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MADAGASCAR, LE DUEL Journal des « deux cent jours » qui ontfait vaciller la Nation malagasy» 16 décembre 2001 - 3 juillet 2002 (Ç)L 'I-Iarmattan, 2003 ISBN: 2-7475-4404-4 Éditions AKO Société des amis de Madagascar 213, boulevard Davout 75020 Paris (France) Adresse électronique: [email protected] Patrick RAJOELINA MADAGASCAR, LE DUEL Journal des « deux cent jours» qui ont fait vaciller la Nation malagasy » 16 décembre 2001 - 3 juillet 2002 L'Harmattan 5-7, rue de l'École-Polytechnique 75005 Paris FRANCE L'Harmattan Hongrie Hargita u. 3 1026 Budapest HONGRIE L'Harmattan Italia Via Bava, 37 10214 Torino ITALIE Du même auteur « Quarante années de la vie politique de Madagascar (1947-1987» (L'Harmattan, 1988) « Madagascar, la Grande île» (avec l'économiste Alain Ramelet) (L'Harmattan, 1989) Revue« Madagascar, océan Indien» (Collectif) (L'Harmattan, 1990 & 1991) « Madagascar, refondation & développement» (Collectif) (L'Harmattan, 1998) « Madagascar, l'énigme de 1947 - Mémoires du Professeur Albert Rakoto Ratsimamanga » (L'Harmattan & Éditions AKO, 2001) À ma fille Anne-Christel À tous les enfants et à la jeunesse malagas y appartenant à toutes les composantes de notre Peuple à qui revient le devoir de refonder une Nation digne, prospère et démocratique À la mémoire du Prince Albert Rakoto Ratsimamanga, patriote humaniste et scientifique émérite. Cofondateur du Mouvement démocratique de la rénovation malagasy (MDRM) Remerciements pour sa fidèle et précieuse collaboration à Alain Ramelet « Malagasy, united we stand» Introduction Au lendemain des élections présidentielles du 15 décembre 2001, l'année 2002 restera une période tumultueuse pour Madagascar. Elle sera surtout l'année d'une alternance majeure pour le pays, mais une alternance différente de celles de 1991 et 1997. En effet, cette fois-ci, elle porte au pouvoir, non pas un membre du microcosme politique, mais un " homme nouveau '~ qui revendique d'abord son appartenance au monde de l'entreprise plutôt qu'au "marais politicien". C'est un autodidacte, un homme déterminé dans les actions qu'il mène en politique, comme au sein du groupe agroalimentaire TIKO qu'il dirige depuis sa fondation. Il entre par la grande porte en politique en enlevant en 1999 la mairie d'Antananarivo qu'il conquiert avec plus de 40% des voix au premier tour. Il est vrai qu'il emporte cette municipalité à la faveur d'un "accord tacite" du président de l'époque, Didier Ratsiraka qui, le sous-estimant déjà, ne lui oppose qu'un candidat de témoignage. Sitôt le premier tour des élections présidentielles du 16 décembre 2001 passé, la crise éclate. Aux cris de " Premier tour, dia vita" (<<un seul tour suffira »), les partisans de Marc Ravalomanana considèrent leur poulain comme élu au premier tour. Cette crise, sur le terrain, se caractérise surtout par le pacifisme des manifestants. En effet, au cours de ces longs mois de mobilisation populaire, n'ont eu lieu que de très rares débordements. Même les misérables tentatives de balkanisation du pays à travers la proclamation "d'Etats fédérés" ou les excès de violence pratiqués par des" soldats perdus" n'ont pas réussi à faire basculer Madagascar vers la guerre civile comme l'espéraient certains cyniques... d'ici et d'ailleurs! Ces mêmes personnages cyniques qui ont agité, pathétiquement et surtout sans grand succès, l'épouvantail ethnique opposant merina (des hautes terres centrales) et côtiers. Seul est à déplorer, en raison des multiples entraves à la circulation des personnes, des biens et de la monnaie, le saccage de l'économie nationale confrontée à plusieurs mois d'inactivité. Au cours de cette crise, outre Marc Ravalomanana, on remarque l'apparition de nouveaux acteurs de la vie politique. Au premier rang desquels (au sens propre comme au sens figuré I) on trouve les chefs