L`exercice de la liberté d`expression dans le cyberespace
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L`exercice de la liberté d`expression dans le cyberespace
L’exercice de la liberté d’expression dans le cyberespace L’exercice de la liberté d’expression dans le cyberespace : le défi d’assurer l’application effective des droits proclamés* par Pierre Trudel** INTRODUCTION................................................................................................................... 3 1. La liberté d’expression et les autres droits relatifs à la circulation de l’information........... 3 A) Un sens différent selon les cultures juridiques......................................................... 4 B) Le cyberespace téléscope les conceptions................................................................ 5 2. L’organisation de la normativité dans le cyberespace ....................................................... 7 A) Les pôles de normativité ......................................................................................... 8 1) Les systèmes de droit étatiques......................................................................... 8 2) Le droit du Net................................................................................................. 9 3) La normativité découlant de la technique........................................................ 10 B) Les relais de la normativité ................................................................................... 11 Responsabilité et responsabilisation des acteurs .................................................... 11 Autorégulation et co-régulation............................................................................. 12 CONCLUSION ..................................................................................................................... 12 Sommaire Est-ce qu’il faut de nouvelles normes éthiques, juridiques et techniques pour assurer, dans le cyberespace, la préservation de la liberté d’expression et la protection de la dignité humaine, des droits de l’enfant, de la vie privée, des droits de l’homme en général, de la sécurité des réseaux des droits collectifs et des valeurs démocratiques? À cette question, on répond que la liberté * Présenté au colloque international LA LIBERTÉ D’EXPRESION DANS LA SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION, organisé par la Commission française pour l’UNESCO en coopération avec l’UNESCO., Paris, 15 et 16 novembre 2002. ** Professeur, Centre de recherche en droit public (CRDP), Faculté de droit, Université de Montréal, courriel!:[email protected] L’exercice de la liberté d’expression dans le cyberespace d’expression prévaut sur Internet dès lors qu’on a accès au réseau. Il existe un large consensus pour proclamer les droits et libertés, y compris dans le cyberespace. Mais les caractéristiques du cyberespace contribuent à modifier les perceptions et les représentations à l’égard de la légitimité et des possibilités d’intervention du droit. Les risques associés à la circulation de l’information connaissent aussi des mutations; ils changent d’échelle. Ils sont perçus comme étant plus ou moins considérables que dans l’univers de la communication sur papier. Par-dessus tout, le cyberespace met en présence, plus que jamais, des cultures et des paradigmes juridiques différents. On retrouve des différences significatives entre les systèmes et les cultures juridiques au plan de la compréhension des droits et des libertés, de leur portée et des façons de les hiérarchiser entre eux. Dans un tel contexte, il faut rechercher le renforcement des relais entre les pôles de normativité que comporte le cyberespace. Il faut favoriser la mise en place de règles de conduite de proximité par l’ensemble des acteurs exerçant un contrôle sur un site ou un élément du réseau. Il s’agit d’appuyer le respect des droits et libertés sur ceux qui sont en mesure de mettre en place et d’appliquer des normes, éthiques et bonnes pratiques. En somme, plutôt que de s’épuiser à tenter de rechercher une harmonisation des façons de comprendre les droits et libertés ou d’ajouter à la nomenclature des droits et libertés proclamés, il s’agit de développer les moyens d’une mise en œuvre effective des droits et libertés en favorisant le développement de relais assurant l’application effective des droits des personnes. L’exercice de la liberté d’expression dans le cyberespace Introduction La question posée est celle de savoir si de nouvelles normes éthiques, juridiques et techniques doivent être définies pour assurer, dans le cyberespace, la préservation de la liberté d’expression et la protection de la dignité humaine, des droits de l’enfant, de la vie privée, des droits de l’homme en général, de la sécurité des réseaux des droits collectifs et des valeurs démocratiques. Pour répondre à cette question, il faut prendre la mesure des difficultés de délimiter la portée et les limites de la liberté d’expression. Cette délimitation est effectuée sur des bases territoriales et reflète le tissu culturel des sociétés. Lorsqu’on tente de transposer le cadre juridique délimitant la liberté d’expression dans le contexte du cyberespace, on télescope, dans un espace unique ce qui est appliqué à ce jour sur une base territoriale. Les normativités visant à opérer les délimitations entre ce qui doit circuler au nom de la liberté d’expression et ce qui