Quelle place pour la logistique de proximité, les locaux d
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Quelle place pour la logistique de proximité, les locaux d
CYCLE LOGISTIQUE INDUSTRIE Quelle place pour la logistique de proximité, les locaux d’activités, parcs d’affaires et le tissu industriel « light » en Ilede-France et au pied des grandes métropoles régionales ? Jeudi 3 décembre 2015 -10h30 - 12h00 Débat animé par Jean-Philippe GUILLAUME - Président - SUPPLY CHAIN MAGAZINE Intervenants : • • • • • Karl DELATTRE - Président - VALAD FRANCE, GROUPE VALAD EUROPE Julien DESPLAT - Directeur Logistique - OSCARO Christophe RIPERT - Directeur Immobilier - SOGARIS Jean-Paul RIVAL - Directeur Général Adjoint - CONCERTO EUROPEAN DEVELOPER Claude SAMSON - Président - AFILOG 1 L’objectif de cette conférence est de faire l’état des lieux de la logistique/activités et de leur positionnement dans les grandes métropoles et en Ile-de-France. 1 - Pourquoi se positionner absolument à côté des grandes agglomérations ? Quelles sont les raisons de ce positionnement vis-à-vis du foncier ? Claude SAMSON - Président - AFILOG Claude Samson précise qu’il y a plusieurs raisons : On est actuellement dans le sujet avec la COP 21 qui met en évidence le besoin des villes en transition énergétique et en environnement. Il est évident que la logistique urbaine (plus précisément dans la ville) vit au sein d’une « chaine logistique globale ». Pour être « propre » et efficace, cette dernière impose des entrepôts primaires situés à l’extérieur, proches des villes et des lieux de consommation, et est considérée comme la logistique de grande distribution. La logistique industrielle a, elle, intérêt à être proche des lieux de production et non des lieux de consommation. A cet effet, les tendances de fond en Ile-de-France et dans les grandes métropoles régionales montrent « le desserrement logistique » par rapport à l’hyper centre, c’est à dire une logistique qui s’installe de plus en plus loin. En Ile-de-France, c’est très net, on constate au niveau du développement des grands entrepôts, qu’ils se positionnent entre l’Oise, le fond de la Seine-etMarne et voir le début de l’Yonne. Les raisons, entre autres, sont le problème du foncier et de la fiscalité qui sont impactantes en Ilede-France. Julien DESPLAT - Directeur Logistique - OSCARO précise que trouver du personnel devient alors un problème, du fait de l’éloignement. 2- Pour la société Valad – gestionnaire de parc d’activités- est-ce une situation vécue ? Selon vous, comment faire revenir les sociétés en périphérie ? Karl DELATTRE - Président - VALAD FRANCE, GROUPE VALAD EUROPE Valad est une société qui gère une quarantaine d’actifs en France dont 30 parcs d’activités répondant aux besoins des industries et des PME-PMI proposant des locaux polyvalents, modulaires et s’adaptant au mieux au cycle de production des entreprises. Les parcs, à l’origine à la périphérie des villes, ont été gagnés par l’étalement urbain, la croissance démographique et la tertiarisation des quartiers des centres villes. Il y a de plus en plus de difficultés à trouver des industriels qui souhaitent s’implanter en périphérie, à la fois par l‘enjeu de loyer avec la soutenabilité des valeurs locatives affichées et surtout parce que le tissu industriel s’est appauvri. Pour rappel, dans les années 80 : 20% des emplois étaient concentrés dans l’industrie ; actuellement, ils ne sont plus que 10%. En Ile-de-France, c’est pire. Notre enjeu est de remplir nos parcs pour le compte d’investisseurs. Nous nous rendons compte que nous sommes de plus en plus 2 en mesure de répondre à des besoins de loisirs : la « loisirisation » de ce tissu avec des salles de sport, de foot, de basket, d’escalade pour répondre aux besoins de la ville du fait de la situation géographique de nos parcs qui se sont fait gagner par la ville, avec une problématique : - de renvoi systématique des industriels vers une plus large périphérie ; - de soutenabilité, à savoir comment faire revenir l’industrie en centre-ville ; - de logistique, où il faut aussi prendre en considération les normes qui pèsent sur ces locaux souvent polyvalents, qui rendent impossible le stockage de matières de nature combustible, compte tenu des problématique ICPE (ndlr : Installation Classée pour la Protection de l'Environnement) qui rend l’activité plus complexe, avec le besoin de professionnels pour gérer tous ces aspects. Le sujet est plus complexe car il y a l’enjeu de l’entreposage et de la logistique ; de l’emploi avec une désindustrialisation et il faut donc faire attention à ce nous n’arrivions pas à des villes musées, le fait de figer les centres villes de plus en plus piétons et donc tournés vers le tourisme et le loisir. 