les enfants du bing bang

Transcription

les enfants du bing bang
Théâtre des Marionnettes de Genève
Dossier pédagogique – saison 2008 - 2009
LES ENFANTS
DU BING BANG
Par le Tango Théâtre (F) et le Guignol à roulettes (Fribourg CH).
Coproduit par le Théâtre des Marionnettes de Genève, Le Cratère - Scène nationale d’Alès (F) et
et Scène nationale de Narbonne (F)
Du 24 janvier au 8 février 2009
Librement
adapté
du
roman
« Capitaines des sables » de Jorge
Amado
Texte et interprétation : Guillermo
Fernandez et Pierre-Alain Rolle
Marionnettes et mise en scène :
Guillermo Fernandez
Lumières et réalisation projections :
Arno Veyrat
Régie : Yan Benz
Dessins : Laurent Kaeser
Musique : Christophe Pochon
Scènes dialoguées :
Christophe Sigognault
60 minutes
Dès 7 ans
Le spectacle
1. L’histoire
Après le big-bang, le monde s’est couvert d’enfants
multicolores. Des siècles plus tard, une petite bande a
trouvé refuge dans une épave. Ces enfants des rues,
abandonnés à eux-mêmes, existent dans la marge
d’une ville qui veut les ignorer. Ils vivent libres, jouent,
chapardent et s’épaulent dans les coups durs. Mais
quand les gens se sentent lésés, ils font appel aux
hommes de l’ordre ou pire encore, rendent eux-mêmes
la justice : la rencontre est alors violente. Un vieil ange
décide d’intervenir et de forcer le destin. Usant de ses
pouvoirs, il fait sortir les gosses de la prison, et offre à
la jeune Soufflette le don de lire et d’écrire. Grâce à ces
deux cadeaux, la fillette retrouve un souffle d’enfant
rêveur qu’elle partagera avec ses camarades.
Comment survivre quand on est une toute petite fille
brésilienne, délaissée dans une grande cité
brésilienne? Il faut beaucoup de courage et de
présence d'esprit pour transformer chaque obstacle en
une chance à saisir.
Soufflette
Très librement inspiré du livre « Capitaines des sables » de Jorge Amado, ce spectacle évoque
la réalité des enfants des rues et parle des droits bafoués de l’enfant. Les images mêlent la
manipulation de marionnettes sur table, les comédiens, et les projections vidéo sur de multiples
supports. Une mise en scène brillante qui se clôt sur une perspective positive : si l’enfant des
rues doit disparaître, que cela ne soit que grâce à l’amour, et non pas de mort violente.
► Des informations complémentaires ainsi que le texte de la pièce Les Enfants du bing bang
sont disponibles sur le site : www.guignol.ch
2. Synopsis
Soufflette, petite fille muette, et la bande des enfants des rues, vivent dans la rue. Abandonnés à
eux-mêmes, ils existent en parallèle d’une société qui les ignore, sauf quand la population se sent
lésée ou dérangée par leur présence. Alors elle fait appel aux hommes de l’ordre ou à une justice
personnelle et la rencontre est violente. Une prostituée s’éprend d’un amour presque maternel pour
la fillette tandis qu’un ange déchu se donne pour mission de sauver la gamine. Celui-ci aide la bande
à sortir de prison. Il tente sans grand succès de faire prendre conscience aux enfants de l’impasse
dans laquelle ils se trouvent.
Un jour, cet ange déchu décide d’offrir à Soufflette le don de lire et le pouvoir d'écrire, pour accéder à
la connaissance et à un monde meilleur. Grâce à ces deux cadeaux, Soufflette retrouve un souffle
d’enfant rêveur qu’elle partage avec la bande. Ses copains, Bidon et l’Inconnu, continueront pourtant
leur vie en marge de la société en prêtant leurs premiers services de jeunes voyous à une bande
organisée. L’ange, face à la mort de l’un des enfants — Cure-dents — qu’il n’a pas pu éviter, fait le
choix de renoncer à ses ailes pour accompagner Soufflette.
Par le biais d'un dispositif d'images projetées sur des surfaces variées (costumes, décor, écrans),
dans lequel évoluent comédiens et marionnettes, Les Enfants du bing bang nous raconte l'histoire
de Soufflette et d'une bande d'enfants des rues qui survivent de menus larcins.
3. Propos
Les Enfants du bing bang parle par évocation de cette réalité des enfants des rues et revient sur
l’unique perspective d’améliorer le sort de cette frange de la population : la connaissance.
Enrichissant l’imagination et le jeu, la connaissance est l’un des moyens qui permet à chaque enfant
d’accéder à la possibilité d’un monde meilleur.
4. Vivant et imagé
Ce spectacle s’adresse notamment à un jeune
public qui possède déjà une culture des images
animées. Ce n’est pas du cinéma, mais un
spectacle vivant en images où se côtoient les
marionnettes, les projections de personnages et
de décors. Les marionnettistes aident à faire
avancer l’histoire en prêtant leurs corps et leur
jeu aux images projetées.
Sur un fond de réalité sociale propre à certains
pays, Les Enfants du bing bang se déroule
sous la forme d'un conte en utilisant des images
animées et des marionnettes et mettant en jeu
des êtres naturels et surnaturels, des scènes
réalistes et des moments de rêve. Le sujet est
traité avec fantaisie, joie de vivre, humour et
tendresse.
Bidon
5. Un Théâtre d’images
L
e récit est prioritairement porté par un théâtre d’images. La réalisation du spectacle repose sur
l’utilisation originale de deux techniques qui s’alternent ou se mélangent :
● Une manipulation classique appelée de « théâtre noir », sur table.
● Un procédé de projection sur des surfaces variées (écrans fixes et mobiles, costumes, décors).
