Nouvelles minorités ethniques et jeunesse en Europe¹
Transcription
Nouvelles minorités ethniques et jeunesse en Europe¹
Nouvelles minorités ethniques et jeunesse en Europe¹ Professeur Sven Mørch Département de psychologie Université de Copenhague [email protected] Professeur Torben Bechmann Jensen Département de psychologie Université de Copenhague [email protected] Marlene Stokholm Etudiante en psychologie, assistante de recherche Département de psychologie Université de Copenhague David Brian Hansen Etudiant en psychologie, assistant de recherche Département de psychologie Université de Copenhague Ces dernières années, en Europe, la question de l’intégration des nouveaux groupes ethniques minoritaires a envahi les débats politiques et publics. Y sont évoqués les cas d’intégration réussie d’immigrés de deuxième génération, mais aussi les problèmes qui se posent en termes d’intégration sociale et culturelle et les préoccupations liées à la poursuite de l’immigration. La question de l’intégration est devenue politique. D’un côté, on prône la nécessité de l’intégration sociale et culturelle, d’un autre, on met en exergue la diversité et la valeur des sociétés multiculturelles. Ces deux perspectives sont difficiles à combiner et, pour l’instant, les partis politiques sont naturellement tous concernés par les problèmes que soulève l’intégration sociale des « nouveaux Européens ». Le succès de l’intégration des minorités ethniques semble être un objectif politique prioritaire et la garantie d’une politique d’immigration plus ouverte à l’avenir. L'étude de l'intégration sociale des jeunes issus des minorités ethniques ou de l’immigration n'est donc pas une question dénuée de dimension politique. C'est de plus une démarche importante pour les sociétés européennes et les jeunes des minorités ethniques. Les politiques générales et l’approche des enjeux liés à l'intégration sociale et à l'individualisation influent sur les objectifs et les formes de l'intégration sociale. Par conséquent, la demande fondamentale d'intégration sociale est étroitement liée aux politiques européennes déployées dans ce domaine. Les jeunes des minorités ethniques – intégration sociale et individualisation L’un des principaux défis inhérents à l’étude des jeunes des minorités ethniques est de développer un cadre théorique englobant les thèmes de l’intégration, de l’individualisation, de l’épanouissement de la jeunesse et de l’action individuelle et culturelle. Pour les jeunes issus des minorités ethniques ou de l'immigration qui entrent dans le processus d'intégration sociale et d’individualisation, une question cruciale se pose, à savoir quelle forme d'intégration choisir pour parvenir au meilleur résultat possible. A certains égards, ces jeunes veulent être considérés et traités comme tous les autres jeunes Européens. Dans cette perspective homogène « d'égalité des chances », ils sont en bonne voie pour s’intégrer dans la société européenne, tant socialement que culturellement. D’un autre côté, ils peuvent aussi opter pour une perspective plus hétérogène, autrement dit préférer un modèle multiculturel d’intégration sociale qui leur permette de développer différents modes de vie sociaux et culturels. Mais, apparemment, les deux modèles posent des problèmes. Le modèle homogène confronte les jeunes des minorités ethniques à un double défi, lié au fait d’être à la fois jeunes et étrangers, situation qui complique terriblement l'intégration individuelle. Comparativement, le modèle hétérogène rend l'intégration individuelle moins difficile parce qu’il offre davantage d'opportunités. Pour autant, ce modèle peut aussi contribuer à des sociétés où l'intégration de catégories culturelles différentes engendre une corrélation entre la classe sociale et l'ethnie, et où les groupes des minorités ethniques occupent les catégories socio-économiques les plus défavorisées. Au R.U., où la société multiculturelle a été longtemps acceptée comme modèle d'intégration sociale, des rapports récents concluent que ce modèle conduit certes à une société culturellement pluraliste mais également à des conflits culturels et à des formes d'inégalités sociales en lien avec l’ethnie. Par conséquent, les deux modèles suggèrent un conflit entre