L`OPTIQUE EN FRANCE ETUDE ECONOMIQUE

Transcription

L`OPTIQUE EN FRANCE ETUDE ECONOMIQUE
L’OPTIQUE EN FRANCE
ETUDE ECONOMIQUE
David MARTIMORT / Jérôme POUYET
Société d’études et de conseil fondée et dirigée par Mathieu Laine, Altermind est spécialisée dans
l’optimisation des stratégies d’entreprises et de gouvernements.
Altermind allie recherche scientifique, conseil en stratégie et conseil en communication pour une
approche intégrée, de la production des idées à leur diffusion la plus large, de l’élaboration des stratégies à leur mise en œuvre.
Pour chaque client, Altermind produit des réponses sur mesure en s’appuyant sur un réseau d’experts
de haut niveau.
www.altermind.fr
9, rue de Villersexel
75007 Paris
les
auteurs
David Martimort, Paris School of Economics - EHESS
Jérôme Pouyet, Paris School of Economics – CNRS
David Martimort est Directeur d’Etudes à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales et Professeur à l’Ecole
d’Economie de Paris. Il a effectué sa thèse à l’Université de Toulouse 1, est ingénieur de l’Ecole Polytechnique et
Professeur Agrégé des Universités. Spécialiste de la Théorie des Incitations et ses applications, il est l’auteur avec
Jean-Jacques Laffont du manuel de référence sur le sujet (« The Theory of Incentives », 2002, Princeton University
Press). Ses recherches couvrent un large spectre allant de l’économie industrielle à l’économie du développement
et la croissance en passant par l’économie de l’environnement, et surtout la théorie de la régulation et de la gouvernance publique. Elles ont été publiées dans les meilleures revues internationales (Econometrica, American Economic
Review, Review of Economic Studies, Journal of Economic Theory, The Rand Journal of Economics, Journal of Public
Economics). Il est Fellow de la Société d’Econométrie et de l’European Economic Association depuis 2005. David
Martimort a aussi occupé de nombreuses positions
éditoriales. Il est actuellement éditeur du Rand Journal of Economics, ainsi qu’éditeur associé du Journal
Jérôme Pouyet est chargé de recherche 1ère classe
of Economic Theory, d’Econometrica et de Theoretical
au CNRS et Professeur à l’Ecole d’Economie de Paris.
Economics. David Martimort a reçu le Prix du Meilleur
Il a effectué sa thèse à l’Université de Toulouse 1.
Jeune économiste du journal Le Monde en 2004 et
Avant de rejoindre l’Ecole d’Economie de Paris, il a
le NYSE award pour le meilleur papier en finance de
été Professeur chargé de cours à temps plein à l’Ecole
marché en 1998. Il a donné de multiples lectures inviPolytechnique. Ses travaux portent principalement sur
tées et notamment la Colin Clarke Lecture de l’Austral’économie industrielle et la politique de la concurlasian Econometric Society. Il a été Professeur invité à
rence, l’organisation des marchés et les mécanismes
Harvard, Professeur à l’ Université de Pau et l’Université
d’allocation, la régulation des industries notamment
de Toulouse 1.
les industries de réseaux. Ses recherches ont été publiées dans les meilleures revues spécialisées dans
ces domaines (Journal of Industrial Economics, International Journal of Industrial Organization, Journal of
Public Economics). Il participe régulièrement à des
contrats de recherche ou activités d’expertise avec des
partenaires industriels (SNCF, Deutsche Bahn, Orange,
Caisse d’Epargne,…) ou institutionnels (Commission
Européenne, ARCEP, Conseil de la Concurrence,…). Il
est Council Member au Gerson Lehman Group et a été
expert pour LECG jusqu’en 2010.
1
executive
summary
La présente étude, conduite par les Une ouverture du marché
économistes David Martimort et Jérôme Pouyet, rédigée
permettrait au moins 300 millions
pour le compte d’Altermind et à la demande de Sensee,
propose une analyse économique et concurrentielle d’euros d’économie par an pour
inédite du secteur de l’optique en France.
les consommateurs.
Elle établit :
1. Que le fonctionnement concurrentiel du marché français
de l’optique est très imparfait, à la fois en amont du côté
des fournisseurs de verre, et en aval du côté des distributeurs de produits d’optique ;
2. Que la position dominante de certains fournisseurs
de verres peut être la source de barrières importantes à
l’entrée de nouveaux acteurs sur le marché de la distribution, spécialement de la distribution en ligne, contribuant
à maintenir des prix à la consommation élevés ;
3. Qu’une ouverture du marché permettrait au moins 300
millions d’euros d’économies par an pour les consommateurs.
Une étude économique inédite, motivée par une
interrogation concurrentielle encore inexplorée
par la science et rendue plus aiguë par les
tensions actuelles sur le pouvoir d’achat
Le marché de l’optique en France, estimé à 5,7 milliards
d’euros en 2011 et en croissance continue, n’a pas encore
fait à ce jour l’objet de description sectorielle ni d’analyse concurrentielle poussée de la part de la science
économique. Le secteur connaît pourtant une mutation
emblématique de l’évolution de la distribution, avec
une ouverture graduelle à la vente en ligne, alors même
qu’une base de suspicion importante, mise à jour par les
autorités françaises et européennes, interroge la nature
concurrentielle du marché et son ouverture effective aux
nouveaux entrants.
Au regard des tensions constantes pesant sur le pouvoir
d’achat des Français, du poids des dépenses d’optique
dans leur budget et de l’influence à la baisse d’une ouverture à la concurrence sur les prix à la consommation,
l’opportunité d’une étude sectorielle et concurrentielle
du marché est manifeste.
2
L’optique, un sujet qui touche la grande majorité
des Français et pèse considérablement sur leur
budget
Environ 64 % des Français portent des lunettes : ils
y consacrent 130 euros par an environ. Près des trois
quarts jugent que les prix des corrections optiques sont
excessifs et les comparaisons internationales montrent
que les prix sont en effet élevés, particulièrement pour
les verres. Cette pression financière pèse particulièrement sur les plus défavorisés : 55 % des bas revenus
portent des lunettes, contre 71 % des plus hauts, ce qui
semble indiquer une différence d’accès aux soins d’optique. Avec une population vieillissante et à ce titre plus
susceptible de porter des corrections, le marché devrait
poursuivre ses tendances haussières.
Contrairement aux idées reçues, le reste à charge du
consommateur est conséquent, malgré l’intervention du
système de santé : le client qui achète un équipement
d’optique correcteur assume lui-même, directement ou
indirectement, l’intégralité du coût.
La chaîne de production de l’optique, qui
s’organise de manière verticale, est complexe
et très concentrée
L’extrême diversité et la différenciation des produits
proposés sur le marché de l’optique, en particulier s’agissant des verres correcteurs, fait obstacle à la transparence des prix affichés à la vente au détail. L’intervention d’une multitude d’acteurs interagissant à l’échelle
mondiale, entre la production en amont, la distribution en
aval, et le rôle tiers du système de santé (sécurité sociale
et complémentaires) opacifie encore davantage la lecture
des intérêts en jeu pour le consommateur.
A l’amont, la production de verres est dominée par Essilor
qui détient une part de marché de plus de 40 % au niveau
mondial et de près de 90 % en France, loin devant ses
concurrents Zeiss et Hoya. La production de montures,
autre élément essentiel à la constitution des lunettes est
largement dominée par Luxottica, qui est près de cinq
fois plus important que son plus proche concurrent.
A l’aval, moins d’une dizaine de groupes concentre l’essentiel de la distribution au détail. Le marché français se
caractérise par l’abondance de points de vente, bien plus
nombreux que dans la plupart des pays comparables : la
France compte 1 point de vente pour 5 400 habitants contre
1 pour 15 000 aux Etats-Unis. Les opticiens, qui peuvent
seuls les détenir et les gérer, ont depuis peu la possibilité
de renouveler les lunettes, sans intervention d’un ophtalmologiste.
Le système de santé français rembourse une partie (ou
la totalité) des dépenses d’optique. Cette intervention
relève très largement des complémentaires, la sécurité
sociale proposant une compensation marginale. Elle
permet de rendre solvables les consommateurs finals et
tend à entretenir l’illusion chez ces derniers qu’ils n’assument pas les dépenses d’optique, alors qu’en réalité ils les
supportent indirectement à travers le financement de la
sécurité sociale et les cotisations auprès de leurs complémentaires et directement à travers le « reste à charge »
qu’ils paient à l’opticien.
Des doutes concurrentiels importants à l’amont
Le secteur amont, notamment la production de verres
correcteurs, se révèle être très concentré : quelques rares
1
Le fonctionnement concurrentiel
du marché français de l’optique
est très imparfait, à la fois en amont
du côté des fournisseurs
de verre, et en aval du côté
des distributeurs.
producteurs réalisent l’essentiel de l’activité, loin devant
leurs concurrents. Ces principaux acteurs poursuivent en
outre des stratégies de consolidation verticale et de différenciation croissante de leurs produits qui ont pour effet
de renforcer leurs positions.
L’article scientifique inédit de David Martimort et Jérôme
Pouyet 1, dont les principales conclusions sont rendues
publiques dans cette étude, montre que cette stratégie a
une double conséquence : elle tend à limiter de facto la
concurrence en amont, mais elle la freine aussi en aval, via
un mécanisme dit de « forclusion » ; la firme dominante
en amont a intérêt à favoriser des stratégies de distribution qui évincent les nouveaux entrants. Ces derniers,
en fournissant des produits moins chers, risqueraient en
effet de réduire le surplus qu’elle accapare.
A l’aval, plusieurs constats font douter du bon
fonctionnement concurrentiel du secteur
Les points de vente de distribution au détail d’optique
comptent parmi les fonds de commerce les plus chers en
France. Avec une marge de 60 % en moyenne le secteur
réalise un chiffre d’affaires supérieur d’un tiers à ce qu’il
est dans les pays comparables à la France : si le chiffre
David Martimort, Jérôme Pouyet, Downstream Foreclosure in Vertically Differentiated Markets, 2012, à paraître.
3
d’affaires par habitant y était identique à ce qu’il est en
Allemagne, au Royaume-Uni, en Espagne et en Italie, le
marché français aurait dû être inférieur d’1,5 milliard
d’euros en 2007, ce qui est conséquent pour un marché
de 4,2 milliards d’euros au total.
La justice française a récemment condamné des opticiens qui se livraient à des pratiques « d’optimisation
de facture », consistant à adapter le prix des lunettes
vendues au plafond du remboursement proposé par la
complémentaire des clients finals. Cette fraude contribue, parmi d’autres éléments, à brouiller totalement la
lisibilité des prix du secteur.
Favoriser la concurrence par l’entrée sur le
marché d’opérateurs en ligne
en France : entre 0,1 % et 3 % du secteur selon les estimations. Le droit communautaire a eu l’occasion de relever, avec sévérité, que la France devait lever les barrières
qu’elle entretient à l’encontre de ce mode de distribution.
Le développement de la vente en ligne pourrait accroître
les gains aux consommateurs de 332 millions d’euros à 3,1
milliards d’euros par an dans l’hypothèse la plus haute. En
outre, cette dynamique aurait nécessairement des effets
positifs sur l’emploi.
Les analyses qui suivent ont été réalisées compte tenu
des informations disponibles publiquement, auxquelles
elles ont choisi de faire confiance.
Alors que le secteur s’est développé à l’étranger, la distribution de produits d’optique en ligne reste très limitée
L’OUVERTURE À LA CONCURRENCE SUR LE MARCHÉ DE L’OPTIQUE FRANÇAIS REPRÉSENTERAIT
DES ÉCONOMIES IMPORTANTES POUR LE CONSOMMATEUR
Suivant les modèles de calcul envisagés, une ouverture du marché de l’optique aux opticiens en ligne aurait
pour conséquence des économies importantes pour le consommateur, estimées pour les hypothèses les plus
réalistes entre 300 millions et 1,5 milliard d’euros par an :
— Une économie de 300 millions d’euros par an sur le budget optique des Français est l’équivalent :
• du budget optique annuel de 3,57 millions de Français*;
• du budget investi par la France dans la guerre en Lybie**;
• du montant de recettes attendues par la hausse des prélèvements sur les retraites en 2013*** ;
— Une économie de 1,5 milliard d’euros par an sur le budget optique des Français est équivalente :
• au coût annuel du dispositif des emplois d’avenir****;
• à la consommation optique annuelle de près de 18 millions de Français.
*
Le budget moyen annuel dans l’optique est de 84 euros par Français (voir plus bas).
**
Le Parisien, La guerre en Libye a coûté 300 millions d’euros à la France, 23 octobre 2011.
***
Projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2013, dossier de presse. La contribution additionnelle de solidarité pour
4
l’autonomie sur les retraites rapporterait 350 millions d’euros au régime général.
****
Site internet du Premier ministre : le dispositif coûtera « 2,3 milliards d’euros pour les trois ans à venir. A savoir : 500 000 millions d’euros pour 2013, puis 1,5 milliard par an lorsque les emplois d’avenir seront installés », 30 octobre 2012.
5
sommaire
EXECUTIVE SUMMARY
2
SOMMAIRE
6
INTRODUCTION : UNE ETUDE ECONOMIQUE SECTORIELLE INEDITE, SUR UN MARCHE CLE
POUR LE POUVOIR D’ACHAT DES FRANÇAIS
8
1.
PARTIE I : PRESENTATION DU SECTEUR DE L’OPTIQUE
12
1.1.
PRESENTATION DES PRODUITS DE L’OPTIQUE : UNE OFFRE FORTEMENT DIFFERENCIEE
16
1.2.
EN AMONT : ORGANISATION ET ACTEURS DE LA PRODUCTION
25
1.3.
EN AVAL : LES PRINCIPAUX CANAUX DE DISTRIBUTION D’OPTIQUE EN FRANCE
35
1.4.
LES CLIENTS ET CONSOMMATEURS DE PRODUITS D’OPTIQUE SUR LE MARCHE FRANÇAIS
57
1.5.
UN TIERS ESSENTIEL : LE SYSTEME DE SANTE
66
2.
PARTIE II : DES DOUTES SUR LE FONCTIONNEMENT CONCURRENTIEL DU MARCHE DE L’OPTIQUE
74
2.1.
LES DOUTES CONCURRENTIELS SUR LE SECTEUR AMONT
77
2.2.
LES DOUTES SUR LE SECTEUR AVAL
83
3.
PARTIE III : FAVORISER LA CONCURRENCE DANS LA DISTRIBUTION D’OPTIQUE EN FRANCE :
PISTES ET GAINS ATTENDUS
98
3.1.
LE RETARD DE LA FRANCE EN MATIERE D’OPTIQUE EN LIGNE
100
3.2.
LES GAINS A ATTENDRE D’UNE CONCURRENCE ACCRUE SUR LE MARCHE DE L’OPTIQUE FRANÇAIS
103
ANNEXE I : COMPARAISON DES CHIFFRES D’AFFAIRES DES MARCHES DE L’OPTIQUE ENTRE PAYS
106
1) FOCUS SUR LES MARCHES OPTIQUES DE QUELQUES PAYS CHOISIS
106
2) LES CONSOMMATEURS POTENTIELS PAR PAYS ET PAR PRODUIT
107
3) LES CHIFFRES D’AFFAIRES PAR CLIENT SUIVANT LES PAYS
109
4) SIMULATION DE MARCHES FRANÇAIS HYPOTHETIQUES SUR LA BASE DE CHIFFRES
D’AFFAIRES PAR CONSOMMATEUR ETRANGER
110
5) DIFFERENCES ENTRE LES MARCHES FRANÇAIS HYPOTHETIQUES ET LES MARCHES ETRANGERS
112
6) CONCLUSION
114
6
ANNEXE II : EVALUATION DES GAINS POTENTIELS DE L’ACCROISSEMENT DE LA PART D’INTERNET
SUR LE MARCHE DE L’OPTIQUE EN FRANCE
116
1) LA BAISSE DES PRIX ENGENDREE PAR LE COMMERCE SUR INTERNET EN GENERAL
116
2) LA BAISSE DES PRIX ATTENDUE DANS LE SECTEUR DE L’OPTIQUE EN LIGNE
118
3) LES PRIX ET LES CHIFFRES D’AFFAIRES ACTUELS SUR LE MARCHE DE L’OPTIQUE FRANÇAIS
119
4) PRIX ESTIMES A L’ISSUE DES BAISSES DE PRIX CONSECUTIVES AU DEVELOPPEMENT DU CANAL
INTERNET, SUIVANT LES DIFFERENTES HYPOTHESES ENVISAGEES
120
5) NOMBRE DE PRODUITS VENDUS PAR AN SUR LE MARCHE FRANÇAIS DE L’OPTIQUE
121
6) LES GAINS ESTIMES POUR LES CONSOMMATEURS D’UNE GENERALISATION DU CANAL
INTERNET POUR LA DISTRIBUTION D’OPTIQUE EN LIGNE, SUIVANT LES DIFFERENTES
HYPOTHESES ENVISAGEES
ANNEXE III : FORCLUSION ET CONCURRENCE EN QUALITE SUR LES MARCHES AVAL
122
134
7
Introduction
une étude économique sectorielle
inédite, sur un marché clé pour
le pouvoir d’achat des français
Les récentes déclarations
de la
ministre de la Santé Marisol Touraine visant à promouvoir l’organisation de réseaux de soins notamment dans
la distribution d’optique ont reçu un accueil houleux sur
la scène publique 2. Peu de temps auparavant, la ministre
avait déjà ouvert le débat devant la Mutualité française :
« le secteur des opticiens », avait-elle alors expliqué,
« est trop concentré et ne permet donc pas d’avoir des prix
accessibles » 3.
La médiatisation dont ces propos ont fait l’objet atteste
de l’intérêt aigu de la presse et de la société françaises 4
pour cette question d’apparence pourtant technique. Le
sujet dépasse en effet largement le seul cadre économique. Sanitaire bien sûr – la vue est l’une des premières
préoccupations de santé des Français – mais aussi esthétique et « lifestyle » tant les lunettes se sont imposées
comme un produit de consommation à forte charge
identitaire, il touche, directement ou indirectement,
l’ensemble de la population : environ 64 % des Français
portent des corrections visuelles 5 ; plus de 11 400 points
de vente d’optique maillent le territoire national et la vie
économique locale.
Pourtant, et paradoxalement, le secteur de l’optique
reste largement méconnu : il n’a à ce jour jamais fait
l’objet d’une réelle analyse économique, conséquente et
2
3
4
5
8
approfondie. Les quelques études de présentation qui
ont pu être publiées se limitent à une approche purement descriptive. Ce silence de la science économique
est d’autant plus frappant que le marché vit aujourd’hui
une reconfiguration majeure qui, si elle ne lui est pas
propre, n’en fait pas moins un cas emblématique : la
dématérialisation de l’acte commercial avec l’émergence
d’un nouveau canal de distribution par Internet. L’avènement, récent mais dynamique, du e-commerce dans le
secteur de l’optique transforme l’intégralité de sa chaîne
de production. Il s’agit d’une dynamique concurrentielle
nouvelle, principalement mue par l’ambition d’une baisse
des prix, sans concession sur la qualité, pour le consommateur final.
Un secteur médiatique et polémique, où
manquent encore des données d’analyse
objectives
Ces évolutions du secteur de l’optique font intervenir
plusieurs acteurs dont il n’est pas évident, pour l’observateur ou le consommateur, de démêler les motivations. Le
débat entre les parties prenantes – fabricants de verres,
opticiens et réseaux de distribution « en dur » et « en
ligne », mutuelles notamment - n’est pas toujours serein.
En octobre 2012, l’opticien Alain Afflelou dénonçait les
JDD, Touraine : il faut réguler le prix des lunettes, 27 octobre 2012.
L’opticien lunetier, Le soutien sans faille de la ministre de la Santé aux réseaux de soins mutualistes dans l’optique, 22 octobre 2012.
A titre d’exemple, on pourra relever la succession d’articles et reportages fin novembre 2012 :
— M6, émission Capital du 25 novembre 2012 ;
— Mutualité française, En finir avec les lunettes trop chères, 9 novembre 2012 ;
— Les Echos, Opticiens, dentistes, vous allez payer moins cher, 21 novembre 2012 ; et
— 20 Minutes, L’optique en quête du juste prix, 26 novembre 2012.
Ipsos – Mutualité française, Les Français et l’optique, septembre 2012. Ces évaluations confirment celles qu’indiquent i) le SYFFOC sur son
site internet, pour l’année 2002 : à l’époque environ 60 % des Français portaient des lunettes ; ii) un sondage réalisé pour HappyView en
2011, selon lequel 63 % des Français portent des lunettes.
mutuelles, qui « poussent à la consommation ». En réponse,
le président de la Mutualité française, Etienne Caniard
lui rétorquait qu’au contraire « ce sont les opticiens qui
disent : “ combien vous rembourse votre mutuelle ? ” et
qui vont au maximum » 6, dénonçant une pratique connue
sous le nom d’ « optimisation de facture ».
Outre la lacune qu’elle vient combler en tant qu’analyse
économique sectorielle, la présente étude se propose de
décrire et d’expliquer la façon dont interagissent l’ensemble des acteurs du secteur en se détachant des relations passionnelles qu’ils entretiennent.
Une étude inédite motivée par une
interrogation concurrentielle encore
inexplorée par la science
Les relations conflictuelles entre les acteurs du marché
de l’optique en France connaissent dans certains cas des
suites judiciaires qui pointent des interrogations sur son
fonctionnement concurrentiel.
L’Autorité de la concurrence a eu l’occasion de soulever
ces doutes dans plusieurs de ses décisions. En 2010, elle
a sanctionné le Syndicat national des ophtalmologistes
de France (SNOF) qui organisait un boycott des opticiens affiliés au réseau Santéclair 7. En 2002, elle avait
déjà sanctionné des opticiens qui tentaient d’éliminer un
de leurs concurrents qui proposait des produits moins
chers 8. A l’étranger, le Bundeskartellamt allemand a
sanctionné en 2010 des pratiques anticoncurrentielles
à l’amont qui impliquaient les principaux fabricants de
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verre, aussi actifs en France 9. Aux Etats-Unis, la Federal
Trade Commission (« FTC »), l’une des autorités en charge
des politiques de concurrence, enquêtait elle aussi en
2004 sur le sujet 10.
Par ailleurs, l’actualité fournit régulièrement des faits ou
déclarations qui alimentent la base de suspicion mise à
jour par les autorités, faisant cas par exemple de producteurs de verres ou de montures qui refuseraient de fournir les nouveaux entrants de la distribution en ligne 11, ou
encore de distributeurs au détail condamnés en justice
pour optimisation de factures 12 ou absence de transparence de leurs politiques tarifaires 13.
Enfin, plusieurs éléments clés du secteur sont d’intéressants indicateurs. Le taux de marge des opticiens
est exceptionnellement élevé, de l’ordre de 60 % 14. Le
chiffre d’affaires global du secteur ne cesse de croître 15.
Le nombre de points de vente en France est supérieur
à 11 000 16 (soit 1 point de vente pour 5 400 habitants),
contre 12 000 points de vente en Allemagne 17 (1 point de
vente pour 6 800 habitants) ou 20 000 points de vente
aux Etats-Unis 18 (1 point de vente pour 15 000 habitants).
Motivée par ces indices et interrogations latentes sur le
fonctionnement concurrentiel du marché de l’optique
tant à l’amont qu’à l’aval, ainsi que par l’absence à ce jour
de littérature scientifique sur le sujet, la présente étude
et ses auteurs ont choisi de se pencher de façon approfondie et pour la première fois sur la réalité économique
du marché, afin d’en mettre à jour les ressorts sur des
fondements scientifiques et théoriques rigoureux.
La Tribune, Afflelou attaque les mutuelles qui poussent à la consommation de lunettes chères, 4 octobre 2012.
Autorité de la concurrence, Décision n°10-D-11 du 24 mars 2010 relative à des pratiques mises en œuvre par le Syndicat National des
Ophtalmologistes de France (SNOF) concernant le renouvellement des lunettes.
Autorité de la concurrence, Décision n°02-D-36 du 14 juin 2002 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la distribution des
lunettes d’optique sur le marché de l’agglomération lyonnaise.
Bundeskartellamt, Press release, 10 juin 2010.
Federal Trade Commission, Possible Anticompetitive Barriers to E-commerce : Contact Lenses, mars 2004.
Acuité, Internet : Essilor France refuse d’associer ses verres aux « e-opticiens » vendant à distance, 22 novembre 2011.
Cour d’appel de Paris, Pôle 5, Chambre 5, Arrêt n°10/00413 du 20 septembre 2012.
UFC Que Choisir, Prix des lunettes: le flou artistique, avril 2008.
Xerfi, Optique (distribution), septembre 2011.
Xerfi, Optique (distribution), septembre 2011.
Xerfi, Optique (distribution), septembre 2011.
Zentralverband der Augenoptiker, Banchenkennzahlen Augenoptik, 2010. Chiffre de 2011.
Highbeam Business, Optical good stores, 2010. Chiffre de 2009.
9
L’étude ici présentée repose sur un article scientifique
inédit de David Martimort et Jérôme Pouyet qui analyse
et modélise les risques et les conséquences de forclusion
sur le marché de l’optique en France 19 . Elle en synthétise
les principaux axes et conclusions.
Optique et e-commerce, un cas emblématique
des mutations contemporaines de la distribution
Les tensions manifestes dans le secteur soulignent une
évolution clé du commerce de détail dépassant le seul cas
de l’optique : celle de la dématérialisation de la relation
entre le consommateur et le vendeur par le biais d’Internet. Le développement croissant et rapide du commerce
en ligne est certainement l’un des bouleversements
majeurs de l’échange et de la création de valeur sur les
dernières années. Cette transformation, de l’avis même
de l’Autorité de la concurrence, est bénéfique pour le
consommateur, puisque « le commerce électronique [est
un] facteur d’animation de la concurrence » et qu’il « peut
permettre aux consommateurs de bénéficier de prix inférieurs, grâce notamment à des coûts de distribution plus
réduits et de gammes de produits plus étendues » 20.
Malgré cet avantage, la distribution en ligne de produits
d’optique reste encore très limitée en France, puisqu’elle
ne représenterait que 0,1 % à 3 % du secteur total 21, contre
environ 10 % aux Etats-Unis 22. Selon les acteurs en ligne,
ce développement restreint ne serait pas le fait que d’un
retard fortuit, mais relèverait plutôt de stratégies délibérées de la part de leurs concurrents « en dur » 23.
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Libérer la concurrence pour soulager le pouvoir
d’achat
Les consommateurs français considèrent pourtant que
l’optique est à ce jour trop chère : près des trois quarts
d’entre eux estiment que les prix des lunettes sont trop
élevés 24. La consommation de corrections optiques semble
en outre socialement marquée : si 71 % des hauts revenus
portent des lunettes, ce n’est le cas que de 55 % des revenus les plus bas 25. Cela explique probablement que l’optique figure parmi les premiers sujets de préoccupation
des Français autant en termes de santé que de budget,
et qu’une grande partie d’entre eux a déjà renoncé à des
soins en la matière en raison de coûts trop forts 26.
L’intervention importante des complémentaires dans
le remboursement des soins d’optique conduit souvent
les consommateurs à minorer la réalité de leur dépense
effective : ce financement mutualisé entretient certainement une certaine « illusion » de gratuité des soins. En
réalité, le consommateur paie seul directement ou indirectement le coût de ses produits d’optique : à travers
le financement collectif de l’assurance maladie, qui lui
donne droit à un remboursement minoritaire ; à travers
sa cotisation auprès d’une complémentaire (en hausse) 27;
et à travers le reste à charge qu’il règle à l’opticien.
L’ensemble de ces coûts pèse sur le pouvoir d’achat
des ménages français, qui a baissé à plusieurs reprises
depuis 2004 28 (notamment de 0,5 % en 2011 et de 0,2 %
en 2010), alors même que les dépenses dites
« contraintes », auxquelles les ménages ne peuvent échap-
Jérôme Pouyet, David Martimort, Downstream Foreclosure in Vertically Differentiated Markets, 2012, à paraître.
Autorité de la concurrence, Avis n°12-A-20 du 18 septembre 2012 relatif au fonctionnement concurrentiel du commerce électronique.
Les Echos, La guerre des lunettes sur le web est déclarée, 15 novembre 2011 ;
Le Figaro, La vente d’optique en ligne suscite un vif débat, 16 juillet 2011 ;
e-commerce n°31, L’optique en ligne voit l’avenir en grand, 1er septembre 2011 ; et
Secrétariat d’Etat chargé du Commerce, de l’Artisanat, des Petites et Moyennes Entreprises, du Tourisme, des Services, des Professions
libérales et de la Consommation, Projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs – étude d’impact,
juin 2011.
Consultation du comparateur www.optico.net .
INSEE, Revenu, pouvoir d’achat et consommation des ménages, à jour du 29 juin 2012.
TF1, Les lunettes trop chères pour 74% des Français, Journal télévisé du 24 septembre 2012.
LSA, Les Français trouvent les lunettes trop chères, 17 juin 2010.
Xerfi, Optique (distribution), septembre 2011.
Le Nouvel Observateur, Mutuelles : vers une augmentation des tarifs de 4,7 %, 14 octobre 2011.
Le Nouvel Observateur, Mutuelles : vers une augmentation des tarifs de 4,7 %, 14 octobre 2011.
10
per (logement, télécommunications, assurances) 29 n’ont
cessé de croître, donnant le sentiment aux consommateurs
d’être pris dans un étau.
Il n’est dès lors pas surprenant, dans un contexte de crise
économique, que les Français se sentent concernés par
ces sujets. En octobre 2012, la santé et la qualité des
soins étaient leur deuxième sujet de préoccupation, en
forte augmentation, juste devant l’évolution du pouvoir
d’achat 30.
La recherche en économie, étayée par les faits, a établi
de longue date que, quel que soit le secteur concerné,
une meilleure concurrence et l’ouverture à de nouveaux
acteurs a pour conséquence première de tirer les prix à la
baisse pour le consommateur. Dans une situation verrouillée par un pouvoir de marché important entre les mains
d’une poignée d’acteurs, la concurrence vient remettre en
cause les rentes acquises et stimule l’innovation pour le
bénéfice des consommateurs. Il suffit de citer l’exemple
de la téléphonie mobile pour que chaque consommateur
comprenne comment l’arrivée de nouveaux acteurs dynamiques sur le marché a pu conduire à une baisse des prix
au détail. De manière générale, l’Autorité de la concurrence a récemment montré comment la distribution en
ligne avait conduit, en révolutionnant la distribution, à
une baisse des prix parfois très sensible dans certains
secteurs 31. Une autre étude avait estimé que « les achats
effectués en ligne sont en moyenne 10 % moins cher que
ceux réalisés dans des points de vente, pour des produits
identiques » 32.
En tant que marché mobilisant producteurs, distributeurs
et clients consommateurs, le secteur de l’optique ne fait
pas exception. S’il apparaît, à la lumière de la présente
étude économique, que des entraves à la concurrence
28
29
30
31
32
sur le marché existent bel et bien, celles-ci contribuent
alors nécessairement au maintien artificiel de prix
élevés, au détriment du consommateur et au bénéfice
des opérateurs en place à l’origine de la forclusion. Lever
ces obstacles à la concurrence doit conduire au contraire,
en vertu de l’ajustement libre de l’offre et de la demande,
à une baisse du prix final pour le consommateur.
Compte tenu des tensions actuelles pesant sur le budget
des Français, sur leurs dépenses de santé, ainsi que
sur l’équilibre des finances publiques, il a semblé aux
auteurs de la présente étude qu’il était d’intérêt public
d’investiguer l’état de la concurrence sur le marché de
l’optique, partant de l’idée que si l’hypothèse de comportements non concurrentiels était avérée, les désamorcer
pourrait créer un appel d’air salutaire pour le pouvoir
d’achat.
Plan de l’étude
Au regard de ces éléments, la présente étude a donc pour
objet :
(i). de présenter dans les faits ce qu’est le secteur de l’optique en France (ses acteurs, son organisation, sa structure, ses grandes masses et chiffres clés), depuis l’amont
jusqu’à l’aval ;
(ii). de relever un certain nombre de doutes concurrentiels qui existent dans ce secteur ; et
(iii). d’évaluer quels seraient les bénéfices pour le consommateur consécutifs à l’entrée de nouveaux acteurs distribuant les produits d’optique par le canal de la vente en ligne.
Le Nouvel Observateur, Mutuelles : vers une augmentation des tarifs de 4,7 %, 14 octobre 2011.
DGCCRF, Evolution des dépenses contraintes et de la relation client sectorielle, DGCCRF-éco n°2, janvier 2012.
TNS Sofres, Pelerin, Covea, Baromètre des préoccupations des Français, octobre 2012.
Autorité de la concurrence, Avis n°12-A-20 du 18 septembre 2012 relatif au fonctionnement concurrentiel du commerce électronique.
McKinsey & Company, Impact d’Internet sur l’économie française. Comment Internet transforme notre pays, mars 2011.
11
1. PARTIE I
présentation du secteur
de l’optique
Avant d’analyser
plus avant la structure concurrentielle du marché de l’optique (en partie II
infra), il est indispensable de dresser en premier lieu un
portrait clair et précis de ce marché : complexe, il mobilise de nombreux acteurs directs et indirects, et n’a pas
fait à ce jour de la part de la science économique l’objet
d’une description sectorielle poussée. Cette absence de
« carte d’identité » fait obstacle aux tentatives d’analyses plus poussées et entretient l’opacité du marché.
La présente étude s’attache donc, en préalable indispensable à toute investigation économique, à identifier,
définir et hiérarchiser la structure du marché de l’optique, ses produits (1.1.), ses acteurs amont (les producteurs de dispositifs d’optique, 1.2.) et aval (les distributeurs, 1.3.), le profil de ses clients consommateurs (1.4.)
et enfin le rôle tiers du système de santé (1.5.).
La chaîne de production de l’optique, comme le montre
la Figure 1, s’organise le long d’une relation de l’amont
vers l’aval. En amont, elle fait intervenir des producteurs de verres et des producteurs de montures, dont les
produits assemblés permettent de créer des lunettes.
Avec les lentilles, ils sont distribués soit directement
auprès des opticiens, soit par l’intermédiaire de grossistes. Les opticiens assurent ensuite la distribution au
détail auprès des consommateurs finals, lesquels, pour
acquérir une correction optique, sont généralement
détenteurs de la prescription d’un ophtalmologiste.
C’est ce processus qui leur permettra de bénéficier d’un
remboursement par la sécurité sociale et d’un complément, souvent significatif, de leur complémentaire.
MARCHÉ AMONT DE LA PRODUCTION
Verres
Lentilles
Montures
Autres
GROSSISTES
MARCHÉ AVAL DE LA DISTRIBUTION
SÉCURITÉ SOCIALE
ET
COMPLÉMENTAIRES
Opticiens
OPHTALMOLOGISTES
CONSOMMATEURS FINALS
Figure 1 - Schéma simplifié du secteur de l’optique
12
L’essentiel & les chiffres clés
Un marché complexe, encore largement inexploré par la science économique
— un marché qui n’a pas fait l’objet à ce jour de description sectorielle poussée : une absence de
« carte d’identité » qui entretient l’opacité du marché ;
— élément essentiel de la complexité du marché, la diversité et la différenciation des produits,
en particulier des verres correcteurs :
• deux principales catégories de produits : ceux à vocation correctrice (lunettes de vue et lentilles de contact), ceux à usage esthétique (lunettes de soleil, lentilles teintées, etc.) ;
• un marché dominé par les verres de correction, qui représentent 57 % du chiffre d’affaires
des ventes aux consommateurs finals, loin devant les montures (24 %), les lunettes solaires (9 %)
et les lentilles de contact (6 %) ;
• les verres correcteurs, particulièrement différenciés (géométrie, matière, traitement et
options), sont un élément essentiel de la stratégie des producteurs ;
De nombreux acteurs directs et indirects, qui se partagent deux principaux segments du marché :
l’amont et l’aval
— en amont, la fabrication de verres concentre la majorité des enjeux :
• la fabrication des verres représente près des trois quarts du secteur et est dominée par un acteur majeur, Essilor :
verres, qui a généré plus des trois quarts des facturations des industriels en 2009 ;
/ le marché est dominé par un acteur majeur, le groupe Essilor (chiffre d’affaires
mondial 2011 : 4,19 milliards d’euros, dont 90,6 % dans le secteur des verres et matériel
optique). Les deux groupes challengers au niveau mondial sont l’allemand Zeiss et le
japonais Hoya ;
• la fabrication de montures est moins importante en France :
/ en France, l’activité de production se concentre essentiellement sur la fabrication de
/ environ 1,83 milliard d’euros en France en 2010, soit environ 25 % des ventes finales
d’optique-lunetterie ;
/ dominé au niveau mondial par le groupe italien Luxottica (chiffre d’affaires mondial
supérieur à 6,2 milliards d’euros) et son challenger Saffilo (chiffre d’affaires de 1,1
milliard d’euros) ;
/ le marché français est largement importateur : importation de 58 % des montures en 2010 ;
— en aval, la distribution par les opticiens en boutique domine, même si le canal Internet se développe
depuis 2005 :
• la profession d’opticien est très dynamique en France : entre 2004 et 2011 le nombre de diplômés
a augmenté de plus de 110 % et le nombre de praticiens de plus de 50 % ;
• deux canaux de distribution pour les opticiens, en boutique, ou en ligne :
/ les boutiques d’opticiens « en dur » dominent très largement :
/ 11 422 points de vente d’optique en France en septembre 2012, sensiblement plus qu’en 2000
(7 800) ;
/ plusieurs catégories de points de vente : 55 % d’indépendants, 45 % exploités sous enseigne
(qui réalisent 62 % du chiffre d’affaires);
13
L’essentiel & les chiffres clés
/ l’optique en ligne est un marché relativement récent en France, encore très minoritaire :
/ premier site d’optique généraliste en ligne en France (Confort Visuel) créé en 2005 ;
/ l’optique en ligne représente entre 0,1 % et 1 % du secteur total, soit un chiffre d’affaires estimé de 50 millions d’euros (environ 0,87%). Aux Etats-Unis, la vente en ligne représenterait 10 % du secteur, en Allemagne 5 %.
Un secteur lucratif, qui court plus vite que le pouvoir d’achat des français
— des points de vente lucratifs :
• chiffre d’affaires moyen par point de vente : 720 000 euros pour les points de vente sous enseigne et
370 000 euros pour ceux relevant des centrales en 2009 ; chiffre d’affaires moyen approximatif de
501 000 euros en septembre 2012 ;
• étude de l’Union de la profession comptable et des organismes de gestion agréés : « le métier
d’opticien figure parmi les professions commerciales les plus rémunérées en France ».
— un secteur de la vente au détail d’optique très dynamique, supérieur au pouvoir d’achat des Français :
depuis 2004, augmentation de la consommation en volume de 3 % en moyenne annuelle et de 4,1 % de la
consommation en valeur, bien supérieure, au pouvoir d’achat mesuré par l’INSEE qui n’a augmenté que de
1,6 % en moyenne annuelle.