Mis au point par le technicien du spectacle, Arno Veyrat, ce procédé de projection permet la
démultiplication des personnages en les faisant évoluer dans toutes sortes d’univers, tout en laissant
à la marionnette sa place privilégiée au sein du spectacle.
L'espace de jeu est vide. Il n'y a aucun décor, hormis une table de manipulation mobile. Treize
écrans apparaissent selon les besoins de chaque scène. Certains, comme le fond de scène, sont
fixes alors que d'autres descendent des cintres ou sont tirés des coulisses. D'autres enfin sont portés
par les comédiens. Un dispositif de trois rétro - projecteurs et de six vidéo - projecteurs permet de
diffuser aussi bien des images fixes, que des images filmées partout sur le plateau. Toutes les
images sont pré - enregistrées. Les marionnettistes manipulent à vue. La vidéo nous permet d'utiliser
sur une scène de théâtre un langage cinématographique. Malgré le fait que nous n'ayons que deux
marionnettes sur scène, l'action et le découpage sont très rapides, les décors changent
instantanément, les marionnettes rencontrent des personnages humains, elles sont soudain
entourées d'autres marionnettes produisant un effet de foule. Il y a peu de différence entre ce qui est
joué et les images projetées. Le spectateur se trouve à l'intérieur d'un univers visuel homogène. Le
récit est rythmé, très spatialisé, plein de surprises visuelles. L'ensemble produit un univers similaire à
de la bande dessinée.
Le but n’est pas que le spectateur s'interroge sur la réalité de ce qui lui est donné à voir, mais qu'il se
laisse entraîner dans un jeu d'illusion où acteur, marionnette et image sont sur un pied d'égalité.
Nous travaillons dans un espace ou cinéma et théâtre sont fusionnés.
Pierre-Alain Rolle
6. Les Personnages
L’héroïne : Soufflette, la fille muette
Le groupe d’enfants : Ficelle, Cure-dents, Bidon
Les adultes : la prostituée, l’ange déchu
Ceux de la ville : le patron du manège,
La maman et son enfant gâté, les deux femmes, la
foule, le gardien de prison, la présentatrice TV, le
malfrat
7. Enfant malgré tout
Quatre questions à Guillermo Fernandez
marionnettes, mise en scène, texte et
interprétation et Pierre-Alain Rolle, texte et
interprétation.
Qu’est-ce qui vous a intéressé dans le récit
d’Amado, Capitaines des Sables ?
Guillermo Fernandez : Nous avons adapté très
librement ce récit se déroulant à l’origine dans un
coin abandonné et désert des entrepôts de Bahia,
grand port brésilien. De nombreux gamins
surnommés les « Capitaines des Sables »
devenus ici « Les Pirates » sont réfugiés dans les
Cure-dents
cales d’un vieux cargo et vivent en marge de la
société. Tout en gardant l’esprit du réalisme
magique du récit de l’écrivain brésilien, nous avons imaginé d’autres jeunes protagonistes et un ange
apparaissant sous les traits d’un vieillard flanqué d’une sorte d’assistant surnommé « le grand » qui
assure le déploiement de la fable.
Même si nous n’avons pas retenu cette figure dans la transposition de Capitaines des sables », de
nos jours de nombreux prêtres travaillent toujours dans l’enfer des rues de la périphérie de Rio de
Janeiro, dans les mégalopoles éclatées du Sud notamment, pour tenter d’arracher ces enfants qui
ont faim à la misère à la menace des escadrons de la mort et des cartels de la drogue. Ils tentent de
redonner une dignité d’êtres aimés.
D’origine argentine, j’ai été très tôt sensibilisé au problème des enfants des rues en Amérique latine.
C’est un fléau qui s’abat sur nos sociétés et n’est pas toujours mis en lumière par les grands médias
et le grand public n’est pas forcément très informé de la situation de ces enfants. Le roman est une
excellente base de travail pour développer une histoire te témoigner de la situation d’extrême
précarité de ces enfants de la rue. Créer à la fois un objet artistique tout en témoignant d’une réalité
sociale parfois méconnue.
Pierre-Alain Rolle : À la fin de son récit, Amado aménage des solutions, des devenirs possibles pour
des êtres que le destin n’a pas ménagés. Même si ces issues peuvent sembler idéologiques, il est
intéressant de ne pas se retrouver uniquement dans une forme de réalisme social fataliste et sans
issue.
Le spectacle insiste sur la solidarité pouvant s’affirmer entre ces enfants.
G. F. : Malgré un réel déficit d’éducation, des valeurs se développent dans des régions laissées pour
compte. A l’image de la solidarité qui semble être la chose pouvant maintenir en vie ces
communautés enfantines de rue. Cette dimension solidaire se rattache, à mes yeux, à l’instinct de
vie. Sans elle, la survie serait sans doute impossible. Par le passé, ayant travaillé dans plusieurs
bidonvilles, j’ai pu constater que la loi et les droits attachés à la personne humaine tels que nous les
connaissons n’ont pas d’emprise. Par contre, il existe de lois internes à ces favelas et ces sociétés
laissées de côté. Malgré un authentique problème pour les saisir d’un point de vue occidental. Pour
moi, il existe certainement des éléments dont ou peut apprendre de certaines de ces règles non
écrites, car nous ne sommes pas là uniquement pour donner une meilleure éducation qui serait la clé
pour sortir de cette situation de pauvreté. Il y a quelques leçons que nous pouvons retenir de ce que
ces plus démunis peuvent nous apprendre.
L’apprentissage est au cœur de ce spectacle avec, comme dans les contes, un livre magique
qui donne virtuellement accès à l’alphabétisation, la lecture et l’autonomisation de l’enfant.
