnellement des fouines peuvent atteindre l'âge respectable de 10 ans. Arguments pour sa protection 1. Les chasseurs ne peuvent rien reprocher de particulier à la Fouine Etant donné le secteur très particulier qu’elle exploite à savoir le voisinage des maisons, généralement très pauvre en espèces « gibier », étant donné d’autre part son régime en grande partie frugivore, mais aussi grande consommatrice de petits rongeurs, la fouine est un prédateur auquel aucun reproche cynégétique séelle tue ainsi tous les animaux les uns après les autres et ne s’arrête que rieux ne peut être fait. Les seuls « crimes » qui lui soient reprochés sont donc ceux qu’elle est amenée à commettre, de manière épisodique, dans les poulaillers et autres petits élevages. 2. Les carnages épisodiques de la fouine dans les poulaillers, et autres petits élevages : explication La Fouine se livre parfois à des carnages spectaculaires qui défrayent la chronique et ne font qu'entretenir la lorsque le calme est totalement revenu. 16 mauvaise réputation dont souffrent les « nuisibles » en milieu rural. Entrée dans un poulailler où les poules se mettent soudain à crier, à battre des ailes et à voler en tous sens, la Fouine manifeste une sorte de "frénésie de mise à mort". Les mouvements des futures proies agiraient comme un stimulus déclencheur du comportement de prédation chez la fouine. Au comble de l’excitation, Pour en savoir plus : HAINARD R., 1965. Mammifères sauvages d’Europe, Vol.1 (Insectivores, chiroptères, carnivores). Ed Delachaux et Niestlé. KALPERS, J. (1983) - Contribution à l'étude écoéthologique de la fouine (Martes foina) : stratégie d'utilisation du domaine vital et des ressources alimentaires. I Introduction générale et analyse du régime alimentaire. - Cahiers Ethol. appl., 3 : 145-163. KALPERS, J. (1984) - Contribution à l'étude écoéthologique de la fouine (Martes foina) : stratégie d'utilisation du domaine vital et des ressources alimentaires. II . Radiorepérage et discussion générale. - Cahiers Ethol. appl., 4 : 11-26. L IBOIS, R., 1991. La fouine (Martes foina Erxleben,1777) - Encyclopédie des Carnivores de France. Société Française pour l’Etude et la Protection des Mammifères. 53 pp. SHILLING D., SINGER D. & DILLER H. (1986) - Guide des mammifères d’Europe. Ed Delachaux et Niestlé. 17 Le putois Ne dit-on pas "Crier comme un putois" ? Ce qui est sûr, c'est qu'il a de bonnes raisons de vociférer, lui qui se voit accuser de bien des maux dont il n'est en rien responsable. Puant, peut-être… mais meurtrier, non ! Le putois n'a pas encore poussé son dernier cri… un « masque » caractéristiAire de répartition que de couleur blanche, tirant parfois sur le jaune. Exceptionnellement, certains sujets sont entièrement sombres. Ses mensurations : F i g u r e 7 . Aire de répartition européenne du putois L’aire de répartition du putois couvre presque toute l’Europe, exception faite des îles méditerranéennes, de la péninsule balkanique et de l’Irlande. En Grande-Bretagne, on ne le retrouve que dans le sud (Pays de Galles). En Wallonie, le putois est largement répandu dans toute la Wallonie, mise à part la Haute Ardenne. Gueule noire On le croirait sorti d'un charbonnage. Presque noirs comme de la suie, le ventre et les membres du putois contrastent nette- ment avec ses flancs clairs et jaunâtres. Sa queue est courte, noire également et bien fournie. La tête, le menton, les côtés du museau, le dessus des yeux, le bord des oreilles forment 18 • longueur : jusqu’à 60 cm avec la queue (13 à 19 cm de queue); • poids : jusqu’à 2 kg pour les mâles (moyenne : 1 kg à 1,5 kg). • taille : à mi-chemin entre les petits mustélidés aptes à entrer dans les trous de rongeurs et de taupes (belette, hermine) et les grands mustélidés (fouine, martre, blaireau). Le putois aime l’eau En Wallonie, le putois occupe une large gamme de biotopes dans les régions bocagères (Condroz, Pays de Herve…) ou de plaines (Hesbaye). Il affectionne tout particulièrement le voisinage de l’eau (roselières, prés à Carex…) mais se tient volontiers à proximité des maisons, particulièrement