La belette

Transcription

La belette
La belette
Si tout le monde la connaît ou croit la connaître, la confusion est toutefois
fréquente… Alors, la belette, petite sœur de l'hermine ? Pas vraiment.
Benjamine des carnivores d'Europe, la belette mérite vraiment
d'être réhabilitée et protégée...
Aire de répartition
F i g u r e 1 . Aire de répartition européenne de la belette
La Belette se rencontre de l’Europe et du Maghreb à la
Sibérie, le Japon et l’Afghanistan. Elle a également été introduite sur plusieurs îles de l’Atlantique et de la Méditerranée pour combattre les souris.
En Wallonie, la belette se retrouve sur l’ensemble du territoire. Elle est néanmoins considérée par la Région Wallonne comme une espèce « sensible » c'est-à-dire qu'à
moyen terme, elle risque de régresser plus ou moins fortement.
1
Question à cinq francs
Voici la benjamine des carnivores d’Europe : oreilles
à peine visibles, petite
queue, bas sur pattes, c'est
vrai qu'elle n'impose guère
avec sa vingtaine de centimètres de long et son poids
qui avoisine les 80 grammes ! 80 grammes : c'est à
peine le poids de trois ou
quatre souris grises de nos
maisons ! Légère, la belette
est aussi svelte ! Incroyable
mais vrai : elle s’introduit
sans la moindre difficulté
dans un trou pas plus large
que 23 mm de diamètre, la
taille d'une pièce de cinq
francs. Vous imaginez bien
qu'aucune galerie de rongeurs ne lui résiste ! Mulots, souris et autres
campagnols n'ont qu'à se
tenir à carreau…
Par monts et par vaux
La belette se rencontre
dans la plupart des habitats : les lisières de forêt,
les talus, les fossés, les
haies, les broussailles, les
vergers, les parcs, les
champs et les bois, tout est
bon ! Profitant de son aptitude à se glisser dans les
galeries des rongeurs, elle
passe une bonne partie de
son temps sous terre, y
chasse, s’y réfugie à la
moindre alerte et y établit
même son nid. A la différence de l’hermine, elle
évite cependant les terrains
humides.
Alors que les martre, blaireau, putois… ont besoin
d’abris naturels diversifiés
(haies, buissons, talus, ronciers…) pour se dissimuler,
construire un gîte et se reproduire, la belette peut se
contenter d'habitats fortement "dénudés" ou modifiés par l'homme. Voilà
pourquoi, en Wallonie, on
la retrouve notamment
dans les grandes plaines
céréalières de Hesbaye, là
où se produisent périodiquement
d’importantes
pullulations de campagnols
avec les dégâts que l'on sait
pour les cultures…
Au menu : des rongeurs !
Tous les spécialistes sont
unanimes : l'essentiel (90%)
de la nourriture de la belette est composée de rongeurs ! Elle en consomme
environ 350 par an. Et lorsque les rongeurs pullulent,
comme c'est le cas périodiquement, pour la belette
c'est une aubaine : elle en
capture, "en veux-tu en
voilà" ! Avec une moyenne
de 30 belettes par km² de
cultures [voir encadré "Des
pics de pullulation"], faites
le compte : ce ne sont pas
moins de 10 000 souris et
campagnols qui sont ainsi
consommées
par
an !
10 000 rongeurs par an par
kilomètre carré : quel est
l'agriculteur qui peut se
targuer d'en détruire au-
2
tant ? Alors, nuisible la belette ?
J'entends déjà : oui mais
elle ne se nourrit pas que
de rongeurs ?! C'est vrai,
elle peut aussi capturer
occasionnellement
des
musaraignes, des taupes
(insectivores),
plus
rarement des reptiles, des
amphibiens et des oiseaux
de petite taille. Et qu'en
est-il des "protégés des
chasseurs" c'est-à-dire les
lièvres, les faisans et les
perdrix ? C'est possible
également… mais vu sa
taille de pygmée, la belette
ne peut capturer que de
très jeunes individus. C'est
si rare, si anecdotique, qu'il
n'est
plus
légitime
aujourd'hui de pointer la
belette
comme
bouc
émissaire.
Les
vraies
causes de disparition du
"gibier"
sont
bien
connues [voir encadré : les
vraies
causes
de
la
disparition du gibier].
Et les poules, et les œufs ?
Les animaux domestiques
ne sont que très rarement
attaqués. Si la belette fréquente le voisinage des
enclos, c'est parce qu'elle y
est attirée davantage par
les souris qui s'y multiplient et viennent grignoter
les graines que par les
animaux d'élevage. Sa faible taille limite d’ailleurs
celle des proies qu'elle peut
capturer (poussins, lapereaux…). Ici aussi, cela
n'est rien en comparaison
aux services qu'elle rend
par ailleurs en capturant
les rongeurs.
Une vie de belette
La belette émet des
effluves malodorants : une
manière comme une autre
de
repousser
les
prédateurs. En dépit de la
présence de glandes anales
aux sécrétions répulsives,
elle possède toutefois de
nombreux
ennemis
naturels. Y figurent en
bonne place : le renard, le
chat sauvage et le chat
haret ainsi que la fouine et
putois. La belette est plus
rarement inscrite au menu
des
rapaces :
buses,
autours, chouettes, hiboux.
Pour la belette, il y a les
"bonnes" et les "mauvaises"
années.
Les
"bonnes"
années sont celles où les
proies (campagnols…) sont
abondantes.
Dans
ces
conditions, elle peut avoir
deux portées, chacune de 3
à 9 (voire 12) petits en
moyenne.
Par
contre,
durant les "années de
vaches maigres", la belette
n'aura souvent qu'une
portée unique.
Tous pour un, un pour
tous !
Comme l'a montré le chercheur
Fitzgerald,
les
différentes espèces de carnivores sont complémentaires dans le maintien des
petits rongeurs à des niveaux raisonnables. Ainsi,
les "spécialistes" comme la
belette ou l’hermine joueraient un rôle déstabilisant
sur les populations de rongeurs lors de phases de
pullulations alors que les
prédateurs plus généralistes (renard, chat, buse…)
joueraient plutôt un rôle
régulateur durant les phases de déclin et de faibles
densités des proies.
Des pics de pullul ation
F i g u r e 2 . Le périmètre des triangles rouges représente
la courbe d’évolution temporelle de la population de
Campagnol des champs (0 à 1000-4500 individus/km2 ), la courbe en pointillés, celle de la population de belette (0.2 à 30 individus/km2). Cette dernière
présente un décalage positif de quelques semaines.
Les populations de belettes fluctuent selon des cycles de deux
à quatre années qui suivent les populations de rongeurs dont
elles se nourrissent. Cela signifie que s'il y a beaucoup de
rongeurs… il y aura aussi beaucoup de belettes. Ainsi, le
nombre de belettes au km² peut atteindre 30 individus lorsque les populations de campagnols sont au plus fort (100 à
450 individus/hectare). Lorsque les densités de rongeurs
sont faibles (quasi au bord de l’extinction suite à l’action des
b e l e t t e s ) , celles de belettes le deviennent aussi (en moyenne
inférieures à 0,2 individus/km²). D'une année à l'autre les
rapports entre faibles ("mauvaises" années) et fortes ("bonnes" années) densités peuvent être de l’ordre de 1 à 100.
On le voit, les variations de densités de populations de belettes sont donc uniquement fonction de celles de ses proies
(principalement les rongeurs).
Que se passe-t-il lorsque les populations de rongeurs diminuent ? N'y a-t-il pas le risque que la belette se rabatte, faute
de rongeurs à se mettre sous la dent, sur des proies plus rares
ou… sur le "gibier" des chasseurs ? Pas du tout ! Même en
présence d'autres proies, on observe que les populations de
belette régressent (mortalité naturelle) parallèlement à celle
des rongeurs. La belette ne risque donc pas de faire des ravages sur d'autres proies !
3
Des arguments pour protéger la belette ?
3. La belette ne se nourrit
qu’exceptionnellement
de
jeunes levrauts, poussins ou
œufs, et elle ne fait
qu’exercer par là son rôle
normal de prédateur naturel
1. Trente belettes consomment 10 000 rongeurs par
an et par km² !
Ce résultat est atteint lors
des
pullulations
de
rongeurs, où la densité de
belettes peut atteindre
environ 30 individus par
km² et où chaque individu
consomme environ 350
rongeurs par an.
2. La reproduction de la
belette est fonction de la
densité de petits ron-geurs
dont elle se nourrit
La belette constitue un cas
unique
parmi
les
prédateurs :
• Sa
fécondité
peut
varier
dans
des
proportions étonnantes :
de 3 à 8 parfois même 12
jeunes
par
portée,
suivant la quantité de
proies disponibles.
• Cas unique, lors des
pullulations de rongeurs,
elle peut avoir deux portées par an au lieu d’une.
•
Sur le plan de la maturité sexuelle, la belette
est très précoce. Les femelles nées au printemps
peuvent déjà mettre bas
à l’âge de 5 mois lors de
pullulations de campagnols. Les populations
de belettes s'adaptent
donc rapidement à cette
situation nouvelle. Les
autres carnivores sont
quant à eux obligés
d’attendre l’année suivante pour se reproduire.
