Rapport scientifique 2006

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Rapport scientifique 2006
85 bis avenue de Wagram
75017 Paris
www.oncfs.gouv.fr
Rapport scientifique 2006
Rapport scientifique
2006
2005
S O M M A I R E
Édito
3
Stratégie nationale pour la biodiversité
4
Équilibre forêt-gibier
32
Oiseaux migrateurs et zone humides
40
Petit gibier et agrosystèmes
64
Thèses soutenues en 2006
82
Publications 2006
92
Table des matières
95
Des connaissances pour agir…
De multiples constats ne suffiront pas. Pour s’engager dans l’identification
des causes et des remèdes, et proposer des alternatives de gestion favorables à la biodiversité, les programmes de recherche et d’expérimentation
tels qu’ils sont conduits à l’Office national de la chasse et de la faune
sauvage, affrontent avec diverses approches quelques-unes de ces questions complexes. Le recours aux armes de la recherche fondamentale et,
en conséquence, le partenariat avec les meilleurs instituts de recherche
scientifique peut parfois s’avérer nécessaire. Ainsi, par exemple, « visionner » certaines séquences d’ADN du génome nucléaire de la perdrix rouge
afin d’aider les éleveurs de gibier et les responsables cynégétiques à distinguer et à éliminer les hybrides « cachés » résultant d’un ancien métissage avec les perdrix choukars préjudiciable aux populations sauvages,
nécessite des outils appropriés. Il en va de même pour la modélisation des
mécanismes d’immunité naturelle et de transmission épidémique de la
myxomatose au sein des populations de lapin de garenne pour en déduire
les impacts démographiques et parvenir, ensuite, à mieux les maîtriser.
C’est également grâce à une démarche de recherche approfondie en
dynamique des populations – fort appréciée par les gestionnaires auxquels elle a été présentée lors du « Colloque Sanglier » de mars 2007
– que l’on se rapproche de la mise au point d’un outil efficace de régulation raisonnée des populations de ce bel animal.
Il ne s’agit pas pour l’Office national de la chasse et de la faune sauvage
de consolider par quelques certitudes des connaissances déjà bien établies.
Le déroulement de ses différents programmes, dont le nouveau rapport
scientifique donne un aperçu très sélectif, est orienté avec des échéances
parfois tardives, réclamant patience et persévérance, vers la mise en
œuvre de protocoles opérationnels et la recommandation de solutions
concrètes, simples et robustes, aux gestionnaires de la faune sauvage et
de ses habitats.
Jean-Pierre Poly
Directeur Général.
É D I T O
Aujourd’hui, ces constats sont de plus en plus largement dressés, et partagés. Même si, heureusement, de nombreux exemples portant parfois
sur de vastes groupes d’espèces – le dernier recensement des populations
mondiales d’oiseaux d’eau publié par Wetlands International (2006)
montre que la majorité des espèces sont en situation de développement
ou de stabilité – entretiennent notre conviction qu’il ne faut jamais
désespérer et qu’un rétablissement de statut peut toujours être envisagé,
pour peu qu’on s’en préoccupe véritablement et s’en donne les moyens.
Crédit photo – O. Thomas
Chaque année, de nouveaux inventaires nous révèlent la situation délicate de telle ou telle espèce animale ou végétale, et notre perception des
impacts et réactions en chaîne entraînés par le « changement global »
dans les écosystèmes en devient à chaque fois plus nette.
Stratégie
pour la
Photo © L. Barbier/ONCFS
L
e contrat d’objectifs passé entre
l’État et l’ONCFS pour la période
2006-2008 retient, parmi les
axes stratégiques de l’Établissement, le
soutien de l’État dans ses actions mises
en œuvre pour atteindre les objectifs de la
Stratégie nationale pour la biodiversité.
Ce contrat d’objectifs précise que l’ONCFS
concourra au Plan d’action pour le patrimoine naturel qui « a pour ambition de
contribuer fortement à atteindre les finalités
de la stratégie que sont le maintien des écosystèmes et des habitats, du fonctionnement
des écosystèmes, l’amélioration de la trame
écologique du territoire et la définition d’indicateurs pour suivre les progrès réalisés.
Ces finalités concernent aussi bien la métropole que les collectivités d’outre-mer ».
