Des mesures très spéciales pour tester les voitures…
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Des mesures très spéciales pour tester les voitures…
044_047_SOL 28/06/05 Reportage Vu chez Renault 15:33 Page 44 Solutions MESURES PHYSIQUES Des mesures très spéciales pour tester les voitures… ▼ En extérieur, les nuages gazeux se diluent et sont emportés par le vent avant même souvent d’avoir pu atteindre le nez du premier détecteur. 35 % des fuites de gaz passeraient ainsi inaperçues. La société danoise Innova Gassonic propose un détecteur qui mesure non pas la concentration de gaz mais le bruit que fait le gaz lorsqu’il s’échappe. Ce type de détecteur peut offrir une zone de couverture de plus de 30 mètres de diamètre. Avec une bonne analyse de l’installation et quelques outils théoriques, il est possible de quadriller toute une zone à risque. L a qualité des véhicules automobiles a fait d’énormes progrès, rendus possible par les efforts faits au niveau du contrôle qualité de la fabrication mais aussi par les très nombreux essais pratiqués en amont (pour valider les pièces) et en aval (pour intégrer les défauts constatés en service). La mesure est donc partout. Et pas toujours simple. Les constructeurs sont souvent amenés à utiliser des capteurs développés sur mesure et à mettre au point des procédures d’essais relativement complexes. C’est ce que nous avons vu chez Renault, qui utilise des capteurs spéciaux mis au point par FGP SenL’essentiel sors pour tester la qualité de la fermeture des Les essais de fermeture des portes des “ouvrants” ouvrants nécessitent des capteurs de force 3D ainsi (portes) et de la force que des capteurs polaires à exercer sur le volant (mesurant des angles) pour maintenir la voi Le contrôle de l’action du ture en ligne… conducteur du mouveLes constructeurs automent impose quant à lui mobiles déploient de un capteur de force tangros efforts pour amégentielle liorer la qualité de leurs Points communs entre ces applications : les capteurs véhicules. La qualité de sont non intrusifs (ils ne la conception, la qualifaussent pas la mesure) et té de la production, la ils ont été développés sur qualité du service sont mesure évidemment au cœur 44 Cette photo montre (au niveau de l’aile) le capteur polaire (mesure d’angles et de déplacement) qui permet de suivre le mouvement de la portière lors de la fermeture.On voit aussi,au niveau de la poignée de porte,le capteur de force (le capteur “boule”) permettant de mesurer les efforts exercés par l’utilisateur pour fermer la porte.Le capteur boule est solidaire du capteur polaire. de toute stratégie de qualité. Malgré toutes les précautions prises, le “zéro défaut” n’existe pas et les constructeurs s’efforcent de faire remonter les défauts constatés sur les véhicules mis en circulation. Il peut même arriver qu’un garage rencontre un défaut qu’il ne sait ni diagnostiquer ni réparer. Chez Renault, tous les défauts qui peuvent se présenter sont traités par le service “incidentologie”, qui appartient à la Direction de la Qualité Fiabi- lité Incidentologie.A l’intérieur de cette direction, il existe un service “analyse ingénierie”, dans lequel travaillent une cinquantaine de personnes : « Notre rôle est de partir d’un problème qui nous a été posé et de chercher à établir la chaîne causale, afin de remonter à la source du problème », résume Francis Catry, responsable de l’UET (Unité Elémentaire de Travail) “Analyse, Méthodes Nouvelles et Mesures Physiques”. Cette compétence un peu particuMESURES 775 - MAI 2005 - www.mesures.com 044_047_SOL 28/06/05 15:33 Page 45 Solutions lière est désormais bien reconnue au sein du groupe. M. Catry anime en effet un club des analystes, dans lesquels se retrouvent notamment les analystes affectés aux différentes lignes de production, et dont le rôle est d’examiner les problèmes rencontrés sur le process. Le but de ce Club est d’homogénéiser une manière de travailler, de communiquer et aussi de partager certains outils. C’est ainsi que l’outil [email protected] utilisé par le service “analyse ingénierie” a servi de base pour construire un nouvel outil de construction et de capitalisation (l’outil est sur base de données) des arbres de défaillance, utilisable par les différents acteurs du Club des Analystes et les ingénieries “métiers”. Dans le même ordre d’idée, des formations des techniciens “analystes” ont été mises sur pied, de même que des procédures de certification