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COURS 7 : ETUDES DE SURVIE – ETUDES PRONOSTIQUES & LECTURE
CRITIQUE
Julien Mancini, Stéphane Robitail
A- Les études de survie
Les études de survie ne constituent pas un type d’enquête au même titre que, par exemple, les enquêtes
cas-témoins. Ce type d’étude correspond à l’utilisation de méthodes d’analyse particulières, lorsque le
critère de jugement est la survenue d’un décès ou d’un événement de santé particulier. Ces méthodes
permettent d’étudier le délai de survenue d’un événement dont la survenue n’est pas constante. En
effet, l’objectif d’une étude peut être de savoir si une maladie va entraîner un décès ou pas ; mais plus
fréquemment, on souhaite également savoir quand cet éventuel décès va survenir.
Les méthodes d’analyse des données de survie ont été à l’origine utilisée pour étudier la survie de patients
(délai de survenue éventuelle de l’événement décès), mais elles peuvent être utilisées pour étudier toutes les
données dites censurées à droite : c’est à dire l’apparition au cours du temps d’un événement avec des
observations « incomplètes » constituées par les sujets chez qui l’événement n’est pas encore survenu lors
de l’analyse.
Les événements qui peuvent être pris en compte dans ce type d’analyse sont des événements qualitatifs
binaires (présence/absence) qui surviennent au cours du temps de manière non récurrente : le décès, mais
aussi la survenue d’une surdité, d’une récidive d’un cancer, d’une métastase, d’un rejet de greffe, d’une
maladie, etc.
Les études de survie nécessitent la connaissance d’un certain nombre de données. Lorsque le bilan de
l’étude est réalisé à une certaine date, appelée date de point, on doit disposer pour chaque sujet des
données suivantes :
- la date d’origine qui est la date d’entrée du patient dans l’étude, à partir de laquelle la surveillance a
commencé. Cette date peut correspondre suivant le schéma de l’étude à la date de randomisation,
d’opération, au début du traitement, au diagnostic de la maladie… Ces dates d’origine seront
différentes pour chaque malade.
- la date des dernières nouvelles qui est la date la plus récente à laquelle on a pu avoir des nouvelles
du sujet quant au critère étudié (mort/vivant, surdité/non surdité…). Cette date correspond à la date
de la dernière consultation pour les sujets encore vivants ou à la date de décès pour les sujets décédés.
A cette date de dernières nouvelles correspond pour chaque sujet un état qui correspond au critère
étudié (vivant/mort,…).
- A partir de la date des dernières nouvelles, de la date d’origine et de l’état du sujet quant au critère
étudié, il est possible de définir :
- Le recul : c’est le délai qui sépare la date d’origine et la date de point. Ce délai situe le sujet dans le
temps par rapport à la date de l’analyse. Les sujets qui ont un recul identique ont la même date
d’origine. Les reculs minimum et maximum de l’échantillon de sujet suivis définissent
« l'ancienneté » de la série.
- Le temps de participation : c’est le délai qui correspond à toute la durée de la surveillance et qui
sera utilisé pour établir la courbe de survie. Si la date des dernières nouvelles est antérieure à la
date de point, c’est cette date qui sera utilisée pour calculer le temps de participation. Si la date des
dernières nouvelles est postérieure à la date de point, c’est cette date qui sera utilisée pour calculer
le temps de participation. Si le sujet est décédé à la date de point, le temps de participation mesure
sa survie exacte ; si le sujet est vivant, ce délai est inférieur à sa durée de survie. Dans ce cas, les
données sont dites censurées à droite. Les données « censurées à droite » peuvent correspondre à
deux sortes de sujets : les perdus de vue qui échappent à la surveillance régulière dont ils devraient
faire l’objet (il est important de les dénombrer, car les analyses peuvent alors être faussées) ; les
exclus vivants qui sont des sujets suivis régulièrement et vivants à la date de point.
Cours 7 – 2008/2009
1
Exemple : étude de survie débutée le 1er janvier 1977 avec une date de point le 1er juin 1978
Tableau I : Différentes données d’une étude survie, exemple.
Sujet
I
II
III
IV
V
VI
VII
Date d’origine
(DO)
01/77
03/77
05/77
05/77
06/77
07/77
08/77
Dernières nouvelles
(DDN)
10/77
07/78
02/78
08/77
05/78
01/78
03/78
Données de base
Etat à la
Etat à la date de
DDN
point
DCD
DCD
DCD
VV
VV
?