doit être contrôlé au nom d’autres droits et valeurs doivent s’exprimer suivant des stratégies conséquentes. Le droit ne peut alors s’y prendre en tentant de proclamer des droits car sur Internet, le défi n’est plus tellement de proclamer des droits mais plutôt de les faire appliquer. La définition de normes encadrant les activités d’expression sur Internet est fortement marquée par les mutations que le médium induit à l’égard de ce que l’on se représente comme possible, légitime, ou nécessaire. Internet affecte les perceptions et les points de vue au sujet de ce qui fonde l’intervention du droit, sur ce qui est à la portée de son champ d’intervention ou ce qui paraît lui échapper. Le cyberespace est un espace de réseaux; il peut être représenté comme un univers constitué de nœuds et de relais contribuant à la fois à mettre les nœuds de normativité en présence l’un de l’autre ou à les distancier. C’est donc vers les relais de la normativité qu’il faut se tourner. Il s’agit d’identifier les moyens afin de faire en sorte que le réseau soit encadré de façon à refléter les valeurs des clientèles et usagers. 1. La liberté d’expression et les autres droits relatifs à la circulation de l’information Dans les sociétés démocratiques, le principe de liberté d’expression prévaut jusqu’à ce qu’on ait démontré qu’une règle de droit est nécessaire afin d’en baliser l’exercice. Le caractère légitime ou nécessaire des interdictions ou des mesures de censure est constamment matière à controverse. C’est dans ce contexte qu’Internet contribue à changer les perspectives, les visions, les façons de faire, de concevoir le monde et les problèmes qui se posent. Les droits relatifs à la circulation de l’information (droit à la vie privée, droits de propriété intellectuelle, droits à la réputation, droit à la dignité humaine) concernant des intérêts englobants et diversifiés. Ils ne peuvent se définir concrètement que dans leurs relations avec les autres droits et libertés qui peuvent s'exercer dans l'univers juridique. Il est en effet banal de rappeler que ni l'un ni l'autre des droits et libertés ne sont absolus. L'essentiel du travail du juriste est d'identifier les limites respectives de ces droits et libertés. Le domaine de l'un ou l'autre de ces droits et L’exercice de la liberté d’expression dans le cyberespace libertés est en quelque sorte le fruit des délimitations des autres. Ce qui serait plus simple, et sans doute demanderait moins de travail, serait de se contenter de proclamer que telle liberté est absolue et ne supporte aucune limite, que tel droit ne saurait être limité. Résoudre les contradictions entre les droits fondamentaux n'est pas une tâche facile; l'expérience de plusieurs pays enseigne qu'il faut toujours se résigner à des arbitrages entre les valeurs et droits venant en conflit lors de la circulation de l'information. Très souvent, les tribunaux développent, au fil des décisions forcément contradictoires, les principes de droit encadrant les situations concrètes dans lesquelles des droits fondamentaux s'opposent. C'est de cette façon que se construisent les principes juridiques dans une société qui a choisi d'enchâsser les droits fondamentaux dans des textes constitutionnels ou dans des textes dotés d'une autorité prépondérante. A) Un sens différent selon les cultures juridiques Le droit s’applique en regard des communautés qui l’ont produit ou y ont consenti. Le droit n’a de sens qu’en regard des communautés de référence. Le droit moderne se fonde sur le paradigme de l'État, l'État territorial doté de la souveraineté afin de régir l'ensemble des conduites se déroulant sur le territoire qu'il contrôle. Ces règles de conduite sont généralement élaborées dans le contexte des débats politiques et reflètent généralement les traits culturels et les valeurs des populations. Dans la plupart des systèmes juridiques, les comportements, le sens et la portée des règles s’apprécient eu égard aux cultures et aux éthiques qui prévalent dans une communauté nationale. Des systèmes de valeurs différents les uns des autres coexistent dans le cyberespace. Ce dernier possède la faculté de rapprocher, en un seul lieu, les manifestations de valeurs auxquelles sont attachés les humains les plus éloignés les uns des autres. Les conceptions des droits de la personne diffèrent, pas tant sur le libellé que sur la signification qu’il convient d’attribuer à l’un ou l’autre des droits reconnus. En fondant les espaces territoriaux en un espace où les frontières nationales semblent dérisoires, Internet brouille plusieurs repères. Les communautés de référence sont de moins en moins les communautés nationales mais de plus en plus les «!usagers!» que l’on définit davantage en fonction de leurs intérêts, de la langue qu’ils utilisent ou des goûts et prédilections qu’ils partagent. Il n’est dès lors pas étonnant que l’on se mette à la recherche d’une normativité qui serait apte à répondre aux préoccupations des communautés du cyberespace plutôt qu’à celles des États ou des groupes qui s’y rattachent. Les droits relatifs à l'information sont le plus souvent énoncés dans des textes constitutionnels ou dans des lois en des termes généraux. Ces droits sont rarement l'objet d'une délimitation a priori: il est rare que les législateurs qui proclament un droit ou une liberté s'attachent du même coup à en énoncer toutes les limites. Le plus souvent, les délimitations