Pourquoi nous avons besoin des États

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Pourquoi nous avons besoin des États
L’ECHO JEUDI 29 NOVEMBRE 2012
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Pourquoi nous avons besoin des
États-Unis d’Europe maintenant
consacrer 1 ou 1,05 % du produit intérieur brut de l’Europe au financement du budget commun de
l’Union européenne, et nous nous
étonnons, en même temps, de rencontrer plus de difficultés que les
États-Unis pour mobiliser des
forces de croissance sur notre
continent. Mais les États-Unis disposent, à Washington, d’un budget
fédéral représentant environ 35 %
de leur produit intérieur brut.
VIVIANE REDING
Vice-présidente de la Commission
européenne et commissaire chargée
de la Justice et des Droits fondamentaux.
P
our sortir de la crise de la
dette et de la crise financière actuelles, l’Union européenne devrait s’engager sur la voie qui mène vers les
États-Unis d’Europe. Cette voie
conduit vers plus de démocratie et
vers un modèle de gouvernement
tirant les bons enseignements des
erreurs du passé.
«Un jour viendra où les armes vous
tomberont des mains, à vous aussi!
Un jour viendra où la guerre paraîtra
aussi absurde et sera aussi impossible
entre Paris et Londres, entre Pétersbourg et Berlin, entre Vienne et Turin,
qu’elle serait impossible et qu’elle paraîtrait absurde aujourd’hui entre
Rouen et Amiens, entre Boston et Philadelphie. Un jour viendra où vous
France, vous Russie, vous Italie, vous
Angleterre, vous Allemagne, vous
toutes, nations du continent, sans perdre vos qualités distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez étroitement dans une unité supérieure…»
Cette vision des États-Unis d’Europe, c’est l’écrivain français Victor
Hugo qui la décrivait, dès le milieu
du XIXe siècle. À l’époque, notre
continent devait encore traverser
de sanglants conflits, qui allaient
détruire l’Europe à deux reprises
en vingt ans, de la plus brutale des
manières. Et pourtant, nous les Européens avons accompli une œuvre extraordinaire, dont nous ne tirons que trop rarement fierté: aujourd’hui, plus de 500 millions de
personnes vivent en paix et en liberté dans l’Union européenne.
Plus de 315 millions d’entre elles se
partagent une monnaie unique,
l’euro. À entendre les nombreuses
déclarations sur la crise, on pourrait penser que l’Europe est mal
partie. Il est vrai que plusieurs États
membres de l’UE ont de graves
problèmes. Pourtant, les scénarios
catastrophe d’un éclatement de la
zone euro, dont on nous rebat les
oreilles depuis des mois, ne se sont
pas réalisés. Et ne se réaliseront
pas.
Un ministre, un budget
Si l’on veut des politiques budgétaires stables dans la durée qui
soient aussi solidaires, on a besoin
d’un ministre européen des finances responsable devant le Parlement européen et doté de droits
d’intervention clairement définis
vis-à-vis des États membres. Et d’un
budget européen disposant de
fonds qui lui confèrent, dans l’intérêt de tous les Européens, une capacité réelle de mettre en œuvre
une politique de croissance.
Les progrès accomplis ces trois
dernières années afin de stabiliser
l’Union monétaire sont considérables. Le nouveau mécanisme européen de stabilité (MES), qui peut
activer jusqu’à 500 milliards d’euros, est une réalisation historique.
Il en va de même du pacte budgétaire européen, sur la base duquel
25 États européens se sont engagés,
de façon crédible, à assainir leurs
finances publiques et à mettre en
place des freins nationaux à l’endettement. Quant aux actions de la
Banque centrale européenne, elles
sont aussi d’une importance inestimable pour préserver la stabilité
de l’euro. Ce sont là des mesures de
lutte contre la crise qui sont toutes
importantes. Néanmoins, même si
elles permettent de gagner du
temps, elles ne peuvent se substituer à une stabilisation durable de
la construction vacillante issue de
Maastricht.
Démocratie parlementaire
Ce qu’il nous faut, c’est un approfondissement politique et démocratique fondamental de l’Union
européenne existante. Dans le feu
de l’action, le pacte budgétaire et le
mécanisme de soutien permanent
(le MES) ont dû être adoptés en dehors des traités européens. Dans
une démocratie parlementaire, pareille solution ne peut – et ne doit
pas – s’inscrire dans la durée. On ne
On ne peut pas
laisser des troïkas
d’experts financiers
indépendants
prendre toutes
les décisions!
À entendre
les nombreuses
déclarations sur
la crise, on pourrait
penser que l’Europe
est mal partie.
Aujourd’hui,
l’important, c’est
de placer les bons
jalons pour l’avenir.