Des dépenses d’optique qui concernent une grande majorité de Français et pèsent de façon conséquente
sur leur pouvoir d’achat, en particulier dans le cas des catégories sociales les moins favorisées
— une large majorité de Français concernés par l’optique :
• ¼ des Français seulement ne porte aucune correction ; 3 sur 4 (73 %) en portent ;
• les Français, parmi plus gros consommateurs de produits d’optique en Europe :
en dix ans (2000 – 2010), augmentation de la consommation de 60 % environ ;
— les lunettes restent des produits coûteux pour les Français :
• près des ¾ des consommateurs jugent que les prix des lunettes sont excessifs et près de 7 sur 10
considèrent qu’ils ne sont pas justifiés ;
• des aspects financiers primordiaux dans l’achat de lunettes : parmi les critères déterminant l’achat,
le montant du remboursement pèse à 94%, le rapport qualité-prix des verres à 94%, celui des montures à 93% et la possibilité du recours au tiers payant à 92% ;
• une dépense annuelle significative pour les ménages : en 2010, chaque Français a dépensé environ 84 euros à l’achat d’équipements optiques (et 191 euros par ménage), en augmentation de près de
50 % sur une décennie (+49,6 %) ; si l’on ne considère que les consommateurs potentiels (64 % de la
population), cela amène à un budget de 130 euros environ par an ;
— une « fracture sociale » dans le port d’équipements d’optique correcteurs :
• 10 % des consommateurs dont les revenus sont supérieurs à 2 500 euros mensuels possèdent à la fois
des lentilles et des lunettes, contre 5 % pour ceux dont les revenus sont inférieurs à ce seuil ;
• 71 % des hauts revenus portent des lunettes, 55 % seulement des revenus les plus bas ;
• des restes à charge parfois importants, ne laissant le choix qu’aux consommateurs les plus
fortunés : parmi les bénéficiaires de la CMU qui réalisent une dépense d’optique chaque année,
54 % d’entre eux ont le sentiment de « ne pas avoir eu le choix concernant le reste à charge auquel
14
L’essentiel & les chiffres clés
ils ont eu à faire face » et près d’un consommateur concerné sur quatre préfère sortir de l’offre
« CMU », le choix étant très réduit.
Un système de santé qui laisse une part significative des coûts à charge du consommateur
— le système de santé, Sécurité sociale et complémentaires, joue un rôle important :
• prise en charge des corrections optiques par l’Assurance maladie lorsqu’elles font l’objet d’une
prescription médicale (remboursées à 60 % sur la base de tarifs officiels) ;
• les complémentaires de santé interviennent pour couvrir la part des dépenses non remboursée par l’Assurance maladie ;
• pour les complémentaires, l’optique est un produit d’appel phare, qui leur permet d’attirer les
consommateurs : 21 % des porteurs de lunettes ont adhéré à une mutuelle parce qu’elle permettait
d’accéder à un réseau d’opticiens agréés ;
— le reste à charge pour le consommateur final est important :
• l’Assurance maladie assume une part très limitée du coût des lunettes : environ 3 % du prix total ;
les complémentaires en assument 55 % et le consommateur final 42 % ;
• contrairement aux idées reçues, le consommateur paie seul le coût de ses produits d’optique :
indirectement à travers le financement collectif de l’assurance maladie et sa cotisation auprès d’une complémentaire ; directement à l’opticien.
15
1.1.Présentation des produits de l’optique :
une offre fortement différenciée
La grande diversité et la différenciation des produits
proposés sur le marché de l’optique, entre dispositifs
médicaux (1.1.1.) et non médicaux (1.1.2.) sont un élément
essentiel de sa complexité, notamment pour les prix( 1.1.3.).
En prendre la mesure permet de comprendre plus avant
les problématiques de fixation et transparence des prix,
essentielles à l’analyse concurrentielle.
Le secteur de l’optique fabrique et distribue principalement deux types de produits, pour la correction ou la
protection de la vue : certains ont une vocation correctrice (amélioration de la vue), d’autres un usage esthétique ou utile (lunettes de soleil, lentilles teintées, etc. 33).
23
%
6% %
verres de correction
9%
24%
montures optiques
solaires
lentilles
57%
produits lentilles
autres produits
Figure 2 - Répartition du chiffre d’affaires par type de produit 34
Comme l’illustre la Figure 2, les verres de correction
représentent l’essentiel du chiffre d’affaires des ventes
aux consommateurs finals (57 % en 2012), loin devant les
montures (24 %) et les lunettes solaires (9 %). Les lentilles
33
34
ne représentent que 6 % du chiffre d’affaires total.
Une partie de ces produits sont des « dispositifs médicaux » et répondent à ce titre à une réglementation spécifique, alors que d’autres ne le sont pas.
Dans sa décision n°01-D-45 du 19 juillet 2001 relative à une saisine présentée par la société Casino France, le Conseil de la concurrence
retenait que « l’industrie de la lunette recouvre la production d’un grand nombre de produits de correction ou de protection de la vue. Ils
peuvent être regroupés en deux catégories, à savoir : les articles à usage médical (verres de lunettes finis et semi-finis, verres de contact) ;
les articles non médicaux (montures, lunettes solaires et lunettes pour le sport) ».
GfK, Note regards, données à fin mars 2012.
16
1.1.1. Les produits d’optique, dispositifs médicaux
Une personne qui a un défaut visuel peut le corriger soit
i) avec des lunettes, qui assemblent une monture à des
verres correcteurs adaptés à ses yeux, soit ii) en portant
des lentilles correctrices, soit enfin iii) en ayant recours à
la chirurgie ophtalmique (par exemple dans le cas d’une
myopie faible) 35.
> Les principaux troubles visuels pris en charge
par les équipements d’optique
Les principaux troubles visuels sont des troubles de la
réfraction (amétropie) : il s’agit de la myopie, l’hypermétropie et l’astigmatisme. On y ajoute généralement la
presbytie qui apparaît avec l’âge 36. Alors que les trois
premiers sont traités à l’aide d’une lentille optique (dans
le verre ou lentille de contact) qui corrige une seule focale
(on parle de « verre unifocal »), la presbytie est désormais
traitée à l’aide d’une lentille correctrice progressive (on
parle de « verre progressif ») qui remplace presque totalement les anciennes lentilles bifocales ou trifocales (les
verres « triple-foyers »). C’est l’adaptation de leur géométrie qui permet de former ces différents verres.
En 2011, environ 65 % des verres vendus aux consommateurs finals étaient des verres « unifocaux » (en matériaux organique et polycarbonate presque exclusivement,
le minéral n’étant plus utilisé) et 33 % environ étaient
des verres progressifs. En valeur, ces chiffres varient
fortement, puisqu’en 2011 les ventes de verres unifocaux représentaient 36 % du chiffre d’affaires des ventes
aux consommateurs finals, contre 60 % pour les verres
progressifs, dont le prix est généralement plus élevé.
2011
% des ventes, en volume
% des ventes, en valeur
Verres unifocaux
65 %36 %
Verres progressifs33 %60 %
Figure 3 - Répartition des ventes, en volume et en valeur, entre les verres unifocaux et les verres progressifs en 2011 37
35
36
37
Xerfi, Lunettes (fabrication), 2011.
Haute Autorité de Santé, Recommandations de bonne pratique – Troubles de la réfraction – Délivrance des verres correcteurs par les
opticiens dans le cadre d’un renouvellement, février 2010 ;
Société française de pédiatrie, Direction générale de la santé – Ministère de la santé et des sports, Dépistage des troubles visuels chez
l’enfant, 2009 ;
Consultation des sites www.hoya.fr, www.essilor.fr, www.bausch.fr.
GfK, Note regards, données à fin mars 2012. Les pourcentages sont exprimés en volume.
17
La part des verres plus « techniques » dans les ventes
finales, c’est à dire les verres progressifs notamment, ne
Unifocaux
Progressifs
65%
23%
cesse de croître, alors que celle des autres verres a décru.
62%
62%
30%
34%
- 3 points
+11 points
200620072008
Figure 4 – Evolution des ventes de verres 38
> Les verres correcteurs, des produits très
différenciés
Les verres sont des « dispositifs médicaux », tels que définis par la directive n°93/42/CEE du 14 juin 1993 39 : il s’agit
de « tout instrument, appareil, équipement, matière,
produit, à l’exception des produits d’origine humaine, ou
tout autre article utilisé seul ou en association, destiné
par le fabricant à être utilisé chez l’homme à des fins
38
39
40
médicales (…) », selon l’article L.5211-1 du code de la
santé publique. A ce titre, ils doivent donc répondre à des
normes particulières 40.
Les verres peuvent être minéraux ou organiques, chacune
de ces catégories acceptant des déclinaisons diverses.
Ils sont ensuite traités et complétés afin de donner des
verres correcteurs, comme l’indique la Figure 5.
D’après Essilor, Situation de l’optique en France en 2011. Directive 93/42/CEE du Conseil du 14 juin 1993 relative aux dispositifs médicaux. Normes NF EN IS 8980 – 1 et -2 : 2004 ; -3 et -5 : 2005 ; -4 : 2000 ; NF EN ISO 14889 : 2003.
18
revêtement anti salissure
couche antireflet
couche durcissante
matériau de base
Figure 5 - La composition d’un verre ophtalmique organique
La qualité des verres varie donc fortement. C’est d’ailleurs
un argument de vente majeur pour les fabricants. Outre
la géométrie (unifocal, progressif, etc.) et leur matière, les
verres peuvent subir un certain nombre de traitements
comme les antireflets (dont plusieurs gammes existent),
la résistance aux rayures, l’absence de sensibilité aux
traces, à l’eau (verres « hydrophobes »), des teintes…
Certaines marques bénéficient d’une image très positive
auprès des consommateurs qui les valorisent fortement.
C’est le cas, par exemple, de la marque « Varilux » d’Essilor ou de Zeiss qui se spécialise dans le verre « haut de
gamme » 41.
L’innovation joue dès lors un rôle particulièrement fort
et dynamique dans cette industrie puisqu’elle permet
41
42
43
44
45
46
47
à chaque producteur de se différencier, proposant des
produits toujours améliorés aux consommateurs. Essilor, qui place l’innovation au cœur de sa stratégie 42, a
d’ailleurs été distinguée en 2012 par le magazine Forbes
comme étant la vingt-cinquième compagnie la plus innovante au monde 43 : elle aurait environ 500 chercheurs
et dépenserait plus de 150 millions d’euros annuels en
recherche et développement 44. Au total, Essilor réaliserait plus de la moitié de son chiffre d’affaires grâce à des
produits lancés il y a moins de trois ans 45. En 2012, le
groupe a ainsi présenté ses verres Optifog, qui ont fait
l’objet d’un lancement mondial « en grande pompe », film
« viral » sur Youtube 46 et site internet dédié 47 à l’appui.
Ouest France, Carl Zeiss tourné vers les verres haut de gamme, 26 avril 2011.
Le Figaro,
Essilor voit grand avec ses verres antibuée, 27 août 2011 ;
Investir, Essilor Intl. en passe de contrôler plus d’un tiers du marché de l’optique, 4 août 2011.
Forbes, The World’s Most Innovative Companies, classement disponible en ligne.
Le Figaro, Essilor voit grand avec ses verres antibuée, 27 août 2011.
Le Figaro, Essilor voit grand avec ses verres antibuée, 27 août 2011.
Stratégies, Herezie pour Essilor International, 12 avril 2012.
www.optifog.com.
19
La différenciation est une strataire des produits de santé
tégie essentielle des produc(« Afssaps ») précisait ainsi
teurs, qui cherchent d’ailleurs
que « les lunettes prémontées
à l’accroître, comme en témoidestinées à apporter une aide
gnait en 2011 le directeur du
lors de travaux minutieux
marketing stratégique d’Essinécessitant un grossissement
lor, lorsqu’il expliquait que
ne sont pas des dispositifs
« la création d’une nouvelle
médicaux car elles ne sont
Figure 6 - Campagne de publicité Optifog / Essilor
catégorie de verres est l’un de
pas destinées à être utilisées
nos deux leviers de croissance
chez l’homme à des fins médi(…) », l’autre consistant « à personnaliser les catégories cales au regard des articles L.5211-1 et R.5211-1 du code
existantes, par exemple pour des usages spécifiques, de la santé publique » 50.
comme le travail sur l’ordinateur » 48.
Les lunettes prémontées sont généralement vendues à
Ces derniers verres s’inscrivent dans une catégorie de des prix beaucoup moins élevés que les lunettes de vue. A
verres qui répondent à des besoins identifiés particu- la fin des années 1990, leur commercialisation en dehors
liers : lunettes d’ordinateurs, lunettes de piano, lunettes des seuls points de vente des opticiens-lunetiers avait
loupes (ou demi-lunes), etc. L’ensemble de ces lunettes été au cœur de tensions polémiques entre les différents
« prémontées » permettent d’apporter un confort à leur distributeurs 51, finalement tranchées par la Cour de
utilisateur : les lunettes d’ordinateur permettent ainsi aux cassation. Celle-ci a jugé que le monopole de vente des optiyeux de faire une meilleure mise au point sur un écran ciens s’entendait de manière stricte et ne portait donc pas sur
qui est généralement à distance plus grande de l’œil que ces produits 52 . Les lunettes prémontées sont donc en vente
ne le serait un texte imprimé 49. Ces produits ne sont pas « partout (points de vente d’optique, pharmacies, grandes
des corrections. L’Agence française de sécurité sani- surfaces, et même à la sauvette) » 53.
48
49
50
51
52
53
Le Figaro, Essilor voit grand avec ses verres antibuée, 27 août 2011.
Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail, Lunettes d’ordinateur, consultation du site internet.
Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, Liste des positionnements réglementaires et des qualifications de
DM et DMDIV, version du 1er décembre 2011. Libération, Les opticiens lorgnent sur les lunettes loupes. Ils disputent aux pharmaciens le marché de l’optique prête à porter, 26 mars 1997.
Cour de cassation, arrêt du 25 février 2003.
Conseil national de la consommation, Rapport du Conseil national de la consommation relatif à l’optique médicale, 1998
20
> Les montures
Les montures de lunettes sont la structure qui porte les
verres. Il s’agit d’accessoires de dispositifs médicaux. Au
titre de l’article L.5211-19 du code de la santé publique,
elles sont traitées de la même manière 54 et répondent
elles aussi à des normes définies 55. Elles se répartissent
entre des montures pour hommes, femmes, enfants,
montures unisexes et les autres.
La norme ISO 12870 encadre la conception des montures
(pour que la monture « soit conçue de manière à permettre
un positionnement en toute sécurité »), l’usage des matériaux (qui doivent être suffisamment stables et résistants), la masse des montures (qui ne doit pas excéder
32 grammes), la surface de contact et la symétrie de la
monture.
Le marketing de la commercialisation des paires de
lunettes ne se limite cependant pas à cet aspect purement technique et médical. Les paires de lunettes ne
sont plus seulement présentées comme des « accessoires
de dispositifs médicaux » mais pour une partie comme
de réels produits de consommation « de luxe ». Cette
tendance vers le luxe est une stratégie recherchée par de
nombreux distributeurs. En novembre 2012, Optic 2000
a ainsi lancé une campagne autour de la personne de Karl
Lagerfeld 56, faisant des lunettes des produits « de luxe »
relativement abordables 57.
En outre, pour l’ensemble des montures, il faut relever l’existence de marques dites « haut de gamme »,
qui correspondent aux griffes des grands parfumeurs,
couturiers, bijoutiers (Chanel, Dior, etc.) ou de certaines
marques ayant percé dans le domaine sportif (Carrera
dans le ski par exemple), généralement sous licence 58.
54
55
56
57
58
59
60
61
62
Les montures de ces griffes se sont répandues beaucoup plus largement que certains autres produits, dans
une dynamique de « banalisation » ou de « démocratisation » du luxe. Ainsi, « autrefois réservés à un cercle
plutôt restreint de consommateurs, les produits de luxe
- du moins certains d’entre eux - font désormais partie
sinon du quotidien de chacun, du moins sont à la portée
de nombreux clients. Plusieurs sondages montrent par
exemple que de plus en plus de consommateurs déclarent
posséder au moins un « élément » de luxe : lunettes de
soleil griffées, sac à main, foulard, ceinture... ou consommer un tel produit : parfum, eau de toilette, vin... Il s’agit
alors d’achats « plaisir » faits à l’occasion d’évènements
marquants et les possibilités d’accès à ce segment restent
ouvertes à un nombre appréciable de consommateurs » 59.
Il n’est dès lors pas évident que les consommateurs
distinguent réellement ces produits dits « de luxe ».
Surtout ils peuvent aisément trouver des substituts à ces
montures « de luxe » auprès d’autres produits. C’est d’ailleurs ce raisonnement qui avait conduit le Conseil de la
concurrence à conclure qu’« il n’existe pas de séparation
étanche entre les deux marchés, d’autant que l’opticien
détaillant propose, en général, une gamme de produits
assez large quant aux prix » 60.
> Les lentilles oculaires de contact
Les lentilles de contact sont des dispositifs médicaux 61
qui corrigent l’ensemble des défauts visuels en se plaçant
directement sur la cornée de l’œil. Elles sont « issues
d’une haute technologie, associant de nombreuses disciplines : optique, chimie, mécanique, physique, pharmacie
et médecine dans leur conception et leur fabrication »62.
Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, Questions / Réponses – Liste des positionnements réglementaires et
des qualifications de DM et DMDIV, version du 13 septembre 2012.
Normes NF EN IS 12870 : 2005 (ISO 12870 : 2004 + corrigendum Nov04.
http://karl-lagerfeld.optic2000.com/.
Interview de Didier Papaz, Optic 2000, le 14 novembre 2012 sur BFM Business.
Conseil de la concurrence, décision n°02-D-36 du 14 juin 2002 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la distribution des
lunettes d’optique sur le marché de l’agglomération lyonnaise.
Jacqueline Socquet-Clerc Lafont, Le luxe : production et services, Conseil économique, social et environnemental, 2008.
Conseil de la concurrence, décision n°02-D-36 du 14 juin 2002 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la distribution des
lunettes d’optique sur le marché de l’agglomération lyonnaise.
Consultation du site du Syffoc www.syffoc.org.
Conseil national de la consommation, Rapport du Conseil national de la consommation relatif à l’optique médicale, 1998
21
Il en existe plusieurs types 63. Elles sont composées en
hydrogel et/ou en silicone-hydrogel 64 : en 2011, un peu
plus de 56 % des lentilles vendues étaient en hydrogel
(contre 61 % en 2010) et environ 44 % en silicone-hydrogel (contre 39 % en 2010) 65.
Les lentilles souples hydrophiles sont classées en trois
catégories : les jetables journalières, les lentilles à renouvellement fréquent et les lentilles traditionnelles qui sont
renouvelées tous les ans. Ces dernières représentent près
de la moitié des lentilles vendues en 2010 et 2011 66. Les
lentilles rigides perméables au gaz sont renouvelées tous
les ans ou tous les deux ans.
Certaines lentilles peuvent être utilisées à des fins cosmétiques (lentilles colorées etc.).
Cette diversité des produits a permis d’accroître fortement le choix des consommateurs, donnant une nouvelle
dynamique au marché, comme le relevait la Federal Trade
Commission aux Etats-Unis par exemple 67.
% du chiffre d’affaires 2011
(millions d’euros)
Lentilles rigides4,1
Lentilles souples
4,1
Lentilles mensuelles multifocales
8,3
Lentilles mensuelles toriques18,2
Lentilles mensuelles sphériques41
Lentilles journalières non colorées21
Lentilles journalières colorées< 1
Lentilles mensuelles colorées3
Figure 7 – Chiffres d’affaires par segment dans le secteur des lentilles de contact 68
63
64
65
66
67
68
Société française d’ophtalmologie, Fiche d’information n°63, 2009.
Consultation du site Bausch + Lomb www.bausch.fr.
GfK, Note regards, données à fin mars 2012. Les pourcentages sont exprimés en volume.
GfK, Note regards, données à fin mars 2012. Les pourcentages sont exprimés en volume.
FTC, Possible Anticompetitive Barriers to E-Commerce : Contact Lenses, mars 2004.
GfK, Note regards, données à fin septembre 2012. Le SYFFOC propose des chiffres différents.
22
1.1.2. Les autres produits d’optique hors dispositifs médicaux
> Les lunettes de soleil
Les solaires (ou lunettes de soleil) « protègent les yeux de
l’éblouissement, du rayonnement ultra-violet, limitant les
risques de vieillissement de la cornée, le développement
de la cataracte et de certaines maladies rétiniennes » 69.
Les solaires sont soumises à une réglementation d’origine
communautaire 70, établie par les articles R.322-27 à R.32238 du code du sport relatifs à la prévention des risques résultant des « équipements de protection individuelle » (EPI) pour
la pratique sportive ou de loisirs. A ce titre, elles doivent
être marquées du signe « CE » et être accompagnées d’une
notice d’information. Les lunettes de soleil sont classées
selon leur protection sur une échelle de 0 à 4, définie par la
norme AFNOR NF EN 1836.
Les lunettes de soleil sont commercialisées à travers des
canaux de distribution beaucoup plus larges et variés que
les lunettes de vue : le consommateur peut les acquérir
auprès des opticiens, mais aussi en pharmacie, dans les
grandes surfaces (alimentaires ou spécialisées, notamment dans la distribution d’articles de sport) ainsi que
dans divers points de vente (stations balnéaires, stations
de ski, etc.). Ainsi, « le service apporté par l’opticien est
secondaire, ce qui explique que les ventes de lunettes
solaires par la grande distribution occupent une place
très importante. La part des ventes de lunettes solaires
par les opticiens demeure marginale (…). Autre différence significative, l’acquisition de lunettes solaires peut
correspondre à un achat d’impulsion, avec un impact plus
important de la notion de marque et de mode » 71.
La vente de ces produits est clairement cyclique, liée à la
météorologie et aux loisirs, comme l’illustre la Figure 8
ci-dessous. En 2011, 41 % des ventes étaient des solaires
destinées à un public féminin, 25 % à un public masculin
et 25 % étaient des solaires « unisexe » 72. Environ 79,4
% de ces produits concernaient des paires d’un montant
supérieur à 100 euros.
80
70
60
50
40
30
20
10
12
m
ar
s-
12
fe
v.
-
12
nv
.ja
-1
1
dé
c.
11
no
v.
-
11
.oc
t
-1
1
t.
se
p
ao
ût
-1
1
-1
1
il.
ju
ju
in
-1
1
1
m
ai
-1
11
r.av
m
ar
s-
11
0
Figure 8 - Ventes de solaires en millions d’euros sur un an 73
69
70
71
72
73
DGCCRF, Les lunettes de soleil, fiche en ligne en date d’avril 2012.
Directive n°89/686/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux
équipements de protection individuelle.
Conseil de la concurrence, décision n°02-D-36 du 14 juin 2002 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la distribution des
lunettes d’optique sur le marché de l’agglomération lyonnaise.
GFK, Note regards, données à fin mars 2012. Les pourcentages sont exprimés en volume. GFK, Note regards, données à fin mars 2012. Les pourcentages sont exprimés en volume.
23
> Les produits d’entretien des lentilles de contact
Les lentilles de contact doivent faire l’objet d’un entretien
régulier qui nécessite des produits particuliers. Diverses
solutions existent qui constituent le segment des produits
d’entretien : désinfection des lentilles souples (62,3 % du
segment), système oxydant (20 %), solution enzymatique
(4,6 %), désinfection des lentilles rigides (7,4 %), solution
nettoyante (1,1 %), solution de rinçage (3,4 %), solution de
confort (1,3 %) 74.
Leur distribution n’est pas réservée aux pharmacies.
Comme le relevait la Cour de cassation dans son rapport
annuel de 2007, « le monopole de la distribution phar-
maceutique connaît quelques dérogations dont la plus
importante concerne les produits destinés à l’entretien
des lentilles de contact » 75. Le code de la santé publique
permet en effet aux opticiens-lunetiers de les commercialiser aussi 76.
> Autres produits divers
Pour être complet, il convient de mentionner comme
autres produits les lunettes de sport, qui sont dévolues à
la pratique sportive, ainsi qu’un ensemble d’autres accessoires pratiques ou cosmétiques qui accompagnent les
produits d’optique répertoriés ci dessus.
1.1.3. Les prix moyens des différents produits proposés sur le marché de
l’optique français
Entre janvier et septembre 2012, les ventes des différents produits se sont réparties comme l’indique la Figure 9.
Millions d’unités vendues
(janv/sept. 2012)
Verres de correction26
Lentilles109,7
Montures optiques8,3
Montures solaires4,2
Produits d’entretien6,9
Figure 9 – Unités vendues entre janvier et septembre 2012 77
74
75
76
77
L’Opticien lunetier, Les chiffres clés 2007, n°622, mai 2008.
Cour de cassation, La santé dans la jurisprudence de la Cour de cassation, Rapport annuel 2007.
Article L.4211-4 du code de la santé publique portant dérogation aux dispositions de l’article L.4211-1 du même code.
GfK, Note regards, données à fin septembre 2012.
24
Les prix moyens constatés par l’institut GfK indiquent
qu’entre janvier et septembre 2012, le prix moyen des
verres de correction était de 94,1 euros, ce qui est très
similaire à ce que l’institut avait relevé pour le premier
trimestre 2011. La Figure 10 le montre pour l’ensemble
des produits.
Prix moyen (en euros)
janv/sept 2011
Verres de correction
janv/sept 2012
93,394,1
Lentilles 2,42,4
Montures optiques
125,6121,4
Montures solaires
98,398,2
Figure 10 – Prix moyens constatés entre les mois de janvier et septembre 2011 et 2012 78
1.2. En amont : organisation et acteurs
de la production
Le marché de l’optique peut être approché en deux
segments essentiels : l’amont, c’est à dire le niveau de
production des dispositifs d’optique, et l’aval, c’est à
dire le secteur de la distribution. Concernant l’amont, les
acteurs, dominés par certains opérateurs (1.2.1.) interviennent sur différents types de produits, spécialement
les montures (1.2.2.) et les verres correcteurs (1.2.3.).
Le Conseil de la concurrence a distingué « au stade de la
production, deux activités distinctes et complémentaires :
l’activité de fabrication des verres et lentilles de contact
d’un côté ; l’activité de fabrication des montures et des
lunettes solaires et de protection de l’autre » 79.
78
79
80
81
L’essentiel de l’activité en France se concentre sur les
verres, « catégorie de produit qui a généré plus des trois
quarts des facturations des industriels en 2009 (hors
lentilles) » 80. Les verres correcteurs multifocaux représentent environ 70 % de la facturation. Les acteurs se
segmentent par type de produit. Les adhérents du Syndicat des fabricants et fournisseurs d’optique de contact
(SYFFOC) 81 fabriquent ainsi tous des lentilles et/ou des
produits d’entretien pour lentilles, mais seul un parmi
eux fabrique aussi des verres de lunettes. De la même
manière, si Hoya et Zeiss fabriquent à la fois des verres
et des lentilles, ce n’est pas le cas d’Essilor.
GfK, Note regards, données à fin septembre 2012.
Conseil de la concurrence, décision n°02-D-36 du 14 juin 2002 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la distribution des
lunettes d’optique sur le marché de l’agglomération lyonnaise.
Xerfi, Lunettes (fabrication), 2011.
Soit les groupes Alcon, A.m.o*, Bausch&Lomb, CibaVision, Coopervision, Europtic*, Horus Pharma, Johnson&Johnson, Vision Care – L.c.s,
2M Contact*, Mark’ennovy Personnalized Care, Menicon, Ophtalmic, Precilens ; * ces groupes ne sont pas concernés, n’ayant pas de site
internet disponible à la date de la recherche.
25
3,4 Lunettes solaires
%
Montures 18,3%
Lunettes
correctrices 2,9%
75,4% Verres
ophtalmiques
Figure 11 - Facturations industrielles d’optique-lunetterie en 2009 82
1.2.1. Un marché atomisé mais dominé par quelques très gros acteurs
> Un marché atomisé entre de nombreux acteurs
Le marché amont est un marché très atomisé qui
comprend de nombreux acteurs. Ainsi, en 2010, le secteur
comprenait environ 364 établissements, soit environ 170
établissements de moins qu’en 2000. Environ 60 % des
entreprises du secteur étaient des très petites entreprises
82
83
Xerfi, Lunettes (fabrication), 2011.
Xerfi, Lunettes (fabrication), 2011.
26
(TPE), c’est à dire ayant moins de dix salariés, et plus de
90 % avaient moins de 50 salariés. En 2010, le secteur
employait environ 8 200 salariés, soit près de 4 000 de
moins qu’en 2000. Environ 65 % d’entre eux travaillaient
dans une entreprise de plus de 50 salariés 83.
Etablissements unités
%
Effectifs
unités
%
De 1 à 9 salariés 22361,37739,4
De 10 à 49 salariés10929,92 12926
De 50 à 99 salariés164,41 08113,2
De 100 à 199 salariés61,68109,9
Plus de 200 salariés102,834041,5
Total3641008 201100
Figure 12 – La structure des établissements et des effectifs du marché amont 84
> Un marché dominé par quelques acteurs et
des suiveurs lointains
En réalité, l’essentiel du marché s’organise autour de
quelques acteurs principaux qui réalisent la majeure
partie de la production 85 : Essilor pour les verres et
Luxottica pour les montures. La dispersion du secteur
est donc trompeuse : comme l’a récemment relevé l’Autorité de la concurrence pour le segment des verres, « cette
atomicité explique pour partie la relative fragilité du tissu
industriel ainsi que sa double polarisation, entre d’un
côté les établissements les plus petits menacés par la
concurrence des pays à faible coût de main d’œuvre et
de l’autre, la réussite du leader mondial de la fabrication
de verres, Essilor, du fait notamment de sa spécialisation
sur des produits innovants » 86.
1.2.2. La fabrication de montures, un quart du secteur de l’optique
> Un segment qui compte pour un quart du
secteur de l’optique, dominé par une entreprise
italienne
Le marché de la fabrication de montures comprend à la
fois la production de montures et celle des lunettes de
soleil, la plupart des acteurs étant présents sur les deux
84
85
activités. Il représentait environ 1,83 milliard d’euros
en France en 2010, soit environ 25 % des ventes finales
d’optique-lunetterie 87 (et 9 % pour les ventes de solaires).
Ce marché est dominé au niveau mondial par le groupe
italien Luxottica et son challenger Saffilo (filiale du
groupe néerlandais Hal). Ces producteurs sont présents
Xerfi, Lunettes (fabrication), 2011.
Autorité
de la concurrence, avis n°10-A-11 du 7 juin 2010 relatif au conseil interprofessionnel de l’optique.
Autorité de la concurrence, avis n°09-A-32 du 26 juin 2009 relatif à un accord dérogatoire aux délais de paiement dans le secteur de
l’optique
lunetterie ;
Conseil de la concurrence, décision n°01-D-45 du 19 juillet 2001 relative à une saisine présentée par la société Casino France.
86 Autorité de la concurrence, avis n°10-A-11 du 7 juin 2010 relatif au conseil interprofessionnel de l’optique.
87 GfK, Marché de l’optique : un marché français résistant en 2010 malgré une baisse du chiffre d’affaires par point de vente, 2011.
27
sur le marché français où ils concurrencent une filière
française principalement composée de très petites et
moyennes entreprises 88.
Dans ce secteur, les entreprises opèrent selon deux
modèles :
− soit elles possèdent leurs propres marques et gèrent à la
fois le design et la production ; et/ou
− soit elles exploitent des licences, c’est à dire qu’elles
ne prennent en charge que la production, pour le compte
d’autres griffes, selon un cahier des charges précis.
Luxottica est de loin le leader mondial du secteur avec un
chiffre d’affaires supérieur à 6,2 milliards d’euros 89, alors
que son principal concurrent, Safilo, réalise un chiffre
d’affaires de 1,1 milliard d’euros 90.
> Luxottica
Fondé en 1961, Luxottica emploie plus de 65 000
personnes et distribue ses montures dans plus de 130
pays 91. Le chiffre d’affaires du groupe est de 6,2 milliards
d’euros en 2011, en progression constante depuis au
moins 2007 (il était alors de 4,9 milliards d’euros).
Le groupe poursuit depuis les années 1970 une stratégie d’intégration verticale : il assure ainsi la conception
(design), la production et la distribution de ses produits,
la vente en gros auprès de distributeurs indépendants et
la vente au détail directement aux consommateurs finals
à travers plusieurs enseignes d’optique.
Au sein du groupe, la conception se caractérise par la
détention de marques « en propre » et les nombreux
contrats de licence dont il bénéficie. Luxottica possède
ses marques, qui représentent 60 % des ventes (unités)
depuis 2007 : c’est le cas, notamment, des marques RayBan, Oakley, Persol ou Vogue qui bénéficient toutes d’une
image positive et clairement identifiée auprès du public,
qui en fait des leaders sur le marché. Luxottica a également signé de nombreux accords de licences avec des
88
Xerfi, Lunettes (fabrication), 2011.
89
Luxottica, Luxottica Annual Report 2011, 2012.
stylistes et griffes de luxe pour la production et la distribution de leurs produits : parmi ces accords se retrouvent
des marques phares très identifiées et bénéficiant d’une
notoriété mondiale, telles que Chanel, Paul Smith, Polo
Ralph Lauren, Bulgari, Burberry, Versace, Dolce Gabbana,
Prada, etc.
En 2011, Luxottica a produit 64,5 millions de montures et
lunettes de soleil. Cette production se réalise principalement autour de deux plateformes : l’une en Italie pour les
produits haut de gamme et l’autre en Chine (à l’exception
des verres Oakley fabriqués en Californie).
En matière de distribution, Luxottica est présent à la fois
au niveau du marché de gros et du marché au détail. Le
groupe détient 40 grossistes qui assurent le relai vers les
réseaux de distribution, ainsi que son propre réseau de
7 042 points de vente, qui réalisent 60 % de son chiffre
d’affaires. Il exploite à ce titre les enseignes Lenscrafters
et Pearle Vision, qui sont des acteurs majeurs du marché
nord-américain, ainsi que le leader de la distribution de
lunettes de soleil Sunglass Hut. Encore peu présent dans
la distribution au détail en Europe, Luxottica entend s’y
développer prochainement : il a ainsi acquis en 2012
le fabricant Alain Mikli International, qui exploite les
licences Philippe Starck, est l’actionnaire majoritaire
de Vuarnet et détient trente-huit points de vente dans
le monde 92. Le groupe envisagerait d’investir dans l’enseigne italienne Salmoiraghi & Vigano qui possède plus
de 500 points de vente dans la péninsule 93.
> Safilo
Safilo, maison plus ancienne (1934) est le principal
concurrent de Luxottica 94 et revendique une position
de leader sur les produits dits « premium ». Le groupe
réalise un chiffre d’affaires de 1,1 milliard d’euros, soit
cinq fois inférieur à Luxottica.
Safilo est détenu à 42,2 % par le groupe néerlandais Hal,
90
Safilo, Annual Report 2011, 2012.
91
Sauf indications contraires, les informations suivantes sont tirés soit du rapport annuel (Luxottica, Luxottica Annual Report 2011, 2012) soit
du site internet (www.luxottica.com) de Luxottica.
92
Le Figaro, Le propriétaire de Ray-Ban s’offre les lunettes de Philippe Stark, 3 novembre 2012 ;
L’Opticien lunetier, Luxottica a payé 90 millions d’euros pour Mikli, 3 décembre 2012.
93
Les Echos, Après le rachat du français Alain Mikli, Luxottica vise la chaîne Salmoiraghi & Vigano en Italie, 5 novembre 2012.
94
Sauf indications contraires, les informations suivantes sont tirées soit du rapport annuel (Safilo, Annual report 2011, 2012) soit du site
internet (www.safilo.com) de Safilo.
28
spécialisé dans la prise de participation dans des entreprises du secteur de l’optique. Ce groupe d’investissement contrôle aussi GrandVision (4 477 points de vente),
GrandOptical ou la Générale d’Optique en France 95 et
réalise un chiffre d’affaires de 3,8 milliards d’euros sur
ce secteur.
Le groupe Safilo poursuit lui aussi une stratégie d’intégration verticale, depuis la conception jusqu’à la distribution.
En matière de conception, Safilo détient neuf marques
en propre, comme Carrera ou Smith Optics, et exploite 27
licences dont Dior ou Hugo Boss. Depuis 2012, le groupe
opère une restructuration de son portefeuille à travers l’ac-
quistion de Polaroid Eyewear et après la perte des licences
Armani, Diesel et Valentino 96.
La production de Safilo se réalise à 40 % dans ses usines
(trois en Italie, une en Chine, en Slovénie et aux EtatsUnis), le reste étant sous-traité principalement en Asie.
Enfin, Safilo organise lui-même la distribution de ses
produits, à travers un canal grossiste très largement majoritaire (93 % de la distribution) mais aussi, de manière plus
marginale, à travers l’enseigne Solstice qui se positionne
sur le segment du luxe et détient 150 points de vente aux
Etats-Unis.
> Luxottica / Safilo, éléments de comparaison
6
5
5,2
4
3,5
3
2
1
0
1,15
Safilo
Hal
Luxottica
Figure 13 – Chiffre d’affaires 2008 en milliards d’euros des groupes Safilo / Hal et Luxottica 97
95
Hal, Annual report 2011, 2012.
96
Acuité, Safilo : « nous allons nous concentrer sur les marques pertinentes », 10 octobre 2012.
97
Acuité, Luxottica – Hal Holding – Safilo : l’état des forces en présence, 20 octobre 2009.
29
100%
90%
80%
78%
60%
22%
40%
Safilo / Hal
Luxottica
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
fabrication
distribution
Figure 14 – Répartition des chiffres d’affaires des groupes Safilo / Hal et Luxottica entre la distribution et la fabrication, en pourcentage
7 000
6 000
6 216
5 000
4 000
3 930
3 000
2 000
1 000
0
275
Safilo
Hal
Luxottica
Figure 15 – Nombre de points de vente des groupes Safilo / Hal et Luxottica en 2009 99
98
Acuité, Luxottica – Hal Holding – Safilo : l’état des forces en présence, 20 octobre 2009.
99
Acuité, Luxottica – Hal Holding – Safilo : l’état des forces en présence, 20 octobre 2009. 30
98
Luxottica
Hal
Safilo
0
1 000
2 000
3 000
4 000
5 000
États-Unis
6 000
Europe
Figure 16 – Répartition géographique des points de vente des groupes Safilo / Hal et Luxottica en 2009 100
> Un marché français largement importateur
Le marché français importait 58 % des montures en 2010.
Il existe néanmoins des petites et moyennes entreprises
qui réalisent une production nationale, notamment dans le
Jura, même si leur nombre a baissé de 30 % depuis 2000 101.
Parmi ces entreprises, il faut relever la présence de la
Manufacture Cartier Lunettes, filiale du groupe Richemont, qui a réalisé en 2010 un chiffre d’affaires de 20,6
millions d’euros, bien inférieur aux principaux acteurs
du secteur. Le groupe L’Amy, par ailleurs, qui a réalisé en
2009 un chiffre d’affaires de 55 millions d’euros, exploite
les licences Columbia, Chloé ou Nina Ricci.