des églises chrétiennes. Des semaines durant, dans les prêches et lors de manifestations, autant pieuses que pacifistes, ils encouragent ce mouvement en faveur du fahamarinana (vérité) et du fahamasinana (éthique). Tout au long de cette crise, au délitement et à l'errance politique de la garde rapprochée du président sortant Didier Ratsiraka répond, à travers toute l'île, un immense courant populaire se manifeste en faveur du changement. Ce mouvement se confirme d'ailleurs dans les urnes à l'occasion des élections législatives du 15 décembre 2002. Mais durant ces "200jours qui ont fait vaciller la Nation malagasy': la bataille la plus redoutable et finalement la plus efficace a été celle de la communication et de l'image. Sur ce plan, les deux candidats, à maints égards, ne sont pas sur le même pied d'égalité (c'est un euphémisme) 1 De surcroît, la guerre d'usure entre Didier Ratsiraka et Marc Ravalomanana est largement relayée par les médias malgaches... pour un temps (durant la crise) massivement acquis à ce dernier 1 Cependant, sur le plan international, le premier semestre de 2002 est, pour Madagascar, une période d'incertitude et de tâtonnement. Incertitude, parce que les grandes nations occidentales, les principaux bailleurs de fonds, ne reconnaissent le pouvoir de Marc Ravalomanana que tardivement, entre fin juin et début juillet. Tâtonnement, car avant d'arriver à ce geste diplomatique de haute symbolique (autant que de délivrance pour les Malgaches), les occidentaux, au premier rang desquels la France ont longtemps tergiversé. Quant à l'Union africaine (ex-OUA), face au dilemme d'un pays qui pendant quelques mois a compté deux pouvoirs, elle exclut de ses membres la Grande île en juin 2002. Elle envisage néanmoins de réintégrer Madagascar lors de son assemblée générale de juillet 2003. 10 Le 26 juin 2001, jour de la célébration de la fête nationale, le président en exercice Didier Ratsiraka,« marin de métier et politicien de fortune» comme il aime à se définir, annonce sa candidature à l'élection présidentielle du 16 décembre suivant. Celleci sera placée sous le signe « de la lutte contre la pauvreté, du développement harmonieux de toutes les provinces et d'une croissance autofinancée ». Certains parmi les plus lucides de son camp lui demandent de passer la main, comme d'ailleurs il s'y était solennellement engagé en donnant sa parole d'officier lors de son retour au pouvoir après son élection (déjà controversée) du 31 janvier 1997. Quelques semaines plus tard, c'est au tour du maire d'Antananarivo de se déclarer. Le dimanche 5 août, à l'issue du culte dominical, Marc Ravalomanana, annonce sur le parvis du temple protestant de son village ancestral d'Imerinkasinina, près de la capitale, sa candidature à cette même élection présidentielle. Le duel peut alors commencer. C'est le Premier ministre de l'époque qui ouvre le bal. Fidèle lieutenant de Didier Ratsiraka, Tantely Andrianarivo publie un ouvrage regroupant son programme et ses perspectives. Surtout destiné aux investisseurs, ce livret présente les dix bonnes raisons pour investir à Madagascar. On y rappelle que la Grande île est membre de la COI (commission de l'océan Indien), mais aussi (bientôt) de la SADEC (South African Development & Economic Community), du COMESA (Common Market of Eastern and southern Africa) et du lOR (Indian Ocean Rim)...! Le chef du gouvernement rappelle que la croissance économique dans la Grande île est supérieure à la croissance démographique. En l'an 2000, elle fut de 4,8% avec une hausse de seulement 2,8% de la population. Le Premier ministre poursuit par des lieux communs: la population est jeune, la moitié des Malgaches ayant moins de 20 ans. Donc une main-d'oeuvre potentielle, réputée pour son habileté, et à très bon marché. Les coûts de main-d'oeuvre restent, il est vrai, très compétitifs: environ 