Polémique autour des photos d`un enfant nu sur Facebook

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Polémique autour des photos d`un enfant nu sur Facebook
Date: 25.06.2010
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25.06.10 ! 04:15 ! L'Express/L'Impartial
INTERNET
Polémique autour des photos d'un enfant nu sur Facebook
INTERNET Cette photo, qui n'est bien évidemment pas celle du bébé de Philip Jaffé, pose la question du
droit
Pour avoir mis des photos de son fils dénudé sur Facebook, le psychologue Philip Jaffé, directeur de
l'Institut universitaire Kurt Bösch, se trouve au cœur d'une polémique.
Après un entrefilet paru dans «Le Nouvelliste», le «Blick» du 4 juin consacre une page entière à «l'affaire
»: Philip Jaffé, directeur de l'Institut Kurt Bösch à Sion, disposait d'un profil Facebook sur lequel il
comptait quelque 2000 amis. Il y met en ligne plusieurs albums photos. Parmi les dizaines de clichés de
son fils, deux le présentent dénudé. La première a été prise, le bambin sur le dos, trois heures
seulement après la naissance. La seconde montrait l'enfant à neuf mois, debout, de dos et nu.
«Fin mai, j'ai reçu un message d'un photographe via Facebook. Il se disait choqué par les photos de
mon fils nu. Je n'ai pas donné suite à ce courriel. Le même soir, mon compte Facebook a été désactivé.
J'ai écrit à Facebook pour en connaître les raisons», explique Philip Jaffé. L'entreprise américaine lui
répond par un courrier standardisé qui ne donne pas de raison précise, tout en indiquant que le compte
est bloqué pour une durée déterminée. Mais il n'est pas fait allusion à la question des images de l'enfant
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Depuis, Philip Jaffé a pu récupérer son profil, mais vierge. Il a perdu ses «amis» virtuels et une partie de
ses photos. Mais il est à nouveau présent sur la toile... comme son fils d'ailleurs, qui, âgé d'un peu plus
d'une année, dispose de son propre profil.
«Personne ne me reproche d'avoir une photo papier de mon fils nu et de la montrer à mes amis. En
mettant la même photo sur Facebook, c'est un degré différent», constate le directeur de l'IUKB.
Les photos qu'il a rendues publiques n'ont absolument rien d'illégal, rien de pornographique. «Ce sont
des photos qui me touchent», déclare leur auteur, qui voit derrière cette histoire un vrai débat de
société. «Il y a une dérive par rapport à l'érotisation du corps de l'enfant, notamment dans la publicité.
En parallèle, il y a l'omniprésence du débat sur la pédophilie qui fait que tout enfant est vu comme une
proie potentielle. A partir de la volonté, légitime, de protéger, on part dans la surenchère».
Derrière ce débat par rapport à la photo d'un enfant nu se cache tout le débat sur notre rapport à la
sexualité. «Il y a beaucoup d'hypocrisie là autour. Une grande majorité d'hommes consomment de la
pornographie soft sur internet. Une étude a même montré qu'en Angleterre, la fréquence des rapports
sexuels avait diminué ces dernières années, en raison de cette consommation de pornographie virtuelle.
D'un autre côté, une simple photographie d'enfant dénudé provoque une levée de boucliers. Cela
montre que dans le monde actuel, les repères ne sont pas clairs.» «Il manque un débat autour des droits
de l'enfant, par exemple autour de sa liberté d'expression et de pensée, ou encore de ses droits dans les
médias. On doit se demander si l'enfant détient une part de droits, même s'il n'est pas capable de les
exprimer et si les parents peuvent utiliser librement l'image de leur enfant.» Philip Jaffé considère qu'il
s'agit là d'une délicate pesée d'intérêts. Cette polémique autour des photos de son fils n'aura pas été,
totalement, vaine et sert de révélateur d'enjeux autour de l'enfant. /JYGLe Nouvelliste
JEAN-YVES GABBUD
«Facebookophobe» convaincu
Professeur de droit pénal à l'Université de Neuchâtel, Yvan Jeanneret
(photo sp) nous donne son sentiment sur cette affaire ou plutôt sur cette «non-affaire»: «Je n'ai pas vu
les photos incriminées, mais selon ce que j'ai pu en lire, il semble évident qu'elles ne répondent pas aux
conditions de la pornographie enfantine. Elles semblent n'être rien d'autres que des photographies
tendres et touchantes qui garnissent nos albums de famille. Pour tomber sous le coup du Code pénal,
les images d'enfants doivent avoir clairement une connotation sexuelle.