DCD
DCD
VV
?
DCD
DCD
VV
?
Temps de
participation
9
15
9
3
11
6
7
Recul
(01/06/78-DO)
17
15
13
13
12
11
10
Remarque : les données sont censurées à droite pour les sujets II, III, V et VII. Pour le sujet II, on n’a pas
à tenir compte de ce qui se passe au-delà de la date de point puisque la surveillance est censée s’arrêter le
01/06/78 date de l’analyse ; il sera considéré vivant à la date de point (exclu-vivant). L’état des sujets III,
V, VII est inconnu à la date de point (perdus de vue).
†
I
†
II
?
III
IV
†
?
V
VI
†
?
VII
01/01/77
01/06/78
Date de début d’étude
Date de point
Figure 1 : représentation graphique.
A partir de ces données, il va être possible de tracer une courbe de survie. Les méthodes les plus simples
pour établir des courbes de survie sont la méthode de Kaplan-Meier et la méthode actuarielle (voir plus
bas). Elles permettent de répondre aux principaux objectifs :
- descriptif :
Lorsque l’on désire décrire la survie d’une certaine population de malades, ces méthodes permettent
d’estimer principalement la survie médiane et le taux de survie à un temps donné (par exemple, taux de
survie à 5 ans d’un diagnostic de cancer).
- comparatif :
Ces méthodes permettent de comparer des groupes, notamment dans le cadre d’essais thérapeutiques. On
peut par exemple souhaiter démontrer que la survie d’un groupe de patients ayant bénéficié d’un nouveau
traitement est significativement meilleure que celle d’un groupe traité par le traitement de référence. Cette
comparaison univariée fait appel à des tests dérivés du test du chi². Le test le plus classiquement utilisé est
le test du logrank ou certains tests dérivés (Mantel-Cox, Tarone-Ware, Breslow, ou Peto-Prentice). La
comparaison simple de courbes de survie suppose qu’elles ne se croisent pas.
Une autre méthode d’analyse de la survie est basée sur un modèle de Cox. Ce modèle permet d’expliquer
la survenue d’un événement qualitatif au cours du temps (comme le décès) par une (analyse univariée) ou
plusieurs (analyse multivariée) variables explicatives.
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1. Méthode de Kaplan-Meier
Une étude de survie nécessite pour chaque patient la connaissance d’un état (vivant ou mort par exemple)
et d’un délai de survie.
Les courbes de survie de Kaplan-Meïer sont représentées par un graphique en marche d’escalier de
hauteurs inégales, où la survenue d’un ou plusieurs décès à une même date représente la verticale d’une
marche (la hauteur de la marche proportionnelle au nombre d’événements survenus).
A partir des données précédentes (tableau I), on peut construire le tableau suivant en classant les sujets
dans l’ordre croissant de leur temps de participation en indiquant leur état pour chacun d’eux. Le taux de
survie cumulée est recalculé chaque fois q’un événement survient.
Tableau II : Survie (méthode de Kaplan-Meier), exemple.
Temps de
participation
3
6
7
9
9
11
15
Etat
DCD
DCD
VV
DCD
VV
VV
VV
Vivants au début du
temps (a)
7
6
5
4
4
4
4
Décédés (b)
1
1
0
1
0
0
0
Probabilité de survie
(a-b)/a
(7-1)/7=0.857
(6-1)/6=0.833
1
(4-1)/4=0.75
1
1
1
Taux de survie
cumulée
0.857
0.857x0.833=0.714
0.714x1=0.714
0.714x0.75=0.536
0.536
0.536
0.536
Ce tableau permet de construire la représentation graphique suivante :
1
Taux de survie
0.8
0.6
0.4
0.2
0
0
2
4
6
8
10
12
14
16
Temps en mois
Figure 2 : courbe de survie de Kaplan-Meier.
On obtient comme attendu 3 marches d’escalier correspondant aux 3 décès survenus à des temps de
participation différents (fortuitement les marches sont à intervalle régulier : décès à 3, 6 et 9 mois).
