Des mesures très spéciales pour tester les voitures…

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Des mesures très spéciales pour tester les voitures…
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Reportage
Vu
chez
Renault
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Solutions
MESURES PHYSIQUES
Des mesures très
spéciales pour tester
les voitures…
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En extérieur, les nuages gazeux se diluent et sont emportés par le vent avant
même souvent d’avoir pu atteindre le nez du premier détecteur. 35 % des fuites
de gaz passeraient ainsi inaperçues. La société danoise Innova Gassonic propose un détecteur qui mesure non pas la concentration de gaz mais le bruit que
fait le gaz lorsqu’il s’échappe. Ce type de détecteur peut offrir une zone de couverture de plus de 30 mètres de diamètre. Avec une bonne analyse de l’installation et quelques outils théoriques, il est possible de quadriller toute une zone
à risque.
L
a qualité des véhicules automobiles a fait d’énormes progrès, rendus possible par les efforts faits au
niveau du contrôle qualité de la
fabrication mais aussi par les très nombreux
essais pratiqués en amont (pour valider les
pièces) et en aval (pour intégrer les défauts
constatés en service). La mesure est donc partout. Et pas toujours simple. Les constructeurs sont souvent amenés à utiliser des capteurs développés sur mesure et à mettre au
point des procédures d’essais relativement
complexes. C’est ce que nous avons vu chez
Renault, qui utilise des capteurs spéciaux mis
au point par FGP SenL’essentiel
sors pour tester la qualité de la fermeture des
Les essais de fermeture des
portes des “ouvrants”
ouvrants nécessitent des
capteurs de force 3D ainsi
(portes) et de la force
que des capteurs polaires
à exercer sur le volant
(mesurant des angles)
pour maintenir la voi Le contrôle de l’action du
ture en ligne…
conducteur du mouveLes constructeurs automent impose quant à lui
mobiles déploient de
un capteur de force tangros efforts pour amégentielle
liorer la qualité de leurs
Points communs entre ces
applications : les capteurs
véhicules. La qualité de
sont non intrusifs (ils ne
la conception, la qualifaussent pas la mesure) et
té de la production, la
ils ont été développés sur
qualité du service sont
mesure
évidemment au cœur
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Cette photo montre (au niveau de l’aile) le capteur polaire (mesure d’angles et de déplacement) qui permet de suivre le mouvement de la
portière lors de la fermeture.On voit aussi,au niveau de la poignée de porte,le capteur de force (le capteur “boule”) permettant de mesurer
les efforts exercés par l’utilisateur pour fermer la porte.Le capteur boule est solidaire du capteur polaire.
de toute stratégie de qualité. Malgré toutes
les précautions prises, le “zéro défaut” n’existe pas et les constructeurs s’efforcent de faire remonter les défauts constatés sur les véhicules mis en circulation. Il peut même arriver
qu’un garage rencontre un défaut qu’il ne
sait ni diagnostiquer ni réparer. Chez Renault,
tous les défauts qui peuvent se présenter sont
traités par le service “incidentologie”, qui
appartient à la Direction de la Qualité Fiabi-
lité Incidentologie.A l’intérieur de cette direction, il existe un service “analyse ingénierie”, dans lequel travaillent une cinquantaine de personnes : « Notre rôle est de partir d’un
problème qui nous a été posé et de chercher à établir la
chaîne causale, afin de remonter à la source du problème », résume Francis Catry, responsable de
l’UET (Unité Elémentaire de Travail) “Analyse, Méthodes Nouvelles et Mesures Physiques”. Cette compétence un peu particuMESURES 775 - MAI 2005 - www.mesures.com
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lière est désormais bien reconnue au sein du
groupe. M. Catry anime en effet un club des
analystes, dans lesquels se retrouvent notamment les analystes affectés aux différentes
lignes de production, et dont le rôle est
d’examiner les problèmes rencontrés sur le
process. Le but de ce Club est d’homogénéiser une manière de travailler, de communiquer et aussi de partager certains outils.
C’est ainsi que l’outil [email protected] utilisé
par le service “analyse ingénierie” a servi de
base pour construire un nouvel outil de
construction et de capitalisation (l’outil est
sur base de données) des arbres de défaillance, utilisable par les différents acteurs du Club
des Analystes et les ingénieries “métiers”.
Dans le même ordre d’idée, des formations
des techniciens “analystes” ont été mises sur
pied, de même que des procédures de certification des analystes.