De tous les carnivores, la
belette est donc bien celle
qui paraît la mieux à même
de
contrôler
en
permanence
les
populations de rongeurs et
d’empêcher ou de retarder
leurs pullulations dont on
connaît les dégâts sur le
plan agricole.
4
La belette peut s’attaquer à
l’occasion à de jeunes
proies vivantes tels que
jeunes levrauts, poussins
divers (faisans, perdrix…)
et œufs, qu’elle trouve lors
de ses pérégrinations à la
recherche
des
petits
rongeurs. Cette prédation
est dans l’ordre des choses.
Certains témoignages font
état de l’attaque de lièvres
adultes (plusieurs kilos)
par
la
belette
(au
maximum une centaine de
grammes).
Il
est
impensable qu’une belette
qui ne pèse jamais que
trois à quatre fois le poids
d’une souris, puisse venir à
bout d’un lièvre en pleine
santé. Ces observations
concernent
plus
probablement des animaux
blessés ou malades. C'est
probablement le cas pour
les lièvres atteints de
"tularémie", une maladie
virale qui a fortement
réduit les populations de
lièvre en Wallonie. Mais
dans ce cas, la belette joue
simplement son rôle de
prédateur
naturel
en
éliminant prioritairement
les individus malades ou
blessés.
4. Si la belette entre dans un
poulailler, c’est pour chasser les rongeurs
En effet, sa taille de pygmée en comparaison à celle
des poules ne lui permet
guère de s’attaquer à de
grosses proies. Que vient
faire alors la belette dans le
poulailler ? Tout simplement chasser les souris et
les mulots attirés par le
grain distribué chaque jour
à la volaille.
Enfin, en cas de récit de
dommages causés par une
prétendue belette, il sera
toujours bon de s’assurer
que la personne en question ne la confond pas avec
un autre carnivore, ou avec
le rat surmulot, gros rongeur fréquent dans les basses
cours
et
autres
poulaillers,
et
qui
consomme les œufs et les
jeunes poussins.
5. Les élevages à gibier pe uvent attirer la belette
La gestion artificielle de la
chasse (libération de faisans peu de temps avant
les tirs) entraîne une multiplication des faisanderies
et autres élevages. Ces
concentrations d’animaux
prisonniers dans des volières et affaiblis par les conditions artificielles de leur
détention, constituent pour
tous
les
carnivores
sauvages une tentation
permanente. Ici aussi, il y a
lieu de rester sceptique
quant à d’éventuelles attaques par la belette sur les
oiseaux élevés. Comme
dans le cas des poulaillers,
la belette peut s’aventurer
dans ces élevages pour y
capturer les rongeurs attirés par les graines.
Pour en savoir plus :
DELATTRE P., 1987. La belette et l’Hermine. Encyclopédie des Carnivores de France. Ed. de la
Société Française pour l’Etude et la Protection des Mammifères. 73 pp.
DELATTRE P., CROSET H., ANGOL J.P., 1991. Comment fonctionnent les populations de vertébrés ravageurs ? Bulletin technique d’information du Ministère de l’agriculture
français. Mars-Avril. 16-23
DUNN E., 1977. Predation by weasels (Mustela nivalis) on breeding tits (Parus sp.) in relation to the density of tits and rodents. J. Anim. Ecol., 46. 633-652.
ERLINGE S., 1975. Feeding habits of the weasel (Mustela nivalis) in relation to prey abundance. Oikos, 26. 378-384.
ERLINGE S., GORANSSON G., HOGSTEDT G., L IBERG O., L OMAN J., NILLSON I. et VON SHANTZ, 1982.
Factor limiting numbers of vertebrate predators in a predator prey community.
Trans. Inter. Congre. Garne Biol., 14.261-268.
FITZERALD, B.M., 1977. Weasel predation on a cyclic population of the montane vole (Microtus montanus) in California. J. An. Ecol., 46 : 367-397.
HAINARD R., 1965. Mammifères sauvages d’Europe, Vol.1 (Insectivores, chiroptères, carnivores). Eds Delachaux et Niestlé.
HEPTNER V. G. et NAUMOV N. P., 1974. Die säugetiere der Sowjetunion. 17. Untergattung
Mustela. 628-720.
KING C. M., 1980. Studies of the control of stoats (Mustela erminea) in new Zealand forest.
World. Furb. Conf. Maryland, 443-469.
L OCKIE J. D., 1966. Territory in small carnivores. Symp. Zool. Soc. Lond., 18. 143-165.
PERRINS J. C., 1965. Population fluctuations and clutch-size in the great tit (Parus major). J.
Anim. Ecol., 35. 217-233.
POWELL R. A., 1973. A model for raptor predation on weasels. J. Mamm., 54, 1. 259-263.
SHILLING D., SINGER D. et DILLER H., 1986. Guide des mammifères d’Europe. Ed. Delachaux et
Niestlé. 280pp.
5
L’Hermine
Hermine, la brune…
Hermine la blanche.
Longtemps chassée pour sa fourrure, l'hermine était plus connue
exhibée au cou de quelques dames
frileuses que dans la nature. Depuis
quelques années, la chasse et la
capture de ce petit carnivore ne
sont plus autorisées en Wallonie.
Mais voilà que surgit à nouveau le
spectre archaïque de la "destruction" d'un animal aussi beau
qu'utile…
Aire de répartition
F i g u r e 3 . Aire de répartition européenne de l’hermine
L’hermine se rencontre dans tous les pays d'Eurasie et
d’Amérique du Nord. En Europe, on la retrouve dans les
régions froides et tempérées, à l’exception de la Provence en
France, la Corse, l’Italie et les îles méditerranéennes.
En Wallonie, l’hermine a une répartition ubiquiste. Elle
semble néanmoins plus localisée au nord du sillon Sambre
et Meuse. Son statut est considéré comme « sensible » par la
Région wallonne c'est-à-dire qu'à moyen terme, elle risque
de régresser plus ou moins fortement.
6
L'immaculée
L’hermine est le prototype
du
petit
carnivore
vermiforme : corps long et
mince, oreilles courtes et
arrondies. Un peu plus
massif que la belette,
l'hermine
est
souvent
confondue
avec
cette
dernière tant leurs pelages
d'été sont semblables. La
queue
de
l'hermine
terminée par un pinceau
noir est le principal signe
de reconnaissance.
En moyenne, l'hermine
mesure 30 à 42 cm dont 10
à 12 cm pour la queue. Les
femelles sont plus petites
que les mâles. Le poids
varie de 100 à 300
grammes.
Le saviez-vous ?
Contrairement à une opinion répandue, toutes les
hermines ne deviennent
pas blanches en hiver. Certaines années, dans les régions
de
plaine
notamment, de très nombreux individus conservent
leurs couleurs d’été.
Habitat
La plupart des habitats
conviennent à l'hermine :
champs,
prés,
prairies
bocagères, lisières des bois,
fossés,
haies,
jardins,
friches, régions pierreuses
ou marécageuses, dunes,
parcs boisés… Elle semble
toutefois plus rare au cœur
des forêts denses et dans les
grandes plaines céréalières
où les abris naturels (haies,
bosquets,
talus…)
ont
disparu. Là où elle n’est pas
persécutée, elle s’enhardit
et s'approche volontiers des
habitations.
Au menu ? Des rongeurs !
Comme la belette avec qui
elle partage un régime
alimentaire
semblable,
l'hermine est adaptée par
sa morphologie mince et
effilée à la chasse aux
rongeurs
dans
leurs
galeries. Elle en fait son
quotidien puisque jusqu’à
99% de son alimentation
est
composée
de
campagnols terrestres, de
campagnols des champs,
de mulots, ou de rats
surmulots.
Plusieurs recherches ont
montré qu'un individu
adulte consommait quotidiennement entre 70 et 230g
de nourriture soit 3 à 8
campagnols des champs par
jour ! Multiplié par 365
jours, les agriculteurs auront vite fait le compte : une
hermine préservée équivaut
à 1000 ou 3000 petits rongeurs en moins par an ! Qui
a dit que l'hermine était "inutile" ?
Elle peut aussi se nourrir de
temps à autre d’autres petits vertébrés (lézards, grenouilles...) et d'invertébrés
(escargots, insectes…), mais
aussi d'insectivores (taupes,
musaraignes) voire pendant les périodes de faible
densité de rongeurs, de
fruits qui sont alors ingérés
en quantité appréciable.
Elle se nourrit occasionnellement, il est vrai aussi, de
jeunes oiseaux, de lapereaux ou levrauts qu'elle
prélève au nid mais rappelons le caractère anecdotique de ces prélèvements.
Qui plus est, elle n'est en
rien responsable de la disparition du "gibier" des
chasseurs : les causes sont à
rechercher ailleurs, notamment dans l'intensification de l'agriculture (perte
d'habitats, arasement des
haies et des talus…). Et si
elle pénètre à l'occasion
dans les poulaillers ou les
élevages, c'est souvent
pour les mêmes bonnes
raisons que la belette !
Les populations : c'est de
la dynamique !
Les prédateurs principaux
de l’hermine sont les renards, les chats harets et
sauvages et le hibou grandduc.
Le nombre de jeunes est
très variable d’une année à
l’autre et selon les régions :
entre 4 (parfois 3) et 7 pouvant aller jusqu’à 9. Tout
comme pour la belette, les
effectifs sont tributaires de
l’abondance en proies disponibles, notamment de
campagnols terrestres, qui
constituent la nourriture de
base de l’hermine. Et lorsque le nombre de proies
diminue, il en résulte éga-
Hermine ou belette ?