2. Méthode actuarielle
Dans ce cas, les taux de survie sont également estimés par un calcul des probabilités conditionnelles mais
les intervalles de temps ne sont plus déterminés par la survenue de chaque décès : on fixe a priori leur
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3
taille (semaine, mois, semestre ou année…). On obtient ainsi des courbes de survie actuarielle, avec un
aspect de segments de droite reliant des points situés à intervalles réguliers au cours du temps.
Pour chaque sujet, on situe la fin de son histoire connue dans l’un des intervalle [ti, ti+1[ en fonction de son
délai de participation.
Pour chaque intervalle de temps [ti, ti+1[, on précise :
- le nombre de sujets vivants au début de l’intervalle juste avant l’instant ti : Vi,
- le nombre de sujets décédés dans l’intervalle de temps [ti, ti+1[ (sans prendre en compte ti+1) : Di,
- le nombre de sujets vivants aux dernières nouvelles dont le temps de participation s’arrête dans
l’intervalle [ti, ti+1[ : Li.
En raison de la longueur des intervalles, le nombre Ni de sujets exposés au risque de décès entre ti et ti+1
n’est pas égal au nombre de sujets vivants au début de cet intervalle. Certains sujets sont vivants aux
dernières nouvelles et ont un temps de participation compris entre ti et ti+1. Ces sujets ne sont donc
exposés au risque de décès que durant la portion d’intervalle pendant laquelle ils étaient encore en
observation. Sous l’hypothèse d’une distribution uniforme des exclusions et des décès dans chaque
intervalle, on peut admettre que les sujets dont l’histoire est censurée dans l’intervalle [ti , ti+1[ ont été en
moyenne exposés au risque de décès pendant la moitié de l’intervalle. On ne les prendra donc en compte
que pour moitié : Ni=Vi-Li/2.
La probabilité de survie conditionnelle juste avant l’instant ti+1 sachant que l’on était vivant en ti peut être
estimée par la formule suivante : Sti+1|ti = (Ni-Di)/Ni
De la même manière que pour la méthode de Kaplan-Meier, la probabilité de survie au temps ti+1 est
égale à : S ti+1 = S ti x Sti+1|ti
Dans la méthode actuarielle, on estime la survie à chaque borne supérieure des intervalles constitués a
priori.
En mettant en œuvre cette méthode à partir des mêmes données que précédemment et en découpant
arbitrairement le temps en période de 4 mois :
Le sujet I est DCD dans l’intervalle
II
VV
III VV
IV DCD
V VV
VI DCD
VII VV
8-12
12-16
8-12
0-4
8-12
4-8
4-8
On peut alors remplir le tableau suivant :
Tableau III : Survie (méthode actuarielle), exemple.
Intervalle i
1
2
3
4
Bornes
ti , ti+1
[0,4[
[4,8[
[8,12[
[12,16[
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Vi
Di
Li
Ni
Sti+1|ti
S ti+1
7
6
4
1
1
1
1
0
0
1
2
1
7
5.5
3
0.5
(7-1)/7=0.857
(5.5-1)/5.5=0.818
(3-1)/3=0.667
(0.5-0)/0.5=1
0.857
0.857x0.818=0.701
0.701x0.667=0.468
0.468x1=0.468
4
Taux de survie
1
0.5
0
0
4
8
12
16
Temps de participation (mois)
Figure 3 : courbe de survie actuarielle.
3. Modèle de Cox
Parmi les modèles multivariés d’analyse des durées de survie, le plus utilisé est le modèle de Cox. Il permet
de calculer une courbe de survie avec un ajustement sur l’influence de plusieurs variables. Ces variables,
qualitatives ou quantitatives, peuvent être choisies ou sélectionnées par des procédures dites « pas-à-pas ».
Pour chacune des variables présentes dans le modèle final, on obtient une estimation du risque relatif
ajusté (hazard ratio) de survenue du décès en présence de la variable, et de son intervalle de confiance. Le
«rapport de hasard» (hazard ratio) égal au risque relatif instantané (à chaque moment) de décès ajusté sur
l’ensemble des variables explicatives introduites dans le modèle. Cela implique l’hypothèse que le risque de
décès dans les différents groupes d’étude est constant dans le temps et similaire dans tous les sousgroupes.
