iceberg - Passeurs d`images
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L’ICEBERG Fiction Couleur - 1h24 Belgique - 2005 Sortie : 5/04/06 VF de Dominique Abel, Fiona Gordon et Bruno Romy distributeur : MK2 Diffusion avec : Fiona Gordon, Dominique Abel, Lucy Tulugarjuk synopsis Fiona est manager de fast-food dans une grise banlieue. Elle habite un petit pavillon banal avec son mari, Julien, et ses deux enfants. Tout va désespérément bien pour elle. Jusqu’au jour où elle se retrouve enfermée toute une nuit dans la chambre froide du fast-food. Ce choc va faire naître chez Fiona un irrésistible désir de glace, de neige... Un beau matin, elle quitte mari, enfants et travail. Elle veut voir un iceberg pour de vrai. Et pour ce faire, elle met le cap vers le grand Nord, accompagnée d’un vaillant marin sourd et muet... Prix du Meilleur film aux festivals du film de Zagreb, de Bogota et de Kiev Avec L’iceberg, Dominique Abel, Fiona Gordon et Bruno Romy tiennent, et avec brio, un pari périlleux : celui de réaliser un film à contre-courant du cinéma dominant. N’était la couleur, on se croirait en effet revenu à la glorieuse époque du muet : presque totalement dépourvu de dialogues, très visuel, leur film est surtout un hommage bien vivant au langage corporel des Chaplin, Keaton et consorts… Elle, par sa raideur, sa maniaquerie, exprime toute la souffrance d’un personnage qui aspire sans le savoir à la liberté, jusqu’au jour où son corps se chargera de le lui révéler. Lui, par sa gaucherie, compose un bel hurluberlu, enfermé dans sa bulle, en totale inadéquation avec le monde, qui ne souffre pas de son autisme mais est aveugle à la souffrance des autres. Le marin, enfin, massif, placide, exhale une harmonie avec la nature due en presse Libération- Anne Diatkine L`un des plaisirs de cet Iceberg est qu’on a envie de le partager comme une excellente glace avec beaucoup de gens. Pourtant, il ne dégouline pas. Il serait même assez tranchant. Télérama - Marine Landrot Une comédie belge à l’inventivité débridée, drôle et profonde, qui évoque Tati. Une révélation. à propos du film grande partie à sa surdité, qui le coupe lui aussi du monde… Est-ce une analyse du genre humain ? Les hommes coupés du monde réel, les femmes souffrant de devoir se coltiner, seules, cette même réalité… Au-delà des références, nos trois larrons réinventent le burlesque, ou plutôt en créent une variante poétique, un peu acide, esthétique sans être esthétisante. Leur travail sur la durée, à travers de longs plans séquences, est remarquable ; celui sur le cadre, les “effets spéciaux” pleins de charme et d’un artificiel assumé, également. On se croirait tantôt dans un film de Tati, tantôt dans un livre de Sempé, tantôt encore dans un cartoon - l’ensemble restant d’une grande cohérence… Bref, chapeau les artistes ! Arnaud Claes - commeaucinema.com 22 l’image et vous plan par plan L’Iceberg de Dominique Abel, Fiona Gordon et Bruno Romy L’Iceberg et les Burlesques De la nature de l’iceberg, nous avons tous retenus de nos cours de géographie qu’il flotte dans les mers glacées et que sa partie immergée (et invisible) est au moins trois fois plus importante que sa partie émergée. Il en est rigoureusement de même avec le premier long métrage du trio, Dominique Abel, Fiona Gordon et Bruno Romy : L’Iceberg (2005). Sous une apparente simplicité et un aspect modeste se cache une multitude de références et d’hommages au cinéma burlesque où sont convoqués ses héros oubliés : Buster Keaton (le père de tous), les Marx Brothers, Jacques Tati, Jerry Lewis… qui revisitèrent souvent les mêmes gags en les réadaptant aux changements de notre société. Citer les innombrables liens de L’Iceberg avec l’Histoire du cinéma n’est pas le dévaloriser, car, par principe, les films comiques font partie d’une tradition d’éternelles répétitions ou de variations à partir