La formation Sage-femme en l`an 2020
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La formation Sage-femme en l`an 2020
Visions d’avenir La formation Sage-femme en l’an 2020 Ces temps de changement, de réorientation et d’innovation sont aussi des temps de visions d’avenir. L’auteure a esquissé dans un exposé public des représentations tout à fait personnelles de ce que pourrait être le quotidien d’une étudiante du futur qu’elle surnomme Anna. Beatrice Friedli prendre régulièrement en comptéres les besoins des client(e)s et d’adapter en conséquence les offres de prise en charge. Des représentantes des associations de femmes et de familles sont impliquées jusque dans la formation et, par leur présence, elles garantissent une adéquation entre la formation et une orientation conséquente sur les femmes et les familles. Anna est fière d’avoir pu décrocher une place dans la filière tant convoitée de la formation des sages-femmes. Depuis la grande crise financière de 2009, les formations dans le secteur de la santé sont très prisées et les inscriptions pour les différents métiers du domaine médical ont fortement augmenté. Formation théorique Anna est préparée de manièUn point clé de la formation rére optimale par sa scolarité anside dans l’encouragement à la térieure au cours de laquelle elle coopération interprofessionnela obtenu sa maturité fédérale. Tous les futurs étudiants ont dé- Beatrice Friedli, sage-fem- le. Des contenus choisis concerjà les notions de base utiles pour me, ancienne directrice de l’é- nant aussi bien le système de cole des sages-femmes de Zula formation de sages-femmes. rich, depuis 2007 directrice de santé que le système social sont Ils disposent de connaissances l’Institut pour sages-femmes à enseignés en commun avec de base en anatomie, physiolo- la Haute école zurichoise pour d’autres groupes professionnels. Il existe des groupes d’étugie et pathologie, de connais- les sciences appliquées. sances en communication et d’excellentes de interprofessionnels qui examinent et discutent de contenus communs. Selon le compétences en langue anglaise. La filière du Bachelor repose sur ces no- contenu du module, le groupe d’étude se tions de base et elle démarre directement présente différemment. Ainsi, dans le cadre avec les contenus spécifiques aux sages- du module «Conseil», le groupe d’étude femmes. Dès le début de ses études de Ba- d’Anna se compose d’une étudiante en méchelor, Anna a réalisé un long stage dans decine, de deux étudiants en travail social, un des nombreux centres de santé inter- d’une étudiant en soins infirmiers et d’une professionnel créés ces dernières années, étudiante en physiothérapie. Il n’est pas toujours aisé d’apprendre dans dans lesquels les sages-femmes travaillent en collaboration avec d’autres profession- un groupe interprofessionnel. Mais, pour nels. Ce qui l’a particulièrement plu, c’est Anna, ce fut très profitable de comprendre le rôle de la sage-femme. Elle a expéri- quelles sont les compétences et les limites menté ce que c’est d’être une sage-femme de chacune des professions et de leurs recompétente, qui travaille de manière auto- présentant(e)s. Ils ont beaucoup discuté et nome, dans un suivi complet de prise en échangé et ils ont appris ainsi à se respecter charge (conception, grossesse, accouche- mutuellement et à argumenter avec conviction. Une partie de la formation est consament, post-partum et l’allaitement). crée à l’autoformation. Pour cela, un proExamen d’aptitude gramme E-Learning – spécifique pour les Dans l’entretien d’admission pour une pla- sages-femmes et nouvellement développé – ce de formation, Anna a aussi rencontré est à leur disposition. une représentante d’une organisation de Ces dernières années, des enseignantes clientes qui l’a interviewée. En Suisse, ces et des chercheures, des représentantes de dernières années, il est devenu habituel de la fédération nationale et des sages-fem- 34 Hebamme.ch 11/2009 Sage-femme.ch mes praticiennes ont développé des diagnostics spécifiques aux sages-femmes et, ce faisant, ont unifié un vocabulaire spécialisé. Celui-ci est également appliqué dans la structuration et dans les contenus des études. A côté des diagnostics spécifiques aux sages-femmes, sont enseignées et exercées de manière pratique des expertises de sages-femmes comprenant également des examens corporels complets. Autre