Rapport scientifique 2006
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85 bis avenue de Wagram 75017 Paris www.oncfs.gouv.fr Rapport scientifique 2006 Rapport scientifique 2006 2005 S O M M A I R E Édito 3 Stratégie nationale pour la biodiversité 4 Équilibre forêt-gibier 32 Oiseaux migrateurs et zone humides 40 Petit gibier et agrosystèmes 64 Thèses soutenues en 2006 82 Publications 2006 92 Table des matières 95 Des connaissances pour agir… De multiples constats ne suffiront pas. Pour s’engager dans l’identification des causes et des remèdes, et proposer des alternatives de gestion favorables à la biodiversité, les programmes de recherche et d’expérimentation tels qu’ils sont conduits à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, affrontent avec diverses approches quelques-unes de ces questions complexes. Le recours aux armes de la recherche fondamentale et, en conséquence, le partenariat avec les meilleurs instituts de recherche scientifique peut parfois s’avérer nécessaire. Ainsi, par exemple, « visionner » certaines séquences d’ADN du génome nucléaire de la perdrix rouge afin d’aider les éleveurs de gibier et les responsables cynégétiques à distinguer et à éliminer les hybrides « cachés » résultant d’un ancien métissage avec les perdrix choukars préjudiciable aux populations sauvages, nécessite des outils appropriés. Il en va de même pour la modélisation des mécanismes d’immunité naturelle et de transmission épidémique de la myxomatose au sein des populations de lapin de garenne pour en déduire les impacts démographiques et parvenir, ensuite, à mieux les maîtriser. C’est également grâce à une démarche de recherche approfondie en dynamique des populations – fort appréciée par les gestionnaires auxquels elle a été présentée lors du « Colloque Sanglier » de mars 2007 – que l’on se rapproche de la mise au point d’un outil efficace de régulation raisonnée des populations de ce bel animal. Il ne s’agit pas pour l’Office national de la chasse et de la faune sauvage de consolider par quelques certitudes des connaissances déjà bien établies. Le déroulement de ses différents programmes, dont le nouveau rapport scientifique donne un aperçu très sélectif, est orienté avec des échéances parfois tardives, réclamant patience et persévérance, vers la mise en œuvre de protocoles opérationnels et la recommandation de solutions concrètes, simples et robustes, aux gestionnaires de la faune sauvage et de ses habitats. Jean-Pierre Poly Directeur Général. É D I T O Aujourd’hui, ces constats sont de plus en plus largement dressés, et partagés. Même si, heureusement, de nombreux exemples portant parfois sur de vastes groupes d’espèces – le dernier recensement des populations mondiales d’oiseaux d’eau publié par Wetlands International (2006) montre que la majorité des espèces sont en situation de développement ou de stabilité – entretiennent notre conviction qu’il ne faut jamais désespérer et qu’un rétablissement de statut peut toujours être envisagé, pour peu qu’on s’en préoccupe véritablement et s’en donne les moyens. Crédit photo – O. Thomas Chaque année, de nouveaux inventaires nous révèlent la situation délicate de telle ou telle espèce animale ou végétale, et notre perception des impacts et réactions en chaîne entraînés par le « changement global » dans les écosystèmes en devient à chaque fois plus nette. Stratégie pour la Photo © L. Barbier/ONCFS L e contrat d’objectifs passé entre l’État et l’ONCFS pour la période 2006-2008 retient, parmi les axes stratégiques de l’Établissement, le soutien de l’État dans ses actions mises en œuvre pour atteindre les objectifs de la Stratégie nationale pour la biodiversité. Ce contrat d’objectifs précise que l’ONCFS concourra au Plan d’action pour le patrimoine naturel qui « a pour ambition de contribuer fortement à atteindre les finalités de la stratégie que sont le maintien des écosystèmes et des habitats, du fonctionnement des écosystèmes, l’amélioration de la trame écologique du territoire et la définition d’indicateurs pour suivre les progrès réalisés. Ces finalités concernent aussi bien la métropole que les collectivités d’outre-mer ». Le développement des connaissances sur la biodiversité, et leur diffusion, est l’un des quatre objectifs prioritaires de ce Plan. Les actions en matière d’études et de recherche à l’ONCFS sont définies sur les mêmes bases. En 2006, l’Office a été associé à la mise en place du Système d’information sur la nature et les paysages (SINP), prévu dans le Plan et piloté par la Direction de la nature et des paysages (Ministère 4 ONCFS Rapport scientifique 2006 de l’écologie, de l’aménagement et du développement durables). Le catalogage des données diffusables a commencé. Ces données, recueillies depuis plus de vingt ans avec l’appui de réseaux d’observation de la faune sauvage et de ses habitats animés par l’ONCFS et impliquant de nombreux partenaires (fédérations départementales des chasseurs, Office national des forêts, Parcs nationaux, associations naturalistes, etc.) seront ainsi à nouveau valorisées. Par ailleurs, à partir des connaissances acquises, l’ONCFS a aussi réalisé en 2006 des fiches sur l’état de conservation de 14 espèces de mammifères déclarés d’intérêt communautaire par la Directive européenne « Habitats, Faune, Flore » : chat sauvage, martre, putois, genette, loup, lynx, ours, bouquetin, chamois, isard, mouflon de Corse, castor, grand hamster et lièvre variable. Le suivi des mammifères et des oiseaux repose sur des méthodes maintenant largement éprouvées et applicables sur le terrain, même si la mise au point de nouveaux indicateurs se poursuit pour permettre le suivi de certaines espèces (ongulés, par exemple) à des échelles de gestion appropriées. En Outre-mer, en revanche, les outils de suivi demandent encore à être développés. Recenser la faune dans la forêt guyanaise et estimer les densités des populations, n’est pas aisé. Des connaissances de base s’avèrent encore nécessaires pour certaines espèces dont les enjeux de protection sont importants. Le tapir figure parmi les espèces prioritaires définies dans les Orientations régionales de gestion de la faune sauvage et de l’amélioration de la qualité de ses habitats (ORGFH) de Guyane. Un article présenté dans ce chapitre expose les premiers résultats du suivi de cette espèce obtenus à partir de pièges-photographiques et développe les perspectives de cette technique. Les informations recueillies dans le cadre des réseaux d’observation permettent de suivre l’évolution d’aires de répartition, les f luctuations d’effectifs (de manière absolue ou relative, à partir d’indicateurs d’abondance) et de préciser des paramètres démographiques comme les taux de reproduction ou les taux de mortalité. L’incorporation de ces paramètres dans des modèles démographiques multi-états avec des variables descriptives de l’habitat permet d’établir des scénarii sur l’évolution des populations. Ce « monitoring intégré » des espèces, associant scientifiques, observateurs de terrain et gestionnaires, est l’outil indispensable à toute gestion rationnelle (conservation ou exploitation). L’étude menée en collaboration avec le CNRS sur le bouquetin des Alpes, présentée ici, repose sur un suivi à long terme (plus de 25 ans) et s’inscrit parfaitement dans cette démarche. Elle permet de mieux comprendre le poids de chaque classe d’âge dans la dynamique des populations de l’espèce au cours de deux périodes contrastées en termes de conditions environnementales. Pour une nationale biodiversité gestion durable des populations chassées (en Suisse, par exemple), il apparaît indispensable de prendre en compte la stratégie très conservatrice des mâles (forte participation à la reproduction des sujets les plus âgés), sans oublier un monitoring à long terme des populations. « Sauver les populations d’espèces les plus menacées » constitue un autre volet du Plan d’action pour le patrimoine naturel qui s’inscrit dans le maintien de la bonne qualité écologique des territoires. Pour ce faire, l’État a mis en place des plans de restauration pour certaines espèces. L’ONCFS participent à certains plans avec des degrés d’implication variable. La coordination du suivi des populations, souvent assuré grâce à des réseaux d’observateurs, a été confiée à l’ONCFS pour certaines espèces comme l’ours et le hamster. En complément, des études sont mises en place afin de fonder les actions de protection. Ainsi les travaux sur l’utilisation de l’habitat du grand hamster indiquant clairement ses préférences pour la luzerne ou les céréales d’hiver ont-ils orienté les mesures conservatoires proposées aux agriculteurs. Dans d’autres cas, les études visent a évaluer les mesures de gestion mises en place. C’est le cas de celle sur la comparaison du comportement spatial des ours bruns introduits et non réintroduits en Europe, présentée dans ce rapport scientifique. Ce travail montre que le déplacement des ours réintroduits est nettement supérieur à celui des ours Les articles de ce chapitre font référence aux programmes du contrat d’objectifs suivants : R1.1 Petit gibier, migrateurs terrestres et agrosystèmes R1.2 Ongulés et équilibre agro-sylvo-cynégétique R1.4 Prédateurs et déprédateurs non déplacés. En conséquence, il préconise une échelle spatiale d’au moins 2 000 à 3 000 km² pour les analyses écologiques, socio-politiques et économiques préalables à un projet de réintroduction ou de renforcement des populations de cette espèce. Le choix du site de lâcher s’avère, lui aussi, très important. L’ONCFS participe également indirectement aux recherches sur le thème « Biodiversité et changement global ». Le changement climatique, une des composantes du changement global, est une menace pour les écosystèmes en termes de diversité biologique et d’évolution comportementales de la faune au cours des saisons. Chez les oiseaux, différentes recherches ont montré que les f lux migratoires se sont modifiés en Europe depuis les années 1970. Prédire les conséquences démographiques nécessite au préalable une meilleure compréhension des relations entre climat et traits de vie des populations d’oiseaux. C’est sur ce constat qu’une étude a été lancée, visant à définir le succès de reproduction du lagopède alpin en fonction des conditions climatiques observées sur dix sites d’études répartis le long d’un gradient latitudinal allant des Pyrénées au Spitzberg. Les observations de terrain dans les Pyrénées suggèrent un net recul de l’espèce dans les parties centrale et occidentale de la chaîne au cours de ces dernières années. Cette situation pourrait être mise en relation avec une augmentation générale des précipitations en juillet dans les Pyrénées, mais de façon plus marquée dans les parties occidentale et centrale. Le changement global ne se limite pas au seul changement du climat et de la composition de l’atmosphère. Il concerne toutes les modifications majeures engendrées notamment par les activités anthropiques (changements d’usage des terres, pollutions, etc.). En montagne, la pression humaine exercée par les activités de loisirs n’a cessé de croître depuis les années 1950, avec un développement important des domaines skiables dans les années 1960-1970 entraînant des aménagements (pistes), des équipements (câbles des dispositifs de transports) et une présence humaine élevée en hiver. Le grand tétras est une espèce particulièrement sensible aux modifications de l’habitat. L’étude présentée ici s’appuie sur des éléments précis de la répartition de cette espèce (issue de la base de données de l’Observatoire des galliformes de montagne), sur des connaissances approfondies de sa biologie et enfin sur des outils de modélisation adaptés, pour dénouer un conflit entre conservateurs et aménageurs d’une station de ski pyrénéenne. Ce travail a permis d’éviter la radicalisation pour aboutir à des préconisations concrètes, acceptés par les gestionnaires concernés. Retenons que quelles que soient les conclusions de telles études, les décisions prises seront d’autant moins contestées qu’elles seront fondées sur des données factuelles et sur des expertises détaillées et rigoureuses. Pierre Migot Directeur-adjoint des études et de la recherche ONCFS Rapport scientifique 2006 5 Stratégie nationale pour la biodiversité Vivre longtemps pour mieux se reproduire ? La statégie conservatrice du bouquetin des Alpes Carole Toïgo, Jacques Michallet, Daniel Blanc, François Couilloud, Jean-Michel Gaillard*, Marco Festa-Bianchet** & Daniel Maillard * CNRS – UMR 5558, Laboratoire de biométrie et biologie évolutive, Université de Lyon 1 – 69622 Villeurbanne Cedex ** Université de Sherbrooke (Québec, Canada) Contexte de l’étude Chez les ongulés à fort dimorphisme sexuel, il est généralement reconnu que le sexe et l’âge sont les principaux facteurs de variation de la survie adulte au sein d’une espèce (Festa-Bianchet et al., 2003). Chez les individus adultes, le taux de survie annuel diminue avec l’âge, à la suite de processus de détérioration physiologique liés au vieillissement (Hamilton, 1966). Pour les ongulés, quatre classes d’âge sont traditionnellement reconnues (Gaillard et al., 2000) : (1) « sub-adultes » : âge de 1 à 2 ans, survie généralement faible et variable ; (2) « jeunes adultes » : âge de 2 à 8 ans, survie très forte et sans variabilité temporelle ; (3) « vieux adultes » : âge de 8 à 13 ans, survie qui commence à diminuer en raison du vieillissement, et qui peut varier en fonction des conditions environnementales ; (4) « sénescents » : âge à partir de 13 ans, survie qui diminue fortement en raison du vieillissement. L’évolution de la survie en fonction de l’âge dépend fortement des stratégies bio-démographiques. En conséquence, elle n’est pas la même pour les mâles et les femelles des espèces dimorphiques, dont les stratégies d’histoire de vie sont différentes (e.g. Clutton-Brock, 1982). Parce qu’elle a un impact très fort sur le taux de multiplication des populations, la survie des femelles semble avoir été canalisée au cours de l’évolution, de manière à être très élevée et constante dans une large gamme de conditions environnementales (Gaillard & Yoccoz, 2003). Quand les conditions sont mauvaises, les femelles limitent leur effort de reproduction au bénéfice de leur survie. Au contraire, les mâles d’espèces polygynes sont censés maximiser leurs tentatives d’accouplement, même quand les conditions sont mauvaises. Chez les ongulés des zones tempérées, le rut a lieu juste avant l’hiver et engendre de fortes dépenses énergétiques pour les mâles (combats, grands déplacements, diminution drastique du temps alloué à l’alimentation…), de sorte qu’ils entrent en hiver affaiblis. Parce qu’ils sont plus grands, les mâles ont des besoins énergétiques absolus supérieurs à ceux des femelles. Ces deux facteurs conjugués expliquent que chez de nombreuses espèces d’ongulés dimorphiques, les mâles adultes montrent une survie annuelle plus faible et plus variable que celle des femelles quand les conditions du milieu ne sont pas optimales (Toïgo & Gaillard, 2003). Peu d’études ont jusqu’à présent estimé les variations de la survie avec l’âge en fonction des variations environnementales sur une même population. C’est ce que nous avons fait sur la population de bouquetin des Alpes (Capra ibex) de Belledonne-Sept-Laux, au cours de deux périodes contrastées. Une période de très haute performance de la population, pour laquelle les conditions environnementales étaient optimales, et une période de faible performance, liée à une détérioration des conditions du milieu. Conformément à la théorie et aux résultats de précédentes études sur les ongulés, nous attendions plus particulièrement (1) que la survie des jeunes des deux sexes soit inférieure à celle des adultes et qu’elle diminue quand les conditions sont moins bonnes, (2) que la survie des jeunes adultes soit similaire dans les deux sexes au cours de la bonne période, mais que les mâles survivent moins bien que les femelles dans la mauvaise, et (3) que la survie des femelles « jeunes adultes » soit élevée et ne dépende pas de la période, alors que la survie des mâles de tout âge devrait diminuer dans la mauvaise période. Méthode : CaptureMarquage-Recapture L’étude s’est déroulée sur la population de bouquetin des Alpes réin- 6 ONCFS Rapport scientifique 2006 troduite en 1983 dans le massif de Belledonne-Sept-Laux. De 1983 à 2004, 117 femelles (âgées entre 1 et 13 ans) et 215 mâles (âgés entre 1 et 12 ans) ont été capturés, marqués de bagues auriculaires de couleur, et suivis visuellement. La survie de ces individus a été estimée à l’aide de la méthode de capturerecapture (visuelle) en utilisant le logiciel M SURGE (Choquet et al., 2005). Les tests préliminaires d’ajustement Stratégie nationale pour la biodiversité ont montré de la « dépendance à la capture » : les animaux vus une année donnée avaient plus de chances d’être revus l’année suivante que les animaux non vus. Pour prendre en compte cet effet, nous avons développé un modèle à deux états, qui estime une probabilité de recapture différente en fonction de l’état (vu ou non vu) de l’année précédente. Résultats : une survie exceptionnellement élevée Des mâles atypiques La survie des mâles âgés de 2 à 13 ans s’est révélée très élevée, dans la bonne comme dans la mauvaise période. Contrairement à ce que nous attendions, les mâles ont continué à avoir une survie aussi forte que celle des femelles quand les conditions environnementales se sont détériorées. Une forte variabilité de la survie liée à l’âge dans les deux sexes a été entièrement prise en compte par le modèle à 4 classes d’âge (figure 1). Des sub-adultes « immortels » Entre 1983 et 1997, la population a connu des conditions environnementales optimales, comme attesté par les très bonnes performances démographiques : taux de multiplication de 1,28 et proche du maximum pour un ongulé monotoque (1), âge de 1re reproduction très précoce (2 ans), près de 90 % des femelles adultes se reproduisant chaque année, pas de variabilité inter-individuelle du succès de reproduction des femelles. À partir de 1998, les performances de la population ont décliné, reflétant une détérioration de la qualité de l’habitat, certainement liée à des phénomènes de densité-dépendance : âge de 1re reproduction reculé à 3, puis 4 ans, 70 % seulement des femelles adultes se reproduisant chaque année, qualité phénotypique des mâles (mesurée par le poids ou la taille des cornes) en diminution. Pour les animaux âgés de 1 à 2 ans, la survie a été estimée à 1 à partir de notre échantillon, et quelle que soit la période : sur les 32 femelles et les 56 mâles marqués à 1 an, tous ont été revus au moins une fois à 2 ans ou plus ! Des femelles classiques Comme attendu, les femelles ont montré une survie très forte au stade jeune adulte (0,995) et constante au cours du temps dans toutes les classes d’âge : la survie des femelles a donc bien résisté aux variations environnementales. Le patron de survie en fonction de l’âge des bouquetins mâles est bien différent de ceux des mâles bighorn et chevreuil (figure 2b). Pour ces derniers, la décroissance est relativement lente, et régulière dès l’âge de 2 ans. Pour le bouquetin au contraire, la survie est très élevée et quasiment constante jusqu’à 10-12 ans, et connaît ensuite un déclin drastique. Même si, quel que soit l’âge, la survie des femelles bouquetin est plus élevée que celle des femelles chevreuil ou bighorn, les patrons de survie en relation à l’âge sont similaires pour les trois espèces (figure 2a), avec un déclin lent et régulier. Nous avons estimé la survie par classe d’âge en fonction de ces deux périodes, séparément pour mâles et femelles. Nous avons également modélisé une décroissance continue de la survie avec l’âge (modèle de Gompertz) afin de pouvoir comparer le patron de sénescence du bouquetin avec celui du bighorn (Ovis canadensis) et du chevreuil (Capreolus capreolus) (Gaillard et al., 2004). femelles 0,95 mâles 0,85 0,75 Survie Divers modèles prenant en compte ou non l’âge et le temps, et de manière variée, ont été testés. L’ensemble des modèles testés n’est pas fourni ici, mais les modèles présentés (4 classes d’âge et Gompertz) ont été ceux retenus pour les deux sexes. Seule la survie des vieux mâles a diminué au cours de la mauvaise période, la survie des jeunes adultes n’étant pas affectée par la variabilité des conditions environnementales. Au cours de la bonne période, les mâles âgés de 8 à 13 ans ont eu une survie plus forte que celle des femelles. La baisse de la survie de cette classe d’âge lors de la seconde période a ramené la survie des mâles au niveau de celle des femelles. 0,65 0,95 0,55 0,45 0,85 0,75 bonne bonne mauvaise mauvaise 0,35 0,25 1 2-7 8-12 >12 Classes d'âge (1) Qui produit en moyenne un seul jeune par an. Figure 1 : Estimation des taux de survie par classe d’âge chez le bouquetin des Alpes dans la population de Belledonne-Sept-Laux. La survie des mâles âgés de 8 à 13 ans varie en fonction de deux périodes contrastées de conditions environnementales. ONCFS Rapport scientifique 2006 7 Stratégie nationale pour la biodiversité peu d’énergie à la croissance, au bénéfice de la maintenance, ce qui conduit à une survie sub-adulte exceptionnellement élevée. a) Femelles 1 bighorn bouquetin Survie 0,8 0,6 0,4 chevreuil 0,2 0 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 Âge (en années) b) Mâles 1 bouquetin Survie 0,8 0,6 bighorn chevreuil 0,4 0,2 0 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 Les mâles bouquetin montrent un système d’appariement inusuel. Ils pratiquent le tending (2), comme beaucoup d’autres espèces d’ongulés, mais ils se montrent très réticents à combattre pendant le rut. En outre, ils suivent très respectueusement une hiérarchie établie sur le poids et la taille des cornes (Toïgo, 1998). Dans la population de Belledonne, les jeunes mâles n’adoptent pas de stratégie alternative de coursing (3), très coûteuse en énergie, comme c’est le cas pour le bighorn par exemple. Comme les bouquetins mâles grandissent tout au long de leur vie, les vieux mâles sont aussi les plus gros et avec les plus grandes cornes, et donc les plus susceptibles d’avoir tranquillement accès aux femelles en œstrus. Les mâles ont donc intérêt à maximiser leur survie, en participant peu à la reproduction, jusqu’à un âge où, plus gros que les autres, ils auront de très fortes chances d’accouplement. Âge (en années) Figure 2 : Évolution de la survie en relation avec l’âge (modèle de Gompertz) pour le bouquetin, le bighorn et le chevreuil. Cette stratégie d’histoire de vie très conservatrice est à prendre impérativement en compte si le bouquetin Des tactiques de croissance et de reproduction conservatrices (2) Recherche erratique de femelles en œstrus. (3) Poursuite active de femelles en œstrus. le poids à un an et le poids des femelles adultes (figure 3). Le bouquetin semble donc adopter une tactique de croissance conservatrice, en allouant 5,5 Les bouquetins des deux sexes ont une croissance lente, et atteignent leur taille adulte tardivement (Toïgo et al., 1999 ; von Hardenberg et al., 2004). Comparativement à huit autres espèces d’ongulés, les bouquetins âgés d’un an sont 50 % plus légers que ce qui est prédit par la droite de régression entre 8 ONCFS Rapport scientifique 2006 wapiti 5 ln(poids à 1 an) Si les femelles adultes de bouquetin des Alpes ont un patron de survie classique au sein des ongulés, les subadultes des deux sexes et les mâles montrent une survie étonnamment élevée et indépendante des conditions environnementales. Ce résultat atypique peut s’expliquer par une stratégie d’histoire de vie conservatrice, avec une croissance lente et une reproduction tardive pour les mâles. boeuf musqué 4,5 caribou bighorn 4 antilocapre 3,5 chèvre desRocheuses chevreuil cerf mulet 3 BOUQUETIN 2,5 3 3,5 4 4,5 5 5,5 ln(poids adulte) Figure 3 : Poids des animaux de 1 an en fonction du poids adulte (après transformation logarithmique) chez huit espèces d’ongulés : les jeunes bouquetins sont 50 % plus légers que ce que prédit la droite de régression. Stratégie nationale pour la biodiversité doit perdre son statut d’espèce protégée. En effet, la chasse, en diminuant la proportion de vieux mâles induirait une participation plus précoce à la reproduction, ce qui pourrait avoir pour effet une diminution de la survie naturelle des jeunes mâles qui participeraient au rut plus tôt que prévu et une baisse du succès de reproduction des femelles, le pic du rut étant décalé et la survie des jeunes en conséquence diminuée lorsque l’âge des mâles reproducteurs est plus jeune. Pour tester ces hypothèses, et pour pouvoir développer une gestion adaptée et durable, qui perturbe le moins possible l’équilibre naturel des populations, des études à long terme par Capture-MarquageRecapture sont nécessaires, par exemple en Suisse là où les populations sont chassées. BIBLIOGRAPHIE • Choquet R., Reboulet A.-M., Pradel R., Gimenez O & J.-D. Lebreton (2005) – MSURGE 1-7 user’s manual. Mimeographed document. CEFE/CNRS, Montpellier. • Clutton-Brock T. H., Guinness F. E & S. D. Albon (1982) – Red deer : behavior and ecology of two sexes. 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Carole Toïgo, Jacques Michallet, Daniel Blanc, François Couilloud, Jean-Michel Gaillard, Marco Festa-Bianchet & Daniel Maillard ■ Age-specific survival of 215 males and 117 females of the highly sexually dimorphic Alpine Ibex Capra ibex L. was assessed from a 21-year Capture-Mark-Recapture (CMR) program (1983-2004). The study covered two contrasted periods of population performance (high performance from 1983 to 1997 vs low performance from 1998 onwards). ■ Based on current life-history theories for sexually dimorphic species, we expected that survival should decrease with age in both sexes, that female survival should be buffered against environmental variations, that male survival should decrease during the low performance period, and adult survival should be lower in males than females during the low performance period. ■ Survival of both sexes was strongly affected by age, with the 4 age classes (yearling, prime-aged adults of 2-8 years of age, old adults of 8-13 years of age, and senescent adults from 13 years of age onwards) generally reported for large herbivores. ■ Survival of females at all ages, and of yearling and prime-aged males, was buffered against environmental variations and was the same during periods of high and low population performance. The survival of old males decreased in years of low population performance. ■ All marked yearlings (32 females, 56 males) survived to age 2. Survival of prime-aged females (0.996 ± 0.011) was higher than in other large herbivores, but similarly to other large herbivore species, it then declined slowly and regularly with increasing age. Male survival was 5-15 % higher each year than that of males in other large herbivores. Males enjoyed very high survival when prime-aged (0.981 ± 0.009) and as old adults (high-performance period : 0.965 ± 0.028, low-performance period : 0.847 ± 0.032). ■ The very high survival of males, coupled with their prolonged mass gain, suggests a highly conservative reproductive tactic. Male Ibex differ from similar-sized herbivores by showing a nearly indeterminate growth in horn size and body mass. By surviving to an advanced age, males may enjoy high reproductive success because of their large size. ONCFS Rapport scientifique 2006 9 Stratégie nationale pour la biodiversité Extension des domaines skiables et grand tétras : l’expertise ONCFS Emmanuel Ménoni, Pierre Defos du Rau & Philippe Blanc Contexte de l’étude La pression humaine exercée par les activités de loisirs n’a cessé de croître depuis les années 1950 dans les montagnes françaises utilisées comme un espace récréatif, et considérées comme tel par les élus et les pouvoirs publics. Ce nouvel usage de la montagne vient se surajouter à des activités traditionnelles centenaires (exploitations minière et forestière, agriculture), voire pluri-millénaire (cueillette, pastoralisme), comme à des activités récentes liées aux infrastructures modernes (transports, hydroélectricité). Il prend de plus en plus d’importance aux yeux des décideurs, relativement aux modes d’exploitation traditionnels des montagnes, étant donné les flux financiers qu’il génère. La France s’est engagée massivement dans l’exploitation des sports d’hiver, et son parc de remontées mécaniques est aujourd’hui l’un des plus importants de la planète. Ce développement a connu un boom extraordinaire dans les années 1960-1970, dans l’euphorie de « l’or blanc », sans beaucoup d’attention aux impacts environnementaux et socioéconomiques qu’il pouvait engendrer. Depuis, la prise de conscience qu’il devait être encadré par un dispositif réglementaire a conduit à la « Loi Montagne ». C’est le plus souvent dans ce cadre que l’ONCFS est susceptible d’intervenir afin de produire une expertise relative à l’impact des projets d’aménagement sur la faune sauvage, en particulier sur les galliformes de montagne, et proposer des mesures compensatoires, voire restauratoires. Sports d’hiver et galliformes de montagne pyrénéens Dans les Pyrénées, les espaces convoités par les aménageurs de stations de sports d’hiver coïncident assez précisément avec les habitats préférés par les galliformes de montagne, et plus particulièrement le grand tétras et le lagopède alpin. Pour hiverner, ces deux espèces « boréo-alpines » affectionnent en effet les pentes aux expositions nord, où le manteau neigeux se maintient durant plusieurs mois. En outre, les tranches d’altitudes les plus favorables à la pratique des sports de glisse (1400-2400 m), recouvrent complètement celles des structures forestières les plus recherchées par les grand tétras de novembre à mai (Ménoni & Corti, 2000). Elles recouvrent également les zones fréquentées par le lagopède alpin en hiver, qui s’étendent quelques centaines de mètres au dessus des peuplement forestiers lâches de la zone écologique dite « zone de combat » (Novoa et al., 2005). D’une façon générale, pour des raisons de topographie et de conditions 10 ONCFS Rapport scientifique 2006 nivologiques, les domaines skiables sont plutôt forestiers dans la moitié est de la chaîne et supra-forestiers dans la moitié ouest. En conséquence, l’impact est vraisemblablement plus fort sur le grand tétras dans la première situation (figure 1) et sur le lagopède dans la deuxième. Le grand tétras supporte excessivement mal les contacts répétés avec l’homme, spécialement en hiver, qui peuvent conduire à une désaffection des zones perturbées (Ménoni et al., 1994,), voire à une disparition des noyaux locaux (Ménoni et al., 1989). Ainsi, un « conflit » direct existe entre équipement des domaines skiables pyrénéens et hivernage du grand tétras, mais aussi du lagopède alpin. Deux conséquences délétères aggravantes de ces aménagements ont été constatées. D’une part, des travaux de l’ONCFS (Novoa et al., 1990) puis plus tard de l’Observatoire des galliformes de montagne (OGM) (Buffet et al., 2006) ont montré que ces espèces payaient un lourd tribut aux stations de ski du fait de la collision mortelle de nombreux sujets avec les câbles de remontées mécaniques et les lignes électriques qui les alimentent. Nos travaux sur le grand tétras ont montré que cette cause de mortalité pouvait contribuer significativement à abaisser le taux de multiplication des populations, et donc accélérer le déclin actuellement constaté (Ménoni & Defos du Rau, 2003). D’autre part, ces deux espèces sont très sensibles à la fragmentation de leurs habitats qui conduit toujours à une diminution des chances de survie des populations Ainsi, par exemple, le grand tétras a fini par s’éteindre autour de l’an 2000 dans les Alpes françaises, à la suite d’une fragmentation historique (déforestation de l’« époque sarde ») puis récente (aménagements touristiques) de ses habitats (Ménoni et al., in press.) Dans l’est des Pyrénées, la forte concordance entre les zones d’hivernage et l’implantation des stations de sports d’hiver est patente (figure 1). Elle indique clairement que les stations de ski peuvent constituer un élément de fragmentation important des habitats de cette Stratégie nationale pour la biodiversité espèce. Nos travaux antérieurs sur l’impact des stations de ski sur le grand tétras montrent également que l’implantation d’un domaine skiable et sa fréquentation conduisent à la suppression effective de plusieurs domaines vitaux, et donc des oiseaux correspondant à ces domaines vitaux, pouvant aller de quelques unités jusqu’à plus de 80 individus (cas du plateau de Beille ; Brenot et al., 1996). La perte de plusieurs centaines de domaines vitaux potentiels de grand tétras peut ainsi être attribuée à l’équipement touristique hivernal des montagnes pyrénéennes. Cette perte a cer tainement joué un rôle non négligeable dans la diminution des effectifs : environ 9 000 adultes des deux sexes dans les années 1960, 3 500 environ actuellement. Ainsi, lors de projets de modernisation ou d’extension de domaines skiables, plusieurs questions se posent pour la conservation du grand tétras : – comment estimer l’impact possible des projets d’aménagement ? – comment minimiser au maximum l’érosion des effectifs ? – est-il possible de proposer des mesures conservatoires ? – peut-on faire en sorte que certaines de ces mesures puissent être pro- fitables à l’ensemble de l’avifaune, voire à d’autres éléments de la biodiversité ? Un cas d’école : la réouverture de la piste La Record – Superbagnères (Haute-Garonne) La station de ski de Superbagnères, sise sur le territoire des communes de Bagnères-de-Luchon, Castillon-deLarboust et Saint-Aventin, dans le département de la Haute-Garonne, est l’un des plus vieux domaines skiables pyrénéens puisqu’il vit le jour aux environs de 1900. En raison de la présence de nombreux habitats favorables en périphérie, le grand tétras n’a, semble-t-il, jamais cessé de le fréquenter et même de s’y reproduire, avec toutefois des densités considérablement plus faibles que dans les zones hors d’atteinte des perturbations occasionnées par le ski hors piste. Une piste, dite « la Record », desservie par un télésiège, et située en plein domaine forestier, avait été abandonnée en 1992. En 2004, le gestionnaire actuel de ce domaine skiable, a décidé d’étudier les possibilités de réhabiliter cette piste en installant un nouveau remonte-pente et en faisant des travaux de terrassement incluant la pose de canons à neige. Ce projet nécessitait la réalisation d’une étude pour, d’une part, obtenir l’autorisation spéciale d’exécution de travaux en site classé (une partie du projet étant située à l’intérieur des limites du site classé de Superbagnères) et, d’autre part, obtenir diverses autorisations au titre du code de l’urbanisme. L’importance de la population de grand tétras présente sur le site, les interrogations du monde associatif sur l’avenir de cette population et l’existence d’une Zone importante pour la conservation des oiseaux (ZICO ; désignée en Zone de protection spéciale en mars 2006) ont conduit les services de l’État à demander à l’ONCFS la réalisation d’une expertise complémentaire afin d’affiner le diagnostic d’une étude précédente. Objectifs à rechercher Trois objectifs ont été définis afin d’obtenir des résultats positifs sur le plan environnemental : – maintenir, et si possible regagner, quelques poches de quiétude d’une surface suffisante (au moins 10 ha chacune) dans les habitats favorables à l’hivernage, et donc les soustraire à toute activité hors piste ; – conserver les milieux favorables à la reproduction (éviter en particulier les décapages systématiques des formations de landes, aux abords des lisières et des bordures de pistes) ; – obtenir la visualisation de l’ensemble des câbles identifiés comme dangereux par l’OGM. La démarche adoptée 1 – Analyse du chevauchement du projet avec les sites vitaux du grand tétras Figure 1 : Répartition des stations de ski sur l’extrémité est des Pyrénées françaises, relativement aux principales zones d’hivernage du grand tétras. Les sites vitaux comprennent les zones d’hivernage, les zones de nidification et d’élevage des compagnies et les places de chant. Ils sont cartographiés par l’OGM et disponibles dans sa base de données. Des prospections complémentaires ONCFS Rapport scientifique 2006 11 Stratégie nationale pour la biodiversité lorsque ces données sont manifestement impré cises, ou présentent des lacunes, peuvent s’avérer nécessaires. 2 – Cartographie des zones favorables à l’hivernage, mais actuellement inaccessibles à l’espèce Certaines zones présentent une structure forestière très favorable à l’hivernage, (peuplement de résineux clairs, avec beaucoup d’arbres bas branchus), mais ne sont pas, ou très peu, fréquentées en hiver, car soumises à des dérangements répétés (zones de ski hors piste, de déplacement en raquette…) (figure 2). La cartographie de ces zones est indispensable car leur réhabilitation par mise en défens constituera une mesure compensatoire au sens propre. 3 – Délimitation des secteurs rendus accessibles aux pratiques hors piste par le nouvel aménagement Ce sont toutes les zones suffisamment pentues et dégagées que le skieur ou le snow-boarder pourra atteindre directement, ou au prix d’une courte approche, et desquelles il pourra rejoindre une remontée mécanique par simple gravité. Les surfaces livrées aux pratiques hors pistes sont la plupart du temps considérablement plus étendues que les pistes elles-mêmes. 4 – Calcul des surfaces perdues pour les oiseaux On distingue : – les zones réservées par les infrastructures et les pistes soumises à terrassement, – les zones qui ne sont pas physiquement détruites par les aménagements, mais qui seront perdues d’un point de vue fonctionnel, du fait de la pratique du hors piste, – une zone tampon d’au moins 30 m de largeur (jusqu’à 100 m en cas d’une forte perméabilité visuelle) de part et d’autre de toute zone fréquentée. Cette largeur correspond à la distance de fuite moyenne des tétras en hiver (Thiel et al., 2007), 12 ONCFS Rapport scientifique 2006 Figure 2 : Localisation des câbles meurtriers du domaine skiable de Superbagnères. Cartographie des zones d’hivernages condamnée par le projet d’installation d’une remontée mécanique desservant la piste « Record », en l’absence de mesure spécifique (impact négatif potentiel). Cartographie de zones d’hivernage potentielles, actuellement désertées en raison du ski hors piste, mais qu’il serait possible de réhabiliter dans le cadre des mesures compensatoires (impact positif potentiel). (Sources : OGM – E. Ménoni/ONCFS – EDF – 2005) dans le cas d’un recouvrement forestier moyen. Aucun tétras ne s’installera en hiver dans cette zone tampon, même si elle reste vierge de tout passage humain. Par contre, nos travaux montrent que la fréquentation par les tétras est possible au delà de 30 m, selon la topographie et la présence d’écrans végétaux, dans le cas où la zone tampon reste absolument indemne de dérangements. (Thiel et al., in press) 5 – Estimation des effectifs dans le domaine skiable et sa périphérie Une partie de la zone constitue un site de référence de l’OGM. Pour le reste, l’ONCFS dispose d’une bonne connaissance de l’état du noyau local et de son fonctionnement, du fait d’investigations menées très régulièrement sur ce site. 6 – Scenarii possibles pour l’avenir de la population locale Afin d’anticiper le plus précisément possible l’impact, sur la population locale de grand tétras, de l’aménagement envisagé, et de faire des propositions concrètes en vue de sa conservation, nous avons retenu trois scénarii : – scénario 1 : pas de création du projet (= statu quo par rapport à la situation présente), – scénario 2 : mise en œuvre du projet, sans aucune mesure compensatoire, – scénario 3 : mise en œuvre du projet, avec une batterie de mesures compensatoires, sur l’ensemble du domaine skiable. Ces mesures compensatoires découlent des conditions édictées ci- Stratégie nationale pour la biodiversité dessus, de l’usage par les oiseaux des milieux disponibles, de la pratique et de l’utilisation actuelle du domaine skiable par les skieurs (sur et hors piste), et de l’utilisation prévisible par ceux-ci, en cas de réalisation du projet. 25 20 Piste avec mesures compensatoires probabilité d’extinction 2,8 % 7 – Construction d’un modèle démographique 15 Pour tester la réponse démographique de la population locale des grand tétras aux trois scénarii présentés ci-dessus, une prédiction modélisée de l’évolution des effectifs de la population de Superbagnères a été réalisée sur le logiciel ULM (Legendre & Clobert, 1995), au terme d’une durée définie, et à partir de paramètres démographiques connus. Dans la mesure où un mâle de grand tétras peut féconder plusieurs femelles, le modèle simule la démographie de ces dernières, beaucoup plus déterminante que celle des mâles, dans la dynamique des populations. Les paramètres du modèle sont présentés dans le tableau 1. 