3- Au niveau de la logistique urbaine, cette situation conduit-elle les promoteurs à détecter et à se positionner plus vite sur les zones les plus stratégiques? y a-t-il une compétition entre eux pour trouver le meilleur endroit à côté des grandes villes ? Jean-Paul RIVAL - Directeur Général Adjoint - CONCERTO EUROPEAN DEVELOPER rappelle les 3 clés en immobilier : « Location, Location, Location » (ndlr : en anglais, c’est-à-dire en français : l’emplacement, l’emplacement, l’emplacement). Il précise qu’il existe une tension sur les fonciers autour des grandes métropoles et un problème de position de la logistique vis-à-vis des populations et des élus ; la logistique, assimilée aux camions qui polluent, gênent le trafic, est davantage vue comme une nuisance que comme un besoin. Il y a globalement nécessité à réhabiliter la logistique comme quelque chose d’aussi important que le transport de passagers et ces fondamentaux doivent être remis en avant auprès des élus ces prochaines années. On a essayé de ce fait de repousser la logistique là où elle se voyait moins, dans des zones lointaines ou les camions gêneraient moins. La logistique n’est qu’un centre de coût. Il faut donc trouver l’équation économique la plus satisfaisante possible pour arriver à amener des marchandises à un coût raisonnable jusqu’à l’utilisateur final (que ce soit un magasin ou un particulier). Aujourd’hui on dit aux « chargeurs »: « allez là où vous pouvez ! Débrouillez-vous pour entrer en ville ». Puis on leur demande d’y mettre de l’environnemental (faire vert, mettre de l’électrique ou des vélos…) mais le consommateur ne veut pas payer plus, alors ils ne le font pas. On est donc sur une vraie impasse car d’un côté la logistique est mal perçue, donc on la repousse, notamment fiscalement ; de l’autre côté, on dit qu’on en a besoin et on dit aux industriels de venir mais on ne met pas les moyens. 3 4- A l’origine, dans les années 60, c’était un choix d’Etat d’installer une zone logistique à proximité de la capitale via Sogaris. La responsabilité du monde politique étant démontrée, pourquoi il n’est plus aussi motivé d’avoir des zones près des grandes agglomérations ? Christophe RIPERT - Directeur Immobilier - SOGARIS précise qu’il ne sait pas si le monde politique est plus ou moins motivé que dans les années 60. A cette époque, la plateforme de Rungis a été installée dans le cadre d’un plan d’aménagement de la Région Ile-de-France, via l’aménageur Paul Delouvrier qui a créé un pôle logistique avec le MIN pour tous les grossistes de l’agroalimentaire, Sogaris pour les messageries et la Senia pour le stockage de marchandises de grandes quantités. Ces grandes surfaces sont restées mais aujourd’hui la ville est venue les rejoindre. Pour rester là, il faut donc repenser ces plateformes, qui ont plus de 50 ans ; et concernant celle de Sogaris –Rungis, qui fait 218 000 m² de bâtiments logistiques, nous avons engagé un schéma directeur pour la reconstruire sur elle-même et la laisser à 8km du périphérique avec un architecte aménageur. Ce schéma repose sur 4 points, répartis sur 15 ans et demandés par les 4 actionnaires qui sont les 4 départements de la petite couronne (Paris, 92,93 et 94) pour maintenir cet outil logistique: - densifier la plateforme (coefficient des sols de 0.40) pour se rapprocher d’un coefficient de 1 avec des bâtiments à 2 niveaux ; - améliorer les accès à la plateforme avec l’ouverture des voiries qui alimentent les villes autour ; - améliorer les services, dont l’implantation d’une station GNV (ndlr : station de gaz naturel pour véhicules) qui a déjà été installée. A cet effet, un service pour aider leurs clients professionnels du transport à créer du froid de façon propre va être créé ; - cibler les activités qui sont tournées vers la distribution urbaine, pour les implanter en priorité sur la plateforme. Il y a donc, en définitive, une réelle volonté politique de nous maintenir implantés là. 5 - La fiscalité semble ne pas être incitative en termes d’implantation parisienne ? Claude SAMSON - Président - AFILOG rappelle que même s’il est difficile d’arriver à convaincre les élus et les politiques du bienfait de la logistique, le cas de Sogaris était sans doute proportionnellement plus éloigné de l’hyper ville dans les années 60 que maintenant. La ville s’étend, donc il y a une raison d’aller plus loin. La fiscalité en Ile-de-France, auparavant, était un outil d’aménagement du territoire et devrait l’être encore. Actuellement, elle repousse les implantations importantes (dites de grandes surfaces) vers l’extérieur, soit 50% de moins qu’avant. En cas de construction d’un bâtiment logistique en Ile-de-France, que cela soit dans le nord du Val d’Oise ou dans le sud de la Seine-et-Marne et juste 5 km derrière, la fiscalité diminue de moitié. Elle n’est donc pas incitative. 4 A cet effet, l’AFILOG se bat avec ferveur avec d’autres associations contre la redevance pour la création de bureaux (RCB) qui s’applique à l’ensemble des bâtiments logistiques en Ile-de-France, faite pour financer le réseau express du Grand Paris (200 millions par an estimé). Le paradoxe est que les bâtiments logistiques construits en Ile-de-France représentent 3 millions de recette de RCB sur 200 millions, alors qu’ils augmentent le coût de la fiscalité de manière importante. Cela pénalise très fortement la construction de bâtiment. Christophe RIPERT - Directeur Immobilier - SOGARIS précise que Rungis est porté par l’Etablissement Public d’Aménagement Orly-Rungis Seine-Amont (EPA ORSA) avec une gestion du territoire pensée de manière large et que le schéma directeur pensé avec la mairie de Rungis se base sur un PLU qui autorise l’augmentation de la hauteur de bâtiments à plus de 40 mètres de haut sur leur plateforme et de 30 mètres de haut en périphérie. Les politiques ont donc entendu leurs demandes. En contrepartie, ils doivent verdir le territoire avec un taux d’espaces verts important. Karl DELATTRE - Président - VALAD FRANCE, GROUPE VALAD EUROPE souhaite revenir sur la question « les grandes plateformes sont-elles de plus en plus loin des centres villes » ? La réponse est Oui ! Ce sont des tendances qui se confirment, avec comme exemple Amazon qui a implanté une plateforme d’environ 100 000 m² près de Douai, et prouvent qu’il y a de plus en plus un éloignement par rapport au centre-ville. Cela