élément important: le développement de compétences de conseillère, entre autres dans les domaines du diagnostic prénatal et de la médecine reproductive. Plus important encore: les contenus de santé publique et de prévention qui touchent à la détection précoce de situations complexes, par exemple la surcharge de stress des parents durant le post-partum ou la maltraitance du nouveau-né. Le protocole de prise en charge par la sage-femme est également expliqué en termes de normalité, d’écart par rapport à la norme et d’erreur. Anna trouve très passionnant les thèmes de formation portant sur Le travail scientifique et La recherche par les sagesfemmes. Elle s’amuse à éplucher les banques de données, à dénicher de nouveaux résultats de recherche et à en faire la critique. Il arrive très souvent qu’elle s’engage dans des discussions passionnantes avec ses enseignant(e)s ou avec ses formatrices praticiennes sur son lieu de stage. Elle apprend à observer systématiquement, à s’interroger, à réaliser des examens corporels, à poser des diagnostics spécifiques de sage-femme et à planifier à partir de là des objectifs et des mesures, à les mettre en œuvre et également à les évaluer. Enseignant(e)s Les enseignant(e)s de la formation théorique considèrent Anna comme très engagée. Toutes les candidat(e)s ont au moins une maturité fédérale et ont appris à apprendre. Les enseignantes des modules spécifiques aux sages-femmes travaillent toutes également à temps partiel dans la pratique. Cela signifie que la formation reste proche de la pratique, que les enseignant(e)s connaissent très précisément les nouveaux développements de la pratique et que les étudiant(e)s profitent de ces connaissances actualisées. Les simulations permettent d'entraîner les gestes de base du métier. De même, les sages-femmes qui font de la recherche sont toujours actives dans l’enseignement à temps partiel et elles apportent ainsi les nouveaux résultats de la recherche dans leur enseignement. Entraînement des aptitudes en salle d’exercice et en laboratoire pédagogique Par un entraînement en salle d’exercice, Anna se prépare sérieusement au travail pratique. Elle exerce des gestes et manières de faire sur des simulateurs ou avec l’aide de clientes fictives. Des situations problématisées sont filmées et évaluées. Simultanément, Anna reçoit un enseignement pratique à la HES au sein du laboratoire pédagogique accompagnant les étudiant(e)s dans une perspective interprofessionnelle. C’est là que travaillent des sages-femmes, des conseillères familiales, des sages-femmes de communes, des médecins hommes ou femmes, des conseillères de mères ou de pères, des travailleurs sociaux, des soignant(e)s, quelques avocat(e)s, psychologues hommes ou femmes, un éthicien et beaucoup de traducteurs et traductrices. Il existe toute une série d’offres allant du planning familial au sevrage. On s’y concentre sur la manière de conseiller mais aussi sur les programmes de santé et de prévention. Beaucoup de sages-femmes actives dans ce laboratoire travaillent aussi dans les écoles où elles prennent en charge l’éducation sexuelle. Quelquesunes travaillent simultanément comme sages-femmes agréées et accompagnent les mères et les couples durant la naissance dans une clinique proche, à domicile ou dans une maison de naissance. Le laboratoire pédagogique est très apprécié par les femmes et les couples de toutes les classes sociales et de toutes les nationalités. Ils apprécient cette offre interprofessionnelle, l’excellente collaboration entre tous les groupes professionnels et la proximité des étudiant(e)s avec leurs connaissances mises à jour. Echanges nationaux et internationaux La filière Bachelor soigne des échanges intenses tant au niveau national qu’international. Dans plusieurs modules, des enseignant(e)s travaillent depuis l’étranger ou Foto: Urs Siegenthaler ZHAW depuis d’autres HES de Suisse. Des modules sont tenus en langue anglaise; ce qui est important pour que nos étudiant(e)s puissent étudier aussi à l’étranger. Anna est membre d’un réseau international d’étudiantes sages-femmes et elle discute régulièrement avec Lynn, une étudiante d’Angleterre, avec qui elle parle d’études de cas et de facteurs culturels influençant la maternité. Coopération avec la Fédération Anna connaît déjà très bien la situation de la sage-femme travaillant en Suisse. Des contenus