1.2.3. La fabrication de verres : un segment qui absorbe les trois quarts de la
valeur globale du secteur, dominé très largement par Essilor
Le segment des verres représente près des trois quarts
du secteur. Il est largement dominé par Essilor.
> ESSILOR
Essilor 102, leader mondial de la fabrication de verres 103,
intervient :
i) dans la production et la distribution de verres correcteurs,
ii) la production et la distribution de lunettes « readers »
(prémontées) et iii) la production et la distribution d’équipement de production de verres.
Présentation
La chaîne de production des verres Essilor est intégrée.
Comme le montre la Figure 17, Essilor possède des usines
(dix-huit au total) qui produisent soit des verres finis ou
semi-finis (dans cette dernière hypothèse seule la face
avant est systématiquement surfacée et polie), qui sont
par la suite envoyés vers les centres de distribution ou
les laboratoires de prescription pour le traitement de la
seconde face. Les opticiens se fournissent auprès de ces
100
Acuité, Luxottica – Hal Holding – Safilo : l’état des forces en présence, 20 octobre 2009.
101
Xerfi, Lunettes (fabrication), 2011
102
103
Le groupe existe sous ce nom depuis 1972.
Xerfi, Essilor – dynamique du groupe et de ses activités, environnement concurrentiel et perspectives stratégiques, 2012.
31
centres et laboratoires.
La production de verres d’Essilor propose une gamme très
large puisque le groupe est présent sur l’ensemble des
corrections ainsi que sur les verres solaires. Ses princi-
pales marques, qui bénéficient d’une notoriété certaine,
sont Varilux (pour les verres progressifs), Crizal ou Optifog
(verres antibuée).
USINES
CENTRES
DE
DISTRIBUTION
LABORATOIRES
DE
PRESCRIPTION
OPTICIENS
Figure 17 – La chaîne de production intégrée d’Essilor 104
La division « Readers » du groupe produit à la fois des
lunettes « de lecture » (prémontées) et des lunettes de
soleil. Elle illustre bien la stratégie de diversification et
d’intégration verticale d’Essilor. Le groupe s’est lancé sur
le marché des lunettes de lecture en 2010 avec le rachat
de FGX International105, qui a acquis son principal concurrent Stylemark en 2011, ainsi que les producteurs Polinelli
en Italie et Sight Station au Royaume-Uni. Cette stratégie
permet à Essilor de disposer de très importantes capacités
de production et de marques nombreuses et connues dans
le secteur des lunettes prémontées.
Quant à la division « équipements », elle permet à Essilor,
104
grâce au rachat de l’équipementier Satisloh en 2008, de
proposer des machines de surfaçage et d’antireflet ainsi
que des chaînes de production intégrées pour les laboratoires ou autres fabricants de verres 106.
Chiffres clés
En 2011, le groupe a réalisé un chiffre d’affaires mondial
de 4,19 milliards d’euros, dont 90,6 % dans le secteur des
verres et matériel optique 107. L’entreprise se révèle particulièrement dynamique puisqu’en 2006 son chiffre d’affaires n’était « que » de 2,69 milliards d’euros.
Site internet d’Essilor www.essilor.com.
105
Le Figaro, Essilor : importante acquisition aux Etats-Unis, 16 décembre 2009.
106
L’Usine nouvelle, Essilor rachète Satisloh, une équipementier de laboratoire, 16 août 2008.
107
Essilor, Rapport d’activité 2011, 2012.
32
Equipements
Readers
4,4
5% %
90,6% Verres et
matériels
optiques
Figure 18 – Chiffre d’affaires d’Essilor par activité
Stratégie
Essilor semble aujourd’hui poursuivre une double stratégie d’expansion.
La première est celle du développement international, les
nouvelles acquisitions du groupe étant plutôt orientées
vers d’autres zones que l’Europe (35 % du chiffre d’affaires)
et l’Amérique du Nord (36 % du chiffre d’affaires) où le
groupe est déjà très bien implanté : à titre d’exemple, en
2011-2012, Essilor s’est implanté dans cinq nouveaux pays
(République Dominicaine, Maroc, Tunisie, Kenya et Arabie
Saoudite).
La seconde orientation stratégique d’Essilor, comme les
développements ci-dessus l’ont relevé, consiste à accroitre
les domaines d’intervention et de compétences du groupe.
Celui-ci a récemment mis l’accent sur les divisions
« readers » et « équipements », qui ont crû respectivement
de 20,2 % et 11,8 % en 2011 109, dans un objectif de diversification de sa production, visant apparemment à couvrir
108
108
l’ensemble de la gamme des produits « lunettes ».
Dans une volonté de différenciation par l’innovation, le
groupe concentre par ailleurs ses efforts sur la recherche
et l’innovation, auxquelles il a consacré 150 millions d’euros en 2011. Le directeur marketing stratégique d’Essilor
explique ainsi que « la création d’une nouvelle catégorie
de verres est l’un de nos deux leviers de croissance (…) »,
l’autre consistant « à personnaliser les catégories existantes, par exemple pour des usages spécifiques, comme
le travail sur l’ordinateur » 110.
L’ensemble de ces développements relève d’un renforcement de la stratégie d’intégration verticale du groupe, à la
fois en amont (division équipements, acquisition d’usine
– Shamir Optical en 2011 111 –, etc.) et en aval (acquisition
de laboratoires et centres de prescription, comme Imperial
Eyewear).
Essilor, Rapport d’activité 2011, 2012.
109
Essilor, Rapport d’activité 2011, 2012.
110
Le Figaro, Essilor voit grand avec ses verres antibuée, 27 août 2011.
111
Xerfi, Lunettes (fabrication), 2011.
33
> ZEISS
Présentation
Le groupe allemand Zeiss est spécialisé dans plusieurs
domaines, dont i) les semi-conducteurs (33 % du chiffre
d’affaires), ii) les produits ophtalmiques (20 %), iii) l’imagerie médicale (20 %), iv) les microscopes (10 %), v) les appareils de mesures industrielles (9 %) et vi) la business unit
« consumer optics » qui regroupe les objectifs d’appareils
photographiques et l’optique du sport (8 %) 112. La division
« Vision care » est celle qui produit des verres.
Chiffres clés
Le chiffre d’affaires du groupe, qui a plus que doublé en
trois ans (+102 % environ), a atteint 4,24 milliards d’euros
en 2010 – 2011 113. La division « Vision Care » a réalisé un
chiffre d’affaires de 849 millions d’euros en 2010 – 2011.
En 2011, la société Carl Zeiss Vision a réalisé en France un
chiffre d’affaires de 85 millions d’euros 114 et ses produits
étaient distribués dans 2 800 points de vente 115.
900
890
880
870
860
850
840
830
820
2006-2007
2007-2008
2008-2009
2009-2010
2010-2011
Figure 19 – Chiffre d’affaires de la division « Vision care » de Zeiss en millions d’euros 116
Stratégie
Le groupe Zeiss poursuit, comme ses deux principaux
concurrents, une stratégie d’intégration verticale. Dans la
production de verre, il est ainsi présent à la fois au niveau
de la production et la distribution de ses produits. A titre
d’exemple, en France, il détient trois sites : un site de
production de verres à Fougères, qui est son deuxième site
de production le plus important ; à Aubergenville, qui est
un site spécialisé dans le montage des verres ; et à Paris,
où se trouvent le siège social et la distribution. Au niveau
mondial, cette intégration se traduit par la présence du
groupe dans plus de 30 pays, avec 33 usines de production
et 50 sites de distribution (dont 27 en Europe) 117.
Afin d’entamer les parts de marché d’Essilor, le groupe Zeiss
semble s’orienter vers une stratégie « haut de gamme »,
en proposant des produits plus performants (comme des
verres à teinte « automatique ») et en mettant en avant, en
France, le label « 100 % made in France » 118.
112
Zeiss, Annual report 2011. Chiffre d’affaires de l’activité vision care.
113
Zeiss, Annual report 2011. Chiffre d’affaires de l’activité vision care.
114
Ouest-France, Carl Zeiss croit aux verres de lunettes bretons, 18 février 2012.
115
Ouest-France, Carl Zeiss tourné vers les verres haut de gamme, 26 avril 2011.
116
Zeiss, Annual report 2011. Chiffre d’affaires de l’activité vision care.
117
Zeiss, Annual report 2011. Chiffre d’affaires de l’activité vision care.
118
Ouest-France, Carl Zeiss tourné vers les verres haut de gamme, 26 avril 2011 ;
Ouest-France, Carl Zeiss croit aux verres de lunettes bretons, 18 février 2012.
34
> HOYA
Présentation
L’activité du groupe Hoya s’organise autour de deux pôles,
l’un dédié à l’imagerie et l’électronique et l’autre à la santé
et au médical, qui se consacre notamment à la production
et la distribution de verres et lentilles ophtalmiques.
La production de verres ophtalmiques, qui représente 25 %
du chiffre d’affaires total du groupe 119, est assurée dans
ses usines avant que les produits ne soient envoyés dans ses
laboratoires de prescription puis distribués aux opticiens 120,
soit indirectement par des centrales d’achat soit directement (notamment par le canal Internet). Le groupe Hoya
produit aussi des lentilles de contact, qu’il distribue pour
partie dans ses 180 points de vente Eyecity au Japon 121.
Chiffres clés
S’il est l’un des principaux concurrents du groupe Essilor,
Hoya réalise cependant un chiffre d’affaires inférieur,
d’environ 1,03 milliard d’euros (dont un quart pour la
production de verres ophtalmiques).
Stratégie
Hoya poursuit sa stratégie d’expansion internationale, en
se tournant vers les marchés émergents (+20 % d’activité
en 2011) mais aussi sur ceux où le groupe est déjà bien
implanté. Le groupe, qui réalise déjà 45 % de ses ventes
de verres en Europe (le continent constitue son premier
marché) souhaite concurrencer Essilor sur ce continent en
passant de 16 % de part de marché aujourd’hui à 20 % en
2015 122 (en France, Hoya représenterait 13 % de parts de
marché). Pour y parvenir, Hoya met l’accent sur l’élargissement de son offre de produits et propose ainsi des verres
d’entrée de gamme, dans un contexte de concentration des
grandes chaînes de distribution.
1.3. En aval : les principaux canaux de
distribution d’optique en France
Le segment aval du marché de l’optique en France, reposant sur la profession d’opticien (1.3.1.), s’appuie sur
plusieurs enseignes, opérant par le biais de boutiques
(1.3.2.) ou du canal de distribution Internet (1.3.2.).
1.3.1. Le métier d’opticien
> Présentation générale
La profession d’ « opticien-lunetier » est une profession dont l’exercice est encadré par le code de la santé
publique qui pose un certain nombre de contraintes
réglementaires (article L.4362-1 et suivants).
Il est nécessaire, pour l’exercer, de détenir un brevet de
technicien supérieur (BTS) opticien-lunetier (BTSOL), qui
s’obtient à l’issue d’une formation en deux ans, ou un
brevet professionnel d’opticien-lunetier (article L.4362-2
119
du code de la santé publique). Les opticiens-lunetiers
sont soumis à une obligation linguistique et à celle de
connaître les « systèmes de poids et mesures utilisés en
France » (article L.4362-8 du code de la santé publique).
En outre, l’opticien doit « se faire enregistrer auprès du
service ou de l’organisme désigné », c’est-à-dire auprès
de la Direction départementale de l’assistance sanitaire
et sociale (DDASS) ou de la Caisse régionale d’assurance
maladie notamment. Un opticien ne peut être enregistré
que dans un seul département.
Les Echos, Hoya : le rival d’Essilor a l’Europe en ligne de mire, 9 juin 2011.
120
Les Echos, Optique : l’usine thaïlandaise d’Hoya à Ayutthaya va redémarrer en avril, 25 janvier 2012.
121
Hoya, Annual report 2011 : onwards and upwards, 2011.
122
Les Echos, Hoya : le rival d’Essilor a l’Europe en ligne de mire, 9 juin 2011.
35
Seuls les détenteurs d’un diplôme d’opticien-lunetier sont
habilités à ouvrir un point de vente, puisque « les établissements commerciaux dont l’objet principal est l’optiquelunetterie, leurs succursales et les rayons d’optiquelunetterie des points de vente ne peuvent être dirigés ou
gérés que par une personne remplissant les conditions
requises pour l’exercice de la profession d’opticien-lunetier » (article L.4362-9 du code de la santé publique).
Si la discussion du projet de loi renforçant les droits, la
protection et l’information des consommateurs, en 2011,
avait un temps envisagé de lever cette restriction, le
texte final n’a pas retenu cette option. La jurisprudence
communautaire a pourtant déjà eu l’occasion de rappeler
qu’une législation nationale (grecque en l’occurrence) ne
pouvait réserver la gestion ni la direction d’un magasin
d’optique-lunetterie aux seules personnes titulaires d’un
diplôme d’opticien 123.
> Démographie de la profession en France
La population d’étudiants en optique n’a cessé de croître
depuis les dernières années, passant ainsi de 1 175 diplômés en 2004 à 2 480 en 2011, soit une augmentation de
plus de 110 %. De la même manière, le nombre de praticiens est passé de 15 141 en 2004 à 23 307 en 2010, soit
une augmentation supérieure à 50 % 124.
20042010/2011
Diplômés du BTS opticien-lunetier
1 175
2 480
Opticiens occupés actifs15 14123 307
Figure 20 – Nombre de diplômés et d’opticiens en activité en 2004 et 2010/2011 125
123
Cour de justice de l’Union européenne, arrêt du 21 avril 2005, Commission contre Grèce Aff. C-140/03.
La Cour conclut qu’ « en adoptant et en maintenant en vigueur la loi n° 971/79 et la loi n° 2646/98, développement du système
national de soins sociaux et autres dispositions, qui subordonnent la possibilité pour une personne morale d’ouvrir un magasin
d’optique en Grèce aux conditions : (i) que l’autorisation de créer et d’exploiter le magasin d’optique soit délivrée au nom d’un opticien
personne physique agréé, que la personne qui possède l’autorisation d’exploiter le magasin participe à raison de 50 % au moins au
capital de la société ainsi qu’à ses bénéfices et pertes, que la société ait la forme d’une société en nom collectif ou d’une société en
commandite, et (ii) que l’opticien en cause fasse partie de tout au plus une autre société propriétaire d’un magasin d’optique à la
condition que l’autorisation de créer et d’exploiter le magasin soit délivrée au nom d’un autre opticien agréé, la République hellénique
a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 43 CE et 48 CE ».
124
Xerfi, Optique (distribution), septembre 2011.
125
Ipsos – Mutualité française, Les Français et l’optique, septembre 2012.
36
3 000
2 500
2 000
1 500
1 000
500
0
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
Figure 21 – Evolution du nombre de jeunes diplômés au BTSOL entre 2004 et 2011 126
25 000
20 000
15 000
Opticiens actifs occupés
Opticiens demandeurs d’emploi
10 000
5 000
0
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Figure 22 – Évolution conjointe du nombre d’opticiens actifs occupés et du nombre d’opticiens demandeurs d’emploi entre 2004 et 2011
126
Xerfi, Optique (distribution), septembre 2011.
127
Xerfi, Optique (distribution), septembre 2011.
127
37
1.3.2. Les points de vente « en dur » de produits d’optique en France
> Présentation générale
En septembre 2012, la France comptait 11 422 points
de vente d’optique 128, sensiblement plus qu’en 2000
puisqu’à l’époque il y avait 7 800 points de vente 129.
Les points de vente comptent en moyenne 2,5 personnes
(gérants inclus) 130, en décrue continue depuis 2004
(3,3 personnes cette année là) 131. Le chiffre d’affaires
moyen par personne serait d’environ 151 560 euros 132. En
moyenne, un opticien est propriétaire de 1,58 points de
vente en 2010 (contre 1,65 en 2002) 133.
La superficie moyenne des points de vente s’étale entre
20 et 120 m2 pour 85 % des points de vente 134.
> Eléments financiers des points de vente
d’optique
L’ouverture d’un point de vente d’optique coûte environ
403 000 euros, l’essentiel de ce montant étant constitué
par l’achat du fonds de commerce (61 %).
euros
%
Fonds de commerce
245 00061
Agencement
90 50022
Stock
30 5008
Atelier
28 0007
Informatique
7 5002
Publicité
1 5000
Total
403 000100
Figure 23 – Coût d’ouverture d’un point de vente d’optique par poste, en euros et en pourcentage du total 135
128
GfK, Note regards, données à fin mars 2012.
129
Xerfi, Optique (distribution), septembre 2011.
130
Bien vu, Créer, reprendre un point de vente, 12 mois pour s’installer, Hors série 2010-2011.
131
Bien vu, L’observatoire de l’optique, Hors série 2010.
132
Bien vu, L’observatoire de l’optique, Hors série 2010.
133
Xerfi, Optique (distribution), septembre 2011.
134
INSEE, Fiche sectorielle de l’enquête annuelle d’entreprise dans le commerce 2006, Activité de détail et activités assimilées 524T optique,
photographie.
135
Xerfi, Optique (distribution), septembre 2011.
38
L’accès aux principaux réseaux est évidemment soumis
à un certain nombre de critères, dont des droits d’entrée
qui s’étalent entre 8 000 et 50 000 euros pour les principaux réseaux.
Droits d’entrée
Droits
Redevances
Durée du contrat
Afflelou
50 000
4,14
/
3
Générale d’optique
15 000
4
6
5
Grand optical
25 000
3,5 à 4,5
7,5
5
Lissac opticien
12 500
2,25
4
5
Lynx optique
12 000
/
3
5
Optical Center
15 000
10
/
9
(euros)
( % CA)
publicitaires
( % CA)
(années)
Figure 24 – Conditions d’entrée dans les principaux réseaux 136
Le baromètre des ventes et cessions de fonds de commerce
analysant les annonces publiées au Bulletin officiel des
annonces civiles et commerciales (Bodacc) du 1er janvier
2008 au 31 décembre 2011 relevait qu’en 2011, le prix
moyen des ventes et cessions de fonds de commerce en
France était très légèrement supérieur à 187 900 euros 137
(puis à 179 000 euros au premier semestre 2011 138).
Il constatait que « c’est le commerce de soins de la
personne qui conserve les niveaux de prix les plus élevés
avec des transactions qui se maintiennent aux environs
de 300 000 euros dans l’optique et au-delà de 1,2 million
d’euros pour les pharmacies ». Au premier semestre 2011,
les points de vente d’optique étaient les quatrièmes fonds
les plus chers (286 000 euros), derrière les pharmacies
(1,2 million d’euros en moyenne), les terrains de camping
(378 000 euros en moyenne) et les hôtels (333 000 euros
en moyenne) 139.
En 2009, le chiffre d’affaires moyen par point de vente
était de 720 000 euros pour les points de vente relevant
de l’exploitation par des enseignes et de 370 000 euros
136
Bien vu, Parcours de l’entrepreneur, Hors série 2007, cité dans Union de la profession comptable et des organismes de gestion agréée,
Analyse sectorielle TPE : optique, 2011.
137
Premier ministre – direction de l’information légale et administrative, Bodacc.fr, Altares, Baromètre ventes et cessions des fonds de
commerce (bâtiment, commerce, industrie ou services) – annonces publiées au Bodacc du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2011, 2012.
138
Altares, Malgré la crise, les fonds de commerce se vendent bien, septembre 2011.
139
Premier ministre – direction de l’information légale et administrative, Bodacc.fr, Altares, Ventes et cessions des fonds de commerce
(bâtiment, commerce, industrie ou services) – annonces publiées sur le premier semestre 2011, 2011.
39
pour celles relevant des centrales 140. Au total, en 2012,
le chiffre d’affaires moyen pour l’ensemble des points
de vente était approximativement de 501 000 euros 141.
Selon une étude de l’Union de la profession comptable et
des organismes de gestion agréés « le métier d’opticien
figure parmi les professions commerciales les plus rémunérées en France » 142.
Impôts et Amortissements
4%
taxes 2%
1% Coûts
Cotisations
financiers
sociales 7%
Charges de
personnel 13%
Achats 37%
20% Résultat
courant
16% Frais
généraux
Figure 25 – Répartition du chiffre d’affaires moyen d’un point de vente d’optique en 2009 143
> Les principales enseignes (généralités)
Les points de vente d’optique se répartissent en plusieurs
catégories.
Un peu plus de la moitié de ces points de vente (55 %)
sont des indépendants, dont l’approvisionnement se fait
à travers des centrales d’achat ou de référencement. Les
principales centrales sont Alliance Optique, La Centrale
des opticiens, Optalor, Luz, Rev 144.
140
Xerfi, Optique (distribution), septembre 2011 ;
L’étude précitée de Bien Vu (2010) retient cependant un chiffre d’affaires moyen de 374 682 euros environ.
141
GfK, Note regards, données à fin mars 2012.
142
Union de la profession comptable et des organismes de gestion agréés, Analyse sectorielle TPE : optique, 2011.
143
Bien vu, L’observatoire de l’optique, Hors série 2010.
144
Union de la profession comptable et des organismes de gestion agréés, Analyse sectorielle TPE : optique, 2011.
40
Enseignes
Centrales
55 %
Enseignes
45 %
dont Groupements coopératifs
25 %
Franchises
10 %
Mutualistes
5%
Succursales
5%
Figure 26 – Répartition des points de vente d’optique par catégorie 145
Les autres points de vente (45 %) sont exploités sous
enseignes franchisées, détenus en propre par la tête
de réseau (des « succursalistes » 146) ou relevant des
réseaux mutualistes ou de groupements coopératifs 147.
Certains relèvent exceptionnellement de la catégorie
des « superoptiques », qui sont « caractérisés par de très
grandes superficies de vente, sur le modèle des grandes
surfaces. Ces points de vente appartiennent à des investisseurs financiers souvent issus de la grande distribution » 148. Les chaines détenant des succursales bénéficient généralement d’une offre de produits large et de
145
services rapides et efficaces. Les franchisés exploitent
leurs points de vente sous l’enseigne du réseau de tête,
auquel ils sont liés par contrat. Les groupements coopératifs fonctionnent sur la base d’une adhésion des opticiens, les membres étant à la fois les actionnaires et les
clients de ces sociétés. Enfin, les réseaux mutualistes
se démarquent par le lien qu’ils entretiennent avec des
complémentaires de santé, facilitant la prise en charge
des consommateurs. Leur intention est clairement de se
développer, les mutuelles espérant ainsi mieux maîtriser
leurs dépenses.
Xerfi, Optique (distribution), septembre 2011.
146
Conseil de la concurrence, décision n°01-D-45 du 19 juillet 2001 relative à une saisine présentée par la société Casino France.
147
Union de la profession comptable et des organismes de gestion agréés, Analyse sectorielle TPE : optique, 2011.
148
Conseil de la concurrence, avis n°99-A-17 du 17 novembre 1999 relatif à la mise en œuvre de remboursements différenciés en matière
d’optique et à la question de la communication des conventions signées entre mutuelles et opticiens.
41
La proposition de loi visant à permettre aux mutuelles de mettre en place des réseaux de soins a été adoptée
en première lecture par les députés le 28 novembre 2012 149.
L’établissement d’un réseau de soins conduit les organismes complémentaires d’assurance maladie (« OCAM »)
à proposer un meilleur remboursement à leurs adhérents si ceux-ci se rendent chez des praticiens agréés (par
les OCAM). Ces réseaux sont particulièrement présents dans l’optique, le dentaire et les prothèses auditives, où
les OCAM assurent la plus grande partie de la prise en charge.
L’objectif de la proposition de loi est « de permettre aux mutuelles de jouer pleinement leur rôle de régulateur
du secteur en leur donnant la possibilité d’être des acteurs de la négociation entre l’offre et la demande de
soins. En ce sens, cette proposition de loi vise donc à acter la possibilité pour les mutuelles d’instaurer des
différences dans le niveau des prestations lorsque l’assuré choisit de recourir à un professionnel de santé, un
établissement de santé ou un service de santé membre d’un réseau de soins ou avec lequel les mutuelles ont
conclu un contrat comportant des obligations en matière d’offre de soins ».
Elle vise en outre à élargir l’accès aux soins, que permettrait une diminution du reste à charge pour le patient
(de 40 % en 2 ans selon la MGEN) 150 et d’une meilleure maîtrise des coûts des mutuelles. Ces réseaux devraient
mieux satisfaire les consommateurs, estiment les promoteurs du projet : 81 % des acheteurs de lunettes auprès
d’un opticien membre d’un réseau se déclareraient satisfaits, contre 71 % de satisfaits pour l’ensemble des
porteurs de lunettes 151.
Le texte, qui fait toujours l’objet de critiques, a été amendé pour rappeler que « la convention ne peut
comprendre aucune stipulation portant atteinte au droit fondamental de chaque patient au libre choix du
professionnel, de l’établissement ou du service de santé » 152. Un récent sondage confirme d’ailleurs l’attachement des consommateurs à leur liberté de choix puisque la part des consommateurs informés de l’existence
d’un réseau mais ayant tout de même choisi un praticien « hors réseau » est passée de 19 % à 39 % entre 2010
et 2012. Ainsi, 57 % des personnes interrogées préfèrent pouvoir choisir n’importe quel opticien même si cela
implique un remboursement 20 % supérieur 153.
Figure 27 – Proposition de loi visant à permettre aux mutuelles de mettre en place des réseaux de soins, 16 octobre 2012
149
Assemblée nationale, Proposition de loi visant à permettre aux mutuelles de mettre en place des réseaux de soins, n°296, 16 octobre 2012.
150
Le Figaro, Pourquoi les réseaux de soins suscitent la polémique ? 28 novembre 2012.
151
La Tribune, Qui dit vrai sur les réseaux de soins ? 27 novembre 2012.
152
La Tribune, Les réseaux de soins des mutuelles seront-ils limités à l’optique et au dentaire ? 21 novembre 2012.
153
La Tribune, Qui dit vrai sur les réseaux de soins ? 27 novembre 2012.
42
Chaines
Franchises
Groupements
coopératifs
Mutuelles
Optical Center
Afflelou
Atol
Les opticiens
mutualistes
Grand Optical
Grand Optical
Krys
Générale d’optique
Générale d’Optique
Optic 2000
Lissac
Lissac
Vision originale
Total
Lynx
Vision Plus
Figure 28 – Principales enseignes par catégorie 154
Les points de vente sous enseigne réalisent cependant 62 % du chiffre d’affaires du secteur, contre 38 % pour les
centrales 155.
EnseignesCentrales
Nombre de têtes de réseau
25
11
Points de vente
6 000
7 100
Chiffre d’affaires total (milliards d'euros)
4,3
2,6
Chiffre d’affaires moyen par point de vente
720
370
(milliers d'euros)
Figure 29 – Exploitation des points de vente d’optique par les centrales et les enseignes 156
Le marché a par ailleurs vu apparaître des points de vente dits « low-cost » (dont la Générale d’optique), dont le développement est encore en plein essor et donc difficile à évaluer correctement 157.
154
Xerfi, Optique (distribution), septembre 2011.
155
Xerfi, Optique (distribution), septembre 2011.
156
Xerfi, Optique (distribution), septembre 2011.
157
Union de la profession comptable et des organismes de gestion agréés, Analyse sectorielle TPE : optique, 2011.
43
> Les principales enseignes, détail par enseigne
GUILDINVEST (« GROUPE KRYS »)
Le groupe Guildinvest est un groupe d’achat, généralement plus connu pour son enseigne Krys, bien qu’il
regroupe aussi les enseignes VisionPlus, Lun’s (spécialisée dans l’optique low-cost) et Lynx Optique. Il compte
800 collaborateurs et plus de 1 350 points de vente 158,
dont 98 % sont situés en France 159.
Krys, créé en 1967, est un groupement coopératif d’opticiens, qui s’organise autour d’une centrale d’achat européenne, Garro (plus de 5 500 points de vente, dont ceux
de l’italien Kentral et de l’espagnol Cione 160 ), créée pour
contrebalancer le pouvoir du fournisseur Luxottica.
L’objectif du groupe Krys est de proposer aux opticiens
adhérents quatre enseignes qui couvrent l’ensemble des
gammes, notamment depuis l’ouverture de son enseigne
« low cost » (Lun’s). Son enseigne la plus connue est
évidemment Krys, qui réalisait en 2009 un chiffre d’affaires de 650 millions d’euros. La marque a une forte
notoriété, entretenue par des campagnes de publicité
très médiatiques, faisant appel à des personnalités
bien connues du grand public (Alain Delon, Jane Birkin,
Lambert Wilson, etc.)
Figure 30 – Campagne de publicité Krys (2011) 161
Figure 31 – Campagne de publicité Krys (2012) 162
158
Consultation du site www.krys-group.com.
159
Les Echos, Krys a fait mieux que le marché de l’optique en 2010, 16 mars 2011.
160
Les Echos, Alliance au sommet pour les numéros de l’optique français, italien et espagnol, 22 mars 2010.
161
LSA, Krys met en scène Alain Delon et quatre autres stars, 4 novembre 2011.
162
Consultation du site www.krys.com.
44
Le groupe propose aussi une offre en ligne, avec un site
qui reprend les modèles des grands distributeurs (type
« FNAC » ou « Darty »). Le passage en point de vente est
cependant nécessaire pour les réglages finaux 163.
Le groupe Krys détient par ailleurs la centrale d’achat
« Centrale des opticiens » (ou « CDO »), à destination d’opticiens indépendants qui représente près de 2 000 points
de vente. CDO réaliserait un chiffre d’affaires d’environ 9,5
millions d’euros 164.
1964
Création des « grands lunetiers de France »
1967
Création de Krys
1982
Création de Vision Plus
2002
Acquisition CDO
2003
Acquisition de Lynx Optique
2005
Création de la centrale d’achat Garro
2008
Création de Lun’s
Figure 32 – Dates clés du groupe Krys 165
Chiffres d’affaires
(millions d’euros)
Points de vente
Guildinvest
905
1 350
Krys
650
846
Vision Plus
118
330
Lynx Optique
90
132
Lun’s
25
CDO
9,2
1 983
Figure 33 – Chiffres clés du groupe Krys 166
163
Les Echos, Des lunettes bien Net, 1er septembre 2011.
164
Xerfi, Optique (distribution), septembre 2011.
165
Consultation du site www.krys-group.com, à l’exception de CDO.
Acuité, Guildinvest : un chiffre d’affaires de 704 millions d’euros en 2003, 20 avril 2004.
166
Pour Guildinvest et CDO, chiffre d’affaires 2010 : Xerfi, Optique (distribution), septembre 2011 ;
Pour les autres, chiffres d’affaires 2009 : Les Echos, Krys Group se réorganise et développe une enseigne low cost, 23 septembre 2010.
45
OPTIC 2000
Le groupe Optic 2000 est l’un des leaders de la distribution d’optique en France avec ses enseignes Optic 2000
et Lissac, acquise en 2005.
Si une partie des points de vente utilise l’enseigne Optic
2000 et que d’autres, plus minoritaires, ne le font pas, ils
s’approvisionnent tous auprès de la centrale d’achat Gadol
qui s’occupe de la distribution et de la communication
des points de vente indépendants 167. Le groupe fonctionne
ainsi comme une coopérative au
sein de laquelle chaque adhérent
à une voix. Toutefois, le groupe
de tête du réseau semble avoir
une grande influence puisqu’il détermine la politique de
la marque qu’il possède, de l’agencement des points de
vente etc. 168.
La communication du groupe est particulièrement offensive
et il est d’ailleurs l’un des premiers annonceurs du secteur
de l’optique : les investissements publicitaires représenteraient plus de 3 % de son chiffre d’affaires 169 . Jusqu’en 2012,
c’est le chanteur Johnny Hallyday
qui assurait la promotion de la
marque, dans des publicités
connues du grand public 170.
Figure 34 – Campagne de publicité Optic 2000
Depuis l’acquisition de Lissac, le groupe développe
des points de vente en franchise et semble chercher de
nouveaux relais de croissance, notamment sur le marché
des prothèses auditives (Audio 2000) et du haut de gamme
que représente l’enseigne Lissac 171.
A ce jour, Optic 2000 offre la possibilité d’essayer des
montures en ligne et de les réserver.
167
Les Echos, L’optique : secteur précurseur de l’avenir de la franchise, 13 novembre 2009.
168
Consultation du site www.optic2000.com.
169
Xerfi, Optique (distribution), septembre 2011.
170
Le Figaro, Johnny Hallyday – Optic 2000 : les vraies raisons du divorce, 24 mai 2012.
171
Le Figaro, Optic 2000 mise sur Lissac et Audio 2000, 27 septembre 2012.
46
1962
Création du « groupement d’achats des opticiens lunetiers »
1969
Création d’Optic 2000
1999
Création d’Audio 2000
2005
Acquisition de Lissac
Figure 35 – Dates clés du groupe Optic 2000 172
Groupe Optic 2000
Chiffres d’affaires
(millions d’euros)
Points de vente
1 018
1 581
110
200
(ensemble du réseau)
Lissac
Figure 36 – Chiffres clés du groupe Optic 2000 173
172
Consultation du site www.optic2000.com.
173
Xerfi, Optique (distribution), septembre 2011.
47
GROUPE ALL (ALLIANCE OPTIQUE)
Alliance Optique est récent, puisqu’il est né en 2010 d’un
rapprochement entre Alliance Optique et REV. Ce groupe,
qui se présente comme le premier groupement d’opticiens
indépendants (sans franchise ni unique enseigne), est une
centrale d’achat qui offre à ses 1 830 adhérents (soit 1 670
points de vente en France) des services et un accompagne-
ment large (formation, communication, etc.) 174. Le groupe
semble accorder une plus grande liberté à ses membres
qui répondent moins à une politique commerciale unique.
Il leur offre cependant la possibilité d’adopter l’enseigne
« Les opticiens libres » 175.
Le groupe n’est pas présent dans la vente en ligne.
1998
Création d’Alliance Optique
2010
Création du groupe All par acquisition du contrôle de REV
Figure 37 – Dates clés du groupe All
Groupe ALL (France)
176
Chiffres d’affaires
(millions d’euros)
Points de vente
653
1 670
Figure 38 – Chiffres clés du groupe All 177
174
Consultation du site www.allianceoptique.fr.
175
Consultation du site www.groupeall.fr.
176
Acuité, Avec REV pour créer une force indépendante, 1er février 2010.
177
Xerfi, Optique (distribution), septembre 2011.
48
GROUPE HAL
possède plus de 4 600 points de vente à travers le monde
(dans une quarantaine de pays) 179 et se positionne comme
le leader européen et le numéro deux mondial de l’optique de détail 182.
Le groupe néerlandais Hal, qui est aussi l’actionnaire
principal de Safilo, détient le groupe GrandVision, issu
de la fusion en 2010 entre l’américain Pearle Europe et le
français GrandVision 178. Groupe international, GrandVision
Brilleland
Visual
Synoptik
SuperOptyk
Eyewish
13
12
20
11
10
20
09
+ Vision
08
07
20
06
20
05
20
04
20
03
Fototica
Lensmaster
20
02
20
01
20
00
Nissen
20
99
20
98
19
97
19
96
19
95
OpticalLux
Instrumentarium
Vision express
Lafam
Ofotért
I92OPS
Apolo
19
94
19
19
92
19
91
19
90
19
89
19
93
Générale
d’optique
Grand optical
19
Avanzi
Interoptik
20
Multioptical
Solaris
20
+ vision
Visilab
20
Pearle
RotterKrausss
Figure 39 – Principales acquisitions du groupe GrandVision 180
Son objectif global est de se positionner comme le principal concurrent de Luxoticca, à travers une stratégie
d’intégration verticale : Hal détient d’ailleurs, outre son
réseau de distribution de détail, le fabricant de monture
et principal concurrent du leader italien, Safilo.
GrandVision possède en France les enseignes Grand
Optical, Générale d’Optique et Solaris 181. Chacune des
enseignes possède des points de vente en propre mais
aussi exploités en franchise. L’objectif du groupe en
France est de proposer une offre complète avec des
enseignes couvrant l’ensemble de la gamme, depuis
l’entrée de gamme (avec Générale d’Optique) jusqu’au
haut de gamme (GrandOptical) en passant par le solaire
(Solaris) 183. A l’exception de Solaris, il semble que ces
enseignes n’offrent pas la possibilité d’effectuer d’achat
par Internet.
178
Hal Trust, Annual report 2011.
179
Xerfi, Optique (distribution), septembre 2011.
180
Consultation du site www.grandvision.com.
181
Consultation des sites www.generale-optique.com et www.grandvision.com.
182
Les Echos, GrandVision fusionne avec le néerlandais Pearle, 12 juillet 2010 ;
Consultation du site www.grandoptical.com.
183
Les Echos, GrandVision fusionne avec le néerlandais Pearle, 12 juillet 2010.
49
1989
Ouverture du premier point de vente Grand optical
1991
Ouverture du premier point de vente Général d’Optique
1993
Ouverture du premier point de vente Solaris
2003
Entrée de Hal au capital de GrandVision
2004
Rachat de Visual
2005
Acquisition de GrandVision par Hal
2007
Fusion avec Visual
2009
Acquisition de Safilo par Hal
2010
Fusion Pearle et GrandVision
2011
Regroupement des enseignes GrandOptical et
Générale d’Optique au sein de GrandVision France
Figure 40 – Dates clés du groupe GrandVision 184
Chiffres d’affaires
(millions d’euros)
Points de vente
dont franchisés
Générale d’optique
345
400
120
GrandOptical
284
200
115
Solaris
23
42
Figure 41 – Chiffres clés du groupe GrandVision 185
184
Consultation du site www.grandvision.com.
185
Xerfi, Optique (distribution), septembre 2011.
50
ALAIN AFFLELOU
Le groupe Alain Afflelou est l’un des principaux communicants dans le secteur de l’optique et bénéficie à ce titre
d’une forte notoriété auprès du grand public 186, notamment pour des offres comme « tchin tchin ». Son diri-
geant, Alain Afflelou, bénéficie lui-même d’une notoriété
certaine, étant régulièrement apparu dans les campagnes
de publicité du groupe.
Figure 42 – Page d’accueil du site www.alainafflelou.fr
Le groupe Afflelou poursuit une stratégie offensive de
différenciation par la marque, fondée sur une communication active autour d’innovations, promouvant régulièrement des offres promotionnelles nouvelles (« tchin tchin »,
« next year », …) présentant à la fois des prix attractifs et
des produits nouveaux.
En outre, le groupe poursuit une stratégie de diversification en proposant deux nouvelles enseignes :
— Claro Afflelou, qui se présente comme « un point de
Afflelou
vente d’optique où tout a été pensé pour vous simplifier
la vie », c’est-à-dire notamment que « vous connaissez le
prix de vos lunettes à l’avance et sans surprise » ;
— Afflelou acousticien, qui se spécialise dans l’offre auditive.
Le réseau Afflelou se développe par les franchises et une
forte présente à l’international puisque le groupe compte
56 points de vente en Belgique, Suisse et Maroc, 12 au
Portugal et 250 en Espagne (Afflelou Iberico).