10 Pas de piste aménagée probabilité d’extinction 96,9 % 5 Piste sans mesures compensatoires probabilité d’extinction 99,7 % 0 0 5 Valeurs retenues Terme 20 ans Effectif de départ 20 poules (15 adultes et 5 jeunes) Taux de survie annuel 75 % pour les adultes Fécondité 50 % pour les jeunes – 14,4 ad. et 4,8 jeunes (19,2 poules) pour le scénario 2 – 16,0 ad. et 5,3 jeunes (21,3 poules) pour le scénario 3. Mortalité non naturelle une femelle par an (collision avec les câbles) 20 8 – Résultats de la modélisation et interprétations Observations réf. Fieberg & Ellner, 2001 Signifie que 75 % des poules adultes présentes au début de l’année t sont encore en vie au début de l’année t+1. tirage aléatoire à partir d’indices Permet de simuler les fluctuations inter régionaux (après transformation annuelles des performances reproduclogarithmique pour obtenir une trices. distribution normale) – 15 adultes et 5 jeunes (20 poules) pour le scénario 1 Capacité d’accueil 15 Figure 3 : Résultats des simulations de la dynamique de la population de grand tétras dans le domaine skiable de Superbagnères et sa périphérie, selon trois scénarii. Tableau 1 : Paramètres démographiques utilisés pour la modélisation. Paramètres 10 On a considéré que la capacité d’accueil actuelle correspondait aux 20 poules puis recalculé, au prorata des superficies d’habitats, de nouvelles capacités d’accueil sous les scénarios 2 et 3. Cette valeur n’est pas estimée précisément mais paraît la plus vraisemblable compte tenu des conclusions de deux études réalisées par l’OGM dans les Pyrénées, de la mortalité par collision observée sur la zone de Superbagnères (probablement très sous-estimée) et d’une mortalité par chasse ou braconnage considérée comme nulle. Les simulations suggèrent que la population locale de grand tétras pourrait subir un sort relativement différent au cours des 20 prochaines années, selon le type de scénario (figure 3). Le scénario 2 (création de l’aménagement sans mesure compensatoire) est le plus pessimiste. Il conduit à une très forte probabilité d’extinction de la population de Superbagnères sur une période de 20 ans. Le scénario 3 (création de l’aménagement avec mesures compensatoires) est le plus optimiste. Il conduit à une érosion des effectifs mais pas à l’extinction sur une période de 20 ans. Le scénario 1 (statut quo par rapport à la situation actuelle) donne un résultat intermédiaire entre les 2 scénarii précédents. La probabilité d’extinction y reste forte. Si cette modélisation ne constitue pas une certitude en raison de sa grande sensibilité à de faibles modifications des paramètres de départ, la hiérarchie des impacts des différents ONCFS Rapport scientifique 2006 13 Stratégie nationale pour la biodiversité Visualisation des câbles L’ensemble des câbles du domaine skiables identifiés comme meurtriers ou potentiellement meurtriers doit être visualisé, y compris, bien entendu, celui de la nouvelle installation. Figure 4 : Panneau d’information destiné à sensibiliser les skieurs hors piste. scénarii doit être retenue. Quelles que soient les erreurs d’estimation des paramètres démographiques de la population concernée, cela signifie que le pire scénario pour le grand tétras à Superbagnères serait celui de la réhabilitation de la piste « Record » sans mesure compensatoire. En revanche, le meilleur scénario serait celui d’une réhabilitation de cette piste accompagnée des mesures compensatoires proposées pour l’ensemble du domaine skiable. Ajoutons qu’il serait même plus bénéfique au grand tétras que le statu quo. Notons enf in qu’un quatrième scénario n’a pas été testé : pas d’aménagement mais mise en œuvre de mesures favorables aux tétras. Ce scénario n’aboutirait qu’à une augmentation de quelques hectares (emprise de la piste plus une bande de 30 à 100 m de chaque côté) de la disponibilité en habitats favorables et conduirait à un résultat proche du scénario 3. Mise en œuvre des mesures compensatoires Mise en défend contre les pratiques hors piste Les zones à mettre en défens contre les activités hors pistes sont portées en figure 2. Elle comprennent à la fois les zones qui sont menacées par la fréquentation qui résultera 14 ONCFS Rapport scientifique 2006 de la nouvelle remontée mécanique (polygones violets), comme celles qui sont actuellement neutralisées, dans le cadre de l’organisation actuelle du domaine skiable (polygones jaunes). Cette mise en défens doit être à la fois réglementaire (arrêté et signalisation, figure 4) et physique. La mise en défens physique peut se faire au moyen de clôtures de bois, suffisamment hautes pour ne pas pouvoir être enjambées en cas de forte épaisseur de neige, non dangereuses pour les oiseaux et n’entravant pas leur circulation au sol en période libre de neige (figure 5). Des plantations de résineux denses sont dans un tel cas très utiles pour relayer les clôtures lorsque celles-ci commenceront à se dégrader. Elles présentent en outre l’avantage de former un écran visuel qui diminue la largeur de la bande perturbée de part et d’autre de la piste. En outre, la baisse de visibilité, comme la gène mécanique qu’elle représente, a un effet dissuasif sur le passage des skieurs. Il nous paraît plus prudent que la signalisation ne mentionne pas explicitement la protection du grand tétras, ce qui pourrait être contre-productif. Par contre, une communication au sein de la station serait certainement utile. Elle est très sérieusement envisagée par les gestionnaires de la station, tant auprès des personnels que de la clientèle. Différents dispositifs de visualisation sont utilisés en pareil cas, selon le type de câble [transport d’électricité, transport d’explosifs (catex), téléski, télésiège…], et sont supposés performants. Il s’agit soit de f lotteurs rouges (téléskis ; figure 6), soit de spirales rouges (télésièges), soit de fanions jaunes et noir (catex). Les travaux de l’ONCFS et de l’OGM ont montré que de nombreuses espèces d’oiseaux de taille moyenne et grande (turdidés, rapaces diurnes et nocturnes, bécasse des bois…) sont également victimes des collisions avec les câbles, aussi est-il légitime de penser que cette mesure sera favorable à ces espèces, dont beaucoup ont une forte valeur patrimoniale. Préservation des habitats de reproduction La réalisation d’une carte des habitats de reproduction présents sur la station constitue une étape indispensable pour porter à la connaissance du gestionnaire du domaine skiable les secteurs qui doivent être préservés. Dans le cas présent, nous avons identifié les zones qui doivent à tout prix être préservées de tout décapage de la végétation, de sorte que le site conserve son potentiel en période de reproduction. La conservation de cet habitat, souvent constitué de landes d’éricacées, sera certainement bénéfique à de nombreux autres taxons, tels que la perdrix grise de montagne. En outre, Laiolo & Rolando (2005) ont montré que l’effet de lisière créé en bordure des pistes de ski avait un effet négatif significatif sur les communautés d’oiseaux de montagne, à l’inverse de ce qui est constaté le long de lisière entre pâture ancienne et forêt. Selon ces auteurs, cet effet est dû à l’aspect excessivement net de ces néo-lisières. Ainsi, la conservation des milieux favorables à la reproduction du grand tétras devrait-elle minimiser l’impact défavorable sur cet élément de la biodiversité. Stratégie nationale pour la biodiversité Suivi et évaluation L’évaluation de l’efficacité des mesures compensatoires est nécessaire, d’une part pour s’assurer de leur durée, d’autre part pour faire profiter d’autres sites de l’expérience acquise. À ce titre, un cas assez similaire, dans la station de ski de Formiguères (Pyrénées-Orientales), conforte notre conclusion selon laquelle des mesures compensatoires peuvent être efficaces Dans ce cas, une piste de ski bordant un bois de pin à crochet avait occasionné la disparition d’une petite place de chant située très proche de son emprise. Une autre place située à quelque distance de cette piste s’est cependant développée en même temps que des dispositions pour limiter le ski hors piste ont été prises, qu’un important programme d’amélioration d’habitat a été mise en œuvre, et qu’une vaste zone forestière extrêmement favorable a été préservée. Le suivi de la mortalité due aux câbles a été mis en œuvre dans plusieurs stations de ski alpines et pyrénéennes. Il est réalisé par le personnel des stations et s’avère performant. Un correspondant, régulièrement informé des résultats du programme de l’OGM concernant cette question, s’assure de l’entretien des dispositifs de visualisation, comme des signalétiques, et des mises en défens des pratiques hors piste. Le suivi de la population de tétras locale pourrait être assurée par l’OGM, selon ses protocoles habituels (recensement des coqs chanteurs, suivi de la reproduction et cartographie des zones d’hivernage, recherche des crottes au printemps). Discussion et conclusion Appuyée sur un solide triptyque (la base de données de l’OGM, des connaissances approfondies de la biologie des espèces et des outils de modélisation adaptés), cette étude a permis d’éviter la radicalisation d’un conf lit entre différents acteurs locaux (associations, exploitant de station de ski, collectivités territoriales, services de l’État). Elle a abouti à des préconisations concrètes, acceptées par les gestionnaires concernés, et dont une bonne partie a déjà été mise en œuvre sur le terrain. Elle augure sans doute d’une démarche innovante qui consiste à transformer ce qui pourrait être ressenti comme une contrainte – la prise en compte de l’environnement dans le développement du tourisme hivernal – en un atout qui reposerait sur une forme de labelisation. Un processus de « démarche qualité environnementale » existe déjà dans certaines stations de ski, ciblé principalement sur la qualité des eaux, des paysages, mais fort peu sur la conservation des habitats naturels ou des espèces sensibles. Photo © Y. Magnani/ONCFS Figure 6 : Remontée mécanique munie de dispositif de visualisation. Nous avons choisi de mettre en avant un cas qui montre qu’il est possible de concilier la modernisation d’un domaine skiable et la protection d’une espèce sensible, au sein même d’une ZICO. Cela ne signifie pas que cela soit possible dans tous les cas, et l’impartialité scientifique qui doit toujours accompagner ce type d’expertise nous a parfois conduit à démontrer que les projets proposés entamaient trop profondément les sites vitaux de certaines espèces sensibles ou le fonctionnement de leurs populations pour pouvoir proposer des mesures compensatoires efficaces. Quelles que soient les conclusions de ces études, qu’elles ouvrent de réelles perspectives de compensation efficaces ou qu’elles soient au contraire beaucoup plus réservées sur les possibilités de réaliser les projets sans atteinte sérieuse à la conservation de la nature, les décisions seront d’autant moins contestables qu’elles sont fondées sur des données factuelles et sur des expertises détaillées et rigoureuses. Remerciements Photo © E. Ménoni/ONCFS Figure 5 : Clôtures « girondines » installées pour la mise en défens d’une zone d’hivernage. Nous remercions vivement Arnaud Sournia et Michel Grassaud, de la DIREN Midi-Pyrénées, de leur relecture constructive de cet article, et Émilie Dumont Dayot, de l’OGM, qui a réalisé certaines cartes utilisées dans l’étude prise comme exemple. ONCFS Rapport scientifique 2006 15 Stratégie nationale pour la biodiversité BIBLIOGRAPHIE • Brenot J. F., Catusse M. & E. Ménoni (1996) – Effets de la station de ski de fond du plateau de Beille (Ariège) sur une importante population de grand tétras (Tetrao urogallus). Alauda 64 (2) : 249-260. • Buffet N., Berthillot S., Magnani Y., Monta M. & E. Dumont-Dayot (2006) – Percussion des oiseaux dans les câbles aériens des domaines skiables. Zoom n° 4. Sévrier, Observatoire des Galliformes de Montagne. 88 pp. • Fieberg J. & S.P. Ellner (2001) – Stochastic matrix models for conservation and management : a comparative review of methods. Ecology Letters 4 : 244-266. • Laiolo, P. & A. 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ABSTRACT Enlargement of ski areas and Capercaillie : an ONCFS expertise Emmanuel Ménoni, Pierre Defos du Rau & Philippe Blanc ■ The creation of winter sports stations in the Pyrenees from 50’s marked the start of the decrease of Capercaillie populations in and around ski areas due to the habitat loss caused by the building of ski pistes and infrastructures, the chronic disturbance in other wintering areas and bird mortality by collision with cables. At the scale of the total distribution area of this species in the Pyrenean range, these local impacts have increased habitat fragmentation and contributed to the decline of Capercaillie populations. Within the framework of several impact studies linked to the enlargement or modernisation of ski areas, the ONCFS developed a specific methodology to qualify and quantify the negative effects of installations on Capercaillie and propose compensatory measures liable to reduce or remove these effects. ■ The methodology is based on the modelisation of fluctuations in the numbers during a 20 year period for different scenarios : abandonment of the project (reference scenario), setting up of the project with no compensatory measures, setting up of the project with compensatory measures adapted to the biology of the species. The most favourable scenario compared to the reference one is proposed to the person in charge of the project. ■ The model is built from known Capercaillie survival rate and breeding success values in the Pyrenees. The mapping of areas used in winter and during the breeding period is required as well as that of areas where vegetation structure could be favourable to Capercaillie in winter but that are finally not used due to skiing. The mapping of cables liable to be dangerous for birds and an estimate of numbers present before the works are also required. ■ As the case may be, the compensatory measures following this approach can be : the visualisation of present and future dangerous cables, a change of location of the infrastructures, the prohibition of off-piste skiing in potential or used Capercaillie wintering areas and ecological engineering actions in order to minimize impacts of the installations. In some cases, as in the present study, the installation with compensatory measures can be more favourable for the Capercaillie population than no installation. ■ Such an innovating approach, accompanied by evaluation and information actions, could lead to transforming a possible constraint – taking into account the environment in the development of the winter tourism– into a chance which could be exploited as a label. 16 ONCFS Rapport scientifique 2006 Stratégie nationale pour la biodiversité Conditions climatiques et succès de reproduction du lagopède alpin Claude Novoa, Aurélien Besnard*, Jean François Brenot & Laurence N. Ellison *EPHE, Laboratoire de Biogéographie et Écologie des Vertébrés, Université de Montpellier – 34095 Montpellier Cedex 5 Contexte de l’étude La question de l’impact des changements climatiques sur les populations d’oiseaux est devenue un des thèmes majeurs de la recherche en ornithologie. Bien que de nombreuses études ont démontré les effets du réchauffement global sur les modifications d’aire de répartition ou sur la chronologie des dates de migration ou de reproduction, les effets sur la démographie des espèces ont été bien moins étudiés (Moss et al., 2001 ; Crick, 2004). Prédire les conséquences démographiques des changements climatiques nécessite au préalable une meilleure compréhension des relations entre climat et traits d’histoire de vie des populations d’oiseaux (Saether et al., 2004 ; Sandercock et al., 2005). Ceci s’avère particulièrement vrai pour les espèces vivant dans des conditions environnementales extrêmes, celles-ci devant être logiquement les premières à souffrir du réchauffement global (Martin, 2001). Parmi ces espèces, le lagopède alpin (Lagopus muta), espèce inféodée aux toundras arctiques et alpines, représente un cas d’étude intéressant. Sur le plan démographique, les populations de lagopède alpin situées en limite sud de l’aire de répartition (Alpes et Pyrénées) se caractérisent par une très faible productivité, contrastant avec celle bien supérieure des populations plus nordiques (Ellison & Léonard, 1996). Ces différences entre populations alpines et arctiques de lagopède alpin soulèvent plusieurs questions. Les conditions météorologiques en période estivale permettent-elles d’expliquer les échecs de reproduction régulièrement observés dans les Alpes comme dans les Pyrénées ? En quoi les conditions environnementales au moment de la reproduction sontelles différentes au nord de l’aire de répartition ? Enfin, peut-on déceler un changement dans les variables climatiques déterminantes du succès de la reproduction de l’espèce au cours de la période récente ? Une étude, réalisée à différentes échelles spatiales, tente de répondre à ces différentes questions. Relations climat-succès de reproduction au niveau local Méthodes Le succès de la reproduction du lagopède alpin, défini comme le nombre de jeunes par adulte, a été déterminé annuellement de 1997 à 2005, à l’aide de comptages au chien d’arrêt réalisés début août. Les relations entre cet indice de reproduction et les conditions météorologiques ont été analysées sur deux périodes : la période de ponte-incubation (1) et la période des éclosions (2). Les dates correspondant à ces périodes ont été définies chaque année en considérant les quatre semaines avant la date médiane des éclosions pour la période 1, et les quatre semaines après pour la période 2. Quatre variables météorologiques ont été retenues : hauteur de pluie (H), nombre de jours de pluie (N), et températures moyennes des minimales (T°min) et des maximales (T°max). L’enregistrement en continu des hauteurs de neige à partir d’une station « nivose » de Météo France nous a permis d’estimer annuellement la date de début de déneigement (déneig), définie comme la date d’apparition du sol nu au niveau de la station. L’indice annuel du succès de la reproduction a été modélisé à l’aide d’une régression de Poisson, avec le nombre d’adultes déclaré en variable « offset », et en considérant neuf variables explicatives : les quatre variables météorologiques sur chacune des deux périodes et la variable déneigement. Résultats La phénologie des éclosions a sensiblement varié au cours de ces neuf années, en relation semble-t-il avec les dates de déneigement. Ces dernières ont varié du 28 mars pour la plus précoce, en 1998, au 10 juin pour la plus tardive, en 2004. En règle générale, un déneigement précoce a été associé avec une saison de reproduction avancée et un bon indice du succès de la reproduction. Notons toutefois que malgré une forte variabilité dans la date de début de déneigement, les dates des premières éclosions n’ont varié que de trois semaines, ce qui suggère que même lors d’années à déneigement tardif, les poules de lagopède ne peuvent pas trop déplacer leur « fenêtre » de reproduction. De 1997 à 2005, le succès de la reproduction du lagopède alpin sur le massif du Canigou a varié de 0,08 à 0,72 jeune par adulte. Le modèle qui explique le mieux les variations interannuelles du succès de la reproduction est celui incluant les effets conjugués de la date de déneigement, des précipitations au moment des éclosions et de l’interaction entre ces deux variables ONCFS Rapport scientifique 2006 17 Stratégie nationale pour la biodiversité Tableau 1 : Modélisation du succès la reproduction du lagopède alpin à partir des variables météorologiques (régression de Poisson) : déneig = date de déneigement ; H = hauteur des précipitations ; N = nombre de jours de pluie ; T°max et T°min = température moyenne maximale et minimale ; 1 et 2 font respectivement référence aux périodes de ponte-incubation et d’éclosion. Le meilleur modèle est celui présentant la plus petite valeur d’AIC et une différence d’AIC avec le modèle suivant > 2. Ce modèle traduit les effets conjugués de la date de déneigement, de la pluie au moment des éclosions et de l’interaction entre ces deux variables (seuls les cinq premiers modèles sont présentés). Modèles déneig + H2 + déneig*H2 Variance Paramètres AIC delta AIC 44,44 4 52,60 -- 46,86 4 54,86 2,42 déneig + H2 49,15 3 55,15 2,71 déneig 51,72 2 55,72 3,28 déneig + Tmin1 50,20 3 56,20 3,76 14/6 160 30/5 140 120 15/5 100 30/4 80 15/4 60 31/3 40 16/3 1/3 0,0 Relations climat-succès de reproduction au niveau continental P(mm) juillet Date de déneigement déneig + N2 + déneig *N2 20 0,2 0,4 0,6 0 0,8 Nombre de jeunes/adulte Figure 1 : Relation entre le succès de la reproduction du lagopède alpin, la date de déneigement et les hauteurs de précipitation en période d’éclosion, de 1997 à 2005 sur le massif du Canigou (Pyrénées orientales). (tableau 1 et figure 1). Les résultats de la modélisation suggèrent également un effet synergique entre déneigement et précipitations, à savoir que l’effet négatif des précipitations en période d’éclosion est d’autant plus marqué que le déneigement est plus tardif (figure 2). pourrait être que l’effet des mauvaises conditions climatiques serait accentué en zone alpine, certains événements climatiques comme les orages de grêle ou les chutes de neige n’étant pas rares même en été. Ce dernier résultat nous a conduit à comparer les conditions climatiques régnant en période de reproduction, en différents points de l’aire de répartition du lagopède alpin. alors que l’effet de ces facteurs semble moins déterminant dans les populations de lagopède alpin plus nordiques (Watson et al., 1998). Une explication Nous avons collecté des données météorologiques sur dix sites occupés par le lagopède alpin et répartis le long d’un gradient latitudinal depuis les Pyrénées (42°N) jusqu’au Spitzberg (78°N). Sept de ces sites correspondent à des zones d’études pour lesquelles des données sur les âge-ratios des populations en été sont également disponibles. Les températures moyennes et les hauteurs moyennes de pluie en période d’incubation et d’éclosion ont été collectées (moyennes calculées sur des périodes de 18 à 40 ans selon les sites). Seuls les résultats relatifs aux précipitations en période d’éclosion ont été rapportés ici, cette variable étant apparue, avec la date de déneigement, comme déterminante du succès de la reproduction. Les résultats de cette comparaison montrent que les précipitations en période d’éclosion diminuent du sud au nord de l’aire de répartition. De plus, la variabilité de précipitations, qui 1,8 1,6 18 ONCFS Rapport scientifique 2006 Jeune par adulte 1,4 Un déneigement précoce favoriserait les conditions d’alimentation des poules en période de pré-ponte, ce qui se traduirait à son tour par une meilleure qualité des pontes et de viabilité des poussins. Les résultats de notre étude confortent donc l’idée que la condition physique des poules avant la ponte est un facteur déterminant du succès de la reproduction du lagopède alpin, une hypothèse déjà largement évoquée chez cette espèce (Moss & Watson, 1984 ; Steen & Unander, 1985). Notre étude souligne aussi le rôle non négligeable des conditions climatiques en période d’éclosion, notamment de la pluie, 1,2 P mm 1 15 0,8 75 0,6 125 0,4 0,2 0 30-avr 10-mai 20-mai 01-Juin Date de déneigement Figure 2 : Estimations du succès de la reproduction du lagopède alpin dans les Pyrénées orientales (nombre de jeune par adulte ± sd) en fonction de quatre dates de déneigement et de trois niveaux de précipitations en période d’éclosion. (Valeurs fournies par le meilleur modèle). Stratégie nationale pour la biodiversité Les conditions climatiques en période d’éclosion, en particulier les hauteurs de pluie et leur variabilité, sont donc vraisemblablement un élément important pour expliquer la plus forte productivité des populations nordiques de lagopède alpin, mais ce n’est certainement pas le seul. En effet, une autre différence tout aussi déterminante, concerne la taille moyenne des pontes : 5,5 à 8 dans les Alpes, les Pyrénées et l’Écosse, 6,5 à 11,7 en Alaska, en Islande et au Spitzberg. La relation positive entre la taille des pontes et la latitude est un trait assez général chez les oiseaux, pour lequel plusieurs hypothèses ont été émises. L’allongement important de la longueur des jours favoriserait la disponibilité des ressources alimentaires pour les poules avant la ponte. D’autres auteurs ont suggéré aussi qu’un risque plus faible de prédation sur les nids aux latitudes septentrionales favoriserait des tailles de ponte plus élevées. À une exception près, nos données sur les taux de réussite des nids, estimés à partir des suivis de poules équipés d’émetteur dans les Alpes et les Pyrénées, sont comparables à celles rapportées pour les populations nordiques (Novoa et al., 2005). L’hypothèse de meilleures conditions d’alimentation des poules au printemps dans les habitats nordiques serait donc a priori une hypothèse à privilégier pour expliquer l’accroissement de la taille des pontes dans les populations septentrionales de lagopède alpin. Changements climatiques : des effets déjà perceptibles ? Pour le lagopède alpin, la conséquence la plus attendue du réchauffement 200 85 65 120 3 55 80 1 2 45 5 4 40 6 8 7 % de jeunes en août 75 160 Précipitations (mm) peut être considérée comme un indice de la stochasticité environnementale, diminue également avec la latitude (figure 3). Parallèlement à ce gradient pluviométrique, les âge-ratios observés en été au sein de ces populations de lagopède suivent eux un gradient inverse, c’est-à-dire qu’ils augmentent avec la latitude. Faute de données disponibles sur les dates moyennes de déneigement sur la plupart des sites, une telle comparaison n’a pas été possible pour cette variable. 35 9 10 0 25 35 45 55 65 75 85 Latitude °N Figure 3 : Évolution des précipitations moyennes en période d’éclosion (losanges ± sd) et des pourcentages de jeunes lagopèdes observés au mois d’août dans la population (cercles) en fonction de la latitude des sites occupés par le lagopède alpin. 1 : Canigou (42.3°N – 2,180 m – Pyrénées orientales), 2 : Estany Gento (42.4°N – 2,145 m – Pyrénées Centrales Ibériques), 3 : Codelago (46°N – 1,870 m – Alpes italiennes), 4 : Braemar (57°N – 340 m – Écosse), 5 : Central (65.3°N – 280 m – Alaska), 6 : Tassilaq (65.6°N – 50 m – Groenland SE), 7 : Cambridge Bay (68°N – 23 m – Nunavut, Canada), 8 : Nordkapp (71°N – 33 m – Norvège), 9 : Danmarshavn (76°N – 11 m – Groenland NE), 10 : Ny-Alesund (78°N – 8 m – Sptizberg). Les valeurs d’âge-ratio ne sont pas disponibles sur les sites n° 6, 8 et 9. climatique devrait être un relèvement altitudinal des étages de végétation et donc, à terme, un rétrécissement de l’étage alpin sur les massifs montagneux les moins élevés. Les effets sur les paramètres démographiques, et notamment sur le succès de la reproduction, sont moins évidents. Le réchauffement des températures printanières devrait logiquement favoriser un déneigement plus précoce, ce qui, à terme, représente un point plutôt positif pour le succès de la reproduction de l’espèce. Cependant, la grande variation de la date de début de déneigement observée au cours de notre période d’étude suggère que le déneigement est une variable complexe qui ne dépend pas que des températures printanières. Si l’absence de données anciennes sur les dates de déneigement ne permet pas d’analyser leur tendance au cours de la période récente, il est par contre possible de le faire pour les hauteurs de précipitations en période d’éclosion. C’est ce que nous avons fait au niveau pyrénéen en utilisant les données de quinze stations météorologiques, situées au pied des zones à lagopède à des altitudes comprises entre 1 000 et 1 640 m. Les précipitations de juillet (période d’éclosion) ont été analysées sur la période 1980-2003 à l’aide d’un modèle linéaire généralisé, en considérant les variables site, année et altitude de la station. De façon attendue, les précipitations ont fortement varié entre les sites (F = 3,42, ddl = 14, p < 0,01), et ont été plus importantes sur les stations du centre-ouest de la chaîne que sur celles de l’est (F = 17,40, ddl = 1, p < 0,01). Les précipitations ont également varié d’une année sur l’autre (F = 18.38, ddl = 23, p < 0,01), avec une tendance à la hausse significative sur la période 1980-2003 (F = 9,96, ddl = 1, p < 0,01). En l’absence d’interaction entre le site et l’année, on peut considérer que cette augmentation des précipitations en juillet a été générale sur l’ensemble des Pyrénées. Cependant, compte tenu que les hauteurs de précipitations ont été plus importantes au centre et à l’ouest des Pyrénées, on peut penser que l’impact négatif de cette hausse sur le lagopède alpin a été encore plus marqué sur cette partie de la chaîne. Ces résultats sont à mettre en parallèle avec les observations de terrain qui suggèrent un net recul de l’espèce sur les parties centrale et occidentale de la chaîne au cours de ces dernières années. ONCFS Rapport scientifique 2006 19 Stratégie nationale pour la biodiversité Conclusions et perspectives La faible productivité des populations méridionales de lagopède alpin (Alpes et Pyrénées) est probablement un trait d’histoire de vie caractéristique de ces populations, qui s’oppose à la productivité plus élevée observée au nord de l’aire de répartition. Pour ces populations alpines, les conditions météorologiques régulièrement défavorables en période de reproduction se traduisent par des échecs chroniques de la reproduction, échecs qui devraient être compensés par un allongement de leur « contribution reproductrice totale » (reproductive lifespan). Par conséquent, on peut s’attendre à ce que les compromis entre succès de la reproduction et survie des adultes diffèrent entre populations de lagopède alpin du sud au nord de l’aire de répartition. Des estimations de taux de survie sur différentes populations de lagopède alpin situées le long d’un gradient alpin-arctique sont maintenant nécessaires pour vérifier un tel postulat. Remerciements Oregon State University Press, Corvallis, Oregon : 285-310. Ce travail a largement bénéficié de l’aide sur le terrain de Jérôme Sentilles, de Jean Resseguier, et de celle de nombreux étudiants. I. Afonso Jordana, J. Noilhan, L. Rotelli, B. Sittler, T. Storaas, N.G. Yoccoz, le Centre d’Études de la Neige de Météo-France et la Réserve Naturelle de Mantet ont facilité la collecte des données météorologiques. Nous tenons également à remercier Olivier Gimenez (CEFECNRS) de son aide précieuse sur les analyses statistiques. • Moss R. & A. Watson (1984) – Maternal nutrition, egg quality and breeding success of Scottish ptarmigan Lagopus mutus. Ibis, 126 : 212-220. BIBLIOGRAPHIE • Crick H.Q. (2004) – The impact of climate change on birds. Ibis 146 (Suppl. 1) : 48-56. • Ellison L.N. & P. Leonard (1996) – Validation d’un critère d’âge chez le lagopède alpin Lagopus mutus et sexe et âge ratios dans des tableaux de chasse des Alpes et des Pyrénées. Gibier Faune Sauvage 13 : 1495-1509. • Martin, K. (2001) – Wildlife communities in alpine and sub-alpine habitats. In : Johnson D.H. and O’Neil T.A. (Managing Directors), Wildlife – habitat relationships in Oregon and Washington, • Moss R., Oswald J. & D. Baines (2001) – Climate Change and breeding success : decline of the Capercaillie in Scotland. Journal of Animal Ecology, 70 : 47-61. • Novoa C., Ellison L., Desmet J.F., Miquet A., Sentilles J & F. Sarrazin (2005) – Lagopède alpin : démographie et impact des activités humaines. Convention MEDD-ONCFS 2002-2004, rapport final. 48 p. • Saether B.E., Sutherland W.J. & S. Engen (2004) – Climate influences on avian population dynamics. Advances Ecol. Res., 35 : 186-209. • Sandercock B.K., Martin K. & S.J. 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Reproductive success was estimated in early August from 1997 to 2005, by counting adults and well-grown chicks with pointing dogs. We considered the following weather variables in June and July from pre-laying to hatching : mean monthly minimum and maximum temperatures, monthly rainfall and number of days with rain. Each spring, we also recorded the date of snowmelt, defined as the end of the period of continuous snow cover. The number of young per adult in August counts varied from 0.08 to 0.72. Reproductive success was positively associated with early appearance of snow-free ground, with annual dates of snowmelt varying from 28 March to 10 June. Using Poisson regression and Akaike’s Information Criterion, we selected the best model explaining the effect of weather on the proportion of young in August. The best predictive variables were date of snowmelt, rainfall during hatching and the interaction between these two variables. Hence, both pre-laying and hatching weather conditions influenced reproductive success of Rock Ptarmigan in the eastern French Pyrenees. At a continental scale, reproductive success of alpine populations of Rock Ptarmigan is consistently lower than that of northern populations. This difference in productivity may be partly correlated with climatic conditions observed along an arctic-alpine gradient, the amount and variation of rainfall being greater in alpine areas than elsewhere in the species’ range. The significant increase in rainfall observed during the dates of hatching from 1980 to 2003 throughout the Pyrenees may partially explain the negative trends observed recently in Rock Ptarmigan populations. 20 ONCFS Rapport scientifique 2006 Stratégie nationale pour la biodiversité Comparaison du comportement spatial d’ours bruns réintroduits et non réintroduits en Europe Pierre-Yves Quenette, Georg Rauer*, Djuro Huber**, Petra Kazensky***, Felix Knauer***, Andrea Mustoni****, Santiago Palazon***** & Frederico Zibordi**** * World Wildlife Fund, Autriche ** Université de Zagreb, Croatie *** Université de Friburg, Allemagne, **** Parc naturel Adamello Brenta, Italie ***** Generalitat de Cataluña, Espagne Contexte de l’étude La situation de l’ours brun en Europe est très contrastée selon la zone géographique considérée. Alors que dans l’est (montagnes dinariques) et le nord de l’Europe (Scandinavie et Russie) les effectifs des populations sont supérieurs à 2000, on trouve dans le sud de l’Europe des petites populations isolées d’effectif inférieur à 80 ours (IUCN, 1999). Il s’agit plus précisément des 6 noyaux de population situées en Espagne dans les Monts cantabriques (2 noyaux), en Italie dans les Alpes et dans les Abruzzes, en Autriche et entre la France et l’Espagne dans les Pyrénées. La transplantation est un outil assez récent pour la gestion et la conservation de l’ours brun en Europe et en Amérique du nord (Servheen et al., 1995 ; Clark et al., 2002). Ce type de mesure s’appuie sur la Directive habitat (1992) qui vise à préserver le patrimoine européen ou à le restaurer dans le cadre du développement durable. En Europe, l’Autriche, la France et l’Italie ont eu recours à cette technique dans le cadre de programmes de conservation, à partir d’ours issus de Slovénie et de Croatie. Ainsi, l’Autriche, la France et l’Italie ont réintroduit respectivement trois ours entre 1989 et 1991, huit ours entre 1996 et 2006 et dix ours entre 1999 et 2002. Parallèlement, la Slovénie et la Croatie ont développé des programmes de capture et de suivi d’ours équipés de radio-émetteur (Kazensky, 1999). L’objectif de cet article est double. Il s’agit d’une part de présenter des résultats sur le comportement spatial d’ours réintroduits dans un habitat nouveau et de les comparer avec celui d’ours issus de la population source, et d’autre part de fournir des données biologiques de références qui peuvent être utiles pour les gestionnaires en charge de futures translocations d’ours brun. Zones d’études et méthodes Régions concernées par les programmes de suivi et de restauration Trois régions d’Europe sont concernées par les opérations de réintroduction d’ours brun (figure 1) : – le centre de l’Autriche, au nord-est des Alpes (Rauer, 1992 ; Gerstl & Rauer, 1999), – les Pyrénées centrales, en France, région Midi-Pyrénées (Quenette, 2000 ; Quenette et al., 2001), – le nord de l’Italie, dans le Parc naturel Adamello-Brenta (Dupré et al., 1998). Excepté deux ours capturés au nord de la Croatie et relâchés en Autriche, l’ensemble des individus réintroduits proviennent de la même région de Slovénie (les réserves de chasse de Jelen-Sneznik et Medved-Kocevje). Les deux projets de suivi de population par équipement d’ours au moyen de collier émetteur concernent la région de Gorski-Kotar en Croatie (Huber & Roth, 1993) et de Sneznik en Slovénie (Kaczensky, 1999). disposés sur des sites où de la nourriture est déposée pour les attirer. La manipulation de l’animal demande selon les cas entre 40 et 120 minutes. Chaque ours capturé est équipé d’un collier émetteur VHF et parfois muni d’une marque auriculaire (1). Pour les trois projets de restauration de l’ours brun, le transport des animaux s’est fait par la route dans une cage installée dans un camion. Les animaux sont amenés sur le site de lâcher le plus Techniques de capture, marquage et transport des animaux Les animaux sont capturés à l’aide de piège à patte de type Aldrich ou par télé-anesthésie à partir d’affûts (1) Les ours réintroduits en France en 2006 ont été équipés d’un émetteur intraabdominal (Telonics Inc., USA) et d’un collier GPS/GSM (Lotek, Canada). ONCFS Rapport scientifique 2006 21 Stratégie nationale pour la biodiversité la distance maximum depuis le site de lâcher et l’aire de recouvrement entre des domaines vitaux annuels successifs pour quelques individus. Les facteurs pris en compte sont le sexe, l’âge des animaux (juvénile, subadulte, adulte) et la délocalisation ou non après la capture. Des tests paramétriques sont utilisés pour comparer les moyennes, après transformation logarithmique en cas de non normalité de la distribution des variables. Figure 1 : Emplacement des sites de capture (Slovénie et Croatie) et lieux de réintroductions (Autriche, France, Italie). rapidement possible après leur capture. Selon le pays de destination, le temps entre la capture et le lâcher peut varier entre douze et vingt-cinq heures. Télémétrie À ce jour, vingt-et-un ours (six males et quinze femelles) ont été capturés puis réintroduits dans un autre pays et vingt-huit ours (seize mâles et douze femelles) ont été relâchés sur leur site de capture (tableau 1). La fréquence des localisations télémétriques varie selon la région et le nombre d’ours équipés. Ainsi les ours réintroduits, moins nombreux, ont été suivis de façon plus intensive que les ours non réintroduits (tableau 2). La durée des suivis télémétriques de chaque ours est du même ordre de grandeur selon les différentes régions d’Europe (tableau 2). Chaque ours équipé est suivi depuis la sortie de tanière jusqu’à l’entrée en tanière. La localisation est estimée par triangulation à partir d’au moins trois azimuts en trois endroits différents. Les distances entre les points de réception et l’animal peuvent varier entre 200 et 2 000 m. Dans certains cas, la localisation télémétrique est effectuée par avion. Analyse du comportement spatial Quatre variables quantitatives ont été retenues pour analyser le comportement spatial des ours : la distance entre les localisations pour des jours consécutifs, la taille du domaine vital estimée par la méthode du polygone convexe à 95 %, Tableau 1 : Répartition des ours réintroduits et non-réintroduits par région et nombre d’ours en fonction de la durée de suivi télémétrique (situation en 2007). Durée du suivi télémétrique /Nombre d’ours suivis Nombre d’ours Région ré-introduits 1 an 2 ans 3 ans 1 2 Pyrénées, France-Espagne 8 5 Trentin, Italie 10 4 Alpes, Autriche 22 nonréintroduits 3 3 5 Les données récoltées ont été comparées à une évolution théorique obtenue par un ré-échantillonnage fondé sur la technique du Bootstrap. Cette méthode consiste à simuler la surface moyenne du domaine vital pour cent tirages aléatoires de cinq localisations, puis dix localisations, puis quinze jusqu’à l’ensemble des localisations, par pas de cinq, pour chaque ours. Dans le cas d’un ours résident non délocalisé, les évolutions théorique et observée doivent être similaires, dans la mesure où l’animal a un domaine vital bien établi qu’il utilise régulièrement au cours de l’année. Résultats Comportement spatial des ours réintroduits (2) et non réintroduits 4 ans Le calcul de la distance entre les localisations télémétriques successives 1 4 (1 réintroduit) 2 Slovénie 15 7 7 1 Croatie 10 5 2 2 ONCFS Rapport scientifique 2006 La construction progressive du domaine vital des ours réintroduits a été analysée en calculant la surface du domaine vital pour les cinq, dix et quinze premières localisations, jusqu’à utiliser enfin l’ensemble des localisations. Cette méthode pour décrire les patterns des mouvements des ours a l’avantage d’être relativement robuste par rapport au nombre de localisations et aux tailles de domaines vitaux variables selon les ours et les zones d’étude des différents pays. 1 (2) Les données issues des ours réintroduits en 2006 n’ont pas été prises en compte pour ces analyses qui nécessitent un suivi pendant plusieurs années. Stratégie nationale pour la biodiversité Tableau 2 : Moyenne (étendue) du nombre de localisations télémétriques, du nombre de jours entre localisations successives et de la durée en jours du suivi télémétrique, par année-ours. Nombre de localisation Nombre de jours entre localisations Nombre de jours de suivi télémétrique Annéesours Pyrénées, France-Espagne* 154,7 (100-211) 1,3 (1,1-1,5) 205,8 (114-295) 6 Trentin, Italie 121,5 (35-192) 1,6 (1,2-3,4) 186,7 (63-265) 20 Alpes, Autriche 55,8 (15-118) 2,9 (1,1-7,2) 133,5 (30-269) 14 Slovénie 70,6 (24-146) 2,8 (1,5-8,6) 179,4 (43-275) 24 Croatie 23,8 (9-70) 9,2 (1,3-30) 181,2 (19-301) 16 Région Dynamique du comportement spatial L’examen de l’évolution des domaines vitaux à la fois chez les ours déplacés et non déplacés montre une grande variabilité. En première analyse, on peut distinguer quatre patterns généraux selon la position de la courbe observée par rapport à la courbe théorique (figure 5) : soit l’écart entre les courbes observée et * Les ours réintroduits en 2006 ne sont pas pris en compte. 3,5 3 2,5 Km (espacées d’environ 24 heures) montre que les ours réintroduits se déplacent plus la première année que la deuxième année (ANOVA, F = 53,409, p < 0,001). La deuxième année, aucune différence significative avec les ours non déplacés n’est mise en évidence (figure 2). taux de recouvrement (> 90%) avec le domaine vital précédent les naissances. 