« Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage » ou
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« Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage » ou
« Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage » ou « Force nique Rage » Conte animalier d’Ella Balaert Consigne de jeu d’écriture : écrire en un quart d’heure un conte animalier avec un chat, un serpent, et la morale de la Fontaine : « patience et longueur de temps font plus que force ni que rage ». L’histoire se passe il y a longtemps, dans un pays en pleine révolution. Il y a là, d’un côté, des lions aux crocs acérés, des aigles aux serres taillées en pointe, des éléphants chaussés de rangers cloutés, des gorilles aux bras comme des matraques et des poings américains. Ils sont tous armés jusqu’aux dents, jusqu’aux crocs, jusqu’à la glotte, jusqu’au fond des palais présidentiels. Ils sont forts. Ils sont riches. Ils ne paient pas l’impôt qu’ils devraient sur leur fortune, ils ont des comptes en Suisse, et des tanières de luxe un peu partout dans le monde. De l’autre côté, sur des barricades, se tient debout tout un peuple de petits animaux. Lapins aux oreilles basses sous la casquette, rats de bibliothèque et rats d’égouts, jeunes coqs perchés sur leurs ergots et vieux merles aux egos froissés. Ils ne sont pas forts. Ils ne sont pas riches. Ils n’ont pas de grande maison à Neuilly ni ailleurs. Ils paient leurs impôts, directs, indirects, indirects libres. Ils n’ont plus rien. Sauf une chose. Ils ont la rage. Et la rage, normalement, ça vous décuple vos forces, ça vous fait bouillir le sang dans les veines, ça vous donne des ailes et du muscle et de l’énergie en rab. Le chef des forts, c’est un serpent. Sales bêtes, les serpents. Surtout celui-là. Il a une tête plate, des écailles comme une vraie cotte de mailles taillées pour la bataille. Ses yeux lancent des rayons meurtriers, sa langue aussi, et au bout de sa queue, il a fixé une masse d’armes. C’est un vilain serpent qui se prend pour un stégosaure depuis qu’il est tout petit et qu’il a réussi à faire chuter Eve et Adam du paradis. Il ne connaît plus sa force, depuis. A la tête des faibles, il y a un chat. Un vrai chat qui a la rage. Efflanqué, le poil long, il nourrit tout un peuple de puces dans sa fourrure, qui le grattent en permanence et lui enlèvent ses croûtes pour mieux entretenir sa rage. Il a aussi une paire de bottes, mais elles ne lui servent à rien. C’est juste pour le look. Les forts et les faibles se combattent depuis longtemps. Trop longtemps. Il est temps que ça se termine, cette histoire. Attendre, ça use tout un chacun, c’est bien connu. Tout le monde en a marre, les faibles comme les forts. Chacun voudrait rentrer chez soi. Les forts sont usés, la rage des faibles a faibli. Après tout, un bain de sang, est-ce vraiment indispensable ? On pourrait peut-être s’arranger, discuter… Patience et longueur de temps font plus que … Eh bien non. Car c’est à cet instant que le serpent saute sur le dos du lion, qui mord à la trompe l’éléphant, lequel sonne la charge et fonce dans le tas des faibles. Pas de quartier. Pas de pitié pour les merles moqueurs, les lapins agiles ni les chats bottés... Lesquels sont, en peu de temps, foulés, laminés, écrasés, mis à mal et en un mot, foutus. Moralité : en ce pays dont je vous parle, force nique rage.