à ces droits résulteront de processus d'explicitation menés dans le cadre de l'application concrète de l'un ou de l'autre des droits, notamment lorsque surviendront des conflits. Le sens concret des règles de droit est presque toujours le reflet du tissus culturel dans lequel elles ont été discutées, évaluées, contestées et appliquées. Même dans les cas où la loi a tenté de dégager les limites aux droits, il L’exercice de la liberté d’expression dans le cyberespace est fréquent qu'elle finisse par renvoyer l'interprète à une appréciation de ce que commande l'intérêt public ou l‘ordre public. Par exemple, la liberté d’expression est partout proclamée, de même que l’idée selon laquelle celle-ci peut connaître certaines limites fixées par la loi afin de répondre aux nécessités des sociétés démocratiques. Il y a donc en effet des «!rationalités communes!», c,est à dire des motifs largement reconnus comme étant des limites raisonnables à la liberté d’expression. Il se trouve que les applications de ce seul principe sont extrêmement variables d’un pays à l’autre. Cela ne pose pas trop de difficultés dans un monde défini par des territoires situés dans l’espace physique!: les États sont en principe libres d’appliquer l’interprétation qui leur paraît correcte. Dans!le cyberespace, cela mène nécessairement à appliquer l’interprétation la plus hostile à la liberté d’expression. Le droit ne peut fonctionner sans des principes et notions venant aider au départage, au fil des situations et des prétentions invoquées au soutien de l'un ou l'autre des droits fondamentaux. C'est principalement à ce titre qu'interviennent des notions comme celles de d'intérêt public. Ces notions prennent un sens dans le milieu culturel au sein duquel on applique la norme juridique. Elle fournit et cristallise les motifs qui rendent légitimes les limites qui doivent être posées aux droits fondamentaux afin de les concilier avec d'autres droits et valeurs. Dans la plupart des systèmes juridiques, le rôle joué par la notion d'intérêt public paraît double: elle se présente comme un principe de cohérence du droit et comme un standard juridique. Mais dans l'un et l'autre de ces rôles, l'intérêt public demeure une notion qui, de différentes manières, renvoie à l'environnement au sein duquel la règle s'applique ou a vocation à s'appliquer. Elle commande nécessairement de s'éclairer de la situation concrète dans laquelle la mesure doit être appliquée ou de ce qui est reconnu dans la pratique d'une activité. En somme, le droit n’est pas tout inclus dans un ensemble de règles qu’il suffit de proclamer pour qu’elles trouvent application. Cela est encore plus manifeste dans le domaine des droits fondamentaux et singulièrement ceux qui sont reliés aux activités expressives. Se pose alors la question de comprendre comment peuvent alors s’appliquer les règles de droit dans un environnement (le cyberespace) s’inscrivant à la fois au sein d’une pluralité de contextes sociaux et culturels. C’est dire l’ampleur de la difficulté d’un «!code universel!» du cyberespace. Même à supposer que l’on parvienne à rédiger un tel code, il y a fort à parier qu’il!sera formulé en termes généraux et que son interprétation connaîtra de grandes variations lorsque viendra le temps de l’appliquer aux situations concrètes. Car alors, il faudra compter avec la diversité des conceptions qui coexistent dans le cyberespace. B) Le cyberespace télescope les conceptions L’avènement d’un espace qui paraît échapper aux frontières des États, dans lequel plusieurs des repères familiers sur lesquels reposent les principes et les pratiques du droit disparaissent change les représentations. L'espace résultant de l'environnement-réseau n'est pas réductible à l'espace physique. Il présente des balises se définissant différemment. En favorisant une redéfinition des espaces de référence, Internet porte le germe d’une mutation des paramètres selon lesquels se définit la légitimité des interventions du droit. Les références à l’espace connaissent de profondes mutations avec Internet. Le cyberespace modifie l’importance que prennent les frontières L’exercice de la liberté d’expression dans le cyberespace nationales. Les interactions qu'il rend possibles y sont de moins en moins sensibles. Il n'est donc pas étonnant de constater la perte de pertinence, voire de légitimité, du droit des États lorsqu'il s'agit de procurer les régulations des conduites dans les espaces virtuels1. Par exemple, le fait que certains contenus illicites sur un territoire national soient désormais facilement accessibles sur Internet peut saper la légitimité des règles de droit qui en les bannissent. Un tribunal français aura beau proscrire la diffusion d’un texte sur un site Internet. Celui-ci pourra être repris sur un site situé hors de la portée de la justice française et donc se trouver pratiquement aussi accessible qu’avant. La légitimité de l’interdit posé par le droit national paraît alors remise en question: à quoi bon interdire ce qui peut si aisément être diffusé à partir d’un autre territoire!? À l’inverse, l’application de certaines exigences du droit d’un État pourra avoir des conséquences sur l’ensemble des autres usagers du réseau. Dans l’affaire allemande Compuserve, une ordonnance enjoignait de supprimer certains contenus ne pouvait apparemment être satisfaite qu’on supprimant le contenu litigieux à la grandeur du réseau. Dans