Voici 4 critères pour distinguer l'hermine de la belette :
• l’hermine a le bout de la queue noir, pas la belette ;
• elle est plus longue que le belette (mais elle est à peine
plus épaisse) ;
• la ligne de séparation entre le dessus brun et le dessous
blanc est régulière chez l’hermine, en zigzag chez la belette ;
• Le pelage de la belette est beaucoup plus ras et plus foncé
que celui de l’hermine.
7
lement des diminutions
importantes de densité de
populations d’hermines.
Les
capacités
de
multiplication de l’hermine
paraissent
relativement
moindres en comparaison à
celles
de
la
belette.
Contrairement à la belette
qui peut avoir deux portées
par an, l'hermine n'en a
qu'une. En cause : un
mécanisme d'implantation
différée des embryons qui
l'oblige à attendre 9 à 11
mois
avant
de
se
reproduire à nouveau.
Ainsi,
alors
que
la
production
maximale
d’une belette adulte est de
30 jeunes en une vie, la
valeur
correspondante
chez l’hermine est de 13.
Voilà pourquoi l’hermine
ne peut « répondre » aussi
rapidement que la belette à
des augmentations de
densité de population de
ses proies.
Les densités fluctuent fortement d’une année à
l’autre et semblent suivre
des cycles de 4 à 9 ans
(contre 2 à 4 chez la belette).
Les
densités
maximales,
à
l’échelle
locale, sont de l’ordre de 1
à 2 individus pour 10
hectares dans les habitats
les
plus
favorables
(marécages,
bocages…).
Toutefois, tous les milieux
n’étant
pas
également
colonisés, les densités
évaluées à l’échelle régionale seraient en moyenne
beaucoup plus faibles (en-
Mécanisme de régulation des densités de populations
F i g u r e 4 . Le périmètre des triangles bleus représente la courbe d’évolution temporelle de la population de Campagnol terrestre (0 à 100010000 individus/km2 ), la courbe en pointillés,
celle de la population d’hermine (0.2 à 20 individus/km2).
Les préférences alimentaires de l’hermine à l’égard du campagnol terrestre créent une apparente dépendance de ce
prédateur vis-à-vis de sa proie. Il en résulte des diminutions
importantes de densité de populations d’hermines pendant
les phases de déclin de ses proies.
tre 0,2 et 0,04 individus/10
ha).
Pourquoi protéger
l'hermine ?
1. L’ensemble des points
discutés pour la belette sont
également valables pour
l’hermine.
2. Contrairement à une
légende
très
répandue,
l’hermine tout comme la
belette ne boivent pas le
sang de leurs proies !
L’hermine et la belette boivent-elles le sang de leurs
proies ? La question peut
paraître, au premier abord,
totalement
dépourvue
d’intérêt. En effet, en quoi
le fait de se nourrir de sang
serait-il
plus
« répréhensible » que de consom8
mer de la chair ? Mais nous
devons
compter
avec
l’habitude qu’à l’homme de
juger les animaux selon ses
propres valeurs morales.
Ainsi, aux yeux du public,
les herbivores passent-ils
pour des animaux doux et
paisibles, alors que les carnivores sont souvent considérés comme des brigands
et des voleurs. Quant aux
buveurs de sang, leur cas
est pendable : il ne s’agit
plus d’animaux, mais purement et simplement de
monstres ! « Elle suce le sang
de ses victimes et ne les lâche
qu’avec les dernières secousses de l’agonie » écrivait un
chasseur en France à propos de l’hermine.
Il n’a jamais été démontré
que l’hermine, la belette et
la fouine (principaux "nuisibles" accusés de vampirisme) consommaient le
sang de leurs proies. La
mise à mort la plus fréquemment utilisée par les
mustélidés est l’écrasement
de la boite crânienne, méthode qui provoque une
mort immédiate. Après cet
acte, relâchant sa proie, elle
la flaire, lèche le sang qui
s’écoule et la dépèce. C’est
ce comportement qui a
vraisemblablement amené
l’affirmation selon laquelle
elle suce le sang jusqu’à
l’ivresse…
3. L’hermine s’attaque -t-elle
à de grands lièvres adultes ?
Ce cas de prédation est cité
des revues cynégétiques,
comme étant monnaie courante.
Cette opinion est toutefois
à nuancer très sérieusement :
• Les cas d’attaque de
gros lièvres par des hermines sont exceptionnels;
• Il ne peut s’agir que de
grands jeunes de 1 ou 2 kg
(le lièvre adulte, quant à
lui, pèse 4 kilos alors que
l’hermine ne fait que 300
grammes…).
• Rien ne démontre qu’il
s’agisse de lièvres en
bonne santé, bien au
contraire. Ainsi, concernant les lièvres adultes
malades, l’hermine ne fait
que jouer un rôle sanitaire
en empêchant les épidé-
mies de se propager.
Pour en savoir plus
DEBROT S., 1981. Trophic relation between the stoat (Mustela erminea) and its prey, mainly the watervole (Arvicola terrestris Sherman). World Furb. Conf. Maryland, 1, 1.1259-1280.
DELATTRE P., 1983. Density of weasel (Mustela nivalis) and stoat (Mustela erminae) in relation to
water vole abundance. Acta Zool. Fenn., 174.221-222.
DELATTRE P., 1987. La belette et l’Hermine. Encyclopédie des Carnivores de France. Eds de la Société
Française pour l’Etude et la Protection des Mammifères. 73 pp.
ERLINGE S., 1981. Food preference, optimal diet and reproductive output in stoats (Mustela erminea)
in Sweden. Oikos, 36. 303-315.
ERLINGE S., 1983. Demography and dynamics of a stoat (Mustela erminea) population in a diverse
community of vertebrates. J. Anim. Ecol., 52. 705-726.
ERLINGE S., GORANSON G., HOGSTEDT G., LIBERG O., LOIMAN J., NILLSON I. et VON SHANTZ L., 1982. Factors limiting numbers of vertebrate predator in a predator prey community. Trans., Inter.
Congr. Game Biol. , 14. 261-268.
HAINARD R., 1965. Mammifères sauvages d’Europe, Vol.1 (Insectivores, chiroptères, carnivores. Eds
Delachaux et Niestlé.
KRAFT V. A., 1966. Effect of temperature on the mobility of the Hermine in winter. In King (Some
soviet research, 1, 104).
SEGAL A. N., 1975. Postnatal growth, metabolism and thermo regulation in the stoat. Ecology, 61.2832.
SHILLING D., SINGER D. et DILLER H., 1986. Guide des mammifères d’Europe. Eds Delachaux et Niestlé.
280pp.
VaiS feld M. A., 1972. A contribution to the Ecology of ermine during the cold season in the European north. Zool. Zh., 11. 1705-1714.
VERSHININ A. A., 1972. The biology and trapping of the ermine in Kamchatka. In King (Some soviet
Research, 2. 11-24).
9
La martre
Que ce soient pour ses poils ou son pelage,
longtemps la martre fut réputée auprès des
peintres et des dames de la bourgeoisie. Heureusement, certaines traditions… n'ont pas la
peau dure. Aujourd'hui, la martre est protégée
en Wallonie. Mais pour combien de temps encore ? Un vent de panique souffle dans les
bois : voilà que la chasse de cet animal pourrait être à nouveau autorisée…
Cousine de la fouine
Aire de répartition
F i g u r e 5 . Aire de répartition européenne de la martre
La martre d'Europe, Martes martes, se rencontre… partout
en Europe : au nord jusqu’à la limite des zones forestières,
et au sud sur les pourtours de la Méditerranée. Elle est également présente dans les îles britanniques, en Russie de
l’Ouest et dans une grande partie de l’Asie.
En Belgique, la martre, également appelée "marte", est essentiellement confinée au sud du sillon Sambre-et-Meuse.
C'est que l'espèce ne réside qu'au sein de grands massifs
boisés pas trop morcelés : Ardenne, Lorraine, Fagne, Famenne. Elle est par contre d'une extrême rareté en Flandre
où des individus sont régulièrement observés dans les pinèdes du nord de la Campine.
10
La martre a une taille
comparable à celle d’un
chat
domestique
soit
environ 80 cm de long,
dont 25 cm pour la queue.
Son aspect est toutefois
plus mince et effilé. Les
mâles sont en moyenne
plus grands que les
femelles. Ressemblant à la
fouine, la martre s’en
distingue toutefois par sa
bavette d’un beau jaune
(blanche chez la fouine)
qui contraste avec le dos
brun et le bas du ventre
blanc.
Dans la forêt profonde
Si la martre ressemble à la
fouine, les deux espèces
fréquentent des habitats
totalement distincts. La
martre est strictement forestière et ne s'approche
guère des maisons. La
fouine, par contre, est inféodée aux habitats rocheux
(rupicoles) et fréquente volontiers les abords des habitations
urbaines.
Le
comportement rupicole de
la fouine serait d'ailleurs
induit par la compétition
avec la martre. Ainsi, on
observe dans certaines régions, qu'en l'absence de la
martre, la fouine peut aussi
occuper des habitats forestiers.
La martre occupe des gîtes,
soit dans les arbres, soit au
niveau du sol, où elle se
réfugie ou élève ses jeunes.