pose des enjeux, notamment celui de faire venir les marchandises jusqu’aux clients finaux. Il y a de vraies évolutions du métier, des marchés et de l’industrie et on s’aperçoit que cela devient de plus en plus complexe et que nous avons besoin d’une capillarité de ces flux, qui aillent jusqu’aux clients finaux, du fait notamment du besoin que le produit arrive jusqu’à domicile. Il y aura de plus en plus d’entrepôts en grande périphérie, l’entrepôt sous forme « mini » à proximité des villes et ce schéma où on essaiera d’utiliser tous les moyens de transports possibles, y compris les piétons, les cyclistes pour pouvoir acheminer les produits. Les locaux qui se vident en ville actuellement, pour des enjeux de non attractivité des commerces, pourront servir à l’avenir sur des systèmes d’entreposage. Uber, par exemple, a mis en place des schémas sous différentes formes : Uber Rush pour acheminer des produits par piéton ou vélo pour le dernier kilomètre ; Uber Cargo pour mettre à disposition des coffres de voiture aussi et pour la distribution de repas par exemple, ce que fait Chronopost également. Des acteurs intéressants pour la distribution prennent donc le relai. Est-ce que cela aura un impact sur l’industrie immobilière? Certainement. Est-ce que cela conduit à ce que l’on soit plus vertueux sur la façon de conduire nos opérations ? Oui. Est-ce qu’il faut la mixité de produits pour faire des entrepôts, des locaux d’activité, de bureaux : avis réservé pour l’instant. En effet, les villes ont plutôt des tendances à refuser ces flux de camions. La fiscalité est un vrai sujet pour les investisseurs. Cela va au-delà de la problématique de la redevance pour la création de bureaux. Avec un Etat qui change tout le temps d’avis sur la fiscalité, il est donc difficile de demander à des investisseurs de prendre position. Mais la « Place » se mobilise pour faire évoluer ce système. 5 6 – Est-ce que le E-commerce est en train de rebattre les cartes en matière d’implantations d’entrepôt? Julien DESPLAT - Directeur Logistique - OSCARO ne sait dire si ce secteur rebat les cartes mais précise que la logistique du colis oblige à délaisser les zones urbaines. La logistique de distribution est pourtant en train de revenir et impose d’être proche de la périphérie et des centres. Mais les acteurs de la grande logistique sont obligés de partir à cause de la fiscalité et de l’humain qui est pour, ce dernier point, indispensable pour des entrepôts de 20 à 30 000 m² avec du picking détail à la pièce, et qui nécessite 200 à 400 personnes. Et trouver 400 personnes, avec des manutentionnaires payés aux alentours du SMIC dans la périphérie et dans les centres villes, est impensable. On est donc obligé de partir, pas très loin (ndlr : avec un entrepôt de 9 000 m² à Gennevilliers au départ, Oscaro a dû s’éloigner de 35 km de plus, soit à 50 Km de Paris), pour trouver les hommes et la surface. Ce qui peut être un handicap quand on n’a pas de stock, donc un besoin de surface limitée et sans trouver d’hommes. Sans ces derniers, on ne fait rien malgré la mécanisation et la distribution. Ce sont les distributeurs aujourd’hui qui avantagent les industriels avec les grands hubs et relais colis comme Chronopost, Coliposte et ils sont éloignés des villes. Mais la distribution du nord au sud est aux antipodes de l’écologie. 7- Le fait d’avoir une activité avec beaucoup de main d’œuvre incite-t’il peut-être davantage les politiques à favoriser l’implantation de certains sites ? Julien DESPLAT - Directeur Logistique - OSCARO estime que les politiques sont très intéressés quand on leur parle d’emploi. Néanmoins, ils n’aident pas complétement. Il faut trouver la surface qui est disponible dans la région parisienne et on se heurte au prix et à la capacité à pouvoir faire tout ce que l’on veut dans une surface qui correspond à nos besoins. Pour les ICPE notamment, avec du stockage de batterie et de produits dangereux par exemple, dans la région parisienne, on se heurte fondamentalement toujours à des problèmes techniques. 8 – L’intérêt n’est-il pas de se rapprocher de ses fournisseurs plutôt que du client final? Julien DESPLAT - Directeur Logistique - OSCARO L’avantage d’Oscaro est d’avoir peu de clients dans les centres villes, car ils sont majoritairement implantés en province et ils réparent leur voiture eux-mêmes. Il n’y a donc pas ce handicap au niveau de la distribution, qui est faite par des professionnels et donc peu de problème. Par contre, la vraie problématique est de trouver les fournisseurs. A ce jour, Oscaro travaille en temps réel avec eux, avec des livraisons de 1 à 6 fois par jour ce qui nécessite d’être proches de ces derniers. Les équipementiers ou les distributeurs sont de manière historique autour de Gennevilliers ou disséminés en France, voir en Europe. Oscaro a donc fait un rayon autour de Gennevilliers et leur premier dépôt est situé à Cergy Pontoise. 