cette situation, l’application du droit d’un État s’est trouvé à engendrer une censure bien au-delà des frontières. Ces exemples illustrent à quel point Internet contribue à redéfinir l’espace dans lequel se construit et s’apprécie la légitimité des règles, des normes. Soit que l’espace du réseau affecte les perceptions relativement à la légitimité des règles de droit ou affecte les perceptions quant à leur efficacité. Il y a là des indices d’un déplacement des repères suivant lesquels se conçoit et s’applique le droit. Certaines rationalités qui sous-tendaient des réglementations perdent de leur importance et de leur pertinence tandis que d’autres peuvent prendre une importance jusque-là insoupçonnée. Par exemple, n’est-il pas devenu futile de chercher à empêcher la publication de sondages préélectoraux alors que de tels sondages pourraient être proposés sur des serveurs situés hors du pays!? Ces phénomènes témoignent de la mutation des rationalités; certaines de celles qui fondaient le cadre juridique des activités se déroulant dans le cyberespace paraissent avoir perdu de leur pertinence tandis qu’apparaissent des préoccupations inédites dans les contextes externes au cyberespace. L’obsolescence des règles peut découler de la disparition d’une rationalité: lors la réglementation est devenu sans objet ou tout bonnement futile. Les mutations des rationalités coïncident ainsi souvent avec l’avènement de nouvelles représentations ou de nouvelles façons d’envisager les phénomènes. Lorsque les rationalités qui la sous-tendent sont encore tenues pour valables, il faut se demander si ce n’est pas les véhicules ou les techniques par lesquelles s’exprime la réglementation qui doit être revu. Lorsqu’il y a une perte de légitimité des anciennes rationalités ou encore une mutation des rationalités, la réglementation doit être ajustée, généralement en ayant recours à une autre technique ou stratégie de régulation. Parfois, de nouvelles rationalités militent en faveur de l’abolition de règles ou de la mise en place de nouvelles règles. C’est ainsi que les nouvelles représentations qui sont induites par l’émergence des nouveaux environnements 1 Dominique GILLEROT et Axel LEFEBVRE, avec la collaboration et sous la direction de Marc Minon et Yves Poullet, Internet!: la plasticité du droit mise à l’épreuve, Bruxelles, Fondation Roi Baudouin, 1998, p. 18!; Yves POULLET et Xavier THUNIS, «Droit et informatique: un mariage difficile» dans Computers and Telecommunications: Is There a Lawyer in this Room?, Namur, E.Story-Scientia, 1987, p.9. L’exercice de la liberté d’expression dans le cyberespace électroniques emportent de nouvelles rationalités et contribuent à la mutation, voire la disparition de celles qui sous-tendaient jusque-là les règles du jeu. Parmi les rationalités qui demeurent stables, il y a au premier chef celles qui concernent la protection de la dignité humaine. On n'explique pas autrement les préoccupations si souvent exprimées pour la protection de la vie privée ou pour la protection des enfants et autres publics vulnérables. À l'égard de ces préoccupations, l'on n'échappera pas à l'obligation de trouver des façons d'équilibrer les droits des participants à la communication électronique et la protection des valeurs qui ne cessent pas d'exister du seul fait de l'avènement d'un espace difficile à contrôler. Il est des rationalités qui connaissent des mutations comme celles qui sous-tendaient la réglementation des médias électroniques. Le cyberespace propose une représentation des environnements médiatiques défiant les cadres dérivés des territoires nationaux. Les régimes réglementaires des médias électroniques sont habituellement fondés sur le postulat que l'État peut déterminer ce qui est licite de diffuser. La configuration du cyberespace situe au niveau de l'individu le lieu de détermination de ce qui devrait être ou non communiqué; elle déqualifie, voire délégitime l'État comme intervenant central dans la réglementation. Les rationalités rattachées à la défense et à l'illustration des valeurs nationales connaissent de ce fait une crise de légitimité. Dans un tel contexte, comment concevoir à la fois les conditions d’exercice effectif de la liberté d’expression tout en exprimant les limites à la liberté d’expression jugées nécessaires, compte tenu des univers culturels dans lesquels évoluent les diverses sociétés humaines? Les limites à la liberté d’expression ne peuvent, dans le cyberespace, se concevoir de la même façon que dans les territoires nationaux. Il existe cependant un consensus pour reconnaître la nécessité de rechercher les synergies entre les diverses sources de régulation susceptibles de s’appliquer dans le cyberespace. Ces synergies peuvent être obtenues en pensant le droit du cyberespace de façon à reconnaître des pôles agissants de normativité ainsi que des relais qui en assurent l’application effective. 