On a besoin d’un
ministre européen
des Finances,
responsable devant le
Parlement européen.
Et d’un budget pour
une réelle politique
de croissance.
peut pas laisser des troïkas d’experts financiers indépendants
prendre toutes les décisions! À
mon avis, il faudrait au contraire
discuter ouvertement, au sein du
Parlement européen, du caractère
juste ou erroné des différentes
orientations. Au début de l’année,
la chancelière allemande, Angela
Merkel, a proposé de transformer
la Commission européenne en un
gouvernement européen. Ce changement de dénomination me paraît juste, je trouve même qu’il n’a
que trop tardé.
Personnellement, j’ai déjà été
élue cinq fois d’affilée au Parle-
ment européen par les citoyens
luxembourgeois. Et je trouverais
souhaitable que l’élection préalable d’un commissaire au Parlement européen devienne la règle à
l’avenir. C’est en 2014, lors des élections européennes, que se présentera la prochaine occasion de voter
ces modifications.
Pour les États-Unis d’Europe, il
nous faudra, comme aux ÉtatsUnis d’Amérique, un régime bicaméral. Peut-être aurons-nous, un
jour, besoin d’un président de la
Commission européenne directement élu, comme l’a proposé le ministre des Finances allemand,
Wolfgang Schäuble, et comme l’a
inscrit récemment dans son programme le Parti populaire européen. La campagne électorale aux
États-Unis a montré l’effet mobilisateur que peut avoir, pour un
continent tout entier, le fait de se
décider pour une personne donnée. Pareille décision exige toutefois, des hommes et des femmes
politiques, qu’ils soient aptes et
disposés à accepter le dialogue direct avec les citoyens, y compris
dans un «town hall» au fin fond de
l’Ohio. En Europe, il est probable
que seuls les candidats connaissant plusieurs langues auront une
chance dans ce type de campagne
électorale directe.
Nouvelle dynamique
Il va de soi que nous ne pouvons
pas créer les États-Unis d’Europe
du jour au lendemain. Nous aurons sûrement besoin de nouveaux
traités et, en Allemagne, d’une modification de la loi fondamentale.
Nous devrons nous demander si
tous les États membres de l’UE ou
seulement les États membres de la
zone euro veulent se risquer sur la
voie qui mène vers l’avenir fédéral
de l’Europe. La position qu’adoptera le Royaume-Uni jouera un rôle
déterminant à cet égard. Dans leur
livre «Cette fois, c’est différent», les
économistes Kenneth Rogoff et
Carmen Reinhart ont prédit, en se
fondant sur une analyse détaillée
des crises financières de ces huit
derniers siècles que, «sous la pression de la crise, une dynamique va
naître, et elle sera d’une ampleur encore inimaginable aujourd’hui: en fin
de compte, les États-Unis d’Europe
pourraient voir le jour beaucoup plus
tôt que ne le pensent la plupart des
gens».
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Les sites d’e-commerce permettent
à l’acheteur de conclure des
contrats à distance et, notamment,
avec des vendeurs situés dans des
pays autres que celui où il réside. Il
peut ainsi commander et recevoir
des biens en restant derrière l’écran
de son terminal. Mais lorsque le
bien convoité a une certaine valeur
ou lorsque le consommateur est
méfiant, il préfère généralement se
rendre chez le vendeur pour tester
l’objet et finaliser la vente. Dans ce
cas, le contrat de vente n’est pas, à
proprement parler, conclu à distance, mais dans les locaux du vendeur.
Dans le cas des ventes à distance
transfrontalières, le droit de
l’Union européenne protège le
consommateur, en tant que partie
contractante la plus faible, en lui
facilitant l’accès à la justice notamment par une proximité géographique avec la juridiction compétente. Ainsi, le consommateur peut
assigner le commerçant devant les
tribunaux de son domicile, même
si ce commerçant est domicilié
dans un autre État membre. L’article 15 du règlement Bruxelles I prévoit deux conditions: (i) le commerçant exerce ses activités commerciales ou professionnelles dans
l’État membre où réside le consommateur ou dirige par tout moyen
(par exemple par internet), ses activités vers cet État membre et (ii) le
contrat sur lequel porte le litige relève de ces activités (1). Les sites d’ecommerce, qui ont souvent vocation à viser activement les consommateurs de pays voisins, tombent
souvent dans le champ d’application de cette disposition.
L’auto de ses rêves
Les bons jalons
Aujourd’hui, l’important, c’est de
placer les bons jalons pour l’avenir.
Pour résoudre efficacement un
problème, il faut d’abord en analyser correctement l’origine.
Lorsque l’Union monétaire a vu
le jour dans la ville néerlandaise de
Maastricht en 1991, une banque
centrale européenne indépendante a également été créée. Mais
pas un gouvernement économique
européen. Ce n’est pas un ministre
européen des Finances qui a été
chargé d’épauler l’influent président de la BCE, mais 17 ministres
des finances nationaux.