6 9 – Se rapprocher des fournisseurs, signifie-t-il qu’il faille se rapprocher des grands ports, car ils sont un nœud où les produits arrivent pour être ensuite éclatés ? Cela se complique-t-il du côté des ports ? Jean-Paul RIVAL - Directeur Général Adjoint - CONCERTO EUROPEAN DEVELOPER rappelle que la logique même des flux allait faire que nous allions aller vers des entrepôts plus grands et faire des liens directs avec les centres villes. Nous sommes clairement dans une évolution de la logistique au sens large, avec le « cross canal », le « multi canal » notamment ; dans une logique de sophistication d’inter pénétration de ces flux. A cet effet, aujourd’hui, un industriel ou un distributeur ne peut plus avoir : - un stock dédié à l’acheminement classique de réapprovisionnement de ses points de vente ; - un stock pour ses ventes en ligne ; - puis un stock pour des points relais ou consignes. Nous allons vers moins de lieux, mais des lieux plus grands avec un stock unique, quelle que soit l’activité, pour décider au dernier moment de la destination des produits (e-commerce, outlet, distribution classique, etc.). Pour le cas de produits d’import, il faut choisir au plus près du point d’arrivée. La distribution internationale se fait principalement en maritime et donc en container. Pour rappel, le container a été créé par des américains avec de grandes dimensions en pied et dans ces derniers, on y met difficilement des palettes. Les produits arrivent donc souvent en vrac depuis l’Asie, le Maghreb, l’Amérique du Sud, etc. Mais pour faire de la distribution continentale avec des containers et que l’on veut y mettre des palettes (qui est le support de manutention le plus efficace pour faire de la distribution plus fine), le container est moins efficace pour faire de la logistique alors qu’il l’est le plus pour faire du maritime. Cette logique de vider son container au plus près, soit du port, pour faire de la logistique continentale (en camion, en barge, en train, etc.) nécessite par conséquent qu’il faille se débarrasser du container pour garder le support palette et mettre donc des entrepôts le plus près des ports pour faire de la logistique terrestre avec des moyens terrestres. D’où ce développement de l’ « hinterland » (ndlr : zone d'influence et d'attraction économique d'un port) autour des ports. Nos voisins du nord (Bruges, Rotterdam, Hambourg, etc.) ont bien compris ce schéma et on y trouve de grandes zones logistiques avec même des entrepôts à une centaine de kilomètres du port, reliés par un canal ou par le fer qui permettent ainsi l‘arrivée massive de produits. On arrive aussi à l’aberration, liée à la proximité des élus et de nos gouvernants historiques, que les flux ne s’arrêtent pas systématiquement en France et passent de Hambourg à Marseille par exemple. La bonne nouvelle est que le régime des dockers a changé, que la vue que le monde a sur les ports français est en train d’évoluer, et que la France a un potentiel fabuleux. Par exemple, Concerto s’est positionné à Honfleur près du Pont de Normandie car ils croient fortement à cette logique d’« hinterland » et à une création de flux importants au pied des ports. C’est déjà la même chose autour de Marseille vu que les ports d’Europe du Nord sont en train de saturer, que les coûts de la logistique et des entrepôts y sont très élevés et deviennent prohibitifs. Dans cette nouvelle approche systémique de se dire que nous allons avoir moins d’entrepôts mais plus grands, avec des liens directs, une fois que les produits sont préparés vers leur distribution finale, on peut avoir ces entrepôts près des lieux d’arrivée et des lieux de distributions près des villes, qui vont 7 permettre ainsi de se réorganiser à l’entrée de ces dernières. Entre la logistique urbaine et la logistique portuaire, il peut y avoir une traction massifiée qui pourra devenir multimodale et donc un peu plus environnementale. 10- Quelles sont les mesures prioritaires en termes d’aménagement du territoire? Claude SAMSON - Président - AFILOG précise qu’il faut : - - - créer un interlocuteur unique au niveau des instances gouvernementales ou régionales pour parler « logistique ». En effet, cela concerne l’écologie, le transport, la ville et donc plusieurs ministères ; simplifier la règlementation de la construction des bâtiments logistiques sur le territoire. La proximité est certes importante pour la logistique urbaine, mais pour les grands entrepôts, les « chargeurs », les e-commerçants sont les interlocuteurs européens voir mondiaux pour la France et ils peuvent construire partout, aussi bien en Belgique qu’en Allemagne, Italie, etc. sans que cela ne pose de problème. En France, pour la construction d’un bâtiment logistique, il faut attendre de 18 à 24 mois. Alors qu’ailleurs, la réglementation fait qu’en 6 mois, on a une autorisation. Il devient donc nécessaire de modifier tout le process de la règlementation; parler de la main d’œuvre (en plus du foncier et de la mécanisation), notamment dans le cas de la mise en responsabilité des entreprises sur la santé des employés sur l’automatisation ; modifier la réglementation sur la hauteur des bâtiments : on ne manque pas de foncier mais il coûte cher ; modifier la fiscalité. A cet effet, une conférence nationale sur la logistique est en train d’être mise en place pour parler de ces sujets. Il est donc indispensable de modifier la réglementation et de mettre en place une fiscalité incitative, sinon la France va continuer à descendre dans l’échelle des pays en matière de logistique (10ème/Monde). Karl DELATTRE - Président - VALAD FRANCE, GROUPE VALAD EUROPE précise que la fiscalité est un vrai sujet pour les investisseurs, qui sont surpris par les modifications régulières donnant lieu à des changements sur les droits d’enregistrement, la règlementation des taxes sur les bureaux, le commerce ou la logistique notamment. Ainsi dans leur choix d’investissement, le rendement étant un facteur déterminant, la France a un taux après fiscalité inférieur aux autres pays. C’est pour cela que l’industrie des investisseurs a plutôt vocation à acheter de la logistique au Royaume Uni (avec 4.5 à 5% en taux de rendement). Il faudrait donc qu’il y ait des engagements du gouvernement sur une pérennité fiscale sur 5 à 7 ans, cette durée correspondant à des programmes d’investissements qui ont du sens. Claude SAMSON - Président - AFILOG ajoute qu’il faut arrêter de bouger en permanence la fiscalité. Actuellement, l’administration fiscale est en train de faire une révision de l’ensemble des bâtiments logistiques pour estimer s’il y a de l’automatisation ou des spécificités qui prouveraient que les bâtiments sont devenus industriels. La requalification de ces derniers signifie une contribution foncière triple. 