Le développement des connaissances sur
la biodiversité, et leur diffusion, est l’un
des quatre objectifs prioritaires de ce
Plan. Les actions en matière d’études et de
recherche à l’ONCFS sont définies sur les
mêmes bases.
En 2006, l’Office a été associé à la mise
en place du Système d’information sur
la nature et les paysages (SINP), prévu
dans le Plan et piloté par la Direction
de la nature et des paysages (Ministère
4
ONCFS Rapport scientifique 2006
de l’écologie, de l’aménagement et du
développement durables). Le catalogage
des données diffusables a commencé.
Ces données, recueillies depuis plus
de vingt ans avec l’appui de réseaux
d’observation de la faune sauvage et
de ses habitats animés par l’ONCFS et
impliquant de nombreux partenaires
(fédérations départementales des chasseurs, Office national des forêts, Parcs
nationaux, associations naturalistes,
etc.) seront ainsi à nouveau valorisées.
Par ailleurs, à partir des connaissances acquises, l’ONCFS a aussi réalisé
en 2006 des fiches sur l’état de conservation de 14 espèces de mammifères
déclarés d’intérêt communautaire par la
Directive européenne « Habitats, Faune,
Flore » : chat sauvage, martre, putois,
genette, loup, lynx, ours, bouquetin,
chamois, isard, mouflon de Corse, castor, grand hamster et lièvre variable.
Le suivi des mammifères et des oiseaux
repose sur des méthodes maintenant largement éprouvées et applicables sur le terrain, même si la mise au point de nouveaux
indicateurs se poursuit pour permettre
le suivi de certaines espèces (ongulés, par
exemple) à des échelles de gestion appropriées. En Outre-mer, en revanche, les
outils de suivi demandent encore à être
développés. Recenser la faune dans la forêt
guyanaise et estimer les densités des populations, n’est pas aisé. Des connaissances
de base s’avèrent encore nécessaires pour
certaines espèces dont les enjeux de protection sont importants. Le tapir figure
parmi les espèces prioritaires définies
dans les Orientations régionales de gestion de la faune sauvage et de l’amélioration de la qualité de ses habitats (ORGFH)
de Guyane. Un article présenté dans ce
chapitre expose les premiers résultats du
suivi de cette espèce obtenus à partir de
pièges-photographiques et développe les
perspectives de cette technique.
Les informations recueillies dans le cadre
des réseaux d’observation permettent de
suivre l’évolution d’aires de répartition,
les f luctuations d’effectifs (de manière
absolue ou relative, à partir d’indicateurs
d’abondance) et de préciser des paramètres démographiques comme les taux de
reproduction ou les taux de mortalité.
L’incorporation de ces paramètres dans
des modèles démographiques multi-états
avec des variables descriptives de l’habitat permet d’établir des scénarii sur
l’évolution des populations. Ce « monitoring intégré » des espèces, associant
scientifiques, observateurs de terrain et
gestionnaires, est l’outil indispensable à
toute gestion rationnelle (conservation ou
exploitation). L’étude menée en collaboration avec le CNRS sur le bouquetin des
Alpes, présentée ici, repose sur un suivi
à long terme (plus de 25 ans) et s’inscrit
parfaitement dans cette démarche. Elle
permet de mieux comprendre le poids de
chaque classe d’âge dans la dynamique
des populations de l’espèce au cours de
deux périodes contrastées en termes de
conditions environnementales. Pour une
nationale
biodiversité
gestion durable des populations chassées
(en Suisse, par exemple), il apparaît indispensable de prendre en compte la stratégie
très conservatrice des mâles (forte participation à la reproduction des sujets les plus
âgés), sans oublier un monitoring à long
terme des populations.
« Sauver les populations d’espèces les plus
menacées » constitue un autre volet du
Plan d’action pour le patrimoine naturel
qui s’inscrit dans le maintien de la bonne
qualité écologique des territoires. Pour
ce faire, l’État a mis en place des plans
de restauration pour certaines espèces.
L’ONCFS participent à certains plans
avec des degrés d’implication variable.