G. F. : L’une des premières scènes est celle d’un cours comme donné au tableau, au rétroprojecteur,
une sorte de conférence ludique sur les enfants des rues. Mais aussi le big bang qui projeta sur terre
ces enfants orphelins et dévêtus. Ce moment éminemment vivant permet de donner au spectateur
des clés afin de lire la suite. En réalité, la création débute avec l’arrivée d’une petite fille sans voix, ce
qui est déjà tout un symbole, projetée dans l’univers du bitume. C’est un classique du théâtre de
débuter par la présentation des protagonistes qui seront ensuite mis en situation de jeu. Une sorte de
casting en forme de bande annonce. Le cours, lui, constitue une forme d’exergue.
L’ange de l’histoire est surprenant, fort éloigné d’une vision traditionnelle de ce messager.
G. F. et P-A R. : Il s’agit de la vision d’un ange sans aucun doute déchu. Chez l’écrivain colombien et
prix Nobel de littérature en 1982, Gabriel Garcia Marquez, on retrouve, au détour d’une nouvelle, cet
ange déglingué, qui s’est cassé la figure et se retrouve un beau matin dans le poulailler. Dans un
village tranquille en bord de mer, par un temps apocalyptique, surgi de nulle part, un étrange vieillard
doté d'ailes immenses. Un homme le trouve dans sa cour et pense que c'est un ange. Il enferme
alors le vieillard dans un poulailler et fait payer l'entrée à la foule qui se précipite. Après quelques
analyses, le curé répudie l'apparition et met en garde les crédules. Le vieillard subit, attend, se
reconstruit petit à petit. Les hommes finissent par se lasser de cet ange dédaigneux qui ne répond
pas à leurs attentes. Alors, lentement, dans l'oubli de tous, dans la banalité du quotidien, le vieillard
errant ça et là finit par s'envoler, pour ne plus être finalement qu'un point imaginaire sur l'horizon de la
mer.
Propos recueillis par Bertrand Tappolet
8. Une situation problématique
Le devoir de la famille, de la société et de l’Etat est d’assurer à l’enfant et à l’adolescent,
avec une absolue priorité,, le droit à la vie, à la santé, à l’alimentation, à l’éducation, au
loisir, à la formation professionnelle, à la culture, à la dignité, au respect, à la liberté, à la
vie familiale et sociale, ainsi que de les protéger de toute forme de négligence, de
discrimination, d’exploitation, de violence, de cruauté et d’oppression.
La Constitution du Brésil, article 227
L’enfant et l’adolescent ont droit à la protection de leur vie et de leur santé, par la mise en
place de politiques publiques qui permettent une naissance et un développement sain et
harmonieux, dans des conditions d’existence dignes.
Le Statut de l’enfant et de l’adolescent, article 7
C’est dans les favelas (bidonvilles brésiliens) que l’on trouve concentrés les problèmes sociaux les
plus importants au Brésil : violence, drogue, phénomènes de bandes, trafics en tout genre,
prostitution... Mais cette violence est présente aussi dans les rues des grandes villes brésiliennes.
Elle est à la fois de fruit de la paupérisation grandissante de la population et de l’inaction des
autorités et de la justice souvent corrompues.
La police, très militarisée considère que sa mission n’est pas de lutter contre la criminalité mais de
maintenir l’ordre. Plutôt que de donner de meilleurs moyens à la police, le pouvoir a recours à des
unités d’élite qui ne règlent que superficiellement et temporairement le problème. La réponse aux
problèmes de délinquance est surtout dans la prévention et dans une meilleure éducation, plus
d’emplois et une réglementation plus
importante de la vente d’armes.
Bien que le gouvernement Lula soit
très critiqué pour sa relative
« inaction » face à la violence, c’est
dans les communes de gauche que
l’on constate un recul de la criminalité,
notamment grâce à des expériences
menées en concertation avec la police
et la population. A titre d’exemple,
dans la favela de Cantagalo à Rio de
Janeiro, où la violence bat tous les
records,
une
expérience
de
désarmement civil a été mise en place
par une association caritative, Viva
Rio, celle-ci a consisté dans la
destruction symbolique et massives
Ficelle
d’armes légères.
Comme souvent, les premières victimes de cette violence sont les enfants. Nombreux sans domicile
et sans familles, ils errent dans les rues. Certains sont embrigadés dans les bandes et apprennent à
manier des armes dès l’âge de dix ans, d’autres se droguent ou deviennent des trafiquants. D’autres
mendient pour survivre. Là encore, ce sont les associations et parfois les syndicats qui se mobilisent
pour leur venir en aide. Mais cela ne fait que soulager passagèrement les enfants qui retournent pour
certains dans leur impasse sociale dès que les associations ont fermé leurs portes.
Sources : Rapports d’Amnesty International et de
Human Wrights Watch, 2008
9. L’Enfant qui dormait dans la rue
La vie est faite d'instants, de vies qui se frôlent un court moment sans qu'on s'attarde toujours à en
saisir le sens. Parfois, ces moments passent dans l'air du temps sans même qu'on s'aperçoive de
leur présence. Tout va trop vite. On oublie de s'arrêter pour voir et goûter ces instants qui s'offrent à
nous. Combien de moments magiques nous glissent ainsi entre les doigts chaque jour ?
Ma copine m'a fait parvenir un message du Brésil hier. Elle attendait patiemment une amie sur le
trottoir, à la fermeture des bars, lorsqu'elle a aperçu un enfant qui dormait dehors dans l'embrasure
d'une porte.
Il était assis, la tête dans les mains. Il devait avoir environ 11 ans. Je me suis assise près de lui pour
le regarder dormir. Je l'ai scruté, admiré pendant un bon moment. Un homme qui observait la scène
de loin s'est approché et a déposé la tête de l'enfant sur mes genoux... Ce petit était tellement beau.
Je l'ai bercé, l'ai caressé. Il n'a jamais ouvert les yeux. Il était dans un état d'abandon. Il avait
confiance en la vie... C'est aussi ça le Brésil.