de politique professionnelle sont programmés très tôt dans le cursus de formation. En outre, des membres du comité central de la Fédération suisse des sages-femmes participent à l’enseignement et informent sur les développements récents de la politique professionnelle en Suisse. Toutes les sages-femmes de Suisse sont membres de la fédération et une grande partie d’entre elles sont actives dans divers organes. Les sages-femmes sont maintenant également bien formées à agir dans la vie politique et à représenter leur profession dans les nombreux Hebamme.ch Sage-femme.ch 11/2009 35 Les nouveaux concepts de prise en charge tiennent compte du stress des primipares. groupes politiques comme dans les commissions nationales s’occupant de la santé. Anna est membre active d’un groupe d’étudiantes de la fédération et elle s’engage dans des petits projets. A l’avenir, elle souhaite être active dans la politique professionnelle et elle aimerait pouvoir profiter des offres de la fédération Formation par la pratique Anna trouve passionnante la formation à la pratique. Elle a conscience de son énorme responsabilité. Elle sait que beaucoup de femmes et de couples n’auront qu’un seul enfant et qu’il est d’autant plus important de bien planifier et de vivre pleinement l’expérience unique de la grossesse, de la naissance, du post-partum et de l’allaitement. Beaucoup de ces primipares sont toutefois très insécurisées et stressées au début du post-partum et de l’allaitement. C’est pourquoi de nouveaux concepts de prise en charge ont été élaborés pour que ces femmes et ces familles puissent être suivies de manière plus ciblée. Les sages-femmes ont repris dans ce domaine un rôle central. Durant toute la période du post-partum et de l’allaitement, elles sont les premières interlocutrices et les coordinatrices de tous les autres groupes professionnels impliqués. La pratique professionnelle repose sur la recherche. C’est pourquoi des sages-femmes chercheuses travaillent directement à 36 Hebamme.ch 11/2009 Sage-femme.ch l’hôpital avec des chercheurs des autres groupes professionnels. Puisque la Loi sur l’assurance-maladie impose désormais des données scientifiques sur l’efficacité, l’utilité et la rentabilité des mesures, toutes les interventions passent au crible de la critique. Les interventions jugées inutiles sont ainsi évitées pour le bien-être de la femme, du nouveau-né et de la famille. En stage, Anna travaille dans un service obstétrique dirigé par des sages-femmes. Sa formatrice est une sage-femme qui a une riche expérience professionnelle et qui a fait un Master. Pour Anna, elle est un excellent modèle. La sage-femme connaît parfaitement ses compétences; elle est une observatrice scrupuleuse et une experte dans le soutien d’un processus normal. Aujourd’hui après-midi, Anna se réjouit de retrouver comme chaque mercredi, le cercle de qualité interprofessionnel. Tous les groupes professionnels actifs dans le service obstétrique s’y retrouvent pour discuter d’un choix de situations physiologiques complexes. Dans ce cercle de qualité, on examine si les mesures ont effectivement été appliquées et si elles l’ont été de manière correcte, ce qui pourrait être modifié, si la communication entre groupes professionnels s’et bien passée, quels problèmes éthiques se sont posés, si la femme, le nouveau-né et le couple ont bénéficié de la meilleure prise en charge. Foto: Josianne Bodart Senn Les différents groupes professionnels ne sont pas toujours d’accord, loin de là, et le cercle de qualité ne fonctionne pas toujours de manière harmonieuse. Mais les rapports de force entre les groupes professionnels font partie de la formation. Le regard ne se porte plus sur les professions en tant que telles, mais plutôt sur les tâches à assumer. Le but premier de tous les groupes professionnels reste le bienêtre et la santé de la femme, de l’enfant, du couple et de la famille. Anna explique à Maria comment elle va poursuivre sa formation. En 4e année d’études, elle doit faire à nouveau un stage dans une maison de naissance, afin qu’elle puisse agir sans faute avec la plus grande aisance. Et elle voudrait aussi pouvoir faire encore un stage dans un pays nordique. Lieux de naissance Le potentiel de maisons de naissance, que l’Observatoire suisse de la santé a décrit en 2007, a été atteint il y a quelques années: le nombre de naissances