Chiffres d’affaires
(millions d’euros)
Points de vente
606
722
Figure 43 – Chiffres clés du groupe Afflelou (France) 187
Le site du groupe Afflelou présente ses activités en ligne mais ne semble pas offrir la possibilité d’y réaliser des achats.
186
Xerfi, Optique (distribution), septembre 2011.
187
Xerfi, Optique (distribution), septembre 2011.
51
LES OPTICIENS MUTUALISTES
L’enseigne a été créée en 1999 par la Fédération nationale de la Mutualité française qui défend depuis l’organisation de réseaux de soins toujours plus structurés et
denses, notamment dans le secteur de l’optique. Regroupée avec un réseau d’audition mutualiste au sein de la
société Visaudio, elle regroupe 673 points de vente.
Le groupe profite de sa proximité avec les mutuelles (la
Fédération nationale de la Mutualité française regroupe
Les Opticiens Mutualistes
95 % des mutuelles 188) pour proposer de meilleurs
remboursements. Les Opticiens Mutualistes expliquent
ainsi que « la dispense d’avance de frais se fait sur la part
Sécurité sociale et sur la part complémentaire lorsque des
accords ont été signés avec les organismes concernés.
L’enseigne Les Opticiens Mutualistes propose un reste à
charge maîtrisé, la pratique du tiers payant, des offres
labellisées et un service après-vente performant » 189.
Chiffres d’affaires
(millions d’euros)
Points de vente
562
673
Figure 44 – Chiffres clés du groupe Les Opticiens Mutualistes (France) 190
Le groupe ne propose pas de produits sur internet.
ATOL
Le groupe Atol, connu pour ses publicités (faisant intervenir le chanteur « Antoine » ou la mannequin Adriana
Karembeu), développe deux enseignes : Atol et La
Centrale d’Optique. Atol fonctionne sur un modèle coopératif dans lequel les opticiens indépendants sont propriétaires des points de vente, Atol fournissant les produits et
Atol Les Opticiens
la marque notamment.
Atol met en avant des lunettes à des prix abordables, au
design relativement simple et organise sa communication autour d’une production « made in France » 191 . Son
site propose d’essayer des lunettes en ligne.
Chiffres d’affaires
(millions d’euros)
Points de vente
348
736
La Centrale d’Optique
10
Figure 45 – Chiffres clés du groupe Atol 192
188
Xerfi, Optique (distribution), septembre 2011.
189
Consultation du site www.lesopticiensmutualites.fr.
190
Xerfi, Optique (distribution), septembre 2011.
191
Le Figaro, Atol mise plus que jamais sur le made in France, 31 août 2011.
192
Xerfi, Optique (distribution), septembre 2011.
52
GROUPE SCHERTZ / LUZ
Ce groupe familial a acquis la centrale d’achats Luz en
2001, qui regroupe 1 100 points de vente. Il détient par
ailleurs l’enseigne Opticiens Maurice Frères qui a vingt
points de vente.
Chiffres d’affaires
(millions d’euros)
Points de vente
Opticiens Maurice Frères
15
20
Centrale Luz Optique
1 100
385
Figure 46 – Chiffres clés du groupe Schertz / Luz 193
SOC. COS. EUROPTIC
Cette centrale créée en 1978 compte 900 adhérents.
En octobre 2012, elle a été rachetée par la centrale COI
Soc. Cos. Europtic
Synoptis, elle-même issue d’un partenariat entre le GIE
Synoptis et Optic 2000 194.
Chiffres d’affaires
(millions d’euros)
Points de vente
308
880
Figure 47 – Chiffres clés du groupe Soc. Cos. Europtic 195
193
Xerfi, Optique (distribution), septembre 2011. 194
Acuité, Synoptis s’adosse au groupe Optic 2000 pour des conditions commerciales améliorées, 21 septembre 2012.
195
Xerfi, Optique (distribution), septembre 2011. 53
1.3.3. Les opticiens en ligne
> Présentation générale
Le marché de l’optique en ligne est un marché relativement récent en France, qui s’est développé surtout depuis
la fin des années 2000. Le premier site d’optique généraliste en ligne, Confort Visuel, a été créé en 2005 196 , le site
Happyview en 2009 197 , Sensee en 2011 198 .
La dimension exacte du canal de distribution en ligne
reste difficile à déterminer. Le chiffre le plus couramment avancé est qu’il représenterait entre 0,1 % et 1 % du
secteur 199 , estimé par GfK à 5,7 milliards d’euros 200 . L’institut semble d’ailleurs s’aligner sur l’hypothèse la plus
prudente, avec un chiffre d’affaires estimé pour l’optique
en ligne autour de 50 millions d’euros (environ 0,87%) 201 .
D’après le Gouvernement, le canal de l’optique en ligne
représentait cependant de 2 à 3 % du chiffre d’affaires de
la profession en 2008 202 . C’est bien inférieur à la part de
ce canal aux Etats-Unis, où la vente en ligne représenterait 10 % du secteur 203 . En Allemagne, la part de marché
de la distribution par Internet serait de 5 % au total 204 .
> Les principaux acteurs de l’optique en ligne
en France
Ce canal de distribution concerne les ventes de produits
d’optique à travers un site Internet. On peut y distinguer
les acteurs selon leur offre (lunettes de vue, lunettes de
196
197
198
199
200
201
202
203
204
205
206
207
54
soleil, lentilles de contact) ou selon leur modèle (pure player
ou réseau partenaire par exemple). Les acteurs qui jouent
un rôle prépondérant dans le développement de l’optique
en ligne sont aujourd’hui les sites « généralistes » qui
proposent l’ensemble de la gamme de produits, comme
Sensee ou Happyview.
Si ces acteurs ont développé des business models différents, avec ou sans lien avec des réseaux physiques, ils
ont pour leur très grande majorité adopté une stratégie
de concurrence par les prix vis-à-vis des opticiens traditionnels.
SENSEE
Créé par le fondateur de Meetic Marc Simonicini, le site
a été lancé après le rachat et le développement par l’entrepreneur du leader de la vente de lentilles de contact
en ligne Lunettesmoinschères.com avec pour objectif de
« diviser par deux la facture d’optique des Français » 205.
Sensee est un pure player et dispose d’un showroom à
Paris. Le site a connu une croissance très rapide entre
2010 et 2011 puisque son chiffre d’affaires est passé d’un
peu moins de 70 000 euros entre septembre et décembre
2010 à 4,3 millions d’euros un an plus tard 206.
Le site propose plus de 2 000 modèles, dont les prix
commencent à 39 euros 207 et vend des lunettes correctrices, des lunettes de soleil et des lentilles de contact.
Consultation du site www.confortvisuel.com.
Les Echos, Happyview.fr veut inciter les Français à acheter leurs lunettes en ligne, 17 février 2011.
Le Figaro, Le PDG de Meetic se lance dans les lunettes sur internet, 28 mars 2011.
Les Echos, La guerre des lunettes sur le web est déclarée, 15 novembre 2011 ;
Le Figaro, La vente d’optique en ligne suscite un vif débat, 16 juillet 2011 ;
e-commerce n°31, L’optique en ligne voit l’avenir en grand, 1er septembre 2011.
GfK, Note Regards Mars 2012, 2012
choisirseslunettes.com, Les 10 chiffres clés du marché de l’optique, 28 septembre 2011.
Secrétariat d’Etat chargé du commerce, de l’Artisanat, des Petites et Moyennes Entreprises, du Tourisme, des Services, des Professions
libérales et de la Consommation, Projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs – étude d’impact,
juin 2011.
Consultation du comparateur www.optico.net .
Le Figaro, La vente d’optique en ligne suscite un vif débat, 16 juillet 2011.
e-commerce n°31, L’optique en ligne voit l’avenir en grand, 1er septembre 2011.
BFM, « Alain Afflelou a raison, les lunettes sur internet ne seront pas un succès » estime Marc Simoncini, fondateur de Sensee.com,
26 juin 2012.
Infogreffes.
Consultation du site www.sensee.com.
Les verres sont fournis par « un verrier de renommée
mondiale parmi les leaders sur le marché européen ».
Les montures proposées sont issues de soixante marques
différentes 208.
HAPPYVIEW
Happyview a été créé en 2009 par Marc Adamowicz, qui a
travaillé chez Krys pendant 12 ans et en a dirigé le marketing 209. En 2011, le site est devenu le premier site dont
l’opticien a été agréé par la sécurité sociale et à signer un
accord avec 25 compagnies d’assurances appartenant au
groupe Santéclair (qui signait par la même occasion un
accord avec le site lentilles-moins-chères) 210. En octobre
2012, l’entreprise a acquis le spécialiste de la vente de
lentilles de contact en ligne malentille.com.
Comme Sensee, Happyview est un pure player. Il a cependant noué des partenariats avec une vingtaine d’opticiens en France qui peuvent effectuer les ajustements
nécessaires ou proposer des produits complémentaires,
mais pas les mêmes avantages commerciaux 211. Le site
a également mis en place un point de vente « témoin »
qui permet aux internautes de réaliser leurs mesures ou
ajustements « physiquement » s’ils le souhaitent 212.
Happyview.fr propose des lunettes de vue, des lunettes
de soleil et des lentilles de contact ainsi que des produits
d’audition. Le site visait un chiffre d’affaires de 1,8
million d’euros en 2010-2011 213 et aurait servi 15 000
clients en 2010 214.
208
209
210
211
212
213
214
215
216
217
218
219
220
221
222
Happyview.fr vend entre 70 et 90 paires de lunettes par
jour pour un panier moyen de 100 euros 215. Il propose
plus de 700 modèles et 16 marques de montures, dont
300 modèles en marque « propre » 216. Les verres sont
fabriqués « par un verrier français leader du secteur » 217.
DIRECT OPTIC
Fondé en 2008, le site Direct Optic vend ses produits
en ligne au même titre que Sensee et Happyview mais
a également choisi de mettre en place une chaine de
points de vente physiques qui proposent d’effectuer
gratuitement les mesures et les ajustements. Ils commercialisent aussi des lunettes dont les prix sont inférieurs de
10 à 20 % à ceux proposés dans les enseignes dites « traditionnelles » 218 .
L’entreprise a réalisé un chiffre d’affaires d’ 1,64 million
d’euros au 31 décembre 2010, pour un exercice de
16 mois 219.
Son site propose plus de 1 000 modèles, dont 500 à partir
de 39 euros 220. Les ventes de lunettes ont augmenté
de plusieurs centaines de lunettes par mois en 2009 à
plusieurs centaines par semaine en 2010 221.
OPTICIEN 24
Opticien 24 est la filiale française du groupe d’optique
en ligne allemand Brille 24, lancé en 2007 en Allemagne,
qui est un leader sur le marché européen avec 600 000
clients enregistrés sur les différents sites 222. Il a ainsi
Consultation du site www.sensee.com.
Les Echos, La guerre des lunettes sur le web est déclarée, 15 novembre 2011.
Le Figaro, Les assureurs santé s’intéressent aux opticiens en ligne, 22 avril 2011.
Consultation du site www.happyview.fr.
Capital, Happyview, l’art de percer sur un marché verrouillé, 24 janvier 2012.
La Tribune, Happyview.fr vise une ambitieuse levée de fonds, 9 juin 2011.
Le Parisien, Contrepoint : Marc Adamowicz, fondateur du site internet Happyview, 21 mai 2012.
Le Figaro, Les opticiens en ligne se mettent à la pub télé, 18 novembre 2011.
Capital, Happyview, l’art de percer sur un marché verrouillé, 24 janvier 2012.
Consultation du site www.happyview.fr.
Le Figaro, Batailles autour des lunettes sur internet, 22 janvier 2010.
Infogreffes.
Le Figaro, Batailles autour des lunettes sur internet, 22 janvier 2010.
Le Figaro, Batailles autour des lunettes sur internet, 22 janvier 2010.
Presseportal.de, Finanzierungsrunde für Brille24 : TIME unterstützt Wachstum des Online-Optikers mit bis zu 12 Millionen Euro,
6 septembre 2012.
55
vendu 220 000 lunettes en 2011 223, avec un prix d’appel
de 39,90 euros.
Lancé en 2011, le site diffuse peu d’information financière. Le site propose uniquement des lunettes, avec
un prix unique de 49 euros pour des verres unifocaux
et de 149 euros pour des verres progressifs sur ses 500
modèles 224. En revanche, le site n’offre pas de montures
de marque. Les verres progressifs « proviennent d’Allemagne » 225.
MISTERSPEX
Créé en 2008 en Allemagne, le site d’optique en ligne
Misterspex a créé une filiale française Misterspex France
en 2010.
Misterspex France propose de lunettes de vue, de soleil
ainsi que de lentilles de contact 226. Son offre s’appuie
principalement sur 5 000 modèles de marque, avec un
prix d’appel à 39 euros. Le groupe propose des verres
Carl Zeiss.
Il s’agit là aussi d’un pure player. En Allemagne cependant, pour permettre à ses clients d’essayer leurs lunettes,
le groupe Misterspex a développé des partenariats avec
plus de 260 opticiens, qui perçoivent une commission
sur le chiffre d’affaires ainsi généré 227.
Si les comptes de Misterspex France ne sont pas déposés
223
224
225
226
227
228
229
230
231
232
233
234
56
auprès du tribunal de commerce, les résultats du groupe
montrent une croissance très forte et un chiffre d’affaires
qui en fait l’un des leaders du marché européen, et le
10e opticien allemand 228. Le chiffre d’affaires du groupe
serait ainsi passé de 11 millions d’euros en 2010 à 17
millions d’euros en 2011 229. Il devrait atteindre un chiffre
d’affaires de 25 millions d’euros en 2012 selon son fondateur Dirk Graber et 400 000 clients enregistrés 230.
EASY-VERRES
Le site Easy-verres.com a été fondé en 2010 par Fadi
Farah et Jean Pollier. Il souhaite se développer sur un
modèle unique en son genre, inspiré de la vente de pneus
sur Internet : l’internaute achète séparément les verres et
la monture de son choix sur Internet, les produits lui étant
ensuite livrés gratuitement à domicile. Il lui faut ensuite
se rendre dans l’un des 650 opticiens « physiques » partenaires pour réaliser le montage et les ajustements, opérations qui ont déjà été réglées en ligne 231. Les résultats de
l’entreprise ne sont pas disponibles.
Easy-verres.com propose à ses clients des verres Sola
(filiale du groupe Zeiss) et Claire Vision 232, et « joue sur
la transparence de ses fournisseurs » 233. Le site propose
également plus de 400 modèles de marques plus ou
moins connues 234.
Presseportal.de, Finanzierungsrunde für Brille24 : TIME unterstützt Wachstum des Online-Optikers mit bis zu 12 Millionen Euro,
6 septembre 2012.
Consultation du site www.opticien24.fr.
Consultation du site www.opticien24.fr.
Consulation du site www.misterspex.fr.
Tagesspiegel, Online Brille kaufen anstatt in der Filiale : Durchblick aus dem Netz, 11 novembre 2012.
Tagesspiegel, Online Brille kaufen anstatt in der Filiale : Durchblick aus dem Netz, 11 novembre 2012
Deutsche-startups.de, Online-Handel mit Brillen ein Rückfall ins Mittelalter, 7 mai 2012.
Sächsische Zeitung, Auge um Auge, 17 novembre 2012.
L’entreprise.com, Easy-verres.com : l’e-opticien qui mise sur la transparence, 2 décembre 2010.
Le Figaro, Easy-verres.com invente les lunettes en kit sur internet, 25 mai 2010.
L’entreprise.com, Easy-verres.com : l’e-opticien qui mise sur la transparence, 2 décembre 2010.
Consulation du site www.easy-verres.com.
1.4. Les clients et consommateurs de produits
d’optique sur le marché français
1.4.1. Profils des consommateurs français de produits d’optique : une population
largement concernée
> Entre six et sept Français sur dix concernés
Le marché de la distribution comprend un très grand
nombre de consommateurs finals potentiels, puisqu’environ six Français sur dix (64 %) 235 portent des lunettes et
deux sur cent (2 %) des lentilles ; près de sept sur cent
portent même les deux (7 %). Seul un quart des Français
ne porte aucune correction, alors qu’au final plus de trois
sur quatre (73 %) en portent 236.
64%
26%
7%
2%
Lunettes
uniquement
Lentilles
correctrices
seulement
Lunettes et
Lentilles
Aucune
correction
Figure 48 – Proportion de Français portant des corrections 237
Ces statistiques semblent d’ailleurs être communes à
l’ensemble des pays développés. Ainsi, aux Etats-Unis,
environ 64 % de la population porterait des lunettes 238,
235
236
237
238
taux comparable à ce que l’on constate aussi en Espagne
ou au Royaume-Uni par exemple.
Ipsos – Mutualité française, Les Français et l’optique, septembre 2012. Ces évaluations confirment celles qu’indiquent i) le SYFFOC sur son
site internet, pour l’année 2002 : à l’époque environ 60 % des Français portaient des lunettes ; ii) un sondage réalisé pour HappyView en
2011, selon lequel 63 % des Français portent des lunettes.
Ipsos – Mutualité française, Les Français et l’optique, septembre 2012 ; ces évaluations confirment celles qu’indiquent le SYFFOC sur son
site internet, pour l’année 2002 : à l’époque environ 60 % des Français portaient des lunettes.
Ipsos – Mutualité française, Les Français et l’optique, septembre 2012.
Consultation du site www.glasscrafter.com.
57
%
porteurs de
lunettes
%
porteurs de
lentilles
%
porteurs de
correction
Espagne 239
60 %
Etats-Unis 240
64 %
11 %
75 %
France
64 %
9%
71 %
Royaume-Uni 241
61 %
7,2 %
68 %
Figure 49 – Part de la population portant des corrections
Les porteurs de lunettes sont, dans leur majorité (55 %),
des femmes. Leur âge est supérieur à la moyenne nationale
puisque près de la moitié (48 %) a plus de 55 ans, contre
37 % dans l’ensemble de la société française. Ils sont d’ailleurs retraités pour plus du tiers d’entre eux (35 %, contre
27 % en moyenne en France).
> Les consommateurs par type de défaut visuel
S’il n’existe aucune étude permettant de connaître de
239
240
241
242
58
manière précise la répartition et la fréquence des
troubles visuels parmi les Français, la Haute Autorité de
Santé, se reposant sur une étude du Syndicat National des
Ophtalmologistes de France (SNOF) retient cependant les
statistiques suivantes 242 :
— myopes : 29 % de la population ;
— astigmates : 15 % de la population ;
— hypermétropes : 9 % de la population ; et
— presbytes : 26 % à 36 % de la population.
Instituto nacional de estadistica, Utilizacion de gafas o lentillas segun sexo y grupo de edad. Poblacion de 16 y mas anos, 2009.
Consultation du site www.glasscrafter.com.
Optical Confederation, Optics at a Glance 2011, décembre 2011.
Haute Autorité de Santé, Recommandations de bonne pratique – Troubles de la réfraction – Délivrance des verres corecteurs
par les opticiens dans le cadre d’un renouvellement, février 2010.
1.4.2. Les motivations de l’acte d’achat à l’heure d’une dépense optique
> La dimension financière, déterminante dans la
motivation de l’acte d’achat
Parmi les critères déterminant l’achat, le sondage Ipsos
pour la Mutualité française de septembre 2012 révèle que
les aspects financiers sont primordiaux 243 .
Rapport qualité /
prix des montures
Tiers payant
93%
92%
Rapport qualité /
prix des verres
94%
Montant du
remboursement
94%
Figure 50 - Proportion des critères financiers jugés très ou assez importants lorsque les consommateurs se rendent chez un opticien 244
L’attention portée aux prix par les consommateurs se
révèle à travers divers comportements préalables à l’achat.
Par exemple, près de quatre acheteurs sur dix (37 %)
établissent des comparaisons de prix avant de consommer 245. Ils prêtent aussi une attention particulière aux
remboursements que leur proposent l’Assurance maladie
et leurs complémentaires (voir plus bas).
Il faut établir une distinction entre les consommateurs
en point de vente et ceux sur Internet, pour lesquels la
dimension « prix » semble plus importante encore. Alors
243
244
245
246
247
248
que le prix est de loin et clairement la première motivation de l’achat sur Internet, l’achat en point de vente est
motivé par l’habitude : pour près de la moitié des consommateurs en point de vente, le fait d’avoir déjà acheté
leurs lunettes précédentes en point de vente explique le
recours à ce canal de distribution 246.
Les lunettes restent des produits coûteux. A ce titre, près
des trois quarts des consommateurs jugent que les prix
des lunettes sont excessifs 247 et près de sept Français sur
dix considèrent qu’ils ne sont pas justifiés 248.
Ipsos – Mutualité française, Les Français et l’optique, septembre 2012.
Ipsos – Mutualité française, Les Français et l’optique, septembre 2012.
Ipsos – Mutualité française, Les Français et l’optique, septembre 2012.
Opinion Way – Association française des opticiens sur internet, Satisfaction comparée des acheteurs de lunettes sur internet vs en point
de vente, octobre 2011.
Sondages concordants cités par La Croix, De nouvelles formes de concurrence sur le marché de l’optique, 21 septembre 2010 ;
et Le Parisien, Le marché de l’optique en quelques chiffres, 21 septembre 2010.
LSA, Les Français trouvent les lunettes trop chères, 17 juin 2010.
59
75
70
72%
68%
65
60
55
50
Les prix des lunettes
sont trop élevés
Les prix des lunettes
ne sont pas justifiés
Figure 51 – Jugement des Français sur les prix des lunettes
La possession de lunettes est, d’ailleurs, en partie liée
au niveau de vie des consommateurs. Ainsi, si 10 % des
consommateurs dont les revenus sont supérieurs à 2 500
euros mensuels possèdent à la fois des lentilles et des
lunettes, ce n’est le cas que de 5 % de ceux dont les revenus sont inférieurs à ce seuil 249. En outre, si 71 % des
hauts revenus portent des lunettes, ce n’est le cas que de
55 % des revenus les plus bas 250.
Ces prix jugés « excessifs » semblent en outre conduire à
des renoncements aux soins, les restes à charge pouvant
être importants, laissant le choix aux seuls consommateurs
249
250
251
60
les plus fortunés. A titre d’exemple, une étude récente
de l’Assurance maladie et du CREDOC a relevé qu’environ
10 % des bénéficiaires de la CMU-C réalisaient une dépense
d’optique chaque année 251. Parmi eux, 38 % sont confrontés
à un reste à charge qui est élevé puisqu’il représente environ 156 euros en moyenne et qui est subi (54 % d’entre eux
ont le sentiment de « ne pas avoir eu le choix concernant
le reste à charge auquel ils ont eu à faire face »). L’étude
relève en outre que près d’un consommateur concerné sur
quatre préfère sortir de l’offre « CMU », les produits étant
peu esthétiques et le choix étant très réduit.
Ipsos – Mutualité française, Les Français et l’optique, septembre 2012.
LSA, Les Français trouvent les lunettes trop chères, 17 juin 2010.
Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, Credoc, Garantir l’accès aux soins des catégories modestes : l’exemple de
l’optique, Points de repère n°37, février 2012.
75
70
71%
65
60
55%
55
50
Hauts revenus
Bas revenus
Figure 52 – Proportion de Français portant des lunettes, par niveau de revenus
> La dimension conseil dans l’acte d’achat,
essentielle et très incitative
Un second critère déterminant l’achat est la dimension «
conseil », délivrée par l’opticien 252. Le client recherche
en effet avant tout la disponibilité et l’écoute. Cela s’explique certainement par le très grand nombre de produits
et les difficultés à lire les prix 253.
Le Conseil de la concurrence avait ainsi relevé que
« les opticiens ont une grande influence sur le choix des
252
253
254
255
consommateurs, pour plusieurs raisons : leur fonction se
situe dans le secteur paramédical ; des choix techniques
peuvent intervenir au moment de l’adaptation des verres
à la monture ; l’éventail de l’offre proposée au consommateur est très large ; les prix ne sont pas déterminables
sans l’aide de l’opticien » 254. L’Autorité de la concurrence
est allée dans le même sens plus récemment, en notant
que « le rôle de l’opticien est décisif dans le choix par le
patient de ses montures, de ses verres correcteurs ou de
ses lentilles de contact » 255.
Ipsos – Mutualité française, Les Français et l’optique, septembre 2012.
Que choisir, Certains prix font mal aux yeux, n°495, septembre 2011.
Autorité de la concurrence, Décision n°02-D-36 du 14 juin 2002 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la distribution des
lunettes d’optique sur le marché de l’agglomération lyonnaise.
Autorité de la concurrence, Avis n°10-A-11 du 7 juin 2010 relatif au Conseil interprofessionnel de l’optique.
61
Choix
des montures
88%
Délai d’obtention
des lunettes
90%
Qualité des
conseils
94%
Disponibilité et
écoute
96%
Figure 53 - Proportion des critères « conseil » jugés très ou assez importants lorsque les consommateurs se rendent chez un opticien 256
Les opticiens semblent avoir d’autant plus intérêt à
entretenir ce contact qu’il accroît la probabilité de l’acte
d’achat. Le directeur du marketing stratégique d’Essilor
explique ainsi que « le porteur de lunettes avec verres
antibuée devra se rendre en point de vente tous les
quatre à cinq mois pour acheter une nouvelle bouteille
[de liquide spécial]. Or, il a été démontré que le client
change plus souvent de lunettes quand le nombre de
contacts avec son opticien augmente » 257.
Cette incitation à la consommation semble d’ailleurs
confirmée par l’étude précitée de l’Assurance maladie et
du CREDOC qui s’intéresse au rôle de conseil de l’opticien
vis-à-vis du consommateur et relève que « dans près d’un
cas sur dix, il l’aurait même poussé à la consommation,
augmentant ainsi le sentiment des bénéficiaires d’avoir à
subir leur reste à charge » 258.
1.4.3. L’optique dans le budget moyen des ménages
Les Français font partie des plus gros consommateurs de
produits d’optique en Europe 259 : en dix ans (2000 – 2010),
leur consommation a augmenté de 60 % environ 260. Selon
les statistiques disponibles, les Français ne renouvèleraient leurs lunettes que tous les trois ans et demi 261 (soit
256
un peu moins d’un tiers par an). Ce chiffre est légèrement
inférieur à celui qu’indique un sondage récent (septembre
2012) selon lequel 42 % des Français ont réalisé un achat
dans l’année précédente 262.
Ipsos – Mutualité française, Les Français et l’optique, septembre 2012.
257
Le Figaro, Essilor voit grand avec ses verres antibuée, 27 août 2011.
258
Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, Credoc, Garantir l’accès aux soins des catégories modestes : l’exemple de
l’optique, Points de repère n°37, février 2012.
259
Xerfi, Optique (distribution), septembre 2011.
260
Xerfi, Optique (distribution), septembre 2011.
261
262
Consultation du site www.choisir-ses-lunettes.com.
62
Ipsos – Mutualité française, Les Français et l’optique, septembre 2012.
L’optique représente une dépense annuelle significative
pour les ménages. En 2010, chaque Français a dépensé
environ 84 euros à l’achat d’équipements optiques (et
191 euros par ménage), en augmentation de près de 50 %
sur une décennie (+49,6 %). Si l’on ne considère que les
consommateurs potentiels (64 % de la population), cela
amène à un budget de 130 euros environ par an 263.
L’optique est ainsi le poste le plus dynamique au sein de
la catégorie « équipement de la personne » 264.
euros
par Français
84
par consommateur potentiel
130
Figure 54 – Dépense moyenne annuelle en euros 265
1.4.4. Les dynamiques haussières de la demande :
système de santé et vieillissement
Le secteur de la vente au détail d’optique est très dynamique et bien supérieur au pouvoir d’achat. Il augmente
de 2,8 % en volume et 4,1 % en valeur par an en moyenne
depuis 2002 266. Depuis 2004, la consommation en volume
augmente de 3 % en moyenne annuelle et la consommation
263
de 4,1 % en valeur, ce qui est bien supérieur au pouvoir
d’achat mesuré par l’INSEE qui n’a augmenté que de 1,6 %
en moyenne annuelle. Le dynamisme du marché n’a pas été
affecté par la crise économique actuelle.
Soit une population totale de 62,96 millions de Français en 2010, à budget moyen de 84 euros annuels, le marché global serait d’environ
5,30 milliards d’euros en 2010. Rapporté à une population de consommateurs potentiels représentant 64 % de la population totale (soit
40,30 millions de consommateurs), ce chiffre conduit à une consommation moyenne de 131,25 euros par consommateur et par an.
264
Xerfi, Optique (distribution), septembre 2011.
265
Xerfi, Optique (distribution), septembre 2011.
266
Xerfi, Optique (distribution), septembre 2011.
63
6
5
4
3
2
1
0
2002
Volume
2003
Valeur
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Pouvoir d’achat
Figure 55 – Croissance annuelle (%) en volume et en valeur de la consommation de produits d’optique 267 et du pouvoir d’achat 268
La demande des produits d’optique est soutenue par deux
dynamiques principales et majeures (outre l’offre marketing des producteurs et distributeurs) : le système de santé
publique français d’une part et les évolutions démographiques de la société française d’autre part.
COMPLÉMENTAIRES
OFFRE DES
SÉCURITÉ
PRODUCTEURS ET
SOCIALE
DISTRIBUTEURS
OPHTALMOLOGISTES
MARCHÉ DE L’OP-
VIEILLISSEMENT DE
TIQUE
LA POPULATION
FRANÇAISE
Figure 56 – Les déterminants des dynamiques du marché de l’optique
267
Xerfi, Optique (distribution), septembre 2011.
268
INSEE, Revenu, pouvoir d’achat et consommation des ménages, 2012.
64
Le système de santé est un acteur tiers mais essentiel dans
la relation entre le consommateur et le distributeur des
produits d’optique (voir plus bas). Il intervient en premier
lieu comme prescripteur de la dépense d’optique (à travers
les ophtalmologistes) et en second lieu comme payeur, au
moins partiel, de cette dépense (à travers les remboursements de la Sécurité sociale et des complémentaires). Par
ailleurs, des campagnes de prévention participent de l’encouragement à l’achat.
La démographie de la population française, marquée par
son vieillissement, est un autre facteur déterminant de la
dynamique à venir du marché de l’optique. En effet, plus
ils sont âgés, plus les Français sont susceptibles de porter
des lunettes : 92 % des plus de 50 ans en ont 269. Or, la part
des « seniors » dans la population française (comme celle
des retraités 270) ne devrait cesser de croître : alors que les
plus de soixante ans représente 23,4 % de la population
française aujourd’hui 271, ce taux devrait passer à 27,3 % en
2020 272 et même à près de 32 % en 2050 273. La Figure
57 illustre d’ailleurs que l’augmentation du nombre de
porteurs de lunettes est continue depuis près de vingt ans.
70
60
50
40
30
20
10
08
20
07
20
06
20
05
20
04
20
03
20
02
20
01
20
00
20
99
19
98
19
97
19
96
19
95
19
94
19
93
19
19
92
0
Figure 57 – Pourcentage de porteurs de lunettes dans la population française 274
269
Happy View, Alven Capital, Communiqué de presse, 15 février 2011.
270
DREES, Les retraités et les retraites en 2010, Etude et résultats n°790, février 2012.
271
INSEE, Population par sexe et groupes d’âges quinquennaux, extrait de Tableaux de l’économie française, 2012.
272
Credoc, Etude sur l’impact du vieillissement de la population sur l’offre et la demande de biens et services de consommation, juin 2010.
273
INSEE, Population par âge, extrait de Tableaux de l’économie française, 2010.
274
Consultation du site www.ecosante.fr ; site réalisé en partenariat avec IRDES, DREES, Assurance Maladie, Mutualité française, RSI, MSA et
le Québec.
65
1.5.Un tiers essentiel : le système de santé
1.5.1. A l’origine de la prescription : les ophtalmologistes
Les ophtalmologistes sont des médecins spécialisés en
ophtalmologie, dont la mission consiste en « la surveillance, l’amélioration ou le maintien de la santé de l’appareil visuel et de ses annexes », selon l’Académie d’ophtalmologie.
> Une population urbaine et vieillissante
La France compte environ 5 500 ophtalmologistes 275,
soit environ 8,8 pour 100 000 habitants. Avec 43 % de
ses effectifs de sexe féminin, cette profession est plus
féminisée que la moyenne des médecins (37 %) 276 et son
exercice français est peut-être le plus féminisé de toute
l’OCDE 277. La moyenne d’âge des ophtalmologistes est
relativement élevée puisque près de 70 % d’entre eux
ont plus de cinquante ans. Au total, 84 % de ces médecins exercent en libéral. Un peu plus du quart d’entre eux
(26 %) est situé en région parisienne alors que près
de 70 % exercent dans une agglomération de plus de
100 000 habitants (région parisienne incluse) 278.
275
> Des prescripteurs essentiels, mais concurrencés
Les ophtalmologistes sont les principaux prescripteurs
de corrections d’optique : ils interviennent en premier
lieu dans le processus qui conduira (éventuellement) à
l’achat de corrections optiques.
Les tendances récentes vont vers une concurrence accrue
sur cette activité. En effet, si les ophtalmologistes ont le
monopole de la délivrance première des ordonnances de
prescription des verres correcteurs 279, les opticiens-lunetiers peuvent, depuis 2007, intervenir dans le cadre du
renouvellement des prescriptions médicales de moins
de trois ans 280, sauf si le médecin s’y est opposé ou si le
patient a moins de seize ans 281.
Au total, les ophtalmologistes, qu’ils exercent en libéral
ou en secteur hospitalier, réalisent annuellement environ
10 millions d’actes comprenant une prescription optique,
dont 5,2 millions sont liées à une réfraction. Parmi ces
actes, environ 1,4 million concernent des personnes de
moins de 16 ans et 3,8 millions des personnes plus âgées.
DREES, Les médecins en France – estimations au 1er janvier 2010, série statistique n°152, février 2011.
276
Académie Française d’Ophtalmologie, Les besoins en ophtalmologistes d’ici 2030, mars 2011.
277
SNOF, L’ophtalmologie et la filière visuelle en France. Perspectives et solutions à l’horizon 2025-2030 ; aspects démographiques,
paramédicaux, juridiques et économiques, avril 2006.
278
DREES, Les médecins en France – estimations au 1er janvier 2009, série statistique n°138, février 2011.
279
Haute Autorité de Santé, Recommandations de bonne pratique – Troubles de la réfraction – Délivrance des verres correcteurs par les
opticiens dans le cadre d’un renouvellement, février 2010.
280
Article L.4362-10 du code de la santé publique issu de la loi n°2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale.
281
Article L.4362-9 du code de la santé publique.
66
VOUS AVEZ PLUS
DE 16 ANS
VOUS AVEZ MOINS
DE 16 ANS
VOTRE
ORDONNANCE
DATE DE PLUS
DE 3 ANS OU EST
INTROUVABLE
DATE DE MOINS
DE 3 ANS
PAS D’OPPOSITION
DU MÉDECIN À
L’ADAPTATION PAR
L’OPTICIEN
OPPOSITION DU
MÉDECIN À
L’ADAPTATION PAR
L’OPTICIEN
RENDEZ-VOUS CHEZ
L’OPHTALMOLOGISTE
RENDEZ-VOUS CHEZ
L’OPTICIEN OU CHEZ
L’OPHTALMOLOGISTE
Figure 58 – Prescriptions de verres correcteurs 282
1.5.2. A la source du remboursement : la sécurité sociale, les complémentaires
de santé
Le système de santé français organise le remboursement
d’une partie (ou de l’intégralité) des soins des patients.
> La sécurité sociale
Les corrections optiques sont prises en charge par l’Assurance maladie lorsqu’elles font l’objet d’une prescription médicale. Les lunettes et les lentilles font l’objet d’un
traitement différent.
Les lunettes (montures et verres) sont remboursées à 60 %
depuis le 2 mai 2011 (contre 65 % auparavant) sur la base
de tarifs « officiels ». Ces tarifs sont déterminés par la
liste des produits et prestations (« LPP ») et varient en
fonction de l’âge du patient (selon s’il a plus ou moins de
18 ans 283).
282 Haute Autorité de Santé, Document d’information destiné aux usagers – Renouveler ses lunettes de vue : mode d’emploi, mars 2011.
283 Consultation du site de l’Assurance maladie (www.ameli.fr), novembre 2012.
67
Moins de 18 ans
Plus de 18 ans
30,49 euros
2,84 euros
Verre blanc simple foyer, sphère de -6,00 à +6,00
12,04 euros
2,29 euros
Verre blanc simple foyer, sphère de -6,25 à -10,00
26,68 euros
4,12 euros
Verre blanc simple foyer, sphère de +6,25 à +10,00
26,68 euros
4,12 euros
Verre blanc simple foyer, sphère hors zone
de -10,00 à +10,00
44,97 euros
7,62 euros
Verre blanc simple foyer, cylindre
< ou = à +4,00, sphère de -6,00 à +6,00
14,94 euros
3,66 euros
Verre blanc simple foyer, cylindre
< ou = à +4,00, sphère hors zone de -6,00 à +6,00
36,28 euros
6,86 euros
Verre blanc simple foyer, cylindre
> à +4,00, sphère de -6,00 à +6,00
27,90 euros
6,25 euros
Verre blanc simple foyer, cylindre
> à +4,00, sphère hors zone de -6,00 à +6,00
46,50 euros
9,45 euros
Verre blanc multifocal ou progressif,
sphère de -4,00 à +4,00
39,18 euros
7,32 euros
Verre blanc multifocal ou progressif,
sphère hors zone de -4,00 à +4,00
43,30 euros
10,82 euros
Verre blanc multifocal ou progressif,
sphère de -8,00 à +8,00
43,60 euros
10,37 euros
Verre blanc multifocal ou progressif,
sphère hors zone de -8,00 à +8,00
66,62 euros
24,54 euros
MONTURES
Remboursées à 60 % sur la base d’un tarif fixé à :
VERRES
Remboursés à 60 % sur la base de tarifs variables
selon le degré de correction :
Figure 59 – Remboursements des lunettes établis par l’Assurance maladie 284
284
68
Consultation du site de l’Assurance maladie (www.ameli.fr), novembre 2012.
Les lentilles prescrites médicalement sont prises en charge
par l’Assurance maladie à 60 % (contre 65 % auparavant)
sur la base d’un forfait annuel fixé à 39,48 euros par œil
appareillé. Ce niveau de remboursement est valable pour
tous les types de lentilles mais uniquement pour certaines
indications : astigmatisme irrégulier, myopie égale ou
inférieure à 8 dioptries, strabisme accomodatif, aphakie,
anisoométropie à 3 dioptries, kératocône 285.
> Les complémentaires
Les complémentaires de santé recouvrent à la fois des
mutuelles, des institutions de prévoyance et des sociétés
d’assurance 286. Elles interviennent pour couvrir la part
des dépenses de soins et de biens médicaux non remboursée par l’Assurance maladie obligatoire, c’est à dire le
reste à charge. A l’exception de la Couverture maladie
universelle - complémentaire (CMU-C), les complémentaires sont financées de manière privée 287.