d’une part l’intégration sociale individuelle et, d’autre part, l'intégration sociale structurelle. De ce point de vue, l'une des questions majeures pour les jeunes issus des minorités ethniques ou de l'immigration est de savoir quelle option choisir : soit s'engager dans le processus d’individualisation tel que généralement construit dans les sociétés les plus modernes et opéré notamment dans la vie des jeunes, soit s'adapter aux pratiques et valeurs culturelles de leurs parents. L'intégration sociale des jeunes de l'ethnie majoritaire s'opère dans la perspective de leur future vie dans les sociétés européennes modernes, dans lesquelles le système éducatif est un élément déterminant de leur intégration et donc des caractéristiques modernes de l'individualisation. Dans ces sociétés, les jeunes doivent apprendre à fonctionner « culturellement » en tant qu'acteurs d'un monde occidental moderne : c’est ainsi qu’ils « colonisent le futur ». Pour les jeunes des minorités ethniques, cette forme d’action individuelle peut se trouver en contradiction avec leurs antécédents culturels, en vertu desquels l'intégration sociale suit souvent la logique de l'intégration des catégories sociales ou culturelles (les catégories sociales faisant référence à la famille, aux parents, aux charges de famille, etc.). Par conséquent, dans les sociétés postmodernes, le défi de l'intégration sociale et culturelle et de l'individualisation des jeunes des minorités ethniques fait apparaître une contradiction entre l'intégration des catégories sociales et l'intégration sociale des individus. La question de l’intégration sociale et culturelle En Europe, les politiques d’intégration semblent coincées entre deux modèles d’intégration, respectivement homogène et hétérogène. Cette compréhension des enjeux politiques de l’intégration sociale des jeunes des minorités ethniques repose sur et induit une nouvelle conceptualisation de la relation entre société, culture et individu. Différents modèles culturels ont servi de base aux débats sur l’intégration des minorités ethniques. Dans le modèle dit d'assimilation, la culture est comprise comme un ensemble de valeurs et de pratiques qui fonctionnent à la manière d’outils pour l'intégration sociale des individus. Selon Talcott Parsons, la culture sert ainsi de base au processus de socialisation de l'individu ; autrement dit, l’individu doit apprendre à fonctionner « culturellement » dans le cadre de conditions sociétales données. Ce modèle très général a fait l’objet de vives critiques, en particulier lorsqu'il est appliqué pour l'intégration des groupes de minorités ethniques. Il suggère en effet une assimilation normative de tous les individus dans la société et repose sur une conceptualisation statique de la société. A la différence du précédent modèle, un modèle plus relativiste du point de vue culturel, ou « démocratique », a fait de nombreux adeptes, notamment pour l'élaboration de politiques plus radicales. Son argument central est que toutes les cultures ont une valeur égale et que, partant, elles doivent être reconnues de la même façon. Au lieu de s'intéresser à la relation entre la culture, l'individu et la société, ce modèle relativiste est centré sur la relation entre deux aspects, la culture et l'identité, qu’il considère comme intimement connectés. Cela signifie qu'un changement affectant l'un des aspects induit des changements au niveau de l'autre. Ce modèle tend donc aussi à être statique, mais différemment, en s'opposant à tout changement culturel qu’il considère comme une attaque à l'identité individuelle. Le problème majeur présenté par ces deux modèles se situe au niveau de leurs perspectives abstraites et statiques. Ils conçoivent en effet l'intégration sociale comme un processus s’opérant entre cultures, et non comme une situation de développement s’offrant aux enfants et aux jeunes. Or, comme tous les autres jeunes, les jeunes des minorités ethniques évoluent pour s’individualiser en tant qu’acteurs sociétaux et culturels. Il serait donc préférable d’appréhender leur intégration sociale sous l’angle de l'individualisation, plutôt que comme un processus d'intégration culturelle. Ces jeunes doivent être considérés comme des acteurs de leur avenir dans