à domicile est passé de l% à plus de 10%. La filière Bachelor prépare aussi bien à un travail hospitalier de sage-femme qu’à un travail externe à l’hôpital. Durant ses stages, Anna a rencontré tous les stades d’intervention auprès de femmes à haut risque ou à risque réduit. Les femmes à risque réduit sont prises en charge dans les sages-femmes des ser- F O C U S vices obstétriques. Ces services s’organisent comme des unités. Leur but premier est de se centrer sur la femme et la famille. Le personnel soignant et les étudiant(e)s accompagnent la femme et sa famille depuis l’entrée jusqu’à la sortie et garantissent ainsi une continuité ainsi qu’une sécurité les meilleures possibles. Revue de littérature Identité professionnelle et péridurale La plupart des accouchements se déroulent dans une structure hospitalière Réseautage Anna trouve génial que la formation théorique et pratique, que les sagesfemmes praticiennes, que les sagesfemmes chercheuses et que la Fédération des sages-femmes soient mises en réseau de manière aussi étroite. Elle voit bien que toutes les forces doivent aller dans le même sens, que les HES doivent être soutenues par les sagesfemmes, que toutes les sages-femmes doivent s’engager pour poursuivre la professionnalisation du métier pour que les femmes, leur enfant et leur famille bénéficient d’une prise en charge sûre et adaptée à leurs besoins. Compétences certifiées Tout le monde travaille pour atteindre un même but, celui d’offrir aux étudiantes une formation construite de manière optimale, pour qu’à la fin du cursus elles soient des sages-femmes compétentes, comme le prévoit la description nationale des compétences certifiées, qu’elles puissent mettre en œuvre ces compétences et bien les vivre. L’objectif d’Anna est de terminer avec succès son Bachelor et, après plusieurs années de pratique professionnelle, de s’engager dans une formation de Master. L’idée de devenir formatrice lui trotte aussi dans la tête, car elle aimerait soutenir des étudiant(e)s sages-femmes en formation pratique. En même temps, elle se sent fortement attirée par la recherche. Quelquefois, elle se met à rêver d’une possibilité de faire un doctorat et de travailler plus tard comme sage-femme chercheuse rattachée à une HES ou une Haute école. Quoi qu’il arrive, Anna trouve extraordinaire qu’avec son Bachelor de sage-femme, elle puisse entamer une carrière aussi diversifiée que passion왗 nante. Exposé du 25 mars 2009, lors du symposium de clôture de l’école des sagesfemmes de Zurich, voir texte complet dans ce numéro, p. 4–8. Traduction libre: Josianne Bodart Senn où le taux de péridurale est élevé. Par ailleurs, l’exercice de la profession de sage-femme se déroule elle aussi principalement en milieu hospitalier. Que trouve-t-on à ce sujet dans les ouvrages de référence qui sont censés apporter un certain reflet de ce qui devrait être idéalement le rôle de la sage-femme? Dans son travail de Bachelor, l’auteure a voulu mettre en évidence ce que la sage-femme va y lire et énoncer quelques raisons qui font qu’elle va y trouver un type d’information plutôt qu’un autre. Fabienne Gottraux Antognazza Le travail de Bachelor que l’étudiante sage-femme rédige en fin de formation vise à utiliser la littérature existante de manière discernée et pertinente en lien avec une question de recherche. Il permet de problématiser un questionnement en réalisant une revue de littérature et permet d’ouvrir une perspective de recherche à développer. S’il est fort intéressant de synthétiser et d’analyser les études récoltées dans les différentes banques de données, il est aussi intéres- sant de souligner parfois l’absence d’une thématique. Cette absence dans l’écrit est parfois révélatrice d’un certain «tabou». Il est alors d’autant plus pertinent de s’y pencher afin de renforcer notre identité autour d’une pratique qui, dans ce cas de figure, est relativement commune, la péridurale. L’hypothèse qui a structuré ma recherche est que la vision que la sage-femme a de son rôle en relation avec le soulagement de la douleur et la normalité du travail l’empêche de théoriser un accompagnement spécifique de la femme sous Méthodologie Une analyse du contenu des ouvrages d’apprentissage Objectif Analyser le contenu d’ouvrages destinés à la formation afin de voir ce qui y est transmis à propos du rôle de la sage-femme et de la péridurale. Ouvrages