Durant la saison chaude, les
gîtes dans les arbres sont
préférés. Il peut s'agir d'une
cavité dans un tronc, d'un
amas de lierre, d'un nid
d’oiseau abandonné, voire
d'un nichoir à chouette.
Les densités de populations
ne sont pas plantureuses :
en moyenne, 1 individu par
km² dans les peuplements
forestiers âgés et à peine un
pour 10 km2 dans les
peuplements jeunes. Des
études par radio-pistage le
confirment et ont montré
que les territoires occupés
différaient aussi selon le
sexe : de 900 à 1 000 ha
pour les mâles et de 250 à
450 ha pour les femelles.
Mais ces chiffres varient
aussi au cours du temps, les
densités de populations
étant fonction des ressources alimentaires. Ainsi, durant une période de disette,
la compétition pour la
nourriture augmente ce qui
a une influence directe sur
le nombre d'individus qui
arrivent à survivre. Plus
surprenant, la compétition
a également un impact à
long terme sur le nombre
de femelles fertiles. Leur
poids étant inférieur à celui
des mâles, elles subissent
en effet une plus forte mortalité ce qui diminue d'autant
la
capacité
de
reproduction de la population. En période de pénurie
alimentaire, on constate
donc aussi un déséquilibre
entre les sexes.
C'est tout bon !
Le régime alimentaire de
la martre varie suivant les
saisons. Les petits mammifères forment l'essentiel
de sa nourriture. Il s’agit
pour plus de 80% de petits
rongeurs, essentiellement
des campagnols roussâtres,
des
campagnols
agrestes, des mulots et des
musaraignes. La martre en
consomme surtout en hiver et au printemps, mais
la proportion de rongeurs
dans son alimentation dépend surtout de leur densité
de
population.
D'autres petits mammifères sont consommés en
quantité plus modeste : à
l'occasion, elle ne dédaigne
pas des écureuils, des lapins, voire des chauvessouris. La martre n'hésite
pas à se nourrir de charognes de grands mammifè-
11
res (chevreuil, renard) et
joue de ce fait un rôle sanitaire en forêt.
Les
oiseaux
(pigeons
ramiers, passereaux…) et
leurs œufs constituent une
nourriture qui peut être
importante au printemps,
d'autant plus importante
que les rongeurs forestiers
sont rares. De par son
habitat
strictement
forestier, la martre ne
commet bien sûr aucun
dégât
aux
élevages
domestiques.
Quant aux fruits, ils sont
souvent consommés par la
martre en été et en
automne et peuvent alors
représenter plus de 70 %
de son régime alimentaire.
En conclusion, la martre
est
avant
tout
une
opportuniste qui s'adapte
à l'abondance de ses
proies. Ainsi, elle peut
aussi se nourrir d'insectes
(coléoptères,
hyménoptères…)
de
mollusques, de vers de
terre ou de batraciens.
Démographie faible
Les martres ne sont
matures qu'à l'âge de deux
ans, n'ont qu'une portée
par an et une fécondité
modeste (3 à 5 en
moyenne). L’ensemble de
ces facteurs, et ce malgré
une grande durée de vie,
augmente la sensibilité des
populations
aux
prélèvements excessifs.
Selon une étude réalisée en
Ecosse,
la
longévité
moyenne serait de 3 à 4 ans
et le maximum de 11 ans.
Les causes de mortalité sont
diverses : chasse, piégeage,
empoisonnement,
trafic
routier, prédation. La martre est en outre très sensible
au dérangement.
Pour quelques poils de
martre
La martre joue un rôle essentiel dans les écosystèmes forestiers : les études
consacrées à son régime
alimentaire
démontrent
de façon évidente qu'elle a
un impact sur les populations de rongeurs. Lorsqu’ils sont en nombres
importants, les rongeurs
peuvent
occasionner
d’importants dégâts aux
plantations (écorçage et
cisaillement des bourgeons) et donc compromettre la régénération
forestière. Comme les autres mustélidés, la martre
complète donc utilement
l’action des rapaces qui
limitent le nombre de petits rongeurs et empêchent
leurs pullulations.
Les campagnes d’empoisonnement, la chasse pour
sa fourrure ou sa naturalisation et la dégradation de
son habitat par une gestion
et une exploitation forestières inappropriées sont les
principaux facteurs de régression de la martre. Sensible à de telles activités,
l'espèce a déjà disparu de
plusieurs régions. Par ailleurs, la fragmentation des
habitats, les dérangements
répétés dus au développement du tourisme, des aires
de repos et des villages de
vacances en forêt l'affectent
aussi.
Pourquoi protéger la martre ?
1. La martre est rare, en
tout cas peu abondante,
dans son milieu forestier ce qui justifie sa protection
2. La martre effectue une
prédation essentielle sur le
campagnol roussâtre, vecteur de la FHSR
La martre est un carnivore
exclusivement
lié
aux
grands massifs forestiers.
La densité de ses populations est faible et son impact sur le petit gibier est
insignifiant.
La prédation naturelle
qu’effectue la martre sur les
rongeurs forestiers, en particulier sur le campagnol
roussâtre, est essentielle
12
pour réguler leurs populations dont la prolifération
périodique provoque des
dégâts aux jeunes plantations forestières. Par ailleurs, sa proie favorite, le
campagnol roussâtre, apparaît aussi comme étant le
vecteur de la fièvre hémorragique avec syndrome rénal
[FHSR].
Cette
maladie
(hantavirose) est provoquée
par un virus proche du virus d'Ebola qui peut se
transmettre aux usagers de
la forêt (travailleurs forestiers…). En limitant les populations de campagnols
roussâtres, la martre diminue donc les risques sanitaires de cette maladie.
3. La martre, ami du forestier
Par ailleurs, avec l’autour rapace rare en bien des endroits - la martre est pratiquement le seul prédateur à
pouvoir contrôler les populations d’écureuils qui,
lorsqu’elles dépassent localement un certain seuil,
peuvent occasionner quelques dégâts aux forêts
(écorçage des cimes…).
4. La Martre ne s'attaque
pas aux élevages domestiques
La martre est liée au milieu
forestier, ne s’approchant
qu'exceptionnellement des
maisons. Les cas de prédation de la martre dans des
élevages domestiques (pigeonniers, poulaillers, cla-
piers) sont rarissimes et
controversés.
Pour en savoir plus :
ANDERSON , E. (1970) - Quaternary evolution of the genus Martes (Carnivora, Mustelidea).
Acta. Zool. Fenn. 130 : 132.
ARTOIS, M. et DELATTRE, J. (1986) - Encyclopédie des Mammifères de France : La martre
(Martes martes) -. Société française pour l’étude et la protection des mammifères,
n°17. 31 p.
BURT, W.H. (1943) - Territoriality and home range concept as applied to mammals.
J.Mamm.,24 : 346-352.
Davis, M.H. (1983) - Post-release movements of introduced Marten. J. Wildl. Manage., 47:
59-66.
DELIBES, M. (1983) - Interspecific competition and the habitat of the stone marten in
Europe. Acta. Zool. Fennica,174 : 229-231.
DELMÉE, E., DACHY, P.et SIMON , P. (1980) - Les hôtes occasionnels des nichoirs à chouettes
hulottes (Strix aluco). Aves,16 : 49-58.
GOSZCZYNSKI, J. (1976) - Composition of the food of Martes. Acta Theriol, 21 - pp 527- 534.
HAINARD R. (1948) - Les mammifères sauvage d’Europe, tome1. - Delachaux et Niestlé, Paris. 268 p.
HAWLEY , V.D. et NEWBY F.E. (1957) - Marten home ranges and population fluctuations. J.
Mammalogy, 38 : 175-184.
JIRI F. (1984) - Faune des cinq continents.- Gründ, Paris, 259p.
KING, C.M. (1983) - Factors regulating mustrlid populations. - Acta Zool. Fennica, 174 :
217-220.
Libois, R. (1983) - Protégeons nos mammifères. Animaux menacés en Wallonie. Edit. DuCULOT , BELGIQUE, 175P.
L OCKIE, J.D. (1966) - Territory in small carnivores. Symp. Zool. Soc. Lond, 18 : 143-185.
MACDONALDS, D.W. et BARRET, P. (1995) - Guide complet des mammifères de France et
d’Europe. Delachaux et Niestlé, Paris - p 118-120.
MARCHESI, P. (1989) - Ecologie et comportement de la Martre (Martes martes L.) dans le
Jura Suisse. Thèse de doctorat, Université de Neuchatel, Institut de zoologie.-185 p.
MARSHALL, W.H. (1951)- Pine Marten as a forest product. J. For., 49 : 899-905.
SAINT GIRONS, M.C. (1973) - Les mammifères de France et du Bénélux. Doin, Paris - 267 p.
13
La fouine
Fouine ou martre ? Les distinguer n'est pas chose aisée. Forts semblables, la
fouine est un peu la martre des villes et des villages. De nature curieuse, elle
explore les moindres recoins de son habitat et n'hésite pas à s'approcher des
habitations. Peut-être la surprendrez-vous un soir de pleine lune gambader sur
le faîte de la maison. Jamais un animal n'a aussi bien porté son nom !