Il existe bien une monnaie européenne commune, mais pas de
budget européen commun digne
de ce nom, susceptible d’être efficacement employé à des fins de
politique économique. Nous nous
disputons à grand bruit pendant
des mois pour savoir s’il faut
E-commerce:
la protection du
consommateur
se renforce
C’est au sein du Parlement européen qu’il faudrait orienter la politique financière. © AFP
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La Cour de justice des Communautés européennes a récemment été
amenée à préciser les contours de
cette disposition après avoir été saisie du cas d’une consommatrice.
Cette dernière, vivant en Autriche,
avait trouvé l’automobile de ses
rêves sur le site internet d’un vendeur allemand. Après avoir
consulté le site internet du vendeur, dont rien ne laissait entendre
qu’il souhaitait diriger son activité
vers l’Autriche, la consommatrice
l’a contacté. Le vendeur a alors, légitimement, saisi l’opportunité qui se
présentait à lui de nouer une nouvelle relation commerciale. S’en est
suivi un échange d’e-mails, suite à
quoi la consommatrice s’est rendue
chez ce commerçant, établi à Hambourg, pour examiner la voiture, signer le contrat d’achat, payer et repartir directement avec le véhicule.
De retour en Autriche, la consommatrice a constaté que le véhicule
était affecté de vices substantiels. Le
vendeur allemand ayant refusé de
réparer la voiture, la consommatrice a choisi de saisir les tribunaux
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autrichiens. S’est alors posée la
question de savoir si les juridictions
autrichiennes étaient compétentes
et si cette compétence présupposait que le contrat ait été conclu à
distance. En effet, la réglementation européenne exigeait, jusqu’en
2002, que le consommateur ait accompli dans l’État membre de son
domicile les actes nécessaires à la
conclusion du contrat. Toutefois, la
réglementation actuelle n’exige
plus explicitement que les contrats
soient conclus à distance.
La Cour a répondu par la négative (2): le fait que le consommateur
se soit rendu dans l’État membre
du commerçant pour signer le
contrat n’exclut pas la compétence
des juridictions de l’État membre
du consommateur si les conditions
de l’article 15 sont strictement remplies. En d’autres termes, la possibilité pour un consommateur d’assigner, devant les juridictions de son
État membre, un commerçant domicilié dans un autre État membre
n’est pas subordonnée à la condition que le contrat ait été conclu à
distance. Selon la Cour, l’ajout
d’une condition supplémentaire de
conclusion à distance du contrat
serait contraire à l’objectif de la disposition interprétée, qui est la protection du consommateur en tant
que partie faible au contrat.
Il suffit que l’activité du commerçant ait été dirigée vers l’État
du domicile du consommateur. À
cet égard, tant la prise de contact à
distance, que la réservation d’un
bien ou d’un service à distance sont
des indices de rattachement du
contrat à une telle activité. La Cour
renforce donc la protection du
consommateur car, en l’espèce,
c’est la consommatrice autrichienne qui était à l’origine des
liens contractuels. Ce qui est décisif, dès lors, est que le commerçant
«ait manifesté sa volonté d’établir des
relations commerciales» avec les
consommateurs d’un autre État
membre (3). Bien que le site internet
du professionnel était passif, celuici savait cependant qu’il concluait
un contrat avec un consommateur
Vivant en Autriche,
elle avait trouvé
l’automobile de
ses rêves sur le site
internet d’un
vendeur allemand.
d’un autre État membre. Il a par ailleurs démontré, par les échanges
de courriels et par les différents appels téléphoniques, qu’il était «disposé» à diriger son activité vers
l’État membre de la consommatrice.
La notion de «direction d’activité» est donc interprétée de plus
en plus largement, ce qui a pour
conséquence d’augmenter le
risque, pour le professionnel, de se
voir assigner dans un pays étranger
au sien. La réglementation européenne étant impérative en matière de compétence territoriale, le
vendeur veillera, au moyen de
conditions générales adaptées, à
encadrer au mieux sa responsabilité dans de tels cas.
(1) Article 15, § 1, c, du Règlement (CE)
n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre
2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des
décisions en matière civile et commerciale,
JOUE L 307/2001.
(2) CJUE, 6 septembre 2012, Aff. C-190/11,
Daniela Mühlleitner c. Ahmad Yusufi et
Wadat Yusufi.
(3) CJCE 7 décembre 2010, Aff. C-585/08
Pammer v. Karl Schlütter GmbH & Co.
and Aff. C-144/09 Hotel Alpenhof v. Mr.
Heller, JO C 055, 19/02/2011 P. 0004 –
0005.
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