sélectionnés • Cunningham G. et al. (2005): Williams obstetrics (32e éd.) • Ladewig P. W. et al. (2003): Soins infirmiers en périnatalité. Québec, Renouveau Pédagogique (3e éd.) • Lansac J. et al. (2006): Pratique de l’accouchement. Paris, Masson (4e éd.) • Myles (2003): Textbook for midwives. Fraser D.M. & Cooper (14e éd.) • Page A. L. (2004): Le nouvel art de la sage-femme: science et écoute mise en pratique. Paris, Elsevier (2e éd.) • Page L. A. & MacCandlish R. (2006): The new midwifery Science and Sensivity in practice. Livingstone, Elsevier (2e éd.) • Paireman et al. (2006): Midwifery preparation for practice. Australia, Elsevier • Schaal J. P. et al. (2007): Mécanique et Technique Obstétricale. Montpellier, Sauramps medical (3e éd.) Question de départ • Dans un contexte de femme accouchant sous péridurale, le rapport au corps anesthésié devient différent • Il pourrait amener des gestes plus invasifs de la part des sages-femmes. Fabienne Gottraux Antognazza: Construction et transmission des savoirs dans l’art obstétrical: la sage-femme a-t-elle un rôle spécifique dans l’accompagnement des femmes sous péridurale? Travail de Bachelor, Lausanne, HECVsanté, 2009, 125 p. Hebamme.ch Sage-femme.ch 11/2009 37 Favorable à la péridurale Evitement de la péridurale Douleur nuisible techniques Lansac + + Schaal + + Cunningham + + Douleur utile Développement d’autres signalée signalée Page 2000 + + + Page 2006 + + + + survolée Myles + Pairman +/– Ladewig + + + +/– +/– + péridurale. Je précise que mon travail ne En effet, parler de violence ou d’actes s’inscrit pas dans une dualité «Pour ou invasifs sur le corps de la femme s’insère Contre la péridurale» mais bien dans une dans des dimensions qui dépassent le recherche de sens et de développement thème de la péridurale. Si violence il y a, de l’art obstétrical afin de voir comment elle est peut-être en lien avec l’acte d’acl’accompagnement sous péridurale peut coucher, qui peut être perçu comme une être amélioré. Il est nécessaire de postu- épreuve violente en elle-même, mais aussi ler que la péridurale n’est pas une bar- s’insère dans une conception du corps de rière à notre spécificité et de réfléchir non la femme qui permet une certaine intrupas à «Comment rendre ‹normal› l’ac- sivité: conception mécaniste, misogyne, couchement sous péridurale» mais à médicale; conception qui pose le risque «Comment définir des critères de pra- comme principale cause du problème et tique avec la péridurale basés sur la qua- qui, par conséquent, orchestre l’accoulité de l’accompagnement». chement de manière uniforme et peu resMa réflexion a débuté lors de situations pectueuse des rythmes. pratiques où j’ai observé des gestes ou des attitudes différentes lorsque que le Analyse des contenus corps est anesthésié (touchers vaginaux, La population décrite par les auteurs abaissement des releveurs, épisiotomie, instrumentation, sondage, mobilisation concernant les femmes accouchant sous réduite). Je me suis alors questionnée si péridurale est mentionnée sous forme de chiffres (taux de péridurale) ces pratiques étaient justifiées mais n’est pas caractérisée par ou si elles ne découlaient pas plus de détails (parité, gestité, du fait d’une hypothétique âge, moment de la pose de la dépossession ou dépersonnapéridurale, désir initial, etc.). lisation du corps, rendu muet Les ouvrages consultés préet insensible par la péridurale. sentent le rôle de la sage-femUne recherche de littérature me et la péridurale de manière sur cette thématique dans diftrès différenciée: soit la sageférentes banques de données femme semble participer à la (Cochrane, Pubmed, Psychpéridurale dans un axe pureinfo, Sociological Abstract, CINAHL) a été infructueuse en Fabienne Gottraux An- ment biomédical, soit elle tognazza, Bachelor of Scientente d’éviter la péridurale par ce sens que je n’ai pas obtenu ce HES-SO de sage-femme. des interventions. La concepd’études spécifiques en lien avec des gestes invasifs ou des pratiques tion de la douleur peut être abordée selon de sage-femme et la péridurale. Par deux représentations distinctes: ou bien contre, ce qui a été très intéressant pour nocive et inutile, ou bien porteuse de sens moi, c’est le développement d’un cadre et utile. On peut observer que, suivant les de référence, incluant des ouvrages auteurs consultés, ces deux dimensions d’obstétrique et de Midwifery. Cela m’a sont souvent très bien distinctes. Dans la permis de progresser dans ma réflexion et plupart des écrits réalisés par des sagesde prendre conscience que mon interro- femmes, les douleurs de l’accouchement gation s’insérait dans un contexte très ont un sens et leur suppression amène la femme à la passivité, à la vulnérabilité. complexe. 