Une analyse basée sur les mesures
L’analyse de la causalité des incidents porte
sur un spectre très large. L’ensemble des fonctions de la voiture sont concernées : GMP
Le capteur boule de mesure des forces 3D comporte sur sa périphérie des poinçons (il y en a 9 en tout) destinés à l’étalonnage.Une
griffe supportant des masses connues est appliquée successivement
sur les différents points et on note les valeurs mesurées par le capteur.Celles-ci sont alors utilisées pour effectuer la correction des
mesures.
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On voit ici le capteur de force tangentielle monté en
bas du volant.Sur une longue ligne droite,le
conducteur place son index sur ce capteur de façon
à corriger les éventuelles déviations de trajectoires.
La force tangentielle exercée est enregistrée et corrélée aux autres mesures effectuées au cours de l’essai.
A noter l’ingénieux mécanisme de fixation du capteur
sur le cerceau du volant.
(Groupe Moteur Propulsion), Liaison au sol,
Carrosserie, Electricité/Electronique. Les
études ne portent pas uniquement sur des
véhicules en circulation. « Nous sommes par
exemple amenés à analyser les problèmes que peuvent poser
les premiers assemblages de caisse sur des prototypes »,
indique M. Catry. Une fois le prototype réalisé, celui-ci est soumis à des essais, qui peuvent révéler des problèmes difficiles à
résoudre, nécessitant d’établir la chaîne causale.
Sur les véhicules en circulation, une bonne
partie des analyses de causalité porte sur des
incidents et pannes constatés dans les garages.
Mais pas seulement. En effet, avec son programme Défipro, Renault va même au-devant
des incidents. Défipro signifie “Définition
des profils de mission”. Une dizaine de véhicules instrumentés et pourvus d’une “boîte
noire d’acquisition” sont prêtés à des clients,
pendant 15 jours. Les analyses obtenues permettent d’étudier le comportement routier
du client, de la manière dont il sollicite son
véhicule, ce qui peut au bout du compte
amener Renault à redimensionner certaines
pièces présentes sur le véhicule…
Pour réaliser ses analyses, le service “Analyse Ingénierie” en incidentologie doit disposer d’un maximum d’informations. Une première phase consiste à consulter les
personnes impliquées par l’incident, qu’il
s’agisse d’un “jockey” (c’est ainsi qu’est
nommée la personne qui fait faire les pre-
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miers tours de
roue à une voiture qui sort de
la chaîne de
fabrication) ou
d’un “rouleur”
(les personnes chargées de faire des essais
de prototypes). Lorsqu’un incident est observé lors d’un essai de prototype, des données d’essais sont disponibles
mais, paradoxalement, il est assez rare que
des données apportent des enseignements
utiles. « Le principal problème que nous avons lorsqu’un
incident survient sur un véhicule est de le resituer dans
son contexte.Il est souvent impossible de déterminer précisément, a posteriori, l’enchaînement des circonstances
qui ont conduit à son apparition.Ceci est encore plus vrai
s’il s’agit de dysfonctionnements aléatoires »,commente
M. Catry.
Ceci conduit le service “analyse ingénierie”
en incidentologie de pratiquer ses propres
essais. Il existe très peu de sous-traitance à
ce niveau, d’une part parce qu’il y a souvent
des problèmes de confidentialité (les études
portent souvent sur des prototypes) et d’autre
part parce que la nature des problèmes est
souvent de type inter-systèmes. « Cela dit,notre
spécialité,ce n’est pas la mesure mais l’analyse de la chaîne causale. Si un problème de mesure exige une certaine
expertise,nous pouvons être amenés à demander à un autre
service de Renault de nous donner un coup de main »,
indique M. Catry. Mais c’est exceptionnel.
De la mesure standard,
autant que possible
Dans la mesure du possible, les capteurs et
les systèmes d’acquisition utilisés sont standard, “sur étagère”. Certaines mesures sont
fournies par l’électronique embarquée à bord
des véhicules. Ces mesures sont alors remontées par le bus de terrain CAN qui équipe les
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véhicules. Le contenu de la mémoire du calculateur est également examiné en profondeur. En général, cela ne suffit pas et il faut
ajouter des capteurs. Standards, si possible.
Et avec un minimum d’intrusion.