Lecture critique :
Au cours de la lecture d’un article utilisant les méthodes de survie, les éléments spécifiques suivants
doivent être lus avec attention :
- L'estimation d'une durée de vie moyenne n'est appropriée qu'en l'absence de données censurées. En
leur présence c'est la médiane (délai de survie pour lequel on observe une mortalité de 50 % de la
population de sujets inclus dans l'étude) qu'il convient de prendre. Une médiane de survie peut
devenir imprécise si peu d'événements ont lieu dans le temps avant et après celle-ci.
- L'utilisation des méthodes d’analyse des données censurées suppose que le risque de décès soit
constant pendant toute la durée de l'étude.
- Il est recommandé de faire figurer à différents temps sur les courbes de survie, le nombre de sujets
toujours à risque ou un intervalle de confiance afin d’évaluer rapidement la précision de la
courbe à ces temps. Attention à ne pas interpréter une courbe de survie sans tenir compte du
nombre de sujets à risque encore inclus au moment de la fin du suivi. La partie droite de la courbe
(la queue de la distribution) devient instable si peu de sujets à risque sont encore présents.
- La comparaison simple de courbes de survie suppose qu’elles ne se croisent pas.
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B- Les études pronostiques
1. Objectif
Contrairement aux études étiologiques dont l’objectif est l’étude de l’apparition d’un phénomène de santé,
les études pronostiques sont menées pour répondre à un objectif concernant l’évolution d’un phénomène
de santé. Elles portent sur des sujets porteurs d’une affection précise, dont on veut connaître le devenir ou
le pronostic : guérison, rechute, survenue d’une complication, décès… Le champ d’application de ce type
d’étude est large et peut être utilisé dans tous les domaines de la médecine.
Comme pour les études étiologiques, l’objectif principal d’une étude pronostique peut être :
- descriptif (répartition spatio-temporelle des phénomènes de santé et leurs déterminants), par
exemple : quelle est la survie des femmes françaises atteintes d’un cancer du sein ?
- explicatif (lien facteur phénomène de santé) cherchant à mettre en évidence un ou des
facteurs pronostiques en déterminant quels sont les facteurs qui influent sur la survenue d’un
événement : l’âge, le sexe, le stade de la tumeur, la technique opératoire…
Si le facteur pronostique étudié est maîtrisé, une étude expérimentale pourra être mise en place,
par exemple : le repos strict est-il associé à une meilleure guérison d’un purpura rhumatoïde ?
Si le facteur étudié ne peut pas être maîtrisé, on aura recours à une étude observationnelle, par
exemple : la consommation de tabac augmente-t-elle le risque de décès suite au diagnostic de cancer bronchopulmonaire ?
Les études pronostiques sont souvent comparatives car un critère de jugement objectif et précis comme le
décès se prête bien aux comparaisons dans les domaines de la recherche thérapeutique et épidémiologique.
L’identification de facteurs pronostiques non modifiables (âge, sexe, etc.) apporte des connaissances pour
estimer le pronostic d’un patient donné. Elle peut néanmoins être moins utile que l’identification de
facteurs modifiables (tabagisme, sédentarité, etc.) qui va potentiellement permettre de modifier la prise en
charge médicale.
Lecture critique :
- Comme pour toutes les études, les objectifs doivent être clairement défini et précis, annoncé en fin
d’introduction.
- L’objectif doit être pertinent pour modifier les pratiques médicales.
2. Méthodes
2.1. Analyses (survie+++)
Les études pronostiques peuvent utiliser différents types d’enquête et différentes méthodes d’analyse. Une
particularité des ces études est qu’elles s’intéressent le plus souvent au délai de survenue d’un
événement binaire non récurrent comme le décès. Un objectif peut être de savoir si une maladie va
entraîner un décès ou pas. Mais plus fréquemment, on souhaite plutôt savoir aussi après combien de
temps le décès va survenir, ou encore si un facteur entraîne plus rapidement un décès. Les analyses font
donc le plus souvent appel aux méthodes de survie décrites ci-dessus :
- Un essai randomisé comparant deux groupes ne différant que par le traitement reçu ferra appel à
une analyse univariée ; par exemple comparaisons de courbes de survie par test du logrank.
- Une étude observationelle cherchant à déterminer la valeur pronostique d’une variable ferra appel
à une analyse multivariée (modèle de Cox le plus souvent) pour vérifier que l’association
statistique mise en évidence est indépendante des facteurs pronostiques déjà connus et validés
dans la littérature (âge, maladies associées, etc.).