Un simple instant de bonheur partagé à l'autre bout du monde : celui d'aimer et d'être aimé, ne seraitce que quelques minutes. Je sais qu'elle se souviendra ce moment toute sa vie et lui aussi peut-être.
Renée Laurin, 18 février 2008
Cette réalité des enfants latinos des grandes villes qui dorment dans les rues a fait les premières
pages des journaux de la planète de 1970 jusqu'à 1990 environ…
Puisque tous ces pays sont catholiques, nombre de personnes ont blâmé à cette époque, l'Église
catholique et ses interdictions de contraception. Les familles avaient des enfants à répétition mais
n'avaient pas moyen de les nourrir, alors dès l'âge de 7 ou 8 ans ils rejoignaient des bandes qui
vivaient de rapine. Mais avec le temps les relations se sont détériorées, puisque nombre de pays
d'Amérique latine entre 1970 et 1990 étaient des dictatures militaires, l'armée et les pouvoirs étaient
sans merci à leur égard. Des groupes paramilitaires se formaient (nommés « scuadrons de la
muerte ») ces escadrons de la mort s'attaquaient aux criminels faisant le trafic de la drogue, la
prostitution notamment. Et comme ces criminels recrutaient abondamment dans les bidonvilles
(favelas brésiliens) et ce en très bas âge, nombre de ces enfants de rue sont devenus de 1970 à
1990 des cibles privilégiées des « scuadrons de la muerte ». Ils abattaient les enfants en pleine rue...
Depuis l’élection de gouvernements de gauche ... Chavez au Vénézuela (1999) Lula au Brésil (2002)
entre autres dans plusieurs pays d'Amérique latine, la situation des enfants s'est un peu améliorée,
mais bon au moins les escadrons de la mort ont disparu...
Commentaire d’Antoine Pierpont, 18 février 2008
Sur : www.famille.blogue.canoe.ca
10. Une petite fille à Rio
Cinq ans. Je ne suis qu'un petit bout de fille. Et je me retrouve sur ce grand trottoir. Il y a plein de
bruit. Beaucoup d'autos. Tout me paraît immense. J'attends. C'est maman qui m'a amenée là. Elle
m'a dit que mon père allait venir me, chercher. J'ai ma jolie robe bleue. Avec des petits chameaux
jaunes. Maman n'est plus là! J'ai peur. Je la vois plus. Elle est repartie très vite. Je suis perdue. J'ai
envie de pleurer! On a pris l'autobus pour venir là. Rio est une ville tellement grande; des maisons
comme celles que je vois, il n'yen a pas dans la favela où j'habite. J'ouvre grand les yeux. Est-ce que
c'est mon- père là-bas? Non, c'est pas lui. Ce monsieur me regarde même pas. Il continue à
marcher. Pourquoi elle m'a laissée comme ça ? C'est sûr qu'il va venir ?....
Cela me plaît de savoir déchiffrer maintenant ce qui est écrit sur les paquets de nourriture. Je voyais
bien avant si je faisais cuire du riz long ou du riz rond. Mais quand les mots me le confirment, ça me
donne l'impression que je suis une vraie cuisinière ! J'aime bien compter aussi et me sens plus
intelligente quand la boulangère me rend des pièces. C'est amusant de lire les prix, de calculer
combien coûtent trois avocats et de deviner combien il y a d'oignons dans un sac de dix kilos. Si j'ai
pas bien compris quelque chose en classe, je demande des explications à Tia Maria quand elle vient
à la maison. Elle est très fière de moi et m'encourage chaque fois.
- Écoute-moi, me dit-elle un jour, celui qui nourrit son corps et ne nourrit pas son esprit, c'est
comme s'il était à moitié mort. Apprends que tu dois nourrir à la fois le corps et l'esprit. Tu
comprendras un jour !
La maîtresse aussi m'encourage jour après jour et me dit un matin que je peux passer dans la classe
supérieure. En quatre mois j'ai appris ce que les petits apprennent en une année scolaire. Et ce n'est
qu'un début, puisqu'au cours des quelques mois qui suivent, je rattrape à nouveau et peux changer
de niveau à la rentrée.
Isabelle Girard, Telle une abeille
11. La Vie nouvelle
Une nouvelle vie, il nous fallait une nouvelle vie. C'était la phrase préférée de maman, elle la répétait
sans cesse. Je devais la regarder avec un drôle d'air car elle se mettait à genoux puis me prenait le
visage entre ses mains trop rouges et me disait: Sérgio querido, il faut que tu comprennes, les
bonbons c'est bien mais tu mérites mieux. Plus tard, tu seras docteur. Mon cœur battait la chamade.
Doc-teur. Doc-teur. Ce mot m'étouffait, j'étais écrasé. Maman me demandait l'impossible, moi, je
voulais être rappeur, comme mon héros MV Bill. Elle oubliait d'où on venait, les docteurs, personne
n'en connaissait par chez nous. Enfin si, il y avait bien le Doutor Augusto sur la Place, mais ceux
qu'on voyait tous les jours, c'étaient plutôt ceux des novelas. Ça, on les connaissait, ils faisaient
partie de la famille et donnaient à maman des envies de riche. Souvent elle cachait ses larmes quand
les amoureux se retrouvaient, elle pensait à papa. S'il n'était pas parti, elle aurait gardé ses jolies
mains et moi je n'aurais pas quitté l'école.