2 1,5 1 La distance entre le point de lâcher (pour les ours réintroduits) et la localisation la plus éloignée varie, selon les individus, entre 12,3 et 105,8 km (moyenne = 48 km ± 25,7). Aucune différence significative apparaît entre mâles et femelles. Au cours de la première année, on observe que parmi les vingt-et-un ours réintroduits dans un autre pays, treize ont un domaine vital qui inclut le site de lâcher. Parmi les seize individus suivis pendant deux années ou plus, sept incluent le site de lâcher dans leur domaine vital estimé par rapport à la dernière année de suivi. 0,5 0 1re année 2e année Translocation non déplacés Figure 2 : Distance moyenne entre jours consécutifs. 1000 800 600 Km2 Quelle que soit la région considérée, les domaines vitaux des ours réintroduits sont significativement plus grands que les domaines vitaux des ours non déplacés (figure 3). Leur taille varie entre les régions où se font les réintroductions. La taille moyenne des domaines vitaux diminue la deuxième année après le lâcher mais reste néanmoins supérieure à celle des ours non déplacés (Figure 4 ; F = 9,89 ; p = 0,0002). 400 200 0 Pyrénées Trentin Autriche Monts dinariques Figure 3 : Taille moyenne du domaine vital par région (Pyrénées, Trentin, Autriche : ours réintroduits ; Monts dinariques : ours non déplacés). 1200 1000 Km2 800 La proportion de recouvrement du domaine vital annuel entre années successives a été estimée pour chaque ours (à l’exception de ceux lâchés en 2006). Aucune différence significative n’est mise en évidence entre les ours réintroduits et les ours non déplacés (taux de recouvrement moyen : 78,5 % et 77,9 %, respectivement). Toutes les femelles avec oursons de l’année présentent un fort 600 400 200 0 1re année 2e année Translocation non déplacés Figure 4 : Taille moyenne du domaine vital toutes régions confondues. ONCFS Rapport scientifique 2006 23 Stratégie nationale pour la biodiversité Type 1. Ancka 1998, femelle de huit ans, non déplacée après la capture, Slovénie. Type 2. Ziva 1997, femelle de huit ans avec oursons de l’année, réintroduite en France en 1996. 90 80 70 MCP (km2) 60 50 40 30 20 1 4 7 10 13 16 19 22 25 28 MCP (km2) Type 3. Maja 2002, femelle de cinq ans, réintroduite en Italie en 2002. 200 180 160 140 120 100 80 60 40 20 0 1 3 5 7 9 11 13 15 17 19 21 23 25 10 0 1 4 7 10 13 16 19 22 25 28 31 34 37 40 Type 4. Mira 1989, femelle de trois ans, réintroduite en Autriche en 1989. 140 120 100 MCP (km2) MCP (km2) 100 45 40 35 30 25 20 15 10 5 0 80 60 40 20 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 Figure 5 : Principaux patterns de l’évolution du domaine vital calculé par la méthode du polygone convexe minimum (MCP) (en violet : courbe observée ; en vert : courbe théorique ; abscisse = nombre de localisation x 5 pour calculer les domaines vitaux successifs). théorique est faible (type 1), soit l’écart est important et la courbe observée est sous la courbe théorique (type 2) ou au dessus (type 3), ou bien coupe la courbe théorique (type 4). Pour les ours réintroduits, que ce soit en France, en Italie ou en Autriche, l’évolution du comportement spatial la première année après le lâcher correspond le plus souvent aux types 3 ou 4, aussi bien chez les mâles que chez les femelles Ces deux types traduisent des déplacements de très grandes amplitudes juste après le lâcher (type 3) ou quelques jours après le lâcher (type 4). Ces déplacements entraînent un fort accroissement du domaine vital pendant les semaines qui suivent le lâcher. Le pattern de type1 qui correspond à des ours adultes qui explorent régulièrement l’ensemble de leur domaine au cours de l’année a également été observé sur certains ours réintroduits la ou les années suivant le lâcher. Pour les ours mâles ou femelles sans oursons de l’année relâchés sur le site de capture, on observe le plus souvent les types 1 et 4 (Kaczensky, 1999). Le type 4 s’observe surtout chez des individus qui peuvent parfois sortir temporairement 24 ONCFS Rapport scientifique 2006 de leur domaine habituel (mâle pendant le rut) ou des jeunes mâles entre deux et quatre ans qui se dispersent. Enfin, les femelles accompagnées d’oursons de l’année, qu’elles soient déplacées dans un autre pays ou relâchées sur leur site de capture, présentent toujours le pattern 2. Ce pattern traduit la contrainte liée aux oursons qui restreint les déplacements de la femelle après la sortie de tanière. Ainsi, une variabilité intra-individuelle peut-elle être observée dans les patterns. Certains individus suivis pendant plusieurs années peuvent présenter un pattern différent chaque année selon leur âge et leur statut reproducteur (femelle avec ou sans ourson, mâle pendant le rut). Conclusion Les résultats préliminaires présentés dans cet article apportent des éléments de connaissance utiles pour les gestionnaires en charge de la gestion de l’ours brun en Europe. Le renforcement d’une population au statut précaire par la translocation d’ours issus d’une autre population constitue un des outils disponibles pour la restauration et la conservation de cette espèce en Europe et en Amérique du nord (Servheen et al., 1995 ; Clark et al., 2002). Bien qu’un ours soit mort lors de ces transferts (Rauer, 1992), l’expérience acquise en Europe montre que le transport de ces individus par la route peut se faire avec succès, même à des distances éloignées (Quenette et al., 2000 & 2001). Le lâcher immédiat des ours dès l’arrivée dans leur nouvel habitat, sans phase d’adaptation, semble également la bonne option (IUCN, 1998). L’étendue des déplacements et la taille des domaines vitaux des ours réintroduits, nettement supérieures aux ours non déplacés, sont des éléments indispensables à intégrer avant tout programme de restauration de cette espèce (Dupré et al., 1998). Ces résultats montrent que les analyses préliminaires (écologiques, socio-politiques, économiques) à la réintroduction de cette espèce doivent être réalisées à une échelle spatiale d’au moins 2 000 à 3 000 km2. Stratégie nationale pour la biodiversité Le choix du site de lâcher est également important car il conditionne en partie les déplacements ultérieurs des ours et leur installation dans leur nouvel habitat (près d’un ours sur deux inclut le site de lâcher plusieurs années après le lâcher). Il convient donc d’effectuer les lâchers des mâles et femelles dans la même zone géographique si on veut reconstituer un noyau de population ou bien sur les zones où il existe encore des ours résidents. Dans la mesure où les femelles adultes constituent pour cette espèce la classe d’individus la plus importante pour la dynamique de la population (Chapron, 2003), la proportion d’individus réintroduits se fait généralement en faveur des femelles. Néanmoins des observations récentes non publiées (Rauer, Genovesi & Zedrosser, com pers.) fondées sur les analyses génétiques, tendent à montrer que dans le cas de petites populations, seuls certains mâles participent à la reproduction et peuvent s’accoupler avec leurs filles (cas des mâles « Pyros » en France-Espagne, « Djuro » en Autriche et « Joze » en Italie). Il est donc important pour les gestionnaires de ces petites populations de prendre en compte ce phénomène afin d’accroître le nombre de mâles participant à le reproduction et augmenter ainsi la variabilité génétique de la population. Enfin, la comparaison entre les ours réintroduits et non réintroduits permet de rechercher les règles comportementales qui sous-tendent le comportement spatial des ours. Néanmoins l’analyse de la dynamique du comportement spatial doit être approfondie du fait des nombreuses variables qui peuvent intervenir (qualité de l’habitat, densité d’ours, structure du paysage…). Dans ce cadre, la collaboration entre les différents pays européens s’avère également indispensable. BIBLIOGRAPHIE • Chapron G., Quenette P.Y., Legendre S. & J. Clobert (2003) – Which future for the Pyrenean brown bear (Ursus arctos) population ? An approach using stagestructured deterministic and stochastic models. Comptes Rendus Biologies 326, 174-182. • Clark J. D., Huber D. & C. Servheen (2002) – Bear reintroductions : lessons and challenges. Ursus 13, 153-163. • Dupré E., Genovesi P. & L. Pedrotti (1998) – Studio di fattibilità per la reintroduzione dell’orso bruno (Ursus arctos) sulle Alpi centrali. Istituto Nazionale per la fauna Selvatica e Parco Naturale Adamello-Brenta. Rapport interne. • Gerstl N.J. & G. Rauer (1999) – 10 Jahre Braunbaar (Ein Projektbilanz : 1989–1999). World Wildlife Fund, Ossterreich, Vienna, Austria. • IUCN (1998) – Guidelines for re-introductions. IUCN/SSC Reintroduction Specialist Group. IUCN, Gland, Switzerland and Cambridge, UK. • Kaczensky P. 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ABSTRACT Comparison of spatial behaviour between translocated and non-translocated brown bears in Europe Pierre-Yves Quenette, Georg Rauer, Djuro Huber, Petra Kazensky, Felix Knauer, Andrea Mustoni, Santiago Palazon & Frederico Zibordi ■ Within the framework of three brown bear conservation programs in European Union (LIFE projects), 16 adult and subadult brown bears were successively translocated from Slovenia and Croatia to Austria, France and Italy. Two females and 1 male were released in Austria between 1989-1993 and in France between 1996-1997 and 3 males and 7 females were released in Italy between 1999-2002. During this period, 34 males and 14 females were captured both in Slovenia and Croatia and radiotracked within the framework of monitoring studies of Brown Bear populations in these two countries. The aim of this study is twofold : i) to describe the spatial behavior of bears released in a new environment and to compare it with that of non-translocated brown bears from the source population ; ii) to provide critical biological data for managers planning future translocations. ■ Analysis of spatial behavior was done by calculating serial and annual home ranges, by comparing home ranges between successive years and by calculating straight line distances between successive daily radio locations. On average, translocated bears exhibited a higher mobility and a larger home range in the year of their translocation than non-translocated bears of the same age and sex class. For translocated bears, the release point did not necessarily become a central point in the home range as several bears never revisited the area. Our results show the possible variation in the spatial behavior that managers have to expect when translocating bears. Further analysis is needed to determine how much of this variation can be explained by differences in habitat distribution and quality, bear density or individual traits of translocated bears. ONCFS Rapport scientifique 2006 25 Stratégie nationale pour la biodiversité Étude de la faune sauvage de Guyane par piège-photo automatique. Premiers résultats Cécile Richard-Hansen, Laure Debeir, Lucile Dudoignon & Philipe Gaucher* * Station des Nouragues. CNRS-Guyane, UPS 2561 Contexte de l’étude Ces dernières années, le suivi de faune sauvage par « pièges photographiques » s’est développé pour l’étude de nombreuses espèces difficiles à observer (Karanth, 1995 ; Karanth & Nichols, 2002). Cette méthode est de plus en plus utilisée en Amérique du Sud, principalement pour l’étude des grands félins : jaguar (Panthera onca), ocelot (Felis pardalis), (Maffei et al., 2002 ; Trolle & Kery, 2003 ; Wallace et al., 2003 ; Dillon, 2005 ; Maffei et al., 2005) ou tapir (Tapirus terrestris) (Moraes Jr et al., 2003 ; Noss et al., 2003). Plusieurs types d’informations biologiques sont fournis par ce genre d’étude. Dans un premier temps, un tel dispositif est souvent mis en place pour un objectif d’inventaire de biodiversité, ciblé sur les espèces difficilement observables (Trolle, 2003 ; Srbek-Araujo & Chiarello, 2005 ; Trolle & Kery, 2005). Dans un second temps, l’analyse des taux de capture peut donner des informations sur les abondances relatives des espèces, le partage des niches écologiques, les rythmes d’activité, l’utilisation du milieu, voire même la biologie de reproduction. L’objectif final reste d’obtenir des résultats en termes de densité de population. Dans le cas d’espèces pour lesquelles une reconnaissance individuelle est possible, une analyse des taux de « capture » et « recapture » est possible selon les méthodes classiquement utilisées (Silver et al., 2004 ; Maffei et al., 2005). Le tapir constituait l’espèce cible principale de notre étude. En Guyane, cette espèce est actuellement chassable et commercialisable. Elle est considérée comme menacée dans la plupart des pays (Bodmer & Brooks, 1997), et listée en Annexe I de la Convention sur le commerce international (CITES). Le tapir est la plus grande espèce de mammifère terrestre originaire d’Amazonie, pouvant peser de 150 à 250 kg à l’âge adulte. Cette masse le rend attractif pour les chasseurs, particulièrement ceux vivant de la vente des produits de leur chasse. Toutes les études menées en Amazonie soulignent à l’heure actuelle la très forte sensibilité du tapir à la chasse (Bodmer & Brooks, 1997), et la « non-durabilité » des pratiques de chasse actuelles sur cette espèce. Ainsi, malgré une très grande aire de distribution, le tapir est partout considéré comme menacé par la surexploitation. Un des principaux enjeux est la révision du statut juridique de cette espèce. En Guyane, lors des réunions de concertation générale avec les divers acteurs et utilisateurs de la faune sauvage, dans le cadre des ORGFH (Orientations régionales de gestion de la faune sauvage et de l’amélioration de la qualité de ses habitats), un consensus net s’est dégagé sur la nécessité de retirer cette espèce de la liste des espèces commercialisables (1). Cependant, très peu de connaissances biologiques sont actuellement disponibles pour soutenir ces initiatives et améliorer sa gestion. (1) Une évolution récente de la réglementation en Guyane interdit désormais la commercialisation du tapir (Arrêté du 23 juillet 2007). 26 Méthode Ecology, Assessment, and Monitoring (TEAM) Initiative (Sanderson, 2003)]. Le principe est fondé sur la répartition systématique de nombreux appareils photos, dissimulés dans la zone d’étude. Le déclenchement est effectué par le passage des animaux. La méthodologie est actuellement assez standardisée [camera trapping protocol du Tropical L’espacement entre les sites de piégeage est fonction de l’espèce cible choisie, de manière à ne laisser aucune zone de la taille d’un domaine vital sans site de capture (aucun animal n’a une probabilité de capture égal à 0). Dans l’idéal, la MMDM (mean maximum distance ONCFS Rapport scientifique 2006 moved) est estimée par des études préliminaires utilisant le radio-tracking, ou par la distance maximum entre deux recaptures photographiques. La MMDM est assimilée au diamètre du domaine vital, et une « zone tampon » de rayon égal à la moitié de la MMDM est tracée autour de chaque site de capture (Maffei et al., 2004 ; Maffei et al., 2005). Les zones tampons doivent Stratégie nationale pour la biodiversité toutes se chevaucher sans laisser d’espace, et la superficie totale ainsi couverte détermine la superficie d’étude pour les estimations de densité. Zone d’étude et dispositif de terrain La zone d’étude choisie est située dans la Réserve nationale des Nouragues en Guyane, dans les environs de la station d’étude de Saut Pararé, en bordure de la crique Arataye. Elle est théoriquement non chassée, bien que la pression grandissante de l’orpaillage clandestin en Guyane menace de plus en plus la sécurité de la zone, pour la faune comme pour les chercheurs. Les sites de capture photographique ont été régulièrement espacés de 800 à 1 000 m (figure 1), selon une estimation établie à partir d’études réalisées sur le tapir en Bolivie (Noss et al., 2003). L’emplacement précis a été Figure 1 : Zone et dispositif d’étude. Tableau 1 : Nombre global de photos, de captures (événements indépendants) et taux de capture par 1 000 nuits-pièges (NP = nombre de sites x périodes de 24 h de pose active). ESPÈCE Nombre de photos Nombre de captures (C) Taux de capture (C/1 000 NP) Non déterminée 81 Agami 95 40 9 Agouti 47 34 7 Biche 106 54 12 Cabiaï 1 1 0,2 Cariacou 89 41 9 Pécari à lèvre blanche 4 2 0,4 Grand cabassou 1 1 0,2 Grand tinamou 4 2 0,4 Hocco 93 33 7 Jaguar 3 2 0,4 Jaguarondi 1 1 0,2 Mazama sp. 2 2 0,4 Ocelot 10 5 1 Opossum 9 9 2 Pac 4 4 1 Pécari à collier 115 44 9 Puma 5 4 1 Rapace (2 sp) 3 3 1 Rongeur NI 3 3 1 Tamanoir 3 3 1 Tapir 74 36 8 Tatou 4 3 1 Total 757 327 70 choisi afin de maximiser la probabilité de « capture », c’est-à-dire à proximité de criques, de bas-fond dans lesquels des traces avaient été observées. Cependant, le respect de l’espacement des sites imposait également un certain nombre d’emplacements en « terre ferme », et non pas à proximité immédiate de l’eau. Des coulées animales dans la végétation ont également été piégées, et les appareils étaient disposés en dernier ressort simplement de part et d’autre du layon d’accès. Quatre layons forestiers ont été utilisés : trois ouverts spécialement pour l’opération, un quatrième existant depuis de nombreuses années et régulièrement employé pour se rendre du camp scientifique de « saut Pararé » au camp scientifique « inselberg ». Un dernier secteur (zone 5 ; figure 1) couvre les alentours de ce dernier camp et utilise les layons préexistants dans ce dispositif d’étude. Matériel récolté Au total, 4 680 « nuits-pièges » (NP = nombre de sites x périodes de 24 heures de pose active) ont été réalisées entre juin 2006 et février 2007. Le tableau 1 récapitule le nombre total de photos et de « captures » (événements ONCFS Rapport scientifique 2006 27 Stratégie nationale pour la biodiversité Évolution temporelle des taux de capture La période d’étude a été séparée en trois : – juin-août, fin de la saison des pluies (1 660 NP), – septembre-novembre, saison sèche (1 692 NP), – décembre-février, « petite saison des pluies » (1 328 NP). Photo © ONCFS Tapir pris au piège – photo automatique. indépendants ne tenant pas compte des photos réalisées à quelques minutes d’intervalle, ou au même moment par les appareils face à face) collectés durant toute la période d’étude. Un taux de capture est défini comme le rapport du nombre de captures (C) aux nuits-pièges (NP) selon la formule C/1 000 NP. 757 photos ont été prises dont 676 avec un animal identifiable. 81 se sont révélées vides ou présentant seulement une forme non identifiable. Ces 676 prises de vue correspondent à 327 « captures » indépendantes, le taux global de capture est donc de 70 captures pour 1 000 nuits-pièges (ou 7 % de succès, selon certaines études). Biodiversité de la zone et fréquence relative des espèces 28 terrestris ou Maïpouri) avec respectivement 9, 9 et 8 captures/1 000 NP (tableau 1). Les ongulés sont donc très largement dominants dans cet échantillonnage. Les gros oiseaux terrestres agami (Psophia crépitans) et hocco (Crax alector) ont également été fréquemment photographiés (respectivement 9 et 7 captures/1 000 NP). Quatre espèces de félins différentes ont été répertoriées, par douze captures différentes : l’ocelot (Felis pardalis) est le plus fréquent, suivi par le puma (Felis concolor), le jaguar (Panthera onca) et le jaguarondi (Felis yagouaroundi). D’autres espèces rarement observées ont également été « piégées » comme le grand tamanoir (Myrmecophaga tridactyla) ou le grand cabassou (Priodontes maximus). Apports à la connaissance de l’écologie des espèces Répartition géographique des captures Une analyse par zone de piégeage montre une répartition inégale des taux de capture. Les layons 2 et 3 ont été beaucoup plus rentables globalement que les autres en ce qui concerne les espèces les plus représentées. Les félins cependant sont aussi abondants sur toutes les zones (3 captures/1 000 NP) sauf sur le layon 4, le plus anciennement établi et le plus régulièrement fréquenté, sur Succès de capture (N/1000 nuits piege) Vingt espèces différentes ont été photographiées, sans compter les micromammifères (petits rongeurs et marsupiaux) qui n’ont pas été identifiés précisément. 18 Avec 12 captures/1 000 NP, le daguet rouge (Mazama americana), localement appelé « biche rouge », est l’espèce la plus fréquemment photographiée. Viennent ensuite le pécari à collier (Tayassu tajacu, localement appelé Pakira), le daguet gris (Mazama gouazoubira, ou Cariacou) et le tapir (Tapirus 8 ONCFS Rapport scientifique 2006 Globalement, on ne note pas d’évolution nette du taux de capture au cours du temps (respectivement 73, 59 et 79 captures/1 000 NP). Pour certaines espèces (agouti et agami), la fin de la saison des pluies et le début de l’étude ont été les plus propices (figure 2). Pour d’autres (biche, cariacou, pécari et tapir) c’est la saison sèche et la fin de période d’étude qui ont été les plus productives. mai-août sep.-nov. déc.-fév. 16 14 12 10 6 4 2 0 agamis agouti biche cariacou hocco jaguar ocelot pakira puma Figure 2 : Taux de capture des principales espèces au cours des trois périodes de piégeage. tapir Stratégie nationale pour la biodiversité lequel aucune photo de félin n’a été répertoriée. 25 Douze stations étaient situées dans des « zones humides », bas fond ou proximité immédiate de crique, alors que 8 étaient en « terre ferme », plus ou moins à flanc de colline. Rapporté à l’échantillonnage en termes de nuitspièges, le taux de capture des stations de terre ferme semble significativement plus élevé (107 vs 40 captures/ 1 000NP, test du r², p < 0,01). Cette différence est significative pour les agamis, les biches (p < 0,01), les pakiras et agoutis (p < 0,05), mais pas pour les cariacous et les tapirs. Les hoccos sont photographiés de manière égale dans les deux types de milieu (figure 3). 20 Zone Humide Terre Ferme 15 10 5 0 biche Rythmes d’activité cariacou tapir agouti agamis hocco Figure 3 : Taux de capture (nombre de capture/1 000 nuit-pièges) des principales espèces selon le type de milieu. Le relevé systématique de l’heure sur les photos permet de comparer les nombres de capture selon les tranches horaires pour les espèces les plus fréquemment enregistrées. nuit. Le tapir apparaît ici comme essentiellement nocturne ou crépusculaire, alors que le pakira est actif uniquement de jour. En ce qui concerne les oiseaux, le hocco présente deux pics d’activités le matin et le soir, alors que les agamis sont essentiellement présents en milieu de journée (figure 4). Alors que le cariacou concentre son activité entre 6 h et 18 h, la biche semble active indifféremment de jour comme de Pakira Tapir 10 9 8 Biologie des espèces Les photos permettent également d’apporter des informations sur les regroupements des animaux, sur les sexe-ratios et sur les naissances. Par exemple, un mâle et une femelle de biche rouge (espèce solitaire) ont été photographiés Biche Cariacou 10 9 8 7 7 6 6 5 5 4 4 3 2 3 2 22 20 18 16 14 12 10 8 6 4 2 0 0 22 20 18 16 14 12 10 8 6 4 2 1 0 1 0 pakira Agamis Hocco 9 8 7 6 5 4 3 2 1 22 20 18 16 14 12 10 8 6 4 2 0 0 Figure 4 : Rythme d’activité des principales espèces (nombre de captures par tranche horaire). ONCFS Rapport scientifique 2006 29 Stratégie nationale pour la biodiversité ensemble le 25 août, et une mère avec son faon ont été régulièrement photographiés entre le 22 août et le 10 décembre. Un faon de cariacou a été photographié le 3 février et un autre le 7 du même mois. Des mères suitées de pakiras ont également été observées, notamment avec deux jeunes. Les hoccos sont observés en groupe de trois et plus dans 33 % des cas, par paires dans 37 % des cas, et solitaires dans 30 %. Les tapirs n’ont été photographiés par paires que dans 5,5 % des captures, mais on peut établir la proportion des sexes des individus photographiés à 50 % de mâles, 25 % de femelles et 25 % d’indéterminés. Dans le contexte guyanais où la plupart des paramètres reproducteurs, y compris les périodes de naissance, sont souvent inconnus même pour des espèces communes, ces informations sont précieuses. Domaines vitaux et densités de population L’un des objectifs de ce type d’étude est d’obtenir des estimations individuelles de déplacement et des densités de population. Pour les félins tachetés, la reconnaissance est facile : deux individus différents de jaguar et trois d’ocelot ont ainsi été identifiés par les patterns de taches sur leur pelage. Cependant, aucune recapture n’a été enregistrée sur ces individus. Pour le tapir, notre espèce cible, la tâche est beaucoup plus difficile, car peu de marques naturelles sont visibles. Le travail est actuellement en cours dans ce domaine, et a d’ores et déjà permis d’identifier une douzaine d’individus différents grâce à des cicatrices, marques et taches de pelage… Les biches présentent également beaucoup de cicatrices et/ou de marques de parasite. Un travail similaire d’identification sera tenté prochainement. Comparaison avec d’autres études En Amérique du sud, ce type d’étude a été mené principalement dans des forêts sèches tropicales de Bolivie, dans 30 ONCFS Rapport scientifique 2006 les milieux ouverts et humides du Pantanal, et dans les forêts atlantiques du Sud du Brésil, ainsi qu’au Bélize. Dans la majorité des cas, l’étude était ciblée initialement sur le jaguar, mais de nombreux résultats ont été également obtenus pour l’ocelot, et parfois pour le tapir. Pour les félins et le tapir, les taux de capture rapportés dans ces études sont généralement très largement supérieurs à ceux obtenus dans notre zone guyanaise (Maffei et al., 2004 et 2005 ; Silver et al., 2004 ; Dillon, 2005 ; Trolle & Kerry, 2003 et 2005 ; Noss et al., 2003 ; Trolle, 2003). Peu de résultats sont publiés sur d’autres espèces, mais il semble que les taux de capture obtenus sur la biche rouge soit plus proches, voire supérieurs dans notre étude (Maffei et al., 2002 ; Wallace et al., 2002 ; Trolle, 2003). Discussion méthodologique et poursuite de l’étude Premier essai d’application de la méthode en forêt guyanaise, cette étude avait comme objectifs un test méthodologique et l’adaptation aux conditions et espèces locales. La méthode a démontré son efficacité, et les premiers résultats sont concluants. Les faibles taux de capture enregistrés par rapport aux autres études peuvent être attribués à diverses causes. Premièrement, les autres études étaient toutes initialement ciblées sur le jaguar, ce qui peut contribuer à expliquer les meilleurs scores réalisés par les félins, les sites de capture étant sélectionnés en fonction de ces espèces. De plus, les sites étaient parfois appâtés pour maximiser les probabilités de capture, l’objectif étant la détermination des densités, et non la comparaison brute des taux de capture. Dans la plupart des autres études, les dispositifs étaient mis en place en grande partie le long de voies de circulation beaucoup plus accessibles (pistes carrossables, en particulier) que dans le milieu forestier continu dans lequel nous avons travaillé. D’une part, la mise en place et le relevé des pièges se font plus aisément en véhicule qu’à pied, ce qui permet également une couverture plus étendue du dispositif. D’autre part, les études comparatives ont montré une efficacité beaucoup plus importante des pièges photos disposés le long des pistes par rapport aux layons forestiers, en particulier pour les félins qui utilisent largement ces voies pour leurs déplacements (Maffei et al., 2004 ; Trolle & Kery, 2005). Dans tous les cas, ces travaux ont été réalisés après des études pilotes, qui ont servi à maximiser les taux de capture afin d’augmenter l’efficacité de la méthode et d’obtenir suffisamment de données pour aboutir à des calculs de densité grâce aux « recaptures ». Une autre explication peut provenir du matériel utilisé. Les autres études, plus anciennes, utilisaient des appareils classiques, alors que nous avons utilisé des appareils photos numériques, dont l’inconvénient est un temps de latence trop long avant le déclenchement. Cependant, le taux de photos vides (l’animal aurait été détecté, mais quitté la zone avant la photo) ne semble pas trop élevé, et en tout état de cause difficile à comparer car jamais publié. Ce choix de matériel avait été longuement débattu, et finalement décidé en fonction entre autres des récents progrès réalisés sur ce type de matériel numérique et des risques plus réduits de moisissures (problème très fréquemment rapporté sur les pellicules en milieu très humide). Enfin, il est également possible que les densités de ces espèces soient plus faibles en milieu de terre ferme tropical humide. La poursuite du programme nécessitera un test de l’effet matériel en se procurant quelques modèles classiques, maintenant disponibles dans des boites parfaitement étanches, et en les disposant de manière couplée à nos modèles numériques. En outre, une optimisation des taux de capture sera recherchée en bénéficiant des connaissances acquises sur le milieu, sur le mode de fonctionnement et les problèmes avec le matériel (inondation, termites, problèmes de contacts électriques), mais également en changeant de place les appareils lorsque aucune photo ne sera enregistrée pendant 15 jours. Les mêmes layons de piégeage seront utilisés dans l’hypothèse généralement Stratégie nationale pour la biodiversité admise que les animaux auront entre temps « appris » à utiliser ces nouvelles voies de déplacement. L’appâtage des sites de piégeage (pierre à sel ou fruits) est également envisagé. Enfin, il apparaît nécessaire de disposer d’un « sous-réseau » plus resserré d’appareils pour essayer d’obtenir des recaptures d’espèces à domaine vital plus faible, comme les biches. Par ailleurs, un programme a été déposé avec l’association Kwata à la Wildlife Conservation Society pour l’étude du jaguar par cette méthode. La WCS doit prêter du matériel, et d’autres zones seront échantillonnées en parallèle pour comparer divers milieux, plus ou moins anthropisés. BIBLIOGRAPHIE • Bodmer R. E. & D. M. Brooks (1997) – Status and action plan of the Lowland Tapir (Tapirus terrestris). Tapirs : Status Survey and Conservation Action Plan. D. Brooks, R. E. Bodmer and S. Matola. Gland, Switzerland., IUCN : 46-56. • Dillon A. (2005) – Ocelot density and home range in Belize, Central America : camera trapping and radio telemetry. Blacksburg, Virginia Polytechnic Institut : 26-72. • Karanth K. U. (1995) – Estimating Tiger Panthera Tigris populations from camera-trap data using capture-recap- ture models. Biological Conservation 71 (3) : 333-338. • Karanth K. U. & J. D. Nichols, Eds. (2002) – Monitoring tigers and their prey. A manual for researchers, Managers and Conservationists in Tropical Asia. Center for Wildlife Studies. Bangalore, India. 193pp. • Maffei L. & E. 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Twenty one trap sites were regularly spaced 0.8 to 1 km from each other in deep primary forest at the NouraguePararé scientific stations. Data were collected from 4 680 trap-nights, between June 2006 and February 2007. 757 photos were recorded, from which 327 were considered as independent captures », of 20 different species. Global capture success was 7 %. The most frequent species were ungulates, particularly the red and gray brocket deer, the collared peccary and the tapir. Activity patterns were analysed from hours of « photographic capture », recorded for each event. Individual recognition of tapirs was attempted, based on scars and physical characteristics, and allowed to identify as least 12 different specimens. These first results allow us to continue the study and improve the method for the next years. ONCFS Rapport scientifique 2006 31 uilibre or t Photo © ONCFS L a notion d’équilibre forêt-gibier, même si elle a évolué, ne prend en général en compte dans les textes de loi ou de décret que l’interaction ongulés-forêt et reste très fortement liée à l’aspect économique. La définition la plus couramment retenue est la suivante : « réaliser un équilibre harmonieux entre une faune sauvage abondante, variée, de bonne qualité, et des peuplements forestiers dont l’avenir et la pérennité ne sauraient tre compromis ». Certains auteurs précisent que « l’équilibre s’apprécie en termes de seuils d’impact au-delà duquel une situation inacceptable se produit sur le plan économique et biologique en fonction d’objectifs ». La loi sur le développement rural de 2005 (article L 425.4) précise que : « l’équilibre sylvo-cynégétique tend à permettre la régénération des peuplements forestiers dans des conditions satisfaisantes pour le propriétaire, dans le territoire forestier concerné ». 32 ONCFS Rapport scientifique 2006 La gestion harmonieuse des relations entre forêts et herbivores s’articule autour de deux types d’actions complémentaires : le contrôle par la chasse des effectifs d’ongulés sauvages afin d’éviter que leur sur-nombre ne compromette la régénération forestière et la gestion des habitats forestiers visant à favoriser la capacité d’accueil. Elle s’appuie sur des connaissances scientifiques acquises ou en cours d’acquisition sur des thèmes aussi variés que la dynamique des populations (paramètres démographiques), l’occupation spatiale et la sélection des habitats, le régime alimentaire et la dynamique de consommation des essences forestières. Les résultats des recherches, mises en place en partenariat avec le CNRS/Laboratoire de biométrie et de biologie évolutive sur les territoires d’étude de Chizé et de Trois-Fontaines pour le chevreuil, de la Petite-Pierre pour le cerf, des Bauges, d’Orlu et du Bazés pour le chamois et l’isard, et enfin du Caroux pour le mouflon, permettent de proposer et de valider des méthodes de suivi de l’équilibre forêt-gibier. Ces méthodes peuvent être regroupées sous le terme d’« indicateurs de changements écologiques » (ICE). Trois composantes doivent être prises en compte : l’abondance de la population, la performance des individus et l’impact sur l’habitat. Nos travaux reposent, d’une part, sur le contrôle expérimental des effectifs des populations étudiées afin de provoquer des variations sensibles de l’état d’équilibre population-environnement et, d’autre part, sur la mesure, à moyen terme, des conséquences sur les paramètres cibles, dont certains sont retenus comme ICE en raison de leur sensibilité. Pour être complètement pertinents, ces outils doivent encore être testés, voire adaptés aux échelles opérationnelles que sont les unités de gestion. En effet, cellesci présentent des conditions différentes des territoires de référence gérés par des professionnels : superficies importantes, environnement variable, nombre souvent élevé de sociétés de chasse. Dans ce domaine un projet est en cours qui porte sur un nombre limité mais représentatif de départements ainsi que sur quelques observatoires. L’expertise technique du fonctionnement actuel et l’analyse des données enregistrées par les partenaires (chasseurs et forestiers) visent à déterminer les conditions d’application des outils existants et à identifier les difficultés et les points de blocage rencontrés sur le terrain. Pour répondre à la demande récurrente des gestionnaires de disposer d’outils allégés, l’effet de la réduction gibier de l’échantillonnage sur la précision des résultats est testé par des analyses statistiques appropriées. Dans le département du Jura, par exemple, l’analyse des indices kilométriques « chevreuil » relevés depuis une dizaine d’années, en collaboration avec la fédération départementale des chasseurs, a permis de réduire le nombre de sorties de 20 à 30 % selon les massifs tout en conservant un niveau de détection des variations acceptable pour la gestion. Un travail similaire a permis de proposer un plan d’échantillonnage très réduit pour mesurer l’indice de pression d’abroutissement du sapin (cf. article de Michallet & Aubry, ci-après). Les investigations à venir porteront sur l’élaboration d’un plan d’échantillonnage pour la mesure des indices biométriques. La majorité des essences forestières ne constitue pas une alimentation de premier intérêt dans l’échelle d’appétence. La prise en compte des animaux dans les différentes phases de la sylviculture peut apporter des solutions pour maintenir une bonne adéquation entre les peuplements forestiers et les populations d’ongulés sauvages. Sur un plan pratique, il est donc possible de réduire la pression sur ces essences en augmentant la disponibilité de la f lore spontanée, plus recherchée. C’est en général le cas des sous-ligneux durant l’hiver (ronce, L’article de ce chapitre fait référence au programme R1.2 Ongulés et équilibre agro-sylvocynégétique du contrat d’objectifs lierre, etc.), dont la présence importante est un facteur de réduction des abroutissements de résineux. Les feuillus, tels que les chênes, sont en revanche très recherchés en période de végétation et la réduction de leur consommation passe par la protection naturelle des plants. Des expérimentations concrètes, conduites avec les forestiers publics (ONF) et privés (CRPF), permettent désormais de faire des propositions pour améliorer la capacité d’accueil des habitats et/ou réduire la sensibilité des peuplements aux ongulés sans forcément limiter drastiquement les effectifs. Pour le cerf, le dosage des éclaircies dans les jeunes peuplements favorise la disponibilité alimentaire globale sans mettre en cause la sylviculture de production. En revanche, il n’est guère envisageable de généraliser ces pratiques pour le chevreuil, compte tenu de la taille très limitée des domaines vitaux. Il est possible cependant de réduire la sensibilité des plants en favorisant le recrû spontané qui constitue une protection mécanique et un garde-manger. Dans le même esprit, lors de coupes d’ensemencement, la conservation au sol des houppiers et des grosses branches non débités fournissent une protection mécanique naturelle limitant l’accès des ongulés et donc la consommation des graines (glands et faines) par les sangliers et des semis par les cervidés. L’intérêt des mesures de gestion des habitats ne se limite cependant pas à l’équilibre forêt-gibier. Elles visent aussi le maintien ou la restauration de la biodiversité et notamment des espèces d’intérêt patrimonial comme notamment les galliformes de montagne. La présence du grand tétras, par exemple, est associée aux stades mature et sénescent des forêts, qui comprennent de nombreux taxons rares ou patrimonialement intéressants. Un guide pratique sur la sylviculture adaptée au maintien des populations de grand tétras a été réalisé en 1992 par l’ONCFS et l’ONF. Les dernières études sur la gélinotte des bois dans les Alpes-de-Haute-Provence ont également mis en évidence des modes de sylviculture favorables ou défavorables à cette espèce. Sa quasi disparition dans le quart nord-est de la France peut être imputée à une sylviculture inadaptée à sa biologie. Enfin, cette préoccupation concerne aussi les espaces en déprise agricole. Des expérimentations d’ouverture des milieux en zones méditerranéenne et montagnarde par gyrobroyage et/ou brûlage dirigé ont montré leur intérêt et leur efficacité face à l’embroussaillement des pâturages et la réduction des zones ouvertes favorables à une faune variée, et au mouflon en particulier. Daniel Maillard François Klein Responsable du CNERA Faune de Montagne Responsable du CNERA Cervidés-sanglier ONCFS Rapport scientifique 2006 33 Équilibre forêt-gibier Réduction de l’effort d’échantillonnage pour estimer le taux d’abroutissement sur le sapin pectiné en for t de montagne Jacques Michallet & Philippe Aubry Contexte de l’étude En raison d’une forte sous-estimation de l’effectif réel, les comptages de populations d’ongulés ont montré leurs limites (Toïgo, 1998 ; Gaillard et al., 2003). Aussi, la stratégie de gestion est-elle désormais plutôt fondée sur l’utilisation d’une batterie d’indicateurs de changement écologique (ICE), renseignant sur le statut des populations d’ongulés en relation avec leur environnement (Boisaubert & Gaillard, 1995 ; Ballon, 1999 ; Maillard et al., 1999 ; Van Laere, 1999 ; Morellet et al., 2001). L’approche par ICE repose sur la prise en compte de trois composantes distinctes : l’abondance de la population, la performance des individus et l’impact des animaux sur l’habitat (Morellet et al., 2007). Le recueil des mesures liées à cette dernière composante intéresse aussi bien les sylviculteurs que les chasseurs. Elle nécessite le plus souvent la mise en place de protocoles lourds, sur des surfaces importantes (plusieurs milliers d’hectares). C’est le cas des suivis de l’indice de consommation et du taux d’abroutissement proposés par l’Observatoire de la grande faune et de ses habitats (OGFH) sur différents sites en région Rhône-Alpes. Le nombre de placettes sur lesquelles les mesures sont effectuées varie entre 200 et 2 084, et chaque site nécessite entre vingt et cent trente journées de travail pour deux personnes. Ce coût élevé en temps a conduit à étudier l’optimisation des plans d’échantillonnage mis en place. L’objectif à atteindre est une réduction de l’effort d’échantillonnage qui minimise la perte d’information par rapport au dispositif initial, tout en garantissant que le plan d’échantillonnage sera robuste dans le temps. Méthode de récolte des données L’étude s’est déroulée sur cinq massifs forestiers : le massif des Bauges avec deux sites (Semnoz et Cimeteret), le massif de la Chartreuse (forêt de la Charmette), le massif du Vercors (forêt de Lente), le massif du Pilat et enfin le massif des Monts de la Madeleine. Les peuplements forestiers sont essentiellement des hêtraies sapinières d’altitude pour les massifs alpins (entre 1 000 m et 1 500 m d’altitude en moyenne) et des sapinières pures pour les massifs du Pilat et des Monts de la Madeleine (altitude comprise entre 800 m et 1 100 m). La technique de relevé s’appuie sur un maillage systématique construit à partir d’une maille carrée de 