Aire de répartition
F i g u r e 6 . Aire de répartition européenne de la fouine
La Fouine se rencontre dans toute l’Europe, de la Méditerranée jusqu’au golfe de Finlande au Nord. En Wallonie, elle
se retrouve sur l’ensemble du territoire.
Début des années 80, la fouine était considérée comme une
« espèce sensible ». Depuis lors, cette espèce anthropophile
et opportuniste a regagné progressivement le terrain perdu,
sans que les densités de population n'aient cependant atteint leurs niveaux d'antan.
14
Morphologie et anatomie
Le pelage de la fouine est
d'un beau brun roux mais
contrairement à la martre
qui lui ressemble, la gorge
et la poitrine sont blanches.
En moyenne, la fouine mesure entre 45 et 50 cm sans
compter la queue qui atteint 25 à 30 cm. La taille
de la femelle est légèrement inférieure à celle du
mâle de même que son
poids : de 1 à 1,5 kg pour
la femelle contre 1,2 à 2 kg
pour le mâle.
La martre des rochers
Vivant dans les greniers,
les hangars et les granges,
mais ne sortant que la nuit,
la fouine passe souvent
inaperçue. Cet animal peut
parfois être moins discret à
l’époque du rut ou de
l’élevage des jeunes en raison de leurs sarabandes
nocturnes ponctuées de
cris aigus.
Sa souplesse, ses talents de
grimpeuse et ses prouesses
acrobatiques sont extraordinaires. Elles lui permettent d’établir ses quartiers
dans des greniers, des
combles ou des clochers
qu’elle rejoint en escaladant agilement les murs.
Mais de nombreux autres
endroits lui permettent
aussi de se reposer : buissons épais, amas de blocs,
terriers, tas de bois, gros
nids d’oiseaux. La grande
faculté d’adaptation de
cette espèce lui permet de
vivre dans des milieux
aussi différents que les zones de cultures, les villes,
les forêts morcelées, les
bocages…
Une fouineuse
A l'écart de l’homme, la
fouine exploite avant tout
les fruits sauvages : mûres,
framboises, sorbes ainsi
que sureau noir, myrtilles
et prunelles constituent
l’essentiel de son alimentation. Ensuite, ce sont les
mammifères, principalement les campagnols et les
mulots qui sont consommés. Les oiseaux, surtout
les passereaux et leurs
œufs, les insectes voire
même les vers de terre
sont des proies fréquentes
en fonction des régions.
En zone rurale, la fouine
met à profit les ressources
qui lui sont offertes par la
proximité de l’homme :
fruits domestiques, volailles, déchets de cuisine.
Mais
ici
aussi,
l’alimentation repose surtout sur l’exploitation de
pommes, poires, mûres,
sorbes, arilles d’if, baies de
sureau ou de Ligustrum,
raisins, voire mandarines !
Les oiseaux figurent également en bonne place,
notamment les pigeons,
moineaux et étourneaux.
Les mammifères semblent
en revanche peu consommés. Enfin, la fréquence
des déchets ménagers est
parfois assez élevée.
sources “ sauvages ” de
nourriture, notamment des
petits mammifères, des
rongeurs en particulier.
Parmi les oiseaux, les espèces les plus fréquemment consommées sont de
petits passereaux, moineaux et merles, et corvidés. Les pigeons ramiers et
domestiques figurent également en bonne place, de
même que les œufs chapardés dans les fermes
(poule, oie, canard) ou
provenant du pillage de
nids d’oiseaux sauvages
(merle, ramier…). En milieu urbain, les fouines
s’alimentent
principalement de fruits de toutes
sortes, tant sauvages que
cultivés : cerises, prunes,
La fouine est une opportuniste qui mange de tout.
Elle adapte cependant son
régime en fonction des ressources les plus abondantes et les plus faciles
d’accès selon les saisons :
15
• en automne et en hiver, le régime est très riche en fruits de toutes
sortes ;
• en
hiver
et
au
printemps,
les
mammifères et les oiseaux
(y compris les œufs) sont
principalement capturés.
Ces proies sont en effet
plus rares à la fin de l'été et
en automne. Les charognes
et les déchets ménagers
interviennent aussi en
nombre
durant
cette
période ;
• les insectes sont plus
fréquemment consommés
en été et en automne.
Démographie
et
dynamique de population
Renard, chat sauvage,
martre et hibou grand-duc
sont les principaux prédateurs de la fouine. Les femelles n'ont qu’une seule
portée de deux à trois jeunes par an. Plus de la moitié des jeunes meurent
avant leur première année.
Toutes les femelles ne se
reproduisent pas chaque
année et généralement ne
le font qu’à l’âge de 1 an.
Toutefois des femelles de
moins d’un an peuvent se
reproduire à l'occasion. Ce
phénomène pourrait cons-
Les solutions pour se protéger des attaques de la fouine
(mais aussi d'autres carnivores comme le renard ou le
putois) au poulailler existent !
Ces attaques ne concernent, dans l'immense majorité des cas, que
des clapiers ou des poulaillers particulièrement vétustes, mal
verrouillés ou mal entretenus. Si un grillage est troué de partout,
si les planches sont disjointes et les portes dans un état lamentable, il ne faut pas s'étonner qu'un jour ou l'autre une bête sauvage profite de l'occasion qu'on lui offre aussi imprudemment.
Par contre, un élevage de conception rationnelle ou correctement
entretenu se trouve automatiquement à l'abri des prédateurs. Il
est bien entendu également important de veiller à ce que les volailles soient enfermées chaque soir à l'intérieur du poulailler.
Si malgré tout, un prédateur particulièrement obstiné tente de
rentrer dans votre poulailler, diverses substances répulsives (par
ex. la Korniline) sont en vente dans toute bonne droguerie et
vous permettront à coup sûr d'éloigner définitivement le prédateur.
tituer une réponse à une
augmentation de la pression de prélèvement (prédation naturelle, chasse).
L’espérance de vie ne dé-
passe pas trois ans. Exceptionnellement des fouines
peuvent atteindre l'âge
respectable de 10 ans.
Arguments pour sa protection
1. Les chasseurs ne peuvent
rien reprocher de particulier à la Fouine
Etant donné le secteur très
particulier qu’elle exploite
à savoir le voisinage des
maisons, généralement très
pauvre
en
espèces
« gibier », étant donné
d’autre part son régime en
grande partie frugivore,
mais
aussi
grande
consommatrice de petits
rongeurs, la fouine est un
prédateur auquel aucun
reproche cynégétique séelle tue ainsi tous les animaux les uns après les autres et ne s’arrête que
rieux ne peut être fait.
Les seuls « crimes » qui lui
soient reprochés sont donc
ceux qu’elle est amenée à
commettre, de manière
épisodique, dans les poulaillers et autres petits élevages.
2. Les carnages épisodiques
de la fouine dans les poulaillers, et autres petits élevages : explication
La Fouine se livre parfois à
des carnages spectaculaires
qui défrayent la chronique
et ne font qu'entretenir la
lorsque le calme est totalement revenu.
16
mauvaise réputation dont
souffrent les « nuisibles »
en milieu rural.
Entrée dans un poulailler
où les poules se mettent
soudain à crier, à battre des
ailes et à voler en tous sens,
la Fouine manifeste une
sorte de "frénésie de mise à
mort". Les mouvements
des futures proies agiraient
comme un stimulus déclencheur du comportement de prédation chez la
fouine. Au comble de
l’excitation,
Pour en savoir plus :
HAINARD R., 1965. Mammifères sauvages d’Europe, Vol.1 (Insectivores, chiroptères, carnivores). Ed Delachaux et Niestlé.
KALPERS, J. (1983) - Contribution à l'étude écoéthologique de la fouine (Martes foina) : stratégie d'utilisation du domaine vital et des ressources alimentaires. I Introduction générale et analyse du régime alimentaire. - Cahiers Ethol. appl., 3 : 145-163.
KALPERS, J. (1984) - Contribution à l'étude écoéthologique de la fouine (Martes foina) : stratégie d'utilisation du domaine vital et des ressources alimentaires. II . Radiorepérage
et discussion générale. - Cahiers Ethol. appl., 4 : 11-26.
L IBOIS, R., 1991. La fouine (Martes foina Erxleben,1777) - Encyclopédie des Carnivores de
France. Société Française pour l’Etude et la Protection des Mammifères. 53 pp.
SHILLING D., SINGER D. & DILLER H. (1986) - Guide des mammifères d’Europe. Ed Delachaux
et Niestlé.
17
Le putois
Ne dit-on pas "Crier comme un putois" ? Ce qui est sûr, c'est qu'il a de bonnes
raisons de vociférer, lui qui se voit accuser de bien des maux dont il n'est en rien
responsable. Puant, peut-être… mais meurtrier, non ! Le putois n'a pas encore
poussé son dernier cri…
un « masque » caractéristiAire de répartition
que de couleur blanche,
tirant parfois sur le jaune.
Exceptionnellement, certains sujets sont entièrement sombres.
Ses mensurations :
F i g u r e 7 . Aire de répartition européenne du putois
L’aire de répartition du putois couvre presque toute l’Europe,
exception faite des îles méditerranéennes, de la péninsule balkanique et de l’Irlande. En Grande-Bretagne, on ne le retrouve que
dans le sud (Pays de Galles).
En Wallonie, le putois est largement répandu dans toute la Wallonie, mise à part la Haute Ardenne.