Quand je voyais toute cette tristesse, j'avais des fois envie de pleurer mais maintenant j'étais
l'homme de la maison, il ne fallait pas. Je lui promettais tout ce qu'elle voulait et j’embrassais ses
doigts rongés par les lessives et l'eau glacée: Je ne comprenais pas bien pourquoi elle voulait aller à
Rio chercher du travail. Tout le monde savait que du travail, à Rio, il n'yen avait pas et que, même s'il
y en avait, on ne trouvait pas de logements, encore moins avec sept gamins. Mais maman insistait,
on devait s'éloigner de Bahia. Moi, j'avais huit ans et quand je regardais les images de Rio à la télé
avec toutes ces attaques dans les bus, les balles perdues et les favelas en guerre, je ne dormais plus
la nuit tant j'avais peur. Comment je ferais là-bas pour protéger tout le monde ? Comment je ferais
loin de ma Gringa ? J'ai rendu visite à Nossa Senhora da Aparecida (la sainte patronne du Brésil. Elle
est principalement célébrée à São Paulo, ndlr). dans l'église de Padre Denilson mais ça n'a servi à
rien, alors je suis allé voir Marna Lourdes. De toute façon, saints et candomblé (une des religions
afro-brésiliennes pratiquées au Brésil, ndlr) ne pouvaient rien contre la volonté de maman. Rio
changerait notre vie.
Yasmina Traboulsi, Les Enfants de la place
12. Naissance de l’univers
L’ANGE
Cher public, si je suis de nouveau parmi la société des hommes, c’est pour venir témoigner
du phénomène des « enfants des rues ». Question : Les « enfants des rues » c’est quoi ? De
nos jours, on peut voir, si on veut, dans les rues des grandes capitales de votre planète
terre, traîner par-ci par- là, quelques millions d’enfants. Ils poussent tous nus sur les trottoirs.
Ce sont les « enfants des rues ». D’où viennent-ils ? De l’univers. Ils seraient apparus avec
le Bing Bang. Qu’est ce que le Bing Bang ? Comme le propose votre vieux savant Harrison :
« Regardons tous à travers les trous entre les étoiles et retrouvons l’origine de l’univers. »
Au tout début du commencement, il n’y avait absolument rien de tout ça. Il se trouvait juste
une tête d’épingle perdue au milieu du néant vaste et pur. Voilà ! ... C’est alors qu’à l’instant
appelé « Zéro » surgit une fabuleuse explosion. Le grand boum ! Le Bing et le Bang. Au
commencement était le bruit : l’univers était né.
Extrait du texte des Enfants du Bing Bang
13. Un Ange déchu
La notion d’ange déchu provient de la première section du livre d'Hénoch, un écrit pseudépigraphique
de l'Ancien testament rejeté par la plupart des Églises, mais qui a beaucoup influencé la tradition
chrétienne.
Selon cet écrit, la chute des anges aurait été provoquée par leur envie de procréer:
« Il arriva que lorsque les humains se furent multipliés, il leur naquit des filles fraîches et jolies. Les
anges, fils du ciel, les regardèrent et les désirèrent. Ils se dirent l'un à l'autre : Allons nous choisir des
femmes parmi les humains et engendrons-nous des enfants. Shemêhaza, qui était leur chef, leur dit :
je crains que vous ne renonciez et je serai tout seul coupable d'un grand péché. Tous lui
répondirent : Jurons tous en nous vouant mutuellement à l'anathème de ne pas renoncer à ce
dessein que nous ne l'ayons accompli et que nous n'ayons fait la chose. »
Les anges mirent leur projet à exécution et les femmes ainsi engrossées donnèrent naissance à des
géant hauts de trois mille coudées, qui dévorèrent tout le fruit du labeur des peuples. Les enfants de
ces géants seraient les Nephilim cités dans la Genèse.
« Les géants étaient sur la terre en ces temps-là, après que les fils de Dieu furent venus vers les filles
des hommes, et qu'elles leur eurent donné des enfants: ce sont ces héros qui furent fameux dans
l'antiquité. »
Les anges déchus auraient appris aux femmes la botanique notamment. En plus chaque ange aurait
transmis aux hommes son savoir particulier : Azaël la métallurgie, et la fabrication des armes,
Shemêhaza la botanique et les charmes, Hermoni les exorcismes, la magie et la sorcellerie,
Baraquiel l'astrologie.
14. Un Ange à table
Au tournant du millénaire voici les anges. Est-ce la grande peur de l'an 2000, ou au contraire l'espoir
millénariste d'être ensemble enlevés au ciel, comme Platon l'imagine dans le Phèdre ? Est-ce le rêve
d'un corps surnaturel ou artificiel, un corps de beauté lumineuse, d'énergie pure, doué de
télécommunication, ce corps proposé par les jeux vidéo de la « cyberculture », maître de ses
prolongements techniques et de ses métamorphoses, et bientôt enfin délivré des entraves charnelles
et terrestres? Est-ce l'attente d'un grand débarquement salvateur, ou bien au contraire la grande
profanation mercantile des décombres du sacré ?...
Notre perception première, instrumentée par la télécommunication, n'a le temps de retenir que cet
inattendu, cet accidentel, ces catastrophes. La meilleure manière de savoir la vision du monde aune
culture est encore de chercher son angélologie. Les Grecs anciens côtoyaient diverses apparitions:
divinités, images de rêve, fantômes de morts; les peuples de l'Asie centrale et de l'Altaï avaient
besoin de ces « êtres intermédiaires » pour visualiser les opérations du chaman ; les soufis de l'Islam
médiéval ne voyaient plus que des anges, et leur cosmologie entière n'était qu'une angélologie
fantastique. Dans nos sociétés hantées par l'accident et la catastrophe, ce sont surtout les anges
gardiens qui sont de retour, et dans notre ultramoderne solitude, les anges de la para communication
sont devenus la chose au monde la plus répandue. L'ange est devenu notre « joker », et peut servir à
tout. Il suffit de jeter un coup d'œil affolé à la presse et à une bibliographie galopante pour s'en
convaincre. Bientôt on rencontrera plus facilement des anges que des hommes.