en hiver lorsqu'il visite les entrepôts, les granges, les meules, les tas de bois à le recherche de rongeurs qui s’y abritent pendant la mauvaise saison. Le putois occupe des gîtes variés : divers terriers (blaireau, renard…), des souches creuses, des tas de fagots…. Deratisator En règle générale, les mammifères constituent les proies principales de ce prédateur. De 42 à 99% du régime alimentaire est constitué de rongeurs (campagnols, souris…) avec notamment beaucoup de rats surmulots. En effet, l’agressivité remarquable du putois lui permet de s’attaquer très facilement au surmulot qui est une proie dangereuse et donc évitée par d'autres prédateurs comme le chat sauvage ou domestique. Ainsi, dans une région de France, une femelle de putois étu- diée pendant 34 jours, exploitait activement une importante population de surmulots, dans une zone d'un quart d'hectare aux abords d’un bâtiment agricole infesté par les rongeurs ; elle ne l’a quittée qu’à la suite d’une intense campagne de dératisation. Les suivis par radiopistage ont montré par ailleurs que le putois chassait les rats dans leurs trous. Les rats musqués ne le sont qu’accidentellement. Les oiseaux (0 à 27%), les amphibiens (0 à 31%) et les lagomorphes (0 à 29%) apparaissent assez régulièrement mais de façon saisonnière tandis que les musaraignes (0 à 6%) et les poissons (0 à 11%) ne constituent que des proies occasionnelles. Macro micro ennemis Les grands prédateurs naturels (loups, lynx…) ont disparu de nos régions. Seuls des espèces comme le renard et le chat sauvage peuvent exercer une prédation sur les jeunes putois. Mais c'est sans compter les "micro-ennemis" qui ont un impact non négligeable. Ainsi le Putois subit-il, plus encore que d’autres mustélidés, les attaques d’un parasite des fosses nasales : le Troglotrema acutum, petit ver vivant entre 19 les deux tables osseuses du front et qui provoque des suppurations ou des perforations du crâne jusqu'à entraîner la mort. L’homme ennemi du Putois Etant donné l’extrême discrétion du Putois, il est rare qu'il se fasse tuer au fusil. Par contre, le piège, lui, est une arme terriblement meurtrière. De nature peu méfiante, le putois est en effet victime de l’irrésistible manie qui le pousse à explorer tout orifice qu’il rencontre. Lorsqu'il s'agit d'une chatière ou d'un autre piège, cette curiosité lui est fatale… En moyenne, les densités de Putois avoisinent 0.4 individus/km². L’espérance de vie des mâles à la naissance ne dépasserait pas 8 mois et leur longévité maximale serait de l’ordre de 4 à 5 ans. Toutefois, leur longévité potentielle est supérieure à 10 ans. Pourquoi protéger le putois ? 1. Un déclin généralisé des populations de Putois en Europe De nombreux chercheurs ont exprimé leur inquiétude face au déclin du putois qui a été observé dans plusieurs pays européens (France, Danemark, Suisse, Allemagne). Aucune donnée récente sur son statut n'est disponible en Belgique. Cette espèce semblait toutefois encore en bonne santé au début des années quatre-vingt. Néanmoins étant donné la tendance générale observée dans les pays limitrophes, il y a peu de chances pour que les populations wallonnes soient épargnées par ce déclin. Il est donc impératif de mieux connaître la situation du Putois dans nos régions et d'étudier les causes potentielles d'un taux de mortalité qui semble très élevé et en augmentation. Parmi celles-ci, citons l’impact du piégeage, de la circulation automobile ou d’autres causes plus insidieuses comme les concentrations importantes en pesticides organochlorés ou en PCB déjà observées chez plusieurs espèces de rongeurs (Apodemus, Microtus,…), dont se nourrit le Putois. 2. Une légende parmi d’autres : celle du Putois qui pue… La réputation de « puant » agressif et braillard (pousser des cris de Putois) a une origine bien précise : les piégeurs ne connaissent de lui que le petit fauve, fou de douleur et de terreur, trouvé, le matin, dans les mâchoires de leur piège. Et en effet, lorsque l’animal est pris au piège, ses glandes anales distillent en abondance, sous l’effet de la peur, une sécrétion puissante, âcre et passablement nauséabonde. Mais quand il n’est pas inquiété, c’est-à-dire le plus clair de son temps, le Putois est un animal furtif, discret, silencieux et relativement inodore. 