un monde social, contextuel et culturel qui se transforme sous l’effet de leur action en tant qu’individus. Les jeunes et la question de l’individualisation L'individualisation, que requiert l’exercice de l’action individuelle, est une construction historique et sociale qui se fait différemment selon les régions du monde. Dans le processus de modernisation européen, notamment, l'individualisation a été et reste une question importante. En Europe, l’individualisation intervient plus particulièrement dans la vie éducative. La jeunesse en tant que catégorie sociale subjective et objective peut être considérée comme le résultat de ce processus ; les jeunes se développent avec la construction d'opportunités d'individualisation dans leur biographie personnelle, au sein du contexte éducatif. Partant, le système éducatif a produit et continue de produire diverses formes d'individualisation et de compétences individuelles en fonction de la situation personnelle du jeune dans ce système. Ainsi, la vie éducative ne vise pas seulement à favoriser l’acquisition de qualifications spécifiques mais également, plus généralement, à préparer le jeune à une vie active dans la société. La vie éducative et ses changements sont donc les indicateurs les plus significatifs de l'individualisation du jeune. La création de sociétés postmodernes, notamment, a eu des répercussions sur la vie éducative et l'individualisation. Si l'individualisation se comprend comme une évolution liée aux mutations sociétales, elle va être problématique pour beaucoup de jeunes des minorités ethniques issus de sociétés qui ne conçoivent pas comme les sociétés européennes postmodernes l'éducation, la jeunesse et l'individualisation. Les politiques d'intégration européennes n’ont pas encore permis aux jeunes des minorités ethniques d’accéder pleinement à une vie individualisée dans les sociétés européennes modernes. Nouveaux arrivants dans les sociétés occidentales, ils sont pourtant immergés dans cette vie et poussés à y participer. Mais cette vie englobe de nombreux aspects du quotidien ; par ailleurs, elle se différencie du point de vue de sa structure temporelle et contextuelle, et du point de vue des normes et des valeurs culturelles propres à la jeunesse. Les défis et les difficultés inhérents à cette vie de jeunes sont multiples. Les jeunes des minorités ethniques, notamment, du fait de leur méconnaissance de la culture scolaire majoritaire et de leur médiocre niveau de compétences linguistiques, rencontrent des difficultés avec les autres jeunes et l'école. Ils peuvent avoir le sentiment d’être exclus de cette vie moderne, de ne pas être soutenus par leur famille et leur environnement local ; ils peuvent qui plus est ne pas réussir à l'école et ne pas être les bienvenus dans la vie culturelle des jeunes de la majorité. Leurs difficultés d’intégration peuvent être source de problèmes pour eux-mêmes, mais également le reste de la société. L'intégration sociale est donc aussi une question d'intégration structurelle. En effet, ces jeunes semblent avoir à maints égards repris la position sociétale précédemment occupée par les jeunes de la classe ouvrière en difficulté scolaire. Pour comprendre la situation des jeunes des minorités ethniques en termes d'individualisation et d'intégration sociale, il paraît important de l'analyser sous l'angle des jeunes. La jeunesse peut être conceptualisée en tant que construction historique et sociale modelée par l'individualisation. On attend des jeunes d'aujourd'hui qu’ils s'individualisent conformément à l’injonction d'intégration et aux pratiques sociétales des sociétés modernes. Cela exige d’eux qu'ils développent une trajectoire biographique spécifique, de l'enfance à l'âge adulte. Mais la vie des jeunes d'aujourd'hui dans ces sociétés n'est plus simplement un temps de transition entre vie de famille et monde adulte ; c'est davantage un temps charnière dans un délicat processus d'individualisation. La société postmoderne est devenue une société de consommation complexe où l'individualisation requiert le développement de compétences modernes. La vie des jeunes n'est pas qu'une affaire de modes de vie et de cultures qui leur seraient propres ; elle a pour fondement l'éducation. Partant, la « logique de la vie des jeunes d’aujourd’hui », souvent insoupçonnée, pourrait être considérée comme une sorte de formation aux compétences requises pour coloniser l'avenir. Ainsi, les jeunes sortent de l'enfance pour devenir des consommateurs mais, plus important encore, tout leur apprentissage vise à les mettre en capacité d'organiser l'avenir grâce à des compétences modernes comme la réflexivité, la connaissance et les valeurs. Manifestement, ils n’en sont pas pour autant indépendants de leurs antécédents sociaux et familiaux. En dépit du soutien qu’ils trouvent dans leur vie scolaire et leur vie de jeunes, ils restent exposés aux dangers. Une étude danoise a démontré que trois facteurs influaient sur l’échec ou la réussite scolaire des jeunes : 1) des parents sans formation professionnelle, 2) des parents sans emploi bénéficiaires d’allocations, et 3) des parents divorcés. Si deux de ces facteurs sont réunis, la trajectoire éducative des jeunes concernés sera plus chaotique. Les défis que doit relever la jeunesse des minorités ethniques en Europe sont les mêmes que pour tous les autres jeunes des sociétés occidentales modernes. Si ces jeunes peuvent se mettre à l’abri des facteurs de risque, ils peuvent s’en sortir relativement bien. Mais ils sont souvent prisonniers d’une situation de contrastes culturels. Alors, deux solutions se présentent à eux : soit essayer d'adapter leurs antécédents culturels à la vie sociale moderne, soit renoncer à leurs antécédents culturels et s'engager dans la compétition générale pour le futur. Pour comprendre comment se situent les jeunes des minorités ethniques dans la compétition pour l'avenir, il semble important d'examiner leur situation en fonction des trois facteurs de risque susmentionnés et de clarifier le rôle de la culture à cet égard. Ces jeunes, dont les parents sont fréquemment sans formation professionnelle et absents du marché du travail, se différencient plus généralement par leur statut socio-économique. Beaucoup d’entre eux ont certes accès à de vraies opportunités mais, par rapport aux jeunes de la majorité, ils sont plus nombreux en situation de risque. Si nous prenons en considération un quatrième facteur de risque, à savoir des parents issus d'une autre culture que la culture locale, il semble évident que les jeunes des minorités réussiront moins bien dans la vie éducative. Leurs problèmes semblent découler à la fois des facteurs de risque sociaux et culturels et de la combinaison de ces deux types de facteurs. Considérer que la culture est la cause majeure des problèmes d'intégration sociale des jeunes des minorités est donc probablement faux ; il est plus probable que la cause en soit la combinaison de ces facteurs. Ce constat signifie que, pour relever le défi de l’intégration, il faut s'ouvrir à des modes d'organisation culturels autres que ceux habituellement pris en compte. Dans de nombreux débats, la culture est considérée comme un mélange de valeurs et de pratiques. Néanmoins, pour comprendre la situation culturelle des jeunes des minorités ethniques, il semble plus pratique de faire la distinction entre religion et valeurs d'une part, et traditions et pratiques d'autre part. En mettant ainsi l'accent sur ces deux aspects de la culture, il est possible d’expliquer les différents modes d’action des jeunes des minorités ethniques. Ceux-ci peuvent essayer de prendre part à la vie moderne – un défi d'ailleurs difficile à relever pour tous les jeunes : il n’est en effet guère facile de réussir sa vie de jeunes. Sur la voie de l’éducation et de l'individualisation, les jeunes des minorités ethniques risquent de rencontrer des problèmes scolaires et des difficultés linguistiques, voire de se trouver confrontés à l'exclusion ou à la discrimination. Ils peuvent en outre être freinés dans leur démarche par leurs antécédents culturels et, par exemple, ne pas bénéficier d'un soutien familial suffisant. Affronter l'avenir des sociétés occidentales modernes est d'autant plus difficile pour des jeunes avec des traditions et des religions non occidentales. Malgré ces difficultés, les jeunes des minorités ethniques peuvent aspirer à la vie des jeunes d’aujourd’hui parce qu'ils souhaitent accéder à une forme d'action moderne et