Gueule noire
On le croirait sorti d'un
charbonnage.
Presque
noirs comme de la suie, le
ventre et les membres du
putois contrastent nette-
ment avec ses flancs clairs
et jaunâtres. Sa queue est
courte, noire également et
bien fournie. La tête, le
menton, les côtés du museau, le dessus des yeux, le
bord des oreilles forment
18
• longueur : jusqu’à 60
cm avec la queue (13 à 19
cm de queue);
• poids : jusqu’à 2 kg
pour les mâles (moyenne :
1 kg à 1,5 kg).
• taille : à mi-chemin entre les petits mustélidés
aptes à entrer dans les
trous de rongeurs et de
taupes (belette, hermine) et
les grands mustélidés
(fouine, martre, blaireau).
Le putois aime l’eau
En Wallonie, le putois occupe une large gamme de
biotopes dans les régions
bocagères (Condroz, Pays
de Herve…) ou de plaines
(Hesbaye). Il affectionne
tout particulièrement le
voisinage de l’eau (roselières, prés à Carex…) mais se
tient volontiers à proximité
des maisons, particulièrement en hiver lorsqu'il visite les entrepôts, les
granges, les meules, les tas
de bois à le recherche de
rongeurs qui s’y abritent
pendant la mauvaise saison.
Le putois occupe des gîtes
variés :
divers
terriers
(blaireau, renard…), des
souches creuses, des tas de
fagots….
Deratisator
En règle générale, les
mammifères constituent les
proies principales de ce
prédateur. De 42 à 99% du
régime alimentaire est
constitué
de
rongeurs
(campagnols,
souris…)
avec notamment beaucoup
de rats surmulots. En effet,
l’agressivité remarquable
du putois lui permet de
s’attaquer très facilement
au surmulot qui est une
proie dangereuse et donc
évitée par d'autres prédateurs comme le chat sauvage ou domestique. Ainsi,
dans une région de France,
une femelle de putois étu-
diée pendant 34 jours, exploitait activement une
importante population de
surmulots, dans une zone
d'un quart d'hectare aux
abords d’un bâtiment
agricole infesté par les
rongeurs ; elle ne l’a
quittée qu’à la suite
d’une intense campagne
de dératisation. Les suivis par radiopistage ont
montré par ailleurs que
le putois chassait les rats
dans leurs trous. Les
rats musqués ne le sont
qu’accidentellement. Les
oiseaux (0 à 27%), les amphibiens (0 à 31%) et les
lagomorphes (0 à 29%) apparaissent assez régulièrement mais de façon
saisonnière tandis que les
musaraignes (0 à 6%) et les
poissons (0 à 11%) ne constituent que des proies occasionnelles.
Macro micro ennemis
Les grands prédateurs naturels (loups, lynx…) ont
disparu de nos régions.
Seuls des espèces comme le
renard et le chat sauvage
peuvent exercer une prédation sur les jeunes putois.
Mais c'est sans compter les
"micro-ennemis" qui ont un
impact non négligeable.
Ainsi le Putois subit-il,
plus encore que d’autres
mustélidés, les attaques
d’un parasite des fosses
nasales : le Troglotrema acutum, petit ver vivant entre
19
les deux tables osseuses du
front et qui provoque des
suppurations ou des perforations du crâne jusqu'à
entraîner la mort.
L’homme ennemi du Putois
Etant donné l’extrême discrétion du Putois, il est rare
qu'il se fasse tuer au fusil.
Par contre, le piège, lui, est
une arme terriblement
meurtrière. De nature peu
méfiante, le putois est en
effet
victime
de
l’irrésistible manie qui le
pousse à explorer tout orifice qu’il rencontre. Lorsqu'il s'agit d'une chatière
ou d'un autre piège, cette
curiosité lui est fatale…
En moyenne, les densités
de Putois avoisinent 0.4
individus/km².
L’espérance de vie des mâles à la naissance ne dépasserait pas 8 mois et leur
longévité maximale serait
de l’ordre de 4 à 5 ans.
Toutefois, leur longévité
potentielle est supérieure à
10 ans.
Pourquoi protéger le putois ?
1. Un déclin généralisé des
populations de Putois en
Europe
De nombreux chercheurs
ont exprimé leur inquiétude face au déclin du putois qui a été observé dans
plusieurs pays européens
(France, Danemark, Suisse,
Allemagne). Aucune donnée récente sur son statut
n'est disponible en Belgique. Cette espèce semblait
toutefois encore en bonne
santé au début des années
quatre-vingt. Néanmoins
étant donné la tendance
générale observée dans les
pays limitrophes, il y a peu
de chances pour que les
populations
wallonnes
soient épargnées par ce
déclin. Il est donc impératif de mieux connaître
la situation du Putois
dans nos régions et
d'étudier les causes potentielles d'un taux de
mortalité qui semble très
élevé et en augmentation.
Parmi celles-ci, citons
l’impact du piégeage, de la
circulation automobile ou
d’autres causes plus insidieuses comme les concentrations importantes en
pesticides organochlorés
ou en PCB déjà observées
chez plusieurs espèces de
rongeurs (Apodemus, Microtus,…), dont se nourrit le
Putois.
2. Une légende parmi
d’autres : celle du Putois
qui pue…
La réputation de « puant »
agressif et braillard (pousser
des cris de Putois) a une origine bien précise : les piégeurs ne connaissent de lui
que le petit fauve, fou de
douleur et de terreur, trouvé, le matin, dans les mâchoires de leur piège.
Et en effet, lorsque l’animal
est pris au piège, ses glandes anales distillent en
abondance, sous l’effet de
la peur, une sécrétion puissante, âcre et passablement
nauséabonde.
Mais quand il n’est pas inquiété, c’est-à-dire le plus
clair de son temps, le Putois est un animal furtif,
discret, silencieux et relativement inodore.
3. Les petits élevages de
conception
rationnelle
sont totalement à l’abri du
Putois
Le Putois pénètre occasionnellement dans les petits élevages de type
familial (poulaillers, clapiers,
…).
Pourtant,
l’argument des dégâts
commis dans les clapiers et
poulaillers par le Putois ne
peut être sérieusement
retenu :
20
• de l’avis même des
gardes, ces attaques sont
statistiquement très rares,
si l’on tient compte du
très grand nombre de petits élevages familiaux qui
existent en milieu rural.
Tous carnivores confondus (Fouine, Putois mais
aussi chien et chats domestiques) on peut compter, environ, une attaque
par an et par village, ce
qui finalement est très
peu ;
• ces attaques ne concernent, dans l’immense majorité des cas, que des
clapiers ou des poulaillers
particulièrement vétustes,
mal verrouillés ou mal entretenus. Si un grillage est
troué, si les planches sont
disjointes et les portes
dans un état lamentable,
il ne faut pas s’étonner
qu’un jour ou l’autre une
bête sauvage profite de
l’occasion qu’on lui offre
aussi imprudemment ;
• bien plus souvent,
c'est par les rats surmulots
qu'il est attiré [voir 4].
Par contre, un élevage de
conception rationnelle ou
correctement entretenu se
trouve automatiquement à
l’abri du Putois, comme de
la Fouine ou d'autres
carnivores.
4. Le putois est un
prédateur de surmulots,
nuisibles
aux
petits
élevages
Le rat surmulot adulte est
un animal redoutable, défendant chèrement sa peau
et devant lequel reculent
un bon nombre de carnivores. Le Putois fait partie
des quelques rares carnivores qui ne craignent pas
d'attaquer ce rat. En visitant, la nuit, les abords des
villages et ses décharges
publiques, il opère ainsi un
travail de « dératisation »
modulée et intelligente qui
est loin d’être négligeable.
Pour en savoir plus :
ARTOIS M., BLANCOU J. et GERARD Y., 1982. Parasitisme du Putois (Mustela putorius) par Troglotrema acutum. Rev. Med. Vet., 133 (12). 771-777.
DANILOV P. I. et RUSAKOV O. S., 1969. The Ecology of the polecat (Mustela putorius) in
North-Western European Russia. Zool. Zh., 48 (9). 1385-1395.
ROGER M., DELATTRE P. et HERRENSHMIDT V., 1988. Le Putois. Encyclopédie des Carnivores de
France. Eds de la Société Française pour l’Etude et la Protection des Mammifères. 73
pp.
HAINARD R., 1965. Mammifères sauvages d’Europe, Vol.1 (Insectivores, chiroptères, carnivores. Eds Delachaux et Niestlé.
HEPTNER V. G. et NAUMOV N.P., 1974. Die Säugetiere der Sowjetunion. 17. Untergattung
Mustela. 628-720, Gustav E.B., Fisher Verlag, Jean, 1006 pp.
JENSEN A. et JENSEN B., 1972. The polecat (Mustela putorius) in Denmark, 1969-1970. Dansk
Vildt Unders, 18, 32pp.
JOIRIS C., L AUWEEYS M. et VERCRUYSE A., 1973. Contenu en résidus organochlorés du moineau
domestique (Passer domesticus) et de micromammifères prélevés en Belgique. Aves,
10. 171-181.
KALELA O., 1948. Changes in the distribution of the polecat in Finland. Suomen Riista, 2. 7796.
KEMPF C. et BAUMGART G., 1980. Mammifères d’Alsace. Collecte ou patrimoine naturel. Les
guides Gesta Eds., Strasbourg-Paris, 336pp.