200 à 600 mètres de côté (tableau 1). Chaque placette est localisée sur le terrain grâce à ses coordonnées géographiques 34 ONCFS Rapport scientifique 2006 (Lambert II étendu ou WSG84) à l’aide d’un GPS. Les caractéristiques topographiques (altitude, pente, exposition) de chaque placette sont issues d’un modèle numérique de terrain (MNT) de l’Institut géographique national (IGN). Dans le cadre de cette étude, seul le taux d’abroutissement sur les semis de sapin pectiné (Abies alba) a été pris en compte. La mesure du taux d’abroutis- sement s’effectue sur les cinq semis des principales essences les plus près du centre de la placette, avec un éloignement maximal de quinze mètres. Pour chaque semis, la présence d’abroutissements et/ou de frottis réalisés lors de la saison de végétation précédente est également notée. De plus, les semis sont classés en fonction de leur hauteur (inférieure à 70 cm et comprise entre 70 et 180 cm). Afin de connaître la disponibilité en terme de régénération Tableau 1 : Répartition des placettes par territoire d’étude et nombre d’années de mesure. Années Nombre de placettes Distance entre deux placettes (en m) Sur ace échantillonnée (en ha) Chartreuse 2004 à 2006 200 216 1 000 Cimeteret 2004 à 2006 213 212 1 000 Monts de la Madeleine 2004 à 2006 225 250 1 000 Site d’étude Pilat 2006 2 084 224 30 000 Semnoz 2004 à 2006 321 400 6 000 Vercors 2001 à 2006 247 600 5 000 Équilibre forêt-gibier forestière, la densité de semis est également mesurée selon un protocole particulier (Saint-Andrieux, 2001). le vérifier il convient de disposer d’un jeu de données sur plusieurs années, ce qui est le cas pour tous les sites d’étude, excepté pour le massif du Pilat. Démarche statistique L’échantillonnage aléatoire stratifié étant d’autant plus précis que la variance intra-strates est faible, il est alors possible, pour une année donnée, de définir les strates optimales pour ce dispositif – c’est-à-dire celles qui minimisent la variance intra-strates – grâce à l’algorithme de Fisher (Diday et al., 1982). Le nombre de strates est alors spécifié d’après l’examen d’un dendrogramme issu d’une classification ascendante hiérarchique (CAH) (Diday et al., 1982, Lebart et al. 1997). Nous avons donc également examiné si la définition optimale des strates présentait une relative stabilité temporelle. Afin de réduire l’effort d’échantillonnage, deux options sont possibles : – redéfinir complètement le motif d’échantillonnage (nombre et position des placettes), – conserver le motif d’échantillonnage en place mais en supprimant certaines placettes. Pour des raisons logistiques et de continuité des programmes, nous ne considérons que la seconde option. Dans notre démarche, le dispositif d’échantillonnage probabiliste retenu est l’échantillonnage aléatoire stratifié. L’efficacité de ce dispositif est maximale lorsque les strates (groupe de placettes) minimisent la variance intra-strates du taux d’abroutissement (Cochran, 1977). remière approche Dans un premier temps, nous avons étudié pour chaque territoire la relation entre les variables topographiques (altitude, pente et exposition) et la variable d’intérêt (taux d’abroutissement) afin d’identifier si au moins une des variables pouvait servir à définir des groupes homogènes de placettes, et servir ainsi de variable stratifiante. Pour cela nous avons utilisé des diagrammes de dispersion ainsi que la régression linéaire multiple dans le cas des variables quantitatives (pente et altitude) et le graphique des moyennes conditionnelles ainsi qu’une ANOVA à un critère de classification dans le cas de la variable nominale (exposition). Deuxième approche En l’absence de relation significative entre les variables topographiques potentiellement stratifiantes et la variable d’intérêt, nous avons envisagé une deuxième approche. Celle-ci repose sur l’utilisation de la variable d’intérêt elle-même comme variable stratifiante, à condition toutefois qu’elle présente une relative stabilité temporelle. Pour Troisième approche L’exploitation d’une éventuelle structure d’autocorrélation spatiale entre les placettes constitue la troisième approche possible. En effet, si la valeur du taux d’abroutissement relevée sur une placette est, en moyenne, spatialement autocorrélée positivement avec celles observées sur les placettes voisines, cela signifie qu’il existe une certaine redondance spatiale dans la mesure de la variable d’intérêt. La réduction de cette redondance spatiale doit permettre d’estimer le taux d’abroutissement à partir d’un plus petit ensemble de placettes qu’initialement, sans pour autant que la précision de l’estimation n’en soit trop grandement affectée. Pour mesurer et tester l’autocorrélation spatiale entre les placettes, nous avons utilisé le graphe de voisinage des placettes en 4-adjacence (figure 1) et les tests du c de Geary et du I de Moran (Clif & Ord, 1981 ; Aubry, 2000). Pour un territoire donné, si l’autocorrélation spatiale positive est avérée sur plusieurs années, la réduction de la densité d’échantillonnage peut se formaliser notamment comme la recherche de la coloration du graphe de 4-adjacence (1). Une solution à ce problème d’optimisation combinatoire peut être obtenue rapidement à l’aide de l’heuristique de Welsh & Powel (Prins, 1994). Le résultat de ce traitement est une partition des placettes en autant de sous-ensembles que de « couleurs », tels qu’aucune placette ne peut être 4-voisine d’une autre placette appartenant au même sousensemble (figure 2). Nous n’avons pas examiné le recours à un dispositif d’échantillonnage probabiliste évitant les unités voisines, bien que de tels dispositifs existent (cf. Hedayat et al. 1988). uatrième approche Figure 1 : Nous considérons ici le voisinage immédiat d’une placette. Comme les placettes sont fondamentalement organisées selon une grille à maille carrée, une placette entretient avec ses huit voisines deux types de voisinage : le voisinage direct dans lequel les deux placettes ont même abscisse ou ordonnée (voisins 0, 2, 4 et 6) et le voisinage indirect dans lequel les deux placettes ont une abscisse et une ordonnée différentes (voisins 1, 3, 5 et 7). En se restreignant au voisinage direct, on définit la 4-adjacence. Une dernière possibilité consiste à exploiter la localisation géographique des placettes et leur densité relative dans les sites étudiés afin de stratifier les placettes sur une base purement spatiale. En effet, en dernier ressort, il est toujours possible de stratifier en faisant référence uniquement à l’espace géographique, ce qui autorise un échantillonnage spatialement plus représentatif que ne l’est l’échantillonnage aléatoire simple qui a tendance à produire des densités variables de placettes dans les sites (Aubry, 2000 ; Thompson, 2002). (1) Un graphe est dit k-colorable si l’on peut colorer ses sommets avec k couleurs distinctes, sans que deux sommets voisins aient la même couleur (Prins, 1994). ONCFS Rapport scientifique 2006 35 Équilibre forêt-gibier heuristique d’optimisation combinatoire telle que l’algorithme d’agrégation autour des centres mobiles ou -means (pour ces méthodes, cf. Diday et al. 1982, Lebart et al. 1997). Ces approches classiques de partitionnement ne présentent toutefois d’intérêt que pour un motif d’échantillonnage présentant des irrégularités marquées de la répartition spatiale des placettes, sans quoi les délimitations des strates n’ont aucune raison d’être moins arbitraires que celles obtenues par un P quadtree. Résultats remière approche Les variables topographiques (exposition, pente et altitude) n’ont pas d’effet significatif sur le niveau moyen du taux d’abroutissement ou expliquent une part extrêmement faible de la variance totale (tableaux 2 et 3). Deuxième approche Figure 2 : Représentation cartographique des placettes avec leurs colorations, au sens de la coloration d’un graphe de 4-adjacence par l’heuristique de Welsh & Powel (Cimeteret). Les quatre marques correspondent aux quatre « couleurs » des placettes. Nous proposons de stratifier l’espace géographique à l’aide d’une structure hiérarchique telle qu’un Point egion quadtree (P quadtree). Un quadtree est un arbre qui correspond à la décomposition du domaine étudié en quatre quadrants, cette décomposition se répétant de façon récursive sur chaque quadrant comportant des placettes, jusqu’à ce qu’un critère soit satisfait pour tous les quadrants (Chassery & Montanvert, 1991). Pour diriger la construction du P quadtree nous utilisons le nombre de placettes et décidons de découper un quadrant si le nombre de placettes qu’il contient dépasse cinquante (exemple pour le massif du Pilat, figure 3). Une autre façon de procéder consiste à déterminer un nombre de groupes de placettes par troncature du dendrogramme d’une CAH établie à partir de la matrice des distances 36 ONCFS Rapport scientifique 2006 euclidiennes entre placettes ou encore à définir une partition minimisant la variance intra-classes par une Sur l’ensemble des sites étudiés (hormis le massif du Pilat pour lequel on ne dispose que d’une seule année de données), aucune stabilité temporelle n’est mise en évidence, ni pour le taux d’abroutissement, ni pour les strates optimales obtenues par l’algorithme de Fisher. La prise en compte de la variable d’intérêt comme variable stratifiante n’est donc pas de nature à augmenter la précision par rapport à l’échantillonnage aléatoire simple. Tableau 2 : Résultats de l’ANOVA pour le facteur « exposition » (pas de données pour Cimeteret, Semnoz et Vercors). Site Chartreuse Monts de la Madeleine Pilat Années P value 2004 ; 2005 0,25 ; 0,06 2004 ; 2005 ; 2006 0,74 ; 0,89 ; 0,001* 2006 0,30 * L’effet statistiquement significatif de l’exposition sur le taux moyen d’abroutissement est essentiellement dû aux valeurs nulles relevées pour de nombreuses placettes. Tableau 3 : Résultats de l’ANOVA associée au modèle de régression multiple pour les facteurs « pente » et « altitude » (pas de données pour Cimeteret, Semnoz et Vercors). Site Chartreuse Monts de la Madeleine Pilat Années P value 2004 ; 2005 0,17 ; 0,022 2004 ; 2005 ; 2006 0,46 ; 0,11 ; 0,98 2006 0,0001* * Ce résultat est dû à la grande quantité de données ainsi qu’au léger décalage des paquets de points vers les altitudes les plus élevées ; il est associé à une part de variance expliquée extrêmement faible (R = 2,26 %). Équilibre forêt-gibier Tableau 4 : P-values des tests d’autocorrélation spatiale entre placettes voisines au sens du graphe de 4-adjacence, basés sur le c de Geary et le I de Moran. Les p-values ont été estimées sur la base de 106 permutations des valeurs (test de randomisation). Sites Année c de eary I de Moran Année c de eary I de Moran Année c de eary I de Moran Chartreuse 2004 0,15 0,13 2005 0,22 0,11 2006 Cimeteret 2004 0,0005 0,0087 2005 0,0003 0,003 2006 Monts de la Madeleine 2004 0,21 0,08 2005 0,29 0,01 2006 0,00001 0,00001 Semnoz 2004 0,0001 0,0014 2005 0,004 0,042 2006 0,00001 0,0001 Vercors 2004 0,001 0,001 2005 0,0033 0,00001 2006 Pilat 0,0001* 0,00005 0,40 0,00001* 0,0002 0,19 *Le fait que l’autocorrélation soit significative pour l’année 2006 dans le massif de Chartreuse est dû à la présence de nombreuses placettes pour lesquelles le taux d’abroutissement est nul. Troisième approche La coloration du graphe de 4-adjacence des placettes conduit en général à trois échantillons exploitables qui correspondent à des fractions d’échantillonnage d’environ 40-50 % pour la couleur 1, 30-35 % pour la couleur 2 et 15-20 % pour la couleur 3. La couleur 4 conduit à de trop petits échantillons pour être utilisable. Pour les massifs de Chartreuse et des Monts de la Madeleine, au sens du graphe de voisinage en 4-adjacence, il n’existe pas d’autocorrélation spatiale statistiquement significative entre les placettes (tableau 4). Aussi, pour ces deux sites, nous ne proposons pas de réduire la densité d’échantillonnage à partir de la coloration du graphe de 4-adjacence. Pour le massif du Cimeteret, les erreurs relatives calculées pour les années 2004 à 2006 pour les trois échantillons (couleurs 1, 2 et 3) sont relativement élevées (supérieures à 10 % en valeur absolue), ce qui suggère de ne pas adopter cette méthode pour réduire la densité d’échantillonnage. Dans le cas du massif du Semnoz, les erreurs relatives calculées pour les années 2004 à 2006 sont acceptables uniquement pour l’échantillon correspondant à la couleur 1 (erreurs relatives inférieures à 10 % en valeur absolue). En ce qui concerne le Vercors, les deux premières couleurs définissent deux échantillons présentant des erreurs relatives acceptables (en général inférieures à 10 % en valeur absolue). Enfin, la coloration des placettes du massif du Pilat donne lieu à trois échantillons présentant des erreurs relatives globalement acceptables pour autant que nous puissions en juger sur la base d’une seule année de données. Le sous-ensemble de placettes correspondant à une couleur peut être considéré comme un échantillon à part entière, obtenu de façon déterministe, mais il peut éventuellement être luimême sous-échantillonné de façon aléatoire – par échantillonnage aléatoire simple – afin de réduire encore l’effort d’échantillonnage. Sur l’ensemble des sites où une réduction de l’effort d’échantillonnage peut être envisagée grâce à la coloration du graphe de 4-adjacence, nous avons calculé les courbes de la précision relative du taux moyen d’abroutissement estimé. Ces courbes sont calculées pour chacun des sous-ensembles prédéfinis (1, 2, 3 couleurs) en faisant varier la fraction d’échantillonnage aléatoire simple entre 5 % et 100 % avec un pas de 5 % (exemple pour le massif du Pilat, figure 4). uatrième approche Figure 3 : PR quadtree obtenu dans le massif du Pilat en découpant un quadrant lorsqu’il contient plus de cinquante placettes. Une stratification spatiale a été effectuée pour tous les sites grâce à un P quadtree en découpant récursivement chaque quadrant contenant plus de cinquante placettes. Pour chacun des sites, le nombre de quadrants terminaux (les strates spatiales) est présenté dans le tableau 5. ONCFS Rapport scientifique 2006 37 Équilibre forêt-gibier 60 50 Couleur 1 Couleur 2 Couleur 3 CV (%) CV (%) 40 30 20 10 0 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 20 18 16 14 12 10 8 6 4 2 0 PR-Quadtree EAS Coloration 0 10 20 (%) Trois dispositifs d’échantillonnage aléatoire stratifié (au sens large) peuvent être définis dans le cadre de notre étude : – un dispositif comprenant une seule strate (par défaut) regroupant toutes les placettes, ce qui correspond à l’échantillonnage aléatoire simple (EAS) qui servira de dispositif de référence parce qu’il est le moins efficace de tous ceux que nous pouvons examiner, – un dispositif comprenant les quatre strates définies par la coloration du graphe de 4-adjacence des placettes, – un dispositif dont les strates sont définies spatialement sur la base de l’utilisation d’un P quadtree avec découpage récursif des quadrants lorsque le nombre de placettes dépasse cinquante. Nous avons comparé la précision relative de l’estimation du taux d’abroutissement moyen pour le sapin pectiné selon le dispositif retenu. Compte tenu Tableau 5 : Nombre de strates spatiales du PR quadtree obtenu pour chaque site après découpage des quadrant contenant plus de cinquante placettes. Sites 38 Nombre de strates spatiales Chartreuse 10 Cimeteret 10 Monts de la Madeleine 13 Pilat 95 Semnoz 13 Vercors 12 ONCFS Rapport scientifique 2006 40 50 60 70 80 90 100 (%) Figure 4 : Précision relative par rapport au taux d’abroutissement moyen relevé sur les semis de sapin pectiné, pour les sous-ensembles de placettes des couleurs 1, 2 et 3, en fonction de la fraction d’échantillonnage, pour l’année 2006, dans le massif du Pilat. uel dispositif choisir ? 30 Figure 5 : Précision relative de l’estimation du taux d’abroutissement moyen des semis de sapin pectiné, pour trois définitions des strates (voir le texte), en fonction de la fraction d’échantillonnage, pour l’année 2006, dans le massif du Pilat. de l’importance du jeu de données examiné, seuls les résultats concernant le massif du Pilat sont présentés (figure 5). On constate que la stratification spatiale par le P quadtree peut conduire à des estimations effectivement plus précises que l’EAS. L’intérêt de la coloration du graphe de 4-adjacence ne réside pas dans la stratification qu’elle induit (ce n’était du reste pas son objectif initial) puisque la courbe obtenue est quasiment confondue avec celle de l’EAS. Afin de proposer aux gestionnaires un allégement du dispositif d’échantillonnage pour l’estimation du taux d’abroutissement sur le sapin pectiné, nous avons donc examiné plusieurs approches statistiques. La stratification par les variables topographiques (pente, altitude et exposition) ne peut pas conduire à un gain de précision par rapport à l’EAS. La redondance spatiale entre placettes 4-voisines, présente sur certains sites et certaines années, peut être évitée notamment par l’utilisation des sous-ensembles de placettes définis par la coloration du graphe de 4-adjacence, essentiellement l’échantillon défini par la couleur 1. Avec cet échantillon, il est possible de réduire l’effort d’échantillonnage de façon importante en considérant seulement 40-50 % des placettes, l’erreur relative calculée pour les années disponibles étant alors en général inférieure à 10 %. À l’intérieur de ce sous-ensemble, il est encore possible de réduire l’effort d’échantillonnage en adoptant un échantillonnage aléatoire simple avec une fraction d’échantillonnage d’environ 70 %. La précision relative est alors de l’ordre de 10 % par rapport à la moyenne du taux d’abroutissement calculée pour l’ensemble des placettes de l’échantillon correspondant à la couleur 1 et la fraction d’échantillonnage globale s’établit alors à 3035 % (70 % de 40-50 %). Enfin, la stratification spatiale à l’aide d’un P quadtree permet d’obtenir une efficacité au moins du niveau de celle de l’EAS, et en général un peu meilleure. Elle permet en général de réduire l’effort d’échantillonnage d’environ 40-50 % en respectant une précision relative de 10 %. Pour certains massifs et certaines années, l’effort d’échantillonnage peut même descendre à 25 % (Chartreuse et Vercors en 2004), voire même 15 % pour le site du Pilat. Plutôt que de recourir à l’EAS qui ne garantit pas une répartition spatialement homogène des placettes, nous privilégions la stratification spatiale à l’aide d’un P quadtree. Cette méthode est applicable à l’ensemble des sites étudiés et permet une inférence statistique dans le cadre de la théorie de l’échantillonnage probabiliste, ce que ne permet pas la coloration du graphe de 4-adjacence (choix déterministe d’un échantillon). Le choix de la taille d’échantillon dépend alors de la précision relative que nous avons fixée (par exemple, inférieure ou égale à 10 %). Il est souhaitable de pouvoir disposer d’une certaine marge de sécurité pour garantir la robustesse du dispositif d’échantillonnage dans le temps. Aussi est-il important de rester prudent et de ne pas descendre en dessous d’une fraction d’échantillonnage d’un ordre de grandeur de 40-50 %, sauf dans le cas du massif du Pilat où le nombre de placettes initial est très important et où l’effort d’échantillonnage peut être considérablement réduit. Équilibre forêt-gibier La stratification spatiale par P quadtree, qui semble encore très peu utilisée dans un contexte statistique (mais cf. Csillag & Kabos 1996, McBratney et al. 1999), devrait permettre aux différents partenaires d’assurer à long terme le suivi du taux d’abroutissement grâce à une réduction de l’effort d’échantillonnage. Une discussion entre les biologistes et les gestionnaires doit par ailleurs valider le choix de la fraction d’échantillonnage en fonction de la précision relative souhaitée. BIBLIOGRAPHIE • Aubry P. (2000) – Le traitement des variables régionalisées en écologie : apports de la géomatique et de la géostatistique. 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An example is given concerning the browsing rate of silver fir (Abies alba). Data collected from 2001 on sets of plots distributed in five mountain forests in the Rhone-Alps region were analysed. Our statistical strategy was to remove some plots by using subsampling, for each set of plots (population) corresponding to a site, while minimizing the information loss and keeping the robustness of the new sampling plan. We worked principally under the framework of probability sampling for a finite population and we retained stratified random sampling as the design of reference. Four approaches were successively examined for each site: the search of a stratifying variable, the use of the browsing rate itself as a stratifying variable, the reduction of a possible spatial redundance of information, and finally the spatial stratification with the help of a PR-quadtree. No variables which could be potentially stratifying were retained. The spatial redundance allowed to reduce the sampling design to 40-50% of the total number of plots but this approach does not allow an easy control of the information loss according to the sampling fraction, unlike stratified random sampling. The spatial stratification with the help of a PR-quadtree generally allowed to reduce the sampling effort to about 40-50% with a relative precision of 10%, and to keep the robustness of the sampling plan. This approach was thus retained. However, discussion between researchers and managers remains absolutely necessary to specify the appropriate relative precision. ONCFS Rapport scientifique 2006 39 iseau Photo © M. Benmergui/ONCFS L es oiseaux migrateurs ont classiquement suscité des études sur le déterminisme de la migration, leurs facultés d’orientation, leurs aptitudes physiques et physiologiques, les routes et les haltes migratoires. Leur nécessaire conservation a conduit également à la mise en place de systèmes de surveillance à vaste échelle visant à connaître l’évolution indiciaire des effectifs et les modifications des habitats-clés pour ces mêmes espèces. Du fait de leur vaste aire de répartition, l’acquisition de nouvelles connaissances n’est pas chose facile. De nouvelles technologies permettent cependant de répondre à certaines questions. C’est le cas, par exemple, du suivi satellitaire qui renseigne précisément sur les voies migratoires ainsi que sur la localisation et la durée des haltes. Pour ce qui est de la gestion cynégétique des espèces migratrices, la complexité réside dans la difficulté de mettre en 40 ONCFS Rapport scientifique 2006 adéquation la ressource (connaissance des effectifs et des tendances) et son utilisation (prélèvements effectués par les chasseurs). Les trois articles présentés dans le rapport 2006 illustrent la diversité des thématiques liées à la gestion des oiseaux migrateurs, de la connaissance des prélèvements à la relation entre l’abondance des ressources alimentaires et celle des oiseaux, en passant par leur rôle épidémiologique dans le cas d’une épizootie. Le premier analyse les résultats des tableaux réalisés lors de la chasse de nuit en France, pour la saison 2004/2005. En effet, la légalisation de cette pratique dans vingt-sept départements et les obligations réglementaires qui en découlent ont conduit à la mise en place d’un carnet de prélèvement obligatoire pour les installations concernées. Cet article fournit les premiers igrateurs résultats concernant la mise en place expérimentale de ce système. Quinze espèces sont principalement concernées, parmi lesquelles quatorze anatidés et un rallidé. Lors de la saison précitée, 110 500 oiseaux ont été prélevés, avec une moyenne de 43 par installation et 1,3 par nuit de chasse et par installation. Globalement, les canards de surface représentent la majorité du tableau. L’espèce la plus prélevée est la sarcelle d’hiver, suivie du canard colvert. L’analyse du tableau au cours de la saison permet d’appréhender la succession des f lux migratoires des principales espèces. Les deux objectifs poursuivis, d’une part l’estimation des prélèvements par une méthode standardisée et, d’autre part, une mesure indiciaire de la pression de chasse, ont été atteints. Ainsi, le tableau de chasse constitue-t-il un outil par défaut pour contribuer au suivi de l’état des populations d’espèces concernées par cette pratique cynégétique. Le deuxième article est typiquement un cas d’écologie appliquée. Il concerne les relations entre l’abondance des fruits et celle des grands turdidés en milieu méditerranéen durant l’automne et l’hiver. Des préconisations de gestion des turdidés, espèces fortement convoitées, ne peuvent en effet s’envisager sans la prise en compte de la qualité des habitats, et en particulier des ressources trophiques. L’adéquation entre l’abondance de fruits et les effectifs d’oiseaux présents a été évaluée pour deux espèces, la grive mauvis et le merle noir. Les méthodes utilisées sont de type indiciaires, classiques en ce qui concerne l’avifaune mais originales et ones pour l’abondance des fruits. La relation directe entre l’abondance des oiseaux et la disponibilité en fruits n’est pas clairement démontrée. Cependant, dans le cas de la grive mauvis, un lien semble se dessiner, ce qui n’est pas le cas pour le merle noir. Malgré tout, la mise en place d’opérations agri-environnementales, destinées à assurer une disponibilité en fruits maximale en automne et en hiver, doit être encouragée. Ces ressources alimentaires serviront aux frugivores lors des haltes migratoires mais aussi en hivernage, en particulier lors des vagues de froid rendant indisponible la partie animale (larves, vers de terre, etc.) de leur régime alimentaire. De tels travaux ont également été conduits en milieu bocager, dans l’Ouest de la France, et ont abouti à des modalités de gestion de la haie favorisant la production de fruits en automne-hiver. Le troisième article concerne le rôle épidémiologique des anatidés, et en particulier du cygne tuberculé, dans l’apparition de l’influenza aviaire en Les articles de ce chapitre font référence aux programmes du Contrat d’objectifs suivants : R1.1 Petit gibier, migrateurs terrestres et agrosystèmes R1. Oiseaux d eau et zones humides R2.1 Organisation, animation et exploitation des réseaux d observation R2. Tableaux de chasse des principales espèces de gibier u ides Dombes (Ain), en février 2006. Les oiseaux migrateurs, voyageurs transfrontaliers sans contrôle possible par les autorités sanitaires, ont été qualifiés de responsables principaux dans l’extension géographique de cette épizootie, tant à l’échelle locale que transcontinentale. Toutefois, cette assertion est à tempérer dans la mesure où les échanges commerciaux, légaux et/ou illégaux, de volailles et des produits dérivés ont également un rôle important dans la diffusion du virus influenza aviaire H5N1 hautement pathogène (IA H5N1 HP), comme l’apparition de cette maladie en Afrique l’a illustrée. Cet article décrit en préambule le dispositif de surveillances, passive et active, déployé au niveau national, et dans lequel les agents de l’ONCFS ont été fortement impliqués, ainsi que le premier foyer apparu sur notre territoire. À la suite de la découverte du premier cas en Dombes (trois fuligules milouins trouvés morts le 13 février 2006 à Joyeux), 39 lots d’oiseaux analysés se sont révélés positifs, en majorité des cygnes tuberculés. Cette dernière espèce est également la plus touchée en Europe dans les autres foyers déclarés. Ainsi, le cygne tuberculé peut être considéré comme l’espèce qui révèle le mieux l’infection, en particulier grâce à la forte probabilité de détection d’un cadavre en raison de la taille et de la couleur de l’oiseau, mais aussi par sa sensibilité au virus, ces deux facteurs étant par ailleurs difficiles à séparer. L’hypothèse avancée pour ce cas d’influenza aviaire apparu en Dombes est une introduction du virus par les fuligules milouins, poussés par une vague de froid sévissant en Europe de l’Ouest. Les observations ont montré que la durée d’infection des étangs n’a pas dépassé huit semaines, ce qui soulève la délicate question de la survie du virus dans l’environnement, et sa sensibilité à l’augmentation de la température. En conclusion, le cygne tuberculé se révèle une excellente sentinelle pour la faune sauvage en cas d apparition d’IA H5N1 HP. Jean-Marie Boutin Responsable du CNERA Avifaune migratrice ONCFS Rapport scientifique 2006 41 Oiseaux migrateurs et zones humides Carnets de prélèvement pour la chasse de nuit. Résultats pour la saison Vincent Schricke, Régis Hargues* & François Auroy** *Fédération Nationale des Chasseurs – 92136 Issy-les-Moulineaux Cedex **Pôle Relais Gibier d’eau FNC – 92136 Issy-les-Moulineaux Cedex Contexte de l’étude Depuis 2000, trois lois ont successivement modifié les textes relatifs à l’exercice de la chasse en France, dont la chasse de nuit. Ce mode de chasse se pratique uniquement sur le gibier d’eau (en particulier les canards, oies et foulques) et a été légalisé en 2005 dans vingt sept départements (figure 1). Ainsi, tout propriétaire d’installation fixe de chasse au gibier d’eau (hutteau, hutte, tonne, gabion, selon les régions) a été tenu de la déclarer à la Direction départementale de l’agriculture et de la forêt (DDAF) avant le 1er janvier 2000. En retour, un numéro d’immatriculation a été attribué à chaque installation. Par la suite, plusieurs décrets ont fixé les règles permettant la pratique de ce mode de chasse, dont la détention obligatoire d’un carnet de prélèvement. Ainsi, en 2006, le nombre d’installations fixes déclarées pour la chasse de nuit est de 15 120. Par chasse de nuit, il faut entendre l’acte de chasse après et avant les heures légales d’ouverture de la chasse, c’est-à-dire 2 heures après le coucher du soleil et 2 heures avant le lever du soleil. Le présent article expose la méthodologie utilisée pour la mise en place du carnet de prélèvement et présente l’analyse d’une partie des carnets retournés et exploitables pour la saison de chasse 2004/05 considérée comme expérimentale. Mise en place du carnet de prélèvement La mise en place du carnet de prélèvement dénommé ci-après « carnet de hutte » a été établi selon le modèle joint en annexe de l’arrêté ministériel du 22 janvier 2004. Ce carnet composé de sept feuillets mensuels (août à février, les dates de chasse n’étant pas encore fixées au moment de l’élaboration du carnet ; exemple ci-contre) est individualisé à l’installation et non au chasseur. L’individu statistique est donc la hutte de chasse. Toutes les nuits potentiellement chassables de la saison sont figurées sur chaque feuillet. Ainsi, toute nuit chassée (avec ou sans prélèvement) est renseignée, ce qui permet de calculer un indice d’effort de chasse. Au total, quinze espèces sont notées : canard colvert (Anas platyrhynchos), canard chipeau Lorsqu’une hutte est utilisée par plusieurs chasseurs ou équipe de chasseurs, un seul carnet pour l’installation doit être retourné à la FDC. 42 ONCFS Rapport scientifique 2006 (Anas strepera), canard pilet (Anas acuta), canard souchet (Anas clypeata), canard siffleur (Anas penelope), fuligule milouin (Aythya ferina), fuligule milouinan (Aythya marila), fuligule morillon (Aythya fuligula), nette rousse ( etta rufina), oie cendrée (Anser anser), oie rieuse (Anser albifrons), oie des moissons (Anser fabalis), sarcelle d’hiver (Anas crecca), sarcelle d’été (Anas querquedula) et foulque macroule (Fulica atra). À partir de ce modèle, la FNC, en accord avec l’ONCFS, l’ANCGE et le ministère chargé de la chasse, a proposé aux vingt-sept fédérations concernées un carnet « national » qui se veut évolutif et qui permet une standardisation de la récolte des données. Chaque année, tout détenteur d’installation fixe pratiquant la chasse de nuit se voit attribuer par la Fédération départementale des chasseurs (FDC) un carnet qu’il doit tenir à jour, et renvoyer à cette fédération avant le 31 mars. Les FDC transmettent ensuite, avant le 30 novembre, une synthèse informatisée des prélèvements départementaux par espèce et par décade, en séparant le domaine public maritime (DPM) et le reste du territoire, à la Fédération nationale des chasseurs (FNC) et à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). Enfin, la FNC et l’ONCFS publient si possible avant le 1er janvier suivant un bilan annuel des prélèvements, conformément à l’arrêté ministériel du 21 janvier 2004. Pour la saison 2004/2005, 9 910 carnets ont été distribués dans dix-neuf fédérations. D’autres fédérations (sept) ont préféré conserver leur propre carnet pour cette première année, dans la mesure où il comportait les données réglementaires nécessaires. Enfin, une seule fédération n’a utilisé aucun carnet et ne présente pas de résultats pour cette année expérimentale. Méthode d’analyse des données Le modèle de carnet permet d’évaluer la fréquentation annuelle, mensuelle et Oiseaux migrateurs et zones humides décadaire des installations, c’est-à-dire le nombre de nuits chassées par rapport au nombre de nuits chassables par an, par mois et par décade. La pression de chasse à l’échelle d’une saison, d’un mois et d’une décade pour un département donné, voire un site ou une région donnée est ainsi connue. De même, la pression de chasse quotidienne peut être mesurée en rapportant le nombre d’installations occupées par nuit au nombre total d’installations immatriculées. sant. Cela tient à trois conditions (coût mis à part) : enquêté (compréhensible et peu contraignant) ; – un support de collecte des données facilement accessibles pour le public – un transfert aisé des informations collectées dans une base de données ; 62 5 0 6 50 2 L’analyse des carnets permet d’établir les prélèvements annuel, mensuel et décadaire par espèce et les prélèvements annuel, mensuel et décadaire par nuit et par installation. 14 2 02 51 55 61 22 10 35 Les résultats présentés pour la saison 2004/2005 doivent être considérés comme préliminaires et seulement indicatifs des prélèvements réalisés par ce mode de chasse. 1 33 40 Mise en place d’une base de données nationale 34 31 64 65 Toute enquête, quelle qu’elle soit, voit sa validité renforcée si le taux de retour de l’information souhaitée est suffi- 02 60 13 11 Figure 1 : Départements o la chasse de nuit est autorisée en France (n = 27) Carnet de prélèvement : exemple de feuillet mensuel ONCFS Rapport scientifique 2006 43 Oiseaux migrateurs et zones humides – une cohérence dans la structure de la base de données qui permette les analyses et conserve des possibilités d’évolution en cas de modification. Ces trois conditions doivent absolument être respectées pour pouvoir espérer la pérennisation de ce type d’étude. Pour cela, trois possibilités de saisie ont été mises à disposition des fédérations : – utiliser une application Internet, spécialement conçue à cet effet, qui permet à chaque fédération qui le désire de saisir manuellement les données des carnets de hutte ; – appliquer une lecture automatisée (lecture optique) qui permette d’injecter les données directement dans la base de données nationale ; – conserver leur structure de base de données (notamment celles qui récoltent les prélèvements depuis plusieurs années). L’application Internet donne accès à d’autres fonctionnalités telles que les statistiques départementales ou la possibilité de récupérer la base de données départementale sous diverses formes (Excel, par exemple). La base nationale est intégralement gérée par la FNC. Ainsi, les FDC qui ont saisi leurs données sur Internet ou envoyé leur base départementale sous un format permettant l’intégration dans la base nationale peuvent avoir accès à tout moment à leur propre base (sécurisée sur un serveur central) et à toutes les statistiques départementales. sées » ; n = 3 423), le taux de fréquentation annuelle des installations (nombre de nuits « chassées »/ nombre de nuits chassables) est de 13,2 % (13,8 % sur le DPM et 13,2 % sur le reste du territoire). Avec cette réserve, c’est au mois de novembre que les huttes sont le plus fréquentées, avec un taux de fréquentation de 25,8 % (figure 2). Au mois d’août, les huttes du DPM (ouverture plus précoce de la chasse) sont plus fréquentées que celle de l’intérieur des terres. Cette tendance s’inverse de septembre à novembre, puis de nouveau, le taux de fréquentation est légèrement plus important sur le DPM en décembre et janvier. Néanmoins, il est important de garder à l’esprit la faiblesse numérique de l’échantillon de huttes sur le DPM (n = 157) comparé à celui du domaine terrestre (n = 1 750). Dans tous les cas, c’est au mois de janvier que le taux de fréquentation est le plus bas. Pour les huttes ayant chassé (près de 2 000), le taux de fréquentation est de 21 %. Plus des trois-quarts de la période chassable sont donc non chassés. Il faut bien préciser que la seule prise en compte des huttes « chassées » n’est pas représentative de la fréquentation nationale globale : une hutte « non chassée » n’est pas fréquentée, ce qui est un résultat en soi. réquentation mensuelle La répartition par décade permet d’affiner les données mensuelles. La 3e décade d’octobre et la 1re de novembre sont celles où le taux de fréquentation est le plus élevé. Les pics de fréquentation décadaire pour un mois donné correspondent souvent aux passages migratoires, non décelables autrement. La fréquentation mensuelle permet de déterminer à quelle période la pression de chasse est maximale. Il faut cependant interpréter avec précaution la fréquentation du mois d’août puisque seul 5 jours ont été chassables en 2004/2005. 25,8 23,6 21,8 21,3 18,4 16,6 % Août Septembre Octobre Novembre Décembre Janvier Taux de fréquentation des huttes La fréquentation des huttes permet d’évaluer la pression (ou effort) de chasse. En 2004/2005, la période de chasse du gibier d’eau a débuté le 28 août et s’est achevée le 31 janvier, ce qui correspond à 159 nuits chassables. Pour la totalité des carnets retournés (huttes « chassées » et non « chas- 44 ONCFS Rapport scientifique 2006 27,6 25,9 réquentation annuelle 23,4 22,1 % 18,2 Août 19,7 18,3 Septembre Octobre 25,6 19,9 21,5 16,8 14,5 DPM Reste du territoire Novembre Décembre Janvier Figure 2 : Taux de fréquentation (%) des installations en fonction du mois (64 053 nuits chassées ; 1 907 carnets) tous territoires confondus et en distinguant le DPM des autres territoires. Oiseaux migrateurs et zones humides rélèvement mensuel par espèce La distribution mensuelle des prélèvements reflète les différences dans la phénologie de la migration et de l’hi- Ces résultats nationaux correspondent à ceux déjà connus à l’échelon local sur plusieurs sites littoraux [baie du Mont St-Michel, baie de Somme, baie – le canard colvert constitue 71,7 % du tableau en août et 36,9 % en septembre ; 36,99 23,34 – le canard siffleur est la deuxième espèce prélevée sur le DPM après la sarcelle d’hiver, ces deux espèces constituant 65 % du tableau global sur le DPM, 14,17 7,80 6,60 Oie moissons Oie rieuse Nette rousse Autres Colvert 3,19 2,26 1,59 1,46 0,97 0,90 0,61 0,06 0,04 0,01 Sarcelle hiver – le canard pilet est plus prélevé sur le DPM que le canard souchet. L’analyse de la composition mensuelle du tableau (figure 5) révèle les faits suivants : Sarcelle été – le canard colvert est la deuxième espèce prélevée hors du DPM après la sarcelle, ces deux espèces représentant 61,6 % du tableau global sur le reste du territoire ; La distinction entre le DPM et le reste du territoire montre une nouvelle fois un prélèvement majoritaire à l’intérieur des terres. Morillon – la sarcelle d’hiver représente l’essentiel du tableau sur le DPM (43 % du tableau global) ; En pourcentage des effectifs cumulés, plus de 70 % du prélèvement total est effectué d’août à novembre. Les mois de décembre et janvier ne représentent que 28 % du prélèvement. Oie cendrée En fonction du lieu de chasse (DPM, reste du territoire), les tableaux montrent des résultats différents pour quelques espèces : Les prélèvements décadaires permettent de cerner avec plus de précision les pics migratoires des principales espèces. Pour la sarcelle d’hiver, par exemple, les prélèvements les plus importants ont été effectués la 1re décade de septembre, la 1re et la 2e décade d’octobre et la 1re décade de novembre. Pour le canard siffleur, la 3e décade d’octobre et la 1re décade de novembre correspondent aux plus forts prélèvements. Ces résultats suggèrent une succession de flux migratoires dont le nombre, la durée et l’intensité varient selon les espèces. Foulque À l échelon national, la répartition des prélèvements révèle la prédominance des canards de surface dans les tableaux (92,7 % ; figure 3). La sarcelle d’hiver est de loin l’espèce majoritaire (37 % du tableau global). Cette espèce et le canard colvert représentent plus de 60 % du tableau annuel, suivi du canard siffleur, du canard souchet et du canard pilet. Les trois-quarts du tableau de chasse de nuit sont réalisés aux dépens de trois espèces : la sarcelle d’hiver, le canard colvert et le canard siffleur. Plus de 75 % du tableau de chasse de sarcelle d’été est réalisé au cours de sa migration postnuptiale entre août et octobre. La majorité du prélèvement est effectué entre septembre et décembre (82 %), avec un pic en octobre (28 %) qui correspond à la période de migration postnuptiale pour la majorité des espèces (figure 4). Notons le prélèvement relativement conséquent du mois d’août alors qu’il n’y a eu que cinq jours de chasse possibles. Milouin rélèvement annuel par espèce rélèvement mensuel toutes espèces Chipeau La majorité des prélèvements est réalisée hors du DPM, ce qui reste cohérent au regard du nombre d’installations (15 % d’installations immatriculées sur le DPM). Ces résultats reflètent globalement les exigences écologiques, notamment alimentaires et spatio-temporelles, de ces espèces en période de migration et d’hivernage en France. Pilet Pour la saison 2004-2005, le prélèvement global toutes espèces confondues est de 110 509 individus (dont 670 autres que canards et oies). Pour les 1 907 huttes « chassées », le prélèvement moyen s’élève à environ 43 oiseaux par installation fixe. Souchet rélèvement global annuel vernage entre les espèces (hors événements climatiques particuliers). Ainsi, le canard colvert est-il prélevé principalement en début de saison (42,5 % entre août et septembre), la sarcelle d’hiver, le canard siffleur et l’oie cendrée d’octobre à novembre (respectivement plus de 50 %, plus de 65 % et 60 %), le canard souchet de septembre à octobre (plus de 50 %) et le canard pilet en octobre (36,6 %) et en janvier (31,9 %). d’Authie, bassin d’Arcachon (Schricke, 1983, 1990 et 1996 ; Baglinière & Schricke, 2002 ; FDC 33, 2006) ; baie des Veys (Planque, 1999) ; baie de Seine (Blaize et al., 2005)]. Siffleur Prélèvements Figure 3 : Répartition (%) du prélèvement annuel par espèce (n = 110 509). ONCFS Rapport scientifique 2006 45 Oiseaux migrateurs et zones humides – la sarcelle d’hiver représente l’essentiel du tableau avec plus ou moins 40 % des prises entre septembre et décembre ; 30526 24249 18369 17638 – le siffleur est bien représenté avec plus de 15 % entre octobre et décembre ; 12774 – le canard pilet est essentiellement prélevé en octobre (9,4 %) et en janvier (20,1 %) ; 6953 – le canard souchet est présent pour 10 % du tableau en septembre. Août Septembre Octobre Novembre Décembre Représentation en % des effectifs cumulés (n = 110 509) Prélèvements par hutte Janvier 100 88 72 En 2004/2005, chaque installation a prélevé en moyenne 1,3 oiseau par nuit de chasse, quel que soit le nombre de chasseurs. Cet indice, indicateur de suivi des prélèvements à long terme, révèle un tableau individuel plus élevé pour les huttes situées sur le DPM que pour les autres huttes. Ceci peut s’expliquer en partie par le fait que le DPM, situé le long du littoral Manche Atlantique, est connu pour être placé sur l’un des principaux axes migratoires des anatidés en France. 