des analystes. Une analyse basée sur les mesures L’analyse de la causalité des incidents porte sur un spectre très large. L’ensemble des fonctions de la voiture sont concernées : GMP Le capteur boule de mesure des forces 3D comporte sur sa périphérie des poinçons (il y en a 9 en tout) destinés à l’étalonnage.Une griffe supportant des masses connues est appliquée successivement sur les différents points et on note les valeurs mesurées par le capteur.Celles-ci sont alors utilisées pour effectuer la correction des mesures. MESURES 775 - MAI 2005 - www.mesures.com On voit ici le capteur de force tangentielle monté en bas du volant.Sur une longue ligne droite,le conducteur place son index sur ce capteur de façon à corriger les éventuelles déviations de trajectoires. La force tangentielle exercée est enregistrée et corrélée aux autres mesures effectuées au cours de l’essai. A noter l’ingénieux mécanisme de fixation du capteur sur le cerceau du volant. (Groupe Moteur Propulsion), Liaison au sol, Carrosserie, Electricité/Electronique. Les études ne portent pas uniquement sur des véhicules en circulation. « Nous sommes par exemple amenés à analyser les problèmes que peuvent poser les premiers assemblages de caisse sur des prototypes », indique M. Catry. Une fois le prototype réalisé, celui-ci est soumis à des essais, qui peuvent révéler des problèmes difficiles à résoudre, nécessitant d’établir la chaîne causale. Sur les véhicules en circulation, une bonne partie des analyses de causalité porte sur des incidents et pannes constatés dans les garages. Mais pas seulement. En effet, avec son programme Défipro, Renault va même au-devant des incidents. Défipro signifie “Définition des profils de mission”. Une dizaine de véhicules instrumentés et pourvus d’une “boîte noire d’acquisition” sont prêtés à des clients, pendant 15 jours. Les analyses obtenues permettent d’étudier le comportement routier du client, de la manière dont il sollicite son véhicule, ce qui peut au bout du compte amener Renault à redimensionner certaines pièces présentes sur le véhicule… Pour réaliser ses analyses, le service “Analyse Ingénierie” en incidentologie doit disposer d’un maximum d’informations. Une première phase consiste à consulter les personnes impliquées par l’incident, qu’il s’agisse d’un “jockey” (c’est ainsi qu’est nommée la personne qui fait faire les pre- Reportage Vu chez Renault miers tours de roue à une voiture qui sort de la chaîne de fabrication) ou d’un “rouleur” (les personnes chargées de faire des essais de prototypes). Lorsqu’un incident est observé lors d’un essai de prototype, des données d’essais sont disponibles mais, paradoxalement, il est assez rare que des données apportent des enseignements utiles. « Le principal problème que nous avons lorsqu’un incident survient sur un véhicule est de le resituer dans son contexte.Il est souvent impossible de déterminer précisément, a posteriori, l’enchaînement des circonstances qui ont conduit à son apparition.Ceci est encore plus vrai s’il s’agit de dysfonctionnements aléatoires »,commente M. Catry. Ceci conduit le service “analyse ingénierie” en incidentologie de pratiquer ses propres essais. Il existe très peu de sous-traitance à ce niveau, d’une part parce qu’il y a souvent des problèmes de confidentialité (les études portent souvent sur des prototypes) et d’autre part parce que la nature des problèmes est souvent de type inter-systèmes. « Cela dit,notre spécialité,ce n’est pas la mesure mais l’analyse de la chaîne causale. Si un problème de mesure exige une certaine expertise,nous pouvons être amenés à demander à un autre service de Renault de nous donner un coup de main », indique M. Catry. Mais c’est exceptionnel. De la mesure standard, autant que possible Dans la mesure du possible, les capteurs et les systèmes d’acquisition utilisés sont standard, “sur étagère”. Certaines mesures sont fournies par l’électronique embarquée à bord des véhicules. Ces mesures sont alors remontées par le bus de terrain CAN qui équipe les 45 044_047_SOL 28/06/05 Reportage Vu chez Renault 15:33 Page 46 Solutions véhicules. Le contenu de la mémoire du calculateur est également examiné en profondeur. En général, cela ne suffit pas et il faut ajouter des capteurs. Standards, si possible. Et avec un minimum d’intrusion. Parfois, les chaînes d’acquisition et les capteurs standard ne sont pas bien adaptés. Renault peut alors être amené à faire appel