7 % du prix d'un produit ou d'un service contre compétitifs: environ 7 % du prix d'un produit ou d'un service contre 60% en Europe. D'ailleurs, d'après les sondages réalisés auprès des opérateurs économiques, le coût très bas de la main-d'oeuvre constitue le premier critère de l'installation des investisseurs étrangers dans la Grande lIe. Le gouvernement vante également la richesse naturelle de l'île. « Nous disposons actuellement de 9,5 millions d'hectares de terres vierges et fertiles. Madagascar est le pionnier de l'agriculture biologique en Afrique». Mais très vite, loin de l'allégorie de cette « propagande» pour magazines occidentaux en mal d'exotisme et de « défiscalisation», les coups bas pleuvent sur le plan de la politique intérieure et du cadenassage du débat démocratique. Le gouvernement décrète que « la publicité politique est interdite sur tout emballage de produits destinés à la consommation publique». Là, c'est la marque TIKO (produits frais laitiers fabriqués par le groupe agroalimentaire de Marc Ravalomanana) qui est visée. Une enquête fiscale est même diligentée contre le maire d'Antananarivo. Dans le même temps, une association de « déshérités» est créée (<<Bemiranga »). Elle s'efforce de regrouper les jeunes de quartiers populaires de la capitale traditionnellement acquis à Didier Ratsiraka. Inquiet face à ces coups de boutoir, le quotidien Madagascar Tribune du 19 octobre 2001 s'interroge sur les « ressources intellectuelles et morales» de Marc Ravalomanana pour « résister à l'offensive et renverser la situation à son avantage». Dans un autre registre, celui des règlements de comptes, comme le rapporte Mada-journal numéro 70 du 16 septembre, Tovonanahary Rabetsitonta ancien ministre de l'économie sous le régime du Professeur Albert Zafy, chef d'entreprise et propriétaire de la radio d'information politique Antsiva (qu'il cède au groupe L'Express de Madagascar le 27 février 2003) à Antananarivo, annonce la très probable fermeture de son établissement hôtelier "Le rubis" sis à Antananarivo. En rendant publique cette situation, il veut montrer la grande insécurité des investissements et la virtualité de l'état de droit 12 économique dans la grande île en décourageant investisseurs. les potentiels Un affichage très religieux Entamant sa campagne électorale, Marc Ravalomanana se rend aux « Journées nationales des jeunes catholiques» à Fianarantsoa en compagnie du président de la FFKM (Fiangonana Jesosy Kristy eto Madagasikara), l'église protestante calviniste dont il est lui-même vice-président. Il rencontre de nombreux jeunes ainsi que des étudiants et le puissant clergé catholique de la capitale du Betsileo. Il poursuit sa tournée à Manakara, sur la côte sud-est, où il constate l'état d'abandon de cette localité balnéaire et portuaire, il y a quelques décennies si pimpante et si prospère. Malgré cet affichage très religieux du maire d'Antananarivo, les églises tiennent à montrer leur neutralité. Le pasteur Max Rafransoa déclare: « que l'on ne se méprenne pas car la FJKM ne sera en aucun cas le cheval de bataille de n'importe quel candidat et aucun candidat, fut-il le vice-président de la FJKM (Marc Ravalomanana) ne peut faire de la FFKM (Fikambanan' ny Fiangonana Kristiana Malagasy, la fédération des églises chrétiennes malgaches) et encore moins de la sa monture» (in Madagascar Tribune du 24 septembre 2001). Le 7 septembre, l'association Tiako i Madagasikara (TIM) est fondée par Marc Ravalomanana à Antananarivo avant d'être implantée dans le Nord, à Antseranana (ex-Diego Suarez), puis dans la région de la SAVA (Sambava, Antalaha, Vohemar et Andapa) cinq jours plus tard. Un « Fils de la Lumière» nous quitte Alors que toutes les équipes se mettent en place pour le grand combat du 16 décembre, une illustre figure du patriotisme et de la science disparaît. En effet, le 16 