de bases communes. Des gags éternels remis au goût du jour. De plus, il est important de préciser que le jeu artificiellement maniéré, les plans fixes et longs, la quasi-absence de paroles annoncent que L’Iceberg redonne vie à l’un des aspects du burlesque qui a presque disparu du cinéma depuis qu’il est parlant : le slow-burn (littéralement “cuisson à petit feu”) où le gag naît d’une longue construction que le cinéma actuel ne peut ou ne veut plus se permettre. Le gag devient le plus long chemin pour aller d’un point à un autre. Au spectateur de déterminer là où le film nous mène. Comme ses illustres prédécesseurs, L’Iceberg ne tente pas de raconter une histoire mais plutôt de dire quelque chose de l’état du monde et de l’âme humaine avec un accent comique pour nous donner l’envie de continuer à vivre, malgré tout, en sortant de la salle de cinéma. Dans Les Temps Modernes (1936), Charlie Chaplin dénonçait férocement l’inhumanité de notre société en prenant pour cible l’industrialisme dévoreur d’homme. L’Iceberg pointe du doigt l’incommunicabilité, le froid qui gagne et risque de geler les sentiments humains, dans un monde où la communication est pourtant sacralisée. Comme de coutume dans le genre, l’intrigue est mince : Fiona quitte son mari Julien et ses deux enfants car elle a compris que son destin est ailleurs et part en quête de l’inconnu. Il sera incarné par René, un capitaine de bateau sourd qui l’emmè- 16 / projections actions cinéma / audiovisuel nera en mer… vers les icebergs. Difficile d’espérer rire à un tel résumé. Mais le comique naît souvent dans le sordide, ainsi que nous l’ont appris les succès burlesques américains, des Charlot au récent Mary à tout prix des Frères Farrely. Voyons alors sous un autre angle l’histoire de L’Iceberg, puisque ce repositionnement dans la vie est exactement ce que tente de nous enseigner le cinéma comique. Fiona, maniaque et psychorigide, dirige un fast-food qui lui prend tout son temps. Un soir alors qu’elle ferme seule le magasin, elle se retrouve coincée dans la chambre froide toute une nuit. Au matin, elle s’est métamorphosée. Cette hibernation forcée lui fait prendre conscience de l’absurdité de sa vie et du décalage existant entre elle et son mari qui tient du mortvivant glaçant. Fiona a effectué une mue comme la chrysalide qui devient papillon : elle s’est enveloppée de sacs de plastiques de couleurs pour survivre dans un carton et elle les effeuille en sortant du fast-food avant de prendre son envol. Son corps qui, dans les premiers plans semblait inflexible, prend vie, mû par une fluidité inattendue. La métamorphose continue la nuit, dans le lit conjugal. Fiona rêve d’un iceberg qu’elle va sculpter dans le bac congélateur de son frigo. On pense assurément à la montagne que Richard Dreyfuss sculpte avec de la purée et dont la forme lui a été dictée par les extra-terrestres dans Rencontres du Troisième Type (1980) de Steven Spielberg. Référence importante pour rappeler que L’Iceberg est un film populaire et non pas élitiste comme son apparence première pourrait le laisser présager. Telle un fantôme, Fiona se transforme grâce aux draps blancs du lit en un iceberg triomphant. Au travail, elle se laisse hypnotiser par la chambre froide qui fut sa prison la veille et qui l’appelle… Elle décide alors de se cacher dans le camion frigorifique qui livre les frites et part à l’aventure : ce plan par plan l’image et vous sera la frontière franco-belge où le camion sera arrêté par la douane car des familles africaines de sans-papiers s’y cachent, elles aussi en quête d’un monde meilleur. L’Iceberg réussit à nous faire appréhender de façon humaine ce problème que l’on ne voit souvent que d’un œil sur les pages glacées des magazines. Sans autres explications, Fiona embarque dans un bus de personnes âgées en vacances. Elle se fond dans le groupe pour nous