Critère de jugement :
Pour mesurer l’association entre un facteur et une évolution, d’autres méthodes sont possibles.
Si l’on ne prend pas en compte le délai de survenue de l’évolution, on peut utiliser les méthodes classiques
d’étude d’un événement binaire : calcul de risques relatifs et/ou d’odds-ratio complétés si besoin par des
analyses multivariées utilisant des modèles de régression logistique (voir cours sur les enquêtes analytiques
cas-témoins et exposés-non exposés). En effet, l’étude des facteurs de risque de survenue de la maladie
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devient simplement dans ce cas l’étude des facteurs de risque de survenue d’une évolution (= facteurs
pronostiques).
Si l’on n’étudie que le délai de survenue d’une évolution présente dans 100% des cas, on peut utiliser les
méthodes d’étude de variables quantitatives : comparaison de moyennes, régression linéaire.
Finalement, il n’y a qu’un recouvrement imparfait entre études pronostiques et analyses de survie. Ces
dernières pouvant aussi être appliquées pour étudier le délai d’apparition d’une maladie (figure 4)
Études pronostiques
Évolution (O/N)
sans délai
Évolution (O/N) +
délai de survenue
Délai d’évolution
(100% d’évolution)
Maladie (O/N)
+ délai
Méthodes de survie
Figure 4 : études pronostiques et méthodes de survie.
Parmi les différents critères de jugement utilisés pour évaluer le pronostic d’une maladie, le meilleur sera
toujours le plus précis et objectif. Ainsi, la mesure de la survie sans récidive peut introduire un plus grand
risque de biais que la mesure de la survie globale. Par exemple, le diagnostic d’une récidive sur des
arguments radiologiques peut introduire une part de variabilité liée à l’observateur. Pour limiter l’impact de
cette variabilité, particulièrement lorsque l’étude est comparative, l’observateur ne doit pas connaître le
groupe du patient (interprétation en aveugle). La date d’une récidive sera également moins précise que
celle d’un décès car elle peut dépendre de la périodicité du suivi des patients. Chez un perdu de vue, il sera
également souvent possible de connaître l’existence d’un décès et sa date en recourant aux registres de
mortalité alors qu’il est plus difficile d’obtenir des informations sur une éventuelle récidive.
Lecture critique :
- Le critère de jugement doit-être clairement défini, précis et le plus objectif possible.
- La méthode d’analyse doit être adaptée à l’objectif poursuivi et doit faire appel aux méthodes de survie
(données censurées) dès lors qu’on s’intéresse à la fois à la survenue d’un événement et à sa vitesse
d’apparition.
- La recherche d’un facteur pronostique fait appel à une analyse multivariée pour vérifier l'importance
des facteurs les uns par rapport aux autres et éliminer les bais de confusion.
- La précision des estimations pronostiques est fournie (Intervalle de confiance).
2.2. Enquêtes (exposés/non-exposés+++)
En fonction de l’objectif : du critère de jugement et de la possibilité de maîtriser ou pas un éventuel
facteur étudié, différents types d’enquêtes pourront être utilisées.
Le plus souvent, l’objectif est de démontrer qu’une variable est un facteur pronostique pour une maladie
donnée. Le meilleur niveau de preuve sera obtenu dans une enquête prospective comparative :
- essai randomisé si l’on peut tirer au sort le facteur pronostique potentiel (voir cours spécifique),
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7
étude de cohorte comparative de type exposés/non-exposés lorsque le facteur pronostique
potentiel ne peut-être maîtrisé de manière expérimentale.
Le niveau de preuve atteint avec ce dernier type d’enquête est selon l’ANAES un niveau 2 qui correspond
à une présomption scientifique. Il est donc nécessaire de manière similaire à la démarche d’épidémiologie
étiologique d’apporter des arguments en faveur de la causalité de l’association statistique mise en
évidence entre un facteur et l’évolution de la maladie.
-
Ces enquêtes font appel à un suivi des patients. Celui-ci doit être suffisamment long compte tenu de
l’évolution naturelle de la maladie et entraine un risque de données manquantes. Un taux de perdus de
vue élevé devient préjudiciable à l'interprétation des résultats d'une étude et pose la question du devenir de
ces patients, surtout si ce taux est différent entre les groupes comparés.