Olivier Abel
15. La Bande des Pirates
L’ANGE
Voici par ordre d’apparition sur terre de la « bande des Pirates »… Celui-là c’est Bidon ; un
dur à cuire ! C’est le chef de la bande et si vous voulez mon avis: il va me poser des
problèmes… Lui, c’est Ficelle un peu bêta mais gentil gars ! Tiens voilà mon Cure-dents ! Un
romantique. A lui non plus la vie n’a pas fait e cadeau : il lui manque une jambe, certes, mais
il s’en sortira. Et pour finir Soufflette. Fine, belle, intelligente, attachante, enfin bref … un vrai
petit bijou de nana. Ah j’ai oublié, elle est muette de naissance, ce qui ne gâche rien !
Nous allons les retrouver dans les faubourgs d’une ville du sud. Le Grand, prépare nous la
rue.
Donc ces quatre-là n’ont pas de papa, n’ont pas de maman, ils poussent tous seuls sur les
trottoirs. Parfois il se déplace en bande. Ils dorment à l’intérieur d’un vieux bateau échoué,
c’est pour cela qu’on les appelle les pirates. Ils n’ont rien à se mettre sous la dent. Bien
Evidemment ils ne connaissent pas leur âge. Pour plaisanter, je dirai qu’isl jouissent d’une
liberté sans pareille dont ils ne font pas forcément bon usage... Mais avant de partir en
mission, parce que nous sommes en mission, permettez-moi de me présenter. Si je dis que
je viens du ciel, certains m’auront reconnu : je suis un ange. Et régulièrement depuis
toujours, on m’envoie sur terre pour assumer des missions auprès des « enfants des rues ».
Le grand ! Notre plan d’action.
Bon on improvise
Extrait du texte des Enfants du Bing Bang
16. Penser les choses
Jorge Amado décrivait ainsi son travail d'écriture, pour l'édification d'un monde en forme de
roman :
« Quand j'étais jeune, je travaillais la nuit, je passais toute la nuit à écrire. J'écrivais vite. La
conception même du roman n'a pas varié : c'est un processus d'élaboration qui se déroule dans ma
tête, durant très longtemps. Des idées prennent vie, je les vois, je sais ce que je veux raconter, c'està-dire les idées que je veux faire passer. Peu à peu je vois ces idées se transformer en actions, en
personnages, en ambiances. C'est encore comme ça aujourd'hui. La différence, c'est que lorsque
j'étais jeune il m'arrivait, compte tenu de la faiblesse relative du rendement, de faire des partages. Il
m'arrivait que des idées servent à plus d'un livre. Par exemple, l'idée qui m'a conduit à écrire Bahia
de tous les saints m'a fourni deux autres livres, Mar morto et Capitaines des sables, qui étaient déjà
là et qui se sont développés indépendamment. Je n'ai pas été capable de constituer toutes mes
idées en un livre unique, je ne pouvais pas trouver l'ordre romanesque qui convenait, ordonner la
construction de manière à tout faire entrer dans l'action d'un seul livre.
Ça continue à être ainsi aujourd'hui, je dois penser les choses.
Il n'y a que le rythme du travail qui change. Quand j'étais jeune, je pouvais écrire huit, dix pages... Il
n'y a que dans la jeunesse que l'on a ce manque de recul, on pense que l'on est un grand écrivain,
que tout ce que l'on écrit est admirable, etc. Puis l'esprit critique se développe, l'autocritique.
Aujourd'hui mon travail me coûte plus d'efforts qu'autrefois parce que je suis beaucoup plus
clairvoyant sur mes limites, et d'autre part parce que l'on doit toujours travailler plus en profondeur. »
Extrait de Conversations avec Alice Raillard
17. Jorge Amado ou le réalisme magique
L'humour, cela ne s'acquiert qu'avec le temps, avec l'âge. Pour ma part, ce n'est que
lorsque j'ai été près de mes quarante ans, c'est-à-dire que j'avais déjà vécu la moitié du
temps de vie que j'ai vécu jusqu'ici, que l'humour a fait son apparition. Il s'est mis à exister
dans mon oeuvre et à être utilisé comme une arme, la plus efficace de toutes, pour
dénoncer le présent et défendre les intérêts du peuple, une constante de tous mes livres...
Jorge Amado
Jorge Amado naît en 1912 à Ferradas, dans une plantation de cacao du Sergipe, au sud de la
province brésilienne de Bahia, "terre violente" que les planteurs se disputent arme au poing.
Les Jésuites de Bahia, chez qui il entre en internat à dix ans, voient en lui une vocation de futur
novice. Trois ans plus tard, ils disent une messe d'action de grâces lorsqu'il s'enfuit après s'être
proclamé athée et bolcheviste. On le retrouve, deux ans après, travaillant dans un journal, puis à Rio
de Janeiro où il étudie le droit.
C'est en 1931, après l'arrivée au pouvoir du dictateur Getulio Vargas, que Jorge Amado, journaliste
débutant, publie son premier roman, Le Pays du Carnaval. Il a dix-neuf ans.
C'est la même année qu'il se met à militer très activement au Parti Communiste, alors interdit au
Brésil. Sa vie, dès lors, n'est qu'une suite d'exils, d'errances et de retours. Emprisonné une douzaine
de fois, ses livres brûlés et interdits, contraint de s'exiler en Argentine en 1941, puis de retour à Bahia
en 1943 lorsque le Brésil se range aux côtés des Alliés contre l'Axe, élu député communiste en 1945,
de nouveau contraint de s'exiler en 1948 lorsque le Parti Communiste est ré-interdit, réfugié en
France, expulsé de France et interdit de séjour pendant 16 ans, militant itinérant dans les
démocraties populaires durant la guerre froide, revenu au Brésil après avoir reçu le prix Staline...