8 11 – Y a-t-il une méconnaissance du monde politique pour la logistique ? Julien DESPLAT - Directeur Logistique - OSCARO précise en premier lieu que les élus ne se rendent jamais sur les bâtiments logistiques. Par contre, les taxes augmentent. De plus, la pénibilité de l’emploi dans les entrepôts n’est pas prise en compte, notamment sur les poids portés par les employés par jour. Pour exemple, c’est 3.5 kg/colis pour les produits automobiles. Malgré les facilités apportées, ils sont obligés de porter et à ce jour, il n’y a aucune solution proposée. Pour Jean-Paul RIVAL - Directeur Général Adjoint - CONCERTO EUROPEAN DEVELOPER, la logistique est un environnement qui est encore en pleine évolution et ce depuis 15 ans, dont les process évoluent et l’immobilier en est une conséquence. Cette évolution des process systémiques de la logistique est liée à des contraintes, comme la pénibilité donc l‘automatisation, qui entraine des bâtiments de grande hauteur. Mais l’automatisation entraine la réduction de l’emploi et le changement de la nature même des bâtiments. S’ils ne sont pas considérés comme des « bâtiments banalisés », cela fait fuir les investisseurs. Quand bien même on arrive à convaincre un investisseur sur les avantages de la mécanisation et sur la pérennité de l’immobilier, on retombe sur des problématiques règlementaires pour trouver des lieux pour construire des bâtiments adaptés, en globalité sur le territoire. En Europe, on fait d’ailleurs du foncier vertical car il coûte cher et est contraint. Le monde politique commence à se rendre compte que l’automatisation ne va pas toucher que les manutentionnaires, mais aussi les employés du tertiaire ou toutes les personnes qui font des tâches répétitives : l’impact devient donc sociétal. C’est pourquoi, on ne sait pas encore dire quel sera l’immobilier logistique de demain : dans la ville ? En dehors ? Plus loin ? Cela dépendra de modèles qui ne sont pas encore figés. C’est une évolution rapide et systémique. 12 – La logistique urbaine n'est-elle pas à réinventer ? Qu'elle est la position de SOGARIS sur ce point ? Christophe RIPERT - Directeur Immobilier - SOGARIS. SOGARIS conçoit, construit et exploite des bâtiments logistiques. SOGARIS présente pour spécificités d'être une société d'économie mixte, d'être très présente en milieu urbain et d’œuvrer parfois sur des terrains concédés. Sans qu'il ne soit possible de se prononcer sur la nature éventuellement réinventée ou tout simplement adaptée de la logistique urbaine, SOGARIS porte quoiqu'il en soit, un schéma relativement simple pour la logistique urbaine de l'agglomération parisienne qui se décline de la manière suivante : - Les plateformes logistiques urbaines : elles se situent en périphérie des grandes agglomérations sur de très grands territoires (30 hectares voir plus). Ces grandes plateformes jouent le rôle de portes d'entrée logistique de l'agglomération. C'est ici que se situe l'interface entre les flux urbains et les flux très longue distance ; - L'hôtel logistique : on entre ici dans la partie dense de l'agglomération. Pour SOGARIS et au niveau de l'agglomération parisienne, c'est entre l'A86 et le périphérique. Il est constitué d'un seul bâtiment de plus ou moins grande dimension selon l'emprise foncière dont on dispose. Cet hôtel logistique doit être prioritairement intermodale de sorte à pouvoir faire entrer des marchandises dans la partie dense de la ville si possible par le fer ou le fleuve (d'autres techniques restent à mettre en place pour 9 certains types de flux comme le tramway marchandise). SOGARIS développe son premier hôtel logistique dans Paris au niveau de la Porte de la Chapelle. Il s'agit d'un grand bâtiment de 45 000 m². Un second hôtel logistique, très orienté sur les métiers du bâtiment, sera posé aux Ardoines à Vitrysur-Seine ; - Les espaces urbains de distribution : il s'agit du troisième niveau de distribution situé au cœur de l'agglomération. Ces espaces sont implantés dans des structures existantes (épaisseur de dalle, rezde-chaussée d'immeubles, 1er sous-sols d'immeubles, etc.). A titre d'exemple, la société Chronopost exploite à Paris depuis avril 2013, 3 000 m² dans l'épaisseur de la dalle du centre commercial Beaugrenelle, lui permettant ainsi d'alimenter en fret express le 15ème arrondissement. L'idée générale est donc d'implanter plusieurs espaces urbains de distribution, plusieurs hôtels logistiques et au moins 2 voire 3 plateformes logistiques urbaines et de les mettre en réseau. Dans le cas de l'hôtel logistique de la « Chapelle », la mise en place de ce réseau est concrétisée par un lien de type « short-line ferroviaire » qui devrait partir d'une plate-forme amont, porte d'entrée française voir européenne (plate-forme de Dourges ou de Bruyère-sur-Oise par exemple). Un partenariat avec Eurorail, un opérateur ferroviaire Belgo-Américain, a été mis en place à cet effet. Un second partenariat a été conclu avec XPO Logistics, un opérateur logistique commissionnaire de transport ferroviaire, capable d'offrir une prestation globale à des chargeurs présents dans Paris, en recherche d'une prestation globale de porte à porte, de leur entrepôt jusqu'au magasin. Ce partenariat s'explique par un souci des chargeurs de s'épargner un nombre d'interlocuteurs trop élevé. A terme, cet hôtel logistique de la « Chapelle » va permettre l'apport de marchandises dans Paris autrement que par la route, au moyen d'une solution un peu plus urbaine, un peu plus durable. 