51 23 6 Août Septembre Octobre Novembre Décembre Figure 4 : Répartition du prélèvement mensuel pour la saison 2004/05 (prélèvements/mois et effectifs cumulés). 100 % 90 % 80 % Les données du prélèvement moyen par hutte et par nuit de chasse pour la saison 2004/2005 constituent des résultats partiels dans la mesure où les prélèvements de toutes les nuits de chasse n’ont pas été systématiquement notés. Janvier Pilet Souchet Chipeau 70 % 60 % 50 % Siffleur Colvert Sarcelle hiver 40 % 30 % 20 % 10 % 0% L’estimation des prélèvements, un élément clé dans la gestion des espèces gibier La connaissance des tableaux de chasse des oiseaux d’eau est un élément clé dans l’étude de la dynamique des espèces chassées. Elle est également déterminante dans la gestion de ces populations dont le statut et le niveau d’abondance sont évalués aux échelons national et international. Les tableaux peuvent constituer un outil par défaut pour suivre de façon 46 ONCFS Rapport scientifique 2006 Août Septembre Octobre Novembre Décembre Janvier Figure 5 : Évolution de la composition mensuelle des prélèvements pour six espèces de canards de surface (92,1 % du prélèvement total). indiciaire l’état des populations. Mais ils sont aussi utiles dans l’analyse de la dynamique des populations pour les sites régulièrement suivis, voire au niveau national, en permettant la comparaison entre les effectifs prélevés et les effectifs dénombrés. L’analyse d’oiseaux associée tableaux régulière des prélèvements d’eau à la chasse de nuit, à une connaissance des par les autres modes de chasse, pourraient permettre à l’avenir l’instauration de conditions d’exploitation de ces espèces gibier en parfaite adéquation avec leurs caractéristiques biologiques et écologiques et leur niveau d’abondance. Toutefois, il est important de rappeler que si les prélèvements peuvent en théorie se rapprocher de l’exhaustif, le dénombrement des oiseaux d’eau est lui beaucoup plus complexe. Dès Oiseaux migrateurs et zones humides lors, la gestion de ces espèces doit bien prendre en compte cette difficulté et se focaliser notamment sur l’analyse des tendances d’évolution. Bien que partielle, cette première synthèse nationale des prélèvements de gibier d’eau à la chasse de nuit pour la saison 2004/2005 est la première étude réalisée à cette échelle pour ce mode de chasse. Au regard des résultats envoyés, il ressort de cette année expérimentale un très grand intérêt des fédérations départementales des chasseurs. Nous pouvons espérer que les synthèses départementales à venir seront encore plus complètes et permettront ainsi d’évaluer l’impact réel de cette pratique cynégétique. En effet, seule la pérennisation de ce type d’enquête peut apporter des résultats significatifs et robustes sur le plan statistique. Cependant, il est clair que les résultats de la saison 2005-2006 seront fortement perturbés par les événements liés à l’influenza aviaire qui ont conduit à l’interdiction de l’usage des appelants pendant la plus grande partie de la saison de chasse. Remerciements Les auteurs de cet article remercient chaleureusement tous les chasseurs ayant participé à cette enquête et les fédérations départementales de leur aide dans la saisie des données et la transmission des synthèses à la FNC. Ils sont particulièrement reconnaissants à Jean-Pierre Arnauduc et à Jean-Marie Boutin ainsi qu’à Thomas Sayer pour son aide à la réalisation de la base de données nationale. BIBLIOGRAPHIE • Baglinière J.L. & V. Schricke (2002) – La chasse des anatidés. Faune sauvage, n° 255 : 6-13. • Blaize C., Legagneux P., Bretagnolle V., Schricke V. & E. Grossin (2005) – Études de la capacité d’accueil de la Réserve naturelle de l’estuaire de la Seine pour les canards en hiver. Rapport final, 68 p., annexes. • FDC33 (2006) – La chasse en Gironde. Tableau de bord 2006. Suppl. Revue bimestrielle d’Information Cynégétique, juillet/ ao t 2006, 60 p. • Planque D. (1999) – Tableaux de chasse. Baie des Veys et marais arrière-littoraux, saisons 1997/98 et 1998/99. Rapport BTAGFS, LPAR Jean-Marie Bouloux, Montmorillon, 37 p, annexes. • Schricke V. (1983) – Distribution spatio-temporelle des populations d’anatidés en transit et en hivernage en baie du Mont Saint Michel, en relation avec les activités humaines. Thèse Doctorat 3e cycle, Univ. Rennes I, 299p. • Schricke V. (1990) – Analyse préliminaire des prélèvements d’anatidés par la chasse à la hutte sur le domaine public maritime. Bull. ONC, 150 : 17-26. • Schricke V. (1996) – L’apport de la connaissance des tableaux de chasse à la hutte dans la gestion des populations d’anatidés Anatidae : l’exemple de la baie du Mont Saint-Michel In Proceedings of the Anatidae Conference, Strasbourg, France, 5-9 décembre 1994, Birkan M., Van Vessem J., Havet P., Madsen J., Trolliet B. & M. Moser eds. Game & Wildlife 13 : 1360 -1362. A BSTRACT A bag book for night hunting. Results for the - hunting season incent Schricke, Régis Hargues & François Auroy ■ Since 2000, three laws allow the practice of night hunting in France, specially for waterfowl, in 27 departments, with an obligation to return each year to the ONCFS and FNC the results of hunting bags issued from a model of bag book created by the law of 21 January 2004. ■ To evaluate and analyse the hunting bags, we created from the legal model a hunting book which was sent to each department. After that, we prepared a national data base which allowed us to analyse all the data requested in this hunting book : hunting pressure by season, month and decade, bag of 15 species of waterfowl (anatidae and coot, Fulica atra). ■ The first results of the hunting bags for the 2004-2005 season show a predominance of dabbling ducks (teal, Anas crecca, mallard, Anas platyrhynchos, wigeon, Anas penelope). ■ Even partially, this national enquiry is a good scientific method to evaluate in the future the impact of this hunting practice on migrating and wintering ducks and coot in France. ONCFS Rapport scientifique 2006 47 Oiseaux migrateurs et zones humides Relation entre abondance de fruits et de grands turdidés en milieux méditerranéens en automne-hiver. Les cas du merle noir et de la grive mauvis Denis Roux Contexte de l’étude Dans la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, les grands turdidés sont des espèces d’une grande importance cynégétique. Environ 1 000 000 de grives et 200 000 merles noirs y sont prélevés, en particulier dans les départements du Var, du Vaucluse et des Bouches-du-Rhône (Roux & Boutin, 2000). Malgré le rôle important des ressources alimentaires pour les turdidés en hivernage, peu de travaux ont abordé cette problématique. La majeure partie des études entreprises dans ce domaine ne concerne que des territoires d’études relativement restreints (Herrera, 1982, 1984 et 1988 ; Izhaki et al., 1991 ; Verdu & Garcia-Fayos, 1994 ; Chrétienne & Eraud, 2002) et des échantillons de ressources alimentaires peu diversifiés ou ne concernant qu’un groupe d’espèces (Brush & Stiles, 1986). Aucune étude n’a été menée en milieux méditerranéens, malgré la présence d’une ressource en fruits diversifiée et une connaissance assez précise du régime alimentaire des grands turdidés dans ces milieux (Debussche & Isenmann, 1985a et 1985b ; Roux et al., 1999 ; Isenmann, 2000), Face à ce constat, l’étude entreprise a pour objectif d’appréhender le rôle de la disponibilité des ressources alimentaires dans la présence des grives et du merle noir au cours de leurs cycles de migration et d’hivernage. Sites et période d’étude L’aire d’étude est localisée en région méditerranéenne, au sud-est de la vallée du Rhône. La diversité et l’imbrication des milieux rendent difficile l’échantillonnage, aussi avons-nous limité notre travail à quatre sites d’étude (figure 1), représentant quatre grandes formations végétales : – les zones à parcellaires complexes et massifs de feuillus (site S1 : Pays de Sault, Vaucluse) ; – les zones de vignobles entrecoupés de haies (site S2 : Sainte Cécile les Vignes, Vaucluse) ; – les zones de vergers et petits fruits (site S3 : Nord-Vaucluse et Pont-St Esprit, Vaucluse et Gard) ; – les zones mixtes de maquis, garrigues, landes, broussailles, feuillus et conifères (site S4 : le de Porquerolles, Var). 48 ONCFS Rapport scientifique 2006 Méthodes d’étude valuation de l’abondance des oiseaux Compte tenu de la répartition diffuse des grands turdidés, deux méthodes de recensement ont été appliquées et adaptées : l’indice ponctuel d’abondance (IPA ; Blondel et al., 1970 ; Frochot & Roché, 1990) et l’indice kilométrique d’abondance (IKA ; Ferry & Frochot, 1958). Pour chaque méthode, les protocoles suivants ont été appliqués : – IPA : deux à trois routes sont définies pour chaque site et couvrent tous les habitats ; chaque route comporte dix-neuf points d’observation espacés d’1 km ; les dénombrements ont lieu une fois par quinzaine, d’octobre à février ; les points d’observation sont visités entre 10 h 00 et 13 h 00 ( 1 h 00) et la durée d’observation par point est fixée à cinq minutes ; – IKA : cinq à dix transects sont définis pour chaque site et couvrent tous les habitats, c’est-à-dire un à deux transects par type d’habitat ; chaque transect, d’une longueur au moins égale à un kilomètre est parcouru une fois tous les quinze jours, d’octobre à février ; les relevés sont effectués le matin, une heure après le lever du jour et dans les quatre heures qui suivent le lever du soleil. valuation des disponibilités alimentaires L’échantillonnage prend appui sur le réseau de transects (IKA) utilisés pour les dénombrements des oiseaux. L’évaluation des disponibilités alimentaires se fait lors du retour sur le transect sur une bande-échantillon d’une largeur variable (2 à 5 mètres), déterminée par les conditions d’observation de la formation végétale échantillonnée. Les relevés sur les haies sont effectués d’un seul côté du linéaire. Toutes les essences susceptibles de porter des fruits sont inventoriées sur l’ensemble de la stratification végétale. Leur fréquence d’apparition, ainsi que le Oiseaux migrateurs et zones humides niveau de leur fructification respectif sont précisés. La figure 2 présente de manière schématique la méthodologie utilisée. Traitement des données ériodicité Bien que les données soient récoltées tous les quinze jours (série), le traitement a fréquemment été réalisé sur un pas de temps plus important (période), en général un mois, dans la mesure où les variations d’abondance de fruits sont presque inexistantes au cours d’une quinzaine. Dans la plupart des cas, l’abondance des fruits et des oiseaux a donc été estimée à partir de deux observations. Dans la mesure du possible, les données (ressources trophiques et effectifs d’oiseaux) collectées dans des intervalles de temps courts ont été conservées. Figure 1 : Localisation de la zone d’étude. ffectifs considérés Si dans un site lors d’une année donnée, l’effectif moyen d’une espèce est inférieur à 10, celle-ci n’a pas été prise en compte. Dans le cas des espèces migratrices arrivant tardivement, comme la grive mauvis, les valeurs nulles en octobre, voire en novembre, ont été écartées. spèces végétales prises en compte Les espèces végétales prises en compte sont celles qui sont le plus consommées par les oiseaux, telles que l’aubépine monogyne, le genévrier commun, le raisin, le lierre, et le nerprun alaterne pour la grive mauvis, auxquelles sont ajoutés l’arbousier et l’olivier pour le merle noir. Les espèces ont été sélectionnées par site sur la base des résultats d’une étude sur le régime alimentaire réalisée sur ces mêmes sites (Roux et al., 1999). nalyse statistique L’abondance d’une espèce d’oiseau sur l’ensemble d’un site et pour une série donnée a été calculée en effectuant la somme des effectifs recensés. Pour une période comportant plusieurs séries, nous avons pris en compte la moyenne. Figure 2 : Méthodologie d’évaluation des disponibilités alimentaires sur chaque transect. L’abondance d’une espèce de fruit a été calculée à partir du produit de l’indice de recouvrement de l’espèce végétale en question, de l’indice de port de fruits et de la maturité des fruits (attribution d’un coefficient ; figure 2). L’abondance d’une espèce de baie sur l’ensemble d’un site et pour une série donnée a été calculée en effectuant la somme de ces abondances par transect. Les ressources trophiques disponibles, dans une période, pour une espèce considérée ont été calculées en réalisant la somme des abondances des espèces de fruits les plus consommées par les oiseaux divisée par le nombre de séries d’évaluation des disponibilités alimentaires durant la période. Le test de Mantel (Legendre & Fortin, 1989) a été utilisé pour déterminer le lien entre l’abondance des oiseaux et celle des fruits en prenant en compte, deux à deux, les trois variables suivantes : abondance des oiseaux, abondance de fruits et temps (Verdu & GarciaFayos, op. cit.). En cas de corrélation temporelle entre ces trois variables, le test partiel de Mantel (Legendre & Fortin, op. cit.) a été appliqué. Les abondances d’oiseaux et les ressources trophiques estimées sur les transects ont été comparées pour chaque espèce, par site et par saison. Lorsque ces variables évoluent de façon similaire au cours de la saison, une ONCFS Rapport scientifique 2006 49 Oiseaux migrateurs et zones humides comparaison des effectifs d’oiseaux et des ressources trophiques a été réalisée par transect. Lorsque les niveaux d’abondance de grands turdidés estimés par IKA et par IPA s’avèrent proches l’un de l’autre, les résultats des IPA et les ressources trophiques sont comparées entre eux. Généralement, les concordances ne sont que partielles entre ces différents éléments. Dans ce cas, le traitement ultérieur n’a été effectué que pour les portions présentant des similitudes. quatre sites, des trois saisons de suivi et des différents relevés des oiseaux sur les transects et circuits (points d’observation) (tableau 1), une relation positive, statistiquement significative n’a été établie que dans 4 cas. Dans 2 cas, une relation négative, statistiquement significative, a été mise en évidence. Enfin, les effectifs d’oiseaux se sont révélés insuffisants pour une analyse statistique dans 66 cas. Merle noir sur le site Saison 1999/2000 Résultats Deux types de résultats sont présentés : les résultats généraux obtenus pour l’ensemble des sites, des espèces et des saisons d’étude et les résultats obtenus pour le merle noir et la grive mauvis en 1999/2000 et 2000/2001. Résultats généraux Le suivi dans le temps entre l’abondance des ressources trophiques d’origine végétale et l’abondance des oiseaux ne permet pas d’établir l’existence d’un lien important. Parmi les 120 cas possibles à partir des cinq espèces, des Les disponibilités alimentaires sont maximales fin novembre avec la persistance des baies d’aubépine monogyne et de genévrier commun. Ces ressources diminuent, dans un premier temps de manière prononcée, et par la suite plus progressivement (figure 3). Les effectifs de merle noir deviennent maximaux (autour de 65) au moment du pic des ressources alimentaires. Des tests de Mantel montrent qu’il n’y a pas de relation significative entre les effectifs de merles et les ressources trophiques bien qu’en début de saison une relation positive semble se dessiner. La persistance de l’espèce sur le site malgré la diminution des ressources trophiques végétales pourrait être liée à l’augmentation en parallèle des ressources trophiques animales. Saison 2000/2001 La distribution des ressources trophiques est maximale d’octobre à novembre en raison de la fructification simultanée du genévrier commun et de l’aubépine monogyne. Ces ressources ne cessent de diminuer par la suite. Les effectifs de merle noir recensés sur les transects sont du même ordre que ceux recensés sur l’ensemble du site (IPA) en octobre, novembre, janvier et février (résultats divergents en décembre). Une croissance des effectifs est notée d’octobre à novembre suivie d’une décroissance continue à partir de novembre. Cette décroissance intervient conjointement avec la diminution des ressources trophiques (figure 4 ; p = 0,03). Un lien entre l’abondance des merles noirs et les ressources trophiques est mis en évidence sur toute la saison pour les effectifs recensés par IKA et à partir de novembre pour les effectifs recensés par IPA. La croissance des effectifs de merle noir en octobre est probablement due à l’arrivée de migrateurs. Tableau 1 : Récapitulatif des résultats obtenus concernant la relation entre l’abondance des ressources trophiques et l’abondance de cinq espèces de grands turdidés estimée par transect (T) ou par circuit de points d’observation (C) sur les quatre sites d’étude, pour trois saisons différentes. T. merula Site Saison C T. viscivorus T C T T. pilaris C 1999/2000 S1 2000/2001 2001/2002 1999/2000 S2 2000/2001 2001/2002 1999/2000 S3 2000/2001 2001/2002 1999/2000 S4 2000/2001 2001/2002 Légende : T = transects ; C = circuits sur l’ensemble des sites Relation positive statistiquement significative Relation négative statistiquement significative Relation positive partiellement significative Relation non significative Effectifs d’oiseaux insuffisants 50 ONCFS Rapport scientifique 2006 T. philomelos T C T T. iliacus C T Oiseaux migrateurs et zones humides 70 rive mauvis sur le site 60 Saison 1999/2000 50 40 30 20 10 0 7/10-4/11 17/11-4/12 3/12-22/12 23/12-5/1 Merle noir (effectifs estimés par IKA) Merle noir (effectifs estimés par IPA) 8-20/1 25/1-4/2 22-29/2 Ressources trophiques Saison 2000/2001 Figure 3 : Relation entre l’abondance des merles noirs et les ressources trophiques sur le site S1 pour la saison 1999/2000. 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 3-27/10 1-28/11 Merle noir (effectifs recensés par IKA) Merle noir (effectifs recensés par IPA) Les effectifs de grives mauvis recensés sur les points d’observation sont trop faibles pour une analyse statistique. En revanche, les résultats des transects mettent en évidence un pic d’abondance de la mi-novembre à fin décembre coïncidant avec celui des ressources trophiques (figure 5). Par la suite, les effectifs d’oiseaux sont extrêmement faibles. 1-22/12 3-29/01 Ressources trophiques 1-24/02 Une relation entre les effectifs de grives mauvis dénombrés par IKA et les ressources trophiques, liée uniquement au facteur temps, est mise en évidence (p = 0,08). Cela signifie qu’ils varient en même temps, mais indépendamment l’un de l’autre au cours de la saison. En revanche, une décroissance conjointe de l’abondance des ressources trophiques et de grive mauvis dénombrées par IPA apparaît, indépendamment du facteur temps (Figure 6 ; p = 0,05). Précisons que cette espèce fait son apparition progressive en région méditerranéenne à partir d’octobre avec une augmentation continue par la suite (Olioso, 1996), et que les effectifs d’oiseaux, qui fluctuent au cours de la saison, peuvent expliquer les baisses d’abondance de fin novembre et début janvier. Figure 4 : Relation entre l’abondance de merles noirs et les ressources trophiques sur le site S1 pour la saison 2000/2001. Discussion 70 60 Abondance 50 40 30 20 10 0 7/10-4/11 17/11-4/12 3/12-22/12 23/12-5/1 Effectifs de grives mauvis (recensement par IKA) 8-20/1 25/1-4/2 22-29/2 Ressources trophiques Figure 5 : Relation entre l’abondance de grives mauvis et les ressources trophiques sur le site S1 pour la saison 1999/2000. Le suivi dans le temps entre l’abondance des ressources trophiques d’origine végétale et celle du merle noir et de la grive mauvis montre un lien apparent pour la grive mauvis, et partiel, dans le temps, pour le merle noir. La biologie des espèces étudiées et les limites des méthodes employées sont des éléments qui peuvent expliquer ces divergences dans les résultats. En effet, il s’agit d’espèces migratrices qui répondent à des conditions environnementales (météorologique, dérangement, ressource trophique…). De plus, les résultats peuvent être perturbés par des pics d’abondance dus uniquement aux flux migratoires. La principale diff iculté des oiseaux pendant l’hiver est de pouvoir réguler ONCFS Rapport scientifique 2006 51 Oiseaux migrateurs et zones humides Les différentes approches comportementales dans la recherche de la nourriture sont à prendre en compte dans cette étude. La relation pourra varier en fonction des modes de répartition et de distribution des ressources trophiques, et en fonction du type d’occupation du territoire par les espèces concernées. D’autres facteurs extrinsèques comme la compétition inter-spécifique, les conditions climatiques et les activités humaines (chasse) agissent également à d’autres moments, et de manière importante, sur l’abondance et la distribution spatiale des grands turdidés. L’ensemble de ces facteurs peut entraîner des déplacements bien supérieurs aux aires d’étude prospectées. En fin de saison, la fraction animale des ressources trophiques, non considérée dans le protocole d’étude, représente une part non négligeable du régime alimentaire. Aussi, les effectifs d’oiseaux peuvent-ils rester abondants alors que les ressources végétales sont faibles. Les résultats se sont avérés significatifs pour un seul site (S1) ce qui tend à indiquer que la méthode d’évaluation des fruits sous forme de classes d’abondance convient plus particulièrement pour des fruits émanant d’essences naturelles que pour des fruits de cultures agricoles (vigne, verger) tels qu’ils existent sur les sites S2 et S3. Cependant, cette méthode n’est pas exempte de subjectivité de la part de l’observateur. Plusieurs travaux montrent un lien certain entre les disponibilités alimentaires 52 ONCFS Rapport scientifique 2006 100 35 90 30 80 25 70 60 20 50 15 40 30 Abondance oiseaux Abondance ressources trophiques leurs dépenses énergétiques pour faire face aux basses températures. Ce problème est d’autant plus important qu’en cette saison, les ressources alimentaires diminuent tandis que la différence entre la température corporelle et la température externe augmente, impliquant donc une dépense énergétique plus importante. Pour y faire face, soit l’oiseau prend la fuite (migration, déplacement erratique, nomadisme…), soit il reste sur place et s’adapte. Ces adaptations peuvent être de dif férents types, notamment physiologique, par stockage des graisses (Kendeight, 1970), ou bien encore comportemental, par une recherche accrue de nourriture. 10 20 5 10 0 0 3-17/10 19-27/10 1-15/11 16-28/11 1-14/12 15-22/12 3-13/1 15-29/1 1-12/2 15-24/2 Ressources trophiques Effectifs recensés par IPA Figure 6 : Relation entre l’abondance de grives mauvis et les ressources trophiques sur le site S1 pour la saison 2000/2001. et l’abondance d’oiseaux frugivores (Chrétienne & Eraud, op. cit ; Martin & Karr, 1986 ; Jordano, 1985 ; Verdu & Garcia-Fayos, op. cit.). Cependant, certaines de ces études montrent aussi que lorsque l’abondance des ressources trophiques végétales devient faible, cela n’entraîne pas pour autant la disparition des oiseaux du territoire qui sont alors capables de diversifier leur régime alimentaire. Cela signifie que d’autres ressources alimentaires, notamment les fractions animales, peuvent intervenir dans le régime. Dans notre cas d’étude, ce phénomène semble apparaître clairement pour le merle noir. Une telle étude devrait permettre de préciser l’impact de la modification des biotopes et pouvoir ainsi proposer des mesures judicieuses de gestion de l’habitat dans des programmes d’aménagement et de gestion de l’espace rural (Contrats agriculture durable, opérations locales) dans le cadre de mesures agri-environnementales (MAE). Ainsi, une gestion des habitats méditerranéens visant une réhabilitation des essences d’intérêt majeur pourraitelle prendre en compte les potentialités d’accueil des grands turdidés et de l’ensemble des peuplements d’oiseaux frugivores. Conclusion et perspectives Remerciements Cette d’étude, bien que ponctuelle, constitue une première approche pour la compréhension des relations entre les ressources trophiques et l’abondance des grands turdidés. Compte tenu de l’enjeu cynégétique que représentent ces espèces, il conviendrait d’affiner les recherches, notamment par une meilleure connaissance des habitats d’hivernage, et d’étendre la zone d’étude pour mieux prendre en compte la répartition des oiseaux. En effet, la fragmentation de l’habitat ainsi que la structure et la dynamique de la végétation constituent des facteurs importants pour l’accueil de ces espèces en période d’hivernage. Nous remercions tous les observateurs qui ont récolté les données sur le terrain et contribué ainsi à ces résultats, et plus particulièrement à Julien Clément de son aide efficace dans la gestion et le traitement des données. Nous remercions également ve Corda de l’analyse et de l’interprétation statistique des résultats. Oiseaux migrateurs et zones humides BIBLIOGRAPHIE • Blondel J., Ferry C. & B. Frochot (1970) – La méthode des indices ponctuels d’abondance (I.P.A.) ou des relevés d’avifaune par « stations d’écoute ». 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Although they have a favourable conservation status, these species show important variations in their winter number, the understanding of which could allow us to optimise their management, particularly in terms of hunting bag. ■ In spite of the wintering site fidelity of some of them, annual observations can vary according to weather conditions, which influence the behaviour of birds, either directly, chiefly in their use of two major flyways : the Rhone-Alps one and the Atlantic one, or indirectly through the fruit productivity of habitats usually visited. ■ Our study aims to evaluate the impact of vegetal food resources on the presence of Redwing and Black bird in autumn and winter during the 1999-2002 period at 4 sites in the Provence-Alps-French Riviera region. Each site represents a different vegetal formation of the Mediterranean area. ■ At each site, estimation of bird abundance was carried out by point counts along routes and by line transects. Food abundance was estimated on the line transects. ■ No relationship between food abundance and Redwing/Blackbird abundance was found. Several hypotheses can be made to explain this result. The diet of birds could change according to food availability. This seems to be the case for Blackbird which could compensate for a vegetal food deficit by using animal food. A food competition could occur between species, which could lead to a better share of the available food. The habitat characteristics could also influence the results. Finally, the study methods which have been used could be too restricted for any relationship to be detected. ONCFS Rapport scientifique 2006 53 Oiseaux migrateurs et zones humides R le épidémiologique du cygne tuberculé et des autres anatidés dans l’épisode d’in uenza aviaire H N HP dans la Dombes en Jean Hars, Sandrine Ruette, Maurice Benmergui, Carol Fouque, Jean-Yves Fournier, Arnaud Legouge, Martine Cherbonnel*, Daniel Baroux**, Catherine Dupuy*** & Véronique Jestin* * Agence française de sécurité sanitaire des aliments, Unité VIPAC, Laboratoire national de référence (LNR) pour l’in uenza aviaire et la maladie de Newcastle, 22440 Ploufragan ** Laboratoire départemental d’analyses de l’Ain. 01012 Bourg en Bresse *** Direction des services vétérinaires de l’Ain. 01012 Bourg en Bresse Contexte de l’étude Depuis 2003, une épizootie d’influenza aviaire due à un virus H5N1 HP sévit en Asie. La souche virale, probablement présente dans cette région du monde depuis la fin des années 90, s’avère particulièrement virulente, capable de provoquer des symptômes et de la mortalité chez de nombreuses espèces d’oiseaux, y compris d’oiseaux sauvages, et de mammifères, dont l’homme. Or, depuis 2003, le virus s’avère pathogène pour les oiseaux d’eau, dont les anatidés, qui étaient jusqu’alors considérés comme des réservoirs, porteurs sains, des virus influenza faiblement pathogènes dans le monde. En avril 2005, les premières mortalités importantes d’oiseaux sauvages ont été observées dans la région chinoise du lac Quinghai (Chen et al., 2005 ; Liu et al., 2005). En été 2005, l’épizootie asiatique a progressé vers l’ouest, touchant successivement la Russie et le Kazakhstan, puis en automne la Turquie, la Roumanie, l’Ukraine et la Croatie (OIE, 2006 ; FAO, 2006 ; Webster et al., 2006). L’épizootie s’est rapidement étendue dans l’Union Européenne o douze pays ont notifié des cas sur des oiseaux sauvages durant le mois de février 2006 (OIE, 2006). Au mois de mai 2006, treize pays européens avaient fait état de mortalités d’oiseaux sauvages dues au virus H5N1 HP. Seuls cinq pays, la France, l’Allemagne, la Suède, le Danemark et la Hongrie ont déclaré des cas chez des volailles incluant le gibier d’élevage, dans des zones o l’avifaune avait été précédemment contaminée. Il a été admis que l’extension géographique de la maladie tant à l’échelon d’un pays que d’un ou plusieurs continents s’expliquait, soit par le déplacement d’oiseaux migrateurs transportant du virus, soit par le commerce légal ou illégal de volailles (EFSA, 2006 ; Kilpatrick et al., 2006 ; Gauthier-Clerc et al., 2007). En France, le virus H5N1HP de souche asiatique a été détecté pour la première fois le 13 février 2006 sur trois cadavres de fuligules milouins (Aythya ferina) collectés sur un étang de la Dombes (OIE, 2006 ; Le Gall-Reculé et al., 2006 ; Le Gall-Reculé et al., 2007). La Dombes est une zone humide d’importance internationale, d’après les deux critères de la convention de Ramsar « plus de 20 000 oiseaux d’eau » et « plus de 1 % de la population biogéographique d’une espèce », ce dernier critère étant dépassé pour plus d’une quinzaine d’espèces d’Anatidés et la foulque macroule (Fouque et al. 2006) . Située dans le département de l’Ain, elle compte environ 1 200 étangs sur 110 000 ha. La date du 13 février 2006 a marqué le début d’une épizootie qui a touché principalement les anatidés et plus particulièrement le cygne tuberculé (Cygnus olor). Cette épizootie est restée cantonnée à la Dombes puisque seuls trois cas ont été observés ailleurs : un fuligule morillon (Aythya fuligula) et un grèbe huppé (Podiceps cristatus), à l’est du département de l’Ain, sur le lac Léman, et un cygne (Cygnus olor), beaucoup plus au sud, dans le département des Bouches-duRhône. Un foyer a été notifié le 23 février dans un élevage de dindes domestiques situé à un kilomètre du lieu de découverte des premiers fuligules milouins infectés, très probablement contaminé de manière indirecte. Il est resté le seul cas français survenu en élevage en 2006, laissant indemne la toute proche région de la Bresse spécialisée dans la production de volailles en plein air. 54 ONCFS Rapport scientifique 2006 Oiseaux migrateurs et zones humides Epidémiosurveillance de l’influenza aviaire chez les oiseaux sauvages Organisation générale En France, la surveillance des virus influenza chez les oiseaux sauvages a été renforcée, à partir de septembre 2005, par un dépistage de virus hautement pathogènes (H5 ou H7) sur les oiseaux morts (surveillance passive), en s’appuyant, en milieu rural, sur le réseau national de surveillance des maladies de la faune sauvage SAGIR, pour la collecte et l’acheminement des cadavres, leur tri et leur autopsie et, en milieu urbain, sur les services des collectivités territoriales (pompiers, employés communaux…) et les particuliers. La maîtrise d’œuvre de cette surveillance est assurée dans chaque département par la Direction départementale des services vétérinaires et coordonnée au niveau national par la Direction générale de l’Alimentation. En plus de cette surveillance passive, une surveillance active des virus influenza est menée dans plusieurs zones de rassemblement d’espèces migratrices sur un échantillon d’oiseaux capturés ou tués à la chasse, ainsi que sur des oiseaux sentinelles. Un réseau de laboratoires spécialisés en influenza aviaire a été créé. Il est constitué du laboratoire national de référence (LNR) pour l’influenza aviaire (AFSSA-Ploufragan) et de laboratoires agréés (douze actuellement) pour la détection des virus influenza aviaires, formés et pilotés par le LNR. urveillance sur oiseaux morts (surveillance passive) À partir de l’automne 2005, le dispositif général prévoyait de collecter les cadavres d’oiseaux en bon état de conservation dans un contexte de mortalité anormale et inexpliquée, c’està-dire au moins cinq oiseaux trouvés morts en un même lieu dans un court délai, sans qu’une cause évidente de mortalité autre que l’influenza aviaire n’ait pu être établie sur le terrain ou au laboratoire. À la suite de l’apparition du premier foyer en Dombes, tout cadavre de cygne récolté en France et tout cadavre d’anatidé récolté dans une zone humide à risque a fait l’objet d’une recherche virale. a été réalisé sur une sélection de virus (Jestin, 2006 ; Le Gall-Reculé et al., 2006 ; Le Gall-Reculé et al., 2007). Dans la Dombes, la collecte des cadavres d’oiseaux a été principalement assurée par les agents de l’ONCFS. La surveillance passive y a été renforcée à partir du mois de février et jusqu’en juillet par l’observation hebdomadaire de seize étangs infectés et de seize étangs témoins environnants, a priori indemnes. Par ailleurs, afin de surveiller une éventuelle extension de l’épizootie dans le département de l’Ain, cinq sites hors Dombes riches en anatidés ont été prospectés et dénombrés trois fois par semaine durant le mois d’avril. La pression de surveillance des mortalités d’oiseaux a donc été très forte pendant et après l’épizootie. urveillance sur oiseaux vivants (surveillance active)2 Les cadavres suspects ont été transmis au Laboratoire départemental d’analyses (LDA) de l’Ain, agréé pour le dépistage des virus influenza. Les analyses virales ont été réalisées sur des écouvillons trachéaux et cloacaux regroupés (poolés) par cinq individus d’une même espèce au maximum. La méthode utilisée est la RT-PCR en temps réel ( eal Time everse Transcriptase PC ) qui permet la détection du gène M commun aux virus influenza aviaires de type A, conformément au manuel de diagnostic (Décision de la Commission du 4 août 2006) annexé à la Directive du Conseil 2005/94/EC relative aux mesures communautaires de lutte contre l’influenza aviaire. Les échantillons positifs ont été transmis au LNR pour une analyse RT-PCR H5 en temps réel. En cas de positivité, trois tests ont été entrepris : – un test de RT-PCR-séquençage ciblant le motif de clivage de l’hémagglutinine pour la détermination de la pathogénicité ; À partir de juin 2006, un dépistage des virus influenza a été fait sur des oiseaux apparemment sains [capturés ou tirés (cygnes)], en complément de la surveillance passive et pour vérifier la persistance ou la disparition du virus dans la Dombes . Les analyses virales ont suivi le même protocole que pour les oiseaux morts. Pour les cygnes, des analyses sérologiques complémentaires ont été effectuées par inhibition de l’hémagglutination à l’aide, notamment, d’un antigène préparé à partir d’un antigène H5N1 HP obtenu au LNR à partir d’un isolat représentatif provenant de la Dombes (IHA H5). De plus, deux sérums réagissant très fortement au test précédent ont été également testés avec un kit Elisa commercial expérimental dépistant spécifiquement les anticorps de la neuraminidase N1. Par ailleurs, cent très jeunes canards colverts (contrôlés séro– et viro-négatifs H5/H7 par le LDA 01 et le LNR), issus d’un élevage conventionnel, ont été placés début juin 2006 dans des enclos installés sur quatre étangs, soit concernés par des cas positifs sur oiseaux morts, soit situés à moins d’un kilomètre d’un cas positif. Ces oiseaux sentinelles dont les rémiges étaient coupées régulièrement pour éviter leur envol, étaient en contact direct ou indirect (via l’eau de l’étang) avec l’avifaune locale. Des écouvillons cloacaux et trachéaux ont été prélevés deux fois par mois sur ces oiseaux, jusqu’au mois de décembre 2006. Le suivi des oiseaux sauvages en Dombes uivis en période inter-nuptiale – un test de RT-PCR-séquençage ciblant la neuraminidase N1 ; – une analyse phylogénique rapide permettant d’assigner les virus identifiés au groupe des virus H5N1 HP de la lignée Qinghai. Par la suite, un isolement de la souche afin de mieux caractériser les virus sur les plans antigénique et phylogénétique La Dombes fait l’objet de suivis de l’avifaune migratrice par l’ONCFS depuis les années 1980 (Fouque et al., 2006). Chaque hiver, des dénombrements mensuels en décembre, janvier et * Entre autres, 233 passereaux paludicoles ont été capturés et prélevés par Yves Beauvallet du CRBPO (MNHN, Paris). ONCFS Rapport scientifique 2006 55 Oiseaux migrateurs et zones humides Au cours de l’hiver 2005/2006, les effectifs d’Anatidés et de foulques qui ont séjourné sur les cent soixante dix-huit étangs de la Dombes surveillés ont atteint un pic en février (30 000 individus dénombrés) comme les hivers précédents, au moment des passages migratoires de printemps. Les espèces les plus représentées en hiver en Dombes sont le canard colvert et le fuligule milouin dont les effectifs dépassent 10 000 individus (figure 1a et 1b). Cependant, les fuligules milouins étaient absents de la Dombes en décembre et janvier 2006, contrairement aux cinq hivers précédents (figure 1b). Les effectifs de cygne tuberculé étaient plus importants que la moyenne des cinq années précédentes tout au long de l’hiver (figure 1c), confirmant la courbe croissante observée depuis 1995 en Dombes (Benmergui et al., 2005 ; Fouque et al., 2007). (a) 20 000 Depuis 2002, la population estivale de cygne tuberculé est estimée par un comptage de l’ensemble des étangs dans la troisième décade de juin (Benmergui et al., 2005). Lors du comptage de juin 2006, la densité totale en cygnes adultes et sub-adultes est de 0,73 individus/10 ha, chiffre en 56 ONCFS Rapport scientifique 2006 Effectif compté 15 000 12 500 10 000 7 500 5 000 2 500 0 décembre janvier février mars (b) 25 000 Moyenne 2000/01 à 2004/05 Hiver 2005-2006 20 000 15 000 10 000 5 000 0 décembre janvier février mars (c) 900 800 uivis en période nuptiale Moyenne 2000/01 à 2004/05 Hiver 2005-2006 700 Effectif compté Un suivi de la reproduction des Anatidés est réalisé en Dombes depuis 1994. Les couples cantonnés et les nichées sont dénombrés toutes les semaines, entre le 15 avril et le 15 juillet, sur un échantillon d’étangs représentatifs [modalités d’évolage et d’assec (alternance eau/assec) et superficies]. En 2006, soixante treize étangs (807 ha) ont ainsi été surveillés. Le suivi de la reproduction du cygne tuberculé, montre que le pourcentage de couples productifs est passé de 54,2 % en moyenne entre 2001 et 2005 à 23,2 % en 2006. Moyenne 2000/01 à 2004/05 Hiver 2005-2006 17 500 Effectif compté février y sont réalisés. Le suivi des cent soixante dix-huit étangs les plus favorables en terme d’accueil d’anatidés permet d’estimer l’évolution des effectifs de canards et de cygnes en hiver (Fouque et al., 2005a). Exceptionnellement, durant la flambée épizootique, un dénombrement supplémentaire a été effectué en mars 2006 sur cent soixante-six de ces étangs. 