»Cela dit, je suis un «facebookophobe» convaincu. Cette histoire montre les dangers qu'il y a à jeter des
éléments de la sphère privée dans un univers incontrôlable. Je ne parle même pas de la pornographie
enfantine, mais de toutes les personnes qui ont perdu leur emploi pour avoir critiqué leur employeur sur
Facebook, par exemple. Cette affaire est révélatrice de deux choses. D'une part, il faut se demander
dans quelle mesure on peut poser sur la place publique des éléments relevant de la sphère privée.
D'autre part, et là je partage l'avis de Philip Jaffé, son histoire dénote une tendance toujours plus
marquée de notre société bien pensante qui voit le pervers partout.»
Mais qu'en est-il du droit de l'enfant? Les parents peuvent-ils disposer librement de l'image de leur
progéniture? Yvan Jeanneret: «Librement» est sans doute un grand mot. Si un enfant de 8 ans est
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comme mannequin pour un catalogue de vente par correspondance, y compris donc à des fins
commerciales, cela ne heurte personne. Les parents sont habilités à céder le droit à l'image de leurs
enfants. Toutefois, il s'agit aussi d'un droit strictement personnel de l'enfant. De ce fait, un enfant mineur
qui dispose de la capacité de discernement doit pouvoir s'opposer à ce que ses parents cèdent ses
droits. Mais dans le cas d'un bébé, bien sûr, c'est impossible et seuls les parents peuvent disposer de
l'image de leur enfant.» /cfa
Etrange servitude volontaire
C'est un faux débat qui cache de vrais enjeux de société, estime Vincent Kaufmann
(photo sp), directeur de l'Académie de journalisme et des médias de l'Université de Neuchâtel: «L'acte
de montrer des photos apparemment bien innocentes est prétexte à lancer une polémique sur
l'érotisation des corps d'enfants, sur la pédophilie. On peut se demander pourquoi la censure s'exerce
lorsqu'il s'agit de Facebook alors que la vue d'enfants à la plage, même nus, ne choque personne?»
L'historien des médias voit là «une leçon à tirer quant à la perception commune de ces curieux espaces
publics que sont les réseaux sociaux, présentés comme des espaces de liberté, interactifs, alors qu'ils
sont au contraire truffés de contraintes, de censeurs et d'autocenseurs». Ce qui intrigue Vincent
Kaufmann, c'est «cette envie des gens de se soumettre au regard public» dans une société qui n'a
pourtant jamais été aussi jalouse de ses libertés individuelles. Ce «phénomène de servitude volontaire
ne touche pas seulement quelques adolescents, mais des adultes, des professeurs d'université. Quel
intérêt trouvent-ils à livrer leur vie privée en pâture à 2000 «amis»?»
«Faut-il vraiment un profil Facebook pour exister, comme on veut nous le faire croire? Dans la société
du spectacle qui est la nôtre, les réseaux sociaux sont un formidable système de représentation de soi
où on est sûr de se trouver un public, au contraire des blogs dont l'audience demeure confidentielle.
Même dans le monde professionnel, pour être engagé quelque part, il faut alimenter cette
représentation de soi via un réseau social. C'est la sociabilité qui se compte - au sens littéral du terme en nombre d'«amis». Le prix à payer, c'est qu'il faut s'exhiber sans cesse, au risque d'«accidents» comme
celui dont Monsieur Jaffé vient d'être la victime.» /cfa
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