dévoiler un autre tabou de notre société : l’ostracisme dont est victime le troisième âge. Sans doute les seuls personnages du film à être entiers et vrais. Au-delà de la vieillesse, ils incarnent la sagesse populaire, ce qui explique sans doute pourquoi ce sont les seuls personnages du film à être réellement doués de parole. Comme chez Tati où les mots, soit inaudibles, soit absents, servent à la critique d’une société qui parle trop mais ne s’écoute pas. Au bord de la mer du Nord, Fiona rencontre une montagne humaine, un iceberg à lui seul tellement il est froid et massif. Comme un iceberg, il doit cacher une richesse et Fiona tentera de la trouver ! Son nom ? René, prénom symbolique qui rappelle la quête de renaissance de Fiona. Elle qui ne parle plus se retrouve face à un homme sourd : ils ne pourront que s’entendre ! Il est le capitaine d’un frêle esquif : “Le Titanique”. De nouveau, L’Iceberg nous attire en terrain connu : la love story qui rapporta près de 2 Milliards de dollars au box-office mondial (21 millions de spectateurs rien qu’en France) et dans laquelle l’amour de Leonardo Di Caprio et Kate Winslet était mis en péril par un iceberg. Comme dans le Titanic (1997) de James Cameron, deux hommes que tout oppose s’affronteront pour l’amour d’une femme unique puisque Julien a compris qu’il aimait Fiona. Il jouera les passagers clandestins dans le Titanique et les accompagnera vers les mers arctiques. Point de pyrotechnie pour le final comme dans le film modèle, mais un retour à la situation initiale où les héros du film ont tous changé pour le meilleur : Fiona et Julien se sont prouvés leur amour et ils se retrouveront sans doute quand ils reviendront à terre. René, contre toute attente - ou presque renaîtra aussi puisque les trois marins d’eau douce sont repêchés des eaux glaciales par une femme inuit, Nattikuttuk, que l’on a découvert en introduction du film ; elle s’adressait aux spectateurs et nous apprenait qu’elle est l’une des dernières à pouvoir parler le inuktitut, qu’elle rêverait d’apprendre à son enfant et à son futur mari. Dans le plan final, nous découvrons Nattikuttuk, René, qui a miraculeusement retrouvé l’ouïe et leur fils. Ils nous souhaitent au revoir en inuktitut, “une langue que personne ne parle”, ainsi qu’elle le disait au début du film. Ici se concentre la symbolique du film : cette langue oubliée, c’est l’innocence burlesque développée tout au long de L’Iceberg, qui dénonce les travers d’une société artificiellement chaleureuse où les relations humaines se gèlent et se figent. Les auteurs de L’Iceberg, pour leur part, voient tout autre chose dans leur film - à moins qu’il ne s’agisse d’une ultime dérision : “L'Iceberg parle de notre héroïsme dérisoire, notre prétention naïve, notre besoin fondamental d'amour, de surpassement et du cortège d'échecs, de ratages, de désarrois temporaires qui égratignent notre optimisme sans jamais en venir à bout”. Peu importe, du moment que L’Iceberg réchauffe les salles de cinéma de rires, des rires au début discrets mais qui peuvent finir par devenir convulsifs. NACHIKETAS WIGNESAN L’Iceberg de Dominique Abel, Fiona Gordon et Bruno Romy Sortie en salle le 5 avril 2006. Prix “cinéville - un été au ciné” Lors de la cérémonie de clôture de la 16e édition du festival Ciné Junior, festival de cinémas jeunes publics du Val-de-Marne (18 janvier au 1er février 2006), le prix “cinéville - un été au ciné” a été attribué à L’Iceberg par un jury composé de trois coordinateurs régionaux de l’opération, Wilfried Jude (Centre Images), Elvire Le Cossec (Pôle Image Haute-Normandie) et Loïc Grelier (Cinémathèque de Toulouse). Ce prix permet au film d’être soutenu par les partenaires du réseau et diffusé dans les salles à l’occasion de séances spéciales. Festival Ciné Junior 94, http://www.cinejunior94.org/ actions cinéma / audiovisuel projections / 17