600 500 400 300 200 100 0 décembre janvier février mars Figure 1 : Effectifs mensuels de canards colverts (1a), de fuligules milouins (1b) et de cygnes tuberculés (1c), dénombrés en Dombes au cours de l’hiver 2005/06 et comparaison avec la moyenne (et erreur-type) des cinq derniers hivers (période 2000/01 à 2004/05). Source : Réseau national « Oiseaux d’eau & Zones humides » ONCFS/FNC/FDC. nette diminution par rapport à 2005, mais proche des années précédentes. Quatorze étangs accueillent 68 % des effectifs totaux en juin 2006. Sur ces quatorze étangs, ayant accueilli des groupes de dix à cinquante-cinq cygnes, quatre ont hébergé des cygnes positifs H5N1 HP et deux autres sont situés sur des communes où le virus a été isolé. Oiseaux migrateurs et zones humides uivi d’étangs infectés et d’étangs témoins environnants pendant et après l’épi ootie Les résultats des dénombrements hebdomadaires faits sur les trentedeux étangs suivis montrent une plus grande proportion d’étangs d’une surface supérieure à 10 ha parmi les étangs infectés (médiane 19 ha). En février, les densités de cygne tuberculé sont six fois plus élevées sur les étangs infectés que sur les étangs témoins environnants (respectivement 2,5 et 0,4 cygnes/ha). Cette différence s’est amoindrie au fil des mois, restant toutefois bien visible en mars et avril. Le même profil est observé pour les autres anatidés et foulques avec, en février, des densités trois fois plus élevées sur les étangs infectés que sur les étangs témoins environnants (respectivement 16,6 et 5,7 oiseaux/ha). L’épizootie d’influenza aviaire dans la Dombes spèces d’oiseaux concernées Du 13 février au 31 août 2006, 470 cadavres d’oiseaux sauvages oiseaux ont été répertoriés dans la Dombes (734 dans l’Ain). Au final, 259 provenant de la Dombes ont été transmis pour analyse au laboratoire (405 pour l’Ain), répartis en 200 lots (302 pour l’Ain). prédominante. Les proportions de cygne et de fuligule milouin excréteurs parmi les oiseaux analysés semblent comparables mais il est impossible de tirer une conclusion vu le faible nombre de fuligules milouins analysés. Aucun canard colvert, ni mouette rieuse n’a été trouvé excréteur de H5 N1 HP. Un seul rapace a été trouvé infecté. En Dombes, 39 pools d’écouvillon (lots) se sont avérés positifs : 32 pools de cygne, 4 de fuligule milouin, un héron cendré, une buse variable et une oie cendrée (tableau 1). Parmi les 41 lots positifs récoltés dans l’Ain, 61 % ont été détectés positifs à la fois sur les pools d’écouvillons trachéaux et cloacaux alors que 27 % l’ont été sur les seuls pools d’écouvillons trachéaux et 12 % sur les seuls pools d’écouvillons cloacaux (Baroux et al., 2007). Une grande majorité des cadavres collectés en Dombes ont été analysés (68 % en moyenne, tableau 1). volution spatiale La répartition géographique sur les étangs de la Dombes montre que les cas positifs ont été découverts sur des zones géographiques bien délimitées, suggérant la présence de foyers infectieux (figure 2). Des oiseaux morts ont été découverts sur soixante-sept étangs de la Dombes, et des oiseaux porteurs de virus H5N1 HP sur seulement vingt étangs (figure 2). En délimitant des cercles de 1 km autour des cas, neuf foyers apparaissent distants les uns des autres de 2 à 18 km. D’une manière générale, les zones de détection du virus sont restées très localisées, dans un rayon de 25 km autour de Joyeux qui est la localité du premier cas enregistré. Le premier résultat positif concernait un lot de trois fuligules milouins, récoltés le 13 février 2006 sur un même étang situé sur la commune de Joyeux. Pour les cygnes, douze lots analysés entre le 18 février et le 30 mars, comprenaient les prélèvements de plusieurs individus récoltés sur le même étang (de deux à cinq cadavres). Ces lots positifs n’ont pas pu être repris individuellement. Tous les autres résultats positifs correspondent à des analyses individuelles de cadavre. volution temporelle L’épizootie, définie comme la période où des oiseaux sauvages ont été trouvés excréteurs de virus H5N1 HP, a duré deux mois, avec une phase Le cygne tuberculé concerne 82 % des lots positifs (32/39) trouvés en Dombes. L’espèce est donc largement Tableau 1 : Répartition par espèce du nombre de cadavres récoltés, lots analysés et lots positifs H5N1 HP en Dombes. Espèce Nombre de cadavres collectés (nombre analysés) Nombre de pools analysés (% des cadavres analysés) Nombre de pools positifs H5N1 HP (% des lots analysés) Nombre d’oiseaux dans les pools positifs H5N1 HP (% minimum et maximum d’oiseaux positifs H5N1 HP) Cygne tuberculé 130 (89) 65 (68 %) 32** (49 %) 54*** (36 à 61 %) Fuligule milouin 13 (13) 11 (100 %) 4 (36 %) 6 (31 à 46 %) Fuligule morillon 0 0 0 0 Fuligule morillon Hors Dombes Grèbe huppé Grèbe huppé Hors Dombes 1 1 1 1 2 (2) 2 (100 %) 0 0 3 (3) 3 (100 %) 1 1 19 (11) 11 (58 %) 1 (9 %) 1 (9 %) Oie cendrée 3 (3) 3 (100 %) 1 1 Buse variable 40 (16) 16 (40 %) 1 (6 %) 1 (6 %) Canard colvert 25 (23) 22 (92 %) 0 0 Mouette rieuse 10 (9) 7 (90 %) 0 0 Autres anatidés* 19 (12) 8 (63 %) 0 0 Héron cendré * Canard pilet (1), Erismature rousse (1), Nette rousse (8), Sarcelle d’hiver (1), Canard indéterminé (8) ** représente aussi le nombre minimal d’oiseaux concernés parmi les oiseaux analysés *** représente aussi le nombre maximal d’oiseaux concernés parmi les oiseaux analysés ONCFS Rapport scientifique 2006 57 Oiseaux migrateurs et zones humides relativement silencieuse fin marsdébut avril (figure 3). Dès la fin avril (semaine 17), une nette diminution des mortalités d’oiseaux est observée et plus aucun virus n’est détecté. Dans la période post-épizootique, la pression de surveillance a été maintenue grâce aux analyses faites sur cent deux cygnes éliminés sur neuf étangs de la Dombes, situés dans ou à proximité des foyers d’infection, dans les semaines 22 à 24. Les analyses se sont toutes révélées négatives. De plus, l’autopsie de ces oiseaux n’a révélé aucune lésion particulière (Baroux et al. 2007). Néanmoins, au moins un tiers des cygnes s’est révélé positif en IHA H5 et deux d’entre eux présentaient des anticorps anti N1. Par ailleurs, trois cent oiseaux sauvages capturés vivants en Dombes appartenant à trente-et-une espèces différentes, ont fait l’objet d’analyses et se sont avérés non excréteurs de virus H5N1 HP. Les prélèvements étaient répartis sur neuf communes de Dombes. Les cent canards colverts sentinelles n’ont jamais révélé d’excrétion de H5N1 HP, mais certains oiseaux ont été positifs en PCR M en août, septembre, octobre et novembre 2006. Sur trois pools d’écouvillons prélevés sur le site de Birieux, des virus H5 faiblement pathogènes, n’ayant aucun lien phylogénétique avec les souches asiatiques HP et les virus H5N1 HP précédemment isolés dans la Dombes, ont été détectés début août. Comment le virus a-t-il été introduit en Dombes ? 58 Figure 2 : Répartition des lots positifs H5N1 HP sur les étangs de la Dombes en 2006. Avant cette épizootie, la surveillance active menée sur des oiseaux sauvages en France avait permis d’isoler des souches virales faiblement pathogènes avec de faibles prévalences (Hars & Jestin, 2004 ; Hars et al., 2006 ; Jestin et al., 2006), mais jamais de souches hautement pathogènes, y compris dans la Dombes en 2005 (Durand, 2006). et bordant la Mer Noire. Les observations faites en France ont confirmé les effets de la vague de froid qui a sévi en Europe en début d’hiver sur la présence/ absence d’espèces comme la sarcelle d’hiver, le canard siffleur et les oies. Dès l’automne 2005, la Dombes a été considérée comme une des principales zones humides françaises à risque d’apparition de foyers d’influenza aviaire dans l’avifaune (Fouque et al. 2005b) et il n’a pas été étonnant d’y voir émerger le premier cas en février 2006. Avant février 2006, le virus a été détecté en Grèce, en Italie, puis en Autriche et en Allemagne, témoignant de sa progression vers le sud-ouest et le nord-ouest à partir des pays contaminés depuis l’automne 2005 Dans la Dombes, les dénombrements de cygnes tuberculés, dont la population est connue pour être relativement sédentaire, révèlent une stabilité de la population durant l’automne–hiver 2005 (figure 1c) alors que les dénom- ONCFS Rapport scientifique 2006 brements de fuligule montrent une arrivée massive d’oiseaux fin janvier début février (figure 1b), correspondant au début de dégel des étangs, juste avant la détection du premier cas. L’hypothèse avancée est donc que le virus aurait été introduit par les fuligules milouins (ou d’autres canards migrateurs), poussés vers l’ouest sur des zones humides non gelées par la vague de froid sévissant en Europe centrale. Le virus n’a donc pas été introduit en France lors de classiques migrations post-nuptiales, mais à l’occasion de déplacements massifs d’oiseaux liés à des phénomènes climatiques. Ceci pose le problème d’une meilleure connaissance des flux d’oiseaux sauvages (migration ou erratisme) afin de mieux prévoir la diffusion d’une épizootie d’influenza aviaire. Oiseaux migrateurs et zones humides Des données d’épidémiologie moléculaire obtenues au LNR (Le Gall-Reculé et al., 2006 ; Le Gall-Reculé et al., 2007) montrent qu’une double introduction virale s’est produite dans la Dombes. Le virus identifié (sous groupe G2) dans le deuxième cas (unique foyer chez des volailles) était différent du virus du premier cas (sous groupe G1) apparu quelques jours auparavant, mais très proche des autres virus (sous groupe G2 également) mis en évidence ultérieurement en Dombes. Comme le foyer en élevage a été rapporté à une contamination par voie indirecte (Michel, 2006), cela laisse penser que le virus G2 coexitait avec G1 de manière non détectée (voire préexistait avant G1) en Dombes. d’échantillons analysés parmi les autres espèces, notamment le fuligule milouin, est trop faible. Par contre, 82 % des lots trouvés positifs dans la Dombes entre le 13 février et le 18 avril 2006 concernaient des cygnes tuberculés. Ce chiffre est à rapprocher des statistiques européennes (Europa, 2006) qui R le du cygne dans l’épidémiologie du foyer de la Dombes Il n’est pas possible de conclure à une sensibilité accrue du cygne tuberculé au virus H5N1 HP car le nombre Photo © ONCFS Collecte d’un cadavre de cygne sur un étang de la Dombes. Surveillance passive : Surveillance active : nombre de cadavres récoltés nombre d’animaux tués nombre de cadavres analysés nombre de cadavres analysés nombre de lots positifs H5N1 HP nombre d’animaux vivants prélevés nombre de prélèvements analysés 110 Nombre de lots positifs 100 90 10 9 8 80 7 70 6 60 5 50 4 40 3 30 20 2 10 1 0 0 7 8 février 9 10 11 mars 12 13 14 15 16 avril 17 18 19 20 mai 21 22 23 24 juin 25 26 27 28 29 juillet 30 31 32 août Figure 3 : Évolution temporelle (en semaines) du nombre de cadavres récoltés et analysés, d’animaux vivants prélevés et analysés (hors canards sentinelles), et du nombre de lots positifs H5N1 HP. ONCFS Rapport scientifique 2006 59 Oiseaux migrateurs et zones humides montrent que partout en Europe cette espèce a été la principale révélatrice de l’infection (Eurosurveillance, 2006). Il est évident que la facilité de repérage de cadavres de cygne sur des plans d’eau a biaisé la prévalence en sa faveur. Pour autant, nous considérons que le cygne est, parmi les anatidés sauvages, particulièrement sensible à la souche H5 N1 HP d’origine asiatique. En effet, on peut estimer que la mortalité a avoisiné, voire dépassé, les 10 % dans la mesure où 54 des 550 à 600 cygnes présents en Dombes pendant l’épizootie sont morts de l’influenza aviaire, sans compter que tous les cygnes morts d’inf luenza n’ont certainement pas été collectés et que d’autres, morts ou malades avec des symptômes nerveux caractéristiques, négatifs sur les écouvillons cloacaux et trachéaux, étaient très probablement infectés et auraient donc succombé au virus H5N1 (Baroux et al., 2007 ; Gavier-Widen et al., 2006). Par ailleurs, en février-mars 2006, 25 000 à 30 000 canards, dont la moitié de fuligules milouins, ont séjourné sur les étangs de la Dombes. Sachant que pendant l’épizootie, la pression de surveillance a été élevée, on peut affirmer qu’un taux de mortalité comparable chez les fuligules (ou autres canards) ne nous aurait pas échappé et que la mortalité chez cette espèce suspectée d’avoir introduit le virus est restée très limitée. De par sa sensibilité au virus et sa facilité d’observation, le cygne est une bonne sentinelle épidémiologique à prendre en compte pour la surveillance de l’influenza aviaire à l’échelon local et national. Les fuligules ou d’autres canards peuvent avoir joué un rôle dans la persistance de l’infection par le biais d’une excrétion asymptomatique que nous n’avons pas été en mesure d’évaluer. Il n’est pas possible de conclure sur le rôle du cygne tuberculé, en tant que réservoir de virus, mais un échantillon représentatif de cygnes abattus deux mois après le pic épizootique ne présentaient aucun signe de la maladie et n’étaient pas excréteurs de virus influenza. On ne peut toutefois pas exclure qu’une proportion, restant à préciser, de ces cygnes aient pu être infectés par des virus H5N1 HP et y survivre, du fait de la présence concomitante d’anticorps H5 et N1 chez au moins deux d’entre eux. 60 ONCFS Rapport scientifique 2006 R le des autres esp ces Parmi les anatidés, seuls les cygnes et les fuligules milouins et morillons ont montré une certaine sensibilité au virus H5N1 HP. Aucun des 75 canards de surface analysés dans l’Ain (Baroux et al., 2007), dont 25 canards colverts récoltés dans la Dombes – espèce dont les effectifs étaient pourtant importants (plus de 18 800 individus en janvier, figure 1a) – n’étaient excréteurs de virus. La question de la réceptivité et de la sensibilité éventuelle de cette espèce reste entière, d’autant plus que la surveillance active menée après la flambée épizootique sur des colverts sentinelles ou capturés a permis de confirmer la possibilité de portage sain de virus H5 FP, mais jamais du virus H5N1 HP. Une perte probable de réceptivité naturelle des canards sentinelles s’étant naturellement immunisés au fil des semaines n’est cependant pas à exclure. Aucune mortalité anormale ni excrétion virale n’ont été observées chez les laridés et les corvidés, pourtant très présents dans la Dombes et capables de s’infecter par prédation ou consommation de cadavres. En revanche, une buse variable a été détectée positive. Cette espèce, comme d’autres rapaces, a été trouvée infectée dans d’autres foyers comme en Suède (M rner et al., 2006 ; Europa 2006). De même, le Photo © J. Hars/ONCFS Écouvillonnage cloacal sur un canard colvert. héron cendré et l’oie cendrée semble avoir été touchés marginalement par la maladie. mpact de l’épi ootie d’influen a sur l’avifaune Les résultats du comptage flash de juin pour le cygne tuberculé révèlent clairement une baisse des effectifs par rapport aux chiffres de 2005, probablement due à l’influenza et à la campagne d’élimination (200 individus) menée fin mai début juin. En revanche, il est impossible d’affirmer que la baisse des indices de reproduction en 2006 est en lien direct et total avec l’influenza. Pour les autres espèces, la quasi-absence de mortalité constatée nous laisse penser que l’influenza a eu très peu d’impact sur les populations. Durée de l’épi ootie en Dombes L’épizootie d’influenza aviaire dans la Dombes est resté très limitée dans le temps. L’absence de détection virale sur cadavres après le 18 avril, associée aux résultats de la surveillance active nous font supposer que le foyer s’est bien éteint fin avril-début mai 2006, date à laquelle l’élévation de la température Oiseaux migrateurs et zones humides de l’eau des étangs n’a sans doute plus permis au virus de persister et de circuler assez intensément. Des observations similaires ont été faites dans les autres pays d’Europe. Par ailleurs, la durée d’infection des étangs est en général inférieure à cinq semaines et semble ne pas avoir dépassé huit semaines (maximum enregistré sur un étang). Deux éléments ont également pu jouer dans l’apparente disparition du virus : des densités d’anatidés plus faibles en période de reproduction et de fortes pluies en avril qui ont augmenté la surface en eau des étangs provoquant un effet « diluant » sur le virus et sa transmission. de facteurs écologiques, dont la densité en oiseaux réceptifs et sensibles. Par contre, la maladie a peu diffusé dans la Dombes et ne s’est pas étendue à d’autres zones humides françaises ou étrangères qui auraient pu avoir un lien épidémiologique avec la Dombes par le biais des déplacements d’oiseaux et des migrations prénuptiales. Il faut toutefois tenir compte des récents travaux de modélisation qui montrent que l’épizootie aurait sans doute été plus grave et plus longue si le virus avait été introduit dans la Dombes au mois de septembre, début de saison d’hivernage où les anatidés se rassemblent pour plusieurs mois sur les étangs les plus favorables (Doctrinal et al., 2006). apparaissait, l’étude d’un éventuel portage sain du virus par les oiseaux sauvages (en particulier le cygne tuberculé) devrait sans doute être privilégiée. Afin d’augmenter la sensibilité de la surveillance passive, il conviendrait également de compléter les analyses faites de manière systématique et simultanée sur des écouvillons cloacaux et trachéaux par la recherche de virus sur des organes (cerveau, pancréas…) d’oiseaux présentant des symptômes et/ou lésions évocateurs. Enfin, la persistance des virus dans l’eau des étangs devrait également faire l’objet d’études. n conclusion des études poursuivre Nous remercions tous ceux qui ont contribué à ces résultats, et plus particulièrement la Fédération départementale des chasseurs de l’Ain et ses agents, l’ensemble du personnel du LNR de l’AFSSA-Ploufragan et du laboratoire départemental d’analyses de l’Ain, les agents de la Direction départementale des services vétérinaires, les agents de la Station de Birieux et du service départemental de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, ainsi que le CRBPO (Museum national d’histoire naturelle – Paris). Remerciements imites spatiales de l’épi ootie L’épizootie est restée très limitée dans l’espace. Seuls vingt étangs ont été contaminés dans un rayon de 25 km autour du premier cas, alors que la topographie de la Dombes est particulièrement favorable à une éventuelle diffusion. L’infection semble s’être développée préférentiellement sur de grands étangs qui se trouvent en sortie d’assec, vidés et cultivés l’année précédente, donc riches en graines et végétaux et sur lesquels les cygnes et canards se rassemblent en hiver. La circulation virale semble donc dépendre L’analyse des données récoltées lors de l’épizootie d’influenza aviaire de 2006, et en particulier la faible mortalité observée en Dombes sur les oiseaux sauvages, comme d’ailleurs dans toute l’Europe, laisse penser que la souche virale H5N1 HP qui a circulé en Europe en 2006 était peu létale et peu contagieuse. À l’avenir, si un nouvel épisode d’influenza aviaire hautement pathogène BIBLIOGRAPHIE • Baroux D., Neyron M., Hars J., Ruette S., Vernet F., Darbon F., Legouge A. & G. Lombard (2007) – Observations, symptômes et lésions relevés sur l’avifaune sauvage de l’Ain lors de l’épisode d’influenza aviaire H5N1 HP en 2006. Bull. Acad. Vét. France, 160 (2) : 115-124. • Benmergui M., Fournier J.Y., Fouque C. & J. Broyer (2005) – L’expansion du cygne tuberculé en Dombes. Faune Sauvage 266 : 22-28. • Chen H., Smith G.J.D., Zhang S.Y., Qin K., Wang J., Li K.S., Webster R.G., Peiris J.S.M., & Y. Guan (2005) – Avian Flu : H5N1 virus outbreak in migratory waterfowl. Nature 436 : 191-192. • Doctrinal D., Artois M., Sabatier P. & D. Bicout (2006) – Modélisation du risque d’exposition de la volaille aux virus influenza aviaire d’origine sauvage. Épidémiologie et Santé Animale. Revue de l’AEEMA, 50, 71-81. • Durand I. (2006) – Contribution à l’étude de l’influenza aviaire en Dombes. 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Govorkova (2006) – H5N1 Influenza – Continuing evolution and spread NEJM ; 355 : 2174-7 http:// content.nejm.org/cgi/content/short/355/21/2174 62 ONCFS Rapport scientifique 2006 Oiseaux migrateurs et zones humides ABSTRACT pidemiological role of Mute wan and other natidae in the avian flu outbrea in the Dombes in Jean Hars, Sandrine Ruette, Maurice Benmergui, Carol Fouque, Jean-Yves Fournier, Arnaud Legouge, Martine Cherbonnel, Daniel Baroux, Catherine Dupuy & éronique Jestin ■ In February 2006, H5N1 virus seemed to enter the Dombes, an important migrating and resident waterfowl area, via Common Pochards (Aythia ferina) or other migrating ducks, pushed West by the severe cold spell in Central Europe. The Mute Swan was revealed to be an excellent sentinel or indicator of the outbreak, because of its sensitivity to the virus and its easy detection on the ponds. In the end, the mortality in wild birds remained moderate and the epizootic, which lasted only two months, was essentially restricted to the Dombes area. A single turkey farm was contaminated in the centre of that area, very likely in an indirect way. ■ These observations tend to show that the Asian HP H5N1 viral strain is both little lethal and little contagious in wild birds and that preventive and control measures applied inside poultry farms have been effective. On the other hand, we collected very few data on virus healthy carriers, which, according to involved species, may play an effective role in its persistence inside infected areas and in its spread via migrating birds. Photo © J. Hars/ONCFS Enclos de canards colverts sentinelles sur un étang de la Dombes. ONCFS Rapport scientifique 2006 63 etit gibier et agros st es production dans certaines régions, ou encore l’abandon de toute production dans d’autres. Les évolutions à venir ne sont pas moins inquiétantes. Si, ces dernières années, la politique agricole commune européenne a fourni des outils permettant d’améliorer des habitats, à la marge ou ponctuellement (jachères, mesures agri-environnementales), les nouvelles orientations telles que le développement des biocarburants présentent de nouveaux risques. Ainsi peut-on craindre une disparition de jachères favorables à la faune sauvage et/ou une orientation vers la monoculture. Photo © Daniel Maillard/ONCFS L e petit gibier, qu’il soit sédentaire ou migrateur, de plaine ou de montagne, constitue une part importante pour ne pas dire dominante de l’activité cynégétique. L’enquête sur les tableaux de chasse à tir effectuée lors de la saison 1998-1999 montre qu’un chasseur sur deux a prélevé au moins un faisan, un sur trois au moins un lapin et un sur quatre au moins une perdrix rouge. L’ensemble des prélèvements réalisés sur les espèces sédentaires de plaine indique que le tableau annuel moyen d’un chasseur en France métropolitaine compte huit pièces de l’une ou l’autre de ces espèces. En dehors de cet intérêt cynégétique, le petit gibier peut être aussi un maillon non négligeable du fonctionnement de certains écosystèmes. Ainsi, le lapin de garenne est-il une source de nourriture importante pour des prédateurs au statut fragile comme l’aigle de Bonelli. Généralement plus faciles à observer que d’autres espèces à haute valeur patrimoniale, elles peuvent servir dans certains cas d’indicateur de la qualité des habitats qu’elles fréquentent. En 64 ONCFS Rapport scientifique 2006 région méditerranéenne, par exemple, la perdrix rouge est associée régulièrement à la présence de passereaux rares ou à statut de conservation précaire. La présence du petit gibier et son abondance sont, par ailleurs, directement liées aux activités humaines, et en particulier à l’agriculture. Même si ce n’est pas toujours le cas, la régression des effectifs d’une majorité des espèces de petit gibier, observée depuis le milieu du vingtième siècle, est souvent considérée comme le résultat de l’évolution des agrosystèmes et des pratiques agricoles. Ainsi une relation entre ces évolutions et l’abondance de l’avifaune inféodée aux milieux agricoles, comme l’alouette des champs, a-t-elle été clairement démontrée. Les principaux éléments à l’origine de cette relation ont été identifiés : le machinisme agricole qui entraîne des destructions directes ou induit des modifications paysagères défavorables (arrachage de haies, de bosquets et agrandissement des parcelles), l’utilisation de produits phytosanitaires, la spécialisation de la Dans ce contexte, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage développe depuis de nombreuses années des études et recherches pour mieux connaître l’écologie des espèces concernées, et en particulier la dynamique de leurs populations et les liens avec les facteurs de régulation potentiels. L’objectif final est d’aboutir aux meilleures stratégies possibles de gestion des populations et de leurs habitats. Globalement, la gestion des populations doit jouer un rôle conservatoire : le niveau des prélèvements établi grâce à des outils adaptés doit permettre la conservation à long terme des populations, les lâchers de gibier, quand ils sont nécessaires, doivent favoriser les souches les plus pures possibles et ne pas nuire aux éventuelles populations autochtones relictuelles. De son côté, la gestion des habitats doit conduire à une dynamique des populations au minimum stable, sinon positive. L’ONCFS s’est engagé fortement dans des recherches visant à assurer l’avenir du petit gibier et des espèces qui en dépendent plus ou moins directement. Cet axe d’étude figure en priorité dans son Contrat d’objectifs pour les années 2006 à 2008. À l’heure actuelle, l’ONCFS est pratiquement le seul établissement en France à diriger des travaux sur ce thème. Bien entendu, comme dans d’autres domaines, ces études se poursuivent en partenariat avec des organismes de recherche, tels que le CNRS ou les Universités, et des gestionnaires de territoires. Les trois articles présentés illustrent bien cette démarche, même s’ils abordent essentiellement l’aspect gestion des populations. Un premier article relate le suivi mené en partenariat avec la Fédération départementale des chasseurs de l’Hérault sur un terrain d’étude en milieu méditerranéen. D’une part, un plan de chasse pour une population naturelle de perdrix rouge a été mis en place. D’autre part, des friches issues de l’abandon de vignes ont été remises en culture. La combinaison de ces deux actions de gestion s’est avérée positive et a permis d’augmenter sensiblement l’abondance des perdrix sur ce territoire. Les articles de ce chapitre font référence au programme R1.1 Petit gibier, migrateurs terrestres et agrosystèmes du Contrat d’objectifs La deuxième étude est le fruit d’un large partenariat sur une thématique très précise. Elle a pour objectif final de préserver la pureté des souches de perdrix rouge conservées en élevage et d’éradiquer les éventuels hybrides perdrix rouge x perdrix chu ar. En effet, de nombreux croisements ont été opérés dans les élevages jusque dans les années 70 pour en augmenter la productivité. Même si depuis les croisements ont cessé du fait de l’évolution de la réglementation, rien ne garantit que les perdrix rouges d’élevage actuelles soient pures et que des hybrides, non détectables d’après leur phénotype, soient relâchés dans la nature. Une pollution génétique des populations sauvages peut s’ensuivre, avec pour conséquence des capacités d’adaptation plus faibles face à l’évolution des habitats. L’article présenté fait le point sur un travail visant à établir un test ADN discriminant les oiseaux de souche pure et les hybrides. La troisième étude, menée en partenariat avec l’Université de Lyon, s’intéresse à l’épidémiologie de la myxomatose chez le lapin de garenne. Cette maladie qui a décimé les populations de lapin dans les années 50 semble, aujourd’hui, avoir un impact variable et plutôt modéré sur les populations peu fractionnées et de grande taille. L’objectif est par conséquent de déterminer les modes de gestion (populations et habitats) les plus favorables à une circulation permanente du virus et à l’auto-immunisation des lapins. Le travail résumé ici a permis de montrer le rôle joué par l’immunité naturelle des très jeunes animaux dans la variabilité de la circulation du virus et son impact potentiel sur les populations. Ces trois études présentent donc des facettes très diverses mais non moins complémentaires des recherches entreprises par l’ONCFS sur le petit gibier. Ces espèces sont toutefois souvent très ubiquistes et l’état de conservation de leurs populations dépend de nombreux facteurs. Cela nécessite de mener des recherches sur le long terme qui peuvent apparaître parfois très ponctuelles au regard de l’ampleur des problèmes posés. François Reitz Responsable du CNERA Petite faune sédentaire de plaine ONCFS Rapport scientifique 2006 65 Santé petit gibier et agrosystèmes – Introduction Impact des cultures faunistiques et d’un plan de chasse sur la dynamique des populations de perdrix rouge Françoise Ponce-Boutin, Jean-François Mathon & Tanguy Le Brun* * Fédération départementale des chasseurs de l’Hérault – 34433 Saint-Jean-de-Vedas Cette étude a fait l’objet d’un poster présenté au Colloque Gamebird 2006 – Perdix II, à Athens, en Géorgie (USA), du 29 mai au 4 juin 2006 (Ponce-Boutin F., Brun J.C., Mathon J.-F. & J.C. Ricci. – Proposals for an improved management of red-legged Partridge Alectoris rufa populations with or without release of reared birds.) Contexte de l’étude La déprise agricole a profondément touché la région méditerranéenne. L’abandon progressif des cultures (vigne, olivier), du pâturage ou de la cueillette en garrigue, et l’urbanisme galopant ont progressivement transformé le paysage méditerranéen. Celui-ci, initialement formé d’une mosaïque d’habitats, en colline comme en plaine, s’est progressivement homogénéisé formant désormais d’immenses massifs couverts de mattorals* et de bois ou de plaines notablement enfrichées. Cette évolution réduit les territoires favorables aux espèces liées aux milieux ouverts ou de lisières, et typiquement méditerranéennes, comme la perdrix rouge. Cette espèce gibier emblématique du pourtour méditerranéen, présente un fort enjeu économique, mais également de conservation. Les profondes modifications de son habitat constituent certainement une des causes de son déclin (Aebischer & Potts, 1994, Ponce-Boutin et al., 2003a). Diverses techniques de gestion ont été recherchées pour maintenir les populations de perdrix rouge, tant en collines (Ponce-Boutin et al., 2003b) qu’en plaine (présente étude). L’objectif de ce travail est de vérifier ou non si la remise en cultures d’anciennes parcelles viticoles abandonnées, ou dans certains cas leur entretien par broyage ou écobuage, peut influer sur la dynamique des populations de perdrix rouge, et à quel niveau. Conjointement, l’effet d’un plan de chasse (essentiellement une limitation des prélèvements) a été analysé. écosystème caractéristique des milieux méditerranéens : maquis, garrigues. Site d’étude Située en région méditerranéenne, la commune de Pailhès (600 hectares) était presque exclusivement viticole avant les premières primes d’encouragement à l’arrachage visant a diminuer la production de vins de moindre qualité. En 1994, la vigne représentait encore 71 % de la superficie agricole. Pour le reste, seul un quart restait cultivé. La Chambre d’agriculture de l’Hérault, la Fédération départementale des chasseurs de l’Hérault et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage s’associèrent en 1994 pour élaborer un projet de mesure agri-environnementale dont l’objectif était de lutter contre la déprise viticole. Accepté par l’Union Européenne, ce projet se décomposait en contrats aidés proposés 66 ONCFS Rapport scientifique 2006 aux agriculteurs pour cinq années. Treize communes étaient concernées dont Pailhès. Méthodes La mesure agri-environnementale, remise en culture avec semis tous les deux ou trois ans et/ou entretien par broyage de parcelles abandonnées, a été appliquée sur environ 200 hectares, une autre partie restant en témoin (363 hectares). L’occupation du sol a été contrôlée sur l’ensemble du territoire. quarante-huit parcelles ont fait l’objet d’un contrat, totalisant 15,1 hectares, réparties sur la seule zone aménagée. Quatre périodes ont été définies : une première phase précédant la mise en place de la mesure (avant 1994), la phase sensu stricto des aménagements (1994-1998), une troisième phase de transition (1999-2000), durant laquelle la majorité des cultures à gibier ont été converties en blé (figure 1), enfin la dernière phase, à partir de 2001, durant laquelle aucun aménagement n’a été entrepris. À compter de la saison cynégétique 1994-95, un plan de chasse limitant le nombre total de perdrix à prélever chaque saison sur le territoire a été mis en place, assorti progressivement d’une limitation journalière de quatre pièces. Il n’a été établi dans sa version définitive qu’à partir de l’automne 1996. On distingue donc trois phases : l’une sans gestion des prélèvements (saisons cynégétiques 1992-93 et 1993-94) suivie par la phase de mise en place du plan de chasse (saisons 1994-95 et 1995-96) puis la phase de gestion sensu stricto à partir de l’automne Santé petit gibier et agrosystèmes – Introduction Zone aménagée 1996. Un secteur de 55 hectares au sein de la zone non aménagée est resté en réserve de chasse tout au long de la période (figure 2). Nous avons cherché à estimer l’impact des différentes techniques de gestion, appliquées l’année n, sur la densité et le succès de la reproduction des perdrix rouges l’année n 1. Les effets « gestion cynégétique » et « aménagements de l’habitat » ont été testés par un modèle linéaire général univarié. 80 Surface (%) La dynamique de la population de perdrix rouge a été suivie entre 1993 et 2006. Le nombre de perdrix présentes au printemps sur chacune des trois zones a été déterminé annuellement (sauf en 2000 et 2005) par battue sur neuf traques. Le succès de la reproduction à été estimé chaque année entre 1994 et 2005 par le nombre de nichées/adulte et la taille moyenne des nichées sur les zones aménagée et non aménagée (hors réserve) au moyen de la méthode d’échantillonnage des compagnies (ONCFS, 2004). 60 40 20 0 1994 1995 1996 1998 1999 2000 2001 2005 Culture à gibier Culture annuelle L’aménagement de l’habitat n’a pas eu d’effet significatif sur la densité moyenne au printemps (p = 0,597), contrairement à la gestion cynégétique (p = 0,003). En effet, à la suite de la mise en place d’une limitation des prélèvements, la densité en perdrix rouge a doublé, passant de 6,7 couples/ 100 hectares à 13,6 couples/100 hectares (tableau 1). Dans la zone en réserve, la densité moyenne s’est révélée intermédiaire. ombre de nichées par adulte en été Pré, pâture Vigne Gestion des prélèvements Aménagement de l’habitat Moyenne cart type Pas de chasse (réserve de chasse) Modalité 10,5 4,1 Pas de limitation (en dehors de la réserve) 6,7* 0,8 Installation du plan de chasse (hors réserve) 10,0 1,7 Avec plan de chasse (hors réserve) 13,6* 2,3 Pas d’aménagement 11,3 3,8 Avec aménagements 11,7 3,2 Juste après les aménagements 12,3 2,2 Moyennes significativement différentes entre elles p Il semble que ni le mode de gestion des prélèvements (p = 0,188), , . Tableau 2 : Taille moyenne des nichées de perdrix rouge à Pailhès entre 1993 et 2006 selon divers modes de gestion des prélèvements et des habitats en dehors de la réserve de chasse. Facteur testé Gestion des prélèvements Aménagement de l’habitat Moyenne cart type Pas de limitation Modalité 7,1 0,3 Installation du plan de chasse 6,7 1,9 Avec plan de chasse 5,6 1,3 Pas d’aménagement 5,4* 1,2 Avec aménagements 7,1* 1,2 Juste après les aménagements 7,3 1,7 Moyennes significativement différentes entre elles p Les échantillonnages de compagnies réalisés entre 1994 et 2005 en dehors de la zone en réserve ont permis d’observer 395 nichées pour 1 198 adultes. Verger Friche, maquis, bois Tableau 1 : Densité au printemps (couples/100 hectares) de la perdrix rouge à Pailhès entre 1993 et 2006 selon divers modes de gestion des prélèvements et des habitats. Résultats Les recensements au printemps des populations de perdrix rouge ont permis de dénombrer 1 245 oiseaux entre 1993 et 2006. 1994 1995 1996 1998 1999 2000 2001 2005 Année Figure 1 : Plan d’occupation du sol sur la zone d’étude expérimentale et la zone témoin de la commune de Pailhès de 1994 à 2005. Facteur testé Densité au printemps Zone témoin 100 ni les aménagements réalisés sur le milieu (p = 0,198) n’aient significativement influé sur le nombre moyen de nichées observées par adulte (0,35 /– 0,13). , . Taille moyenne des nichées 412 nichées ont été comptabilisées tout au long de l’étude, représentant au total 2 499 jeunes observés. ONCFS Rapport scientifique 2006 67 Santé petit gibier et agrosystèmes – Introduction La limitation des prélèvements n’a semble-t-il pas eu d’effet significatif sur la taille moyenne des nichées (p = 0,284). Par contre, un effet nettement significatif des opérations d’aménagement de l’habitat a été mis en évidence (p = 0,032). En effet, à la suite de l’intensification des cultures à gibier, le nombre moyen de jeunes par nichée a augmenté de 30 % (tableau 2). Discussion Les aménagements de l’habitat réalisés dans le cadre de la mesure agri-environnementale ne semblent pas avoir influé sur la densité au printemps des populations de perdrix rouge. Par contre, la mise en place d’une limitation des prélèvements sur la commune a eu un impact clairement positif sur l’abondance de l’espèce. Il est possible que l’impact positif des aménagements ait été dissimulé par la limitation des prélèvements. En effet, les propositions de prélèvement sont calculées à partir des densités recensées au printemps mais aussi en fonction du succès de la reproduction de l’été précédant la saison de chasse. Un nombre de jeunes supplémentaires augmente donc d’autant le tableau proposé, ce qui tend à niveler le nombre d’oiseaux au printemps suivant. La mise en place de cultures en lieu et place de milieux fermés tels que les friches et les bois semble en revanche avoir un impact positif sur la taille des nichées. Afin de confirmer ce résultat, l’expérience a été maintenue sur la même commune en inversant le rôle de chaque secteur, c’est-à-dire en implantant des cultures sur le secteur initialement non aménagé. Conjointement, la gestion des prélèvements se poursuit. D’autres études menées en parallèle sur ces populations suggèrent que la fécondité des poules n’est pas en cause, mais plutôt la survie des jeunes dans leurs premières semaines de vie (PonceBoutin, non publié). En effet, les recensements visant à estimer le succès de la reproduction sont réalisés six semaines après le pic des éclosions, c’est-à-dire une fois que les jeunes ont subi le plus fort de la mortalité. Les zones en culture semblent primordiales pour les jeunes perdrix car elles offrent à la fois 68 ONCFS Rapport scientifique 2006 Facteur testé Gestion des prélèvements Aménagement de l’habitat Périodes Secteur témoin (reserve) Secteur témoin (hors reserve) Secteur aménagé Phase 1 Pas de chasse Pas de limitation du prélèvement Pas de limitation du prélèvement Phase 2 Pas de chasse Installation du plan de chasse Installation du plan de chasse Phase 3 Pas de chasse Avec plan de chasse Avec plan de chasse Phase 1 Pas d’aménagement Pas d’aménagement Pas d’aménagement Phase 2 Pas d’aménagement Pas d’aménagement Aménagement de l’habitat Phase 3 Pas d’aménagement Pas d’aménagement Juste après les aménagements Phase 4 Pas d’aménagement Pas d’aménagement Pas d’aménagement Réserve Cultures à gibier Village Secteur aménagé Secteur témoin Figure 2 : Plan d’échantillonnage pour tester l’impact de la gestion des prélèvements et des habitats sur la dynamique des populations de perdrix rouge à Pailhès. Le site est divisé en trois grands ensembles (la réserve de chasse, la zone aménagée et la zone témoin) sur lesquels différents types de gestion ont été appliqués. des zones d’alimentation et un couvert pour se protéger des prédateurs, ce qui conduit à une meilleure survie. Néanmoins, ces efforts ne trouvent tout leur intérêt que si, conjointement, les prélèvements sont limités, de manière à permettre aux populations de perdrix rouge d’atteindre leur niveau optimum de densité afin de bénéficier au mieux de l’effet de l’augmentation du succès de la reproduction. Santé petit gibier et agrosystèmes – Introduction Implications pour la gestion L’ouverture des milieux présente un fort intérêt non seulement pour la perdrix rouge mais également pour les passereaux à haute valeur patrimoniale, en zones de collines méditerranéennes (Ponce-Boutin et al., 2003c). En Grande-Bretagne, Vickery et al. (2002) ont également montré l’intérêt des cultures à gibier pour d’autres espèces que la perdrix. Ceci nous incite à recommander la généralisation de ces aménagements en région méditerranéenne, tant pour l’amélioration de la dynamique de populations de diverses espèces de milieux ouverts, dont la perdrix, que pour la prévention contre les incendies par la fragmentation du paysage. L’objectif est d’obtenir une mosaïque d’habitats arbustifs et ouverts (Lucio & Purroy, 1992), créant une certaine hétérogénéité dans le paysage (Benton et al., 2003) et comportant un minimum de 1 % de la superficie en cultures (Ponce-Boutin et al., 2006) de céréales ou de mélanges adéquats d’espèces végétales adaptées aux conditions météorologiques locales et aux sols (Dale et al., 2000). Au vu des résultats des études sur le régime alimentaire de l’espèce, l’optimum semble être un mélange comprenant au moins une céréale pour l’apport de graines en été et des légumineuses pour les insectes, l’azote qu’elles fixent et le couvert qu’elles offrent en plus de la nourriture (Bro & Ponce-Boutin, 2004 ; Green, 1984 ; Ponce, 1989). Ces cultures pourraient également être disposées en inter-rangs dans des vergers ou vignes (voir Borralho et al., 1999) ou être implantées sur les terres en jachères dont l’impact sur la biodiversité s’est révélé plus efficace là où les pratiques agricoles sont les moins intensives et où une grande part du territoire est à l’abandon (Buskirk & Willi, 2004). Une répartition uniforme des cultures sur le territoire doit être recherchée afin de les rendre accessibles à un maximum de nichées. Il est en outre déconseillé de les broyer ou les faire pâturer au printemps ou en été. Par contre, maintenir un pâturage d’entretien en dehors de ces périodes ne peut être que favorable (apport d’azote par les déjections, limitation de la progression vers des friches, matorrals ou bois). Enfin, les jachères ne doivent faire l’objet d’aucun traitement herbicide ou pesticide. Remerciements Cette étude n’aurait pu avoir lieu sans le dynamisme des personnes qui ont activement œuvré pour la mise en place de la mesure agri-environnementale et son succès auprès des agriculteurs. Nous voudrions pour cela remercier M. Aboucarié. A. Alliès, D. Armengol, J.