La coordination du suivi des populations, souvent assuré grâce à des réseaux
d’observateurs, a été confiée à l’ONCFS
pour certaines espèces comme l’ours et le
hamster. En complément, des études sont
mises en place afin de fonder les actions
de protection. Ainsi les travaux sur l’utilisation de l’habitat du grand hamster
indiquant clairement ses préférences pour
la luzerne ou les céréales d’hiver ont-ils
orienté les mesures conservatoires proposées aux agriculteurs. Dans d’autres cas,
les études visent a évaluer les mesures de
gestion mises en place. C’est le cas de celle
sur la comparaison du comportement
spatial des ours bruns introduits et non
réintroduits en Europe, présentée dans
ce rapport scientifique. Ce travail montre
que le déplacement des ours réintroduits
est nettement supérieur à celui des ours
Les articles de ce chapitre font référence aux
programmes du contrat d’objectifs suivants :
R1.1 Petit gibier, migrateurs terrestres et
agrosystèmes
R1.2 Ongulés et équilibre agro-sylvo-cynégétique
R1.4 Prédateurs et déprédateurs
non déplacés. En conséquence, il préconise
une échelle spatiale d’au moins 2 000 à
3 000 km² pour les analyses écologiques,
socio-politiques et économiques préalables à un projet de réintroduction ou de
renforcement des populations de cette
espèce. Le choix du site de lâcher s’avère,
lui aussi, très important.
L’ONCFS participe également indirectement aux recherches sur le thème « Biodiversité et changement global ». Le changement climatique, une des composantes
du changement global, est une menace
pour les écosystèmes en termes de diversité biologique et d’évolution comportementales de la faune au cours des saisons.
Chez les oiseaux, différentes recherches
ont montré que les f lux migratoires se
sont modifiés en Europe depuis les années
1970. Prédire les conséquences démographiques nécessite au préalable une
meilleure compréhension des relations
entre climat et traits de vie des populations d’oiseaux. C’est sur ce constat qu’une
étude a été lancée, visant à définir le succès
de reproduction du lagopède alpin en fonction des conditions climatiques observées
sur dix sites d’études répartis le long d’un
gradient latitudinal allant des Pyrénées
au Spitzberg. Les observations de terrain
dans les Pyrénées suggèrent un net recul
de l’espèce dans les parties centrale et occidentale de la chaîne au cours de ces dernières années. Cette situation pourrait être
mise en relation avec une augmentation
générale des précipitations en juillet dans
les Pyrénées, mais de façon plus marquée
dans les parties occidentale et centrale.
Le changement global ne se limite pas au
seul changement du climat et de la composition de l’atmosphère. Il concerne toutes les modifications majeures engendrées
notamment par les activités anthropiques
(changements d’usage des terres, pollutions, etc.). En montagne, la pression
humaine exercée par les activités de loisirs n’a cessé de croître depuis les années
1950, avec un développement important
des domaines skiables dans les années
1960-1970 entraînant des aménagements (pistes), des équipements (câbles
des dispositifs de transports) et une présence humaine élevée en hiver. Le grand
tétras est une espèce particulièrement
sensible aux modifications de l’habitat.
L’étude présentée ici s’appuie sur des éléments précis de la répartition de cette
espèce (issue de la base de données de l’Observatoire des galliformes de montagne),
sur des connaissances approfondies de sa
biologie et enfin sur des outils de modélisation adaptés, pour dénouer un conflit
entre conservateurs et aménageurs d’une
station de ski pyrénéenne. Ce travail a permis d’éviter la radicalisation pour aboutir
à des préconisations concrètes, acceptés
par les gestionnaires concernés. Retenons
que quelles que soient les conclusions de
telles études, les décisions prises seront
d’autant moins contestées qu’elles seront
fondées sur des données factuelles et sur
des expertises détaillées et rigoureuses.
Pierre Migot
Directeur-adjoint
des études et de la recherche
ONCFS Rapport scientifique 2006
5
Stratégie nationale pour la biodiversité
Vivre longtemps pour mieux se reproduire ?
La statégie conservatrice du bouquetin des Alpes
Carole Toïgo, Jacques Michallet, Daniel Blanc,
François Couilloud, Jean-Michel Gaillard*, Marco Festa-Bianchet** & Daniel Maillard
* CNRS – UMR 5558, Laboratoire de biométrie et biologie évolutive, Université de Lyon 1 – 69622 Villeurbanne Cedex
** Université de Sherbrooke (Québec, Canada)
Contexte de l’étude
Chez les ongulés à fort dimorphisme sexuel, il est généralement reconnu que le sexe et l’âge sont les principaux
facteurs de variation de la survie adulte au sein d’une espèce (Festa-Bianchet et al., 2003).
