En matière de luxe, « naturellement, il y a une

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En matière de luxe, « naturellement, il y a une
En matière de luxe, « naturellement, il y a une communauté d’idées et d’aspirations, quel que
soit le pays d’origine », débute Rémy Oudghiri, directeur général adjoint de Sociovision,
société d’études et de conseil spécialisée dans les tendances et la prospective. Ce constat une
fois posé, l’idée de « luxe » ne représente pas forcément la même chose pour tout le monde.
Et, dans cette palette de nuances, la culture nationale n’est pas neutre. « Partout, le luxe est
associé au statut social et à l’hédonisme, mais selon les cultures, l’un ou l’autre l’emporte,
même si l’on note que le plaisir est une valeur qui va croissant. Et si le luxe est toujours gage
d’excellence, certains le raccrochent plutôt à la tradition, et d’autres, à l’innovation. »
Divergences de vue. Rémy Oudghiri délimite ainsi des zones géographiques liées à certaines
représentations du luxe. Il en esquisse une rapide cartographie. « En Europe, le plaisir prime
sur le statut social ; dites “luxe”, et les Européens répondent surtout automobile et joaillerie. »
Des spécificités nationales demeurent : les Français ont plutôt à l’esprit la mode, la
maroquinerie et les accessoires, sur fond de savoir-faire traditionnel. Les Italiens aussi, à
condition que ces produits suivent le rythme des tendances. La vision allemande de la richesse
est surtout rationnelle et passe par la technologie, avec l’automobile comme point de
référence. En Grande-Bretagne, épicurisme et faire-valoir cohabitent, transcendés par une
liberté de goût assumée, d’où une certaine appétence pour le luxe expérientiel.
Rémy Oudghiri souligne qu’« aux Etats- Unis, individualisme, prestige et plaisir show off
riment avec belle voiture, vie dans les hôtels et spas de luxe. » Au Brésil, la jouissance est
encore plus valorisée, tout comme en Australie et en Nouvelle-Zélande. « En Afrique, le luxe
est affaire de statut, il se reconnaît à travers un vaste choix de biens de consommation destinés
à une infime minorité, poursuit le spécialiste. Au Moyen-Orient, l’ostentation est un signe de
distinction qui se traduit par un goût prononcé pour l’innovation technologique dernier cri –
montres et téléphones pré- cieux – chez les hommes, et par une attirance pour les sacs,
souliers et parfums, chez les femmes. » Les Russes fortunés oscillent entre apparat et
raffinement, l’imaginaire russe parlant d’automobiles et d’alcools d’exception.
L’Asie argentée préfère les signes extérieurs de richesse qui se portent sur soi, d’où l’attrait
majeur pour la mode et ses accessoires, avec un degré d’expertise élevé chez les Japonais, et
des connaissances accrues chez les Coréens et les Chinois – pour qui luxe est aussi synonyme
de vins fins.
Préférences nationales. Dans cette quête d’exigence, la nationalité du produit n’est pas
neutre. L’étude World Luxury Tracking menée par Ipsos suit, d’une année sur l’autre,
l’évolution du marché du luxe. Sa version 2015, publiée récemment, concerne les riches des
pays développés. Sur la question du « made in », elle bannit certains clichés, dont celui de
considérer la France comme le berceau incontestable du luxe. « D’abord, on remarque un
certain patriotisme, puisque de nombreux consommateurs considèrent que la qualité première
d’un produit de luxe, tous secteurs confondus, est d’abord d’être fabriqué dans leur propre
pays. C’est le cas des Français, des Italiens, des Allemands et des Japonais, souligne
Françoise Hernaez Fourrier, directrice du planning stratégique Ipsos. Surtout, pour 57 % des
sondés, tous pays développés confondus, le made in Suisse arrive en tête en terme de qualité.
Suivent l’Allemagne et la France (49 %), l’Italie (46 %), la Grande-Bretagne (39 %), le Japon
(36 %)... Hong-Kong arrive en 9e position (11 %), et la Chine, en 18e et dernière position (5
%). » Cette redistribution de la donne luxe s’accompagne d’autres indices marquants : ainsi,
en Corée, les marques italiennes, très présentes sur le territoire, sont très appréciées, « peutêtre parce que l’histoire de l’Italie, pays réunifié et catholique, parle aux Coréens qui peuvent
s’y identifier », commente Françoise Hernaez Fourrier. Plus que jamais, le luxe cultive les
symboles.