Lecture critique :
- Le type d’enquête doit s’efforcer d’apporter le plus haut niveau de preuve en fonction des facteurs
pronostiques étudiés (essai randomisé>cohorte>cas-témoins>études non comparatives).
- En l’absence de preuve scientifique établie (niveau de preuve 1), l’étude doit discuter, argumenter par
rapport aux critères de causalité.
- La durée de suivi doit correspondre à la maladie étudiée.
- Le nombre de perdus de vue doit être limité et constant dans les différents groups comparés.
2.3. Population d’étude
Comme pour les autres types d’étude, il faut minimiser les biais de sélection pour obtenir un échantillon
représentatif de la population à laquelle on souhaite généraliser les résultats. En particulier il faut
contrôler la comparabilité des sujets inclus vis à vis de la maladie. Pour une étude descriptive, il faut
s’assurer que les participants inclus ne sont pas en meilleure santé que les non-participants (par exemple,
« healthy worker effect »1) et que leur suivi débute au même stade de la maladie. Pour comparer l’évolution
d’une maladie, les patients inclus dans les groupes comparés doivent être identifiés à des stades
comparables, sous peine de fausser les résultats obtenus.
La taille de l’échantillon (nombre de sujets nécessaire) doit-être définie a priori avant le début de l’étude
pour s’assurer une puissance statistique suffisante permettant de répondre à l’objectif principal fixé. Pour
une étude de cohorte cherchant à identifier un facteur pronostique, l’effectif inclus doit être d’autant plus
grand que le nombre de facteurs pronostiques connus est grand et que le taux attendus d’événement est
faible. Le nombre de sujets à inclure doit prendre en compte le risque de perdus de vue afin d’obtenir
un nombre suffisant de patient lors de l’analyse.
Lecture critique :
- La sélection des sujets doit être décrite, ainsi que le taux de participation initial.
- Les patients sont le plus similaires possibles au départ de la cohorte pour le stade de la maladie.
- Vérifier la puissance statistique.
1
« Effet du travailleur en bonne santé », lié au fait que pour les cohortes professionnelles (par exemple, la cohorte Gazel suivant 20 000
volontaires d’Electricité de France et de Gaz de France), les individus sélectionnés sont capables d'exercer un travail régulier et donc a priori en
meilleure santé que la population générale dans laquelle on trouve des malades dans l'incapacité de tenir un emploi.
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Exercice 1
Deux groupes de patients souffrant de tumeur digestive sont comparés (tumeur bénigne : groupe 1,
tumeur maligne : groupe 2) au cours d’une étude de survie utilisant la méthode de Kaplan-Meier.
L’événement pris en compte dans cette analyse est l’apparition d’une récidive de la tumeur après une
intervention chirurgicale.
Figure 1. Survie sans récidive.
Question 1 : Les résultats présentés correspondent à des analyses uni- ou multivariées ?
Question 2 : Que peut-on dire de la survie sans récidive des deux groupes ?
Exercice 2
Facteurs pronostiques de mortalité chez les patients en état de choc
cardiogénique primaire traités par angioplastie en phase aiguë d’infarctus
Le choc cardiogénique reste la complication la plus redoutable de l’infarctus du myocarde. Il touche
environ 7 à 10 % des patients et représente la principale cause de mortalité hospitalière de l’infarctus.
Son pronostic reste sombre avec un taux de mortalité qui a baissé depuis l’avènement des techniques
de reperfusion (59 % en 1997 contre 70 % en 1975) mais qui reste très élevé.
Parmi les moyens de reperfusion à notre disposition, l’angioplastie est communément considérée
comme la méthode de choix pour traiter les infarctus compliqués de choc cardiogénique. Dans les
études Gusto-I et Shock, le recours systématique à l’angioplastie a permis d’améliorer le pronostic
avec un taux de mortalité proche de 40% contre 60 % pour les chocs cardiogéniques traités
médicalement.
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Le but de notre travail a été de déterminer les facteurs associés :
1) au délai avant angioplastie ;
2) au décès hospitalier (avant la sortie de l’hôpital) ;
3) au pronostic à long terme des patients traités de façon systématique par angioplastie pour un
infarctus compliqué de choc cardiogénique (objectif principal).
Question 1 : Cette étude est-elle descriptive ou explicative ? Justifiez.