Parfois, les chaînes d’acquisition et les capteurs standard ne sont pas bien adaptés. Renault
peut alors être amené à faire appel à des produits sur mesure, réalisés par des sous-traitants. C’est ainsi que le groupe a confié à la
société française LGM la réalisation d’un petit
analyseur acoustique portable sur un PDA,
comportant un petit boîtier d’acquisition
comportant deux accéléromètres, un microphone, deux voies analogiques et un thermocouple. Le PDA assure les fonctions de
mémorisation et de calculs. Ce petit système
permet de réaliser des mesures sur véhicule,
pour analyser par exemple les bruits de roulements.
Un capteur sur mesure
pour le contrôle du volant
Dans un domaine différent (mais on reste
dans les voitures!), Renault a également établir un partenariat intéressant avec FGP Sensors,qui a débouché sur la réalisation de capteurs spécifiques.
La première réalisation porte sur un capteur
de la mesure des efforts à appliquer pour faire tourner le volant. Plus précisément, pour
un véhicule censé aller en ligne droite, le
conducteur doit de temps à autre exercer
une petite pression à gauche ou à droite du
volant pour maintenir la trajectoire du véhicule. Le rôle du capteur est de mesurer l’effort tangentiel appliqué sur le volant. Par le
passé, cet effort était mesuré de manière un
Les boîtiers de mesure embarqués à bord de ces voitures de série conduites dans des conditions normales par des conducteurs normaux (ou
présumés tels) permettent d’évaluer les comportements et réactions de la voiture dans des circonstances de la vie réelle.Les résultats obtenus
sont pris en compte pour la conception de ses futurs modèles de voiture.Dans des cas extrêmes,ils peuvent amener le constructeur à effectuer des modifications sur un modèle déjà commercialisé.
peu archaïque en appliquant des poids aux
positions 3 h 15 et 8 h 45. Pas simple ! Le
capteur FGP se présente sous la forme d’une
petite poignée fixée sur le volant, du type
de celles que l’on voit sur certains véhicules de chantier, pour faciliter la rotation
du volant (sur ces véhicules, la direction
peut être plutôt dure). Ici, le but de la poignée n’est pas de faciliter la rotation du
volant mais de mesurer les imperceptibles
pressions que le conducteur doit exercer
sur le volant (ou plutôt sur le “capteur-poignée”), un coup à gauche un coup à droite, pour que le véhicule “garde la ligne”, un
peu comme l’on fait lorsqu’on conduit sur
autoroute. Le “capteur-poignée” est positionné à 6h30.
Ce capteur devait être aussi peu intrusif
que possible, léger et peu encombrant. Il
fait 29 mm de diamètre pour environ
30 mm de haut et il est encapsulé dans
un corps en aluminium. La mesure des
Un autre capteur sur mesure
pour contrôler les portières
L’indice de puissance
Pour une portière donnée, on retrouvera le même couple
accélération/vitesse au niveau de la
position de fermeture, chaque fois
que l’on atteindra la “juste fermeture”.
Mais l’accélération ou la vitesse seules
n’ont pas de signification dans l’absolu. Les valeurs obtenues pour une portière n’auront plus aucune signification pour un autre véhicule, en
particulier si c’est un modèle différent.
Ramener à une vitesse de 2 m/s une
porte de 20 kg dont la charnière est
faiblement inclinée sera plus difficile
que pour une porte dont la charnière
et inclinée favorablement, et dont la
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forces tangentielles se fait à l’aide de
jauges de contraintes disposées judicieusement de façon à ce que la mesure ne
dépende pas de la position de l’index sur
le capteur. L’étendue de mesure est de 2 N
(avec une linéarité et une hystérésis combinées qui sont inférieures à ±0,5 % de
l’étendue de mesure) et la surcharge
maximum autorisée est de 20 N.
Le mode de fixation a également fait l’objet
d’une étude approfondie. Il fallait en effet
une bride qui permette de monter le “capteur-poignée” perpendiculairement au
volant, qui puisse s’adapter à différents diamètres de volants et qui n’abîme pas le volant
à l’endroit où elle est posée. Le système de
bridage n’est pas simple car les volants sont
de plus en plus complexes et comportent
souvent une branche en bas du volant, empêchant le serrage autour de celui-ci. Un montage astucieux, avec une molette de serrage,
a été imaginé.
masse sera seulement de 10 kg par
exemple. Seul un calcul prenant en
compte la masse de l’ouvrant permet
de décrire sa dureté.