13 - Pourriez-vous développer le concept d'hôtel logistique ? Christophe RIPERT - Directeur Immobilier - SOGARIS. L'hôtel logistique est un bâtiment plus ou moins grand selon l'emprise foncière dont on dispose. Dans le cas de l'hôtel logistique de la « Chapelle » nous disposons d'une surface de 45 000 m², dont 30 000m² sont voués à la logistique, le reste accueillant d'autres types d'activités, mixées avec la logistique. Cela s'explique pour deux raisons : - C'est d'abord le moyen d'opérer une péréquation financière, de faire supporter à d'autres activités comme les écoles, le commerce, le tertiaire, les data center, ou les équipements publics, le coût du bâtiment et le coût du foncier ; - C'est ensuite le moyen d'améliorer l'intégration urbaine de ces bâtiments. L'hôtel logistique de la « Chapelle » verra son Rez-de-Chaussée totalement occupé par un terminal ferroviaire urbain. Le sous-sol (dont la création a coûté extrêmement cher pour toutes les raisons afférentes à la réalisation de ce type de travaux dans Paris sur un ancien site industriel) sera lui voué à l'accueil d'espaces urbains de distribution. Tout le reste de la programmation sera habillé de tertiaire et d'équipements publics aménagés par la Ville de Paris. 10 14 - Il s'agit donc là d'un exemple à suivre ? Quel est l'avis d'AFILOG sur la question ? Pour Claude SAMSON – Président - AFILOG, c'est effectivement un exemple à suivre. Toutefois, ces bâtiments coûtant extrêmement chers, il faut trouver un investisseur privé susceptible de se lancer dans ce type de bâtiment dont on n'est pas certain de la rentabilité. Les choses sont évidemment plus aisées pour SOGARIS qui dispose d'un actionnariat en partie public. Une réserve doit donc être émise sur le manque d'intérêt que les investisseurs privés pourraient trouver, à investir dans cette typologie de bâtiments. Quoiqu'il en soit, beaucoup de petites opérations moins spectaculaires sont menées pour avancer sur ces sujets. Il peut ainsi, par exemple, être procédé à un regroupement des flux : un seul véhicule va venir livrer l'ensemble des flux dans un quartier ou une rue. Quoiqu'il en soit, deux remarques doivent être faites concernant la logistique de proximité : - Malgré tous les efforts opérés, la logistique reste génératrice de nuisances. Dès lors qu'elle est implantée en milieu urbain, cette proximité entre la logistique et la population pose certains problèmes (nuisances sonores par exemple) ; - Ensuite, se pose le problème de la rupture de charges. Quand on exploite de la logistique, la rupture de charge casse la totalité de la rentabilité d’une exploitation. Jean-Paul RIVAL - Directeur Général Adjoint - CONCERTO EUROPEAN DEVELOPER Le lancement d'Urbismart est dû au constat de la difficile conciliation entre population et logistique urbaine. Face aux nuisances de pollution, aux nuisances sonores et aux risques d'accidents, les villes, sauf à être coercitives, ne sont pas en mesure de réorganiser l'entrée des marchandises en ville car elles n'ont pas la main sur les flux d'origine privée. Parce que le monde n'est pas en silo, la contrainte de la ville n'est pas la contrainte du chargeur, qui n'est pas la contrainte du prestataire logistique. Le chargeur veut que la logistique lui coûte le moins cher possible. Parallèlement, le taux de service doit être amélioré : aujourd'hui, notamment avec le phénomène internet, il relève de la normalité pour un consommateur de pouvoir être livré à n'importe quelle heure, à n'importe quel endroit et cela sans payer d'avantage. On a donc une problématique de complexification d'un côté et de maîtrise des coûts de l'autre. Par ailleurs, le monde du transport en France est un monde très fragmenté (près de 25 000 sociétés de transport en France) regroupant de très petites entreprises souvent à la limite de la rupture. En effet, pour réduire le coût de la logistique la première chose que l'on fait c'est réduire le prix de la prestation de transport. La pression est donc mise sur le transporteur qui n'a plus beaucoup de marge de manœuvre. En somme, chacun optimise. Les transporteurs tirent leurs coûts au maximum, les villes font ce qu'elles peuvent pour essayer d'améliorer les choses. Il faudrait donc songer à repenser le modèle global en faisant tomber les silos dans une logique qui part des grands entrepôts qui sont en dehors de villes (premier kilomètre), jusqu'à l'arrivée en centre-ville (dernier kilomètre). Cette amplitude est en effet nécessaire pour parvenir à régénérer la valeur ajoutée qui permet de repenser le modèle en faisant gagner tout le monde, car si on arrive globalement à faire des économies sur la chaîne, on répond à la problématique du chargeur qui coûte moins cher. Si on redistribue les cartes de cette valeur ajoutée générée aux transporteurs, on 11 redonne de l'air et de la marge aux transporteurs. Et si on arrive de ce fait, quand on est en périphérie, à réorganiser les camions qui vont rentrer en ville dans une logique un camion qui va livrer toutes les boutiques et tous les