Environ 94 % des Français sont couverts par une complémentaire, contre 69 % en 1980 : cette progression semble
s’expliquer (au moins en partie) par l’évolution de la prise
en charge de l’Assurance maladie et par les incitations
législatives. Le rôle des complémentaires est essentiel
car « au regard de l’augmentation constante du reste à
charge laissé à l’Assurance maladie obligatoire, bénéficier d’une complémentaire santé est devenu déterminant
pour continuer à accéder aux soins » 288. Il s’agit d’un
secteur dont la croissance est constante.
35 000
30 000
25 000
20 000
15 000
10 000
5 000
0
2002
2003
Mutuelles
2004
Institutions de prévoyance
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Sociétés d’assurance
Figure 60 – Chiffres d’affaires (en millions d’euros) du secteur des complémentaires 289
285
286
Consultation du site de l’Assurance maladie (www.ameli.fr), novembre 2012.
Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), Les contrats les plus souscrits auprès des organismes
complémentaires santé en 2008, Document de travail n°162, octobre 2011.
287 Institut de recherche et documentation en économie de la santé, La complémentaire santé en France en 2008 : une large diffusion mais
des inégalités d’accès, Questions d’économie de la santé n°161, janvier 2011.
288 Institut de recherche et documentation en économie de la santé, La complémentaire santé en France en 2008 : une large diffusion mais
des inégalités d’accès, Questions d’économie de la santé n°161, janvier 2011.
289 Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), Les contrats les plus souscrits auprès des organismes
complémentaires santé en 2008, Document de travail n°162, octobre 2011.
69
L’optique est un produit important dans l’offre des complémentaires, qui en font très souvent un produit d’appel. En
effet, si la Sécurité sociale couvre de manière générale
près de 76 % des dépenses de soins en France 290, dans le
secteur de l’optique sa contribution au remboursement
des frais des consommateurs est marginale.
Les complémentaires proposent des prestations qui visent
120
100
80
à mieux rembourser les soins d’optique. Ainsi, « une large
majorité des contrats va au-delà du remboursement du
ticket modérateur pour des lunettes à verres complexes,
étant donnée la faible prise en charge de la Sécurité
sociale » 291. Plus de 90 % des bénéficiaires sont remboursés d’un montant supérieur à 100 euros pour une paire de
lunettes facturée à 500 euros.
96,9%
98,1%
25 à 59
ans
Plus de
60 ans
94,7%
72,5%
60
40
20
0
Moins de
25 ans
Ensemble
Figure 61 – Pourcentage de consommateurs bénéficiant d’une complémentaire proposant une prise en charge
supérieure au ticket modérateur, par âge du consommateur 292
Les complémentaires veillent à proposer une offre en
matière de soins optiques. C’est particulièrement vrai,
notamment des offres à destination des « séniors » qui
sont 63 % à bénéficier d’un remboursement milieu de
gamme en optique complexe, allant de 100 à 300 euros
pour une paire de lunettes facturée 500 euros 293. Il est
d’ailleurs rare que les complémentaires ne proposent pas
de remboursement des dépenses d’optique, même si cela
concerne toutefois environ 27,5 % des assurés de moins de
25 ans.
290
Florence Jusot, Clémence Perraudin, Jérôme Wittwer, L’accessebilité financière à la complémentaire santé en France : les résultats de
l’enquête Budget de Famille 2006, Economique et Statistique n°450, Insee, novembre 2012.
291
Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), Les contrats les plus souscrits auprès des organismes
complémentaires santé en 2008, Document de travail n°162, octobre 2011.
292
Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), Les contrats les plus souscrits auprès des organismes
complémentaires santé en 2008, Document de travail n°162, octobre 2011.
293
70
Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), Les contrats les plus souscrits auprès des organismes
complémentaires santé en 2008, Document de travail n°162, octobre 2011.
Mutuelles
Institutions de
prévoyance
Sociétés
d’assurance
Ensemble des
organismes
C. coll. c. ind.
C. coll. c. ind.
C. coll. c. ind.
C. coll. c. ind.
Ens.
MOYENNE
155,9
128,8
161,5
130,1
186,5
137,0
161
130,4
143,4
MÉDIANE
189,0
138,0
177,0
125,0
195,2
145,0
189,0
142,0
147,0
1ER QUARTILE
144,0
102,6
138,5
102,6
180,2
104,5
144,0
102,6
112,4
3ÈME QUARTILE
195,2
152,6
195,2
152,6
195,2
165,3
195,2
156,6
195,2
C. coll : contrats collectifs
C. ind. : contrats individuels
Figure 62 – Remboursement par les organismes complémentaires, en euros, pour un prix de référence de 200 euros (100 euros pour la
monture et 50 euros pour un verre simple) 294
Ces remboursements sont importants puisque près de
quatre consommateurs sur dix se renseignent auprès de
leur complémentaire santé 295. Surtout, les complémentaires semblent avoir fait de l’optique un produit d’appel
phare, qui leur permet d’attirer les consommateurs. C’est
par exemple le cas de certaines mutuelles (qui développent
en parallèle leurs propres réseaux d’opticiens), avec un
certain succès puisque 21 % des porteurs de lunettes ont
adhéré à une mutuelle justement parce qu’elle permettait
d’accéder à un réseau d’opticiens agréés 296.
294
Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), Les contrats les plus souscrits auprès des organismes
complémentaires santé en 2008, Document de travail n°162, octobre 2011.
295 Ipsos – Mutualité française, Les Français et l’optique, septembre 2012.
296 Ipsos – Mutualité française, Les Français et l’optique, septembre 2012.
71
1.5.3. La répartition finale du coût entre sécurité sociale, complémentaires
et consommateur
600
500
400
Reste à charge, 210 euros
300
200
Complémentaire, 275 euros
100
0
Assurance maladie,15 euros
Figure 63 – Répartition de la prise en charge du prix d’une paire de lunettes 297
Au regard des prix constatés des lunettes, l’Assurance maladie assume une part très limitée du coût des lunettes : environ 3 % du prix total, contre 55 % par la complémentaire et
42 % directement pour le consommateur final 298. A ce titre,
il ne peut être exclu que les niveaux élevés de remboursements proposés par les complémentaires, en solvabilisant
des clients pour de fortes dépenses, incitent à une élévation des prix.
Au final cependant, contrairement à ce qui semble être
une illusion largement répandue, c’est le consommateur
qui paie seul directement ou indirectement le coût de ses
produits d’optique :
— indirectement à travers le financement collectif de l’Assurance maladie ;
— indirectement à travers sa cotisation auprès d’une
complémentaire (en hausse ) 299 ;
— directement à l’opticien.
Une réduction des prix des produits d’optique devrait donc
conduire à une réduction des dépenses directes et indirectes des consommateurs finals.
Plusieurs éléments sont susceptibles de créer des doutes
sur le fonctionnement concurrentiel du secteur de l’optique
tel qu’il vient d’être décrit :
— au niveau amont : un acteur semble dominer totalement la
production de verres et un autre celle des montures ;
— au niveau aval : certaines pratiques de distribution ont
été condamnées par la justice mais surtout, en comparaison
avec les marchés des pays équivalents, plusieurs éléments
apparaissent inexpliqués.
297
298
299
72
Ipsos – Mutualité française, Les Français et l’optique, septembre 2012.
Ipsos – Mutualité française, Les Français et l’optique, septembre 2012.
Le Nouvel Observateur, Mutuelles : vers une augmentation des tarifs de 4,7 %, 14 octobre 2011.
73
2. PARTIE II
des doutes sur le fonctionnement
concurrentiel du marché de l’optique
Une fois établie une cartographie factuelle
et précise du marché de l’optique en France (partie I
supra), il devient possible d’explorer plus avant les mécanismes qui régissent son fonctionnement concurrentiel,
sur ses différents segments amont et aval. Une analyse
économique inédite 300 met à jour et théorise certains
blocages et suspicions de forclusion sur le secteur amont
de la fabrication de verres correcteurs (2.1.). L’analyse
économique révèle aussi plusieurs doutes sur la fluidité
concurrentielle de l’aval (2.2.).
L’essentiel & les chiffres clés
Sur le secteur amont, une structure de marché extrêmement concentrée propice à des forclusions qui
impactent les distributeurs en aval
— une analyse économique inédite sur le secteur :
• un article inédit et à paraître de David Martimort et Jérôme Pouyet (Downstream foreclosure in
vertically differentiated markets) sur le fonctionnement du secteur amont du marché de l’optique et
ses conséquences au niveau de la distribution en aval ;
• objectif : révéler les incitations d’une firme dominante en amont à forclore le marché en aval pour
capter les surplus, notamment en refusant de fournir certains acteurs en aval ;
— au niveau amont, la production de verres est particulièrement concentrée :
• un acteur ultra-dominant, Essilor, détient plus de 40 % de parts de marché au niveau mondial et 90 %
estimés au niveau français ;
• « l’industrie du verre est très concentrée avec une entreprise française leader mondial le groupe
Essilor (…). Un producteur, la société Essilor, et sa filiale BBGR détiennent environ 90 % du marché »
(Conseil de la concurrence, 2001) ;
− une structure concurrentielle du marché de l’optique en France propice à l’apparition de pratiques dites de
forclusion :
• une firme dominante en amont, Essilor, qui fournit son produit, indispensable, à des distributeurs en
aval, qui les vendent ensuite aux consommateurs ;
• la forclusion (« foreclosure ») est l’exercice par une firme dominante sur un marché amont de
pratiques cherchant à contraindre certaines firmes ou certains consommateurs évoluant sur le marché
aval dans leur accès à un input essentiel et difficilement reproductible dont dispose cette firme en
amont. La forclusion a pour objectif de mieux contrôler certains producteurs ou distributeurs en aval :
elle tend à reconstituer une situation de monopole.
300
74
Pouyet, Martimort, Downstream foreclosure in vertically differentiated markets, 2012, à paraître.
L’essentiel & les chiffres clés
— la stratégie et le positionnement d’Essilor présentent les caractéristiques de ce risque de forclusion :
• Essilor, acteur dominant du marché amont, fournit des inputs à des distributeurs de lunettes en concurrence auprès des consommateurs finals ;
• sa double stratégie d’intégration et de diversification s’accorde avec les conditions d’une stratégie de forclusion :
/ en différenciant ses produits, Essilor multiplie les monopoles multi-produits verticalement
intégrés et renforce sa position de leader ;
/ Essilor poursuit une politique d’intégration en aval avec l’acquisition de laboratoires de
prescription et de centres de distribution ;
• l’ensemble de ces éléments conduit à penser qu’Essilor n’est pas incité à fournir spontanément le
« bas » du marché que sont les distributeurs en ligne : si le monopole amont le faisait, il introduirait des produits moins chers qui viendraient de fait réduire les surplus qu’il capte.
— Sur le secteur aval, plusieurs indices économiques d’un état concurrentiel sous-optimal :
• l’existence de prix élevés pour le consommateur final. Les comparaisons et l’établissement de
moyennes de prix sur le marché de l’optique sont très complexes, mais les prix moyens apparaissent
élevés : 277 euros en moyenne pour les verres unifocaux et 591 euros en moyenne pour les verres
progressifs, soit une moyenne de 434 euros (Mutualité française, 2012) ;
• des chiffres d’affaires élevés pour les professionnels du secteur au regard de la réalité des pays voisins :
/ « les marges dans le secteur sont élevées » (Conseil de la concurrence, 2002) : une marge
brute estimée à environ 60 % (63,1 % en 2010 selon l’Union de la profession comptable et des
organismes de gestion agréés, 2011 ; 57,7 % selon Xerfi 2011) ;
/ plus d’un tiers (35 %) du chiffre d’affaires du marché français en surplus par rapport aux pays
voisins : si le chiffre d’affaires par consommateur en France était le même que dans les pays
voisins (Allemagne, Espagne, Italie, Royaume-Uni), le marché aurait dû être jusqu’à 1,5 milliard d’euros inférieur en 2007, pour un marché réel de 4,2 milliards d’euros ;
• des complémentaires de santé victimes de comportements frauduleux de la part des distributeurs
/ les « optimisations de facture » seraient courantes dans le secteur : 36 % des consommateurs
se seraient déjà vu proposer un prix « arrangé » et même près d’un consommateur sur cinq
se serait vu proposer un « prix arrangé pour maximiser le remboursement de ses lunettes par
la mutuelle ». Dans 16 % des cas, les opticiens auraient incité à la consommation, en garan-
tissant aux consommateurs que leurs dépenses seraient remboursées par la mutuelle ;
/ un cas emblématique : condamnation d’Affelou par la cour d’appel de Paris en septembre
2012 à verser plus d’un million d’euros de dommages et intérêts pour concurrence déloyale,
Optical Center reprochant à Afflelou de pratiquer de l’optimisation de facture ;
• une dynamique des points de vente au détail très élevée en France au regard des comparaisons
internationales :
/ 11 422 points de vente en 2012, contre 7 773 en 2000, soit un rapport de 0,0019 point de
vente par habitant ;
/ pour une population à peu près équivalente, environ 5 000 points de vente de moins (7 000
au total) au Royaume Uni, soit 0,0015 point de vente par habitant ;
75
L’essentiel & les chiffres clés
/ aux Etats-Unis, avec une population de plus de 300 millions d’habitants, 20 000 points de
vente seulement, soit un taux de 0,0007 point de vente par habitant ; la densité du réseau
de points de vente d’optique français conduit à ce qu’il y ait environ 5 401 habitants par
point de vente, contre 14 990 aux Etats-Unis ;
• un marché concentré : cinq principaux groupes détiennent 70 % des points de vente et réalisent 73 %
du chiffre d’affaires ;
• un marché opaque sur la formation des prix :
/ des prix très difficilement lisibles pour le consommateur : pas de grilles exhaustives et précises
qui permettent de connaître et comparer les prix de référence des équipements disponibles
chez les différents distributeurs ;
/ « les prix ne sont pas déterminables sans l’aide de l’opticien »
(Conseil de la concurrence, 2002).
76
2.1.Les doutes concurrentiels
sur le secteur amont
Le caractère concurrentiel du marché de l’optique en
France, compte tenu de la complexité de sa structure, doit
être étudié d’une part sur son segment amont, d’autre part
sur son segment aval. Il apparaît que des interrogations
concurrentielles sérieuses pèsent en premier lieu sur le
secteur amont, fortement concentré (2.1.1.) et présentant
des caractéristiques propices à la forclusion (2.1.2.).
2.1.1. Un secteur fortement concentré
> Un marché particulièrement concentré autour
d’un acteur dominant, Essilor
Le secteur amont, celui de la production de verres correcteurs, est concentré autour d’un acteur ultra-dominant :
Essilor. L’Autorité de la concurrence et avant elle le
Conseil de la concurrence parviennent systématiquement à la même conclusion : « l’industrie du verre est très
concentrée avec une entreprise française leader mondial
le groupe Essilor (…), suivie de loin par Carl Zeiss Vision
numéro deux mondial » 301 ; « la fabrication de verres est
une industrie très concentrée, tant au plan national qu’au
niveau mondial. Sur le plan national, il existe une ving-
taine de fournisseurs (fabricants et importateurs confondus). Un producteur, la société Essilor, et sa filiale BBGR
détiennent environ 90 % du marché » 302.
Sur un marché de dimension mondiale, comme la Commission européenne semble le définir dans sa pratique décisionnelle 303, le chiffre d’affaires total du secteur est d’environ 10 milliards d’euros 304. Trois acteurs (Essilor, Zeiss
et Hoya) représentent à eux seuls près de 60 % du marché.
Surtout, Essilor y détient une part de marché de 42 %, très
loin devant son plus proche concurrent Zeiss, qui détient
une part de marché plus de cinq fois inférieure.
301
Autorité de la concurrence, avis n°09-A-32 du 26 juin 2009 relatif à un accord dérogatoire aux délais de paiement dans le secteur de
l’optique lunetterie.
302
Conseil de la concurrence, décision n°01-D-45 du 19 juillet 2001 relative à une saisine présentée par la société Casino France.
303
Commission européenne, COMP/M.3670 – EQT Group / Carl Zeiss / Sola, 3 mars 2005.
304
Essilor, Document de référence 2011.
77
Chiffres d’affaires
(millions d’euros)
Parts de marché
(%)
Essilor
4 190 305
42 %
Hoya
745 306
7%
Zeiss
849 307
8%
Sous-total 3 leaders
5 784 308
58 %
Total
10 000
100 %
Figure 64 – Chiffre d’affaires mondiaux et parts de marché des principaux producteurs 309
42%
42%
Essilor
Hoya
Zeiss
Autres
8% 7%
Figure 65 – Parts de marché des producteurs au niveau mondial (2011)
Sur le marché français, les données disponibles ne
permettent pas de calculer les parts de marché de ces
trois acteurs. Le Conseil de la concurrence avait cepen-
305
dant relevé en 2001 qu’Essilor y détenait une part de
marché d’environ 90 %, faisant de ce groupe un acteur
quasi-monopolistique 310.
Essilor, Document de référence 2011.
306
Hoya, Annual report 2011. Les « total sales » étaient égales à 413 319 millions de yen, dont 20 % concernaient le secteur optique.
307
Zeiss, Annual report 2011. Chiffre d’affaires de l’activité vision care.
308
Essilor, Document de référence 2011.
309
Xerfi, Lunettes (fabrication), 2011.
310
Conseil de la concurrence, décision n°01-D-45 du 19 juillet 2001 relative à une saisine présentée par la société Casino France.
78
10
%
Essilor
Autres
90%
Figure 66 – Parts de marché des producteurs en France (2001)
A défaut de parts de marché, il reste possible d’apprécier la dimension de chacun de ces producteurs, comme
le montre la Figure 67. Il apparaît clairement qu’Essilor
est très supérieur à ses concurrents en France puisque le
chiffre d’affaires estimé de Zeiss, son principal concurrent, ne représente que 15 % du sien.
Chiffres d’affaires
(millions d’euros)
Rapport à
Essilor
Essilor
974,6
41
Hoya
68
0,07
Zeiss
144,2
0,15
Sous-total 3 leaders
1 186,8
1,22
Figure 67 – Chiffre d’affaires en France des principaux producteurs et rapport à Essilor 311
311
Xerfi, Lunettes (fabrication), 2011.
79
2.1.2. L’analyse économique révèle des incitations à la forclusion
sur le marché de l’optique en France
> Des incitations fortes à la forclusion par le
monopole amont
Le secteur de l’optique se caractérise par l’existence
d’acteurs largement dominants sur les marchés amont :
Essilor pour la fabrication de verres d’une part, Luxottica
pour la fabrication de montures d’autre part (voir supra
1.2.2. La fabrication de montures ; Luxottica est le leader
mondial du secteur avec un chiffre d’affaires supérieur à
6,2 milliards d’euros 312, alors que son principal concurrent,
Safilo réalise un chiffre d’affaires de 1,1 milliard d’euros 313).
La concentration amont sur le marché de la fabrication
des verres se prête à des analyses particulièrement intéressantes du point de vue concurrentiel (la production et
la vente de montures, représentant une part nettement
plus faible de la valeur dégagée sur le produit fini, ne
sera pas retenu dans l’analyse suivante). Sur le marché de
la fabrication de verres, le cas d’Essilor est particulièrement illustratif, avec plus de 40 % de parts de marché au
niveau mondial et 90 % estimés au niveau français. Cette
situation interpelle bien entendu l’analyse concurrentielle, notamment parce qu’elle crée une tension singulière entre l’amont et l’aval : l’amont se concentre autour
d’un pôle très limité d’acteurs, alors que dans le même
temps sur le marché aval les distributeurs semblent se
livrer une compétition féroce. Cette tension, étudiée par
David Martimort et Jérôme Pouyet dans le cadre d’un
article inédit à paraître 314, présente toutes les caractéristiques associées à l’existence d’un risque de forclusion.
Un article scientifique inédit
David Martimort et Jérôme Pouyet se sont interrogés sur
le fonctionnement de ce marché et ses conséquences
en particulier au niveau aval, dans un article inédit et à
paraître (Downstream foreclosure in vertically differentiated markets), présenté en Annexe III : Forclusion et
concurrence en qualité sur les marchés aval. L’objectif
312
Luxottica, Luxottica Annual Report 2011, 2012.
313
Safilo, Annual Report 2011, 2012.
314
Ibid. supra
80
de leur recherche est de réfléchir aux incitations qu’une
firme dominante en amont aurait à forclore le marché en
aval, c’est-à-dire à s’engager dans des refus de fournir
certains acteurs en aval.
La structure du marché de l’optique répond, dans ses
grandes lignes, à la définition d’une situation de forclusion. Le contexte est en effet celui d’une firme dominante en amont qui fournit son produit à des acteurs en
aval, qui eux-mêmes l’utilisent pour fabriquer des biens
vendus ensuite aux consommateurs finals.
La forclusion, présentation classique
Dans une organisation de marché de l’amont vers l’aval,
une firme dominante en amont peut être amenée à mettre
en œuvre des stratégies anticoncurrentielles de forclusion (« foreclosure » dans la littérature anglo-saxonne).
La forclusion est définie comme étant l’exercice par une
firme dominante sur un marché amont de pratiques cherchant à contraindre certaines firmes ou certains consommateurs évoluant quant à eux sur le marché aval dans
leur accès à un input essentiel, et difficilement reproductible, dont dispose cette firme en amont. Ces pratiques
cherchent en fait à propager le pouvoir de monopole
amont au segment aval, même si ce dernier peut paraître
a priori concurrentiel.
Les méthodes de forclusion varient beaucoup selon les
cas, mais elles ont toutes en commun le désir de mieux
contrôler certains producteurs ou distributeurs en aval,
soit au travers de contrats spécifiques, soit par des choix
organisationnels subtils. Elles peuvent apparaître sous
la forme de contrats d’exclusivité ou de quasi-exclusivité, de ventes liées, de pratiques tarifaires discriminantes excluant de facto certains concurrents à l’aval,
de contraintes techniques limitant l’accès à l’input ou la
qualité de cet accès, ou d’une véritable intégration verticale en direction de l’aval. La firme amont cherche en fait
à répliquer une solution d’intégration verticale au travers
de pratiques contractuelles pouvant limiter à l’accès à un
input essentiel qu’elle fournit.
Une firme qui produirait un bien pour fournir les deux
seuls acteurs existants en aval pourrait limiter sa production au niveau de monopole et la répartir à part égale
entre eux deux (50 % de sa production pour l’un, 50 %
pour l’autre). Elle pourrait ainsi récupérer le profit de
monopole correspondant à travers la tarification imposée
aux deux acteurs aval. Dans l’hypothèse où les contrats
de fourniture seraient secrets, la firme amont pourrait
être tentée d’avantager l’une des firmes aval, au détriment de l’autre, afin de capter un profit plus grand par
son intermédiaire : en réalité, cette solution serait vouée
à l’échec. Avantager un des détaillants ne se fait qu’au
détriment de l’autre et donc des profits que le monopole amont aurait pu récupérer au travers de sa relation
contractuelle avec ce dernier. Au final, la firme amont
devient donc son propre concurrent.
Pour contrecarrer ces effets, la firme amont peut pratiquer des contrats d’exclusivité et ne fournir qu’un seul
distributeur aval. Elle peut aussi, et c’est l’originalité
du travail présenté, accroître la différenciation de ses
produits, de manière à constituer autant de monopoles.
La forclusion dans le cas de produits différenciés
Dans un marché de produits ainsi différenciés, les
consommateurs finals choisissent leur détaillant en
fonction du meilleur rapport qualité-prix : c’est selon ce
critère que se segmente le marché, les consommateurs
les plus disposés à payer cher ayant accès à la meilleure qualité. Le marché se divise en une multitude de
segments caractérisés par des niveaux de qualité différents. En conséquence, la concurrence sur le marché aval
est une concurrence en biens différenciés verticalement
par leur qualité.
Dans un tel contexte, le monopole amont ne cherche
plus à contracter secrètement avec chacun de ses détaillants pour augmenter leurs productions respectives.
Ses comportements résultent maintenant d’un choix
optimisé du degré de différenciation entre les qualités
produites sur les segments hauts et bas du marché. Dans
cette hypothèse, qui ressemble peu ou prou à celle du
marché de l’optique, les contrats de fourniture d’inputs
définissent de fait la structure de coût des détaillants qui
se font concurrence en aval. La firme amont cherche ainsi
à agir au travers de ces contrats comme si elle était un
monopole multi-produit verticalement intégré.
Pour préserver les rentes de monopole associées à une
telle situation, la firme amont est incitée à différencier
encore ses produits. Si elle se spécialisait en ne produisant que des biens de qualité haute, les distributeurs
pourraient se tourner vers un producteur concurrent,
qui pourrait alors servir l’ensemble du marché avec un
produit de qualité intermédiaire.
Un autre enjeu pour le monopole amont est de capter les
profits générés par le système des détaillants en aval. La
fixation des prix en amont (et donc des marges générées
par le monopole) de chacun de ses produits, résulte d’un
dosage subtil : augmenter le prix d’un produit de plus
grande qualité peut conduire à augmenter la demande
d’un produit de moindre qualité vendu moins cher. Pour
extraire le plus grand surplus des consommateurs, il peut
alors être intéressant pour la firme de rendre les biens de
qualité inférieure moins attractifs, afin que la demande
se reporte sur des produits de meilleure qualité et plus
coûteux.
Dès lors que les contrats qu’il signe avec ses détaillants
sont publics, le monopole amont peut mettre en œuvre
une stratégie lui permettant de se comporter comme
une firme verticalement intégrée, accaparant le surplus
aval. Ainsi, plutôt que de contrôler directement les prix
à la consommation fixés par les détaillants, le monopole amont peut se contenter de déterminer les prix des
différentes qualités qu’il leur fournit. De cette manière,
les choix décentralisés à l’aval répliquent les prix qui
auraient été choisis par un monopole intégré verticalement, à qualités fixées et publiquement reconnues.
Lorsque les contrats sont secrets, ces profits ne sont plus
accessibles. Le monopole amont est maintenant confronté
à un paradoxe : il est incité à renégocier avec les détail-
81
lants fournissant la qualité basse en aval pour augmenter
la demande et le prix de ce segment. Mais cette stratégie vient cannibaliser le segment de haute qualité. Elle
implique en effet l’érosion des marges et des profits sur
ce segment supérieur. In fine, le monopole crée sa propre
concurrence.
Afin d’éviter ces stratégies de cannibalisation et protéger ses profits, le monopole amont peut vouloir nouer
des contrats d’exclusivité avec des distributeurs représentant l’ensemble de la gamme. Dans cette hypothèse,
l’acteur amont se transforme de facto en monopole intégré mono-produit verticalement vers l’aval, au détriment
des consommateurs.
> La forclusion dans le secteur de l’optique
Cette analyse fait directement écho à la stratégie récente
d’Essilor, acteur dominant du marché amont qui fournit
des inputs à des distributeurs de lunettes en concurrence
auprès des consommateurs finals.
La double stratégie d’intégration et de diversification
d’Essilor expliquée plus haut trouve ici son sens.
La stratégie de différenciation d’Essilor
En différenciant ses produits, Essilor multiplie les monopoles multi-produits verticalement intégrés et renforce
sa position de leader. Pour y parvenir, Essilor diversifie
sa gamme de produits de plusieurs façons.
Une intégration plus forte en amont avec les laboratoires
de recherche permet de développer de nouvelles technologies propices à extraire le surplus des consommateurs
formant le haut du marché. Des investissements importants en recherche et développement lui permettent de
préserver sa position de leader en innovant systématiquement sur le « haut de gamme », en produisant des
verres de qualité toujours supérieure et complexes qui
sont ensuite fournis aux distributeurs à l’aval. Ses filiales,
comme BBGR, lui permettent de diversifier aussi sa
production, sur des gammes plus basses.
315
82
Parallèlement, Essilor renforce sa position sur le bas du
marché en développant une offre de lunettes prémontées
(« readers »). Le groupe possède d’importantes capacités
de production de lunettes prémontées et un portefeuille
de marques conséquent, qui lui permet de distribuer ses
produits à de nombreux opticiens ou centres commerciaux, etc.
Cette stratégie entretient la position d’Essilor sur le
marché, pour plusieurs raisons :
— augmenter la gamme de produits permet de réduire
les possibilités d’entrée de la part de compétiteurs. En
élargissant son offre, l’opérateur en place limite la profitabilité de l’entrant potentiel ;
— introduire une « fighting brand » pour concurrencer
directement l’entrant permet de capturer une partie de
l’accroissement de demande créé par l’arrivée de l’entrant. Dans les deux cas, l’entrant doit être plus efficace
que l’opérateur en place pour pouvoir entrer profitablement.
Ces deux stratégies sont parfaitement légitimes de la
part de l’opérateur en place dès lors que chaque acteur
est sur un « pied d’égalité », c’est-à-dire dès lors que
chaque acteur a toute la latitude pour produire sa gamme
de produits. Elles deviennent plus problématiques dès
lors qu’un des acteurs détient un pouvoir de monopole
sur la production d’un input essentiel à la production de
ces produits finaux.
La différenciation peut en outre avoir pour effet d’instituer
un contexte favorable aux ententes collusives. Le producteur amont peut en effet chercher à empêcher l’entrant
de s’approvisionner en input auprès d’autres producteurs.
En 2010, le Bundeskartellamt allemand a ainsi condamné
les trois producteurs qui se partagent la quasi-totalité du
marché mondial (Essilor, Zeiss et Hoya) et d’autres à une
amende de 115 millions 315 d’euros pour s’être entendus
régulièrement pour une hausse des prix . Les relations
multi-marchés sont en effet propices aux ententes collusives. La collusion tacite entre acteurs ne se réalise que
Frankfurter Allgemeine Zeitung, Preisabsprachen im « Herrz »-Kränzchen, 11 juin 2010.
lorsque les gains à long terme pour chaque acteur associés
à un comportement collusif sont plus importants que les
tentations à court terme de dévier de cet accord. La collusion devient plus facile à soutenir lorsque les acteurs
sont en concurrence sur plusieurs marchés simultanément, car les déviations d’un des participants à l’accord
illicite pourront alors être « punies » sur l’ensemble des
marchés où ils sont en interaction.
La stratégie d’intégration verticale d’Essilor
En réalisant une intégration verticale, Essilor se prémunit des concurrents. Sa stratégie, qui consiste, de plus
en plus, à intégrer toutes les étapes de la production des
verres à la distribution aux opticiens à travers l’acquisition de centres de distribution et de laboratoires de prescription, lui permet de poursuivre cet objectif. En aval de
la production, cette intégration de plus en plus poussée
et l’élargissement de la gamme de produits pourraient
conduire Essilor à également intégrer la distribution
directe de lunettes aux consommateurs, notamment pour
les lunettes prémontées, pour lesquelles le processus de
montage est déjà compris dans la phase de production.
L’absence d’incitation à fournir le bas du marché
L’ensemble de ces éléments conduit à penser qu’Essilor n’est pas incité à fournir spontanément le « bas » du
marché que sont les distributeurs en ligne. Si le monopole amont le faisait, il introduirait des produits moins
chers qui viendraient de fait réduire les surplus qu’il
capte. En s’intégrant plus fortement avec le secteur de la
distribution en aval, le monopole amont trouve une façon
de s’engager à ne pas servir les entrants potentiels, ce qui
permet in fine de limiter la perte de profit associée à une
concurrence accrue.
2.2.Les doutes sur le secteur aval
Outre les doutes de forclusion pesant sur le marché
amont, plusieurs éléments peuvent susciter des doutes
sur le bon fonctionnement concurrentiel du marché au
niveau aval, notamment l’existence de prix élevés pour le
consommateur final (2.2.1.), les marges importantes réalisées par les acteurs du secteur au regard de la réalité des
pays voisins (2.2.2.), certaines pratiques en marge de la
légalité dans les rapports des distributeurs au système
de remboursement (2.2.3.), la démographie de la profession rapportée aux benchmarks internationaux (2.2.4.),
(2.2.5.) du secteur.
2.2.1. L’existence de prix élevés pour le consommateur final
Un niveau de prix à la consommation élevé semble être
l’une des conséquences parmi les plus manifestes et les
plus dommageables pour le consommateur final d’entraves à une concurrence normale sur un marché donné.
Le niveau des prix de l’optique apparaît élevé, dans un
secteur assez opaque. Les comparaisons et l’établissement de moyennes de prix sont très complexes, notamment en raison des éléments précédemment exposés. A
défaut de pouvoir retenir une option qui se révélerait
correcte de manière uniforme, les paragraphes suivants
316
présentent les différentes hypothèses retenues dans
diverses publications :
— Optical Center a estimé qu’une paire de lunettes coûtait
en moyenne environ 350 euros 316 ;
— une étude du magazine Que Choisir en septembre 2011
relevait que les prix s’étalaient entre 91 et 722 euros 317;
— l’étude Xerfi sur la distribution optique retient que le
prix moyen des lunettes adultes est de 107 euros et de 55
euros pour les lunettes enfants ;
— le sondage réalisé par la Mutualité Française retient
Cour d’appel de Paris, Pôle 5, Chambre 5, Arrêt n°10/00413 du 20 septembre 2012.
83
que les prix sont de 277 euros en moyenne pour les verres
unifocaux et de 591 euros en moyenne pour les verres
progressifs (soit une moyenne de 434 euros) ;
— la revue spécialisée L’Opticien lunetier, sur la base de
données GfK, estime que le prix moyen est de 259 euros
pour des équipements unifocaux et de 577 euros pour des
équipements progressifs 318 ;
— les données GfK détaillent de manière à distinguer
entre les verres de correction (prix moyen de 94,10
euros), les montures optiques (prix moyen de 121,40
euros), les montures solaires (prix moyen de 98,20
euros), les produits d’entretien de lentilles (prix moyen
de 9,60 euros) et les lentilles de contact (prix moyen de
2,40 euros). On en conclut que le prix moyen d’une paire
de lunettes est de 215,50 euros.
Prix moyens (euros)
L’Opticien lunetier 319
Sondage
Mutualité française 320
des verres unifocaux
259
277
des verres progressifs
577
591
Figure 68 – Sondage Mutualité Française et L’Opticien Lunetier
Prix moyens
(euros)
des verres de correction
94,10
des montures optiques
121,40
des montures solaires
98,20
des produits d’entretien de lentilles
9,60
des lentilles de contact
2,40
Figure 69 – Note regards, données à fin septembre 2012 321
317
Les auteurs s’appuient sur les déclarations publiques précitées.
318
L’Opticien lunetier, Les chiffres clés 2007, n°622, mai 2008.
319
L’Opticien lunetier, Les chiffres clés 2007, n°622, mai 2008.
320
Ipsos – Mutualité française, Les Français et l’optique, septembre 2012.
321
GfK, Note regards, données à fin septembre 2012.
84
Prix moyens
(euros)
lunettes adultes
107
lunettes enfants
55
Figure 70 – XERFI 322
La moyenne de ces estimations (en excluant celle faite par
Que Choisir, qui tient plus du relevé issu d’une enquête
de terrain que d’une évaluation moyenne) donne un prix
moyen autour de 333 euros (ce résultat est évidemment à
prendre avec précaution).
Prix moyens
(euros)
Optical Center
350 euros
Que Choisir
entre 91 et 722 euros
Xerfi
107 euros
Mutualité Française
434 euros
GfK
215,50 euros
Moyenne
(à l’exclusion de Que Choisir)
333,16 euros
Figure 71 – Synthèse des estimations
322
Xerfi, Optique (distribution), septembre 2011.
85
2.2.2. Des chiffres d’affaires élevés pour les professionnels du secteur
au regard de la réalité des pays voisins
> Des marges importantes
Le Conseil de la concurrence avait déjà relevé que « les
marges dans le secteur sont élevées » 323. Le secteur
réalise en moyenne en effet une marge brute estimée à
environ 60 % (63,1 % en 2010 selon une première estimation 324 ; 57,7 % selon une autre 325) pour un résultat
Taux de marge
(euros)
courant moyen de 20,5 % des ventes 326 . Certains acteurs
évoquent cependant un « nettoyage » du marché, « au
détriment des points de vente les moins bien gérés » et au
bénéfice d’une consolidation « autour des points de vente
de plus de 700 000 euros d’activité » 327.
20 à 49
salariés
50 à 99
salariés
plus de
100 salariés
51,4 %
61,8 %
58,7 %
Figure 72 – Taux de marge selon la taille des entreprises du secteur 328
> Des chiffres d’affaires bien supérieurs à ceux
constatés dans les autres pays
Les chiffres d’affaires du secteur semblent particulièrement élevés en comparaison avec les autres pays. Comme
l’illustre la démonstration en Annexe I : Comparaison des
chiffres d’affaires des marchés de l’optique entre pays, le
marché français de l’optique s’avère en moyenne supérieur
de 1,5 milliard d’euros à ce qu’il devrait être sur la base
d’un fonctionnement comparable à celui de ses voisins.
323
Autorité de la concurrence, Décision n°02-D-36 du 14 juin 2002 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la distribution des
lunettes d’optique sur le marché de l’agglomération lyonnaise.
324
Union de la profession comptable et des organismes de gestion agréés, Analyse sectorielle TPE : optique, 2011.
325
Xerfi, Optique (distribution), septembre 2011.
326
Union de la profession comptable et des organismes de gestion agréés, Analyse sectorielle TPE : optique, 2011.
327
Jean-Denis Douannet, Directeur du développement de Luz Optique, in Bien vu, Créer, reprendre un point de vente, 12 moins pour s’installer,
Hors série 2010-2011.
328
INSEE, Fiche sectorielle de l’enquête annuelle d’entreprise dans le commerce 2006, Activité de détail et activités assimilées 524T optique,
photographie.
86
1600
1 458
1400
1200
1 057
1000
800
444
600
400
200
0
-200
18
Verres
Montures
-62
Lentilles
Total
Produits
d’entretien
Figure 73 – Surplus moyen du marché français en comparaison avec l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et le Royaume-Uni, en millions d’euros
Si le chiffre d’affaires par consommateur en France était le même que dans les pays voisins (Allemagne, Espagne,
Italie, Royaume-Uni) il aurait dû être jusqu’à 1,5 milliard d’euros inférieur en 2007, ce qui représente un écart conséquent pour un marché de 4,2 milliards d’euros. C’est donc un peu plus d’un tiers (35 %) du chiffre d’affaires français
qui apparaît en surplus par rapport aux pays voisins.
35%
65%
Figure 74 – L’ « excès » inexpliqué du marché français
Cet « excès » est difficilement explicable au premier abord. Si l’on écarte l’hypothèse de caractéristiques oculaires
divergentes entre les consommateurs de ces pays, les raisons de ce chiffre d’affaires « en surplus » semblent devoir
être recherchées dans la structure française du secteur.
87
> Des chiffres d’affaires par consommateur bien
supérieurs aux autres pays
Rapportés au nombre de consommateurs par pays (voir
Annexe I : Comparaison des chiffres d’affaires des marchés
de l’optique entre pays), le chiffre d’affaires par consommateur en France dans le secteur de l’optique est généralement bien supérieur à ce qu’il est dans la plupart des pays
comparables, à l’exception du Royaume-Uni.