Il ne faut donc pas s'étonner que ses premiers livres reflètent son engagement. Cacao : ce court
roman écrit à l'âge de dix-neuf ans retrace la vie des travailleurs dans les plantations de cacao du
sud de l'Etat de Bahia. Nous sont contées les aventures de Sergipano échoué dans une plantation où
il est choisi pour être au service de Maria, la fille du maître. « Sous la lune, dans un vieil entrepôt
abandonné, les enfants dorment ». Pedro Bala, quinze ans, est le chef des " Capitaines des sables ",
une bande d'enfants qui vivent de menus larcins et font les quatre cents coups à Bahia.
Capitaines des Sables est l’un de ses récits qui rencontrera le plus de succès. Dans un
coin abandonné et désert des entrepôts de Bahia, grand port brésilien, vivent en marge de la
société de nombreux gamins surnommés les « Capitaines des Sables ». Vêtus de guenilles,
sales, quasi affamés, lâchant des jurons et fumant des mégots, ils sont en vérité les maîtres
de la ville, ceux qui la connaissent totalement, ceux qui totalement l'aiment, ses poètes. Ils
volent, participent à toutes sortes de mauvais coups, et si habilement que la police ne peut
jamais les prendre sur le fait. Leur chef s'appelle Pedro Bala. Ses lieutenants sont le
Professeur (parce qu'il aime lire), Patte-Molle, le Chat, Sucre-d'Orge, Coude-Sec, etc. Un
jeune prêtre, l'abbé José Pedro, s'intéresse à eux, essaie de les ramener dans une voie
meilleure. S'il réussit à se faire aimer d'eux, il ne parvient pas à les amender et n'aboutit qu'à
se faire très mal voir de ses supérieurs. C'est l'existence mouvementée, dramatique et
poétique à la fois, de cette bande de petits chenapans qui unissent la ruse et l'audace des
hommes faits à l'innocence et au charme des enfants qu'évoque le roman de Jorge Amado.
Dans Suor, l’écrivain décrit la misère et l'oppression des classes populaires brésiliennes. En plein
cœur de la vieille Bahia, une ancienne bâtisse coloniale, apparemment comme les autres au n°68 de
la Montée-du-Pelourinho. Quatre étages. Un escalier obscur. Le bistrot de Fernandes sur le devant.
Dans les cent seize chambres, plus de six cents personnes, sans compter les rats. Isaac, dona
Risoleta, la douce Linda, le Noir Henrique, Artur dont la machine a broyé les deux bras, qui mendie et
fait peur aux enfants, l'agitateur Alvaro Lima... c’est tout un monde prétendu sans hygiène et sans
morale que Jorge Amado met en scène dans ce seul lieu qui évoque l’arène du théâtre antique et où
s’élevait autrefois le piloris destiné aux esclaves.
Pourtant à partir de Bahia de Tous les Saints (1935) et de Mar Morto (1936), le souffle épique
l'emporte sur l'aspect militant, sans pourtant le diminuer mais en échappant au communisme
romantique des écrits de jeunesse qui teintait quelque peu ses personnages de superficialité. Bahia
de Tous les Saints, ce sont de petits travailleurs, artisans et beaucoup de laissés pour compte. Parmi
eux, Antonio Balduino élevé par sa tante, rêve en écoutant les histoires de Zé-la-Crevette de devenir
un bandit comme son père... Sa tante possédée par les esprits est emmenée dans un asile, Antonio,
surnommé Baldo, est placé chez une famille portugaise où il découvre le sentiment de race
opprimée.
C'est 1954 qui marque le véritable tournant : il décide de s'éloigner du parti pour écrire Gabriela,
girofle et cannelle et devenir finalement, comme il se décrit lui-même « l'anti-docteur par excellence;
l'anti-érudit, trouvère populaire, écrivaillon de feuilletons de colportage, intrus dans la cité des lettres,
un étranger dans les raouts de l'intelligentsia ». Il chantera désormais Bahia, les fêtes chez les amis,
les chansons de Vinicius de Moraes, la cuisine afro-bahianaise, et les femmes, toutes les femmes.
Dans Les Terres du bout du monde, un navire emporte vers les terres à demi barbares d'Ilhãus, au
sud de Bahia, le capitaine João Magalhães, Margot, Juca Badaro... Ils sont des milliers de personnes
venues de toutes les régions du Brésil à se rendre dans le sud dans l'espoir de faire fortune avec les
cacaoyers. Terres du bout du monde est le récit de la lutte pour la conquête des terres à défricher.
Chassés de la plantation après sa vente, des colons entament un exode à travers le sertão aride vers
le mythique São Paulo, parcourant les chemins de la faim qui donnent leur titre à son roman le plus
âpre.
Jorge Amado a reçu tous les prix imaginables, sauf le Nobel. Il est le romancier le plus célèbre de et
dans son pays, traduit dans plus de quarante langues, et avec quelques footballeurs, le Brésilien le
plus connu à l'étranger, sans doute, et c'est le paradoxe, grâce aux dictatures qui l'ont contraint à
vivre si longtemps en exil. Immensément populaire au Brésil, symbole du syncrétisme brésilien né de
la nécessité où se sont trouvés les Noirs, pour pouvoir conserver leurs dieux, de les faire fusionner
avec la religion catholique. Il disparaît en août 2001.
18. Le Big Bang
Le Big Bang désigne l’époque dense et chaude qu’a connue l’univers il y a environ 13,7 milliards
d’années, ainsi que l’ensemble des modèles cosmologiques qui la décrivent, sans que cela préjuge
de l’existence d’un « instant initial » ou d’un commencement à son histoire.