38 Hebamme.ch 11/2009 Sage-femme.ch La représentation positive de la douleur amène la sage-femme à tenter d’éviter la péridurale. La plupart des ouvrages mentionnant la douleur comme nuisible sont en revanche, eux, favorables à la péridurale. • Dans les ouvrages d’obstétrique ainsi que dans le Myles et le Ladewig, l’approche de la péridurale est globalement positive. Le but de la technique est la suppression de la douleur, mais aussi la sécurité de l’accouchement, basée sur la prévention du risque de l’anesthésie générale. • Dans les deux versions du Page, l’approche de la péridurale est basée sur son évitement, justifié par le soutien de la physiologie. • Le Pairman concilie ces deux approches au sein du texte sans les associer. Notons toutefois que le discours est totalement différentié dans des chapitres distincts. • Mis à part le Ladewig, tous les ouvrages favorables à la péridurale négligent les autres techniques de soulagement de la douleur. • Les Page, se positionnant dans l’évitement de la péridurale, développent abondamment d’autres techniques. • Les besoins de la femme sous péridurale ne sont décrits que dans un seul ouvrage (Ladewig), mais pas de manière très spécifique. La satisfaction des femmes est un sujet mentionné par tous les ouvrages, surtout sur un plan statistique, mais pas de manière détaillée quant aux besoins, désirs, souhaits des femmes sous péridurale. L’insuccès de la péridurale est parfois mentionné mais non développé. La réponse aux effets secondaires est presque toujours médicamenteuse. Le corps de la femme est décrit principalement dans une dimension physique, biomédicale, en lien avec les répercussions des effets secondaires, le retentissement sur le processus d’accouchement, ainsi que sur la mobilité, et parfois la poussée. L’approche concrète du corps est abordée par un seul ouvrage, le Ladewig. Les autres dimensions (psychologique, sociologique, culturelle, de communication, individuelle) sont négligées par les auteurs du corpus. L’éthique y est présente en regard de la sécurité technique dans un axe de bienfaisance, mais il n’y a pas d’approche éthique diversifiée par des apports historiques, sociologiques, psychologiques, ou par des intervenants d’autres disciplines pouvant nous amener une vision différente. Le développement du rôle de la sagefemme, s’il est présent, est principale- ment celui d’un rôle médicodélégué exécutant les ordres médicaux. La spécificité mise en évidence est celle liée aux soins techniques, aux surveillances, à l’information, mais sinon presque tout est semblable à l’accouchement sans péridurale. En conclusion, on voit que l’étudiante sage-femme – ou la sage-femme qui cherche un développement de ses connaissances dans ces ouvrages – ne va pas y lire une pratique très approfondie sur un accompagnement spécifique de la femme sous péridurale. Elle va y trouver des informations lui permettant un apport de connaissances médicales, des techniques sur la pose de la péridurale, ainsi que les surveillances relatives aux effets secondaires. Il sera possible de développer une information ou un choix éclairé pour la femme. Par contre, si elle cherche une spécificité de son rôle dans une approche corporelle, gestuelle, psychologique, émotionnelle, elle y trouvera un terrain délaissé et négligé. Le rôle spécifique de la sage-femme serait-il une illusion? Pour moi, il n’est pas possible de prendre une position qui nierait les transformations dues à la péridurale et d’agir comme si tout était indifférent. Cela signifierait une statique, une immobilité de la pratique, une exécution des actes, voire une passivité. Les raisons qui font que ce rôle est peu décrit par les ouvrages sont probablement dues à plusieurs facteurs: • L’argumentation développée dans le Page est cohérente, la sage-femme tente de redéfinir son rôle autonome axé sur la normalité et le soutien de la physiologie, dans un contexte de médicalisation qui la menace. Elle peut ainsi se forger une identité qu’elle seule peut