à des produits sur mesure, réalisés par des sous-traitants. C’est ainsi que le groupe a confié à la société française LGM la réalisation d’un petit analyseur acoustique portable sur un PDA, comportant un petit boîtier d’acquisition comportant deux accéléromètres, un microphone, deux voies analogiques et un thermocouple. Le PDA assure les fonctions de mémorisation et de calculs. Ce petit système permet de réaliser des mesures sur véhicule, pour analyser par exemple les bruits de roulements. Un capteur sur mesure pour le contrôle du volant Dans un domaine différent (mais on reste dans les voitures!), Renault a également établir un partenariat intéressant avec FGP Sensors,qui a débouché sur la réalisation de capteurs spécifiques. La première réalisation porte sur un capteur de la mesure des efforts à appliquer pour faire tourner le volant. Plus précisément, pour un véhicule censé aller en ligne droite, le conducteur doit de temps à autre exercer une petite pression à gauche ou à droite du volant pour maintenir la trajectoire du véhicule. Le rôle du capteur est de mesurer l’effort tangentiel appliqué sur le volant. Par le passé, cet effort était mesuré de manière un Les boîtiers de mesure embarqués à bord de ces voitures de série conduites dans des conditions normales par des conducteurs normaux (ou présumés tels) permettent d’évaluer les comportements et réactions de la voiture dans des circonstances de la vie réelle.Les résultats obtenus sont pris en compte pour la conception de ses futurs modèles de voiture.Dans des cas extrêmes,ils peuvent amener le constructeur à effectuer des modifications sur un modèle déjà commercialisé. peu archaïque en appliquant des poids aux positions 3 h 15 et 8 h 45. Pas simple ! Le capteur FGP se présente sous la forme d’une petite poignée fixée sur le volant, du type de celles que l’on voit sur certains véhicules de chantier, pour faciliter la rotation du volant (sur ces véhicules, la direction peut être plutôt dure). Ici, le but de la poignée n’est pas de faciliter la rotation du volant mais de mesurer les imperceptibles pressions que le conducteur doit exercer sur le volant (ou plutôt sur le “capteur-poignée”), un coup à gauche un coup à droite, pour que le véhicule “garde la ligne”, un peu comme l’on fait lorsqu’on conduit sur autoroute. Le “capteur-poignée” est positionné à 6h30. Ce capteur devait être aussi peu intrusif que possible, léger et peu encombrant. Il fait 29 mm de diamètre pour environ 30 mm de haut et il est encapsulé dans un corps en aluminium. La mesure des Un autre capteur sur mesure pour contrôler les portières L’indice de puissance Pour une portière donnée, on retrouvera le même couple accélération/vitesse au niveau de la position de fermeture, chaque fois que l’on atteindra la “juste fermeture”. Mais l’accélération ou la vitesse seules n’ont pas de signification dans l’absolu. Les valeurs obtenues pour une portière n’auront plus aucune signification pour un autre véhicule, en particulier si c’est un modèle différent. Ramener à une vitesse de 2 m/s une porte de 20 kg dont la charnière est faiblement inclinée sera plus difficile que pour une porte dont la charnière et inclinée favorablement, et dont la 46 forces tangentielles se fait à l’aide de jauges de contraintes disposées judicieusement de façon à ce que la mesure ne dépende pas de la position de l’index sur le capteur. L’étendue de mesure est de 2 N (avec une linéarité et une hystérésis combinées qui sont inférieures à ±0,5 % de l’étendue de mesure) et la surcharge maximum autorisée est de 20 N. Le mode de fixation a également fait l’objet d’une étude approfondie. Il fallait en effet une bride qui permette de monter le “capteur-poignée” perpendiculairement au volant, qui puisse s’adapter à différents diamètres de volants et qui n’abîme pas le volant à l’endroit où elle est posée. Le système de bridage n’est pas simple car les volants sont de plus en plus complexes et comportent souvent une branche en bas du volant, empêchant le serrage autour de celui-ci. Un montage astucieux, avec une molette de serrage, a été imaginé. masse sera seulement de 10 kg par exemple. Seul un calcul prenant en compte la masse de l’ouvrant permet de décrire sa dureté. L’indice de puissance tient compte de cette masse mais aussi, bien sûr, de la vitesse de fermeture, de la distance d’accompagnement de la portière lors de la fermeture, etc. Il s’exprime en watts et caractérise bien la