3. Les petits élevages de conception rationnelle sont totalement à l’abri du Putois Le Putois pénètre occasionnellement dans les petits élevages de type familial (poulaillers, clapiers, …). Pourtant, l’argument des dégâts commis dans les clapiers et poulaillers par le Putois ne peut être sérieusement retenu : 20 • de l’avis même des gardes, ces attaques sont statistiquement très rares, si l’on tient compte du très grand nombre de petits élevages familiaux qui existent en milieu rural. Tous carnivores confondus (Fouine, Putois mais aussi chien et chats domestiques) on peut compter, environ, une attaque par an et par village, ce qui finalement est très peu ; • ces attaques ne concernent, dans l’immense majorité des cas, que des clapiers ou des poulaillers particulièrement vétustes, mal verrouillés ou mal entretenus. Si un grillage est troué, si les planches sont disjointes et les portes dans un état lamentable, il ne faut pas s’étonner qu’un jour ou l’autre une bête sauvage profite de l’occasion qu’on lui offre aussi imprudemment ; • bien plus souvent, c'est par les rats surmulots qu'il est attiré [voir 4]. Par contre, un élevage de conception rationnelle ou correctement entretenu se trouve automatiquement à l’abri du Putois, comme de la Fouine ou d'autres carnivores. 4. Le putois est un prédateur de surmulots, nuisibles aux petits élevages Le rat surmulot adulte est un animal redoutable, défendant chèrement sa peau et devant lequel reculent un bon nombre de carnivores. Le Putois fait partie des quelques rares carnivores qui ne craignent pas d'attaquer ce rat. En visitant, la nuit, les abords des villages et ses décharges publiques, il opère ainsi un travail de « dératisation » modulée et intelligente qui est loin d’être négligeable. Pour en savoir plus : ARTOIS M., BLANCOU J. et GERARD Y., 1982. Parasitisme du Putois (Mustela putorius) par Troglotrema acutum. Rev. Med. Vet., 133 (12). 771-777. DANILOV P. I. et RUSAKOV O. S., 1969. The Ecology of the polecat (Mustela putorius) in North-Western European Russia. Zool. Zh., 48 (9). 1385-1395. ROGER M., DELATTRE P. et HERRENSHMIDT V., 1988. Le Putois. Encyclopédie des Carnivores de France. Eds de la Société Française pour l’Etude et la Protection des Mammifères. 73 pp. HAINARD R., 1965. Mammifères sauvages d’Europe, Vol.1 (Insectivores, chiroptères, carnivores. Eds Delachaux et Niestlé. HEPTNER V. G. et NAUMOV N.P., 1974. Die Säugetiere der Sowjetunion. 17. Untergattung Mustela. 628-720, Gustav E.B., Fisher Verlag, Jean, 1006 pp. JENSEN A. et JENSEN B., 1972. The polecat (Mustela putorius) in Denmark, 1969-1970. Dansk Vildt Unders, 18, 32pp. JOIRIS C., L AUWEEYS M. et VERCRUYSE A., 1973. Contenu en résidus organochlorés du moineau domestique (Passer domesticus) et de micromammifères prélevés en Belgique. Aves, 10. 171-181. KALELA O., 1948. Changes in the distribution of the polecat in Finland. Suomen Riista, 2. 7796. KEMPF C. et BAUMGART G., 1980. Mammifères d’Alsace. Collecte ou patrimoine naturel. Les guides Gesta Eds., Strasbourg-Paris, 336pp. KING C. M., 1980. Studies of the control of stoats (Mustela erminea) in new Zealand forest. World. Furb. Conf. Maryland, 443-469. L IBOIS R.M., 1984. Le Putois (Mustela putorius). In « Atlas des mammifères sauvages de Wallonie ». Le genre Mustela en Belgique. Cahiers Ethol. Appl., 4 (4). 279-314. MERMOD C., DEBROT S., MARCHESI P. et W EBER J. M., 1983. Le putois (Mustela putorius) en Suisse Romande. Revue Suisse Zool., 90 (4). 847-856. SHILLING D., SINGER D. et DILLER H., 1986. Guide des mammifères d’Europe. Eds Delachaux et Niestlé. 