septembre, le Professeur Albert Rakoto Ratsimamanga, chercheur à la stature internationale, membre de l'Académie malagasy et membre correspondant de l'Académie des sciences en France, rejoint ses illustres Ancêtres. Cependant, lucide jusqu'au dernier moment, il a le temps de prier pour que la future 13 confrontation électorale se place sous le signe du Fihavanana, vertu cardinale de tolérance, d'écoute et de consensus du peuple malagasy. Élu "Homme du siècle" en 2000 par la presse malagasy, le petit-fils du Prince Ratsimamanga, oncle de la dernière reine Ranavalona III, Albert Rakoto Ratsimamanga est né le 28 décembre 1907. Son oncle est fusillé en 1896 dès les premiers moments de l'occupation coloniale. Son aïeul est passé par les armes en même temps que le général Rainandriamampandry, autre patriote sacrifié sur l'autel de la « bêtise des soudards de la colonisation ». Sur le plan politique, ce « Fils de la lumière» figure parmi les fondateurs du Mouvement démocratique de la rénovation malagasy (MDRM), le parti politique qui a toujours milité pacifiquement pour l'autonomie, puis l'indépendance de la Grande lIe (voir à ce propos: « L'énigme de 1947. Mémoires du Professeur Albert Rakoto Ratsimamanga» entretiens avec Patrick Rajoelina). À l'avènement de celle-ci, le 26 juin 1960, il est nommé successivement ambassadeur de Madagascar à Paris, Moscou, Bonn, Pékin, et auprès de l'UNESCO. Le 16 septembre, la nation malagasy perd donc un grand homme. Des funérailles nationales ont lieu le jeudi 20 septembre en l'absence remarquée de Didier Ratsiraka... qui ne rentrera (volontairement?!) d'un long voyage d'agrément en France que le dimanche suivant. Didier Ratsiraka rompt là ostensiblement avec le sens sacré du Fihavanana et du respect des Anciens. À-t-il voulu rappeler là que son camp (et celui de sa famille) était celui du PADESM (le« Parti des déshérites de Madagascar» créé par les forces d'occupation coloniales - et singulièrement le Parti communiste français - pour briser toute velléité autonomiste) et non pas celui du MDRM qu'incarnait depuis l' origine (en 1946) avec beaucoup de dignité Albert Rakoto Ratsimamanga? Les autres candidats Plus tard, les 21 et 22 septembre, c'est le Leader Fanilo qui tient ses assises. Celles-ci se concluent par la candidature de He rizo Razafimahaleo (aujourd'hui officiellement retiré de la vie politique), 14 sémillant chef d'entreprises et propriétaire du prestigieux quotidien « L'Express de Madagascar». Rappelons qu'Herizo Razafimahaleo, président national du Leader Fanilo, est arrivé en troisième position avec plus de 15% de voix lors du dernier scrutin présidentiel de 1996. C'est grâce à son report de voix sur Didier Ratsiraka que ce dernier a gagné le second tour à cette époque contre le Professeur Albert Zafy. Mais cette alliance avec Didier Ratsiraka n'a pas grandement profité au parti ultra-libéral d'Herizo Razafimahaleo, le Leader Fanilo. En effet, au fil des années, Didier Ratsiraka est revenu à ses vieilles habitudes. Sa famille (au plan économique) et son parti AREMA (politiquement) ont mis le pays en coupe réglée au grand dam de ses alliés... dont le Leader Fanilo. Dépité par cette pratique, ce parti déclare qu'il ne sera pas cette fois-ci un allié de l'AREMA. Le MFM (Mpitolona ho amin' ny Fanjakan' ny Madinika, le parti des militants pour un pouvoir prolétarien dirigé par son fondateur Manandafy Rakotonirina), quant à lui, réunit ses instances dirigeantes les 28 et 29 septembre. Il appelle cyniquement à voter dès le premier tour pour Marc Ravalomanana. En effet, le MFM, parti expert en déstabilisation (!! !), est davantage connu pour avoir soutenu Didier Ratsiraka pendant l'ère socialiste, la deuxième République (à ce propos, lire « Quarante années de la vie politique de Madagascar - 1947/1987 » de Patrick Rajoelina, L'Harmattan, 1988) que pour s'allier