200
180
160
140
120
100
80
60
40
20
0
Verres
Allemagne
Montures
Espagne
Lentilles
France
Produits
d’entretien
Italie
Total
Royaume-Uni
Figure 75 – Le chiffre d’affaires moyen par consommateur, par type de produit, dans 5 pays de l’Union européenne, en euros
A titre d’exemple, le chiffre d’affaires par consommateur français est de 182,13 euros, contre 110,11 euros par consommateur allemand. Cette différence est particulièrement marquée sur le segment des verres : alors que le chiffre d’affaires
par consommateur est supérieur à 67 euros en France, il n’est que de 44,64 euros en Allemagne (et même 40,71 euros
au Royaume-Uni). Il semble donc que le marché français réalise un volume d’affaires sensiblement supérieur au marché
allemand.
Ce sont donc les verres qui, en France, semblent produire un chiffre d’affaires par client bien supérieur aux autres pays : le
chiffre d’affaires moyen dans les autres principaux pays de l’Union européenne représente généralement 60 % du chiffre
d’affaires français (et même 50 % dans le cas de l’Espagne).
88
80
70
67,26
60
50
40
44,64
39,91
33,65
40,71
30
20
10
0
Verres
Allemagne
Espagne
France
Italie
Royaume-Uni
Figure 76 – Le chiffre d’affaires par consommateur pour les verres dans 5 pays de l’Union européenne, en euros
2.2.3. Des complémentaires santé victimes de comportements frauduleux
de la part des distributeurs
Plusieurs acteurs de la profession, principalement les
complémentaires, laissent entendre que se pratiqueraient des « optimisations de facture ». Selon le président
de la Mutualité Française, Etienne Caniard : « ce sont les opticiens qui disent : “ combien vous rembourse votre mutuelle ? ”
et qui vont au maximum » 329 . Caroline Touizer, directrice
des réseaux de soins de Santéclair, expliquait ainsi à la
presse en 2010 que « selon elle, faute d’encadrement
du marché, certains opticiens peuvent parfois proposer
des options dont les clients n’ont pas forcément besoin,
mais que leur assurance rembourse en cas de couverture
très large. “On appelle cela de l’optimisation de facture,
souligne Caroline Touizer. Des opticiens ajustent les
devis aux garanties offertes par les complémentaires, en
surfacturant par exemple les verres, mieux remboursés
que les montures” » 330.
En pratique, l’opticien déterminerait le prix payé par le
consommateur final en fonction des remboursements
dont celui-ci bénéficie : plus le plafond de remboursement de la complémentaire est élevé, plus le prix fixé par
l’opticien le serait en conséquence. Le vendeur augmenterait ainsi ses prix en étant assuré de la solvabilité de
son client. Cela implique que l’opticien se renseignerait
sur la mutuelle du consommateur, avant de lui proposer
un prix.
Les « optimisations de facture » seraient courantes dans
le secteur puisque 36 % des consommateurs se seraient
déjà vu proposer un prix ainsi « arrangé » et près d’un
consommateur sur cinq (22 %) se serait vu proposer un
« prix arrangé pour maximiser le remboursement de ses
lunettes par la mutuelle ». Ce serait même le cas de près
d’un consommateur sur trois (27 %) pour ceux qui sont
satisfaits de leur mutuelle et de quatre consommateurs
sur dix pour ceux qui sont âgés de 25 à 34 ans. A l’inverse, ce ne serait le cas que de 8 % des consommateurs
sans mutuelle. Dans 16 % des cas, les opticiens auraient
329
La Tribune, 4 octobre 2012, Afflelou attaque les mutuelles qui «poussent à la consommation» de lunettes chères.
330
La Croix, De nouvelles formes de concurrence sur le marché de l’optique, 21 septembre 2010
89
incité à la consommation, en garantissant aux consommateurs que leurs dépenses seraient remboursées par la
mutuelle 331 .
L’ « optimisation de facture » permettrait par ailleurs aux
distributeurs de faire profiter leurs clients d’avantages
divers, présentés comme des « cadeaux » mais en réalité
en partie ou intégralement financés par les prix élevés
permis par les remboursements des complémentaires.
Ces pratiques promotionnelles contribuent certainement
à fidéliser les clientèles et, dès lors, à rigidifier la possibilité pour des nouveaux entrants de les attirer vers eux.
Ces pratiques sont attestées dans une affaire opposant
Optical Center à Afflelou, la condamnation en appel de
cette dernière société à verser plus d’un million d’euros
de dommages et intérêts pour concurrence déloyale ayant
été confirmée par la cour d’appel de Paris en septembre
2012 332 . En l’espèce, Optical Center reprochait à Afflelou de pratiquer de « l’optimisation de facture » (« des
abus se sont avérés à l’occasion de cette prise en charge
[par les mutuelles] dans la mesure où étaient faussement
imputées sur les frais pris en charge les dépenses les
plus importantes, pratiques attractives pour les clients
qui n’avaient ainsi à régler sur leurs deniers personnels
qu’un prix largement minoré »). La cour a jugé que « les
pratiques relatées constituent des fautes dans la mesure
où elles contreviennent à des interdictions légales. [En
outre,] ces pratiques ne sont pas le fait ponctuel d’un point
de vente Alain Afflelou mais caractérisent des pratiques
unifiées au sein de l’ensemble du groupe, que les points
de vente soient des franchises ou des succursales ; […] de
telles pratiques drainant une clientèle importante étant
source de revenus considérables ».
Si cet arrêt de la cour d’appel de Paris ne démontre pas
que la pratique est généralisée, les citations précédemment relevées laissent penser qu’elles ne sont pas non
plus isolées. Au demeurant, la cour relève qu’elles sont
avérées dans le cas d’un point de vente Optical Center au
moins. Sous ces réserves, il semble donc que la pratique
de l’ « optimisation de facture » a une influence non négligeable à la hausse sur les prix de l’optique.
2.2.4. Une démographie des opticiens très élevée en France au regard des
benchmarks internationaux
La démographie des opticiens est particulièrement dynamique en France. C’est particulièrement vrai en matière
331
332
90
d’ouverture de points de vente : ils sont passés de 7 773
en 2000 à 11 422 en 2012.
Happy View, 1ère édition de l’étude Happyview.fr réalisée par OpinionWay sur le prix des lunettes et la vente de lunettes sur internet,
17 juin 2010 ;
Reportage du journal télévision de France 2 du 12 décembre 2012.
Cour d’appel de Paris, Pôle 5, Chambre 5, Arrêt n°10/00413 du 20 septembre 2012.
12 000
11 500
11 422
11 000
10 500
10 520
11 100
10 851
10 111
10 000
9 831
9 500
9 500
9 000
8 723
8 500
8 000
7 500
7 000
7 773
2000
7 966
2001
8 109 8 249
2002
2003
8 450
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
Figure 77 – Nombre de points de vente d’optique 333
Ce dynamisme est d’autant plus notable en comparaison avec quelques pays étrangers. La France compte en
septembre 2012 un peu plus de 11 400 points de vente
d’optique, ce qui correspond à un rapport de 0,0019 point
de vente par habitant. Ce taux illustre une densité importante du maillage du territoire français. Par comparaison,
pour une population à peu près équivalente, le RoyaumeUni compte environ 5 000 points de vente de moins
(7 000 au total), soit 0,0015 point de vente par habitant.
La divergence est encore plus forte avec les Etats-Unis
qui, avec une population de plus de 300 millions d’ha-
bitants, ne compte que 20 000 points de vente (soit un
taux de 0,0007 point de vente par habitant). La densité
du réseau de points de vente d’optique français conduit
à ce qu’il y ait environ 5 401 habitants par point de vente,
contre 14 990 aux Etats-Unis.
Selon une étude comparative, la France, l’Allemagne,
l’Italie, l’Espagne et le Royaume-Uni, qui regroupent
environ 314 millions d’habitants, comptent 49 548
points de vente d’optique, ce qui conduit à un rapport de
0,00016 point de vente par habitant et un autre de 6 337
habitants par point de vente 334.
333
L’Opticien lunetier, Les chiffres clés 2007, n°622, mai 2008 (étude reposant sur des données GfK) pour les années 2000 à 2005 ;
GfK, Note regards, données à fin mars 2012 pour les années 2006 à 2012.
334
Strategy with Vision, The European Optical Market 2010-2011 – SWV consolidated report, 2011.
91
France
Espagne 335
Allemagne 336 RoyaumeUni 337
11 422
9 250
12 030
7 000
Nombre
61,7
d’habitants 339
(millions)
44,9
82,3
60,1
Point de
vente /
habitant
0,0019
0,0021
0,0015
0,0012
0,0007
Habitants
/ point de
vente
5 401
4 851
6 838
8 591
14 990
Nombre
de points
de vente
Italie
Etats-Unis 338
20 095
59,4
301,2
Figure 78 – Densité des points de vente dans quelques pays
Il ressort donc qu’en France la densité des points de
vente est plus forte que dans la plupart des autres pays
comparables (à l’exception de l’Espagne). Cela s’explique
probablement pour partie par la dimension « proximité », à
laquelle les consommateurs semblent prêter une grande
importance 340 et par le vieillissement de la population.
Néanmoins, cela semble insuffisant pour expliquer les
spécificités du marché français au regard des pays équivalents, qui connaissent des tendances semblables.
L’accroissement continu du nombre de points de vente,
certainement permis par une rentabilité particulière, doit
peut-être être mis en relation avec le surplus du marché
précédemment relevé.
335
Alain Afflelou, Rapport annuel 2006-2007.
336
Zentralverband der Augenoptiker, Banchenkennzahlen Augenoptik, 2010. Chiffre de 2011.
337
Optical Confederation, Government consultation – liberating the NHS : regulating health care providers, 2010.
338
Highbeam Business, Optical good stores, 2010. Chiffre de 2009.
339
Source : OCDE StatExtracts, consulté en ligne.
340
Autorité de la concurrence, Décision n°02-D-36 du 14 juin 2002 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la distribution des
lunettes d’optique sur le marché de l’agglomération lyonnaise.
92
16 000
14 000
12 000
10 000
8 000
6 000
4 000
2 000
0
Espagne
France
Moyenne UE
5
Allemagne Royaume-Uni
Etats-Unis
Figure 79 – Nombre moyen de consommateurs par point de vente dans quelques pays
Le chiffre d’affaires annuel moyen par point de vente en
France est d’environ 501 000 euros 341 en 2012, en décrue
depuis quelques années. S’il est supérieur à ce qu’il est en
Espagne et en Allemagne, il est légèrement inférieur à ce
qu’il est en Grande Bretagne.
France
Espagne 342
Allemagne 343 RoyaumeUni 344
Nombre
de points
de vente
9 500
9 250
12 030
7 000
Marché
total
(Md€) 346
4,53
2,15
3,42
3,48
CA moyen
par point
de vente
(euros)
476 842
232 432
284 289
497 143
Italie
Etats-Unis 345
20 095
3,36
Figure 80 – Chiffre d’affaires moyen par point de vente 347
341
GfK, Note regards, données à fin mars 2012 pour les années 2006 à 2012.
342
Alain Afflelou, Rapport annuel 2006-2007.
343
Zentralverband der Augenoptiker, Banchenkennzahlen Augenoptik, 2010. Chiffre de 2011.
344
Optical Confederation, Government consultation – liberating the NHS : regulating health care providers, 2010.
345
Highbeam Business, Optical good stores, 2010. Chiffre de 2009.
346
L’Opticien lunetier, Les chiffres clés 2007, n°622, mai 2008.
347
L’Opticien lunetier, Les chiffres clés 2007, n°622, mai 2008 (étude reposant sur des données GfK) pour les années 2000 à 2005 ;
GfK, Note regards, données à fin mars 2012 pour les années 2006 à 2012.
93
2.2.5. Un marché concentré
Le secteur de la distribution de produits d’optique au
détail apparaît relativement concentré, organisé autour
de cinq principaux groupes qui détiennent 70 % des
points de vente et réalisent 73 % du chiffre d’affaires. Il
est donc composé d’acteurs détenant individuellement
ou collectivement un pouvoir de marché certain et donc
la capacité potentielle a déterminer les prix en se sous-
trayant à la pression concurrentielle.
> Parts de marché en points de vente
Sur un marché français global de la vente de produits
d’optique, les cinq premiers concurrents détiennent
70 % des points de vente.
Nombre de
points de vente 348
Parts de marché
(%)
Groupe Guildinvest
3 323
28 %
Group All
1 670
14 %
Groupe Optic 2000
1 535
13 %
Grand Vision
648
5%
Groupe Schertz / Luz
1 120
9%
SOUS TOTAL LEADERS
8 296
70 %
Soc.Cos.Europtic
880
7%
Atol
746
6%
Alain Afflelou
722
6%
Les opticiens mutualistes
673
6%
Optic Libre
542
5%
TOTAL 10 PREMIERS
11 859
100 %
Figure 81 – Parts de marché des groupes d’optique en nombre de points de vente
348
94
Xerfi, Optique (distribution), septembre 2011.
>Parts de marché en valeur
Sur un marché français global de la vente de produits
d’optique, les cinq principaux concurrents détiennent
73 % du chiffre d’affaires total.
Chiffre d’affaires
(millions d’euros)
Parts de marché
(%)
Groupe Guildinvest
1 540
25 %
Groupe Optic 2000
1 018
15 %
Group All
653
11 %
Grand Vision
652
11 %
Alain Afflelou
606
10 %
SOUS TOTAL LEADERS
4 469
73 %
Les opticiens mutualistes
562
9%
Groupe Schertz / Luz
400
7%
Atol
350
6%
Soc.Cos.Europtic
308
5%
Optic Libre
150
2,4 %
TOTAL 10 PREMIERS
6 240
100 %
Figure 82 – Parts de marché des groupes d’optique en valeur
95
2.2.6. Un marché opaque sur la formation des prix
> Une transparence très imparfaite du marché
Les prix du secteur de l’optique sont très difficilement
lisibles pour le consommateur, c’est à dire qu’il n’existe
pas de grille exhaustive et précise qui lui permette de
connaître et comparer les prix de référence des équipements disponibles chez les différents distributeurs.
Cette absence de transparence peut s’expliquer au
premier abord par la pluralité des paramètres déterminant le prix final d’une paire de lunettes : par exemple,
pour chaque consommateur, les verres varient par leur
qualité, les défauts qu’ils corrigent, etc. ; leur composition
fait en outre intervenir de multiples composants (matériau, anti-reflet, etc.). Il existe donc de très nombreuses
combinaisons possibles entre les différentes montures,
les références de verres, etc. Par ailleurs, même si le
prix des montures ne semble pas devoir varier fortement d’un distributeur à l’autre, la grande diversité des
produits proposés renforce l’impression d’abondance de
références difficilement comparables entre elles. Enfin,
les pratiques d’« optimisation de facture », lorsqu’elles
sont avérées, brouillent encore la possibilité d’obtenir
des prix lisibles et donc encore plus de les comparer : à
chaque client (et à chaque complémentaire) correspond
un prix, proposé au client sans bien souvent que celui-ci
puisse accéder en boutique à un catalogue ou une grille
de prix des verres (lesquels, à la différence des prix des
montures qui sont eux annoncés, sont rarement affichés
dans le détail, compte tenu de la diversité des options et
des corrections disponibles).
La formation du prix reste donc d’une complexité certaine
au niveau de la distribution. Le Conseil de la concur-
rence avait relevé que « les marges dans le secteur sont
élevées : dans l’optique médicale, le prix des montures
est déterminé par application d’un multiplicateur auquel
s’ajoute le forfait relatif au montage. Au total, les coefficients multiplicateurs les plus couramment appliqués se
situent entre 2,6 et 2,8. Il en est de même pour la détermination des prix de vente des verres. Les coefficients
varient de 2,15 à 3 suivant que le prix d’achat est plus ou
moins élevé, avec une complexité plus grande au niveau
du forfait montage, compte tenu du nombre plus important de catégories de verres et de corrections visuelles. Le
forfait de montage appliqué sur le prix des verres, mais
aussi sur celui des montures, a un effet important sur le
niveau global du coefficient multiplicateur appliqué au
prix d’achat. La plupart des chaînes intervenant sur ce
marché pratiquent de façon ponctuelle ou quasi permanente des politiques de remises plus ou moins importantes » 349.
Les comparaisons restent donc très difficiles pour le
consommateur, ce qui renforce nécessairement le rôle
de conseil de l’opticien. Le Conseil de la concurrence a
ainsi souligné que « les prix ne sont pas déterminables
sans l’aide de l’opticien » 350. D’ailleurs, seuls 37 % des
consommateurs comparent les prix et prestations des
opticiens 351. Cette situation relativement complexe et
opaque, en limitant la possibilité pour le consommateur
final de comparer les prix, contribue à paralyser le jeu
de la concurrence dans la mesure où l’acheteur manque
d’indices prix tangibles et avérés pour jauger et orienter
son choix.
349
Autorité de la concurrence, Décision n°02-D-36 du 14 juin 2002 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la distribution des
lunettes d’optique sur le marché de l’agglomération lyonnaise.
350
Autorité de la concurrence, Décision n°02-D-36 du 14 juin 2002 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la distribution des
lunettes d’optique sur le marché de l’agglomération lyonnaise.
351
Ipsos – Mutualité française, Les Français et l’optique, septembre 2012.
96
97
3. PARTIE III
favoriser la concurrence dans la
distribution d’optique en France :
pistes et gains attendus
Il ressort des faits
et analyses exposés
supra que le fonctionnement du marché français de l’optique n’est pas à ce jour pleinement concurrentiel, que
ce soit sur son secteur amont ou aval. L’une des manifestations et conséquences tangible de cette structure
non concurrentielle est la difficulté constatée à l’arrivée
de nouveaux entrants sur le marché français : la France
98
accuse en effet un retard manifeste quant au déploiement de l’optique en ligne sur son territoire (3.1.). Ces
freins à la concurrence, qui s’expriment notamment dans
les résistances au e-commerce de produits d’optique, ont
des conséquences dommageables, tant pour le pouvoir
d’achat que pour le dynamisme du secteur en général et
l’emploi ; les lever pourrait créer un appel d’air salutaire
pour le consommateur et le dynamisme de l’économie (3.2).
L’essentiel & les chiffres clés
— Un retard de la France en matière d’optique en ligne :
• la distribution en ligne reste limitée en France : elle représenterait 0,1 % à 1 % du secteur, alors qu’aux
Etats-Unis la vente en ligne représenterait 10 % du secteur, en Allemagne 5 % ;
• un marché encore contraint : une procédure en manquement a été engagée contre la France par
la Commission européenne en raison des restrictions à l’ouverture à la concurrence du secteur de
l’optique ;
— L’optique en ligne a pourtant les faveurs des autorités européennes et internationales :
• les institutions communautaires ont plusieurs fois eu l’occasion d’expliquer en quoi le commerce en
ligne, notamment des produits d’optique, pourrait favoriser la réalisation des objectifs de l’Union
européenne ;
• la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), dans le cadre d’un litige concernant
la réglementation hongroise relative à la vente de lentilles en ligne en 2010, a tranché en faveur
du commerce en ligne ;
• aux Etats-Unis, conclusions de rapports 2004 et 2005 de la Federal Trade Commission sur la
3. libéralisation
PARTIE IIIde
: FAVORISER
CONCURRENCE
DANS LA DISTRIBUTION
D’OPTIQUE
la vente enLA
ligne
de produits d’optique
en faveur du canal
Internet ;
EN
FRANCE
:
— Les gains à attendre d’une concurrence accrue sur le marché de l’optique français et de l’entrée de
nouveaux acteurs notamment par le canal Internet :
• faire baisser les prix et en conséquence accroître le pouvoir d’achat des consommateurs :
/ des économies substantielles à l’achat : dans l’hypothèse d’un accroissement de la part de
la distribution par Internet de manière à représenter environ 10 % du secteur, ce canal de
distribution présentant des prix inférieurs à l’ensemble du secteur, les gains attendus pour
les consommateurs vont de 29,4 millions d’euros (prix sur Internet inférieurs de 8 %) à 311,14
millions d’euros (prix inférieurs de 75 %, comme le prétendent les distributeurs en ligne) ; dans
l’hypothèse d’une baisse généralisée des prix des produits d’optique, les gains seraient bien
supérieurs ;
/ une diminution des frais pris en charge par les complémentaires et une baisse de leurs cotisations. ;
• des effets positifs sur l’emploi :
/ la science économique a modélisé et résumé à plusieurs reprises les effets positifs de la
concurrence sur l’emploi, donnant les exemples désormais célèbres du transport aérien, du
transport routier, du commerce de détail ou de la téléphonie mobile ;
/ pour Emmanuel Combe, professeur à l’université Paris 1 et vice-président de l’Autorité de la
concurrence, « contrairement aux idées reçues, toutes les études économiques convergent
pour montrer que la concurrence, si elle détruit des emplois chez les “ insiders ”, en crée
davantage chez les nouveaux entrants, en augmentant la taille du marché » :
En matière d’optique en ligne, aucun élément ne permet de penser que le secteur ait des caractéristiques
différentes invalidant ces effets jusque-là toujours vérifiés.
99
3.1.Le retard de la France en matière
d’optique en ligne
Les mécanismes de forclusion et de concentration amont
et aval mis en lumière supra se traduisent dans les faits
sur le marché aval par une pénétration de marché difficile par les nouveaux entrants que sont les distributeurs
en ligne. L’optique en ligne peine en effet à se déployer
en France (3.1.1.), alors même qu’elle est soutenue par les
instances européennes (3.2.2.) et dans plusieurs pays de
l’OCDE, notamment les Etats-Unis (3.3.3.).
3.1.1. Un secteur encore peu développé et contraint en France
> Un développement très limité
Si les statistiques précises et fiables sont rares, pour ne
pas dire inexistantes, les acteurs du secteur de l’optique
s’accordent pour reconnaitre que la distribution en ligne
reste limitée en France (qu’ils s’en satisfassent ou le
déplorent).
Le chiffre le plus couramment avancé est que la distribution d’optique en ligne représenterait entre 0,1 % et
1 % du secteur 352. D’après le Gouvernement, le canal de
l’optique en ligne représentait cependant de 2 à 3 % du
chiffre d’affaires de la profession en 2008 353. Ce résultat
reste bien inférieur à la part de ce canal aux Etats-Unis,
où la vente en ligne représenterait 10 % du secteur 354. En
Allemagne, la part de marché de la distribution par Internet serait de 5 % au total 355.
> Un marché encore contraint
La France entretient de telles restrictions à l’ouverture à
la concurrence du secteur de l’optique que la Commission
européenne a dû engager à son encontre une procédure
en manquement (ex article 226 du traité instituant la
352
Communauté européenne). En septembre 2008, annonçant qu’elle avait envoyé un « avis motivé » au gouvernement français, la Commission européenne a relevé
que « la législation en vigueur, en interdisant la vente
à distance de produits d’optique-lunetterie par un opticien-lunetier diplômé et en prévoyant l’obligation pour
tout opérateur qualifié de faire enregistrer son diplôme
au niveau départemental français, entravent la liberté
d’établissement (article 43 du traité CE), la libre circulation des services (article 49 CE) et notamment la libre
circulation des services de la société de l’information
(prévue par la directive 2000/31 sur le commerce électronique) » 356.
La Commission visait notamment l’article L.4362-9 du
code de la santé publique, non modifié depuis, qui prévoit
notamment que « les établissements commerciaux dont
l’objet principal est l’optique-lunetterie, leurs succursales
et les rayons d’optique des points de vente ne peuvent
être dirigés ou gérés que par une personne remplissant
les conditions requises pour l’exercice de la profession
d’opticien-lunetier » 357.
Les Echos, La guerre des lunettes sur le web est déclarée, 15 novembre 2011 ;
Le Figaro, La vente d’optique en ligne suscite un vif débat, 16 juillet 2011 ;
e-commerce n°31, L’optique en ligne voit l’avenir en grand, 1er septembre 2011.
353
Secrétariat d’Etat chargé du commerce, de l’Artisanat, des Petites et Moyennes Entreprises, du Tourisme, des Services, des Professions
libérales et de la Consommation, Projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs – étude d’impact,
juin 2011.
354
Consultation du comparateur www.optico.net.
355
Le Figaro, La vente d’optique en ligne suscite un vif débat, 16 juillet 2011 ;
E-commerce n°31, L’optique en ligne voit l’avenir en grand, 1er septembre 2011.
356
Commission européenne, 18 septembre 2008, Libre circulation des services : procédure d’infraction à l’encontre de la France pour les
entraves à la vente en ligne de produits d’optique-lunetterie, Communiqué de presse IP/08/1354.
357
Henri Alterman, Fabrice Perbost, Vers une réglementation de la vente de produits d’optique-lunetterie sur internet,
Revue de jurisprudence commerciale, n°5, septembre – octobre 2011.
100
Ces éléments s’ajoutent à ceux relevés plus haut. Ainsi,
les dysfonctionnements concurrentiels probables des
marchés amont peuvent expliquer les difficultés rencontrées par les opticiens en ligne pour s’approvisionner
auprès des producteurs d’input. En outre, les doutes
présentés sur les marchés aval peuvent expliquer aussi
que l’accès au marché reste difficile pour les acteurs de
la distribution en ligne.
3.1.2. Le droit communautaire clairement en faveur du canal Internet
Si la réalité des marchés semble encore ambiguë vis-àvis du commerce en ligne, le droit communautaire, lui, a
clairement tranché. Dans l’esprit de réalisation d’un marché
unique visant « à établir les fondements d’une union sans
cesse plus étroite entre les peuples européens » 358, les institutions communautaires ont plusieurs fois eu l’occasion
d’expliquer en quoi le commerce en ligne, notamment
des produits d’optique, pourrait favoriser la réalisation
des objectifs de l’Union européenne.
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a eu
l’occasion de s’exprimer de manière très éclairante à ce
sujet, principalement dans le cadre d’un litige concernant
la réglementation hongroise relative à la vente de lentilles
en ligne 359. La loi hongroise imposait en effet de disposer d’un point de vente d’une surface minimale de 18 m2
pour commercialiser des lentilles. Ne répondant pas à ce
critère, la société de distribution de lentilles en ligne KerOptika s’était vu interdire la possibilité d’exercer son activité par l’autorité régionale compétente 360. Une question
préjudicielle avait été posée à l’occasion du litige au fond
devant le juge national.
A cette occasion, la CJUE a conclu en premier lieu que les
lentilles étaient des dispositifs médicaux mais que l’examen par un ophtalmologiste, nécessaire à leur prescription, « ne fait pas indissociablement partie de la vente
des lentilles de contact. En effet, il peut être effectué
indépendamment de l’acte de vente, la vente pouvant être
réalisée, même à distance, sur la base d’une prescription
effectuée par le médecin ophtalmologiste qui a, au préalable, examiné le client ».
En outre, la CJUE relève que « l’interdiction des ventes de
lentilles de contact par correspondance prive les opérateurs provenant d’autres Etats membres d’une modalité
particulièrement efficace de commercialisation de ces
produits et gêne ainsi considérablement l’accès de ces
derniers au marché de l’Etat membre concerné ».
Enfin, si la CJUE juge que des restrictions peuvent être
imposées au nom de préoccupations de santé publique
(ce qui est usuel dans le marché unique), celles-ci doivent
être proportionnées. La CJUE précise qu’ « encore fautil, toutefois, que cette réglementation n’aille pas au-delà
de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif, c’est
à dire qu’il n’existe pas de mesures moins attentatoires
à la libre circulation des marchandises pour y parvenir ».
Elle ajoute, pour répondre aux inquiétudes formulées sur
l’absence de conseil des consommateurs en ligne, que
« les clients peuvent être conseillés, d’une manière équivalente, avant la livraison des lentilles de contact, dans
le cadre de la commercialisation de ces dernières par
Internet, et ce au moyen des éléments interactifs existant
sur le site internet concerné qui doivent être obligatoirement utilisés par le client avant qu’il ne puisse procéder
à l’achat ».
La CJUE reprend et fait référence à un arrêt de 2003 intervenu en matière de vente de médicaments non soumis à
prescription médicale sur Internet 361 : dans cette précédente affaire, la CJUE avait jugé qu’il n’était pas possible
d’interdire des médicaments vendus par correspondance
ayant fait l’objet d’une autorisation de mise sur le marché
allemand et n’étant pas soumis à prescription médicale.
358
Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, Préambule.
359
Cour de justice de l’Union européenne, arrêt du 2 décembre 2010, Ker-Optika bt contre ANTSZ Del-dunantuli Regionalis Intezete,
Aff. C-108/09.
360
La semaine juridique, édition générale, La vente des lentilles de contact ne peut pas être réservée à des points de vente spécialisés, n°50,
13 décembre 2010 ;
Revue Lamy Droit de l’immatériel, Commercialisation de lentilles de contact sur internet : quelques règles communautaires à ne pas
perdre de vue, n°68, février 2011.
361
Cour de justice de l’Union européenne, arrêt du 11 décembre 2003, Deutscher Apothekerverband, aff. C-2003/01.
101
Elle avait aussi écarté les arguments relatifs à l’absence
supposée de conseils sur Internet 362.
Ces décisions de la CJUE s’inscrivent dans un mouvement continu d’une logique bien connue d’extension et
de perfectionnement du marché unique. Dans cette pers-
pective, Internet est un outil essentiel de distribution :
« rien ne devrait plus arrêter la généralisation d’Internet, voulue par les autorités de la concurrence comme un
canal de distribution “comme les autres” » 363.
3.1.3. La promotion du canal Internet aux Etats-Unis
La vente par Internet des produits d’optique n’est pas
promue qu’en Europe. L’exemple américain est illustratif
à ce titre.
En mars 2004, la Federal Trade Commission a produit
un rapport sur la libéralisation de la vente en ligne de
lentilles 364. Celui-ci relevait que « les avantages économiques de la vente sur Internet sont bien documentés. Elle
donne aux consommateurs la possibilité de rassembler
plus facilement de l’information sur les prix, la qualité et
la disponibilité, et cette réduction des coûts de recherche
d’information conduit à des transactions plus efficaces et
réduit les coûts de transaction ». Le rapport souligne en
outre que « les consommateurs peuvent souvent obtenir des
économies significatives ». Ces conclusions ont été confirmées dans un second rapport, daté de 2005 365.
La FTC s’est en outre penchée sur quelques cas particuliers. C’est le cas du Connecticut en 2002 : la FTC a
considéré que les contraintes qui existaient sur la vente
de lentilles par téléphone, Internet et courrier limitaient
la concurrence, augmentaient les coûts pour les consommateurs et diminuaient les avantages pour le consommateur, sans fournir de bénéfices en termes de santé
publique ni de sécurité 366. En 2011, la FTC a rendu un
avis similaire à propos de la législation de la Caroline du
Nord, qui contraignait les ventes de lentilles, lunettes et
autres produits d’optique par Internet 367.
362
La semaine juridique, entreprise et affaires, Un contrat de distribution sélective peut-il interdire de vendre des produits sur Internet ?,
n°42, octobre 2011.
363
Revue Lamy Droit de l’immatériel, Les réseaux de distribution et internet, un panorama des évolutions récentes, n°46, février 2009.
364
Federal Trade Commission, Possible Anticompetitive Barriers to E-commerce: Contact Lenses, mars 2004.
365
Federal Trade Commission, The Strength of Competition in the Sale of Rx Contact Lenses: an FTC study, février 2005.
366
Federal Trade Commission, FTC staff comment before the Connecticut Board of Examiners for Opticians, 27 mars 2002.
367
Federal Trade Commission, FTC staff comment before the North Carolina State Board pf Opticians Concerning Proposed Regulations for
Optical Goods and Optical Goods Businesses, 13 janvier 2011.
102
3.2.Les gains à attendre d’une concurrence
accrue sur le marché de l’optique français
L’entrée de nouveaux acteurs sur le marché de la distribution de produits d’optique et notamment par le canal
Internet en France devrait permettre de faire baisser les
prix et en conséquence accroître le pouvoir d’achat des
consommateurs (3.2.1.). Elle aurait aussi des effets positifs sur l’emploi (3.2.2.).
3.2.1. Les gains d’une concurrence accrue en termes de pouvoir d’achat
En se reposant sur différentes hypothèses, l’Annexe II :
Evaluation des gains potentiels de l’accroissement de la
part d’Internet montre que le commerce en ligne pourrait
permettre des gains substantiels de pouvoir d’achat pour
les consommateurs.
Ainsi, dans l’hypothèse où l’ensemble des prix des
produits d’optique baisserait de manière uniforme, les
gains attendus pour les consommateurs s’étalent entre
332 millions d’euros (baisse de 8 %) et 3,1 milliards d’euros (baisse de 75 %) comme l’illustre la Figure 83.
Hypothèses de réduction uniforme des prix (millions d’euros)
8 %
10 %
25 %
30 %
75 %
Verres de correction
198,07
246,93
614,94
737,61
1 844,25
Montures optiques
75,69
95,51
246,57
297,20
750,38
Montures solaires
33,55
41,72
103,46
124,46
309,68
Produits d’entretien
de lentilles
5,06
6,66
16,32
19,77
0,49
Lentilles
19,78
20,66
64,54
75,51
196,18
Total
332,15
411,48
1 045,83
1 254,55
3 100,98
Figure 83 – Gains dans l’hypothèse d’une baisse uniforme des prix dans le secteur de optique 368
368
L’Opticien lunetier, Les chiffres clés 2007, n°622, mai 2008.
103
Dans l’hypothèse, plus pessimiste, d’un accroissement de
la part de la distribution par Internet, de manière à représenter environ 10 % du secteur, présentant des prix inférieurs à l’ensemble du secteur, les gains attendus pour les
consommateurs vont de 29,4 millions d’euros (prix sur
Internet inférieurs de 8 %) à 311,14 millions d’euros (prix
inférieurs de 75 %, comme le prétendent les distributeurs
en ligne 369).
Hypothèses de prix en ligne inférieurs aux prix en point de vente
(millions d’euros)
8 %
10 %
25 %
30 %
75 %
Verres de correction
21,17
26,12
62,93
75,19
185,86
Montures optiques
3,13
5,12
20,23
25,29
70,61
Montures solaires
3,88
4,68
10,85
12,95
31,47
Produits d’entretien
de lentilles
0,31
0,45
1,42
1,76
4,73
Lentilles
0,91
0,91
5,30
6,94
18,47
Total
29,40
37,28
100,73
122,13
311,14
Figure 84 – Gains dans l’hypothèse d’un accroissement de la part du secteur de l’optique en ligne, présentant des prix inférieurs 370
Une baisse des prix de l’optique devrait en outre logiquement conduire à une diminution des frais pris en charge
par les complémentaires et justifier dès lors une baisse
de leurs cotisations. Ce n’est pas négligeable puisqu’au-
369
370
371
jourd’hui, il existe « un obstacle financier à l’accès à la
complémentaire santé en France », près d’un Français
sur cinq considérant que l’assurance complémentaire est
« non accessible financièrement » 371.
Le Point, Optique en ligne, le coup de gueule de Marc Simoncini, 15 novembre 2011.
L’Opticien lunetier, Les chiffres clés 2007, n°622, mai 2008.
Florence Jusot, Clémence Perraudin, Jérôme Wittwer, L’accessibilité financière à la complémentaire santé en France : les résultats de
l’enquête Budget de Famille 2006, Economique et Statistique n°450, Insee, novembre 2012.
104
3.2.2. Les gains d’une concurrence accrue en termes d’emploi
Parce qu’elle permet une allocation optimale des moyens,
la concurrence crée de l’emploi. Comme le résume Emmanuel Combe, professeur à l’université Paris 1 et viceprésident de l’Autorité de la concurrence, « contrairement aux idées reçues, toutes les études économiques
convergent pour montrer que la concurrence, si elle
détruit des emplois chez les insiders, en crée davantage
chez les nouveaux entrants, en augmentant la taille
du marché » 372. Si elle génère des ajustements parfois
difficiles, la « destruction créatrice » schumpetérienne
conduit à des créations d’emplois.
Des productions aujourd’hui bien connues ont démontré
ces effets positifs sur l’ensemble de l’économie. Pierre
Cahuc, Francis Kramarz et André Zylberberg ont ainsi
résumé les effets positifs de la concurrence sur l’emploi,
donnant les exemples désormais célèbres du transport
aérien, du transport routier ou du commerce de détail 373
(ce dernier exemple ayant d’ailleurs fait l’objet d’études
complémentaires 374). Ils relevaient qu’une abondance de
travaux « convergent pour montrer que les barrières à la
concurrence sont défavorables à l’emploi, à la croissance
et au pouvoir d’achat ».
En matière d’optique en ligne, le phénomène est encore
trop récent pour qu’il soit possible d’effectuer des calculs
et mesures pertinents (absence de données sur les moyen
et long termes passés, transparence des prix insuffisante,
etc.). Aucun élément ne permet cependant de penser que
le secteur ait des caractéristiques telles qu’elles invalideraient les rappels généraux ci-dessus. L’entrée sur le
marché de nouveaux acteurs, si elle n’est pas empêchée
par des barrières telles que des pratiques anticoncurrentielles, devrait conduire à une reconfiguration des
distributeurs de produits d’optique. Cette transformation
devrait conduire, ultimement, à un surplus global accru
et se révéler bénéfique pour l’emploi dans l’ensemble du
secteur.
372
Emmanuel Combe, Les bénéfices insoupçonnés de la concurrence pour le pouvoir d’achat, Le Monde, 21 mars 2011.
373
Pierre Cahuc, Francis Kramarz et André Zylberberg, Les ennemis de la concurrence et de l’emploi, Commentaire n°114, 2006.
374
Francis Kramarz, Marianne Bertrand, Does Entry Regulation Hinder Job Creation? Evidence from the French Retail Industry,
Quarterly Journal of Economics, CXVII, 4, 2002 ;
Philippe Askenazy, Katia Weidenfeld, Les soldes de la loi Raffarin – le contrôle du grand commerce alimentaire, CEPREMAP, 2007.
105
Annexe I
comparaison des chiffres
d’affaires des marchés de
l’optique entre pays
Pour comparer les dépenses d’optique par consommateur entre pays, il convient de déterminer dans un premier temps
la taille de l’échantillon de population potentiellement concerné par pays.
1) Focus sur les marchés optiques de quelques pays choisis
Les marchés étrangers de l’optique en Italie, Allemagne, Espagne et Royaume-Uni peuvent se décomposer comme suit :
(1)
Verres
(2)
Montures
(3)
Lentilles
(4)
Produits
d’entretien
(5)
Solaires
Allemagne
2,286
0,687
2,273
0,107
0,063
Espagne
0,940
0,510
0,146
0,045
0,51
France
2,583
1,251
0,337
0,09
0,260
Italie
1,475
0,687
0,304
0,062
0,831
Royaume-Uni
1,524
1,265
0,539
0,074
0,077
Figure 85 – Marchés étrangers par catégorie de produits en 2007, en milliards d’euros 375
375
L’Opticien lunetier, Les chiffres clés 2007, n°622, mai 2008.
106
2) Les consommateurs potentiels par pays et par produit
Comme l’indique la Figure 49 plus haut, les pays similaires à la France ont des populations qui portent des corrections
d’optiques dans des proportions voisines à celles de la France.