Cette phase marquant le début de l’expansion de l'univers, abusivement comparée à une explosion,
a été désignée pour la première fois, et ce de façon dédaigneuse, sous ce terme de Big Bang par le
physicien anglais Fred Hoyle. Il ne décrivait pas la théorie mais se moquait du concept, lui-même
proposant un autre modèle cosmologique, alors en concurrence avec le Big Bang, mais aujourd’hui
abandonné, la théorie de l’état stationnaire, dans lequel l’univers n’a pas connu de phase dense et
chaude. Perdant sa connotation péjorative l’expression est devenue le nom scientifique et vulgarisé
de l’époque d’où est issu l’univers tel que nous le connaissons.
Le concept général du Big Bang, à savoir que l'univers est en expansion et a été plus dense et plus
chaud par le passé, doit sans doute être attribué au russe Alexandre Friedmann et au belge Georges
Lemaître qui respectivement en 1922 et 1927 décrivirent dans les grandes lignes l'expansion de
l'univers, avant que celle-ci ne soit mise en évidence par Edwin Hubble en 1929. Son assise définitive
ne fut cependant établie qu'en 1965 avec la découverte du fond diffus cosmologique, le « pâle écho
lumineux du Big Bang » selon les termes de Georges Lemaître, qui attesta la réalité de l'époque
dense et chaude de l'univers primordial.
19. Bibliographie
Oeuvres :
•
Amado Jorge, Capitaines des sables, Paris, Gallimard, Collection l’Imaginaire, 2005
•
Marquez Gabriel Garcia, Douze Contes vagabonds, Paris, le Livre de Poche, 2006
Etudes :
•
Raillard Alice, Jorge Amado. Conversations avec Alice Raillard, Paris, Gallimard, 1990.
Témoignages :
•
Girard Isabelle, Telle une abeille, Paris, Editions de Fallois, 2007
Histoire inspirée de faits réels de la vie d'Alessandra, une Brésilienne abandonnée à cinq ans, qui
apprend à survivre dans les rues de Rio, puis se marie, ouvre un orphelinat et finit par retrouver sa mère
dans une favela. Une petite fille - très fine et observatrice - sait tirer parti de situations parfois cocasses
et comprend très vite où est son intérêt. Son goût pour l'école et sa soif d'apprendre lui permettent de
devenir une adolescente affirmée qui peu à peu s'intègre dans la société et devient une adulte
épanouie. Bien que privée d'amour maternel pendant toutes ces années, elle a un amour des enfants
sans limites qui fait qu'ils deviennent une priorité dans sa vie.
•
Kaplan Leslie, Les Mines de sel, Paris, P.O.L., 1993
Alors qu’elle vit le deuil de sa mère, la narratrice se trouve entraînée dans les réseaux cachés qui
parcourent le monde, le monde tel qu’il est, ici et maintenant, ce chaos. Au coeur de ces réseaux, des
enfants. Ceux que l’on a oubliés, ceux que l’on a adoptés, et celui que Clara voudra sauver à tout prix,
Tiago, l’enfant des mines de sel.
•
Traboulsi
Yasmina,
Les
Enfants
de
la
Place,
Paris,
Gallimard,
Folio,
2003
Salvador de Bahia. Dans le vieux quartier souffle un vent mauvais. Depuis l'arrivée de Gringa, rien ne
va plus. La reine de la Place, Maria Aparecida, a disparu. La Place se meurt : un à un, ses enfants
abandonnent la douce Bahia pour s'exiler vers les mégapoles du Sud, à la poursuite de leur destin. Les
enfants de la Place et sa complainte douce-amère entraînent le lecteur au cœur du Brésil contemporain.
Le Brésil :
•
Goirand Camille, La Politique des favelas, Paris, Khartala, 2000
•
Rouquié Alain, Le Brésil au XXIe siècle, Naissance d’un nouveau grand, Paris, Fayard,
2006
Les Droits de l’enfant :
•
François Martinetti, Les Droits de l’enfant, Paris, Flammarion, Librio, 2006.
Les Anges :
•
Abel Olivier, Le Réveil des anges, Messagers des peurs et des consolations, Paris, Ed.
Autrement, 1996
•
Bernet Anne, Enquête sur les anges, Paris, Perrin, 1997
•
Faure Philippe, Les Anges, Pris, Ed. du Cerf, 2004
Le Big Bang :
•
Blanchard Alain, L’Univers, Paris, Flammarion, 1995
•
Luminet Jean- Pierre, L’Invention du Big Bang, Paris, Le Seuil, Collection Point, 2004
•
Primack Joel R., Destin cosmique. Pourquoi la nouvelle cosmologie place l’homme au
centre de l’Univers, Paris, Laffont, 2008.
► Les ouvrages cités dans cette sélection bibliographique ont été soigneusement lus et choisis pour vous.
Ils sont disponibles dans le cadre des Bibliothèques Municipales et de la Bibliothèque de Genève.
Pour des informations complémentaires :
Bertrand Tappolet
Théâtre des Marionnettes de Genève
3, rue Rodo - cp 217 - 1211 Genève 4
tél. +41 22 418 47 84
mobile +41 0 79 517 09 47
e-mail [email protected]
Petites notes de rappel pour les spectacles du
Théâtre des Marionnettes de Genève
Prix = CHF 4.- par élève
Note 1) La somme exacte correspondant au nombre d’élèves le jour de la
représentation
(nbre d’él. x CHF 4.-), est à verser à la caisse en coupures – pas de monnaie
disponible sur place.
Note 2) La prise des billets s’effectue 20 minutes avant le début du spectacle ; le
temps restant est mis à profit pour passer au vestiaire et entrer en salle.
Note 3) Les représentations débutent à l’heure. En raison de l’horaire des bus et
afin de respecter la ponctualité des sorties de classes, il n’est pas possible
d’attendre les retardataires.
Davantage d’informations sur : Twww.marionnettes.chTT et www.guignol.ch
Théâtre des marionnettes de Genève - Rue Rodo 3, 1205 Genève / Tél. 022/418.47.70 - fax 022/418.47.71

Documents pareils