avec un candidat libéral tel Marc Ravalomanana ! Depuis longtemps, il est vrai, les liens formés par le couple MFM/ AREMA se sont distendus. Les trois autres candidats ne réaliseront que des scores marginaux. Ils sont l'ancien président de la République, le professeur Albert Zafy, originaire d'Ambilobe (province de Diego Suarez), l'industriel originaire de Fandriana dans la province du betsileo Patrick Rajaonary (président de Papmad-papeteries de Madagascar- et ancien président du SIM, le syndicat des industriels de Madagascar) et le pasteur tsimihety Daniel Rajakoba (province de Mahajanga). 15 Funeste Il septembre... pour Didier Ratsiraka Cette date fut cruelle non seulement pour les milliers de victimes des attentats terroristes à New York et Washington, mais également pour Didier Ratsiraka. Ce dernier, dès l'annonce de la tragédie, accuse les États-Unis de « collusion» avec les terroristes d'Al Qaïda! Norbert Ratsirahonana, ancien chef d'Etat par intérim en 1996 affirme que « les dollars de ce terroriste (Oussama Bin Laden) travaillent (miaso eto) dans l'île... » (in Madagascar Tribune du 26 septembre 2001) semant le trouble dans les esprits. Le ministre de la police, Azaly Ben Marofo, quant à lui, s'interroge (RFI le 25 septembre 2001) sur « l'éventuelle existence d'un réseau Bin Laden à Madagascar ». RFI, quant à elle, semble laisser entendre que « Madagascar est un des pays récepteurs et recycleur de l'argent sale à travers l'importation de riz pakistanais ». Avec quelle(s) complicité(s) politique(s) et privée(s)?! Au cours de sa conférence de presse du 26 septembre 2001 au palais d'Etat de lavoloha, Didier Ratsiraka, pendant deux heures « se livre à une chevauchée émaillée de sarcasmes et de moqueries à l'endroit d'une nation encore éplorée (les État-Unis d'Amérique) » (in Madagascar Tribune du 2 octobre 2001). Les réactions à cette prestation singulière (c'est un euphémisme!!!) sont « globalement négatives ». En effet, « nombreux déplorent cet anti-américanisme de Didier Ratsiraka qu'ils croyaient enseveli sous les cendres de la deuxième république (marxiste-léniniste) et après la chute du mur de Berlin» (in Madagascar Tribune du 2 octobre 2001). Pour certains hommes politiques, « Didier Ratsiraka aurait dû parler en son nom personnel et non pas engager le peuple malagasy dans ces diatribes contre les États-Unis» (in Madagascar Tribune du 2 octobre 2001). « Mais quelle mouche a donc piqué Didier Ratsiraka pour tenir de tels propos dans les conjonctures actuelles?", s'interroge Madajournal numéro 72 du 29 septembre après la conférence de presse de Didier Ratsiraka. À part les journalistes, toutes les institutions de la Grande lIe ont été convoquées par le président en exercice à cette 16 occasion (les sénateurs et députés, les membres du gouvernement ainsi que tous les gouverneurs). Pendant trois heures, de poncifs en mots « savants», il critique la politique étrangère des États-Unis. "Nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes, note-t-il, car ce sont les Américains eux-mêmes qui ont créé, aidé, armé et soutenu Oussama Bin Laden. Je ne comprends pas la politique américaine". Il a rappelé ainsi les cas de Saddam Hussein et Fidel Castro, soutenus par la CIA et devenus des ennemis publics des États-Unis par la suite. Aux yeux de Didier Ratsiraka, en effet, « les terroristes ont dû sûrement bénéficier de la complicité d'un ou de quelques Américains pour pouvoir commettre les attentats du Il septembre». Pour lui, « dans la mesure où les Américains ont leur part de responsabilité dans la formation de ces terroristes, il ne veut pas se prononcer catégoriquement» . Il faut préciser que dans la plus pure tradition malagasy, avant de lancer ses diatribes, il demande pardon aux Américains! Mais apparemment, cette « demande» n'est pas entendue outre-Atlantique, car la réponse violente