L’indice de puissance tient compte de
cette masse mais aussi, bien sûr, de la
vitesse de fermeture, de la distance
d’accompagnement de la portière lors
de la fermeture, etc. Il s’exprime en
watts et caractérise bien la dureté de
la fermeture telle qu’on la ressent
effectivement lorsque l’on ferme une
porte. Il permet donc de déterminer
de manière objective la dureté des
ouvrants.
Le projet Flipper présente une plus grande
envergure. Son objectif est de déterminer
objectivement la qualité de dureté de fermeture d’une porte latérale de voiture (appelée “ouvrant” dans le jargon du métier) dans
la phase d’accompagnement et de claquement. Ce projet a également débouché sur
la mise au point de capteurs sur mesure réalisés par FGP Sensors. A peu près à la même
époque, PSA travaillait sur le même type d’application et avait contacté FGP Sensors.Ce dernier a alors favorisé le rapprochement des
équipes des deux constructeurs automobiles,
qui ont travaillé en bonne entente sur le projet, en partageant les frais d’étude et de développement.
Le nom de Flipper donné au projet s’explique par le fait que dans la première mouture du projet, l’énergie nécessaire pour assuMESURES 775 - MAI 2005 - www.mesures.com
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rer correctement la fermeture de la porte était
fournie par un ressort. Le système était muni
d’un dispositif de mesure de vitesse en fin
de détente du ressort pour permettre d’effectuer des calculs de puissance (effort multiplié par la vitesse).
Dans sa première version, Flipper était
encombrant et relativement lourd à mettre
en œuvre. D’autres approches ont été imaginées par la suite (sans ressort), pour aboutir finalement à une solution comportant un
capteur polaire (mesurant des angles), un
capteur d’effort tri-axes ainsi qu’un accéléromètre. Grâce à cette instrumentation, le
système permet de décrire complètement ce
que ressent le client lorsqu’il actionne et
“claque” une porte : le couple d’ouverture et
de fermeture, le moment d’inertie, le coefficient de frottement, l’indice de puissance
(voir encadré “L’indice de puissance”) sont
entièrement définis.
Dans un premier temps, Renault était parti du
principe qu’avec la connaissance de la force
appliquée sur l’ouvrant et de son accélération, il serait possible de déterminer directement la puissance des efforts extérieurs
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appliqués sur celui-ci. D’où l’idée de monter
un capteur d’effort tri-axes associé à un accéléromètre sur la porte.
L’expérience a vite montré qu’il ne suffisait
pas de connaître la force et l’accélération
appliquées sur l’ouvrant pour déterminer
directement la puissance des efforts extérieurs appliqués sur celui-ci. En effet, l’effort
fourni par l’utilisateur n’est pas le seul à
entrer en ligne de compte et il n’est donc
pas possible d’obtenir la puissance des efforts
extérieurs uniquement à partir des mesures
de force et d’accélération données par le capteur. En effet, suivant la façon dont l’utilisateur va claquer l’ouvrant, c’est-à-dire suivant
la façon dont va varier la force appliquée, les
frottements de la charnière et de l’arrêt de
porte ne seront pas les mêmes.
Pour caractériser complètement l’ouvrant, il
fallait donc s’intéresser à d’autres paramètres
comme par exemple les frottements des charnières et leur inclinaison, les frottements arrêt
de porte, le poids de la porte, les passages des
crans parking (lorsque l’on ouvre une porte
de voiture, il existe des points durs à miouverture et pleine ouverture, afin que la por-
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tière soit maintenue en position, même lorsqu’on la lâche), etc. On le voit, la mesure de
la force et de l’accélération ne suffisent pas…
De nouveaux capteurs ont été définis, comportant de nombreuses mesures angulaires.
C’est ainsi que le capteur de force et d’accélération (réalisé par FGP Sensors) placé sur l’ouvrant est monté sur un bâti articulé selon
deux axes (un peu à la manière d’un gyroscope), tous deux équipés de capteurs angulaires potentiométriques. L’ensemble, appelé “capteur boule” (les capteurs de force et
d’accélération sont en effet montés sur une
boule) a été intégré par One Too.
Un capteur permettant de décrire la trajectoire curviligne de la porte dans les phases
d’ouverture et de fermeture a été ajouté. Il
s’agit d’un capteur polaire, mesurant deux
angles et un déplacement.
Des calculs assez complexes permettent alors
d’accéder aux paramètres désirés.
Jean-François Peyrucat
La partie technique de l’article s’appuie notamment sur
un rapport de stage effectué chez Renault par Sébastien
Germain, dans le cadre de sa maîtrise technologique à
l’Université du Maine.
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