occuper. • Ce faisant, elle se prive de réflexion sur le type d’accouchement concernant beaucoup de femmes et ne se profile pas sur cet accompagnement. • Est-ce peut-être pour cette raison que le seul ouvrage abordant un peu plus à fond ce rôle est un texte écrit par des infirmières et adressé à des infirmières en périnatalité? Je suppose que, n’ayant pas à se positionner dans une identité autonome, opérant à l’hôpital, dans un rôle médicodélégué, elles ne sont pas remises en question par la collaboration et la probable perte d’autonomie due à la péridurale. Cela leur permet donc de théoriser aussi dans les livres ce qui pourrait sembler incompatible aux sages-femmes. Pistes de réflexion La sage-femme porteuse de progrès dans l’art obstétrical 1. Y a-t-il des critères, en concertation avec les autres collaborateurs, pour lever une femme sous péridurale? 2. Proposer des partogrammes tenant compte de l’allongement de la deuxième phase de travail des femmes sous péridurale aurait-il un sens? 3. Quelles sont les propositions concrètes sur la mobilité d’une femme sous péridurale? A partir de quelles représentations (douleur, favorisation du processus d’accouchement, compression des tissus, souhaits de la femme, son autonomie, repos, etc.)? 4. Quelles sont les propositions autres que médicamenteuses pour soulager des effets secondaires (T°, dorsalgies, prurit, nausée, etc.)? 5. Quelles sont les propositions en cas d’insuccès de la péridurale? 6. A-t-on défini les facteurs influençant la réussite d’une péridurale? Peut-on agir dessus? 7. La présence continue de la sagefemme auprès des femmes sous péridurale diminue-elle aussi les taux d’instrumentation? 8. Si la gêne de la femme est causée par de multiples câbles, dans quelle mesure pourrait-on faire une auscultation intermittente aussi sous • Si la sage-femme se positionne dans un axe d’autonomie et qu’elle vit comme un échec cette perte d’autonomie, elle est alors empêchée de réfléchir à cette problématique. Ce qui n’est pas écrit ne se transmet pas A long terme, un tel non-investissement induit la perte de transmission des savoirs qui, sans aucun doute, sont appliquées quotidiennement sur le terrain, mais de manière non réflexive et peutêtre non étudiée. Il s’agit de se placer dans un rôle d’exécution des tâches, pouvant amener à une passivité et rendant la sage-femme encore plus démunie face aux situations changeantes. Si les sagesfemmes ne tentent pas de définir ce qu’elles font, elles n’ont pas d’identité péridurale? Retirer le tocographe et mesurer les contractions à la main, alliant un contact physique à une présence constante? 9. Si la satisfaction de la femme est en lien avec le soutien et la présence, je postule qu’il l’est aussi sous péridurale. Les facteurs en jeu lors de présence continue sont aussi ceux en lien avec les conditions de travail et l’économie. 10. Douleur ou pas douleur, je souhaite prendre position afin de ne pas lier «péridurale» à «absence» et statuer qu’il est préférable pour les sages-femmes de rester dans tous les cas présentes auprès des femmes, même sous péridurale. 11. Il s’agit de réfléchir à comment tirer notre épingle du jeu... de la péridurale... sans retirer l’aiguille ni à l’anesthésiste, ni à l’obstétricien, mais bien dans une optique de collaboration incluant le partage des connaissances par l’échange, l’expérience, la coopération et la pratique réflexive. 12. Il s’agit aussi de prendre en considération la femme, dans ses désirs et sa satisfaction, et de valoriser ce qu’elle, son bébé et son entourage est en train de vivre: la naissance. propre, quand bien même leur travail est effectué sur le terrain. Ce qui n’est pas écrit ne se transmet pas, ou moins visiblement. La technologie a progressé très rapidement dans le domaine de l’obstétrique, et chacune de ces avancées représente un défi et des enjeux pour la pratique des sages-femmes, qui doivent la comprendre et l’intégrer dans une pratique globale. Le recours à la technologie est un phénomène qui soulève de nombreuses questions, en particulier celui de l’évolution du rôle de la sage-femme en regard de cette même technique. Comment être sûres du bien-fondé de notre pratique et de ses implications éthiques si nous ne réfléchissons pas au respect du corps de la femme et donc à l’approche que nous en avons lors de nos 왗 soins? Hebamme.ch Sage-femme.ch 11/2009 39