%
porteurs
de lunettes
%
porteurs
de lentilles
%
porteurs de
correction
Etats-Unis
64 %
11 %
75 %
Espagne
60 %
France
64 %
9%
71 %
Royaume-Uni
61 %
7,2 %
68 %
Moyenne
62,25 %
9,06 %
71,33 %
Figure 86 – Part de population portant des corrections
Si l’on considère qu’il n’y a aucune raison a priori pour que les populations des pays comparables à la France aient une
vue qui diffère de manière sensible de celle des Français, en retenant les taux moyens présentés dans la Figure 86, il est
possible de déterminer la population de clients potentiels dans plusieurs pays.
(1)
Population
totale 376
(2)
Porteurs de
lunettes
(3)
Porteurs
de lentilles
(4)
Porteurs de
correction (total)
Allemagne
82 266,38
51 210,82
7 453,33
58 680,61
Espagne
44 878,95
27 937,15
4 066,03
32 012,16
Etats-Unis
301 231,20
187 516,42
27 291,55
214 868,21
France
61 695,05
38 405,17
5 589,57
44 007,08
Italie
59 375,29
36 961,12
5 379,40
42 352,39
Royaume-Uni
60 137,00
37 435,28
5 448,41
42 895,72
Figure 87 – Porteurs de correction dans différents pays, en 2007, en milliers
Les colonnes (2), (3) et (4) sont obtenues par application des pourcentages moyens de la Figure 86
376
Source : OCDE StatExtracts, consulté en ligne.
107
Afin de détailler plus avant ces chiffres, il faut considérer que le nombre de consommateurs de verres et le nombre de
consommateurs de montures est égal au nombre de porteurs de lunettes (colonne 2), les lunettes étant évidemment
composées de verres et de montures.
Par déduction et simplification, il peut être aussi considéré que le nombre de consommateurs de lunettes de soleil est
égal au nombre de porteurs totaux (colonne 4). Ce chiffre est certainement inférieur à ce qu’il est en réalité : en effet,
l’ensemble de la population est concerné par l’achat de ces produits (et non seulement les porteurs de correction).
Enfin, il sera considéré que le nombre de consommateurs de produits d’entretien pour lentilles est égal au nombre de
porteurs de lentilles.
(1)
Verres
(2)
Montures
(3)
Lentilles
(4)
Produits
d’entretien
(5)
Solaires
Allemagne
51 210,82
51 210,82
7 453,33
7 453,33
58 680,61
Espagne
27 937,15
27 937,15
4 066,03
4 066,03
32 012,16
Etats-Unis
187 516,42
187 516,42
27 291,55
27 291,55
214 868,21
France
38 405,17
38 405,17
5 589,57
5 589,57
44 007,08
Italie
36 961,12
36 961,12
5 379,40
5 379,40
42 352,39
Royaume-Uni
37 435,28
37 435,28
5 448,41
5 448,41
42 895,72
Figure 88 – Consommateurs potentiels par pays et par type de produit, en 2007, en milliers
108
3) Les chiffres d’affaires par client suivant les pays
Les éléments précédents permettent de calculer un chiffre d’affaires moyen par consommateur et par type de produit.
Verres
Montures
Lentilles
Produits
d’entretien
Solaires
Total
Allemagne
44,64
13,42
36,63
14,36
1,07
110,11
Espagne
33,65
18,26
35,91
11,07
15,93
114,81
France
67,26
32,57
60,29
16,10
5,91
182,13
Italie
39,91
18,59
56,51
11,53
19,62
146,15
RoyaumeUni
40,71
33,79
98,93
13,58
1,80
188,81
Figure 89 – Chiffres d’affaires moyens par consommateur et par type de produit, en euros
Il convient de remarquer la faiblesse des chiffres d’affaires par consommateur pour les lunettes de soleil en Allemagne
et au Royaume-Uni, probablement due à un moindre ensoleillement sur ces zones géographiques.
Les chiffres d’affaires par consommateur sont les plus élevés en France pour les verres et les produits d’entretien.
Verres
Montures
Lentilles
Produits
d’entretien
Solaires
Total
Allemagne
-22,62
-19,16
-23,66
-1,75
-4,83
-72,02
Espagne
-33,61
-14,32
-24,38
-5,03
10,02
-67,32
Italie
-27,35
-13,99
-3,78
-4,58
13,71
-35,98
RoyaumeUni
-26,55
1,22
38,64
-2,52
-4,11
6,68
Figure 90 – Ecarts de chiffres d’affaires par consommateur par rapport à la France, en euros
Lecture : le chiffre d’affaires par consommateur pour les verres est de 33,61 euros inférieur en Espagne à ce qu’il est en France.
109
4) Simulation de marchés français hypothétiques sur la base de chiffres d’affaires par
consommateur étranger
Si la France avait un chiffre d’affaires par consommateur similaire aux autres pays, la valeur globale du marché de
l’optique serait sensiblement différente de ce qu’elle est aujourd’hui dans les faits.
Pour évaluer ces hypothèses, les chiffres d’affaires moyens par consommateur ont été multipliés par le nombre de
consommateurs français.
Les chiffres relatifs aux ventes de solaires sont donnés à titre indicatif. Pour les raisons évoquées plus haut ils ne
semblent cependant pas pertinents.
Verres
Montures
Lentilles
Produits
d’entretien
Solaires
Consommateurs
38 405,17
38 405,17
5 589,57
5 589,57
44 007,08
Chiffre d’affaires
par tête
44,64
13,42
36,63
14,36
1,07
Chiffre d’affaires
français
hypothétique
(millions d’euros)
1 714,4
515,2
204,7
80,2
47,2
Figure 91 – Hypothèse d’un marché français dans lequel le chiffre d’affaires par consommateur serait équivalent à ce qu’il est en Allemagne
Lecture : si les 38,40 millions de consommateurs de verres optiques français produisaient un chiffre d’affaires par tête égal à ce
qu’il est en Allemagne (44,64 euros), le marché global de la vente de verres optiques serait de 1,71 milliard d’euros en France.
Verres
Montures
Lentilles
Produits
d’entretien
Solaires
Consommateurs
38 405,17
38 405,17
5 589,57
5 589,57
44 007,08
Chiffre d’affaires
par tête
33,65
18,26
35,91
11,07
15,93
Chiffre d’affaires
français
hypothétique
(millions d’euros)
1 292,2
701,1
200,7
61,9
701,1
Figure 92 – Hypothèse d’un marché français dans lequel le chiffre d’affaires par consommateur serait équivalent à ce qu’il est en Espagne
Lecture : si les 38,40 millions de consommateurs de verres optiques français produisaient un chiffre d’affaires par tête égal à ce
qu’il est en Espagne (33,65 euros), le marché global de la vente de verres optiques serait de 1,92 milliard d’euros en France.
110
Verres
Montures
Lentilles
Produits
d’entretien
Solaires
Consommateurs
38 405,17
38 405,17
5 589,57
5 589,57
44 007,08
Chiffre d’affaires
par tête (euros)
39,91
18,59
56,51
11,53
19,62
Chiffre d’affaires
français
hypothétique
(millions d’euros)
1 532,6
713,8
315,9
64,4
863,5
Figure 93 – Hypothèse d’un marché français dans lequel le chiffre d’affaires par consommateur serait équivalent à ce qu’il est en Italie
Lecture : si les 38,40 millions de consommateurs de verres optiques français produisaient un chiffre d’affaires par tête égal à ce
qu’il est en Italie (39,91 euros), le marché global de la vente de verres optiques serait de 1,53 milliard d’euros en France.
Verres
Montures
Lentilles
Produits
d’entretien
Solaires
Consommateurs
38 405,17
38 405,17
5 589,57
5 589,57
44 007,08
Chiffre d’affaires
par tête (euros)
40,71
33,79
98,93
13,58
1,80
Chiffre d’affaires
français
hypothétique
(millions d’euros)
1 563,5
1 297,8
553,0
75,9
79,0
Figure 94 – Hypothèse d’un marché français dans lequel le chiffre d’affaires par consommateur serait équivalent à ce qu’il est au Royaume-Uni
Lecture : si les 38,40 millions de consommateurs de verres optiques français produisaient un chiffre d’affaires par tête égal à ce
qu’il est au Royaume-Uni (40,71 euros), le marché global de la vente de verres optiques serait de 1,56 milliard d’euros en France.
111
5) Différences entre les marchés français hypothétiques et les marchés étrangers
Ces chiffres obtenus, il est possible de mesurer l’écart entre le niveau réel du marché français et celui qu’il devrait avoir
si les chiffres d’affaires par consommateur étaient équivalents à ce qu’ils sont dans les pays observés.
Les chiffres du solaire ne sont pas inclus pour les raisons expliquées plus haut.
Verres
Montures
Lentilles
Produits
d’entretien
Solaires
Marché réel
2 583
1251
337
9
4 180
Marché hypothétique
1 714
515
204,7
80
2 515
Différence
868,6
735,8
132,3
-71,2
1 665,4
Figure 95 – Différences entre le marché français réel et le marché hypothétique fondé sur des chiffres d’affaires par consommateur
équivalents à ce qu’ils sont en Allemagne (en millions d’euros)
Lecture : le marché français des verres est de 868 millions d’euros supérieur à ce qu’il serait si le chiffre d’affaires par
consommateur était égal à ce qu’il est en Allemagne. A l’inverse, le marché français des produits d’entretien est 71 millions
d’euros inférieur à ce qu’il serait si le chiffre d’affaires par consommateur était égal à ce qu’il est en Allemagne.
Verres
Montures
Lentilles
Produits
d’entretien
Solaires
Marché réel
2 583
1 251
337
9
4 180
Marché hypothétique
1292
701
200,7
61,9
5 052
Différence
1 291
550
136
-53
1 924
Figure 96 – Différences entre le marché français réel et le marché hypothétique fondé sur des chiffres d’affaires par consommateur
équivalents à ce qu’ils sont en Espagne (en millions d’euros)
Lecture : le marché français des verres est de 1 291 millions d’euros supérieur à ce qu’il serait si le chiffre d’affaires par
consommateur était égal à ce qu’il est en Espagne. A l’inverse, le marché français des produits d’entretiens est 53 millions d’euros
inférieur à ce qu’il serait si le chiffre d’affaires par consommateur était égal à ce qu’il est en Espagne.
112
Verres
Montures
Lentilles
Produits
d’entretien
Solaires
Marché réel
2 583
1 251
337
9
4 180
Marché hypothétique
1 533
714
316
64,4
6 432
Différence
1 050
537
21
-55
1 553
Figure 97 – Différences entre le marché français réel et le marché hypothétique fondé sur des chiffres d’affaires par consommateur
équivalents à ce qu’ils sont en Italie (en millions d’euros)
Lecture : le marché français des verres est de 1 050 millions d’euros supérieur à ce qu’il serait si le chiffre d’affaires par
consommateur était égal à ce qu’il est en Italie. A l’inverse, le marché français des produits d’entretien est de 55 millions d’euros
inférieur à ce qu’il serait si le chiffre d’affaires par consommateur était égal à ce qu’il est en Italie.
Verres
Montures
Lentilles
Produits
d’entretien
Solaires
Marché réel
2 583
1 251
337
9
4 180
Marché hypothétique
1 564
1 298
553
76
8 309
Différence
1 020
-47
-216
-67
690
Figure 98 – Différences entre le marché français réel et le marché hypothétique fondé sur des chiffres d’affaires par consommateurs
équivalents à ce qu’ils sont au Royaume-Uni (en millions d’euros)
Lecture : le marché français des verres est 1 020 millions d’euros supérieur à ce qu’il serait si le chiffre d’affaires par
consommateur était égal à ce qu’il est au Royaume-Uni. A l’inverse, le marché français des produits d’entretien est de 67 millions
d’euros inférieur à ce qu’il serait si le chiffre d’affaires par consommateur était égal à ce qu’il est au Royaume-Uni.
113
6) Conclusion
Marché
hypothétique
Verres
Montures
Lentilles
Produits
d’entretien
Total
Allemagne
869
-736
132
-71
1 665
Espagne
1 291
550
136
-53
1 924
Italie
1 050
537
21
-55
1 553
Royaume-Uni
1 020
-47
-216
-67
690
Ecart moyen
1 057
444
18
-62
1 458
Figure 99 – Ecarts et écart moyen entre le marché français réel et les marchés hypothétiques fondés sur les chiffres d’affaires
par consommateur de quelques pays (millions d’euros)
Au final, il ressort de ces calculs que le marché français est généralement supérieur à ce qu’il serait si le chiffre d’affaires
par consommateur était le même que dans les pays voisins. Il est :
— supérieur en moyenne de 1,5 milliard d’euros ;
— supérieur en moyenne de 1,1 milliard d’euros sur le segment des verres, qui représentent l’essentiel du surplus ;
— supérieur en moyenne de 444 millions d’euros sur le segment des montures ;
— supérieur en moyenne de 18 millions d’euros sur le segment des lentilles, c’est à dire quasiment équivalent ; et
— inférieur en moyenne de 62 millions d’euros sur le segment des produits d’entretien, c’est à dire quasiment équivalent.
114
115
Annexe II
évaluation des gains potentiels
de l’accroissement de la part
d’Internet sur le marché de
l’optique en France
1) La baisse des prix engendrée par le commerce sur Internet en général
Si les études s’accordent pour constater que la distribution sur Internet fait baisser les prix, l’évaluation de cet avantage
pour les consommateurs n’est pas uniforme selon les catégories de produits, comme le montre la Figure 100. Une étude
McKinsey récente relève cependant que « les achats effectués en ligne sont en moyenne 10 % moins cher que ceux réalisés dans des points de vente, pour des produits identiques » 377.
SourcesProduitsRéduction de prix
par le canal Internet
378
379
CD
7 %
Mode féminine
25 %
Mode masculine
15 %
Mode enfant
6,5 %
Parapharmacie
8 - 10 %
Parfums et cosmétiques de luxe
<5%
Produits électroménagers « blancs »
10 %
Produits électroménagers « bruns »
10 %
Produits électroménagers « gris »
10 %
380
377
McKinsey & Company, Impact d’Internet sur l’économie française. Comment Internet transforme notre pays, mars 2011.
378
Sophie Larribeau, Thierry Pénard, Le commerce électronique en France : un essai de mesure sur le marché des CD, Economie & Statistique,
n°355-356, 2002.
379
Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD), Mode et internet : les Français consomment de plus en plus sur Internet,
Conférence de presse du 6 septembre 2012.
116
SourcesProduitsRéduction de prix
par le canal internet
Télévision écran plat
10,4 %
Caméscope
13,2 %
Appareil photo numérique
8,5 %
Lecteur DVD
11,3 %
Baladeur numérique
6,4 %
Lave-vaisselle
9,8 %
Four micro-ondes
12,9 %
Lave-linge
4%
Réfrigérateur
2,1 %
Imprimante multi-fonctions
10,6 %
Ordinateur portable
1,1 %
380
Figure 100 – Différence de prix moyen sur le canal Internet
Lecture : en moyenne, les CD sont 7 % moins chers sur Internet.
380
Autorité de la concurrence, Avis n°12-A-20 du 18 septembre 2012 relatif au fonctionnement concurrentiel du commerce électronique.
117
2) La baisse des prix attendue dans le secteur de l’optique en ligne
Les prix des produits d’optique en ligne sont difficiles à déterminer. Il semble, au regard des développements ci-dessus,
qu’ils sont inférieurs à ce qu’ils sont en point de vente.
Plusieurs évaluations pourraient être retenues :
— scénario A : les prix de l’ensemble du secteur de l’optique baissent de manière uniforme sous l’effet du canal Internet ;
ou
— scénario B : les prix hors « distribution par Internet » restent stables mais la part de la distribution par Internet dans
le secteur augmente.
Dans l’une et l’autre hypothèse, les prix peuvent baisser de plusieurs manières :
— hypothèse I : les prix baissent comme les produits de parapharmacie 381. Ceux-ci sont susceptibles d’évoluer de deux
façons relève l’Autorité de la concurrence, en moyenne et au maximum ;
• hypothèse I1 : les produits baissent de 8 à 10 % en moyenne ;
• hypothèse I2 : les produits baissent de 25 à 30 % au maximum.
— hypothèse II : les prix baissent de 75 % comme le prétendent certains acteurs de l’optique en ligne 382 .
Cette dernière hypothèse semble au demeurant confirmée par le Gouvernement français qui écrivait dans un document
transmis au Parlement en 2011 que « les équipements d’optique correcteurs commercialisés à distance présentent l’avantage d’être commercialisés à des prix nettement inférieurs à ceux habituellement constatés dans les points de vente
traditionnels, ce qui conduit à prévoir un développement important de ce type de ventes. Le rapport entre les prix de
vente au public de l’une et l’autre forme de commercialisation, plus marqué apparemment pour les montures que pour
les verres, est globalement de l’ordre de 2 à 3 » 383.
381
Autorité de la concurrence, Avis n°12-A-20 du 18 septembre 2012 relatif au fonctionnement concurrentiel du commerce électronique.
382
Le Point, Optique en ligne, le coup de gueule de Marc Simoncini, 15 novembre 2011.
383
Secrétariat d’Etat chargé du commerce, de l’Artisanat, des Petites et Moyennes Entreprises, du Tourisme, des Services, des Professions
libérales et de la Consommation, Projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs – étude d’impact,
juin 2011.
118
3) Les prix et les chiffres d’affaires actuels sur le marché de l’optique français
Les prix moyens en euros en septembre 2012 et les chiffres d’affaires sont présentés dans la Figure 101 et la Figure 102.
Marché
hypothétique
Prix moyen
(euros)
Verres de correction
94,1
Montures optiques
121,4
Montures solaires
98,2
Produits d’entretien de lentilles
9,6
Lentilles de contact
2,4
Figure 101 – Prix moyens des produits d’optique 384
Marché
hypothétique
Chiffres
d’affaires
(millions d’euros)
Verres de correction
2 457,6
Montures optiques
1 002,7
Montures solaires
413
Produits d’entretien de lentilles
66
Lentilles de contact
262
Figure 102 – Chiffres d’affaires par produit d’optique de septembre 2011 à septembre 2012 385
384
GFK, Note regards, données à fin septembre 2012.
385
GFK, Note regards, données à fin septembre 2012.
119
4) Prix estimés à l’issue des baisses de prix consécutives au développement du
canal Internet, suivant les différentes hypothèses envisagées
a) Hypothèse I1 : les prix baissent de 8 ou 10 % en moyenne
Marché
hypothétique
Prix moyen
(euros)
Baisse
de 8 %
Baisse
de 10 %
Verres de correction
94,1
86,6
84,7
Montures optiques
121,4
111,7
109,3
Montures solaires
98,2
90,3
88,4
Produits d’entretien de lentilles
9,6
8,8
8,6
Lentilles de contact
2,4
2,2
2,2
Figure 103 – Prix des produits d’optique dans les hypothèses de baisse uniforme de 8 % ou 10 % des prix moyens
b) Hypothèse I2 : les prix baissent de 25 ou 30% au maximum
Marché
hypothétique
Prix moyen
(euros)
Baisse
de 25 %
Baisse
de 30%
Verres de correction
94,1
70,6
65,9
Montures optiques
121,4
91,1
85,0
Montures solaires
98,2
73,7
68,7
Produits d’entretien de lentilles
9,6
7,2
6,7
Lentilles de contact
2,4
1,8
1,7
Figure 104 – Prix des produits d’optique dans les hypothèses de baisse uniforme de 25 % ou 30% des prix au maximum
120
c) Hypothèse II : les prix baissent de 75%
Marché
hypothétique
Prix moyen
(euros)
Baisse
de 75 %
Verres de correction
94,1
23,5
Montures optiques
121,4
30,4
Montures solaires
98,2
24,6
Produits d’entretien de lentilles
9,6
2,4
Lentilles de contact
2,4
0,6
Figure 105 – Prix des produits d’optique dans les hypothèses de baisse uniforme de 75 %
5) Nombre de produits vendus par an sur le marché français de l’optique
Selon les données disponibles 386, les produits vendus sur un an se répartissent de la manière suivante :
Unités
vendues
(millions)
Verres de correction
26,1
Montures optiques
8,3
Montures solaires
4,2
Produits d’entretien des lentilles
6,9
Lentilles
109,7
Figure 106 – Unités vendues par type de produit entre septembre 2011 et septembre 2012
386
GFK, Note regards, données à fin septembre 2012.
121
6) Les gains estimés pour les consommateurs d’une généralisation du canal Internet
pour la distribution d’optique en ligne, suivant les différentes hypothèses envisagées
a) Scénario A : baisse uniforme des prix de l’ensemble des produits
>Hypothèse I1 : baisse des prix de 8 % ou 10 %
Baisse des prix de 8 %
millions d’euros
Marché
hypothétique
Verres de correction
2 259,53
Montures optiques
927,01
Montures solaires
379,44
Produits d’entretien des lentilles
60,94
Lentilles
242,22
Figure 107 – Marché hypothétique dans l’hypothèse d’une baisse des prix de 8 %
Par comparaison avec la Figure 102, il ressort qu’une baisse uniforme de l’ensemble des prix des produits d’optique
de 8 % conduirait à un gain total de 332,16 millions d’euros.
millions d’euros
Gains par
rapport au
marché réel
Verres de correction
198,07
Montures optiques
75,69
Montures solaires
33,55
Produits d’entretien des lentilles
5,06
Lentilles
19,78
TOTAL
332,16
Figure 108 – Gains dans l’hypothèse d’une baisse des prix de 8 %
122
Baisse des prix de 10 %
millions d’euros
Marché
hypothétique
Verres de correction
2 210,67
Montures optiques
907,19
Montures solaires
371,28
Produits d’entretien des lentilles
59,34
Lentilles
214,34
Figure 109 – Marché hypothétique dans l’hypothèse d’une baisse des prix de 10 %
Par comparaison avec la Figure 102, il ressort qu’une baisse uniforme de l’ensemble des prix des produits d’optique
de 10 % conduirait à un gain total de 411,88 millions d’euros.
millions d’euros
Gains par
rapport au
marché réel
Verres de correction
246,93
Montures optiques
95,51
Montures solaires
41,72
Produits d’entretien des lentilles
6,66
Lentilles
20,66
TOTAL
411,84
Figure 110 – Gains dans l’hypothèse d’une baisse des prix de 10 %
123
> Hypothèse I2 : baisse des prix de 25 % ou 30 %
Baisse des prix de 25 %
millions d’euros
Marché
hypothétique
Verres de correction
1 842,66
Montures optiques
756,13
Montures solaires
309,54
Produits d’entretien des lentilles
49,68
Lentilles
197,46
Figure 111 – Marché hypothétique dans l’hypothèse d’une baisse des prix de 25 %
Par comparaison avec la Figure 102, il ressort qu’une baisse uniforme de l’ensemble des prix des produits d’optique
de 25 % conduirait à un gain total de 1 045,83 millions d’euros.
millions d’euros
Gains par
rapport au
marché réel
Verres de correction
614,94
Montures optiques
246,57
Montures solaires
103,46
Produits d’entretien des lentilles
16,32
Lentilles
64,54
TOTAL
1 045,83
Figure 112 – Gains dans l’hypothèse d’une baisse des prix de 25 %
124
Baisse des prix de 30 %
millions d’euros
Marché
hypothétique
Verres de correction
1 719,99
Montures optiques
705,50
Montures solaires
288,54
Produits d’entretien des lentilles
46,23
Lentilles
186,49
Figure 113 – Marché hypothétique dans l’hypothèse d’une baisse des prix de 30 %
Par comparaison avec la Figure 102, il ressort qu’une baisse uniforme de l’ensemble des prix des produits d’optique
de 30 % conduirait à un gain total de 1 254,55 millions d’euros.
millions d’euros
Gains par
rapport au
marché réel
Verres de correction
737,61
Montures optiques
297,20
Montures solaires
124,46
Produits d’entretien des lentilles
19,77
Lentilles
75,51
TOTAL
1 254,55
Figure 114 – Gains dans l’hypothèse d’une baisse des prix de 30 %
125
> Hypothèse II : baisse des prix de 75 %
millions d’euros
Marché
hypothétique
Verres de correction
613,35
Montures optiques
252,32
Montures solaires
103,32
Produits d’entretien des lentilles
16,56
Lentilles
65,82
Figure 115 – Marché hypothétique dans l’hypothèse d’une baisse des prix de 75 %
Par comparaison avec la Figure 102, il ressort, qu’une baisse uniforme de l’ensemble des prix des produits d’optique
de 75 % conduirait à un gain total de 3 149,93 millions d’euros.
millions d’euros
Gains par
rapport au
marché réel
Verres de correction
1 844,25
Montures optiques
750,38
Montures solaires
309,68
Produits d’entretien des lentilles
49,44
Lentilles
196,18
TOTAL
3 149,93
Figure 116 – Gains dans l’hypothèse d’une baisse uniforme des prix de 75 %
126
b) Scénario B : accroissement de la part de la distribution par Internet dans le secteur total Dans ce scénario, il sera supposé que le secteur de la distribution par Internet augmente, de façon à représenter environ 10 % du secteur total, comme c’est le cas aux Etats-Unis 387.
>Hypothèses I1 : baisse des prix de 8 % ou 10 %
Baisse des prix de 8 %
millions d’euros
Ventes
en ligne
(10 % du
marché)
Ventes
en point
de vente
(90 % du
marché)
Total du
marché
hypothétique
Verres de correction
226,03
2 210,41
2 436,44
Montures optiques
92,71
906,85
999,57
Montures solaires
37,93
371,19
409,12
Produits d’entretien de lentilles
6,07
596,16
65,69
Lentilles
24,13
236,95
261,09
Figure 117 – Marché hypothétique dans l’hypothèse de prix en ligne 8 % inférieurs et d’une distribution par Internet de 10 % du secteur
Par comparaison avec la Figure 102, il ressort qu’une augmentation du secteur de la distribution par Internet de
manière à représenter 10 % du secteur total et avec des prix inférieurs de 8 %, conduirait à un gain total de 29,40
millions d’euros.
millions d’euros
Gains par
rapport au
marché réel
Verres de correction
21,17
Montures optiques
3,13
Montures solaires
3,88
Produits d’entretien des lentilles
0,31
Lentilles
0,91
TOTAL
29,40
Figure 118 – Gains dans l’hypothèse de prix en ligne 8 % inférieurs et d’une distribution par Internet de 10 % du secteur
387
Consultation du comparateur www.optico.net .
127
Baisse des prix de 10 %
millions d’euros
Ventes
en ligne
(10 % du
marché)
Ventes
en point
de vente
(90 % du
marché)
Total du
marché
hypothétique
Verres de correction
221,07
2 210,41
2 431,47
Montures optiques
90,72
906,85
997,58
Montures solaires
31,13
371,19
408,32
Produits d’entretien de lentilles
5,93
596,16
65,55
Lentilles
24,13
236,95
261,09
Figure 119 – Marché hypothétique dans l’hypothèse de prix en ligne 10 % inférieurs et d’une distribution par Internet de 10 % du secteur
Par comparaison avec la Figure 102, il ressort qu’une augmentation du secteur de la distribution par Internet de
manière à représenter 10 % du secteur total et avec des prix inférieurs de 10 %, conduirait à un gain total de 37,29
millions d’euros
millions d’euros
Gains par
rapport au
marché réel
Verres de correction
26,12
Montures optiques
5,12
Montures solaires
4,68
Produits d’entretien des lentilles
0,45
Lentilles
0,91
TOTAL
37,29
Figure 120 – Gains dans l’hypothèse de prix en ligne 10 % inférieurs et d’une distribution par Internet de 10 % du secteur
128
> Hypothèses I2 : baisse des prix de 25 % ou 30%
Baisse des prix de 25 %
millions d’euros
Ventes
en ligne
(10 % du
marché)
Ventes
en point
de vente
(90 % du
marché)
Total du
marché
hypothétique
Verres de correction
184,27
2 210,41
2 394,68
Montures optiques
75,61
906,85
982,47
Montures solaires
30,95
371,19
402,15
Produits d’entretien de lentilles
4,97
596,16
64,58
Lentilles
19,75
236,95
256,70
Figure 121 – Marché hypothétique dans l’hypothèse de prix en ligne 25 % inférieurs et d’une distribution par internet de 10 % du secteur
Par comparaison avec la Figure 102, il ressort qu’une augmentation du secteur de la distribution par Internet de
manière à représenter 10 % du secteur total et avec des prix inférieurs de 25 %, conduirait à un gain total de 100,72
millions d’euros.
millions d’euros
Gains par
rapport au
marché réel
Verres de correction
62,93
Montures optiques
20,23
Montures solaires
10,85
Produits d’entretien des lentilles
1,42
Lentilles
5,30
TOTAL
100,72
Figure 122 – Gains dans l’hypothèse de prix en ligne 25 % inférieurs et d’une distribution par Internet de 10 % du secteur
129
Baisse des prix de 30 %
millions d’euros
Ventes
en ligne
(10 % du
marché)
Ventes
en point
de vente
(90 % du
marché)
Total du
marché
hypothétique
Verres de correction
172,00
2 210,41
2 382,41
Montures optiques
70,55
906,85
977,41
Montures solaires
28,85
371,19
400,05
Produits d’entretien de lentilles
4,62
596,16
64,24
Lentilles
18,65
236,95
255,60
Figure 123 – Marché hypothétique dans l’hypothèse de prix en ligne 30 % inférieurs et d’une distribution par Internet de 10 % du secteur
Par comparaison avec la Figure 102, il ressort qu’une augmentation du secteur de la distribution par Internet de
manière à représenter 10 % du secteur total et avec des prix inférieurs de 30 %, conduirait à un gain total de 121,59
millions d’euros.
millions d’euros
Gains par
rapport au
marché réel
Verres de correction
75,19
Montures optiques
25,29
Montures solaires
12,95
Produits d’entretien des lentilles
1,76
Lentilles
6,94
TOTAL
121,59
Figure 124 – Gains dans l’hypothèse de prix en ligne 30 % inférieurs et d’une distribution par Internet de 10 % du secteur
130
Hypothèses II : baisse des prix de 75 %
millions d’euros
Ventes
en ligne
(10 % du
marché)
Ventes
en point
de vente
(90 % du
marché)
Total du
marché
hypothétique
Verres de correction
61,34
2 210,41
2 271,74
Montures optiques
25,23
906,85
932,09
Montures solaires
10,33
371,19
381,53
Produits d’entretien de lentilles
1,66
596,16
61,27
Lentilles
6,58
236,95
243,53
Figure 125 – Marché hypothétique dans l’hypothèse de prix en ligne 75 % inférieurs et d’une distribution par Internet de 10 % du secteur
Par comparaison avec la Figure 102, il ressort qu’une augmentation du secteur de la distribution par Internet de
manière à représenter 10 % du secteur total et avec des prix inférieurs de 75 %, conduirait à un gain total de 311,13
millions d’euros.
millions d’euros
Gains par
rapport au
marché réel
Verres de correction
185,86
Montures optiques
70,61
Montures solaires
31,47
Produits d’entretien des lentilles
4,73
Lentilles
18,47
TOTAL
311,13
Figure 126 – Gains dans l’hypothèse de prix en ligne 75 % inférieurs et d’une distribution par Internet de 10 % du secteur
131
c) Gains moyens par consommateur
> Nombre de consommateurs
Soit la population de la France en 2011, soit 63,29 millions de personnes 388, et les pourcentages de porteurs de
correction par catégorie de produit tels que définis à la Figure 86, les nombres de consommateurs à retenir pour la
démonstration sont les suivants :
Marché
hypothétique
Porteurs en %
de la
population
Porteurs en
nombre
(millions)
Porteurs de lunettes
62,25 %
39,4
Porteurs de lentilles
9,06 %
5,73
Porteurs de correction (total)
71,33 %
45,15
Figure 127 – Porteurs de correction en France en 2011
Pour la démonstration, il est supposé que le nombre de consommateurs de lunettes est égal à celui des porteurs de
verres et de montures et que celui des consommateurs de lentilles est égal à celui des consommateurs de produits
d’entretien.
388
Source : OCDE StatExtracts, consulté en ligne.
132
>Gains moyens dans le scénario A : baisse uniforme des prix de l’ensemble des produits
Nombre de
consommateurs
(millions)
Hypothèses d’une baisse uniforme des prix de
l’ensemble des produits
8 %
10 %
25 %
30 %
75 %
Verres de correction
39,40
5,03
6,27
15,61
18,72
46,81
Montures optiques
39,40
1,92
2,42
6,26
7,54
19,05
Montures solaires
45,15
0,74
0,92
2,29
2,76
6,86
Produits d’entretien
de lentilles
5,73
0,88
1,16
2,85
3,45
0,09
Lentilles
5,73
3,45
3,61
11,26
13,18
34,24
Figure 128 – Gains moyens par consommateur en euros pour chacune des hypothèses d’une baisse uniforme des prix de l’ensemble des produits
Lecture : dans l’hypothèse d’une baisse des prix de l’ensemble des produits de 30 %, le consommateur bénéficierait d’un gain
moyen de 3,45 euros sur les produits d’entretien de lentilles et de 26,26 euros sur une paire de lunettes (verres + monture).
> Gains moyens dans le scénario B : accroissement de la part de la distribution par Internet dans le
secteur total
Nombre de
consommateurs
(millions)
Hypothèses de prix inférieurs des produits
distribués par Internet
8 %
10 %
25 %
30 %
75 %
Verres de correction
39,40
0,54
0,66
1,60
1,91
4,72
Montures optiques
39,40
0,08
0,13
0,51
0,64
1,79
Montures solaires
45,15
0,09
0,10
0,24
0,29
0,70
Produits d’entretien
de lentilles
5,73
0,05
0,08
0,25
0,31
0,83
Lentilles
5,73
0,16
0,16
0,92
1,21
3,22
Figure 129 – Gains moyens par consommateur en euros pour chacune des hypothèses de prix inférieurs des produits distribués par Internet
Lecture : dans l’hypothèse d’un accroissement de la part de la distribution sur Internet et d’un secteur en ligne pratiquant des
prix 75 % inférieurs, le consommateur bénéficierait d’un gain moyen de 3,22 euros sur les lentilles et de 6,51 euros sur une paire
de lunettes (verres + monture).
133
Annexe III
forclusion et concurrence en
qualité sur les marchés aval
David Martimort, Paris School of Economics – EHESS
Jérôme Pouyet, Paris School of Economics – CNRS
Cette annexe synthétise les principales conclusions de l’article inédit de David Martimort et Jérôme Pouyet
Downstream Foreclosure in Vertically Differentiated Markets. 389
1 Introduction
1.1 Une définition
La forclusion (« foreclosure » pour les auteurs anglosaxons) est définie comme étant l’exercice par une firme
dominante sur un marché amont de pratiques cherchant à
contraindre certaines firmes ou certains consommateurs
évoluant quant à eux sur le marché aval dans leur accès
à un input essentiel, et difficilement reproductible, dont
dispose cette firme en amont. Ces pratiques cherchent en
fait à propager le pouvoir de monopole amont au segment
aval même si ce dernier peut a priori paraître concurrentiel. A ce titre, ces pratiques peuvent être considérées
comme anticoncurrentielles et être condamnées en tant
que telles.
Les méthodes de forclusion varient beaucoup suivant les
cas analysés mais elles ont toutes en commun le désir
de mieux contrôler certains producteurs en aval soit au
travers de contrats spécifiques, soit par des choix organisationnels plus subtils. Elles peuvent ainsi apparaître
sous la forme de contrats d’exclusivité ou de quasi-exclusivité, de ventes liées, de pratiques tarifaires discriminantes excluant de facto certains concurrents à l’aval, de
contraintes techniques limitant l’accès ou la qualité de cet
accès, ou d’une véritable intégration verticale toujours en
direction de l’aval.
1.2 Quelques principes de base
L’état de la théorie économique sur le sujet a très largement évolué en réponse aux développements successifs
des différents cas qui se sont ainsi présentés aux autorités
anti-trust en Europe comme aux États-Unis. Il n’entre pas
dans le propos de cette note de reprendre en détail cette
évolution mais il est d’ores et déjà utile d’isoler quelques
idées-forces qui se dégagent à la lecture d’une désormais
imposante littérature économique.
389
Ibid., supra
134
Le premier principe justifiant les pratiques de forclusion
est en fait une tautologie, mais une tautologie qu’il convient
de réaffirmer. Il est en effet important de comprendre que
les pratiques destinées à « monopoliser » l’aval n’ont de
sens que dans des environnements où ce pouvoir de monopole n’est pas déjà ou, plus exactement, ne peut pas s’exercer « naturellement ». Pour que la forclusion soit une solution, faut-il encore qu’il y ait un problème préalable...
Ce problème, et c’est là la seconde idée-force de l’analyse
théorique de la forclusion, est l’impossibilité pour la firme
amont de s’engager au travers de contrats publiquement
observables par les firmes en aval à répliquer les niveaux
de profits qu’elle aurait pu obtenir si elle avait exercé un
contrôle direct du secteur aval. C’est cette solution d’« intégration verticale » que la firme amont cherche alors à répliquer ou à approcher autant que faire se peut au travers
de pratiques contractuelles pouvant limiter l’accès à un
input essentiel qu’elle fournit. La théorie de la forclusion
fait donc écho assez naturellement à la théorie certainement plus générale des restrictions verticales, théorie qui
expose de quelles façons un manufacturier sait imposer à
ses détaillants des clauses contractuelles dans le seul but
d’atténuer leur concurrence et de maintenir des profits
élevés pour la chaîne de production.
1.3 Un exemple canonique
Pour illustrer notre propos, considérons un des modèles de
référence dans la littérature sur la forclusion. Un monopole
amont fournit un bien intermédiaire à deux détaillants en
concurrence duopolistique sur un marché aval. Supposons
pour simplifier mais sans aucune perte de généralité que
les coûts de production en amont soient nuls. La concurrence sur le marché aval est de type Cournot, c’est à dire en
quantité, et chacune de ces firmes utilise une technologie
Leontief pour transformer une unité de bien intermédiaire
en une unité de bien final. La solution de monopole que
voudrait atteindre idéalement la firme amont consiste à
vendre à chacune des unités de l’aval la moitié de la quantité de monopole et à récupérer les profits ainsi générés en
aval par une charge fixe égale, pour chacune de ces unités,
à la moitié du profit d’un hypothétique monopole qui aurait
pu y évoluer. Ainsi le pouvoir de monopole sur le marché
aval et les profits qui y sont associés bénéficieraient in fine
à la firme en amont.
Bien entendu, cette solution intégrée n’est accessible que
si la firme amont peut s’engager de manière crédible vis-àvis des détaillants à ne pas leur fournir plus de la moitié de
la production de monopole. Cette crédibilité est aisément
obtenue dès lors que les contrats d’approvisionnement
sont publics et engagent la firme dominante.