internautes dans une même rue, on règle le problème de la ville ; mais pour ça il faut oser repenser le problème dans sa globalité et tout le reste en découlera. Ainsi, la mise en place d’une arrivée d'un hôtel proche de Paris et ensuite une distribution, rentrent complètement dans ce modèle. Mais, il faut que le modèle de pilotage existe pour qu'ensuite ces flux puissent s'exprimer physiquement dans la ville et globalement sur le territoire. Christophe RIPERT - Directeur Immobilier - SOGARIS. SOGARIS n'est pas la seule société à vouloir implanter un hôtel logistique dans Paris. Sur le secteur des « Batignolles » sur le faisceau SaintLazare, il y a un autre hôtel logistique en cours de construction par un investisseur privé. SOGARIS a été approchée par plusieurs grandes villes européennes, Genève notamment, qui repense sa logistique urbaine et qui, comme Paris, par une volonté politique, a demandé à la grande distribution suisse de revenir dans Genève par le train. SOGARIS accompagne donc la ville de Genève sur la conception d'un bâtiment similaire à celui de la « Chapelle ». Quoiqu'il en soit, la volonté politique, qui pense le milieu urbain doit apporter une visibilité aux professionnels, un gage de stabilité. Christophe RIPERT note toutefois que sur l'agglomération parisienne, commence à apparaître un schéma en logistique urbaine permettant les investissements. 15 - Quelles grandes capitales, notamment asiatiques, peuvent servir de modèle ? Jean-Paul RIVAL - Directeur Général Adjoint - CONCERTO EUROPEAN DEVELOPER. Au centre de Hong Kong, à proximité du port, est implanté un bâtiment logistique de 18 niveaux dont 14 accessibles par une rampe camion. On peut ici parler de vraie logistique urbaine directement, sans que ne soient nécessaires les trois échelles de taille de bâtiment pour pouvoir livrer. On peut encore mentionner l'existence à Singapour d'une nouvelle plate-forme de logistique mutualisée avec un stockage automatique de 40 mètres dont la moitié en sous-sol. Ce sont donc des projets très ambitieux ailleurs dans le monde avec moins de contraintes réglementaires et une initiative privée plus dynamique. Christophe RIPERT - Directeur Immobilier - SOGARIS A Tokyo, Yokohama ou Osaka de tels entrepôts sur plusieurs niveaux existent également. On peut ainsi donner l'exemple, à Tokyo, d'un entrepôt sur 7 niveaux avec une rampe camion qui est complètement intégrée au milieu urbain. Le 3ème niveau fait office d'espace urbain de distribution, des centres de consolidation sont rattachés à des « downtown » de la mairie de Tokyo et font remonter dans les tours autour de la mairie tout ce qui est marchandises prêtes à consommer, fournitures de bureau, fret express, etc. Cela est très développé au Japon avec des véhicules adaptés, ingénieux, électriques avec des caisses qui peuvent changer de volume en hauteur, en largeur, etc. 12 Jean-Paul RIVAL - Directeur Général Adjoint - CONCERTO EUROPEAN DEVELOPER Jean-Paul RIVAL rebondit sur cette idée de véhicule électrique innovant puisqu'il présente dans une autre conférence un concept permettant de re carrosser un camion de type urbain (porteur de 16 ou 19 tonnes) pour qu'il embarque, à la place des 2 dernières palettes, un petit véhicule électrique qui peut monter et descendre latéralement, prendre une palette et faire la distribution fine dans un rayon de 1 km autour du porteur. C'est une alternative originale de la logistique urbaine, où le porteur devient une base logistique mobile. Le porteur reste sur place et devient donc un stockage temporaire. Il s'agit là d'une alternative innovante pour sortir de la problématique de rareté et de coût du foncier. Il suffit d'avoir une zone délaissée permettant de pouvoir stationner pendant quelques heures. Ce petit véhicule présente aussi l'avantage de pouvoir pénétrer dans les parkings en sous-sol. Parler de cette nouveauté revient aussi à parler de la transformation numérique. Les consommateurs et vendeurs exigent une traçabilité en temps réel de leurs achats et livraisons. Cet enjeu se heurte à la multiplication des colis en transit et aux aléas de livraisons. On tombe dans un vrai problème de « Big Data » et de système dynamique en temps réel que savent mieux gérer les Google et Amazon que des logisticiens classiques. On voit arriver dans le monde logistique des acteurs qui ne viennent pas du tout de la logistique mais qui viennent du monde du numérique. Et ça aussi, c'est une transformation majeure de la filière, qui va se numériser. 16 - Va-t-on vers une mutualisation, une « ubérisation » de la logistique ? Jean-Paul RIVAL - Directeur Général Adjoint - CONCERTO EUROPEAN DEVELOPER Cette mutualisation a vocation à améliorer durablement la performance et la fluidité de la logistique et donc à sortir de l'impasse entre un coût qu'on veut baisser, une valeur ajoutée qu'on veut recréer et la fluidité de la ville. 