Chez les individus adultes, le taux de survie annuel diminue avec l’âge, à la suite de processus de détérioration
physiologique liés au vieillissement (Hamilton, 1966). Pour les ongulés, quatre classes d’âge sont
traditionnellement reconnues (Gaillard et al., 2000) : (1) « sub-adultes » : âge de 1 à 2 ans, survie généralement
faible et variable ; (2) « jeunes adultes » : âge de 2 à 8 ans, survie très forte et sans variabilité temporelle ;
(3) « vieux adultes » : âge de 8 à 13 ans, survie qui commence à diminuer en raison du vieillissement, et qui
peut varier en fonction des conditions environnementales ; (4) « sénescents » : âge à partir de 13 ans, survie
qui diminue fortement en raison du vieillissement.
L’évolution de la survie en fonction de l’âge dépend fortement des stratégies bio-démographiques. En
conséquence, elle n’est pas la même pour les mâles et les femelles des espèces dimorphiques, dont les
stratégies d’histoire de vie sont différentes (e.g. Clutton-Brock, 1982).
Parce qu’elle a un impact très fort sur le taux de multiplication des populations, la survie des femelles semble
avoir été canalisée au cours de l’évolution, de manière à être très élevée et constante dans une large gamme
de conditions environnementales (Gaillard & Yoccoz, 2003). Quand les conditions sont mauvaises, les femelles
limitent leur effort de reproduction au bénéfice de leur survie. Au contraire, les mâles d’espèces polygynes sont
censés maximiser leurs tentatives d’accouplement, même quand les conditions sont mauvaises.
Chez les ongulés des zones tempérées, le rut a lieu juste avant l’hiver et engendre de fortes dépenses énergétiques
pour les mâles (combats, grands déplacements, diminution drastique du temps alloué à l’alimentation…), de
sorte qu’ils entrent en hiver affaiblis. Parce qu’ils sont plus grands, les mâles ont des besoins énergétiques
absolus supérieurs à ceux des femelles. Ces deux facteurs conjugués expliquent que chez de nombreuses
espèces d’ongulés dimorphiques, les mâles adultes montrent une survie annuelle plus faible et plus variable que
celle des femelles quand les conditions du milieu ne sont pas optimales (Toïgo & Gaillard, 2003).
Peu d’études ont jusqu’à présent estimé les variations de la survie avec l’âge en fonction des variations
environnementales sur une même population. C’est ce que nous avons fait sur la population de bouquetin des
Alpes (Capra ibex) de Belledonne-Sept-Laux, au cours de deux périodes contrastées. Une période de très haute
performance de la population, pour laquelle les conditions environnementales étaient optimales, et une période
de faible performance, liée à une détérioration des conditions du milieu.
Conformément à la théorie et aux résultats de précédentes études sur les ongulés, nous attendions plus
particulièrement (1) que la survie des jeunes des deux sexes soit inférieure à celle des adultes et qu’elle diminue
quand les conditions sont moins bonnes, (2) que la survie des jeunes adultes soit similaire dans les deux sexes
au cours de la bonne période, mais que les mâles survivent moins bien que les femelles dans la mauvaise, et (3)
que la survie des femelles « jeunes adultes » soit élevée et ne dépende pas de la période, alors que la survie des
mâles de tout âge devrait diminuer dans la mauvaise période.
Méthode : CaptureMarquage-Recapture
L’étude s’est déroulée sur la population de bouquetin des Alpes réin-
6
ONCFS Rapport scientifique 2006
troduite en 1983 dans le massif
de Belledonne-Sept-Laux. De 1983
à 2004, 117 femelles (âgées entre
1 et 13 ans) et 215 mâles (âgés
entre 1 et 12 ans) ont été capturés, marqués de bagues auriculaires
de couleur, et suivis visuellement. La
survie de ces individus a été estimée
à l’aide de la méthode de capturerecapture (visuelle) en utilisant le logiciel M SURGE (Choquet et al., 2005).
Les tests préliminaires d’ajustement
Stratégie nationale pour la biodiversité
ont montré de la « dépendance à
la capture » : les animaux vus une
année donnée avaient plus de chances
d’être revus l’année suivante que les
animaux non vus. Pour prendre en
compte cet effet, nous avons développé
un modèle à deux états, qui estime
une probabilité de recapture différente
en fonction de l’état (vu ou non vu) de
l’année précédente.