2. L’organisation de la normativité dans le cyberespace Dans le cyberespace2, la normativité s’élabore de plus en plus dans les réseaux. Les réseaux sont le résultat d’interactions répétées entre personnes poursuivant un but commun. L’internetisation s’accompagne de l’émergence de réseaux unissant les décideurs, les chercheurs, les régulateurs de même que les autres acteurs jouant un rôle dans la normativité d’Internet. Anne-Marie Slaughter observe que dans la mesure où ces réseaux ont de l’influence sur l’élaboration des politiques, ils doivent être envisagés comme participant à la gouvernance internationale.3 Un ensemble de systèmes de normes s’appliquent dans le cyberespace. Il y a au premier chef le droit des États. Malgré un certain romantisme aujourd’hui plus ou moins abandonné, il est clair 2 Pierre TRUDEL, «!Quel droit et quelle régulation dans le cyberespace!?» Sociologie et sociétés, vol. 32, no 2, automne 2000, 189-209. < http://www.erudit.org/erudit/socsoc/v32n02/trudel/trudel.pdf > 3 Anne-Marie SLAUGHTER, «!The Real New World Order,!» (1997) 76 Foreign Affairs, 183-184. L’exercice de la liberté d’expression dans le cyberespace que le droit des États régit pratiquement un grand nombre d’interactions prenant place dans le cyberespace. Cela n’est pas incompatible avec l’avènement d’un droit du réseau se présentant comme ayant pour vocation de procurer les encadrements des activités qui ne peuvent être entièrement régies par les droits étatiques nationaux. La technique et les contraintes qu’elle induit est aussi source de normativité sur Internet. A) Les pôles de normativité On peut retenir une représentation du cyberespace faisant de celui-ci un ensemble interconnecté constitué de pôles interagissants de normativités. Il est constitué d’espaces dans lesquels prévalent en tout ou en partie des normes qui s’imposent aux usagers. Les normes peuvent s’imposer soit en raison de leur capacité à définir, même implicitement, les conditions de l’exercice des activités soit parce qu’un État est en mesure d’exercer une autorité. Le cyberespace est aussi constitué de relais par lesquels s’explicitent et se diffusent les normativités et les conséquences de celles-ci. Les règles émanant des pôles de normativité se relayent et se diffusent dans les différents espace virtuels. Elles coexistent dans le cyberespace soit en complémentarité avec d’autres règles soit en concurrence, se proposant à la place de celles qui sont issues d’autres pôles normatifs. 1) Les systèmes de droit étatiques Les États continuent de régir les activités se déroulant dans le cyberespace sur une base nationale, mais étant donné que le cyberespace fait abstraction des frontières, les droits nationaux connaissent des limites pratiques d’application. Les limites fixées par le droit étatique s’appliquent sur le territoire national concerné. Le droit d’un État peut trouver application ailleurs dans la mesure où il n’est pas incompatible avec le droit de cet autre territoire. Dans le cyberespace, les coordonnées spatio-temporelles se présentent comme un problème toujours posé. Les lieux et les rôles s’y redéfinissent et se redistribuent en fonction des contraintes et circonstances n’obéissant pas à un modèle prévisible. Ces phénomènes résultent des caractéristiques des environnements électroniques tels que l’immatérialité des situations juridiques et les difficultés de preuve qui en découlent, le caractère transfrontière des activités!: un acte juridique considéré comme légal dans un pays peut s’avérer illégal ailleurs. Le caractère international de plusieurs interactions se déroulant dans le cyberespace soulève des problèmes qui ne peuvent être complètement résolus par un contrat conclu entre les parties ou par le droit d’un seul État. Selon la juridiction dans laquelle on se trouve, des règles différentes peuvent trouver application pour présider à l’interprétation des contrats. C’est pourquoi, il faut envisager la perspective d’une accentuation des mouvements déjà amorcés vers l’uniformisation et l’harmonisation des règles régissant les transactions commerciales internationales et, de façon plus générale, la circulation des informations. Le modèle de l’intranet est pratiqué dans certains pays, (Chine etc…) il s’agit ni plus ni moins de maîtriser la fourniture d’accès à Internet sur tout le territoire national. En pratique, cela revient à transformer l’internet situé sur son territoire en intranet, imposant divers contrôles au niveau de la fourniture des accès à Internet. Mais, en dehors d’une telle approche, les États sont en mesure L’exercice de la liberté d’expression dans le cyberespace d’appliquer plusieurs normes, notamment aux acteurs majeurs situés sur leur territoire. Il en découle l’existence d’un corpus effectif de règles. 2) Le droit du Net Dans le cyberespace, on observe l’émergence de nouvelles communautés, ainsi que celle de nouvelles frontières séparant, non pas des territoires, mais des «domaines», des réseaux, des groupes de discussion, etc. Certains avancent une position franchement a-étatique. Soulignant la difficulté d’appliquer les notions formulées dans les lois nationales, David Post et David Johnson proclament que le cyberespace, dépourvu des repères géographiques et physiques sur lesquels se fondent les réglementations du monde physique, doit être considéré comme un espace distinct, gouverné par son propre cadre juridique4. Post invoque la facilité que procure l’environnement cyberspatial aux acteurs désireux de s’exclure de l’application des règles décrétées par les lois étatiques. Plusieurs notions ont été proposées afin de faire écho à ce corpus de normes qui existent dans le cyberespace et qui, de multiples manières, régissent en tout ou en partie, le déroulement d’activités y prenant place. Le recours à diverses analogies a permis de préconiser que le droit du cyberespace soit rapproché de corpus comme le droit de l’environnement5, le droit maritime, le droit de l’espace extra atmosphérique, le droit de l’Antarctique6 et la Lex Mercatoria7. Ce qui conduit à reconnaître l’existence d’une Lex electronica8. Les modalités de l’adoption et de l’administration des normes trouvant application dans le cyberespace doivent donc être examinées, de même que les mesures qui serviront à en garantir l’application9. William Byassee indiquait que la création d’un domaine juridictionnel distinct pour les environnements n’est pas une fin en soi mais une façon de procurer un cadre juridique approprié aux exigences de cet environnement. Mais la difficulté dmeure considérable de définir l’ordre public, ou l’intérêt public lorsqu’on se situe à la grandeur du cyberespace. 