280 21 Le renard roux Maître renard, à l'odeur alléchée, visiterait-il quelque poulaillers ? Possible… Mais c'est oublier qu'il est aussi l'un des principaux régulateurs des pullulations de rongeurs dans les campagnes… R é p a r t i t i o n g é o g r a p h i q u e e t s t a t u t e n W a l l o nie F i g u r e 8 . Aire de répartition européenne du renard roux Le renard roux est l'un des carnivores sauvages qui possède l'une des plus vastes aires de répartition. Actuellement, il est présent sur presque l'ensemble du continent Eurasien, à l'exception de quelques îles, du sud de l'Inde et de la péninsule indochinoise. Son expansion géographique a d'ailleurs été favorisée par l'homme. Il vit également en Amérique du Nord, en Afrique du Nord et dans la vallée du Nil et il a été introduit en Australie. En Wallonie, le renard est présent partout et en densité variable selon les régions naturelles 22 D ans l’esprit du public, le renard passe pour un invétéré mangeur de poules et de lièvres. Or, la réalité est totalement différente. S’il fallait traduire cette d’image d’Epinal, c’est d’un fantastique mangeur de rates et de souris qu’il faudrait parler ! Les rongeurs forment, en effet, l'essentiel de sa nourriture; De nombreux agriculteurs le savent pour l'avoir vu chasser, tôt le matin, non loin de leur tracteur, dans les prairies fraîchement fauchées. Record parmi les records : on a dénombré 48 campagnols des champs dans l’estomac d’un seul individu. C'est dire ! Le renard présente une remarquable faculté d'adaptation qui se manifeste à travers le choix de son habitat, son régime alimentaire et son organisation sociale. Par monts et par vaux Le renard occupe les habitats les plus divers: côtes, régions boisées, landes, montagnes, déserts... Dans nos régions, il marque une préférence pour les milieux semi-ouverts (régions de bocage, lisières, taillis...). Les terriers de reproduction sont généralement situés dans un talus, un bosquet, un taillis, une haie ou en lisière d'un bois. Ils peuvent également être implantés à découvert, par exemple dans une prairie. Traditionnellement considéré comme rural, le renard est aussi devenu, en l'espace de quelques décennies, un hôte de plus en plus familier des villes et surtout de leurs banlieues. Il a conquis un bon nombre de grandes cités européennes : Londres, Paris, Amsterdam, Bruxelles, Oslo, Copenhague, Madrid, Budapest... Cette colonisation des villes est assez récente et a coïncidé avec le développement d'un tissu suburbain lâche, constitué principalement de quartiers résidentiels. Relativement peu denses en habitations, ces quartiers offrent au renard une nourriture abondante, souvent d'origine anthropique, et un couvert végétal suffisant. À proximité des habitations humaines, il implante ses terriers dans des endroits pour le moins inattendus : sous des tas de bois, dans des canalisations désaffectées, des terrains vagues, des talus d'autoroute et de chemins de fer, des sablières… Omnivore niste ! et opportu- Le renard est un généraliste opportuniste. Son régime alimentaire est diversifié, constitué aussi bien de proies vivantes, de végétaux, que de déchets ménagers et de charognes. La composition de ce régime varie selon le type d'habitat, la période de l'année et également, au cours de l'existence du renard, en fonction de son âge, de ses habitudes de chasse, de ses besoins nutritionnels et de ceux de sa portée. Le renard est avant tout un important prédateur de rongeurs et particulièrement de campagnols des champs. Il en mange entre 23 6000 et 10 000 par an ! C'est dire son utilité. Durant la bonne saison, les invertébrés (lombrics, coléoptères…) et les végétaux (baies, fruits…) représentent également une part importante de son régime en fonction des disponibilités du moment. Ce régime est complété de cadavres d'animaux, notamment les accidentés de la route (chats, hérissons, oiseaux…) qu'il glane ici et là. Des modifications apportées par l'homme au milieu ont été également favorables à l'installation du renard, tant en ville qu'à la campagne : • le "retour au vert" s'est par exemple traduit par un regain d'intérêt pour les petits élevages (poulaillers, oiseaux d'ornement, etc.) qui, faute d'une protection efficace (grillage…) constituent de plantureux gardemanger ; • des quantités de plus en plus importantes de déchets ménagers sont mises à la disposition