-P. Huron, G. Roudier, M. Tancogne et tous les agriculteurs qui ont accepté de prêter momentanément leurs terres pour cette étude. Nos remerciements vont également à tous ceux qui ont réalisé les suivis sur le terrain et ont permis d’acquérir ces données, et plus particulièrement J.-C. Favas. Merci à F. Reitz et C. Arzel de la relecture de ce manuscrit ainsi qu’à A. Blancafort. Ces recherches ont fortement bénéficié de l’encadrement à la fois humain, logistique et scientifique offert par la Station biologique de la Tour du Valat (Arles) que nous tenons également à remercier. BIBLIOGRAPHIE • Aebischer N.J. & G.R. Potts (1994) – Red-legged Partridge Alectoris rufa. In Their conservation status. Birdlife International : 214-215. Tucker G.M., and M.F. Heath. Birds in Europe. • Benton T.G., Vickery J.A. & J.D. Wilson (2003) – Farmland biodiversity : is habitat heterogeneity the key ? Trends in Ecology and Evolution 18 (4) : 182. • Borralho R., Carvalho S., Rego F. & P. Vaz Pinto (1999) – Habitat correlates of red-legged partridge (Alectoris rufa) breeding density on Mediterranean farmland. Rev. Ecol. (Terre Vie) 54 : 59. • Bro E. & F. Ponce-Boutin (2004) – Régime alimentaire des Phasianidés en plaine de grandes cultures et aménagement de l’habitat. Faune sauvage 263 : 4-12. • Buskirk J.V. & Y. 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Fuller (2002) – The potential value of managed cereal field margins as foraging habitats for farmland birds in the UK. Agriculture, Ecosystems and Environment 89 : 41-52. A BSTRACT Impact of game crops and a hunting plan on population dynamics of Red-legged partridges. Françoise Ponce-Boutin, Jean-François Mathon & Tanguy Le Brun ■ In the French Mediterranean area, the land abandonment is important. Large cultivated surfaces, maintained or pastured in the past are now abandoned. Scrubs grow and rapidly turn into matorrals then woods which replace the mosaic of habitats, favourable to Red-legged partridge Alectoris rufa. ■ An agri-environmental action aiming at setting up cultivated grounds for game led to an opening of the landscape in the Pailhès study area. A hunting management plan was set up jointly. ■ We analysed the impact of these management actions on the dynamics of the red-legged partridge population. The results show that the bag limit had a high impact on partridge abundance in spring and that habitat management improved the success of reproduction. 70 ONCFS Rapport scientifique 2006 Santé petit gibier et agrosystèmes – Introduction Immunité maternelle et impact des maladies : l’exemple de la myxomatose chez le lapin de garenne Jean-Sébastien Guitton, David Fouchet*, Stéphane Marchandeau, Michel Langlais** & Dominique Pontier* * UMR-CNRS 5558, Biométrie et Biologie Évolutive, Université de Lyon 1, 69622 Villeurbanne cedex ** UMR-CNRS 5466, Mathématiques Appliquées de Bordeaux, INRIA Futurs Anubis, case 26, Université de Bordeaux 2, 33076 Bordeaux cedex Contexte de l’étude Associées à la dégradation des habitats, les maladies virales qui affectent le lapin de garenne, myxomatose et RHD, figurent parmi les principaux facteurs limitant la dynamique des populations. Toutefois, certaines études suggèrent que la myxomatose a un impact limité lorsque ces virus circulent très efficacement dans les populations (Marchandeau & Boucraut-Baralon, 1999). On observe alors que la protection immunitaire des populations est forte et durable, que les jeunes lapins s’immunisent très tôt et qu’apparaissent régulièrement des cas de myxomatose sous forme bénigne. Le facteur clé expliquant ce patron d’expression de la myxomatose semble être lié à l’âge de première infection et à l’immunité maternelle. Une première infection avant que le jeune ait perdu ses anticorps maternels permettrait le développement d’une forme atténuée de la maladie accompagné d’une sollicitation du système immunitaire permettant ensuite à ce jeune de développer une immunité propre. Ce fonctionnement est celui qui prévaut par exemple dans le cas de la malaria (Snow et al., 1997). Le but de ce travail était d’étudier les conséquences d’une interaction hôte-parasite o l’hôte tire bénéfice d’une exposition précoce au parasite. En utilisant l’exemple du couple lapin-myxomatose, nous avons développé un modèle mathématique pour comprendre l’impact de la myxomatose lorsque la première infection intervient très tôt, c’est-à-dire au moment o la maladie peut être atténuée par les anticorps maternels. Nous avons ainsi étudié la relation entre l’intensité de la circulation virale, le niveau d’endémie et l’impact de la maladie. Ce modèle prend en compte la saisonnalité de la reproduction et la durée des immunités acquise et maternelle. Le modèle Il est construit sur la base des hypothèses suivantes : 1. seule la première infection peut conduire à la mort de l’hôte ; les autres infections sont contrôlées par le système immunitaire ; 4. en l’absence d’infection lors de la période pendant laquelle le jeune bénéficie de l’immunité maternelle, l’hôte totalement sensible développe la forme sévère de la maladie s’il est infecté. 2. l’immunité maternelle permet d’atténuer la maladie sans empêcher le développement d’une immunité acquise ; Ce modèle déterministe est dérivé du modèle SIR (Susceptible infected recovered). La population est divisée en six compartiments (figure 1) : lapins sensibles [S], protégés par des anticorps maternels [M], sévèrement infectés [I], modérément infectés [IM], nouvellement rétablis donc totalement protégés [RN] et anciennement rétablis [RF]. 3. l’immunité acquise est soit à vie soit décroît avec le temps ; une infection au cours d’une période de protection partielle permet de réactiver le système immunitaire ; Les individus I peuvent transmettre le virus à d’autres lapins. Ils peuvent mourir de la maladie avec un taux _ ou guérir avec un taux m. Les individus IM ne meurent pas de la mala- die mais peuvent aussi la transmettre avec un taux q fois inférieur au taux de transmission des individus I. Au contact d’individus infectés, les individus S peuvent devenir I avec un taux R = `(I qIM)/N où N est la taille de la population et ` le taux de transmission de la maladie. La transmission de la maladie suit la loi du mélange proportionné qui est mieux adaptée aux espèces socialement structurées que la loi d’action de masse qui suppose que le taux de contacts entre individus dépend de la taille de la population. Les lapins M et RF peuvent devenir infectés sous la forme IM avec un taux lR et l R respectivement. Les individus M perdent progressivement leurs anticorps maternels à un taux w. Les individus RN perdent progressivement leur immunité pour devenir RF avec un ONCFS Rapport scientifique 2006 71 Santé petit gibier et agrosystèmes – Introduction taux w . Tous les individus meurent de mortalité naturelle, hors myxomatose, b . Ils se reproduisent à un taux au taux b(t) qui dépend du temps pour intégrer le caractère saisonnier de la reproduction. RR,RF b(t)(N-S) M R,M IM SMIM RN wM Lorsque les données existent, la valeur des paramètres a été fixée sur la base de travaux empiriques (tableau 1). Ainsi, nous avons considéré que les anticorps maternels persistent un mois (Fenner & Marshall, 1954 ; Kerr, 1997). La mortalité occasionnée par la myxomatose est de 60 %, ce qui correspond à une souche virale de grade III qui est la plus fréquemment rencontrée en nature (Fenner & Fantini, 1999). La survie annuelle des adultes est de 50 % (Smith & Trout, 1994). Malheureusement, pour certains paramètres les connaissances manquent ou sont trop fragmentaires. C’est notamment le cas de la durée de l’immunité acquise. Certaines études ont montré qu’elle dépend de la sévérité de la maladie (Saurat et al., 1980) alors que d’autres suggèrent qu’elle peut être très longue et dépasser un an (Fenner et al., 1953 ; Kerr, 1997). Nous avons donc considéré deux types d’immunité acquise : l’une acquise à vie et l’autre décroissante dans le temps. Le taux de transmission du virus ` est inconnu et dépend de divers paramètres, comme par exemple l’abondance d’insectes piqueurs. Nous avons choisi de faire varier sa valeur pour étudier son effet sur les prédictions du modèle. Les simulations ont été réalisées sous MATLAB. Pendant 10 ans, la population a été maintenue indemne de myxomatose. À l’année 10, un individu infecté I a été introduit dans la population. L’impact de la myxomatose a été mesuré par la proportion de premières infections sévères dans la population. Principaux résultats ffet du taux de transmission Dans cette première partie nous avons considéré une saison de reproduction courte et une immunité acquise qui décroît dans le temps. Lorsque le taux de transmission est faible (figure 2) on observe un pic épi- 72 ONCFS Rapport scientifique 2006 WRRN RF SI b(t)S S ,S I AI Figure 1 : Diagramme de transfert du modèle. Tableau 1 : Valeurs basiques des paramètres. L’unité de temps est le mois. Paramètre Valeur de base Taux de mortalité initial, +0 0,01 Facteur densité-dépendant de la mortalité, b Reproduction courte : 0,000485 Reproduction longue : 0,00094 Taux de perte des anticorps maternels, w 1 Taux de perte de l’immunité, wR Immunité décroissante : 1/6 Immunité à vie : 0 Taux de mortalité additionnel lié à une infection sévère, _ 0,6 Taux de guérison d’une infection sévère, m 0,4 Taux de guérison d’une infection atténuée, mM 1 Taux de transmission du virus, ` Varie entre 0,1 et 1 000 Coefficient de susceptibilité relative d’un jeune portant des anticorps maternels, l 0,5 Coefficient de susceptibilité relative d’un individu rétabli, lR 0,1 Taux de transmission relative d’un individu 0,5 présentant une forme atténuée de la maladie, q démique par an avec une forte proportion de premières infections sévères : puisque le taux de transmission est faible, une forte proportion de jeunes est infectée à un âge avancé, après la perte des anticorps maternels, d’où le développement d’une forme sévère de la maladie. Pendant l’automne, l’immunité des survivants limite la circulation du virus. Le nombre de lapins infectés est très faible au début de la saison de reproduction suivante. Une nouvelle épidémie survient lorsque des jeunes sensibles naissent, mais ceux-ci sont infectés tardivement, comme l’année précédente. On constate au final que la taille de la population est fortement affectée par la myxomatose. À l’inverse, lorsque le taux de transmission est élevé, la proportion de premières infections sévères est faible car les jeunes sont exposés au virus avant la perte de leur immunité maternelle et ne développent alors que des infections atténuées (figure 3). On observe également des infections modérées toute l’année, ce qui témoigne d’une persistance du virus dans la population et favorise une contamination suffisamment précoce des jeunes lors de la saison de reproduction suivante. Ainsi, la taille de la population est à terme très peu affectée par la myxomatose. ffet de l’allongement de la période de reproduction Lorsque la saison de reproduction est longue, le virus persiste d’année en année dans la population grâce à l’apport régulier par les naissances d’individus sensibles (figure 4a). En outre, dès le début de la saison de Santé petit gibier et agrosystèmes – Introduction La durée de l’immunité est un paramètre sur lequel les informations ne sont pas suffisamment précises pour pouvoir lui fixer une valeur standard. En comparant deux scenarii avec une immunité décroissante ou une immunité à vie, on n’observe pas de différence qualitative des résultats (Figure 4b) : les effets du taux de transmission et de la durée de la période reproduction restent les mêmes. Ce paramètre n’est donc pas d’une importance qualitative cruciale et l’incertitude accompagnant sa valeur réelle n’affecte donc pas l’interprétation des résultats du modèle. 1 Prévalence (atténuée) Prévalence (sévère) (a) 0,8 0,6 0,4 0,2 0 0 5 10 15 temps (années) 0,96 0 5 10 15 temps (années) 20 0,94 0,93 0,92 0,91 0 5 10 15 temps (années) 100 80 60 40 20 20 0 5 10 15 temps (années) 20 Figure 2 : Population de lapin avec une courte saison de reproduction et un faible taux de transmission (` = 10). L’immunité décroît à partir de 6 mois. Le virus est introduit pour la première fois dans la population la dixième année. (a) Prévalence des formes sévères de la maladie ; (b) Prévalence des formes atténuées de la maladie (formes sévères en pointillés) ; (c) Pourcentage de lapins développant une forme sévère de la maladie lors de la première infection ; (d) Évolution de la taille de la population. 1 Prévalence (atténuée) 0,6 0,4 0,2 0 5 10 15 temps (années) (b) 0,8 0,6 0,4 0,2 0 20 0,8 0 5 10 15 temps (années) 20 140 (c) Nombre de lapins Prévalence (sévère) 0,8 0 Proportion de premières infections sévères Comme nous en avions fait l’hypothèse, le facteur clé du système lapinmyxomatose réside dans l’intensité de la circulation du virus et l’âge de première infection. Ainsi lorsque le taux de transmission du virus est élevé au sein de la population, son impact peut être très faible. Les lapins ont alors une forte probabilité d’être infectés très jeunes, avant la perte totale de leur immunité maternelle, ce qui leur permet de ne développer qu’une forme atténuée de la maladie tout en 0,2 (d) (a) Le but de ce travail était d’examiner l’effet de la perte progressive d’immunité sur la circulation et l’impact de la myxomatose. Comme tout modèle, sa validité dépend fortement de la justesse de la valeur que l’on attribue à chaque paramètre. On considère donc généralement que les enseignements que l’on peut tirer d’un modèle sont essentiellement qualitatifs, ce qui est le cas ici. 0,4 120 1 Discussion 0,6 (c) 0,95 0,90 (b) 0,8 0 20 Nombre de lapins ffet de la durée de l’immunité 1 Proportion de premières infections sévères reproduction les jeunes peuvent être infectés tôt et développent alors une forme atténuée de la maladie. À l’inverse, lorsque la saison de reproduction est courte le virus ne peut persister dans la population car après l’épidémie tous les animaux sont protégés. Les jeunes nés avant la réintroduction du virus ne bénéficient pas d’une infection précoce et développent alors une forme sévère de la maladie. En conséquence, la proportion d’animaux développant une forme sévère de la maladie est plus forte lorsque la saison de reproduction est courte (figure 4b). 0,6 0,4 0,2 (d) 120 100 80 60 40 0 0 5 10 15 temps (années) 20 20 0 5 10 15 temps (années) 20 Figure 3 : Population de lapin avec une courte saison de reproduction et un fort taux de transmission (` = 103). L’immunité décroît à partir de 6 mois. Le virus est introduit pour la première fois dans la population la dixième année. (a) Prévalence des formes sévères de la maladie ; (b) Prévalence des formes atténuées de la maladie (formes sévères en pointillés) ; (c) Pourcentage de lapins développant une forme sévère de la maladie lors de la première infection ; (d) Évolution de la taille de la population. ONCFS Rapport scientifique 2006 73 Santé petit gibier et agrosystèmes – Introduction Un autre facteur important est la persistance du virus dans la population tout au long de l’année. Nos travaux ont ainsi mis en évidence un effet important de l’allongement de 0,4 1 Proportion de premières infections sévères (a) Prévalence (totale) stimulant leur système immunitaire. Ils ont peu de chance de mourir de cette forme atténuée de la maladie et en guérissent tout en développant une immunité qui les protégera de futures réinfections. En effet, puisque la circulation du virus est efficace, ils auront une forte probabilité d’être ré-exposés au virus avant la perte totale de cette immunité acquise et de nouveau ils ne développeront qu’une forme atténuée de la maladie qui re-stimulera leur système immunitaire. On comprend aisément que dans un tel système, un lapin qui naît avec des anticorps maternels a peu de chance de succomber à la myxomatose. En outre, lorsqu’ils se reproduiront, ces lapins donneront naissance à des jeunes qui seront protégés contre une première infection précoce grâce à leurs anticorps maternels. Avec ce type de fonctionnement du virus, les populations sont constituées d’une forte proportion d’individus porteurs d’anticorps, on observe peu de formes sévères de la maladie mais des cas réguliers de formes atténuées. Les prédictions du modèle sont alors conformes aux observations réalisées en nature (Marchandeau & BoucrautBaralon, 1999). Inversement, lorsque le virus circule moins bien, avec un taux de transmission plus faible, la probabilité d’être exposé au virus pendant la période d’immunité maternelle diminue et le risque de développer une forme sévère de la maladie augmente. On a alors affaire à la forme classique d’expression de la maladie avec une flambée épidémique annuelle provoquant de fortes mortalités. 0,3 0,2 0,1 0 18 18,5 19 19,5 temps (années) 20 (b) 0,8 0,6 0,4 0,2 0 100 101 taux de transmission 102 Figure 4 : Impact des paramètres du modèle. (a) Prévalence totale (formes sévères + formes atténuées) de la maladie pour une période de reproduction courte (ligne pleine) et une période de reproduction longue (ligne pointillée) ; l’immunité décroît après 6 mois ; n > 15 ans c’est-à-dire que le système est à l’équilibre ; (b) Proportion de lapins développant une forme sévère de la maladie lors de leur première infection en fonction de la durée de la période de reproduction (lignes pleines : courte, lignes pointillées : longue) et de la durée de l’immunité (trait normal : décroît dans le temps, trait gras : à vie). la saison de reproduction. Plus elle est longue, plus le système est alimenté en jeunes sensibles ou modérément sensibles qui permettent au virus de persister. L’impact de la myxomatose sera donc plus faible dans des conditions biogéographiques permettant une saison de reproduction longue, la longueur de la saison de reproduction étant principalement déterminée par la disponibilité en nourriture (Poole, 1960). Cet effet lié à la saison de reproduction pourrait expliquer les différences d’impact de la maladie entre le nord et le sud de la France. Il semble en effet que, schématiquement, la myxomatose ait un plus fort effet dans le sud de la France que dans le nord. Les conditions de sécheresse estivale qui y sont rencontrées et qui induisent un arrêt de reproduction pourraient expliquer que la myxomatose y ait un effet limitant important. Enfin, si ce travail a été réalisé sur l’interaction myxomatose-lapin, il est probable que ses conclusions puissent s’étendre au cas de la RHD. En effet, les deux virus présentent des caractéristiques assez proches. La sensibilité à la RHD apparaît progressivement au cours du deuxième mois au fur et à mesure de la synthèse des récepteurs sur lesquels se fixent les virus (Ruvo nClouet et al., 2000). Alors que dans le cas de la myxomatose seuls les jeunes issus de mères immunisées sont protégés, dans celui de la RHD tous les jeunes le sont. Même si le mécanisme est différent, le résultat est similaire. L’immunité acquise contre la RHD est plus longue que celle dirigée contre la myxomatose, mais comme nous l’avons montré, ce facteur est de peu d’importance. La principale différence réside dans l’impact de la maladie. La co-évolution du couple lapin-myxomatose a conduit à une forte atténuation de la virulence moyenne de la maladie depuis 50 ans alors que dans le cas de la RHD l’existence de souches de virulence atténuée n’a pas été mise en évidence à ce jour. BIBLIOGRAPHIE • Fenner F., Marshall I.D. & G.M. Woodroofe (1953) – Studies in the epidemiology of infectious myxomatosis of rabbits. I. Recovery of Australian wild rabbits (Oryctolagus cuniculus) from myxomatosis under field conditions. – Journal of Hygiene 51 : 255-244. • Fenner F. & I.D. 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Marsh (1997) – Relation between severe malaria morbidity in children and level of Plasmodium falciparum transmission in Africa. – Lancet 349 : 1650-1654. A BSTRACT Maternal immunity and impact of diseases : the example of myxomatosis in the European rabbit. Jean-Sébastien Guitton, David Fouchet, Stéphane Marchandeau, Michel Langlais & Dominique Pontier ■ Myxomatosis is a leporipoxvirus that infects the European rabbit, inducing a high mortality rate. Observations lead us to hypothesize that a rabbit carrying maternal antibodies (or having recovered) can be infected (or re-infected) upon being exposed (or re-exposed) to the virus. Infection will lead to mild disease, boosting host immune protection. Using a modelling approach we show that this phenomenon may lead to a difference of impact of myxomatosis according to its transmission rate. Young are exposed when they still carry maternal antibodies and develop a mild disease in high transmission populations. Our results show that the impact of myxomatosis is generally higher in epidemic situations than in populations where the virus circulates throughout the year. As a consequence, waning of acquired immunity and the continuous supply of newborn all along the year may reduce the impact of the disease. ONCFS Rapport scientifique 2006 75 Santé petit gibier et agrosystèmes – Introduction Mise au point et validation d’un système de marqueurs génétiques pour les perdrix rouges hybrides Michel Vallance, Guillaume Queney*, Dominique Soyez & Jean-Claude Ricci** * Antagène, 69760 Limonest ** Institut méditerranéen du patrimoine cynégétique et faunistique, Villa « Les Bouillens », 30310 Vergèze Contexte de l’étude La perdrix rouge (Alectoris rufa) est une espèce gibier très prisée par les chasseurs. Son aire de distribution naturelle est restreinte à la péninsule ibérique, les deux-tiers au Sud de la France continentale, la Corse et le Nord de l’Italie. Elle appartient au genre Alectoris, représenté par sept espèces ayant des aires de répartition disjointes (se chevauchant toutefois sur leurs marges). La spéciation est assez ancienne – deux à six millions d’années (Randi et al., 1992 ; Randi, 1996) – et résulte non seulement de l’isolement géographique mais de processus adaptatifs liés à des conditions écologiques assez nettement différenciées. Ainsi, par exemple Randi & Bernard-Laurent (1999) ont montré que les foyers d’hybridation entre perdrix rouge (A. rufa) et perdrix bartavelle (A. graaeca) sur le pourtour du massif alpin s’éteignent très rapidement (à moins de 150 km de la zone de contact), les individus hybridés étant éliminés par les processus de sélection naturelle. Dans le cas de la perdrix rouge et de la perdrix choukar (A. chukar), la formation d’hybrides résulte de l’intervention humaine. En effet, des croisements interspécifiques ont été largement employés dans les années 1950 à 1970 en France et en Espagne pour augmenter la productivité des élevages de gibier. Les oiseaux lâchés en très grande quantité dans le milieu naturel ont introduit les génotypes hybridés au sein des populations naturelles de perdrix rouge, comme l’a mis en évidence un travail d’inventaire génétique effectué sur seize populations de l’aire naturelle française réalisé avec le soutien du Conseil régional Provence-AlpesCôte d’Azur (figure 1 ; IMPCF, 2004). Longtemps après l’interdiction du lâcher des perdrix choukar, à la fin des années 1980, les lignées d’élevage (reproducteurs) ont conservé une part de génome d’Alectoris chukar devenue indiscernable sur le plan phénotypique mais parfaitement décelable par analyse génétique (taux d’hybridation moyen de 15 à 25 %). Un programme de recherche sur ce thème a été mené de 2004 à 2006 par l’ONCFS, en association avec la Fédération nationale des chasseurs, l’Institut méditerranéen du patrimoine cynégétique et faunistique, le Syndicat national du petit gibier de chasse, le Syndicat national des acouveurs, le Syndicat des sélectionneurs avicoles et aquacoles français et le laboratoire Antagène. L’objectif était de mettre au point un test génétique individuel permettant : – aux éleveurs, d’identifier les niveaux d’hybridation au sein de leurs lignées reproductrices et donc d’éliminer les hybrides tout en conservant les génotypes satisfaisants (hybridation non décelable, nulle ou très faible), – aux sociétés de chasse, de pratiquer des tests sur les lots de lâcher afin de s’assurer de ne pas introduire de génotypes hybrides au sein des populations naturelles de perdrix rouge. Les étapes du programme de recherche Les marqueurs mitochondriaux Randi & Lucchini (1998) ont développé un test génétique portant sur 76 ONCFS Rapport scientifique 2006 l’ADN mitochondrial. Ce brin circulaire d’ADN extra-nucléaire, non codant, évolue très lentement au sein d’une espèce. Cette caractéristique permet de retracer l’histoire probable des mutations et de construire des arbres phylogénétiques remontant, pour deux espèces voisines, jusqu’à leur ancêtre commun à l’ère tertiaire. Dans nos échelles de temps (jusqu’à 1 000 générations) les différences génétiques sur l’ADN mitrochondrial apparaissent fixées et distinguent très précisément perdrix rouge, perdrix choukar Santé petit gibier et agrosystèmes – Introduction et perdrix bartavelle. En revanche, l’ADN mitochondrial ne présente pas une hérédité mendélienne, c’est-à-dire qu’il se comporte comme un génome haploïde transmis uniquement par la lignée maternelle. En présence d’hybrides A. rufa x A. chu ar, les individus porteront le type mitochondrial caractérisant A. chu ar si, et seulement si, tous leurs ancêtres maternels portaient ce « mitotype ». Ainsi, même s’il y a dilution du génome nucléaire hybridé au fil des générations, au sein d’une population naturelle de perdrix rouge la trace de l’hybridation reste indélébile au sein des lignées maternelles descendant de ces individus lâchés. La trace des lâchers successifs va se cumuler automatiquement (pour autant que quelques individus lâchés réussissent à avoir une descendance). C’est donc un moyen de contrôle très sûr. Par contre ce marqueur ne permet pas de repérer avec certitude tous les individus hybrides au sein des élevages (seuls les hybrides par voie strictement maternelle sont détectés). Ceci s’avère pourtant indispensable si on veut reconstruire des lignées pures, alors que l’hybridation est largement répandue. Les marqueurs Pour atteindre nos objectifs, il est apparu nécessaire de faire appel à des marqueurs nucléaires, positionnés sur le génome à hérédité mendélienne (des deux parents) et soumis à la sélection naturelle. Les séquences codantes de l’ADN nucléaire fournissent a priori d’excellents supports pour l’identification des hybrides. C’est d’ailleurs cette caractéristique que l’on utilise, indirectement, lorsqu’on effectue un tri « phénotypique » sur des caractères morphologiques tels que le plumage ou le poids, par exemple. Malheureusement, seules les descendances F1 et F2 sont aisément reconnaissables en tant qu’hybrides. Les hasards des recombinaisons Se dit d’un génome où chaque gène n’est présent qu’une seule fois. Chez les organismes supérieurs, animaux ou plantes le génome est diploïde c’est-à-dire que chaque gène est présent en deux copies, l’une reçue du parent maternel, l’autre du parent paternel. 48 12 04 84 81 13 06 83 66 2B 2A Figure 1 : Évaluation de l’hybridation Alectoris rufa (en rouge) x Alectoris chukar (en bleu) pour des populations du Sud-Est de la France (16 populations représentatives, 359 perdrix), réalisée à partir de l’ADN mitochondrial. Cinq populations se sont révélées pures, deux quasi-pures, huit avec 20 à 30 % d’oiseaux hybridés et une avec 50 % d’oiseaux hybridés. La taille des cercles est proportionnelle à la taille de l’échantillon analysé. (chiffres = département ; l’échantillon du Vaucluse a été considéré comme non représentatif). génétiques interviennent à chaque génération pour brouiller les cartes. Il faut donc faire appel à un « jeu » de plusieurs marqueurs (idéalement plus de dix) disposés sur des chromosomes différents (la perdrix rouge a trentehuit paires de chromosomes plus les deux chromosomes sexuels, mais trente paires sont des micro-chromosomes) pour pouvoir suivre l’hybridation après plusieurs générations et pour pouvoir quantifier « l’introgression » (part de génome chu ar présente chez un individu hybride). Les marqueurs SNP (single nucleotide polymorphism) sont des mutations ponctuelles apparues au sein des séquences « codantes » de l’ADN nucléaire. Elles sont pour cette raison peu nombreuses (beaucoup moins que les microsatellites) mais lorsqu’elles sont apparues après la spéciation, c’est-à-dire la séparation entre espèces A. chu ar et A. rufa, et avant les glaciations du quaternaire qui ont confiné les populations relictuelles et homogénéisé certains caractères du génome (effet « bottleneck »), elles distinguent de manière absolue les chromosomes « chu ar » des chromosomes « rufa ». À partir de 50 gènes du poulet ( allus gallus) dont le génome a été entièrement séquencé par la recherche agronomique, nous avons obtenu dix-neuf séquences d’ADN, réparties sur des chromosomes différents, présentant un polymorphisme ponctuel (mutation d’une paire de base) entre A. chu ar et A. rufa (figure 2). Pour sélectionner les marqueurs SNP qui différencient de manière absolue les perdrix choukar des perdrix rouges ONCFS Rapport scientifique 2006 77 Santé petit gibier et agrosystèmes – Introduction (et non pas seulement certaines perdrix choukar de certaines perdrix rouges), il était essentiel de pouvoir s’appuyer sur un large échantillon de spécimens prélevés dans l’ensemble des aires naturelles des deux espèces, tout au moins une part largement représentative de celles-ci. 620 1 640 1 660 1 680 1 700 1 720 1 740 1 760 1 780 1 800 1 820 1 840 1 860 1 880 1 900 1 920 G A G C G 140 A G C A A A G M G A T 150 G C A T G C T T G 160 C 1 260 1 120 980 840 700 560 420 280 Ainsi, soixante-huit spécimens réputés purs de A. rufa originaires de Corse, d’Espagne, du Portugal, et des Alpes du Sud, et cent un spécimens de A. chu ar originaires du Moyen Orient (Liban, Chypre, Syrie), berceau probable des oiseaux introduits dans les élevages français dans les années 1950, mais aussi d’Asie centrale (Kazakhstan) et d’Extrême Orient (Chine), ont été analysés. Pour être sûr qu’il s’agissait bien d’oiseaux exempts de toute hybridation, les échantillons ont été récoltés au sein de populations ne présentant aucune trace d’hybridation décelable par l’ADN mitochondrial. Ces résultats ont été confirmés par les informations historiques, cynégétiques et géographiques dont nous disposions. Résultats Le tableau 1 illustre la démarche d’analyse et de construction d’un jeu de marqueurs de l’hybridation chez la perdrix rouge (Vallance & Queney, 2006). Deux conditions doivent être réunies. D’une part, il faut que les marqueurs retenus soient absents chez la perdrix rouge, de manière à ne pas surestimer l’hybridation et à ne pas éliminer de « vraies » perdrix rouges. Parmi les dix meilleurs marqueurs sélectionnés, cinq sont totalement spécifiques (fréquence d’occurrence = 0%) et trois autres demeurent au-dessous d’une fréquence d’occurrence de 5 %. D’autre part, il faut que les marqueurs retenus soient systématiquement présents dans le génome chu ar afin de ne pas délaisser un certain nombre d’hybrides. Pour six marqueurs, la probabilité moyenne de non-détection d’un hybride est de 6 %. En prenant en compte un septième marqueur (P07) cette probabilité reste au même niveau mais les hybrides ayant un taux 78 ONCFS Rapport scientifique 2006 140 0 SNP Figure 2 : Identification par SNP d’un hybride sur une séquence d’ADN. La séquence d’ADN montre le nucléotide présent pour chaque paire de base. Pour le site de mutation (SNP), deux nucléotides sont présents simultanément (individu hétérozygote). Tableau 1 : Fréquence d’occurrence des marqueurs SNP chez Alectoris chukar, Alectoris rufa et les hybrides. Nucléotide Fréquence ( ) chez A. chukar Fréquence ( ) chez A. rufa Fréquence ( ) chez les hybrides A/G G 100 0 9,1 P05 T/C T 100 0 4,4 P06 T/G G 86,3 0 0 P09 G/C C 82,1 0 2,3 Marqueur SNP Polymorphisme P03 P10 T/C T 94,9 0 0 P19 A/G G 100 3,6 8,7 P22 A/G A 63,8 3,5 2,2 P25 A/G G 32,9 0,9 13 P07 T/G T 90,5 11,2 2,2 P08 T/C C 50 8,6 0 d’hybridation plus faible, de l’ordre de 7 % (1/14 puisqu’il y a 2x7 chromosomes potentiellement « marqués »), peuvent être mieux détectés (figure 3). y rajouter aussi le coût des analyses qui augmente linéairement avec le nombre de marqueurs employés. Cependant on prend le risque d’éliminer à tort une vraie perdrix rouge, puisque le marqueur P07 n’est spécifique qu’à 88,8 %. Par contre, si on ajoute les marqueurs P22 et P25, on évite cet inconvénient et on augmente encore la puissance du jeu de marqueurs parce qu’on marque davantage de sites chromosomiques. De ce fait, par exemple, la proportion d’hybrides non décelés chez des perdrix rouges « introgressées » à 10 % par les gènes chu ar est abaissée de 25 %. Le sélectionneur est donc pris en tenaille entre ces deux contraintes qui limitent inexorablement le nombre de marqueurs éligibles. Il faut Vers un test opérationnel fin Le test génétique mis au point sur la base des marqueurs SNP sélectionnés devait tout d’abord être expérimenté sur de nouveaux spécimens de perdrix, distincts de ceux qui ont servi à sa construction, afin de s’assurer qu’il conserve sa fiabilité et sa pertinence. Cette expérimentation a été réalisée sur des tissus (foies congelés) conservés à l’issue d’une expérimentation de croisements contrôlés (A. chu ar x A. rufa) Santé petit gibier et agrosystèmes – Introduction 100 90 Puissance de détection 80 70 60 50 40 30 20 % 65 % 70 % 75 % 80 % % % 60 55 % % % 50 45 40 % % % % % % 35 30 25 20 15 10 5 % 10 0 0 conduits jusqu’à la 5e génération. Le taux théorique (moyen) d’hybridation est connu (figure 4) et peut être comparé aux résultats obtenus par application du jeu de marqueurs (figure 5). Une bonne correspondance apparaît entre le taux théorique et les résultats obtenus par le test. Une forte déperdition d’acuité du test a également été mise en évidence dès lors qu’on s’adresse à des hybrides contenant moins de 6 % de gène chu ar. Dans ce cas, les marqueurs ne sont plus en nombre suffisant pour repérer la trace de l’hybridation sur tous les individus. Taux d’hybridation Figure 3 : Puissance de détection des hybrides en fonction du niveau d’introgression. Le test a également été pratiqué au sein de populations d’élevage sur un lot de six-cent individus appartenant à dix élevages différents. Les résultats confirment le bien fondé de la démarche engagée par ce programme de recherche et mettent en évidence qu’il n’est pas trop tard pour réagir et recréer des génotypes proches du génotype sauvage. Ils révèlent en effet que 50 % du stock de reproducteurs est détecté hybride, c’est-à-dire avec au moins 6,5 % de génome chu ar. En d’autres termes, moins de la moitié des reproducteurs serait quasi indemne d’hybridation. Le taux individuel d’hybridation varie de 0 à 30 %, avec une moyenne de 8 % (16 % si on calcule la moyenne seulement sur les hybrides détectés). Le test actuel apparaît donc capable de permettre l’élimination du stock hybride présent dans les lignées d’élevage depuis l’abandon de l’élevage de la perdrix choukar. Ce test génétique devrait être disponible pour un prix raisonnable dès la fin 2007, donnant ainsi aux éleveurs français l’opportunité de prendre une longueur d’avance dans la course à la qualité environnementale de leur production et de s’entourer des meilleures garanties pour préparer l’avenir. F1 50 % F2r 25 % F2c 75 % F3 12,5 % F4 6,25 % F5 3,125 % Figure 4 : Taux d’hybridation théorique entre Alectoris rufa (en rouge) et Alectoris chukar (en bleu) dans le cadre d’un croisement expérimental utilisé pour valider le test génétique. (r = A. rufa ; c = A. chukar). chaque génération, des hybrides A. rufa x A. chukar ont été croisés de manière répétitive avec des A. rufa pures, de façon à obtenir des générations successives de plus en plus « diluées » en contenu chukar. 100 % 90 % théorique observé 80 % 70 % 60 % 50 % 40 % 30 % 20 % 10 % 0% F2c F2r F3 F4 F5 Figure 5 : Estimation du niveau individuel d’hybridation sur un croisement expérimental par un test construit avec les huit meilleurs marqueurs SNP (F2c, F2r : cf. figure 4). ONCFS Rapport scientifique 2006 79 Santé petit gibier et agrosystèmes – Introduction Un label génétique pour les perdrix rouges En tant que gibier de repeuplement, la perdrix rouge représente un marché très important. Environ 15 millions d’oiseaux sont produits en France chaque année. Plus des deux tiers sont destinés à l’exportation : Angleterre, Espagne, Portugal, Italie. Le renforcement des contrôles administratifs (qualité sanitaire et pureté génétique) par certains pays – en Espagne, ces contrôles sont à l’initiative des provinces autonomes à qui est déléguée l’administration de la chasse – et le durcissement de la concurrence conduisent les éleveurs à se tourner vers un système de « label ». Le test génétique mis au point dans le cadre de ce programme de recherche devrait être validé au plan international dans le cadre d’une expertise « devant notaire » mise en place par la Fédération royale espagnole des chasseurs. Quatre laboratoires (Antagène, IREC, Faculté vétérinaire de Sarragosse, Université de Porto) se sont engagés dans cette épreuve de vérité consistant à comparer les diagnostics des différents tests existants sur un échantillon connu de perdrix rouges pures, perdrix choukar et perdrix hybrides issues de croisements contrôlés. Deux lots sauvages (à faible taux d’hybridation supposé) et deux lots d’élevage standards seront également analysés. Le résultat de cette épreuve sera disponible début 2008 et permettra aux Fédérations nationales espagnole, française et portugaise de chasseurs de reconnaître la fiabilité et l’applicabilité de ce test en routine dans les élevages. Ainsi, à terme, un « label » génétique européen pourra être reconnu aux élevages mettant en œuvre des mesures de contrôle d’hybridation fondé sur ce test et permettra aux organisations cynégétiques de revendiquer la qualité environnementale et la durabilité de cette pratique indispensable à la poursuite de leur activité sur bon nombre de territoires de chasse. BIBLIOGRAPHIE • IMPCF (2004) – Échantillonnage et résultats des tests d’hybridation (A. rufa x A. chukar) par ADN mitochondrial (Antagene) de 16 « populations » de perdrix rouges du sud de la France prélevées à la chasse en 2003 et 2004. Rapport Interne IMPCF. 5 pp. • Randi E., Alkon P. U & A. Meriggi (1992) – A new model of Alectoris evolution based on biochemical analysis. Gibier Faune Sauvage, vol 9 : 661-666. • Randi E. & V. Lucchini (1998) – organization and evolution of the mitochondrial DNA control region in the avian genus Alectoris. Journal of Molecular Evolution 47 (4) : 449-462. • Randi E. 