4 David G. POST et David R. JOHNSTON, «Law and Borders!: The Rise of Law in Cyberspace», (1996) 48 Stanford L. Rev., 1367, p. 1378. 5 Richard S. ZEMBEK, ,«Note, Jurisdiction and the Internet!: Fundamental Fairness in the Networked World of Cyberspace», (1996) 6 Albany L.J. Sci & Tech. 339, 368. 6 Matthew R. BURNSTEIN, «Note, Conflicts on the Net!: Choice of Law in Transnational Cyberspace», 29 Vand. J. Trans L. 75, p. 110. 7 Trotter HARDY, «The Proper Legal Regime for ‘Cyberspace’», (1994) 55 University of Pittsburg Law Review, 993 p. 1019. 8 Pierre TRUDEL, «!La lex electronica,!» dans Charles-Albert Morand, (dir) Le droit saisi par la mondialisation, Bruxelles, Bruylant, Éditions de l’Université de Bruxelles, Helbing & Lichenhahn, 2001, p.221-260. 9 Anne BRANSCOMB, «Jurisdictional Quandaries for Global Networks», dans Linda Harasim (ed.), Global Networks!: Computers and International Communication, Cambridge, 1995, MIT Press, 83, p. 100. L’exercice de la liberté d’expression dans le cyberespace 3) La normativité découlant de la technique L’architecture technique constitue une composante du cadre juridique des activités prenant place dans le cyberespace. On entend par l’architecture technique l’ensemble des éléments ou artefacts techniques, tels les matériels, les logiciels, les standards et les configurations qui déterminent l’accès et les droits d’utilisation des ressources du cyberespace. Les objets ont un effet régulateur se présentant suivant diverses formes. Les éléments d’architecture peuvent être des logiciels, comme des programmes coupe-feu (Firewalls) ou des serveurs mandataires (Proxy Server). De telles ressources sont utilisées par certains États pour contrôler la circulation de contenus provenant de l’étranger sur leur réseau Internet national. Les exemples à ce niveau abondent. On n’a qu’à penser aux outils censeurs comme le «V-chip» ou la puce anti-violence, au brouillage des émissions à caractère sexuel destinées aux adultes, à des logiciels comme Cyber Patrol et Net Nanny. Certains de ces produits s’appuyant sur le système de classification Platform for Internet Content Selection (P.I.C.S.)10, lequel permet de catégoriser l’information circulant sur Internet, donnant ainsi aux parents et aux enseignants la possibilité de bloquer certains sites particuliers11. La norme P3P ( Platform for Privacy Preferences) est conçue comme l’antidote des «cookies». Par l’échange automatisé des politiques en matière de gestion des informations personnelles des ressources Internet et des préférences (ou exigences) des usagers en la matière, elle devrait permettre un meilleur respect des préférences des usagers en la matière. Les éléments d’architecture prennent également la forme de configurations systématiques (default value) ou volontaires des ressources du réseau. Environnement essentiellement construit par la technique, Internet est un espace rendu possible en raison de l’existence de protocoles et autres fonctionnalités définis dans des standards techniques. Plusieurs organisations contribuent à la définition des standards permettant l’interconnexion caractéristique d’Internet12. Certains sont des instances étatiques ou des organisations internationales constituées par les États. La plupart sont des entités de droit privé. Les processus de normalisation relatifs à Internet sont primordialement le fait de deux ensembles d’organismes de standardisation. Un premier ensemble est constitué d’organismes ayant une longue implication dans la standardisation des artefacts techniques et électriques. Ils sont principalement constitués de spécialistes des technologies concernées et on leur doit les standards qui rendent compatibles un grand nombre d’appareils informatiques nécessaires à la communication. Ces règles ne sont pas nécessairement le produit de l’activité d’institutions constituées comme telles!: elles résultent des comportements suivis et espérés des acteurs du cyberespace. Par 10 Jonathan WEINBERG, (1997) «Rating the Net», 19 Hastings Comm/Ent L.J. 453-482, p. 456-499; Martin, C. Dianne et Joseph M. Reagle (1997) «An Alternative to Government Regulation and Censorship!: Content Advisory Systems for the Internet», 15 Cardozo Arts & Entertainment L. R.,404-427, pp. 414-424. 11 Marc CADEN et Stephanie LUCAS, «Accidents on the Information Superhighway!: On-line Liability and Regulation», (1996) 2 Rich. J.L. & Tech. 3, <http://www.urich.edu/~jolt/v2i1/caden_lucas.html>. 12 Marcus MAHER, «An Analysis of Internet Standardization», (1998) 3 Va. <http:vjolt.student.virginia.edu>. J.L.