bénéficier des mêmes opportunités que les autres jeunes. Ce faisant, ils s’exposent à un conflit des générations, comme les jeunes Occidentaux dans les années 60. Ils doivent alors renoncer à des traditions ou les redéfinir ; dans ces conditions, introduire de nouvelles valeurs peut être aussi important que pour les jeunes dans les années 60 (exemple : critique marxiste de la société bourgeoise). Les valeurs modernes récentes (et la religion) ne sont toutefois ni parfaitement claires ni faciles à appliquer. Partant, quelques jeunes se tournent vers des valeurs religieuses pour surmonter le conflit générationnel et contourner ainsi les attentes de vie traditionnelles : reproduction des structures familiales, activité professionnelle et mariage. Ils mettent ainsi en place un nouveau cadre religieux, même si cela peut handicaper leurs capacités à coloniser l'avenir moderne. Dans leur processus d’individualisation, on peut dire d’eux qu'ils individualisent également le conflit général entre sociétés occidentales et non occidentales. La recherche sur les jeunes des minorités ethniques et leurs trajectoires éducatives et professionnelles doit refléter les processus d’action dans lesquels ils s’engagent, entre la culture de leurs parents et une future vie moderne. L’individualisation dans la perspective de l’action individuelle Pour comprendre les jeunes et plus particulièrement ceux issus des minorités ethniques, il faut tenir compte du fait qu’ils construisent leur monde et leur quotidien dans des conditions sociétales nouvelles qui sont celles de la société majoritaire. Ces jeunes ont tendance à privilégier l’action individuelle et à s’engager pour devenir des acteurs sociétaux, plutôt qu’à se focaliser sur la pression que la société exerce sur eux pour qu’ils s’intègrent – et qui bien souvent régit leurs actes. La théorie de l’action/l’activité s’appuie sur la reconnaissance d’un aspect central : l’action humaine est intentionnelle. Les jeunes agissent au quotidien avec pragmatisme et de façon délibérée. Cette conception met en exergue l’importance de la question du genre, en particulier la situation de la femme. La position de cette dernière dans la société est en effet une donnée importante pour la compréhension de son action. Il faut souligner à cet égard que les femmes des minorités ethniques se trouvent dans une situation encore plus particulière. La façon dont l’individu comprend les conditions sociétales, sociales et individuelles est déterminante concernant l’action individuelle. Donner un sens à la vie quotidienne devient alors essentiel. Les conditions que l’individu juge importantes dans une situation spécifique sont cruciales pour sa capacité à faire face aux problèmes et aux tâches. La perception de son appartenance à un groupe et à un contexte social identifié a également un impact sur son activité. Ainsi, la connaissance et la capacité que confère la connaissance, autrement dit une façon de donner du sens à la vie sociale et à soi-même, sont des aptitudes cruciales qui aident à affronter le quotidien. Le développement d’activités, de la capacité conférée par la connaissance et de la compréhension de soi intervient dans le contexte des relations et des échanges sociaux, qui sont cruciaux pour l’actualisation des conditions individuelles et sociétales. Pour les jeunes des minorités ethniques, la société rime souvent avec discrimination et exclusion – conditions sociales et sociétales qu’ils peuvent mieux affronter du fait des relations qui les unissent. Par exemple, les cultures des jeunes des minorités ethniques présentent des formes communes de modèles d’activités que mènent les jeunes pour s’adapter à leur vie. Partant, les cultures renvoient à la fois à des activités et aux valeurs qui sous-tendent les activités. Par conséquent, l'individualisation des jeunes des minorités ethniques est un processus de construction qui à la fois dépend des structures et des organisations et les développe. Parallèlement, cette approche souligne que les jeunes ne sont pas engagés dans la quête d'une identité comme objectif de développement. En fait, ils tentent de prendre part aux défis de la vie quotidienne et de les relever et, dans ce processus, ils vont développer leur identité