KING C. M., 1980. Studies of the control of stoats (Mustela erminea) in new Zealand forest.
World. Furb. Conf. Maryland, 443-469.
L IBOIS R.M., 1984. Le Putois (Mustela putorius). In « Atlas des mammifères sauvages de Wallonie ». Le genre Mustela en Belgique. Cahiers Ethol. Appl., 4 (4). 279-314.
MERMOD C., DEBROT S., MARCHESI P. et W EBER J. M., 1983. Le putois (Mustela putorius) en
Suisse Romande. Revue Suisse Zool., 90 (4). 847-856.
SHILLING D., SINGER D. et DILLER H., 1986. Guide des mammifères d’Europe. Eds Delachaux et
Niestlé. 280
21
Le renard roux
Maître renard, à l'odeur alléchée, visiterait-il quelque poulaillers ? Possible…
Mais c'est oublier qu'il est aussi l'un des principaux régulateurs des pullulations
de rongeurs dans les campagnes…
R é p a r t i t i o n g é o g r a p h i q u e e t s t a t u t e n W a l l o nie
F i g u r e 8 . Aire de répartition européenne du renard roux
Le renard roux est l'un des carnivores sauvages qui possède
l'une des plus vastes aires de répartition. Actuellement, il est
présent sur presque l'ensemble du continent Eurasien, à
l'exception de quelques îles, du sud de l'Inde et de la péninsule indochinoise. Son expansion géographique a d'ailleurs
été favorisée par l'homme. Il vit également en Amérique du
Nord, en Afrique du Nord et dans la vallée du Nil et il a été
introduit en Australie.
En Wallonie, le renard est présent partout et en densité variable selon les régions naturelles
22
D
ans l’esprit du public, le renard
passe pour un invétéré
mangeur de poules et de
lièvres. Or, la réalité est
totalement différente. S’il
fallait
traduire
cette
d’image d’Epinal, c’est
d’un fantastique mangeur
de rates et de souris qu’il
faudrait parler ! Les rongeurs forment, en effet,
l'essentiel de sa nourriture;
De nombreux agriculteurs
le savent pour l'avoir vu
chasser, tôt le matin, non
loin de leur tracteur, dans
les prairies fraîchement
fauchées. Record parmi les
records : on a dénombré 48
campagnols des champs
dans l’estomac d’un seul
individu. C'est dire !
Le renard présente une
remarquable
faculté
d'adaptation qui se manifeste à travers le choix de
son habitat, son régime
alimentaire et son organisation sociale.
Par monts et par vaux
Le renard occupe les habitats les plus divers: côtes,
régions boisées, landes,
montagnes, déserts... Dans
nos régions, il marque une
préférence pour les milieux
semi-ouverts (régions de
bocage, lisières, taillis...).
Les terriers de reproduction sont généralement situés dans un talus, un
bosquet, un taillis, une haie
ou en lisière d'un bois. Ils
peuvent également être
implantés à découvert, par
exemple dans une prairie.
Traditionnellement considéré comme rural, le renard est aussi devenu, en
l'espace de quelques décennies, un hôte de plus en
plus familier des villes et
surtout de leurs banlieues.
Il a conquis un bon nombre
de grandes cités européennes : Londres, Paris, Amsterdam, Bruxelles, Oslo,
Copenhague, Madrid, Budapest...
Cette colonisation des villes
est assez récente et a coïncidé avec le développement
d'un tissu suburbain lâche,
constitué principalement de
quartiers résidentiels. Relativement peu denses en
habitations, ces quartiers
offrent au renard une nourriture abondante, souvent
d'origine anthropique, et un
couvert végétal suffisant.
À proximité des habitations
humaines, il implante ses
terriers dans des endroits
pour le moins inattendus :
sous des tas de bois, dans
des canalisations désaffectées, des terrains vagues, des
talus d'autoroute et de chemins de fer, des sablières…
Omnivore
niste !
et
opportu-
Le renard est un généraliste opportuniste. Son régime
alimentaire
est
diversifié, constitué aussi
bien de proies vivantes, de
végétaux, que de déchets
ménagers et de charognes.
La composition de ce régime varie selon le type
d'habitat, la période de
l'année et également, au
cours de l'existence du renard, en fonction de son
âge, de ses habitudes de
chasse, de ses besoins nutritionnels et de ceux de sa
portée.
Le renard est avant tout un
important prédateur de
rongeurs et particulièrement de campagnols des
champs. Il en mange entre
23
6000 et 10 000 par an ! C'est
dire son utilité. Durant la
bonne saison, les invertébrés (lombrics, coléoptères…) et les végétaux
(baies, fruits…) représentent également une part
importante de son régime
en fonction des disponibilités du moment. Ce régime
est complété de cadavres
d'animaux, notamment les
accidentés de la route
(chats,
hérissons,
oiseaux…) qu'il glane ici et
là.
Des modifications apportées par l'homme au milieu
ont été également favorables à l'installation du renard, tant en ville qu'à la
campagne :
• le "retour au vert" s'est
par exemple traduit par
un regain d'intérêt pour
les petits élevages (poulaillers, oiseaux d'ornement, etc.) qui, faute
d'une protection efficace
(grillage…)
constituent
de plantureux gardemanger ;
• des quantités de plus
en plus importantes de déchets ménagers sont mises
à la disposition des animaux sauvages, que ce soit
volontairement (nourrissage des animaux dans les
parcs…) ou non. Opportuniste, le renard "fait les
poubelles", individuelles
ou publiques, et visite les
dépotoirs ;
• la diminution du petit
gibier dans les plaines et
les cultures intensives a
engendré le lâcher d'animaux d'élevage (faisan,
perdrix…). Peu adaptés à
la vie sauvage, ces animaux représentent des
proies faciles pour le renard. Dans ce cas, la loi du
moindre effort est pleinement appliquée par le renard.
Démographie et dynamique de population
Selon la capacité d'accueil
du milieu le renard peut
vivre seul, en couple ou en
petits groupes, ce statut
pouvant évoluer au cours
du temps et de sa vie.
Dans les milieux pauvres
en ressources alimentaires,
les renards sont généralement solitaires, à l'exception de la période de rut,
durant laquelle les contacts
entre individus sont fréquents. Dans les milieux
plus favorables, ils vivent
en couple toute l'année durant. Enfin, lorsque les ressources alimentaires sont
abondantes (pullulation de
rongeurs), ils adoptent un
mode de vie communautaire et forment des groupes sociaux hiérarchisés.
Chaque groupe est constitué d'un mâle, d'une femelle
dominante
reproductrice et de plusieurs individus de rang
subalterne. Ces renards
dominés sont le plus souvent des femelles non reproductrices
qui
participent au ravitaillement et à l'élevage des renardeaux.
Dans
ces
conditions
d'abondance
alimentaire, il arrive que
plusieurs femelles d'un
même groupe social - une
mère et sa fille, par exemple - puissent se reproduire.
Les populations de renards
se composent de deux catégories d'individus : les
résidants territoriaux (solitaires ou en groupes, dominants et dominés) qui
occupent un domaine vital
ou territoire qu'ils marquent et défendent, et les
itinérants non définitivement fixés mais prêts à occuper une place dans un
territoire dès qu'elle se libère.
L'étendue du domaine vital est inversement proportionnelle à la quantité de
nourriture
disponible :
plus les conditions sont
favorables, plus la superfi-
24
cie du territoire est restreinte.
Vers la fin de l'été, les jeunes renards quittent le territoire parental et se
dispersent en quête d'un
nouveau territoire ou d'une
place vacante dans un
groupe social. Les mâles
entament des déplacements généralement plus
importants que les femelles, entre 5 et 25 km, rarement au-delà de 30 km.
Des femelles peuvent rester dans le territoire parental et occupent alors une
position subalterne dans la
hiérarchie du groupe social.
Causes de mortalité
De nos jours, la circulation
routière constitue probablement la plus importante
cause de mortalité de l'espèce. Les principales victimes sont les renards
juvéniles et les jeunes adultes en dispersion. Ces derniers
sont
encore
inexpérimentés
lorsque,
quittant le territoire parental, ils doivent parcourir un
réseau dense d'axes routiers.
Le nombre croissant de
chiens, notamment en zone
suburbaine, représente un
autre facteur important de
limitation de la population
vulpine. La présence de
chiens est surtout néfaste
durant la période de reproduction et peut agir de
deux façons : soit directe-
ment, par la prédation
exercée sur les renardeaux,
soit indirectement, par l'occupation de certains milieux ou par la concurrence
de ressources alimentaires
identiques.
La destruction volontaire
de renards par l'homme
(chasse, piégeage) et dans
certaines régions, la rage et
la gale sarcoptique, constituent les autres principales
causes de mortalité. Localement, les hivers rigoureux peuvent faire périr
des individus par affaiblissement et malnutrition.
Vivre avec le renard
L’augmentation des effectifs du renards constatée
ces dernières années est
intimement liée aux activités humaines : modifications du paysage et des
pratiques rurales. Cette
explosion démographique
est
apparue aussi bien dans
des régions où sévissaient
la rage que dans d'autres
où elle n'était pas présente
(Flandre,
Hollande,
Grande-Bretagne...).