dureté de la fermeture telle qu’on la ressent effectivement lorsque l’on ferme une porte. Il permet donc de déterminer de manière objective la dureté des ouvrants. Le projet Flipper présente une plus grande envergure. Son objectif est de déterminer objectivement la qualité de dureté de fermeture d’une porte latérale de voiture (appelée “ouvrant” dans le jargon du métier) dans la phase d’accompagnement et de claquement. Ce projet a également débouché sur la mise au point de capteurs sur mesure réalisés par FGP Sensors. A peu près à la même époque, PSA travaillait sur le même type d’application et avait contacté FGP Sensors.Ce dernier a alors favorisé le rapprochement des équipes des deux constructeurs automobiles, qui ont travaillé en bonne entente sur le projet, en partageant les frais d’étude et de développement. Le nom de Flipper donné au projet s’explique par le fait que dans la première mouture du projet, l’énergie nécessaire pour assuMESURES 775 - MAI 2005 - www.mesures.com 044_047_SOL 28/06/05 15:33 Page 47 Solutions rer correctement la fermeture de la porte était fournie par un ressort. Le système était muni d’un dispositif de mesure de vitesse en fin de détente du ressort pour permettre d’effectuer des calculs de puissance (effort multiplié par la vitesse). Dans sa première version, Flipper était encombrant et relativement lourd à mettre en œuvre. D’autres approches ont été imaginées par la suite (sans ressort), pour aboutir finalement à une solution comportant un capteur polaire (mesurant des angles), un capteur d’effort tri-axes ainsi qu’un accéléromètre. Grâce à cette instrumentation, le système permet de décrire complètement ce que ressent le client lorsqu’il actionne et “claque” une porte : le couple d’ouverture et de fermeture, le moment d’inertie, le coefficient de frottement, l’indice de puissance (voir encadré “L’indice de puissance”) sont entièrement définis. Dans un premier temps, Renault était parti du principe qu’avec la connaissance de la force appliquée sur l’ouvrant et de son accélération, il serait possible de déterminer directement la puissance des efforts extérieurs MESURES 775 - MAI 2005 - www.mesures.com appliqués sur celui-ci. D’où l’idée de monter un capteur d’effort tri-axes associé à un accéléromètre sur la porte. L’expérience a vite montré qu’il ne suffisait pas de connaître la force et l’accélération appliquées sur l’ouvrant pour déterminer directement la puissance des efforts extérieurs appliqués sur celui-ci. En effet, l’effort fourni par l’utilisateur n’est pas le seul à entrer en ligne de compte et il n’est donc pas possible d’obtenir la puissance des efforts extérieurs uniquement à partir des mesures de force et d’accélération données par le capteur. En effet, suivant la façon dont l’utilisateur va claquer l’ouvrant, c’est-à-dire suivant la façon dont va varier la force appliquée, les frottements de la charnière et de l’arrêt de porte ne seront pas les mêmes. Pour caractériser complètement l’ouvrant, il fallait donc s’intéresser à d’autres paramètres comme par exemple les frottements des charnières et leur inclinaison, les frottements arrêt de porte, le poids de la porte, les passages des crans parking (lorsque l’on ouvre une porte de voiture, il existe des points durs à miouverture et pleine ouverture, afin que la por- Reportage Vu chez Renault tière soit maintenue en position, même lorsqu’on la lâche), etc. On le voit, la mesure de la force et de l’accélération ne suffisent pas… De nouveaux capteurs ont été définis, comportant de nombreuses mesures angulaires. C’est ainsi que le capteur de force et d’accélération (réalisé par FGP Sensors) placé sur l’ouvrant est monté sur un bâti articulé selon deux axes (un peu à la manière d’un gyroscope), tous deux équipés de capteurs angulaires potentiométriques. L’ensemble, appelé “capteur boule” (les capteurs de force et d’accélération sont en effet montés sur une boule) a été intégré par One Too. Un capteur permettant de décrire la trajectoire curviligne de la porte dans les phases d’ouverture et de fermeture a été ajouté. Il s’agit d’un capteur polaire, mesurant deux angles et un déplacement. Des calculs assez complexes permettent alors d’accéder aux paramètres désirés. Jean-François Peyrucat La partie technique de l’article s’appuie notamment sur un rapport de stage effectué chez Renault par Sébastien Germain, dans le cadre de sa maîtrise technologique à l’Université du Maine. 47