&Tech, L’exercice de la liberté d’expression dans le cyberespace exemple, l’ensemble des éléments ou artefacts techniques, tels les matériels, les logiciels, les standards et les configurations qui déterminent l’accès et les droits d’utilisation des ressources et des documents technologiques sont formulés dans des forums multiples. Ces lieux dans lesquels s’élaborent les règles réunissent des experts qui conviennent des spécifications que doivent posséder les éléments techniques d’un environnement électronique. Un cas de figure témoignant bien du phénomène de la régulation par l’architecture est fourni par les «cookies». Conçus à l’origine pour permettre l’établissement de sessions continues sur le Web, c’est-à-dire pour qu’un serveur Web sache reconnaître l’usager lorsqu’il passe d’une page à l’autre, les cookies ont depuis été utilisés à fond à des fins de marketing. Les entreprises les ont détournés de leur fin initiale en imaginant un moyen de centraliser les informations fournies aux différents serveurs visités. Par conséquent, les cookies constituent maintenant modalité majeure des échanges de données personnelles sur le Web. Comme une part significative des décisions relatives à l’architecture du cyberespace relève d’autorités non-étatiques, il devient nécessaire d’organiser l’arrimage entre ces forums qui définissent les règles, les instances de l’État et les activités spécifiques se déroulant sur Internet. Ce processus est nécessaire afin d’assurer une cohérence entre la loi étatique et les limites et possibilités reconnues par les experts et les autres acteurs impliqués. C’est dire à quel point des relais sont nécessaires afin d’assurer les arrimages entre les normativités diverses. B. Les relais de la normativité Ce n’est pas tout de proclamer des droits, le défi est d’en assurer l’exercice effectif. C’est pourquoi il importe d’identifier les meilleurs moyens par lesquels on obtient l’application effective dans un environnement comme Internet. Les relais sont les différents moyens par lesquels les acteurs d’Internet reçoivent et appliquent effectivement les normes perçues par eux comme relevantes ou obligatoires. Par exemple, un fournisseur d’accès devra se donner une politique afin de déterminer ce qui doit être fait lorsque lui est signalé un contenu illicite. Il devra relayer ce qui est compris et tenu pour illicite dans le «!domaine!» ou dans les lieux virtuels au sein desquels il intervient. Les relais peuvent être vus comme une incarnation du concept de co-régulation. Ils résultent d’un processus de dialogue entre les divers pôles de normativité. Il s’agit de prendre acte, de reconnaître les lois qui sont impératives et de les relayer, d’en combler les interstices afin d’en assurer une application concrète et effective. 1) Responsabilité et responsabilisation des acteurs L’un des relais majeurs entre les pôles étatiques de normativité et les acteurs du cyberespace est fourni par les régimes de responsabilité Pour les acteurs, la responsabilité est source d’incertitude!: Ceux qui prennent part à des activités dans le cyberespace le font avec plus ou moins d’intensité selon qu’ils ont ou non conscience qu’ils auront à supporter la responsabilité de l’information qu’ils émettent ou qu’ils contribuent à acheminer. C’est dire l’importance que prennent les mécanismes répartissant les responsabilités entre les acteurs du cyberespace. À ce L’exercice de la liberté d’expression dans le cyberespace titre, ils représentent un important relais des normativités étatiques susceptibles de s’appliquer à un ensemble d’activités. Lorsqu’un préjudice est causé dans le cyberespace, que se pose la question de rechercher une sanction et une réparation, la normativité étatique est souvent appelée en renfort. La responsabilité est le lieu où se joue le processus d’articulation entre les valeurs contradictoires que recèlent les droits et libertés. En départageant ce qui constitue une limite raisonnable ou justifiable à la liberté d’expression, les régimes de responsabilité contribuent à procurer les différentes hiérarchies et préséances entre les droits fondamentaux. Mais du côté de la plupart des acteurs du cyberespace, la responsabilité se présente comme un ensemble de risques à gérer. Les personnes et entreprises doivent s’assurer que leurs pratiques sont conformes aux exigences des dispositions des lois susceptibles de trouver application et d’engager leur responsabilité. Ils chercheront à maîtriser les risques découlant de leurs activités en prenant les précautions susceptibles de garantir qu’elles s’en tiennent uniquement à un rôle compatible avec les responsabilités qu’elles sont prêtes à assumer. Pour gérer adéquatement les risques, il faut souvent anticiper les conflits et identifier de façon contextuée, comment seront relayées les exigences issues du droit ou des normativités qui risquent de trouver application. C’est de cette façon qu’au niveau des acteurs sont vécues les règles de droit. Pour gérer les risques associés aux possibles conflits, il leur revient d’expliciter leur compréhension des normativités. Ils le feront dans des règles de conduite qui s’adresseront soit aux limites qui doivent être respectées lors de l’émission de messages. Ils pourront aussi prévoir des règles et précautions à l’égard des messages qui peuvent être reçus. 