des Américains ne s'est pas fait attendre par le biais du chargé d'affaires américain à Antananarivo Philip Carter. Philip Carter, le 27 septembre 2001, n'y va pas par quatre chemins: il refoule des fonctionnaires des Renseignements généraux des locaux diplomatiques américains d'Antsavola où il donne une conférence de presse. Au cours de celle-ci, il s'indigne contre les propos de Didier Ratsiraka: « Dire que des agents (américains) sont impliqués dans ces attentats, est une insulte aux victimes... » (in Madagascar Tribune du 2 octobre 2001). Ce dernier ajoute que compte tenu de la situation actuelle, aucun pays ne peut rester neutre. Soit ils sont avec les Américains, soit avec les terroristes. Pour lui, l'allusion du Président malgache sur l'existence de complicité américaine est "absurde et une insulte aux mémoires des victimes If. Pour ce diplomate américain, la politique étrangère des États-Unis est très claire: « Nous sommes ici pour soutenir le développement de la démocratie, les échanges commerciaux, la tolérance et les échanges 17 d'idées. En appuyant les Moudjahidin, les Américains ne voulaient pas la création d'un réseau de terroristes, mais veulent tout simplement la paix » Pour clore ce chapitre malheureux, notons un passage du livre de Richard Labérivière « Les dollars de la terreur» (éditions Grasset1999) rapporté par la Lettre de l'océan Indien du 18 avril 1998 qui, à propos des réseaux terroristes islamistes (les « Nouveaux Afghans») précisait: « Au coeur de l'océan Indien, Madagascar est devenu la plaque tournante de leurs trafics de drogue (héroïne...). Surtout concentrée dans le nord du pays (Analabe, presqu'île d'Ampasinda...), la production de cannabis atteignait 150 tonnes en 1996 ». Plus tard, le 26 juin 2002, les Américains rendront la monnaie de sa pièce à Didier Ratsiraka en étant les premiers à reconnaître la victoire de son challenger Marc Ravalomanana. « Il n'y aura pas de second tour» En déposant sa candidature auprès de la Haute cour constitutionnelle le jeudi 4 octobre, Marc Ravalomanana ne cache pas ses ambitions en disant sa conviction « qu'il n'y aura pas de second tour ». Mais dans un article de la Tribune de Madagascar du 12 octobre 2001 intitulé « Marc Ravalomanana est-il un bon candidat? », le journaliste RAW n'y va pas de main morte. Dans un paragraphe titré « Inculte », il traduit en quelque sorte la principale préoccupation d'une partie de l'intelligentsia et de la bourgeoisie malgache: « Du coup, avec ce personnage taxé, à tord ou à raison, par ses détracteurs d'inculte et d'incapable de débattre de politique en public et encore moins à la télévision, une frange d'observateurs est sceptique quant à l'avenir de la démocratie malgache ». La messe est dite... cruelle! Pire, dans les colonnes électroniques de son édition du 3 novembre, Mada-journal s'interroge: « Sûr de lui et arrogant, Marc Ravalomanana commence à semer la peur chez une frange de l'électorat qui redoute les ravages potentiels qui peuvent toucher la démocratie même, vu la personnalité du maire qui ne dispose pas d'une classique assise politique. Il n'a ni député, ni sénateur et les différents partis et groupuscules qui le soutiennent sont pour la plupart des opportunistes qui en veulent à sa manne financière». 18 On verra en effet, par la suite, de nombreux caciques de l'AREMA rejoindre en masse, sans vergogne et toute honte bue, le camp de Marc Ravalomanana! Le 14 décembre, à nouveau dans la Tribune de Madagascar, Rija Rajohnson, ancien ministre des eaux et forêts et co-fondateur du parti ultra-libéral Leader Fanilo dénonce « les deux frères RA TSIRA (Ratsiraka et Ratsirahonana) » qui, selon lui, préparent déjà des « dossiers compromettants (fraude fiscale, affaire Flamco...) » contre Marc Ravalomanana, le patron de TIKO. Pour cet ancien ministre de Didier Ratsiraka, « les deux