De
plus, en Belgique, les renards étaient moins répandus avant l'apparition de
l'épidémie de rage (début
des années '60) que lorsque
cette dernière atteignait
son pic maximal d'incidence (années '80) et que la
lutte contre le renard était
maximale !
Il est établi que c'est la
quantité de nourriture disponible dans le milieu qui
détermine le niveau des
populations de renards. La
seule façon réaliste de stabiliser ses effectifs, c’est
donc de limiter les ressources alimentaires accessibles
à cet omnivore opportuniste :
• Interdire le lâcher de
petit gibier (faisans, perdrix…)
provenant
d’élevages, étant donné
leur “ naïveté ” et leur
vulnérabilité par rapport
aux prédateurs;
• Encourager les propriétaires de petits poulaillers
à grillager efficacement
leur élevage (ce qui est rarement le cas, vu le nombre de plaintes);
• Privilégier l'utilisation
de poubelles rigides à la
place des sacs poubelles;
• Encourager les agriculteurs et les chasseurs à
maintenir et restaurer,
dans les plaines, des habitats favorables au petit gibier (bandes herbeuses,
jachères, haies,...);
• obliger les agriculteurs
à enterrer les arrières-faix
de leur bétail après les
mises-bas;
• obliger les chasseurs à
enterrer les viscères du
gibier et les animaux non
consommables abattus.
L a i s s o n s v i v r e l e r e nard
1. Le régime alimentaire
du renard : 6000 rongeurs
au minimum par an
Bien que le renard soit un
opportuniste et que son
régime fluctue en fonctions
des saisons et selon les régions, il semble bien que la
ration annuelle d’un renard adulte atteigne 6000 à
10 000 rongeurs. Ce chiffre
record le place évidem-
25
ment parmi les plus efficaces dératisateurs ou
"rodenticides naturels".
2. Le renard et les grosses
proies
Sachons vivre avec le renard !
Reprenons point par point quelques éléments importants :
1. Le renard est un précieux auxiliaire de l'agriculteur. Il
est le champion toute catégorie pour capturer les petits
rongeurs : campagnols, mulots…
2. Il a survécu aux pires actes d’extermination. A l'époque
où la rage sévissait, c'est par milliers qu'ils étaient abattus chaque année en Wallonie. Pour quel résultat ? Aujourd'hui encore, malgré la chasse, les moyens de
destruction, la circulation routière… qui éliminent bon
an mal an 1 renard sur deux, le renard est toujours bien
présent !
3. Tenter d’éliminer une population de renards sur un territoire donné serait un travail de tous les jours, à perpétuité : la mort d'un individu territorial attire d'autres
individus, périphériques ou erratiques, qui occupent le
vide et en définitive, la densité initiale a tendance à se
reconstituer. Inéluctablement.
En conclusion : à quoi bon s'efforcer de l'exterminer, s achons tout simplement vivre avec lui !
La mauvaise réputation du
renard se fonde, pour
l’essentiel, sur l’observation de restes de proies
(poules, faisans, canards,
lièvres, lapins, voire même
faons de chevreuils) qui
jonchent parfois les abords
de son terrier, durant la
période où il élève ses jeunes. Et, en effet, il n’est pas
douteux que le renard
puisse
à
l'occasion
s’attaquer à de grosses
proies qui lui offrent un
maximum de ravitaillement en échange d’un minimum d’efforts.
Ce fait étant admis, trois
corrections
importantes
s’imposent :
• certaines de ces proies
sont en réalité des charognes ou des animaux accidentés qu'il prélève ça et
là dans la campagne ou le
long des routes ;
• des poules courant en
liberté ou parquées dans
des enclos inadaptés sont
une tentation pour le
renard. Elles représentent
des proies faciles surtout
vers le mi-mai, à une
époque où la renarde doit
ravitailler ses grands
jeunes qui sont au
maximum
de
leurs
exigences énergétiques.
Elle prend pour cela tous
les risques, y compris
celui de s’approcher des
maisons
en
pleine
journée. Des solutions
techniques simples et
efficaces existent toutefois
pour se prémunir des
;
•attaques
dans du
unrenard
environnement sain, un faisan, un
lièvre, ou tout autre gibier
26
sauvage et en bonne santé
est tout à fait capable de se
soustraire à la dent du renard. Ce n'est évidemment
pas le cas des animaux
d'élevages, naïfs et inexpérimentés, qui sont relâchés
sur les chasses ! La prédation du renard sur ces derniers a aussi une fonction
sanitaire essentielle en éliminant les individus les
plus faibles.
3. Le renard n’est pas en
surnombre !
Y a-t-il trop de renards ? La
réponse est formelle : non !
Tout simplement car un
prédateur, par définition,
ne peut jamais être en surnombre ! Toutes les études
scientifiques l'attestent : la
densité de population d'un
prédateur (renard ou autre) est fonction avant tout
de la disponibilité du milieu en proies. Si elles sont
abondantes (pullulations
de rongeurs…), les nichées
de renards seront fournies.
Si par contre, la nourriture
vient à manquer, les populations de renards diminuent
(mortalité
importante) par des mécanismes de dispersion et de
concurrence territoriale.
4. Le renard n’a jamais été
« régulé » par les superprédateurs
aujourd’hui
disparus
Toutes les observations et
études scientifiques portant sur les "superprédateurs" (ours, loup, lynx…)
démontrent qu'aucun d'entre eux n'est capable d'infléchir les populations de
renards, même s'ils capturent à l'occasion l'un ou
l'autre
renardeau
ou
adulte. Il est donc totalement faux d’affirmer que
l’homme devrait prendre la
place des superprédateurs
aujourd’hui disparus de
nos régions ! Qui plus est,
l’homme,
ce
« superprédateur », se révèle lui
aussi totalement inefficace
dans la lutte contre le renard. Alors que des centaines de milliers de renards
étaient annuellement massacrés en Europe, au plus
fort de l'épidémie de rage,
jamais les populations ne
se sont si bien maintenues,
et en grand nombre ! On
peut donc légitimement se
poser la question de l'utilité de la destruction du renard…
Pour en savoir plus :
AFIADEMANYO, K.M., LIBOIS, R.M., BROCHIER , B., COPPENS , P. & PASTORET , P.-P. - 1993 - Structure des
populations de renard roux, Vulpes vulpes, dans le sud de la Belgique en relation avec l'enzootie rabique et les campagnes de vaccination orale. - Cahiers Ethol. appl. - 13(3) : 281294
ARTOIS , M. - 1989 - Le renard roux (Vulpes vulpes Linnaeus, 1758) - Encyclopédie des carnivores
de France. - Société Française pour l'Etude et la Protection des Mammifères
ARTOIS , M. & STAHL , P. - 1989 - Prédation des rongeurs par le renard roux (Vulpes vulpes) en Lorraine. - Gibier Faune Sauvage - 6 : 279-294 –
BROCHIER , B. - 1995 - Mieux connaître le renard. - - MRW - DGRNE - BROCHIER , B., AUBERT , M.F.A., PASTORET , P.-P., MASSON , E., SCHON , J., LOMBARD , M., CHAPPUIS , G.,
LANGUET , B. & DESMETTRE , P. - 1996 - Field use of a vaccinia-rabies recombinant vaccine
for the control of sylvatic rabies in Europe and North America. - Rev. sci. tech. Off. int.
Epiz. - 15(3) : 947-970
BROCHIER , B., Bauduin, B., CHALON , P. & PASTORET , P.-P. - 1999 - ESTIMATION de l'abondance du renard roux (Vulpes vulpes, L.) en Ardenne belge par relevé des mortalités, comptage nocturne et recensement des terriers de mise-bas. - Cahiers Ethol. appl. - 19(1) : 1-18
BROCHIER , B., DECHAMPS , F., COSTY , F., De Mulder, D., CHALON , P., HALLET , L., PEHARPRE , D.,
SAEGERMAN , C., MOSSELMANS , F., BEIER, R., LECOMTE , L., MULLIER , P., ROLAND, H., LAMBOT, M.,
BAUDUIN , B., RENDERS , C. & PASTORET , P.-P. - 1999 – Epidémiosurveillance de la rage animale en Belgique : un seul cas détecté en 1998. – Ann. Méd. Vét., 143 : 273-280.
CHALON , P. X., BROCHIER , B., BAUDUIN , B., MOSSELMANS , F., PASTORET , P.-P. - 1998 - Structure d'âge
et sexe ratio d'une population de renards roux (Vulpes vulpes) en Belgique. - Cahiers
Ethol. appl. - 18(1) : 17-38
HAINARD , R. - Mammifères sauvages d'Europe. - Delachaux & Niestlé HARRIS , S. & RAYNER , J.M.V. - 1986 - Urban fox (Vulpes vulpes) population estimates and habitat
requirements in several birtish cities. - J. Anim. Ecol. - 55 : 575-591
I OKEM , A. - 1985 - Eco-éthologie du renard roux (Vulpes vulpes L.) en Lorraine belge. - Ann. Méd.
Vét. - 129 : 309-318
MACDONALD , D.W. - 1980 - The red fox, Vulpes vulpes, as a predator upon Earthworms, Lumbricus terrestris. - Z. Tierpsychol. - 52 : 171PASTORET , P.P. et coll. - 1998 - Evolution de la rage vulpine en Belgique et dans l'Union européenne. - Bull. & Mém. Acad. r. Méd. Belg. - 153(1) : 93-99
27