17 - Les friches constituent-elles aussi une source potentielle de développement ? Karl DELATTRE - Président - VALAD FRANCE, GROUPE VALAD EUROPE En théorie, elles le seraient mais l'un des enjeux en matière de terrains contaminés est la problématique de la destination des bâtiments, qui vont être réalisés en super structures. Dès que vous sortez du statut industriel pour faire des opérations mixtes et que vous travaillez sur ce type de terrains, vous pouvez avoir des coûts de dépollution qui sont colossaux et qui ne sont pas de nature à permettre de réaliser ces bâtiments industriels. Ceci dit, l'industrie évolue et on met en place des schémas. Toutefois, les choses seraient plus simples si les élus étaient d'avantage à l'écoute et si l'on disposait d'un cadre plus souple dans ce domaine-là. Quoiqu'il en soit, les choses se feront car on a besoin de terrains. Autour de l'A86, qui est un élément clef en tant que radiale sur l'Ile-de-France, on a des terrains anciennement industriels qui pourraient très bien se prêter à des opérations de type hôtel industriel. On en a besoin, car cela procède à la mixité du patrimoine et parce que le « toutbureau » a aussi ses limites. On parle de logistique, mais en matière de bureau, aura-t-on encore besoin d'autant d'espace tertiaire à l'avenir ? Il n'est pas impossible d'envisager la reconversion des bâtiments de bureau, qui n'ont plus de sens, dès lors qu'une desserte s'y prêtera. 13 Christophe RIPERT - Directeur Immobilier - SOGARIS Le site de la « Chapelle » est une ancienne friche industrielle (ancienne gare marchandise) sur laquelle seront implantés : un bâtiment logistique (dont l'emprise foncière fait 2,4 hectares), un nouveau quartier avec 7 tours, des logements pour étudiant, des bureaux, jardins, écoles, commerces, etc. Si on a réussi à poser ce bâtiment, c'est que dès la conception du nouveau quartier, l'aménageur et la ville l'avaient pris en considération dans leur schéma. Notre présence, dès cette conception, nous a permis de nous y installer beaucoup plus facilement. L'aménageur a pu faire une péréquation entre les tours d'habitation et le foncier logistique. La ville a déplafonné son PLU sur ce territoire, elle a permis à l'aménageur de monter à 50 mètres de haut au lieu de 37 mètres. Cette différence a permis de compenser le manque à gagner sur un terrain qui a été vendu pour de la logistique et non pas pour du bâtiment. L'autre avantage est qu'on a une voirie spécifique au départ de la rue de la Chapelle pour alimenter cet hôtel logistique. Ainsi, les flux ne seront pas mélangés aux flux du quartier, ce qui est un énorme avantage. Jean-Paul RIVAL - Directeur Général Adjoint - CONCERTO EUROPEAN DEVELOPER L'idée de cette logistique mutualisée commence à s'intégrer dans des programmes Kaufmann & Broad, puisque l'entreprise porte actuellement un projet à côté de la gare d'Austerlitz, la « 7 à 8 », qui mêlera point d'avitaillement SNCF, un parking, puis une zone de logistique urbaine, un centre commercial, un hôtel, des bureaux et du logement. C'est donc un ensemble complet de rénovation sur 60 000m² incluant dès l'origine une zone de logistique urbaine qu’Urbismart pourra piloter pour justement montrer qu'une mutualisation permet de gérer l'ensemble des flux de ce nouveau quartier inaugurant une diffusion en dehors de la filière logistique classique. Il est donc fondamental de faire rentrer cela dans la ville et arriver à justifier une zone logistique dans un ensemble complet au risque de retomber sur un coût intrinsèque du m² logistique qui n'est pas rentable en soi dans une zone urbaine dense. Ici, on parvient à l'intégrer dans un programme global. 18– Le changement de comportement des consommateurs, illustré par une progression du ecommerce et la fermeture de certains commerces de centre-ville ne va-t-il pas modifier le paysage de la logistique et de la distribution urbaine. Politiques et aménageurs devront ils revoir leur schéma ? Pour Karl DELATTRE - Président - VALAD FRANCE, GROUPE VALAD EUROPE : Oui. A cet effet, un groupe d'étudiants de la Sorbonne du DESUP s'est penché sur l'avenir du e-commerce et en a étudié les conséquences. Il a fait ressortir que l'une des solutions pour ces petits immeubles de commerce, malheureusement touchés par des problèmes d'attractivité, serait de devenir des zones relais, soit des mini zones d'entreposage. Pour leur mise en place, encore faut-il que l'on accepte d'alléger les carcans réglementaires que peuvent être les ICPE. La nature a horreur du vide et par définition la ville a encore plus horreur du vide. Il va donc falloir trouver une solution pour ces surfaces parce que l'on voit bien qu’on a besoin de moins en moins de stock et plus de système de point de relais pour le e-commerce et le cas échéant d'assurer des ventes physiques en fonction de l'achalandage. 14 Jean-Paul RIVAL - Directeur Général Adjoint - CONCERTO EUROPEAN DEVELOPER fait part de son avis sur l'avenir du commerce de proximité. Il n'est, à sons sens, pas exact de vouloir l'enterrer ou d'affirmer qu'il tend à se réduire de manière drastique. Le commerce de proximité change avant tout de nature. Si auparavant, on venait acheter des produits, aujourd'hui on vient voir, comprendre, obtenir des explications etc. Il y aura toujours des lieux physiques d'échange. Le monde du commerce est en train d'évoluer, il doit être accompagné par le monde de la logistique qui doit être beaucoup plus flexible parce qu’effectivement, si on ne trouve pas le produit en magasin, ce n’est pas pour autant qu'on veut l'avoir 8 jours après. Il faut donc qu'il soit dans un « click and collect » rapide dans un dépôt près de chez soi, le soir. On peut imaginer beaucoup de choses, mais la donnée fondamentale est que cette imagination galopante de façon de vivre et d'échanger entraîne une complexification à laquelle il faut répondre. On revient donc sur l’aspect de pilotage en temps réel. Cela ne veut pas dire pour autant qu'il y aura moins de flux en ville et que tous les flux seront directement au domicile ou en périphérie. Synthèse écrite établie par Léa Gobin et Karine Paul, étudiantes au DESUP IMMOBILIER D’ENTREPRISE de l’Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne 15