acolytes» vont sortir ces dossiers entre les deux tours des élections présidentielles. Cette manoeuvre ne visant qu'à maintenir Didier Ratsiraka au pouvoir... et de faire de Norbert Ratsirahonana son Premier ministre?! Déjà, dans Midi Madagasikara du 5 décembre, lorsque le groupe TIKO est attaqué sur l'affaire Flamco (vaste escroquerie qui a touché, durant l'intermède Ratsiraka des proches du Président Zafy et du Pasteur Richard Andriamanjato), son directeur général Heriniaina Razafimahefa (futur ministre de l'économie et des finances) souligne que ce groupe n'a rien à voir avec cet « imbroglio». Premiers affrontements Après que le scrutin du 16 décembre se soit déroulé à travers toute l'île sans incident majeur, les premières manifestations en faveur de la victoire au premier tour de Marc Ravalomanana ont lieu. A Antananarivo, le 7 janvier 2002 en milieu de matinée, des heurts opposent environ cinq cents éléments des forces de l'ordre malagasy à environ 15.000 partisans de Marc Ravalomanana. L'affrontement est de courte durée. Après avoir fait usage de grenades lacrymogènes les forces mixtes de sécurité (armée, gendarmerie et police) préfèrent battre en retraite au centre de la capitale malgache. Des ambulances circulent entre le coeur de la manifestation, place du 13 Mai, et les hôpitaux. Bilan: un enfant en bas âge est tué et une vingtaine de personnes blessées. L'enfant est mort asphyxié par le gaz d'une grenade lacrymogène. Les victimes se trouvaient devant une banque, où elles attendaient de toucher une prime offerte par un organisme public à l'occasion des fêtes de fin d'année. 19 Mais dans l'attente de l'annonce des résultats officiels du scrutin du 16 décembre par la Haute cour constitutionnelle, Marc Ravalomanana, sur la base du décompte des voix effectué par son organisation Tiako'i Madagasikara (TIM) se considère élu avec plus de 53% des suffrages exprimés. De son côté, le ministre de l'Intérieur ratsirakien rend publics des résultats complets, mais toujours officieux, qui créditent le maire d'Antananarivo de 46,44% contre 40,61 % au président sortant Didier Ratsiraka, contraignant les deux candidats à un second tour. Ces résultats sont immédiatement rejetés par Marc Ravalomanana. Sept des plus importantes représentations diplomatiques à Antananarivo expriment, le mardi 8 janvier leur «profonde préoccupation» devant l'évolution de la situation à Madagascar dans l'attente des résultats officiels du premier tour de la présidentielle. Les ambassadeurs de Grande-Bretagne, de France et du Japon, le chef de la délégation de la Commission européenne et les chargés d'affaires des Etats-Unis, de Suisse et d'Allemagne sont en effet «profondément préoccupés par la tournure des événements qui mettent en danger la paix civile à Madagascar». Le 9 janvier, le «consortium d'observateurs» de l'élection présidentielle conclut que Marc Ravalomanana l'a emporté dès le premier tour avec près de 50,5% des suffrages en précisant toutefois: «Nous avons décidé d'arrêter nos comptes après avoir collecté les résultats de 75% des bureaux de vote, considérant le reste des procèsverbaux comme égarés ou détruits, et partant du principe que ces 75% reflètent la moyenne nationale». Toutefois, le doute subsiste dans le camp des « observateurs». En effet, Madeleine Ramaholimihaso, la présidente du comité d'orientation du «Consortium d'observateurs», insiste et explique à l'AFP que le Consortium a arrêté sa collecte des résultats pour des raisons matérielles à 75% seulement de l'ensemble des bureaux de vote, en constatant simplement que Marc Ravalomanana «menait au premier tour» sur la base des 75% de bulletins dépouillés. « Selon nous, il a obtenu 50,49 % des voix, explique Madeleine Ramaholimihaso. Mais j'ai toujours mis un bémol à ce résultat, car il ne porte que sur 12 212 procès-verbaux (sur environ 16.500), faute 20