Résultats : une survie
exceptionnellement
élevée
Des mâles atypiques
La survie des mâles âgés de 2 à
13 ans s’est révélée très élevée, dans
la bonne comme dans la mauvaise
période. Contrairement à ce que nous
attendions, les mâles ont continué
à avoir une survie aussi forte que
celle des femelles quand les conditions environnementales se sont
détériorées.
Une forte variabilité de la survie liée à
l’âge dans les deux sexes a été entièrement prise en compte par le modèle à
4 classes d’âge (figure 1).
Des sub-adultes « immortels »
Entre 1983 et 1997, la population a connu des conditions environnementales optimales, comme attesté
par les très bonnes performances
démographiques : taux de multiplication de 1,28 et proche du maximum
pour un ongulé monotoque (1), âge de
1re reproduction très précoce (2 ans),
près de 90 % des femelles adultes se
reproduisant chaque année, pas de
variabilité inter-individuelle du succès
de reproduction des femelles. À partir de 1998, les performances de la
population ont décliné, reflétant une
détérioration de la qualité de l’habitat, certainement liée à des phénomènes de densité-dépendance : âge de
1re reproduction reculé à 3, puis 4 ans,
70 % seulement des femelles adultes
se reproduisant chaque année, qualité
phénotypique des mâles (mesurée par
le poids ou la taille des cornes) en
diminution.
Pour les animaux âgés de 1 à 2 ans, la
survie a été estimée à 1 à partir de notre
échantillon, et quelle que soit la période :
sur les 32 femelles et les 56 mâles marqués à 1 an, tous ont été revus au moins
une fois à 2 ans ou plus !
Des femelles classiques
Comme attendu, les femelles ont montré une survie très forte au stade jeune
adulte (0,995) et constante au cours
du temps dans toutes les classes d’âge :
la survie des femelles a donc bien résisté
aux variations environnementales.
Le patron de survie en fonction de
l’âge des bouquetins mâles est bien
différent de ceux des mâles bighorn et
chevreuil (figure 2b). Pour ces derniers,
la décroissance est relativement lente,
et régulière dès l’âge de 2 ans. Pour
le bouquetin au contraire, la survie
est très élevée et quasiment constante
jusqu’à 10-12 ans, et connaît ensuite
un déclin drastique.
Même si, quel que soit l’âge, la survie des femelles bouquetin est plus
élevée que celle des femelles chevreuil
ou bighorn, les patrons de survie en
relation à l’âge sont similaires pour les
trois espèces (figure 2a), avec un déclin
lent et régulier.
Nous avons estimé la survie par classe
d’âge en fonction de ces deux périodes, séparément pour mâles et femelles. Nous avons également modélisé
une décroissance continue de la survie
avec l’âge (modèle de Gompertz) afin
de pouvoir comparer le patron de
sénescence du bouquetin avec celui du
bighorn (Ovis canadensis) et du chevreuil (Capreolus capreolus) (Gaillard
et al., 2004).
femelles
0,95
mâles
0,85
0,75
Survie
Divers modèles prenant en compte ou
non l’âge et le temps, et de manière
variée, ont été testés. L’ensemble des
modèles testés n’est pas fourni ici,
mais les modèles présentés (4 classes
d’âge et Gompertz) ont été ceux retenus
pour les deux sexes.
Seule la survie des vieux mâles a
diminué au cours de la mauvaise
période, la survie des jeunes adultes
n’étant pas affectée par la variabilité
des conditions environnementales. Au
cours de la bonne période, les mâles
âgés de 8 à 13 ans ont eu une survie
plus forte que celle des femelles. La
baisse de la survie de cette classe d’âge
lors de la seconde période a ramené
la survie des mâles au niveau de celle
des femelles.
0,65
0,95
0,55
0,45
0,85
0,75
bonne
bonne
mauvaise
mauvaise
0,35
0,25
1
2-7
8-12
>12
Classes d'âge
(1) Qui produit en moyenne un seul jeune
par an.
Figure 1 : Estimation des taux de survie par classe d’âge chez le bouquetin des Alpes dans la
population de Belledonne-Sept-Laux. La survie des mâles âgés de 8 à 13 ans varie en fonction de
deux périodes contrastées de conditions environnementales.