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This hybridisation potentially threatens natural populations of red-legged partridges in these regions as a result of large, yearly releases on hunting estates. We have started a research program to develop a DNA test, based on SNP (single nucleotide polymorphism) genetic markers, to evaluate the level of hybridisation occurring between red-legged partridges (wild or reared) and chukar. A set of partridges was collected in their natural distribution area to select SNP markers able to surely differentiate chukar and red-legged partridges. ■ A set of 10 reproducible SNP markers was selected, each possessing different alleles in at least 90 % of pure strain individuals tested. Five of these markers are completely specific. The use of the 6 best markers leads to a probability of non-detection of 6 %. ■ We conducted an assessment of Red-legged partridge and Chukar populations which have not been used to develop the genetic markers : each marker correctly assigned an average of 96 % of individuals tested. Finally, we conducted an assessment of reared Red-legged partridge populations distributed throughout France by profiling 600 individuals sampled in collaboration with breeders syndicates : 50 % of genitors were revealed as hybrids. ■ The system of genetic marker sets in this study appears to be able to eliminate hybrid genitors in Red-legged partridge breeding farms. A routine DNA test should be available to breeders at the end of 2007. ONCFS Rapport scientifique 2006 81 ses soutenues de nombreuses publications scientifiques dans des revues internationales à comité de lecture, elle participe à sa renommée scientifique. Un nombre croissant de thèses est d’ailleurs conduit sous des directions mixtes internationales et évalué par des chercheurs étrangers, preuves de la qualité et de l’intérêt des sujets abordés. En outre, la quasi-totalité de ces thèses intègre une analyse des retombées pratiques des travaux. Plusieurs débouchent directement sur des applications concrètes et des recommandations de gestion. Enfin, l’encadrement de ces thèses, total ou partagé, constitue une action pédagogique à part entière et doit donc être vu comme une contribution à la formation des chercheurs de demain dans les domaines de la faune sauvage et de ses habitats. Photo © Philippe Granval/ONCFS U na a o i s Les études et recherches appliquées conduites par l’Office national de la chasse et de la faune sauvage sont principalement le fait des ingénieurs et techniciens de la Direction des études et de la recherche, répartis au sein des CNERA (Centres nationaux d’études et de recherches appliquées) et de l’USF (Unité sanitaire de la faune), assistés régulièrement des personnels des Délégations régionales et des Services départementaux. Toutefois, la complexité des sujets traités et la nécessité de travailler en synergie avec d’autres chercheurs nous conduisent à développer des partenariats avec les organismes de recherche français tels que le CNRS, l’INRA, le Cemagref, le Muséum national d’histoire naturelle, l’INSERM ou encore les Universités, l’Agence française de sécurité des aliments et les écoles vétérinaires, voir des 82 ONCFS Rapport scientifique 2006 organismes étrangers. Pour l’ONCFS, ces partenariats offrent la possibilité de profiter de compétences qu’il n’a pas en termes d’analyse ou de calcul, de bénéficier d’équipements ou de techniques de traitement de données très spécialisées et enfin de pouvoir compter sur un appui scientifique de haut niveau sur les thèmes les plus pointus. Pour nos partenaires, c’est la possibilité de disposer de jeux de données sur les populations animales, souvent recueillies sur le long terme et sur des espaces parfois très vastes. Le soutien financier de l’ONCFS à des doctorants s’inscrit dans ce cadre. Une dizaine de bourses est octroyée chaque année sur des sujets dont le choix vise à respecter un équilibre entre espèces et thématiques. Depuis 2004, quinze thèses ont été soutenues dont cinq en 2006. Cette démarche présente plusieurs avantages pour l’établissement. À l’origine La connaissance de la dynamique des populations animales constitue le thème majeur de ces thèses. La modélisation suppose de disposer en amont des paramètres démographiques de chaque espèce et d’en connaître les facteurs de variation. Aux premières investigations sur les effets de l’environnement, du climat, de la densité, s’ajoutent aujourd’hui des travaux spécifiques concernant les impacts de la prédation, de la chasse ou de l’état sanitaire (avec ou sans interférence avec des espèces domestiques) sur le fonctionnement des populations. Trois thèses soutenues en 2006 trouvent leur place dans ce premier grand thème. Dans son travail sur les conséquences du parasitisme par des agents abortifs sur la dynamique des populations de chamois et d’isard, Marilyne Pioz aborde une des questions posées par la cohabitation entre la faune sauvage en 2006 et la faune domestique. Elle concerne plus particulièrement les risques de voir apparaître des réservoirs sauvages d’agents pathogènes « domestiques » qui pourraient, d’une part, mettre en péril la faune sauvage et, d’autre part, favoriser la re-contamination des troupeaux domestiques. Avec la progression très forte des effectifs d’ongulés sauvages, observée depuis plus de trente années dans notre pays, cette hypothèse s’est malheureusement déjà vérifiée. d’une certaine vitesse, il diminue. Cette approche explique pourquoi certaines populations très touchées par le virus sont peu affectées alors que de petites populations, issues de la fragmentation de grandes unités, peuvent brutalement disparaître. Elle confirme ainsi la complexité des mécanismes biologiques en jeu. Ce travail illustre également tout l’intérêt d’une collaboration étroite avec les grands organismes de recherche tels que le CNRS ou l’INSERM. Les recherches de Mathieu Garel sur le mouflon méditerranéen et l’élan en Norvège visent à déterminer les conséquences des pressions d’origines anthropiques, telles que l’agriculture et la chasse, sur la dynamique des ongulés. Elles montrent qu’en plus des contraintes environnementales sous lesquelles vivent ces populations, l’homme peut influer fortement sur leur démographie. Ces premiers résultats suggèrent que, dans les directives d’aménagement de l’espace rural comme dans les pratiques cynégétiques, il soit nécessaire d’appliquer la plus grande prudence afin de ne pas endommager fortement, voire irrémédiablement les populations sauvages. La gestion durable des populations, exploitées ou non, nécessite aussi de pouvoir délimiter les unités fonctionnelles en tenant compte des besoins des animaux, de l’hétérogénéité des ressources et de la compétition éventuelle entre les différentes espèces animales présentes. La stratégie d’utilisation des ressources trophiques constitue ainsi un second thème fréquemment traité, tant sur les oiseaux que sur les mammifères. Pour ce dernier groupe d’espèces, souvent très prolifiques, les résultats contribuent à proposer des mesures de gestion des habitats permettant de réduire les dégâts agricoles ou forestiers. La thèse de David Fouchet porte sur l’effet du virus de la myxomatose sur le fonctionnement des populations de lapin. À l’aide de modèles mathématiques, l’auteur montre que l’impact de la maladie varie avec la vitesse de circulation du virus, mais qu’à partir Les articles de ce chapitre font référence aux programmes du contrat d’objectifs suivants : R1.1 Petit gibier, migrateurs terrestres et agrosystèmes R1.2 Ongulés et équilibre agro-sylvo-cynégétique R1. Oiseaux d eau et zones humides Deux thèses soutenues en 2006 entrent dans cette catégorie. Elles intègrent aussi un volet « dynamique de population ». Le travail de Delphine Degré porte sur l’étude des dynamiques spatiale et temporelle des caractéristiques trophiques de l’anse de l’Aiguillon, site d’importance internationale pour de nombreuses espèces d’avifaune benthivore. Il repose sur des inventaires très fins des différents compartiments de son réseau trophique et sur des analyses isotopiques de plumes et de sang. En outre, la ressource benthique a été quantifiée. Cette dernière s’avère finalement quantitativement non limitante pour les principaux oiseaux présents. L’écologie des canards de surface constitue le cadre d’étude de Céline Arzel dont le travail porte plus particulièrement sur la migration pré-nuptiale, phase cruciale du cycle annuel mais peu étudiée jusqu’à présent. Ses investigations apportent des réponses pertinentes aux questions relatives à la précision des recensements ou à la détermination des dates de migration. Elles comportent un important volet sur les stratégies alimentaires des oiseaux en phase de migration et montre qu’ils s’adaptent perpétuellement aux ressources. Néanmoins, l’acquisition des connaissances complémentaires est encore nécessaire avant de fournir des modèles prédictifs de dynamique des populations à l’échelle de l’année. Cette rapide présentation souligne la particularité des sujets traités qui s’inscrivent le plus souvent à l’interface entre la recherche et la gestion. Ces travaux de haut niveau, fondés sur la créativité et le dynamisme des étudiants, enrichissent notre réflexion et actualisent en permanence nos connaissances. François KLEIN Responsable du CNERA Cervidés-sanglier ONCFS Rapport scientifique 2006 83 Thèses soutenues en 2006 Conséquences du parasitisme sur la dynamique des populations d’h tes : exemples d’agents abortifs dans des populations de chamois u ca ra ru ca ra et d’isard u ca ra r a ca Thèse de 3e cycle (Biométrie et Épidémiologie) soutenue à l’Université Claude Bernard-Lyon I le 11 juillet 2006 par Maryline Pio Laboratoire d’accueil : UMR CNRS 5558 l’Université Claude Bernard Lyon I Cadre d’accueil ONCFS : CNERA Faune de Montagne et USF ury P. Roy, (Université Claude Bernard Lyon 1), président D. Maillard, (ONCFS, CNERA FM), rapporteur L. Rossi, (Université de Turin, Faculté de Médecine Vétérinaire), rapporteur E. Gilot-Fromont, (Université Claude Bernard Lyon 1), directeur de thèse M. Artois, (École Nationale Vétérinaire de Lyon), co-directeur de thèse A. Loison, (CNRS, Université Claude Bernard Lyon 1), examinateur Résumé Ces dernières décennies, la cohabitation entre la faune sauvage et la faune domestique s’est accrue en particulier dans les espaces protégés où l’activité pastorale est parfois importante et où les densités d’ongulés sauvages sont souvent élevées. Cette cohabitation a eu pour conséquence l’émergence récente chez la faune sauvage de pathologies habituellement rencontrées seulement chez les espèces domestiques. Dans le cadre du suivi sanitaire de populations d’ongulés de montagne, de nombreux individus montraient des réactions positives aux tests sérologiques vis-àvis de trois infections d’origine bactérienne : la chlamydophilose abortive, la salmonellose abortive ovine et la fièvre Q. Cependant ces infections ne sont pas décrites chez les espèces sauvages. En particulier, nous ignorons si elles ont un impact sur la dynamique des populations sauvages, et quelle est la relation entre ces infections et celles présentes chez les espèces domestiques. Cette thèse s’efforce d’apporter des réponses à ces interrogations qui préoccupent les gestionnaires de la 84 ONCFS Rapport scientifique 2006 faune sauvage et des espaces protégés en étudiant, d’une part, la relation entre la réaction sérologique des ongulés sauvages et l’importance des contacts avec les espèces domestiques et, d’autre part, la relation entre ces réactions sérologiques et les paramètres démographiques de ces populations sauvages. La thèse aborde ces deux questions en utilisant à la fois des données à long terme précédemment recueillies (suivis sanitaires réalisés dans les Réserves nationales de chasse et de faune sauvage de montagne depuis une dizaine d’années) et des mesures et observations recueillies durant les estives 2003 et 2004 (concernant la cohabitation entre la faune sauvage et la faune domestique). Pour évaluer l’impact de ces maladies sur la dynamique des populations d’ongulés sauvages, nous regardons s’il existe une relation entre la situation sérologique des individus et leur survie et/ou leur fécondité. Pour savoir si les réponses sérologiques mesurées sur les individus sauvages sont liées aux maladies connues chez les ongulés domestiques, nous regardons s’il existe une relation entre le statut sérologique des populations sauvages et leur niveau de cohabitation avec les troupeaux domestiques ainsi que le statut sérologique de ces troupeaux, si possible. Les enjeux sanitaires, écologiques et économiques de l’émergence de ces maladies chez la faune sauvage sont importants car nous risquons dans les prochaines années de voir apparaître des réservoirs sauvages non maîtrisables d’agents pathogènes ce qui pourrait, d’une part, mettre en péril l’espèce sauvage concernée et, d’autre part, favoriser la re-contamination des troupeaux domestiques. Thèses soutenues en 2006 Conséquences de la chasse et des contraintes environnementales sur la démographie des populations d’ongulés : l’exemple du mou on méditerranéen u et de l’élan en Norvège c ac Thèse de 3e cycle (Biométrie et biologie évolutive) soutenue à l’Université Claude Bernard Lyon I le 15 mars 2006 par Mathieu arel Laboratoire d’accueil : UMR CNRS 5558 l’Université Claude Bernard Lyon I Cadre d’accueil ONCFS : CNERA Faune de Montagne ury D. Pontier, (Université Claude Bernard Lyon 1), présidente M. Festa-Bianchet, (Université de Sherbrooke, Canada), rapporteur J.D. Lebreton, (CNRS, Montpellier), rapporteur N.G. Yoccoz, (Université de Troms , Norvège), rapporteur J.M. Gaillard, (CNRS, Lyon), co-directeur de thèse D. Maillard, (ONCFS, CNERA FM), co-directeur de thèse B.E. Saeter, (Université d’Oslo, Norvège), examinateur Résumé À l’heure actuelle, de nombreuses populations de vertébrés sont soumises directement ou indirectement à des pressions anthropiques. Le but de ce travail est de montrer les implications de telles pressions sur la dynamique des populations d’ongulés, en plus des facteurs de variation environnementale classiquement reconnus, comme le climat ou la qualité de l’habitat. Nous présentons ici deux études de cas : le mouflon méditerranéen (Ovis gmelini musimon Ovis sp.) et l’élan en Norvège (Alces alces). Notre travail sur le mouflon s’est appuyé sur une étude à long terme (30 ans) d’une population située dans le sud de la France (Hérault). Pour l’élan, nous avons conduit une étude comparative de plusieurs populations évoluant dans des habitats très contrastés répartis en Norvège le long d’un gradient latitudinal. Après avoir mis en évidence dans notre étude sur le mouflon les avantages et les limites de méthodes classiquement utilisées pour le suivi des populations d’ongulés, nous montrons que la dynamique de cette population est influencée à la fois par (1) la fermeture généralisée des habitats à la suite de la déprise agricole obligeant les mouflons à utiliser des ressources sous-optimales, (2) la chasse sélective pratiquée sur les mâles à trophée, (3) l’histoire récente des individus à l’origine de la population, ainsi que (4) la sécheresse estivale. Ces processus sont respectivement responsables d’une diminution de la qualité phénotypique (poids, trophée) des mouflons (processus (1) et (2)), des variations de performances reproductives des femelles (processus (3) et (4)) et de la mortalité estivale des agneaux (processus (4)). la population. Les jeunes mâles participeraient alors davantage à la reproduction, ce qui affecterait en retour leur croissance. Les résultats obtenus à partir de ces deux études de cas, conduites à des échelles spatiales différentes, mettent en évidence l’existence de caractéristiques inhérentes aux populations exploitées. Au même titre que les contraintes environnementales sous lesquelles elles évoluent, nous démontrons que l’Homme peut influencer fortement la démographie de ces populations. Chez l’élan, nous montrons que le dimorphisme sexuel de taille (DST) augmente fortement avec une saisonnalité croissante, sans doute à cause d’une meilleure qualité des ressources lorsque la saison de végétation est plus courte mais plus intense. La chasse sélective des mâles intervient elle aussi sur le DST en causant une diminution de la proportion de mâles adultes dans ONCFS Rapport scientifique 2006 85 Thèses soutenues en 2006 R le des anticorps maternels dans le changement d’impact d’une maladie infectieuse. Impact du choix du modèle pour la compréhension des interactions h te parasites Thèse de 3e cycle (Biométrie et Biologie évolutive) soutenue à l’Université Claude Bernard Lyon 1 le 15 septembre 2006 par David Fouchet Laboratoire d’accueil : UMR CNRS 5558, Université Claude Bernard Lyon 1 Cadre d’accueil ONCFS : CNERA Petite Faune Sédentaire de Plaine ury J. Le Pendu (INSERM), président R. Ferrière (ENS), rapporteur R. Eymard (Université Marne la Vallée), rapporteur N. Ferrand (Université de Porto, Portugal), examinateur S. Marchandeau (ONCFS), examinateur D. Pontier (Université Claude Bernard Lyon 1), directeur de thèse Résumé Selon une vision largement répandue, la gestion d’une maladie infectieuse passe par une réduction de la circulation de l’agent pathogène qui la cause. En d’autres termes, plus un agent pathogène circule plus il est censé avoir d’impact sur sa population hôte. Si ce principe est vérifié dans bien des cas, le couple lapin-myxomatose semble, dans une certaine mesure, échapper à cette règle. En effet, des études de terrains récentes ont permis d’isoler des populations de lapin très infestées par le virus de la myxomatose (près de 100 % des adultes sont, sur une période de 3 ans, porteurs d’anticorps anti-myxomateux), sans pour autant être réellement affectées par le virus. Cette thèse a pour but d’explorer un mécanisme permettant de comprendre cette apparente contradiction. En opposition avec la vision classique selon laquelle les anticorps maternels sont immunosuppresseurs, certains auteurs, en s’appuyant sur plusieurs exemples, ont proposé qu’ils ne bloquent pas les infections mais servent uniquement à les atténuer, activant ainsi le système 86 ONCFS Rapport scientifique 2006 immunitaire de l’hôte à moindre coût. Dans un tel contexte, une augmentation de la circulation du pathogène est bénéfique pour les hôtes qui sont infectés plus tôt alors qu’ils sont protégés par des anticorps maternels. Ensuite les hôtes sont immunisés et finalement ne souffrent jamais de la maladie sous sa forme sévère. Cette hypothèse est directement applicable au cas du lapin chez qui les jeunes issus de mères immunisées portent des anticorps maternels. Elle est confortée par des observations de terrain qui montrent que des populations de lapin peuvent prospérer avec une circulation permanente du virus myxomateux et sans déclenchement d’épidémie. Cependant, elle reste à vérifier. Une circulation plus intense du pathogène permet effectivement une infection plus précoce des individus, ce qui a deux conséquences opposées : une diminution de l’espérance de vie des individus s’ils ne sont pas encore infectés une fois qu’ils ont perdu leurs anticorps maternels et une plus grande proportion d’individus chez qui la première infection est atténuée. La question est donc de savoir si, dans le cas du lapin, ces deux effets opposés résultent en une augmentation ou une diminution de l’impact de la maladie avec la circulation du virus de la myxomatose. Cette question est explorée dans cette thèse à l’aide de modèles mathématiques. De manière schématique, les modèles montrent que l’impact de la myxomatose est influencé par sa circulation suivant une courbe en cloche. À très faible niveau de circulation, l’impact est faible car la transmission du virus se fait difficilement. Lorsque le niveau de circulation augmente tout en restant faible, l’impact de la maladie augmente aussi car l’âge moyen de première infection diminue mais pas suffisamment pour qu’elle intervienne avant la perte de l’immunité maternelle, ce qui augmente la probabilité de développer la maladie et d’en mourir. L’impact de la myxomatose augmente donc dans un premier temps avec sa circulation. Au-delà d’un certain seuil, la tendance s’inverse car en moyenne la première infection intervient avant la perte de l’immunité maternelle. Une circulation plus intense augmente alors les chances d’atténuer les premières infections et donc d’y survivre. L’impact de la myxomatose diminue alors avec sa circulation. Thèses soutenues en 2006 Les différents modèles développés dans cette thèse ont permis de caractériser les paramètres affectant la circulation de la myxomatose. Ils se classent en trois catégories : 1) les facteurs favorisant le taux de transmission local de la maladie (par exemple, présence de vecteurs, forte densité de lapin) ; 2) les facteurs favorisant la dissémination du virus entre groupes de lapin isolés (par exemple, présence de vecteurs, dispersion des jeunes) ; et 3) les facteurs favorisant la persistance locale du virus (par exemple, continuité du milieu, présence de vecteurs, naissances étalées sur l’année). On notera que les vecteurs interviennent à tous les niveaux de la circulation du virus, ce qui montre leur importance cruciale dans l’impact de la maladie. On retrouve alors les situations extrêmes observées sur le terrain : les grandes populations homogènes à peine touchées par la maladie et les petites populations isolées qui, après plusieurs années sans être touchées, voient leurs effectifs s’effondrer après une épidémie. La fragmentation des populations de lapin, qui tend à faire passer d’une grande population homogène à un ensemble de petites populations isolées, pourrait dans un premier temps augmenter l’impact de la myxomatose. Photo © P. Granval/ONCFS ONCFS Rapport scientifique 2006 87 Thèses soutenues en 2006 Réseau trophique de l’anse de l’Aiguillon : dynamique et structure spatiale de la macrofaune et des limicoles hivernants Thèse de 3e cycle soutenue à l’Université de La Rochelle le 28 septembre 2006 par Delphine Degré Laboratoire d’accueil : CREMA – UMR CNRS-IFREMER-Université de La Rochelle Cadre d’accueil ONCFS : CNERA Avifaune migratrice ury N. Niquil (Université de La Rochelle), présidente G. Bachelet (CNRS-Station Marine d’Arcachon), rapporteur P. Chardy (Université de Bordeaux), rapporteur P.-G. Sauriau (CNRS– CREMA), directeur de thèse G. Blanchard (Université de La Rochelle), examinateur J.-M. Boutin (ONCFS), examinateur E. Joyeux (Réserve naturelle de la Baie de l’Aiguillon), invité Résumé L’anse de l’Aiguillon, mise en réserve naturelle depuis la fin des années 1990 en raison de son importance internationale pour l’accueil des oiseaux d’eau, est une baie macrotidale dont les peuplements benthiques étaient jusqu’à présent peu étudiés. Afin de comprendre la structure spatiale et la dynamique des principaux compartiments de son réseau trophique, deux cartographies au moment du départ (mars) et de l’arrivée (octobre) des limicoles, ainsi qu’un suivi mensuel en trois stations de la haute slikke ont été réalisés. L’homogénéité spatiale et temporelle de la granulométrie des sédiments et la forte saisonnalité de la salinité de l’eau interstitielle ont été mises en évidence. La diversité des mollusques est faible en moyenne, mais plus élevée sur la basse slikke et le chenal de Marans. La régularité est très faible sur la haute slikke où dominent ydrobia ulvae en abondance et Scrobicularia plana en biomasse. Différents faciès du peuplement à Macoma balthica se distinguent selon l’hypsométrie, le diamètre moyen des sédiments et la salinité. Le stock total de mollusques dépasse 11 000 tonnes de masse fraîche avec coquille pour 88 ONCFS Rapport scientifique 2006 les 37,45 km2 de l’anse. La biomasse sèche sans cendre disponible atteint 367 tonnes en mars et 331 tonnes en octobre, dont 62 à 83 % de S. plana. La biomasse sèche sans cendre ingestible et profitable aux limicoles à bec court atteint 48 tonnes en mars et 105 tonnes en octobre. 27 % des biomasses en bivalves sont accessibles aux limicoles à bec court et 97 % à ceux à bec long. Les bivalves longévifs, S. plana et M. balthica ont un temps de renouvellement de un à cinq ans, tandis qu’Abra tenues renouvelle ses populations en cinq mois. Les recrutements, étalés sur l’année pour S. plana et sur le printemps pour M. balthica et A. tenues, sont marqués par de fortes éliminations en partie liées à la prédation par les limicoles. Ceux-ci atteignent 41 000 individus en hivernage sur l’anse de l’Aiguillon, dont 57 % de bécasseaux variables, qui, avec les barges à queue noire, les bécasseaux maubèches et les avocettes élégantes, ont des effectifs très supérieurs au seuil d’importance internationale. La phénologie de leurs migrations est complexe avec des passages successifs ou simultanés de différentes sous-espèces. La répartition spatiale à marée basse de ces 4 espèces est significativement corrélée au diamètre moyen des sédiments et à la salinité de l’eau interstitielle du fait de l’activité alimentaire préférentielle le long des chenaux. Elle montre une variabilité saisonnière et inter annuelle élevée, ainsi qu’un recouvrement de niches entre les avocettes et les barges et entre les bécasseaux variables et toutes les autres espèces. La consommation totale des oiseaux benthivores est estimée entre 150 et 799 tonnes par an, dont 30 % par les tadornes de Belon, 43 % par les limicoles à bec court et 27 % par les limicoles à bec moyen à long. Pour soutenir cette consommation, les mollusques doivent produire 2 à 13 g/m2/an, ce qui est inférieur à la production estimée cumulée des bivalves (4 à 27 g/m2/an). En outre, le régime alimentaire des limicoles est très diversifié. La capacité d’accueil du site n’est donc pas atteinte en terme de ressource en mollusques. Le régime principalement benthivore des limicoles a été confirmé à la fois pendant l’hivernage et pendant la mue par une analyse isotopique des plumes (tectrices et rectrices) et du sang. La forte variabilité inter-individuelle du b13C et du b15N des différentes espèces de limicoles traduit des stratégies alimentaires plus individuelles que spécifiques avec une préférence plus ou moins marquée pour les adultes polychètes ou bivalves, dont les chairs sont plus enrichies en 15 N que celles des juvéniles. Thèses soutenues en 2006 L’estimation, par analyse inverse, des flux saisonniers de carbone sur 1 m2 moyen de vasière intertidale a révélé une activité détritique dominante au sein du réseau trophique bentho-pélagique. Les flux sont sensibles à la remise en suspension du microphytobenthos ou des détritus et à la productivité des bivalves. L’activité des limicoles est faible, contrairement à celle des poissons, et ne semble pas limitée par les biomasses en macrofaune. Enfin, les indices d’analyse de réseau ont montré un système peu complexe, peu mature, très productif et exportateur net de qualité. Photo © L. Barbier/ONCFS ONCFS Rapport scientifique 2006 89 Thèses soutenues en 2006 Écologie des sarcelles d’hiver et des autres canards de surface : connexion entre les sites d’hivernage, les haltes migratoires et les zones de reproduction Thèse de 3e cycle (Écologie et Évolution des populations et des communautés) soutenue à l’Université Paul Sabatier Toulouse III, le 10 mars 2006 par Céline Ar el Laboratoire d’accueil : Laboratoire d’Écologie des Hydrosystèmes, Université Paul Sabatier Toulouse III Cadre d’accueil ONCFS : CNERA Avifaune migratrice ury H. Fritz (CNRS), président R. G. Clark (Canadian ildlife Service, Canada), rapporteur H. P ys (Finnish Game and Fisheries Research Institute, Finlande), rapporteur K. Sj berg (S edish University of Agricultural Sciences, Suède), rapporteur N. Giani (Université Paul Sabatier, Toulouse III), directeur de thèse J. Elmberg (Université de Kristianstad, Suède), examinateur M. Guillemain (ONCFS), examinateur Résumé Afin de développer des outils prédictifs de dynamique de populations d espèces migratrices dans le but de leur gestion et de leur conservation, connaître parfaitement leur écologie est essentiel. Or pour grand nombre d entre elles la migration printanière, pourtant définie comme cruciale dans le cycle annuel, a été peu étudiée. Nous montrons via une revue bibliographique que ceci est notamment le cas pour les anatidés et en particulier pour les canards de surface. Parmi eux nous avons étudié la sarcelle d hiver Anas crecca, l’une des espèces migratrices les plus chassées en Europe. Une méthode de marquage externe (marque nasale) a été utilisée durant cette étude. Au préalable son effet potentiel a été testé sur différentes espèces de canards. Seul un biais pouvait être noté dans les relations sociales sous certaines circonstances. Ces interactions n étant pas étudiées ici, cette méthode s est donc révélée être un outil approprié pour cette étude. Grâce à des sarcelles marquées, la survie locale, la probabilité de recrutement et la durée de stationnement ont été estimées en hiver en Camargue et dans 90 ONCFS Rapport scientifique 2006 l estuaire de la Loire. Sur ces deux sites, un fort turn-over des individus a été démontré. Ce turn-over reflèterait mieux les variations de survie locale qu une mortalité réelle élevée. En outre nous avons mis en évidence une sousestimation, lors des comptages, des oiseaux fréquentant un site (2,1 et 2,5 fois), levant ainsi le voile sur un des problèmes majeurs soulevés par la comparaison entre les tableaux de chasse annuels et ces comptages : le nombre de sarcelles tuées ne serait que deux fois égal au nombre fréquentant la zone, au lieu de quatre fois égal au nombre maximum recensé instantanément. Jusqu à présent, les dates de départ en migration pré-nuptiale étaient déterminées essentiellement par les comptages. Or cette méthode peut ne pas refléter le turn-over des individus. À partir de données de retour de bagues de sarcelle, la date de départ en migration a été estimée à la première décade de février en Camargue. Ceci est cohérent avec les résultats antérieurs issus des comptages. Nous offrons donc des connaissances solides sur les dates de migration qui devraient servir dans les instances décisionnelles concer nant la réglementation de la chasse. Ainsi, même si les données de baguage devraient être privilégiées si disponibles, les comptages d oiseaux sont fiables pour déterminer les dates de départ des sarcelles, et potentiellement d autres canards. Définir et étudier les périodes clés, par exemple celles susceptibles d affecter le succès de reproduction futur, dans le cycle biologique des migrateurs est crucial afin d assurer leur bonne gestion. Pour ce faire, le temps moyen alloué à l’alimentation et le comportement des canards ont été déterminés de février à août sur différents sites le long de la voie de migration ouest européenne. L activité d alimentation diurne augmente, tandis que l activité nocturne semble être à son optimum. Ceci est cohérent avec l hypothèse selon laquelle les canards seraient des reproducteurs « sur revenu » (« income breeders »), c’est-à-dire qu’ils utiliseraient des ressources exogènes pour satisfaire une augmentation de leurs besoins énergétiques liée à la reproduction. Aucune différence inter-sexe n a été notée chez les sarcelles, mâles comme femelles seraient des reproducteurs « sur revenu ». Qui plus est, toujours suivant un gradient latitudinal sud-nord, leur profondeur d alimentation augmente. Ceci pourrait ref léter leur changement de régime alimentaire (graines en hiver et essentiellement invertébrés en été). Toutefois, la fréquence de dérangement par des prédateurs Thèses soutenues en 2006 potentiels diminue parallèlement. Ce relâchement de la pression de prédation pourrait leur permettre de passer plus de temps en alimentation aux périodes de forts besoins énergétiques et d’utiliser les comportements les plus risqués (plus grande profondeur d alimentation). De plus, la durée des épisodes d’alimentation et des interruptions entre ceux-ci ne varient pas au cours de l’année ; les sarcelles adapteraient leur niveau de vigilance par le choix des méthodes d’alimentation, et non par l’organisation du temps entre vigilance et alimentation. Un pré-requis à toute étude de disponibilité alimentaire et capacité d accueil des milieux est de connaître la réponse fonctionnelle des consommateurs. Une expérience sur des sarcelles en volière a été menée en leur proposant différentes densités de graines. Une relation linéaire a été obtenue entre celle-ci et la vitesse d’ingestion. Toutefois, lorsque la densité de graines dépasse un certain seuil la réponse prend la forme d’une deuxième augmentation linéaire, avec une pente bien inférieure à celle de la première partie. Ce seuil marquerait un changement de méthode d alimentation : de la filtration à la prise de « bouchées », des contraintes différentes y étant associées. Toutefois ce seuil correspond au maximum de densité de graines jamais observé en milieu naturel sur les sites d alimentation des canards. Ils ne rencontreraient de telles densités qu exceptionnellement au cours de leur vie. Ceci a des implications directes pour la gestion et la conservation des habitats des sarcelles : aux densités de ressources alimentaires présentes dans les milieux naturels, toute augmentation de ces ressources entraînera une augmentation du gain individuel. Il est indispensable de prendre ceci en compte sur les dernières haltes et les sites de reproduction, où le temps d’alimentation plus élevé suggère des besoins énergétiques plus grands. Enfin, les niveaux d’eau doivent être gérés de façon à ce que les graines soient accessibles à faible profondeur en hiver et au printemps, car le risque de prédation alors plus grand semblerait limiter les méthodes d’alimentation employées. L étude des disponibilités alimentaires et des comportements est essentielle pour définir de potentielles limitations de ressources. Nous avons montré une séparation des niches écologiques et des comportements entre les espèces de canards de surface sur une halte migratoire. Les caractéristiques écomorphologiques pourraient jouer un rôle dans la sélectivité des aliments et permettre à ces espèces de cohabiter en limitant la compétition par interférence. Un pré-requis indispensable à l étude de la valeur relative et capacité d accueil des sites utilisés par les migrateurs est de connaître la masse des items alimentaires. Nous avons fourni une table de référence présentant le poids moyen des graines de 200 taxa de plantes présentes sur les sites d alimentation des canards. Puis grâce à cette table nous avons pu calculer la densité calorique en ressources alimentaires disponibles sur les sites d alimentation. De janvier à août, un changement de disponibilité alimentaire apparait (diminution pour les graines liée à la germination et déplétion, augmentation pour les invertébrés liée aux éclosions et émergences). Ceci coïncide avec le changement d alimentation connu des canards de surface pouvant traduire de l opportunisme ou une préférence alimentaire pour les invertébrés. Différentes théories tentent d expliquer l’évolution de la migration de longue distance des oiseaux en se fondant sur la ressource alimentaire. Par exemple : 1) les oiseaux migrent pour se reproduire sur des sites plus riches que ceux qu ils utilisent en hiver et quittent au printemps, et 2) leur présence sur un site coïnciderait avec les meilleures conditions possibles en termes de ressources alimentaires sur ce site. Or les pics de migration observés ont lieu bien avant l apparition du pic de ressources alimentaires. Par contre l éclosion des canetons coïncide avec un pic d’abondance d’invertébrés sur les lacs boréaux, comme établi dans des études antérieures, même si la disponibilité alimentaire n est pas significativement différente entre ces sites et les sites de Camargue (hivernage) à cette date. Ceci suggère qu’il faut rejeter les deux hypothèses précédemment formulées. Toutefois, au sein d’un site donné le comportement des oiseaux (notamment en reproduction) semblerait lié aux variations de l’abondance de ressources alimentaires. Nous suggérons que pour assurer une bonne gestion des espèces migratrices, et notamment celles chassées, des études telles que celle ci mais également sur la nutrition durant la migration pré-nuptiale sont essentielles. Les mécanismes régulant la migration méritent également d’être étudiés plus en détail dans le futur si l’on désire pouvoir fournir des modèles prédictifs de dynamique de population à l’échelle de l’année. ONCFS Rapport scientifique 2006 91 ublications Revue aune sauvage Brandt S., Baubet E., Vassant J. & S. Servanty – Régime alimentaire du Sanglier en milieu forestier de plaine agricole. n° 273 : 20-27. Bro E., Joannon A., Thenail C., Baudry J. & P. Mayot – Aménagement de l’habitat pour la Perdrix grise en plaine de grande culture. À la recherche de compromis avec les agriculteurs. n° 273 : 4-11. Bro E. & P. Mayot – Opérations de reconstitution des populations de perdrix grises et de perdrix rouges en France. Bilan quantitatif et acquis techniques. n° 274 : 6-24. 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Stratégie nationale pour la biodiversité Introduction, Pierre Migot . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . – Vivre longtemps pour mieux se reproduire ? La stratégie conservatrice du bouquetin des Alpes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Carole To go, acques Michallet, aniel Blanc, Fran ois Couilloud, ean-Michel aillard, Marco Festa-Bianchet aniel Maillard – Extension des domaines skiables et grand tétras : l’expertise ONCFS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Emmanuel Ménoni, Pierre efos du au Philippe Blanc – Conditions climatiques et succès de reproduction du lagopède alpin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Claude ovoa, Aurélien Besnard, ean Fran ois Brenot aurence . Ellison – Comparaison du comportement spatial d’ours bruns réintroduits et non réintroduits en Europe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Pierre- ves uenette, eorg auer, juro uber, Petra azens y, Felix nauer, Andrea Mustoni, Santiago Palazon Frederico ibordi – Études de la faune sauvage de Guyane par piège-photo automatique. Premiers résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Cécile ichard- ansen, aure ebeir, ucile udoignon Philipe aucher . . 10 . 1 . 21 . 2 Équilibre for t-gibier Introduction, Daniel Maillard & François Klein . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 – Réduction de l’effort d’échantillonnage pour estimer le taux d’abroutissement sur le sapin pectiné en forêt de montagne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . acques Michallet Philippe Aubry Oiseaux migrateurs et zones humides Introduction, Jean-Marie Boutin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . – Carnets de prélèvement pour la chasse de nuit. Résultats pour la saison 2004/05 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Vincent Schric e, égis argues Fran ois Auroy – Relation entre abondance de fruits et de grands turdidés en milieux méditerranéens en automne-hiver. Les cas du merle noir et de la grive mauvis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . enis oux – Rôle épidémiologique du cygne tuberculé et des autres anatidés dans l’épisode d’influenza aviaire H5N1 HP dans la Dombes en 2006 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ean ars, Sandrine uette, Maurice Benmergui, Carol Fouque, ean- ves Fournier, Arnaud egouge, Martine Cherbonnel, aniel Baroux, Catherine upuy Véronique estin 0 2 Petit gibier et agrosystèmes Introduction, François Reitz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . – Impact des cultures faunistiques et d’un plan de chasse sur la dynamique des populations de perdrix rouge . . . . . . . . . . . . . Fran oise Ponce-Boutin, ean-Fran ois Mathon Tanguy e Brun – Immunité maternelle et impact des maladies : l’exemple de la myxomatose chez le lapin de garenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ean-Sébastien uitton, avid Fouchet, Stéphane Marchandeau, Michel anglais ominique Pontier – Mise au point et validation d’un système de marqueurs génétiques pour les perdrix rouges hybrides . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Michel Vallance, uillaume ueney, ominique Soyez ean-Claude icci 1 Thèses soutenues en Introduction, François Klein . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . – Conséquences du parasitisme sur la dynamique des populations d’hôtes : exemples d’agents abortifs dans des populations de chamois ( upicapra rupicapra) et d’isards ( upicapra pyrena ca) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Maryline Pioz – Conséquences de la chasse et des contraintes environnementales sur la démographie des populations d’ongulés : l’exemple du mouflon méditerranéen (Ovis gmelini musimon x Ovis sp.) et de l’élan en Norvège (Alces alces) . . . . . . . . . . . Mathieu arel – Rôle des anticorps maternels dans le changement d’impact d’une maladie infectieuse. Impact du choix du modèle pour la compréhension des interactions hôte parasites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . avid Fouchet – Réseau trophique de l’anse de l’Aiguillon : dynamique et structure spatiale de la macrofaune et des limicoles hivernants . . elphine egré – Écologie des sarcelles d’hiver et des autres canards de surface : connexion entre les sites d’hivernage, les haltes migratoires et les zones de reproduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Céline Arzel Publications 2 .. .. .. .. .. 90 .................................................................. 92 ONCFS Rapport scientifique 2006 95 Contacts à l’Of ce national de la chasse et de la faune sauvage Site internet Missions auprès du Directeur général http://www.oncfs.gouv.fr Communication Directions 85 bis, avenue de Wagram – BP 236 75822 Paris Cedex 17 Tél. 01 44 15 17 17 Fax 01 47 63 79 13 Direction générale 85 bis, avenue de Wagram – BP 236 75822 Paris Cedex 17 Tél. 01 44 15 17 17 Fax 01 47 63 79 13 Conseil juridique 85 bis, avenue de Wagram – BP 236 75822 Paris Cedex 17 Tél. 01 44 15 17 17 Fax 01 47 63 79 13 CNERA Faune de montagne 95, rue Pierre Flourens – BP 4267 34098 – Montpellier Cedex 5 Tél. 04 67 10 78 04 Fax 04 67 10 78 02 CNERA Prédateurs-animaux déprédateurs 5, Allée de Bethléem Z.I. Mayencin 38610 – Gières Tél. 04 76 59 13 29 Fax 04 76 89 33 74 Direction des ressources humaines 85 bis, avenue de Wagram – BP 236 75822 Paris Cedex 17 Tél. 01 44 15 17 17 Fax 01 47 63 17 13 Relations avec le monde cynégétique CNERA Petite faune sédentaire de plaine 85 bis, avenue de Wagram – BP 236 75822 Paris Cedex 17 Tél. 01 44 15 17 17 Fax 01 44 15 17 04 BP 20 78612 Le Perray-en-Yvelines Cedex Tél. 01 30 46 60 00 Fax 01 30 46 60 99 Actions internationales Unité sanitaire de la faune 85 bis, avenue de Wagram – BP 236 75822 Paris Cedex 17 Tél. 01 44 15 17 17 Fax 01 44 15 17 04 BP 20 78612 Le Perray-en-Yvelines Cedex Tél. 01 30 46 60 00 Fax 01 30 46 60 99 Division de la formation Le Bouchet – 45 370 Dry Tél. 02 38 45 70 82 Fax 02 38 45 93 92 Direction de la police BP 20 78 612 Le Perray-en-Yvelines Cedex Tél. 01 30 46 60 00 Fax 01 30 46 60 83 Direction des études et de la recherche BP 20 78 612 Le Perray-en-Yvelines Cedex Tél. 01 30 46 60 00 Fax 01 30 46 60 67 Informatique 11, avenue de Fontmaure 63400 Chamalières Tél. 04 73 19 64 43 Fax 04 73 19 64 49 Centres nationaux d’étude et de recherche appliquée (CNERA) et autres unités d’étude Direction des actions territoriales BP 20 78 612 Le Perray-en-Yvelines Cedex Tél. 01 30 46 60 00 Fax 01 30 46 60 60 CNERA Avifaune migratrice 53, rue Russeil – 44000 Nantes Tél. 02 51 25 03 90 Fax 02 40 48 14 01 Direction financière et agence comptable BP 20 78 612 Le Perray-en-Yvelines Cedex Tél. 01 30 46 60 00 Fax 01 30 46 60 60 96 ONCFS Rapport scientifique 2006 CNERA Cervidés-sanglier 1, place Exelmans 55000 – Bar-le-duc Tél. 03 29 79 68 79 Fax 03 29 79 97 86 Centre de documentation BP 20 78612 Le Perray-en-Yvelines Cedex Tél. 01 30 46 60 00 Fax 01 30 46 60 99 Crédits photographiques de la couverture : P. Granval/ONCFS, J.B. Puchala/ONCFS Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage Direction des Études et de la Recherche Mission Communication Directeur de la Publication Jean-Pierre Poly Conception graphique et réalisation Desk (53 940 St Berthevin) Impression Bialec, Nancy Achevé d’imprimer : 3e trimestre 2007 85 bis avenue de Wagram 75017 Paris www.oncfs.gouv.fr Rapport scientifique 2006