personnelle. Il leur appartient de déterminer ce qu'ils sont capables de faire. Projet Up2Youth (« A vous de jouer, les jeunes ! ») Dans le projet Up2youth, nous nous sommes immergés dans ces défis. Nous avons examiné le processus d'intégration sociale des jeunes des minorités ethniques dans l'Europe moderne. Pour faire face à ces défis, nous avons développé les dimensions théorique, méthodologique et analytique de notre projet, afin de conceptualiser ce qui est nécessaire pour comprendre ce processus. Au plan politique, le projet examine les conditions et les possibilités de l'action individuelle des jeunes des minorités ethniques dans différents régimes de transition, sous l’influence conjuguée des systèmes éducatifs, du marché du travail et des modes d'intégration. Au niveau analytique, le projet tente d'intégrer les concepts de l'action individuelle dans les transitions de jeunesse, avec un nouvel éclairage, en modifiant les ressources biographiques des jeunes membres des minorités ethniques. Le fait de mettre l’accent sur la transition vers le marché du travail permet d’examiner comment les politiques publiques peuvent reconnaître les ressources individuelles, en transformant les structures d’inégalité en capital social et culturel. Au niveau analytique et théorique, le défi consiste à associer les questions de l'ethnie et la compréhension de la jeunesse. L'intégration sociale des jeunes Occidentaux renvoie aux aspects modernes de l'individualisation et donc à la tâche d'apprendre à fonctionner « culturellement » en tant qu'acteurs du monde occidental moderne. Si de nombreux jeunes des minorités ethniques sont en mesure de relever ces défis, d'autres y répondent en abandonnant les programmes de formation et en développant des sous-cultures qui leur imposent des limites et les marginalisent. Dans cette situation, ces jeunes subissent non seulement la discrimination et/ou le racisme, mais aussi les frustrations générées par le fait de ne pas être reconnus dans la vie quotidienne et dans les sphères d'intégration que sont l'école et le travail. Au niveau méthodologique, nous avons tenté d'élaborer des approches propices à une analyse comparative. Le « coefficient d'intégration » fait clairement apparaître que la comparaison ne doit pas s'effectuer seulement sur un plan général entre les groupes ethniques en Europe, mais également entre les différents groupes de jeunes dans un même contexte social (Jensen et al, 2006). Ce même coefficient a mis en évidence que l'intégration doit être envisagée dans un processus social contextuel. Les connaissances contextuelles sur les activités éducatives et professionnelles ainsi générées sont alors susceptibles d'être comparées à un niveau plus général. En procédant à une comparaison contextuelle entre jeunes de la majorité et des minorités ethniques, respectivement, il est apparu évident que la connaissance contextuelle ou locale devait être élargie. Il devenait important non pas de donner un tableau exhaustif mais plutôt quelques exemples d'action contextuelle à l’initiative des jeunes des minorités ethniques. Qui plus est, il était important de déterminer à quoi allaient ressembler ces « projections » et « représentations » dans différentes situations, et de s’approcher des processus d'intégration sociale en tant que processus de l'action individuelle. C'est pourquoi une approche du cas de l'action individuelle a été développée. Notre objectif était d'étudier des exemples de l'action des jeunes des minorités ethniques pour découvrir la façon dont ces jeunes construisent leur action dans les nouveaux contextes sociétaux de l'Europe moderne. Le projet délivre ainsi des informations et des exemples sur ce qu'il faut considérer comme les « meilleures pratiques » dans le domaine de l'intégration sociale des jeunes des minorités ethniques. ____________________________________________ ¹ Cet article est un résumé de l’étude « European ethnic minority youth or the development of bonds and communities in the life of the ‘new youth’ in Europe » présentée lors du NYRIS 10 (10e Nordic Youth Research Information Symposium), 13-15 juin 2008, Lillehammer, Norvège. Pour obtenir l’article dans son intégralité, contactez l’auteur à l’adresse : Sven [email protected]