Considérons a contrario la situation où les contrats passés
entre l’amont et l’aval restent secrets et posons nous la
question de savoir si la solution intégrée peut toujours
être atteinte sous ces conditions. Puisque le détaillant 1
ne vend que la moitié de la quantité de monopole et que le
prix est au delà du coût marginal des détaillants, la firme
amont peut vouloir vendre un peu plus de bien intermé-
diaire au détaillant 2 et augmenter ainsi les profits de ce
dernier. Cette déviation est possible dès lors qu’elle est
sous-tendue par un accord secret non-observable par le
détaillant 1. Bien sûr, cette déviation se fait tout d’abord
aux dépends de ce dernier détaillant mais, et c’est plus
surprenant, elle implique aussi que la firme amont ne
pourra pas capter autant de profits au travers de la charge
fixe qu’elle demande à ce détaillant. Pire encore, pour les
mêmes raisons qu’un contrat secret bilatéral supportait
une déviation avec le détaillant 2, un autre contrat bilatéral
supporte aussi une déviation avec le détaillant 1 maintenant et ceci aux dépends du détaillant 2. Et par la même
logique, ce sera au final la firme amont qui souffrira de ne
pouvoir capter les profits de monopole en aval. A l’équilibre
de ce jeu en contrats secrets, ce n’est plus le profit de la
structure verticalement intégrée qui peut être atteint ; seul
le profit global correspondant aux productions d’équilibre
de Nash-Cournot sur le marché aval pourra être capturé
par la firme amont.
Un principe important émerge alors. Dans ce processus
destructeur de valeur, la firme amont est son premier
ennemi ; elle ne peut s’empêcher à négocier des contrats
qui vont éroder les profits de l’aval.
Une question cruciale se pose alors pour l’amont : comment
recréer de la valeur sans s’exposer à devenir son premier
concurrent ? C’est ici que les pratiques de forclusion
prennent toute leur importance. Examinons deux solutions
possibles pour fixer quelque peu les idées. La première
consiste pour la firme amont à s’engager à ne vendre qu’au
détaillant 1 dans un contrat de service exclusif et nulle
érosion des profits aval n’aura lieu. La solution de mono-
135
pole peut dès lors facilement être rétablie en vendant la
quantité de monopole au seul contractant aval ! Que la
firme amont puisse intégrer verticalement le détaillant
1 et de la même manière, toute augmentation des ventes
auprès du détaillant non-intégré est compensée par un
ajustement des quantités produites en interne de manière
à préserver le pouvoir de monopole aval.
Les conclusions de ce modèle sont assez robustes voire
amplifiées sous certaines spécifications alternatives de
la modélisation (modulo certaines hypothèses sur les
croyances hors équilibre des détaillants, subtilité théorique non sans conséquence sur la description des équilibres ou leurs propriétés). Remplaçons par exemple la
concurrence en quantités sur le marché aval par une
concurrence en prix pour des biens différenciés et les
conclusions du modèle s’en trouvent renforcées. Ce ne
sont plus les profits d’un équilibre de Nash-Cournot qui
peuvent être capturés par l’amont dans le cas des contrats
secrets mais les profits correspondants à des concurrences
en prix plus agressives.
2 Pertinence du concept de forclusion
pour le marché de l’optique
Selon nous, le marché de l’optique et les pratiques commerciales qui le caractérisent aujourd’hui répondent dans
leurs grandes lignes à la stricte définition d’une situation
de forclusion. Cette situation reste cependant assez spécifique et ne correspond pas à l’exemple canonique que nous
avons pu évoquer dans la section 1.3.
Pour en avoir pleinement conscience, décrivons ce qui
nous apparaît être les grandes caractéristiques de ce
secteur. Une analyse attentive du secteur montre en effet
que ce marché peut être décrit de manière stylisée de la
façon suivante.
Essilor International produit et vend des verres destinés
à corriger tous les types de défauts de la vue (presbytie,
myopie, astigmatisme, etc.) ainsi que des verres de protection solaire. Les principales marques des verres correcteurs sont Varilux (progressifs), Crizal (multitraitements)
ou encore la dernière innovation Optifog (antibuée). Ce
segment représente une part importante de la valeur dans
la chaîne de production (57%). Essilor International est
donc un producteur en amont qui fournit ces inputs à des
distributeurs de lunettes qui sont en concurrence auprès
des consommateurs finals. Ce producteur est très largement
dominant en amont, il détient en effet près de 90 % de parts
de marché. Qui plus est, des investissements importants
136
dans la recherche et développement lui permettent par
ailleurs de préserver cette position de leader en innovant
systématiquement dans le « haut de gamme », produisant
des verres de très haute qualité et aux caractéristiques
toujours plus complexes.
La production et la vente de montures représentent une part
nettement plus faible de la valeur (24 %) et seront négligés
dans le reste de l’analyse.
Tournons-nous maintenant vers l’aval. Les distributeurs de
lunettes y sont de deux sortes. Tout d’abord, on retrouve des
enseignes bien connues ayant adopté un mode de distribution traditionnel s’appuyant sur de denses réseaux de
distributeurs physiques. Les tarifs élevés, du moins si on
les compare aux pratiques tarifaires dans des pays comparables à la France (pays européens, Etats-Unis...) ont rendu
possible l’entrée sur ce marché de nouveaux concurrents
qui ont adopté la vente sur Internet comme pratique alternative, remplaçant ainsi un réseau physique par un réseau
virtuel leur permettant d’économiser significativement sur
leurs coûts.
En ce qui concerne la forclusion proprement dite, l’amont
pratique des ventes exclusives de verre de qualité élevée aux
distributeurs traditionnels. La concurrence sur le segment
le plus haut du marché s’en voit donc limitée de facto, ce qui
se fait bien sûr aux dépends des consommateurs les plus
désireux d’obtenir les produits de qualité élevée.
Le lecteur attentif aura d’ores et déjà noté que dans le cas
d’espèce qui nous intéresse ici, ce ne sont plus les quantités ou les prix seuls qui régissent la concurrence entre les
détaillants sur le marché aval. Les consommateurs choisissent en effet leur détaillant préféré en comparant les
meilleurs rapports qualité-prix et c’est selon ce critère que
se segmente alors le marché. Les consommateurs les plus
susceptibles de payer pour une qualité élevée y mettront
le prix. La concurrence sur le marché aval est donc une
concurrence en biens différenciés verticalement par leur
qualité : les firmes fournissant un produit de qualité élevée
se concentrent sur le segment de la demande ayant exprimé
une forte propension pour cette qualité.
Dans un tel contexte, le problème d’engagement du monopole amont ne résulte plus d’une incitation excessive à
contracter secrètement avec chacun de ses détaillants pour
augmenter leurs productions respectives. C’est maintenant
l’incitation à dévier des offres de qualité qui auraient maximisé les profits de la structure verticalement intégrée qui
est au cœur de l’analyse. La différenciation entre les qualités
produites sur les segments hauts et bas du marché est ici
endogène. Comme les prix pratiqués et les profits obtenus,
ces qualités reflètent les capacités d’engagement limitées
de l’amont.
L’étude formelle que nous avons effectuée s’attache
précisément à étudier le problème de la forclusion dans
ce contexte d’une concurrence verticale en qualité. La
section suivante reprend quelques uns de nos résultats de
manière informelle.
3 Forclusion et différenciation verticale
3.1 Une brève description
Notre description du marché nous amène à une modélisation pour laquelle nous assimilerons le segment haut du
marché aux réseaux traditionnels alors que le segment bas
du marché représente les nouveaux entrants opérant au
travers du e-commerce.
Un monopole amont offre à deux détaillants des biens
intermédiaires de qualités différentes (les qualités de
verres), la qualité haute étant bien entendu plus coûteuse
à produire que la qualité basse. Les contrats liant l’amont
aux détaillants stipulent non seulement des charges fixes
dont l’objectif est ici encore de rapatrier vers l’amont les
profits du détaillant mais aussi des prix unitaires pour
chaque unité vendue ; et les prix dépendent bien sûr des
qualités fournies. Ces contrats définissent en fait la structure de coût des détaillants qui se font concurrence en prix
sur le marché aval en prenant comme données les qualités
qu’ils reçoivent de l’amont.
3.2 Quelques points de références utiles
3.2.1 La solution intégrée
Ici les décisions sur les prix comme sur les niveaux de
qualité sont prises de manière à maximiser les profits de
l’industrie prise dans son intégralité. Tout se passe donc
comme si la firme amont produisait elle-même les biens à
destination des consommateurs finals. Cette firme appa-
raît donc comme un monopole multi-produit offrant une
gamme complète de qualités (haute et basse).
Ce monopole fixe alors les prix de ses différents produits
en pratiquant une marge sur chacun d’eux. Cette marge
reflète bien sûr le pouvoir de marché de l’entreprise mais
elle prend aussi en compte la concurrence effective de ces
137
biens entre eux. Augmenter le prix d’un produit de moindre
qualité induit en effet une diminution de sa demande qui
se réfugie alors vers le bien de qualité plus faible. L’élasticité de la demande pour chacun des biens capture alors
ces effets de substitution. Cette élasticité de la demande
est bien entendue endogène dans ce contexte où le monopole choisit quelles qualités mettre sur le marché. Que
les qualités soient proches l’une de l’autre et les effets de
substitution seront significatifs, ce qui réduirait d’autant
les marges.
Pour comprendre l’impact de ces considérations sur les
stratégies commerciales, observons que le monopole veut
certainement extraire le plus grand surplus des consommateurs ayant la propension à payer pour la qualité la plus
forte. Pour ce faire, il est intéressant de rendre les biens de
qualité inférieure moins attractifs, notamment en fournissant des niveaux de qualité basse inférieurs à l’optimum
social. Ainsi un plus grand pouvoir de marché s’exerce
sur le segment haut de la demande. La firme amont se
comporte comme un monopole discriminant ces différents
segments.
La solution verticalement intégrée ainsi obtenue est bien
entendu inefficace du point de vue du bien-être social. Le
monopole ne prend pas en compte le surplus du consommateur dans son évaluation des prix et qualités fournies.
La théorie économique ne fournit que peu de leçons
robustes quant aux conséquences de ces choix sur les
niveaux de qualité observés une fois que les prix ont aussi
été ajustés. Les qualités choisies par un monopole peuvent
être excessives ou insuffisantes du point de vue du bienêtre social ; seuls les prix conditionnellement à ces niveaux
de qualité sont trop élevés et les demandes servies sur
chaque segment du marché diminuent en conséquence.
Les spécifications que nous adoptons nous permettent
de contrôler cet effet qualité et d’assurer que les seules
distorsions liées au pouvoir de monopole proviennent en
fait du niveau des prix pratiqués.
3.2.2 Concurrence en amont
Imaginons un instant que notre firme amont, opérateur «
historique » sur ce marché, se spécialise dans une seule
qualité, servant donc exclusivement les consommateurs
sur le segment haut du marché. C’est donc ici encore
une firme intégrée vers l’aval que nous considérons. Le
segment bas est maintenant servi par un concurrent dès
l’amont, ce concurrent étant pour simplifier verticalement
intégré avec l’aval. Cette concurrence empêche maintenant
notre opérateur « historique » de pratiquer des politiques
discriminantes. L’équilibre qui peut émerger voit le nouvel
entrant servir tout le marché avec un bien de qualité intermédiaire.
3.3 Contrats publics
Suivant en cela la logique d’arguments que nous avons
déjà évoqués dans la section 1.3., des contrats publiquement observables entre le monopole amont et les firmes
concurrentes sur l’aval permettent de rétablir la solution
d’intégration verticale. L’intuition sous-tendant ce résultat est immédiate : plutôt que de contrôler directement les
prix à la consommation fixés par les détaillants, le monopole amont peut simplement déterminer les prix des différentes qualités qu’il leur fournit de manière à ce que ces
choix décentralisés à l’aval, à qualités fixées et publiquement reconnues, répliquent ceux que ce monopole aurait
fait par lui-même en cas d’intégration verticale.
3.4 Contrats secrets : le coût de l’opportunisme
Considérons maintenant un scénario en contrats secrets.
Nous démontrons que, sous les spécifications choisies
pour notre modèle, le problème d’opportunisme auquel fait
face le monopole amont est si sévère que seule la qualité
138
la plus faible est produite à l’équilibre. Tout se passe donc
comme si la firme amont faisait face à l’entrée d’un concurrent sur l’aval et se substituait de facto à ce concurrent en
supprimant la production de la qualité supérieure.
Avec des contrats secrets, le monopole amont est désireux de renégocier avec les producteurs de qualité faible
en aval pour augmenter secrètement à la fois le niveau
de cette qualité basse mais aussi son prix et venir éroder
les marges faites sur le segment haut du marché. Cette «
cannibalisation » du segment haut prend ici une forme
extrême conduisant à sa disparition pure et simple.
Tournons-nous maintenant sur les conséquences de cette
érosion du pouvoir de marché en ce qui concerne le surplus
des consommateurs. Ces derniers en fait bénéficient de la
nouvelle structure du marché qui émerge. Si seule la qualité basse persiste dans le nouvel équilibre, c’est une qualité
déjà suffisamment élevée en comparaison avec la solution
d’intégration verticale. Les consommateurs sont donc les
grands gagnants de l’incapacité du monopole à s’engager
à des politiques prix/qualité suffisamment discriminantes
et ceci même si la gamme des qualités disponibles a diminué.
3.5 Forclusion : les contrats d’exclusivité
En réponse à ce problème d’opportunisme, le monopole
amont peut vouloir signer des contrats d’exclusivité avec
les détaillants distribuant la qualité la plus élevée auprès
des consommateurs. Un tel contrat permet de s’isoler de
la pression concurrentielle exercée dès lors que les distributeurs de la qualité basse sont présents. Avec de tels
contrats, le monopole s’engage de façon crédible à ne pas
se comporter de manière opportuniste et se transforme
de facto en monopole mono-produit intégré verticalement
vers l’aval. Le coût d’un tel arrangement est bien entendu
une restriction de la gamme qui se fait aux dépends des
consommateurs. Ces derniers seront moins servis et seul
un bien de qualité moyenne sera disponible.
Cette stratégie d’exclusivité ne permet bien entendu pas
de retrouver les niveaux de profits de la solution verticalement intégrée mais s’en rapproche significativement.
Cette analyse fait directement écho à la stratégie récente
d’Essilor International qui consiste, de plus en plus, à
intégrer toutes les étapes, de la production des verres
à la distribution aux opticiens, à travers l’acquisition de
centres de distribution et de laboratoires de prescription.
139
Table des matières
EXECUTIVE SUMMARY2
SOMMAIRE6
INTRODUCTION : UNE ETUDE ECONOMIQUE SECTORIELLE INEDITE,
SUR UN MARCHE CLE POUR LE POUVOIR D’ACHAT DES FRANÇAIS
8
1. PARTIE I : PRESENTATION DU SECTEUR DE L’OPTIQUE
12
1.1. PRESENTATION DES PRODUITS DE L’OPTIQUE : UNE OFFRE FORTEMENT DIFFERENCIEE
16
1.1.1. LES PRODUITS D’OPTIQUE, DISPOSITIFS MÉDICAUX
17
>Les principaux troubles visuels pris en charge par les équipements d’optique
17
>Les verres correcteurs, des produits très différenciés
18
>Les montures
21
>Les lentilles oculaires de contact
21
1.1.2. LES AUTRES PRODUITS D’OPTIQUE HORS DISPOSITIFS MÉDICAUX23
>Les lunettes de soleil
23
>Les produits d’entretien des lentilles de contact
24
>Autres produits divers
24
1.1.3. LES PRIX MOYENS DES DIFFÉRENTS PRODUITS PROPOSÉS SUR LE MARCHÉ DE L’OPTIQUE FRANÇAIS
24
1.2 EN AMONT : ORGANISATION ET ACTEURS DE LA PRODUCTION
25
1.2.1. UN MARCHÉ ATOMISÉ MAIS DOMINÉ PAR QUELQUES TRÈS GROS ACTEURS
26
>Un marché atomisé entre de nombreux acteurs
26
>Un marché dominé par quelques acteurs et des suiveurs lointains
27
1.2.2. LA FABRICATION DE MONTURES, UN QUART DU SECTEUR DE L’OPTIQUE
27
>Un segment qui compte pour un quart du secteur de l’optique, dominé par une entreprise italienne
27
>Luxottica
28
>Safilo28
>Luxottica / Safilo, éléments de comparaison
29
>Un marché français largement importateur
31
1.2.3.LA FABRICATION DE VERRES : UN SEGMENT QUI ABSORBE LES TROIS QUARTS DE LA VALEUR GLOBALE DU SECTEUR,
ET DOMINÉ TRÈS LARGEMENT PAR ESSILOR
31
>Essilor31
>Zeiss34
>Hoya35
140
1.3. EN AVAL : LES PRINCIPAUX CANAUX DE DISTRIBUTION D’OPTIQUE EN FRANCE
35
1.3.1. LE MÉTIER D’OPTICIEN
35
>Présentation générale
35
>Démographie de la profession en France
36
1.3.2. LES POINTS DE VENTE « EN DUR » DE PRODUITS D’OPTIQUE EN FRANCE
38
>Présentation générale
38
>Eléments financiers des points de vente d’optique
38
>Les principales enseignes (généralités)
40
>Les principales enseignes, détail par enseigne
44
1.3.3. LES OPTICIENS EN LIGNE
54
>Présentation générale
54
>Les principaux acteurs de l’optique en ligne en France
54
1.4. LES CLIENTS ET CONSOMMATEURS DE PRODUITS D’OPTIQUE SUR LE MARCHE FRANÇAIS
57
1.4.1. PROFILS DES CONSOMMATEURS FRANÇAIS DE PRODUITS D’OPTIQUE : UNE POPULATION LARGEMENT CONCERNÉE 57
>Entre six et sept français sur dix concernés
57
>Les consommateurs par type de défaut visuel
58
1.4.2. LES MOTIVATIONS DE L’ACTE D’ACHAT POUR LES FRANÇAIS À L’HEURE D’UNE DÉPENSE OPTIQUE
59
>La dimension financière, déterminante dans la motivation de l’acte d’achat
59
>La dimension conseil dans l’acte d’achat, essentielle et très incitative
61
1.4.3. L’OPTIQUE DANS LE BUDGET MOYEN DES MÉNAGES
62
1.4.4. LES DYNAMIQUES HAUSSIÈRES DE LA DEMANDE : SYSTÈME DE SANTÉ ET VIEILLISSEMENT
63
1.5. UN TIERS ESSENTIEL : LE SYSTEME DE SANTE
66
1.5.1. A L’ORIGINE DE LA PRESCRIPTION : LES OPHTALMOLOGISTES
66
>Une population urbaine et vieillissante
66
>Des prescripteurs essentiels, mais concurrencés
66
1.5.2. A LA SOURCE DU REMBOURSEMENT : LA SÉCURITÉ SOCIALE, LES COMPLÉMENTAIRES DE SANTÉ
67
>La sécurité sociale
67
>Les complémentaires
69
1.5.3. LA RÉPARTITION FINALE DU COÛT ENTRE SÉCURITÉ SOCIALE, COMPLÉMENTAIRES ET CONSOMMATEUR72
141
2. PARTIE II : DES DOUTES SUR LE FONCTIONNEMENT CONCURRENTIEL DU MARCHE DE L’OPTIQUE74
2.1. LES DOUTES CONCURRENTIELS SUR LE SECTEUR AMONT
77
2.1.1. UN SECTEUR FORTEMENT CONCENTRÉ
77
>Un marché particulièrement concentré autour d’un acteur dominant, Essilor
77
2.1.2. L’ANALYSE ÉCONOMIQUE RÉVÈLE DES INCITATIONS À LA FORCLUSION SUR LE MARCHÉ DE L’OPTIQUE EN FRANCE
80
> Des incitations fortes à la forclusion par le monopole amont
80
Un article scientifique inédit
80
La forclusion, présentation classique
80
La forclusion dans le cas de produits différenciés
81
>La forclusion dans le secteur de l’optique
82
La stratégie de différenciation d’Essilor
82
La stratégie d’intégration verticale d’Essilor
83
L’absence d’incitation à fournir le bas du marché
83
2.2. LES DOUTES SUR LE SECTEUR AVAL
83
2.2.1 L’EXISTENCE DE PRIX ÉLEVÉS POUR LE CONSOMMATEUR FINAL
83
2.2.2. DES CHIFFRES D’AFFAIRES ÉLEVÉS POUR LES PROFESSIONNELS DU SECTEUR
AU REGARD DE LA RÉALITÉ DES PAYS VOISINS
86
> Des marges importantes
86
> Des chiffres d’affaires bien supérieurs à ceux constatés dans les autres pays
86
> Des chiffres d’affaires par consommateur bien supérieurs aux autres pays
88
2.2.3. DES COMPLÉMENTAIRES SANTÉ VICTIMES DE COMPORTEMENTS FRAUDULEUX DE LA PART DES DISTRIBUTEURS 89
2.2.4. UNE DÉMOGRAPHIE DES OPTICIENS TRÈS ÉLEVÉE EN FRANCE AU REGARD DES BENCHMARKS INTERNATIONAUX
90
2.2.5. UN MARCHÉ CONCENTRÉ
94
> Parts de marché en points de vente
94
> Parts de marché en valeur
95
2.2.6. UN MARCHÉ OPAQUE SUR LA FORMATION DES PRIX
96
>Une transparence très imparfaite du marché
96
142
3. PARTIE III : FAVORISER LA CONCURRENCE DANS LA DISTRIBUTION D’OPTIQUE EN FRANCE :
PISTES ET GAINS ATTENDUS
98
3.1. LE RETARD DE LA FRANCE EN MATIERE D’OPTIQUE EN LIGNE
100
3.1.1. UN SECTEUR ENCORE PEU DEVELOPPÉ ET CONTRAINT EN FRANCE
100
>Un développement très limité
100
>Un marché encore contraint
100
3.1.2. LE DROIT COMMUNAUTAIRE CLAIREMENT EN FAVEUR DU CANAL INTERNET
101
3.1.3. LA PROMOTION DU CANAL INTERNET AUX ETATS-UNIS
102
3.2. LES GAINS A ATTENDRE D’UNE CONCURRENCE ACCRUE SUR LE MARCHE DE L’OPTIQUE FRANÇAIS
103
3.2.1. LES GAINS D’UNE CONCURRENCE ACCRUE EN TERMES DE POUVOIR D’ACHAT
103
3.2.2. LES GAINS D’UNE CONCURRENCE ACCRUE EN TERMES D’EMPLOI
105
ANNEXE I : COMPARAISON DES CHIFFRES D’AFFAIRES DES MARCHES DE L’OPTIQUE ENTRE PAYS
106
1) FOCUS SUR LES MARCHES OPTIQUES DE QUELQUES PAYS CHOISIS
106
2) LES CONSOMMATEURS POTENTIELS PAR PAYS ET PAR PRODUIT
107
3) LES CHIFFRES D’AFFAIRES PAR CLIENT SUIVANT LES PAYS
109
4) SIMULATION DE MARCHES FRANÇAIS HYPOTHETIQUES SUR LA BASE DE CHIFFRES D’AFFAIRES
PAR CONSOMMATEUR ETRANGER
110
5) DIFFERENCES ENTRE LES MARCHES FRANÇAIS HYPOTHETIQUES ET LES MARCHES ETRANGERS
112
6) CONCLUSION
114
ANNEXE II : EVALUATION DES GAINS POTENTIELS DE L’ACCROISSEMENT DE LA PART D’INTERNET
SUR LE MARCHE DE L’OPTIQUE EN FRANCE
116
1) LA BAISSE DES PRIX ENGENDREE PAR LE COMMERCE SUR INTERNET EN GENERAL
116
2) LA BAISSE DES PRIX ATTENDUE DANS LE SECTEUR DE L’OPTIQUE EN LIGNE
118
3) LES PRIX ET LES CHIFFRES D’AFFAIRES ACTUELS SUR LE MARCHE DE L’OPTIQUE FRANÇAIS
119
4) PRIX ESTIMES A L’ISSUE DES BAISSES DE PRIX CONSECUTIVES AU DEVELOPPEMENT DU CANAL INTERNET,
SUIVANT LES DIFFERENTES HYPOTHESES ENVISAGEES
120
a) Hypothèse I1 : les prix baissent de 8 ou 10 % en moyenne
120
b) Hypothèse I2 : les prix baissent de 25 ou 30% au maximum
120
c) Hypothèse II: les prix baissent de 75%
121
5) NOMBRE DE PRODUITS VENDUS PAR AN SUR LE MARCHE FRANÇAIS DE L’OPTIQUE
121
6) LES GAINS ESTIMES POUR LES CONSOMMATEURS D’UNE GENERALISATION DU CANAL INTERNET
POUR LA DISTRIBUTION D’OPTIQUE EN LIGNE, SUIVANT LES DIFFERENTES HYPOTHESES ENVISAGEES
122
143
a) Scénario A : baisse uniforme des prix de l’ensemble des produits
122
>Hypothèses I1 : baisse des prix de 8 % ou 10 %
122
> Hypothèse I2 : baisse des prix de 25 % ou 30 %
124
> Hypothèse II : baisse des prix de 75 %
126
b) Scénario B : accroissement de la part de la distribution par Internet dans le secteur total
127
>Hypothèses I1 : baisse des prix de 8 % ou 10 %
127
>Hypothèses I2 : baisse des prix de 25 % ou 30%
129
>Hypothèses II : baisse des prix de 75 %
131
c) Gains moyens par consommateurs
132
>Nombre de consommateurs
132
>Gains moyens dans le scénario A : baisse uniforme des prix de l’ensemble des produits
133
>Gains moyens dans le scénario B : accroissement de la part de la distribution par internet dans le secteur total
133
ANNEXE III : FORCLUSION ET CONCURRENCE EN QUALITE SUR LES MARCHES AVAL
134
144
Figure 1 – Schéma simplifié du secteur de l’optique
12
Figure 2 – Répartition du chiffre d’affaires par type de produit
16
Figure 3 – Répartition des ventes, en volume et en valeur, entre les verres unifocaux et les verres progressifs en 2011
17
Figure 4 – Evolution des ventes de verres
18
Figure 5 – La composition d’un verre ophtalmique organique
19
Figure 6 – Campagne de publicité Optifog / Essilor
20
Figure 7 – Chiffres d’affaires par segment dans le secteur des lentilles de contact
22
Figure 8 – Ventes de solaires en millions d’euros sur un an
23
Figure 9 – Unités vendues entre janvier et septembre 2012
24
Figure 10 – Prix moyens constatés entre les mois de janvier et septembre 2011 et 2012
25
Figure 11 – Facturations industrielles d’optique-lunetterie en 2009
26
Figure 12 – La structure des établissements et des effectifs du marché amont
27
Figure 13 – Chiffre d’affaires 2008 en milliards d’euros des groupes Safilo / Hal et Luxottica
29
Figure 14 – Répartition des chiffres d’affaires des groupes Safilo / Hal et Luxottica entre la distribution et la fabrication, en pourcentage
30
Figure 15 – Nombre de points de vente des groupes Safilo / Hal et Luxottica en 2009
30
Figure 16 – Répartition géographique des points de vente des groupes Safilo / Hal et Luxottica en 2009
31
Figure 17 – La chaîne de production intégrée d’Essilor
32
Figure 18 – Chiffre d’affaires d’Essilor par activité
33
Figure 19 – Chiffre d’affaires de la division « Vision care » de Zeiss en millions d’euros
34
Figure 20 – Nombre de diplômés et d’opticiens en activité en 2004 et 2010/2011
36
Figure 21 – Evolution du nombre de jeunes diplômés au BTSOL entre 2004 et 2011
37
Figure 22 – Évolution conjointe du nombre d’opticiens actifs occupés et du nombre d’opticiens demandeurs d’emploi entre 2004 et 2011
37
Figure 23 – Coût d’ouverture d’un point de vente d’optique par poste, en euros et en pourcentage du total
38
Figure 24 – Conditions d’entrée dans les principaux réseaux
39
Figure 25 – Répartition du chiffre d’affaires moyen d’un point de vente d’optique en 2009
40
Figure 26 – Répartition des points de vente d’optique par catégorie
41
Figure 27 – Proposition de loi visant à permettre aux mutuelles de mettre en place des réseaux de soins, 16 octobre 2012
42
Figure 28 – Principales enseignes par catégorie
43
Figure 29 – Exploitation des points de vente d’optique par les centrales et les enseignes
43
Figure 30 – Campagne de publicité Krys (2011)
44
Figure 31 – Campagne de publicité Krys (2012)
44
Figure 32 – Dates clés du groupe Krys
45
Figure 33 – Chiffres clés du groupe Krys
45
Figure 34 – Campagne de publicité Optic 2000
46
Figure 35 – Dates clés du groupe Optic 2000
47
Figure 36 – Chiffres clés du groupe Optic 2000
47
Figure 37 – Dates clés du groupe All
48
Figure 38 – Chiffres clés du groupe All
48
Figure 39 – Principales acquisitions du groupe GrandVision
49
Figure 40 – Dates clés du groupe GrandVision
50
Figure 41 – Chiffres clés du groupe GrandVision
50
145
Figure 42 – Page d’accueil du site www.alainafflelou.fr
51
Figure 43 – Chiffres clés du groupe Afflelou (France)
51
Figure 44 – Chiffres clés du groupe Les Opticiens Mutualistes (France)
52
Figure 45 – Chiffres clés du groupe Atol
52
Figure 46 – Chiffres clés du groupe Schertz / Luz
53
Figure 47 – Chiffres clés du groupe Soc. Cos. Europtic
53
Figure 48 – Proportion de Français portant des corrections
57
Figure 49 – Part de la population portant des corrections
58
Figure 50 – Proportion des critères financiers jugés très ou assez importants lorsque les consommateurs se rendent chez un opticien
59
Figure 51 – Jugement des Français sur les prix des lunettes
60
Figure 52 – Proportion de Français portant des lunettes, par niveau de revenus
61
Figure 53 – Proportion des critères « conseil » jugés très ou assez importants lorsque les consommateurs se rendent chez un opticien
62
Figure 54 – Dépense moyenne annuelle en euros
63
Figure 55 – Croissance annuelle (%) en volume et en valeur de la consommation de produits d’optique et du pouvoir d’achat
64
Figure 56 – Les déterminants des dynamiques du marché de l’optique
64
Figure 57 – Pourcentage de porteurs de lunettes dans la population française
65
Figure 58 – Prescriptions de verres correcteurs
67
Figure 59 – Remboursements des lunettes établis par l’Assurance maladie.
68
Figure 60 – Chiffres d’affaires (en millions d’euros) du secteur des complémentaires
69
Figure 61 – Pourcentage de consommateurs bénéficiant d’une complémentaire proposant une prise en charge supérieure au ticket modérateur,
par âge du consommateur
70
Figure 62 – Remboursement par les organismes complémentaires, en euros, pour un prix de référence de 200 euros
(100 euros pour la monture et 50 euros pour un verre simple)
71
Figure 63 – Répartition de la prise en charge du prix d’une paire de lunettes
72
Figure 64 – Chiffre d’affaires mondiaux et parts de marché des principaux producteurs
78
Figure 65 – Parts de marché des producteurs au niveau mondial (2011)
78
Figure 66 – Parts de marché des producteurs en France (2001)
79
Figure 67 – Chiffre d’affaires en France des principaux producteurs et rapport à Essilor
79
Figure 68 – Sondage Mutualité Française et L’Opticien Lunetier
84
Figure 69 – Note regards, données à fin septembre 2012
84
Figure 70 – XERFI
85
Figure 71 – Synthèse des estimations
85
Figure 72 – Taux de marge selon la taille des entreprises du secteur
86
Figure 73 – Surplus moyen du marché français en comparaison avec l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et le Royaume-Uni, en millions d’euros
87
Figure 74 – L’ « excès » inexpliqué du marché français
87
Figure 75 – Le chiffre d’affaires moyen par consommateur, par type de produit, dans 5 pays de l’Union européenne, en euros
88
Figure 76 – Le chiffre d’affaires par consommateur pour les verres dans 5 pays de l’Union européenne, en euros
89
Figure 77 – Nombre de points de vente d’optique
91
Figure 78 – Densité des points de vente dans quelques pays
92
Figure 79 – Nombre moyen de consommateurs par point de vente dans quelques pays
93
Figure 80 – Chiffre d’affaires moyen par point de vente
93
146
Figure 81 – Parts de marché des groupes d’optique en nombre de points de vente
94
Figure 82 – Parts de marché des groupes d’optique en valeur
95
Figure 83 – Gains dans l’hypothèse d’une baisse uniforme des prix dans le secteur de optique
103
Figure 84 – Gains dans l’hypothèse d’un accroissement de la part du secteur de l’optique en ligne, présentant des prix inférieurs
104
Figure 85 – Marchés étrangers par catégorie de produits en 2007, en milliards d’euros
106
Figure 86 – Part de population portant des corrections
107
Figure 87 – Porteurs de correction dans différents pays, en 2007, en milliers
107
Figure 88 – Consommateurs potentiels par pays et par type de produit, en 2007, en milliers
108
Figure 89 – Chiffres d’affaires moyens par consommateur et par type de produit, en euros
109
Figure 90 – Ecarts de chiffres d’affaires par consommateur par rapport à la France, en euros
109
Figure 91 – Hypothèse d’un marché français dans lequel le chiffre d’affaires par consommateur serait équivalent à ce qu’il est en Allemagne
110
Figure 92 – Hypothèse d’un marché français dans lequel le chiffre d’affaires par consommateur serait équivalent à ce qu’il est en Espagne
110
Figure 93 – Hypothèse d’un marché français dans lequel le chiffre d’affaires par consommateur serait équivalent à ce qu’il est en Italie
111
Figure 94 – Hypothèse d’un marché français dans lequel le chiffre d’affaires par consommateur serait équivalent à ce qu’il est au Royaume-Uni 111
Figure 95 – Différences entre le marché français réel et le marché hypothétique fondé sur des chiffres d’affaires par consommateur
équivalents à ce qu’ils sont en Allemagne (en millions d’euros)
112
Figure 96 – Différences entre le marché français réel et le marché hypothétique fondé sur des chiffres d’affaires par consommateur
équivalents à ce qu’ils sont en Espagne (en millions d’euros)
112
Figure 97 – Différences entre le marché français réel et le marché hypothétique fondé sur des chiffres d’affaires par consommateur
équivalents à ce qu’ils sont en Italie (en millions d’euros)
113
Figure 98 – Différences entre le marché français réel et le marché hypothétique fondé sur des chiffres d’affaires par consommateur
équivalents à ce qu’ils sont au Royaume-Uni (en millions d’euros)
113
Figure 99 – Ecarts et écart moyen entre le marché français réel et les marchés hypothétiques fondés sur les chiffres d’affaires
par consommateur de quelques pays
114
Figure 100 – Différence de prix moyen sur le canal Internet
117
Figure 101 – Prix moyens des produits d’optique
119
Figure 102 – Chiffres d’affaires par produit d’optique de septembre 2011 à septembre 2012
119
Figure 103 – Prix des produits d’optique dans les hypothèses de baisse uniforme de 8 % ou 10 % des prix moyens
120
Figure 104 – Prix des produits d’optique dans les hypothèses de baisse uniforme de 25 % ou 30% des prix au maximum
120
Figure 105 – Prix des produits d’optique dans les hypothèses de baisse uniforme de 75 %
121
Figure 106 – Unités vendues par type de produit entre septembre 2011 et septembre 2012
121
Figure 107 – Marché hypothétique dans l’hypothèse d’une baisse des prix de 8 %
122
Figure 108 – Gains dans l’hypothèse d’une baisse des prix de 8 %
122
Figure 109 – Marché hypothétique dans l’hypothèse d’une baisse des prix de 10 % 123
Figure 110 – Gains dans l’hypothèse d’une baisse des prix de 10 %
123
Figure 111 – Marché hypothétique dans l’hypothèse d’une baisse des prix de 25 %
124
Figure 112 – Gains dans l’hypothèse d’une baisse des prix de 25 %
124
Figure 113 – Marché hypothétique dans l’hypothèse d’une baisse des prix de 30 %
125
Figure 114 – Gains dans l’hypothèse d’une baisse des prix de 30 %
125
Figure 115 – Marché hypothétique dans l’hypothèse d’une baisse des prix de 75 %
126
Figure 116 – Gains dans l’hypothèse d’une baisse uniforme de 75 % des prix
126
147
Figure 117 – Marché hypothétique dans l’hypothèse de prix en ligne 8 % inférieurs et d’une distribution par Internet de 10 % du secteur
127
Figure 118 – Gains dans l’hypothèse de prix en ligne 8 % inférieurs et d’une distribution par Internet de 10 % du secteur
127
Figure 119 – Marché hypothétique dans l’hypothèse de prix en ligne 10 % inférieurs et d’une distribution par Internet de 10 % du secteur
128
Figure 120 – Gains dans l’hypothèse de prix en ligne 10 % inférieurs et d’une distribution par Internet de 10 % du secteur
128
Figure 121 – Marché hypothétique dans l’hypothèse de prix en ligne 25 % inférieurs et d’une distribution par Internet de 10 % du secteur
129
Figure 122 – Gains dans l’hypothèse de prix en ligne 25 % inférieurs et d’une distribution par Internet de 10 % du secteur
129
Figure 123 – Marché hypothétique dans l’hypothèse de prix en ligne 30 % inférieurs et d’une distribution par Internet de 10 % du secteur
130
Figure 124 – Gains dans l’hypothèse de prix en ligne 30 % inférieurs et d’une distribution par Internet de 10 % du secteur
130
Figure 125 – Marché hypothétique dans l’hypothèse de prix en ligne 75 % inférieurs et d’une distribution par Internet de 10 % du secteur
131
Figure 126 – Gains dans l’hypothèse de prix en ligne 75 % inférieurs et d’une distribution par Internet de 10 % du secteur
131
Figure 127 – Porteurs de correction en France en 2011
132
Figure 128 – Gains moyens par consommateur en euros pour chacune des hypothèses d’une baisse uniforme des prix de l’ensemble des produits
133
Figure 129 – Gains moyens par consommateur en euros pour chacune des hypothèses de prix inférieurs des produits distribués par Internet
133
148
Les Français sont parmi les plus gros consommateurs de produits d’optique en Europe. Le marché de
l’optique en France, estimé à 5,7 milliards d’euros en 2011, est en croissance continue. Très dynamique,
il est aussi très opaque et artificiellement surévalué. La présente étude, réalisée par les économistes
David Martimort et Jérôme Pouyet de l’Ecole d’économie de Paris, se propose pour la première fois de
faire la lumière sur ce secteur. Elle révèle de fortes suspicions sur son fonctionnement concurrentiel
et estime les gains, plus que substantiels pour les consommateurs, que permettrait son ouverture à de
nouveaux entrants.
David Martimort, diplômé de l’Université de Toulouse 1, ingénieur de l’Ecole Polytechnique et Professeur
Agrégé des Universités, est Directeur d’Etudes à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales et
Professeur à l’Ecole d’Économie de Paris. Jérôme Pouyet, diplômé de l’Université de Toulouse 1, a enseigné
à l’Ecole Polytechnique, est chargé de recherche 1ère classe au CNRS et Professeur à l’Ecole d’Economie
de Paris.

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