2) Autorégulation et co-régulation C’est primordialement pour gérer les risques et tenter de baliser leur responsabilité que les acteurs mettent en place des mécanismes d’autorégulation13. Les processus d’autorégulation et de corégulation sont les principaux relais des normativités encadrant les activités se déroulant dans le cyberespace. Par ces processus, on opère l’actualisation, l’adaptation et la particularisation des règles de droit considérées comme relevantes à un site ou à un environnement. De tels processus peuvent s’envisager comme un cycle continu dans lequel les besoins et les exigences découlant des autres normativités, dont les lois étatiques sont systématiquement pris en compte de manière évolutive. On reconnaît de plus en plus que les règles du jeu encadrant les multiples activités se déroulant sur Internet doivent être, au moins en partie, prises en charge par les acteurs eux-mêmes. Les tendances lourdes du développement du commerce électronique laissent d’ailleurs présager que, de plus en plus, la qualité des règles du jeu prévalant sur un site ou dans un environnement sera 13 Pour un exemple de méthodologie de gestion des risques et d’autoréglementation voir!: Christophe ROQUILLY et Jean-Paul CAILLOUX,, Assurer la sécurité juridique des sites web, audit, méthodologie e-business, Paris, Lamy-Les Échos, colle «!Agir en connaissance de cause!», 2001, 153 p. L’exercice de la liberté d’expression dans le cyberespace une dimension cruciale de la mise en place et l’exploitation d’un site et un facteur significatif de son succès. Au fur et à mesure que se généralisent les échanges sur Internet, les usagers auront tendance se montrent soucieux des règles du jeu prévalant dans les environnements Internet qu’ils recherchent afin d’y mener des activités significatives. Il faut donc envisager les règles comme une composante du site, au même titre que les systèmes de sécurité et le graphisme!! Il est étonnant que des entreprises trouvent normal d’investir dans la conception graphique ou la structure d’un site, mais ne trouvent pas les ressources afin d’assurer que le site fonctionne dans le respect des droits garantis dans les différents territoires visés. C’est primordialement pour gérer les risques et tenter de baliser leur responsabilité que les acteurs mettent en place des mécanismes d’autorégulation. C’est pourquoi les règles de conduite s’expriment dans des cycles se développent généralement suivant cinq étapes. Premièrement, il importe de spécifier les fonctions et les vocations du site au plan des besoins d’y prévoir des normes. Deuxièmement, il faut déterminer et tenir à jour le socle d’obligations à respecter en vertu des législations étatiques. Troisièmement, il faut organiser la préparation des outils de régulation, codes, guides, FAQ. Quatrièmement, l’on procède à la rédaction du texte ou des textes normatifs. Cinquièmement, il faut assurer le suivi de l’application et la révision continue de la régulation ainsi mise en place. Conclusion Nous avons voulu identifier les droits et les principes qui doivent être proclamés et assurés afin de permettre l’exercice conjugué des droits et libertés fondamentaux dans le cyberespace. Il existe un corpus planétaire de principes et de droits fondamentaux reconnus aux personnes. Mais ces droits et libertés sont compris et appliqués suivant des décodages issus des différents tissus culturels territoriaux et non-territoriaux. Dans un tel contexte, les droits et libertés sont susceptibles de bénéficier d’un large degré d’acquiescement mais être compris de manière différente et connaître des conditions d’application différente. C’est assurément une démarche utile de rechercher un plus large consensus à l’égard de la signification de la liberté d’expression. Mais il existe une limite découlant des différences culturelles. Il paraît plus réaliste de rechercher le renforcement de l’effectivité des droits. Cette effectivité sera obtenue par la reconnaissance des possibilités se situant au niveau des relais au sein du réseau. Les relais sont en mesure de véhiculer, de manière adaptée, les normativités relevantes à leurs activités et aux pôles de normativité avec lesquels ils entretiennent des rapports. Ainsi, il leur est possible de traduire, de façon concrète pour les utilisateurs, le sens et la porté des droits fondamentaux et d’assurer la mise en place de pratiques conséquentes. Pour obtenir la synergie nécessaire au respect effectif de l’ensemble des droits et libertés tout en respectant les différences qui existent entre les cultures juridiques mises en présence dans le L’exercice de la liberté d’expression dans le cyberespace cyberespace, il faut agir de façon à renforcer les relais de normativité qui existent au sein du réseau. Il faut procurer les garanties afin que s’établissent des «!domaines!» de confiance. La reconnaissance du rôle des relais entre les pôles de normativité paraît, pour l’heure, l’approche la plus susceptible de procurer un haut degré de protection des libertés expressives tout en assurant la prise en compte des différences culturelles. Il faut assurer que les valeurs inhérentes aux droits fondamentaux soient adéquatement relayées aux acteurs afin de leur indiquer ce qu’il faut faire et ce qu’il convient d‘éviter afin de respecter à la fois les libertés d’expression et les autres droits. En fin de compte, ce n’est pas tant de nouveaux droits qui sont nécessaires afin d’assurer l’exercice conjugué de la liberté d’expression et des autres droits fondamentaux mais le renforcement des relais susceptibles d’assurer l’effectivité des cadres juridiques.