Vive la musique Gratuite

Transcription

Vive la musique Gratuite
Vive la musique Gratuite !
Je ne suis pas un accro d'Internet. Si j'avais plus de
temps, très certainement mais là, désolé non.
Il m'arrive pourtant de suivre des conversations sur
quelques mailings-lists et il est vrai que le sujet de Napster
me crispe un peu.
Napster, c'est ce logiciel qui permet de relier tous les
ordinateurs allumés du monde (ceux qui se sont inscrits)
pour peu que leur disque dur comporte des fichiers de
musique enregistrés.
Si je m'abonne à Napster et que je copie sur mon disque
le dernier Virago (et j'aurais pu le faire dès la mi-mai !), le
disque en question est disponible au téléchargement
gratuit pour n'importe qui !
Normalement le principe c'est ça, je crois, Pas fou, allezvous me dire ? Ben non, justement je ne suis pas fou,
Parce qu'on ne va pas bousiller du travail, de l'énergie et
de l'argent en offrant gratuitement la musique.
Parce que je paie mon pain, ma balayette de chiotte, mes
clopes, mes sweats NOFX, ma Kro et l'essence de ma
caisse (1).
D'où vient ce discours de merde qui dit que le MP3,
Napster et autres sont la liberté des amateurs de musique,
des musiciens envers les maisons de disques ? Pourquoi
la musique doit-elle être gratuite.
Est-elle du vent ? De la poudre de perlimpinpin ? Un truc
négligeable qui pousse comme l'herbe dans les prés (c'est
l'action de pousser qui est négligeable au regard du
quotidien, pas l'herbe) (2).
Non, bien sûr, mais que ce soit à la télévision ou dans les
journaux, on avance toujours et imperturbablement le
conflit entre les utilisateurs et les maisons de disques,
pleurant leurs millions qui s'évaporent au fur et à mesure
que l'Internet accroît sa toile et que les graveurs (ne les
oublions pas !) gravent, gravent, gravent.
Les gros conglomérats qui ne veulent rien lâcher sans
faire payer et donc entravent la liberté, la démocratie et
tout ça. Et de reprendre sur le thème du disque trop cher
et tout cela mène à cette sorte de rancœur devant un
plaisir que l'on doit payer alors qu'il est si largement
répandue dans la vie d'aujourd'hui.
On écoute de la musique chez soi, au supermarché, dans
les ascenseurs, les toilettes, les couloirs de métro, à la
radio, dans les pubs télés ; partout la musique règne,
comme l'air qui nous permet de respirer, Est-ce pour cela
qu'elle doit être gratuite ?
J'ai déjà eu l'occasion de le dire dans un précédent
éditorial, je conçois parfaitement la copie, c'est grâce à elle
que ma vie s'est ouverte à la musique mais ma
discothèque dépasse quand même les trois mille pièces
achetés avec mes sous à moi (les promos reçus à Abus
restent dans la discothèque Abus ou chez des chroniques
extérieurs à l'équipe de base du journal, en guise de
remerciements pour l'aide apportée).
Parce qu'un disque c'est aussi un objet et que la
photocopie ou l'écriture serrée des titres c'est gavant.
Bien sûr on ne peut pas tout acheter et certains même pas
beaucoup, question de finances. Non, ce qui m'horripile,
c'est le système de copie systématique, ce sont les gens
qui n'achètent plus rien et copient tout. Ceux qui s'en
vantent, je les trouve cons. Et ceux qui en parlent comme
une liberté retrouvée, crétins débiles !
L'autre jour, Petit Vodo donnait une interview pour une
radio et le gars lui déclare comme ça, avant même la
première question, qu'il a adoré le disque, et ses copains
aussi qui l'ont tous copié.
C'était dit sans méchanceté aucune, naturellement avec la
nette intention de montrer à Petit Vodo qu'il avait des fans,
là, dans cette radio, ce qui est vrai.
L 'action de copier est donc rentrée dans la logique de
l'amateur de musique. On se regroupe, on achète un
disque et vas-y Poupou ! On ne pense pas forcément ce
que représente un disque.
Je ne vais pas rentrer aujourd'hui la description précise
mais pour aller vite, disons que le disque est le centre, le
moteur, le seul moyen pour un artiste de faire connaître sa
musique.
Il reste la scène, certes, mais combien programment des
groupes qui n'ont pas de disque ?
Comment sortir de sa ville, de sa région sans disque ?
Et les maisons de disques sont-elles toutes siglées BMG,
EMI ou Universal ?
Ça n'est pas à vous, amis lecteurs d'Abus Dangereux que
je vais apprendre qu'il y a des tonnes de bons disques que
vous aimez tendrement qui sont sortis sur les labels
indépendants ?
Et un label indé, ça ne vit pas d'amour et d'eau fraîche
même s'il y a souvent, bien souvent ou toujours des
passionnés qui se démènent corps et âme.
Et qu'à ce niveau, un disque vendu est un disque vendu.
Et que moins il s'en vend, moins la gnake est là, moins
l'artiste avance et moins de musiques hors gabarit dictés
par les multinationales et les radios nous aurons à nous
mettre entre les oreilles !
La musique ne se joue pas sans travail et même les
groupes qui enregistrent en trois jours trente titres ont
derrière eux des répétitions et des répétitions de vol. Et
s'entasser des heures durant dans un camion pour aller
jouer, c'est pas non plus toujours une sinécure ! Je ne
parle pas du travail d'un label, derrière.
Alors oui, à notre niveau, celui de labels indépendants, un
disque copié est un disque perdu et à force de les
cumuler, il arrivera ce jour où tout le monde en aura si
marre de perdre énergie, argent et temps qu'il pensera à
une reconversion aussi lucrative que fière.
Et derrière ça, on pourra alors parler de la liberté d'écouter
autre chose que les mêmes merdes de RFM, Fun ou Rire
et Chansons.
Alors non, la musique ne peut et ne doit être gratuite parce
que c'est tout simplement cela qui nous protège de
l'uniformisation, de la bêtise et de la débilité.
Philippe Couderc
Article tiré du magasine " ABUS DANGEREUX "
de Décembre 2000
1. pour des raisons de sécurité, certains termes ont été changés.
2. … dans les prés bien sûr.