des animaux sauvages, que ce soit volontairement (nourrissage des animaux dans les parcs…) ou non. Opportuniste, le renard "fait les poubelles", individuelles ou publiques, et visite les dépotoirs ; • la diminution du petit gibier dans les plaines et les cultures intensives a engendré le lâcher d'animaux d'élevage (faisan, perdrix…). Peu adaptés à la vie sauvage, ces animaux représentent des proies faciles pour le renard. Dans ce cas, la loi du moindre effort est pleinement appliquée par le renard. Démographie et dynamique de population Selon la capacité d'accueil du milieu le renard peut vivre seul, en couple ou en petits groupes, ce statut pouvant évoluer au cours du temps et de sa vie. Dans les milieux pauvres en ressources alimentaires, les renards sont généralement solitaires, à l'exception de la période de rut, durant laquelle les contacts entre individus sont fréquents. Dans les milieux plus favorables, ils vivent en couple toute l'année durant. Enfin, lorsque les ressources alimentaires sont abondantes (pullulation de rongeurs), ils adoptent un mode de vie communautaire et forment des groupes sociaux hiérarchisés. Chaque groupe est constitué d'un mâle, d'une femelle dominante reproductrice et de plusieurs individus de rang subalterne. Ces renards dominés sont le plus souvent des femelles non reproductrices qui participent au ravitaillement et à l'élevage des renardeaux. Dans ces conditions d'abondance alimentaire, il arrive que plusieurs femelles d'un même groupe social - une mère et sa fille, par exemple - puissent se reproduire. Les populations de renards se composent de deux catégories d'individus : les résidants territoriaux (solitaires ou en groupes, dominants et dominés) qui occupent un domaine vital ou territoire qu'ils marquent et défendent, et les itinérants non définitivement fixés mais prêts à occuper une place dans un territoire dès qu'elle se libère. L'étendue du domaine vital est inversement proportionnelle à la quantité de nourriture disponible : plus les conditions sont favorables, plus la superfi- 24 cie du territoire est restreinte. Vers la fin de l'été, les jeunes renards quittent le territoire parental et se dispersent en quête d'un nouveau territoire ou d'une place vacante dans un groupe social. Les mâles entament des déplacements généralement plus importants que les femelles, entre 5 et 25 km, rarement au-delà de 30 km. Des femelles peuvent rester dans le territoire parental et occupent alors une position subalterne dans la hiérarchie du groupe social. Causes de mortalité De nos jours, la circulation routière constitue probablement la plus importante cause de mortalité de l'espèce. Les principales victimes sont les renards juvéniles et les jeunes adultes en dispersion. Ces derniers sont encore inexpérimentés lorsque, quittant le territoire parental, ils doivent parcourir un réseau dense d'axes routiers. Le nombre croissant de chiens, notamment en zone suburbaine, représente un autre facteur important de limitation de la population vulpine. La présence de chiens est surtout néfaste durant la période de reproduction et peut agir de deux façons : soit directe- ment, par la prédation exercée sur les renardeaux, soit indirectement, par l'occupation de certains milieux ou par la concurrence de ressources alimentaires identiques. La destruction volontaire de renards par l'homme (chasse, piégeage) et dans certaines régions, la rage et la gale sarcoptique, constituent les autres principales causes de mortalité. Localement, les hivers rigoureux peuvent faire périr des individus par affaiblissement et malnutrition. Vivre avec le renard L’augmentation des effectifs du renards constatée ces dernières années est intimement liée aux activités humaines : modifications du paysage et des pratiques rurales. Cette explosion démographique est apparue aussi bien dans des régions où sévissaient la rage que dans d'autres où elle n'était pas présente (Flandre, Hollande, Grande-Bretagne...). De plus, en Belgique, les renards étaient moins répandus avant l'apparition de l'épidémie de rage (début des années '60) que lorsque cette dernière atteignait son pic maximal d'incidence (années '80) et que la lutte contre le renard était maximale ! Il est établi que c'est la quantité de nourriture disponible dans le milieu qui détermine le niveau des populations de renards. La seule façon réaliste de stabiliser ses effectifs, c’est donc de limiter les ressources alimentaires accessibles à cet omnivore opportuniste : • Interdire le lâcher de petit gibier (faisans, perdrix…) provenant d’élevages, étant donné leur “ naïveté ” et leur vulnérabilité par rapport aux prédateurs; • Encourager les propriétaires de petits poulaillers à grillager efficacement leur élevage (ce qui est rarement le cas, vu le nombre de plaintes); • Privilégier l'utilisation de poubelles rigides à la place des sacs poubelles; • Encourager les agriculteurs et les chasseurs à maintenir et restaurer, dans les plaines, des habitats favorables au petit gibier (bandes herbeuses, jachères, haies,...); • obliger les agriculteurs à enterrer les arrières-faix de leur bétail après les mises-bas; • obliger les chasseurs à enterrer les viscères du gibier et les animaux non consommables abattus. L a i s s o n s v i v r e l e r e nard 1. Le régime alimentaire du renard : 6000 rongeurs au minimum par an Bien que le renard soit un opportuniste et que son régime fluctue en fonctions des saisons et selon les régions, il semble bien que la ration annuelle d’un renard adulte atteigne 6000 à 10 000 rongeurs. Ce chiffre record le place évidem- 25 ment parmi les plus efficaces dératisateurs ou "rodenticides naturels". 2. Le renard et les grosses proies Sachons vivre avec le renard ! Reprenons point par point quelques éléments importants : 1. Le renard est un précieux auxiliaire de l'agriculteur. Il est le champion toute catégorie pour capturer les petits rongeurs : campagnols, mulots… 2. Il a survécu aux pires actes d’extermination. A l'époque où la rage sévissait, c'est par milliers qu'ils étaient abattus chaque année en Wallonie. Pour quel résultat ? Aujourd'hui encore, malgré la chasse, les moyens de destruction, la circulation routière… qui éliminent bon an mal an 1 renard sur deux, le renard est toujours bien présent ! 3. Tenter d’éliminer une population de renards sur un territoire donné serait un travail de tous les jours, à perpétuité : la mort d'un individu territorial attire d'autres individus, périphériques ou erratiques, qui occupent le vide et en définitive, la densité initiale a tendance à se reconstituer. Inéluctablement. En conclusion : à quoi bon s'efforcer de l'exterminer, s achons tout simplement vivre avec lui ! La mauvaise réputation du renard se fonde, pour l’essentiel, sur l’observation de restes de proies (poules, faisans, canards, lièvres, lapins, voire même faons de chevreuils) qui jonchent parfois les abords de son terrier, durant la période où il élève ses jeunes. Et, en effet, il n’est pas douteux que le renard puisse à l'occasion s’attaquer à de grosses proies qui lui offrent un maximum de ravitaillement en échange d’un minimum d’efforts. Ce fait étant admis, trois corrections importantes s’imposent : • certaines de ces proies sont en réalité des charognes ou des animaux accidentés qu'il prélève ça et là dans la campagne ou le long des routes ; • des poules courant en liberté ou parquées dans des enclos inadaptés sont une tentation pour le renard. Elles représentent des proies faciles surtout vers le mi-mai, à une époque où la renarde doit ravitailler ses grands jeunes qui sont au maximum de leurs exigences énergétiques. Elle prend pour cela tous les risques, y compris celui de s’approcher des maisons en pleine journée. Des solutions techniques simples et efficaces existent toutefois pour se prémunir des ; •attaques dans du unrenard environnement sain, un faisan, un lièvre, ou tout autre gibier 26 sauvage et en bonne santé est tout à fait capable de se soustraire à la dent du renard. Ce n'est évidemment pas le cas des animaux d'élevages, naïfs et inexpérimentés, qui sont relâchés sur les chasses ! La prédation du renard sur ces derniers a aussi une fonction sanitaire essentielle en éliminant les individus les plus faibles. 