1. Matériel et méthode
Population de l’étude
Nous avons inclus rétrospectivement tous les patients consécutifs hospitalisés au CHU XXX entre
janvier 1994 et mars 2004 pour prise en charge d’un infarctus du myocarde compliqué d’un choc
cardiogénique ayant été traités par angioplastie dans les 24 premières heures.
…………………………
Technique d’angioplastie
………………………………………………………….
Évaluation des résultats
Le seul critère que nous avons retenu est la mortalité de cause cardiaque. Tous les décès survenus
pendant la phase hospitalière ont été imputés au choc cardiogénique et donc considérés comme
d’origine cardiaque.
Suivi à long terme
Il a été réalisé par contact téléphonique avec les patients, leur médecin traitant ou leur cardiologue. En
cas de survenue d’un décès la cause a été précisée auprès des médecins référents.
Statistiques
La comparaison des variables continues a été faite par un test t de Student ou une Anova et celle des
variables qualitatives par un test du χ-2 ou de Fischer en fonction de la taille des effectifs.
Une régression linéaire multiple a été utilisée pour définir les facteurs prédictifs indépendants de
mortalité hospitalière.
Une régression logistique multiple a été ensuite réalisée pour définir les facteurs prédictifs
indépendants de mortalité hospitalière.
[…] Les facteurs prédictifs de la mortalité à long terme ont été identifiés par le test du Logrank, puis
une analyse selon le modèle de Cox a été utilisée pour identifier les facteurs prédictifs indépendants.
Toutes les variables avec un p < 0,10 en analyse univariée ont été rentrées dans les modèles
multivariés. Pour tous les tests, une valeur de p < 0,05 a été considérée comme significative.
Question 2 : Pourquoi les méthodes d’analyse de survie ne sont utilisées que pour répondre
au 3ème objectif ?
2. Résultats
Caractéristiques descriptives de la population
Entre janvier 1994 et mars 2004, 175 patients correspondants aux critères de sélection prédéfinis ont
été identifiés. L’âge moyen de la population était de 65 ± 14 ans avec une prédominance masculine
(67 %).
………………………………………….
Caractéristiques angiographiques et procédurales
Une majorité de patients avaient une atteinte coronaire multitronculaire (53 %). La plupart des
angioplasties ont été réalisées sur l’interventriculaire antérieure (45,1%).
………………………………………….
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10
Pronostic à long terme
Cent des 175 patients sont vivants à la fin de la phase hospitalière. Seulement quatre ont été perdus de
vue. La durée médiane de suivi est de 685 jours (interquartiles 336–1603). Durant cette phase 23
patients sont décédés de cause cardiovasculaire et quatre de néoplasie. À neuf ans, la probabilité de
survie chez les survivants de la phase hospitalière est de 63% (Figure).
Figure 1. Probabilité de survie.
Question 3 : Quelle est la méthode utilisée pour estimer la survie post-hospitalière ?
Question 4 : Pourquoi les auteurs ne présentent-ils pas la médiane de survie de
l’échantillon ?
Les facteurs prédictifs de mortalité d’origine cardiaque chez les survivants de la phase
hospitalière sont illustrés dans le tableau. Les deux paramètres associés de façon indépendante
à un mauvais pronostic sont une fraction d’éjection < 30 % (p < 0,028) et une atteinte
coronaire tritronculaire (p < 0,004).
Tableau. Facteurs prédictifs de la survie à long terme chez les survivants de la phase
hospitalière (modèle de Cox)
Âge > 65 ans
FEVG < 30 %
Atteinte tritronculaire
Analyse univariée
RR (IC 95%)
p
2,70 (1,11–6,61)
0,028
2,90 (0,92–5,37)
0,080
3,03 (1,24–7,39)
0,015
Analyse multivariée
RR (IC 95%)
p
2,77 (1,12–6,88)
3,94 (1,54–10,1)
0,028
0,004
Abréviations : RR = risque relatif instantané ; IC 95% = intervalle de confiance à 95%. FEVG =
fraction d’éjection ventriculaire gauche.
Question 5 : Si en plus des résultats fournis dans le tableau, une analyse complémentaire
montrait une forte association entre un âge > 65 ans et une atteinte tritronculaire, comment
interpréteriez-vous le fait que l’âge > 65 ans ne soit pas significativement prédictif de la
survie à long terme dans le modèle de Cox ?
Cours 7 – 2008/2009
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