3. Le renard n’est pas en surnombre ! Y a-t-il trop de renards ? La réponse est formelle : non ! Tout simplement car un prédateur, par définition, ne peut jamais être en surnombre ! Toutes les études scientifiques l'attestent : la densité de population d'un prédateur (renard ou autre) est fonction avant tout de la disponibilité du milieu en proies. Si elles sont abondantes (pullulations de rongeurs…), les nichées de renards seront fournies. Si par contre, la nourriture vient à manquer, les populations de renards diminuent (mortalité importante) par des mécanismes de dispersion et de concurrence territoriale. 4. Le renard n’a jamais été « régulé » par les superprédateurs aujourd’hui disparus Toutes les observations et études scientifiques portant sur les "superprédateurs" (ours, loup, lynx…) démontrent qu'aucun d'entre eux n'est capable d'infléchir les populations de renards, même s'ils capturent à l'occasion l'un ou l'autre renardeau ou adulte. Il est donc totalement faux d’affirmer que l’homme devrait prendre la place des superprédateurs aujourd’hui disparus de nos régions ! Qui plus est, l’homme, ce « superprédateur », se révèle lui aussi totalement inefficace dans la lutte contre le renard. Alors que des centaines de milliers de renards étaient annuellement massacrés en Europe, au plus fort de l'épidémie de rage, jamais les populations ne se sont si bien maintenues, et en grand nombre ! On peut donc légitimement se poser la question de l'utilité de la destruction du renard… Pour en savoir plus : AFIADEMANYO, K.M., LIBOIS, R.M., BROCHIER , B., COPPENS , P. & PASTORET , P.-P. - 1993 - Structure des populations de renard roux, Vulpes vulpes, dans le sud de la Belgique en relation avec l'enzootie rabique et les campagnes de vaccination orale. - Cahiers Ethol. appl. - 13(3) : 281294 ARTOIS , M. - 1989 - Le renard roux (Vulpes vulpes Linnaeus, 1758) - Encyclopédie des carnivores de France. - Société Française pour l'Etude et la Protection des Mammifères ARTOIS , M. & STAHL , P. - 1989 - Prédation des rongeurs par le renard roux (Vulpes vulpes) en Lorraine. - Gibier Faune Sauvage - 6 : 279-294 – BROCHIER , B. - 1995 - Mieux connaître le renard. - - MRW - DGRNE - BROCHIER , B., AUBERT , M.F.A., PASTORET , P.-P., MASSON , E., SCHON , J., LOMBARD , M., CHAPPUIS , G., LANGUET , B. & DESMETTRE , P. - 1996 - Field use of a vaccinia-rabies recombinant vaccine for the control of sylvatic rabies in Europe and North America. - Rev. sci. tech. Off. int. Epiz. - 15(3) : 947-970 BROCHIER , B., Bauduin, B., CHALON , P. & PASTORET , P.-P. - 1999 - ESTIMATION de l'abondance du renard roux (Vulpes vulpes, L.) en Ardenne belge par relevé des mortalités, comptage nocturne et recensement des terriers de mise-bas. - Cahiers Ethol. appl. - 19(1) : 1-18 BROCHIER , B., DECHAMPS , F., COSTY , F., De Mulder, D., CHALON , P., HALLET , L., PEHARPRE , D., SAEGERMAN , C., MOSSELMANS , F., BEIER, R., LECOMTE , L., MULLIER , P., ROLAND, H., LAMBOT, M., BAUDUIN , B., RENDERS , C. & PASTORET , P.-P. - 1999 – Epidémiosurveillance de la rage animale en Belgique : un seul cas détecté en 1998. – Ann. Méd. Vét., 143 : 273-280. CHALON , P. X., BROCHIER , B., BAUDUIN , B., MOSSELMANS , F., PASTORET , P.-P. - 1998 - Structure d'âge et sexe ratio d'une population de renards roux (Vulpes vulpes) en Belgique. - Cahiers Ethol. appl. - 18(1) : 17-38 HAINARD , R. - Mammifères sauvages d'Europe. - Delachaux & Niestlé HARRIS , S. & RAYNER , J.M.V. - 1986 - Urban fox (Vulpes vulpes) population estimates and habitat requirements in several birtish cities. - J. Anim. Ecol. - 55 : 575-591 I OKEM , A. - 1985 - Eco-éthologie du renard roux (Vulpes vulpes L.) en Lorraine belge. - Ann. Méd. Vét. - 129 : 309-318 MACDONALD , D.W. - 1980 - The red fox, Vulpes vulpes, as a predator upon Earthworms, Lumbricus terrestris. - Z. Tierpsychol. - 52 : 171PASTORET , P.P. et coll. - 1998 - Evolution de la rage vulpine en Belgique et dans l'Union européenne. - Bull. & Mém. Acad. r. Méd. Belg. - 153(1) : 93-99 27