ONCFS Rapport scientifique 2006
7
Stratégie nationale pour la biodiversité
peu d’énergie à la croissance, au bénéfice de la maintenance, ce qui conduit
à une survie sub-adulte exceptionnellement élevée.
a) Femelles
1
bighorn
bouquetin
Survie
0,8
0,6
0,4
chevreuil
0,2
0
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20
Âge (en années)
b) Mâles
1
bouquetin
Survie
0,8
0,6
bighorn
chevreuil
0,4
0,2
0
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20
Les mâles bouquetin montrent un
système d’appariement inusuel. Ils
pratiquent le tending (2), comme beaucoup d’autres espèces d’ongulés, mais
ils se montrent très réticents à combattre pendant le rut. En outre, ils
suivent très respectueusement une
hiérarchie établie sur le poids et la
taille des cornes (Toïgo, 1998). Dans
la population de Belledonne, les jeunes mâles n’adoptent pas de stratégie
alternative de coursing (3), très coûteuse en énergie, comme c’est le cas
pour le bighorn par exemple. Comme
les bouquetins mâles grandissent tout
au long de leur vie, les vieux mâles
sont aussi les plus gros et avec les plus
grandes cornes, et donc les plus susceptibles d’avoir tranquillement accès
aux femelles en œstrus. Les mâles ont
donc intérêt à maximiser leur survie,
en participant peu à la reproduction,
jusqu’à un âge où, plus gros que
les autres, ils auront de très fortes
chances d’accouplement.
Âge (en années)
Figure 2 : Évolution de la survie en relation avec l’âge (modèle de Gompertz) pour le bouquetin, le
bighorn et le chevreuil.
Cette stratégie d’histoire de vie très
conservatrice est à prendre impérativement en compte si le bouquetin
Des tactiques
de croissance
et de reproduction
conservatrices
(2) Recherche erratique de femelles en
œstrus.
(3) Poursuite active de femelles en œstrus.
le poids à un an et le poids des femelles adultes (figure 3). Le bouquetin
semble donc adopter une tactique de
croissance conservatrice, en allouant
5,5
Les bouquetins des deux sexes ont une
croissance lente, et atteignent leur
taille adulte tardivement (Toïgo et al.,
1999 ; von Hardenberg et al., 2004).
Comparativement à huit autres espèces d’ongulés, les bouquetins âgés d’un
an sont 50 % plus légers que ce qui est
prédit par la droite de régression entre
8
ONCFS Rapport scientifique 2006
wapiti
5
ln(poids à 1 an)
Si les femelles adultes de bouquetin
des Alpes ont un patron de survie
classique au sein des ongulés, les subadultes des deux sexes et les mâles
montrent une survie étonnamment
élevée et indépendante des conditions
environnementales. Ce résultat atypique peut s’expliquer par une stratégie
d’histoire de vie conservatrice, avec
une croissance lente et une reproduction tardive pour les mâles.
boeuf musqué
4,5
caribou
bighorn
4
antilocapre
3,5
chèvre desRocheuses
chevreuil
cerf mulet
3
BOUQUETIN
2,5
3
3,5
4
4,5
5
5,5
ln(poids adulte)
Figure 3 : Poids des animaux de 1 an en fonction du poids adulte (après transformation logarithmique)
chez huit espèces d’ongulés : les jeunes bouquetins sont 50 % plus légers que ce que prédit la droite
de régression.
Stratégie nationale pour la biodiversité
doit perdre son statut d’espèce protégée. En effet, la chasse, en diminuant
la proportion de vieux mâles induirait une participation plus précoce
à la reproduction, ce qui pourrait
avoir pour effet une diminution de
la survie naturelle des jeunes mâles
qui participeraient au rut plus tôt
que prévu et une baisse du succès
de reproduction des femelles, le pic
du rut étant décalé et la survie
des jeunes en conséquence diminuée
lorsque l’âge des mâles reproducteurs
est plus jeune. Pour tester ces hypothèses, et pour pouvoir développer
une gestion adaptée et durable, qui
perturbe le moins possible l’équilibre
naturel des populations, des études
à long terme par Capture-MarquageRecapture sont nécessaires, par exemple en Suisse là où les populations
sont chassées.
BIBLIOGRAPHIE
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ABSTRACT
To live longer to reproduce better. A conservative reproductive strategy of Alpine Ibex.
Carole Toïgo, Jacques Michallet, Daniel Blanc, François Couilloud,
Jean-Michel Gaillard, Marco Festa-Bianchet & Daniel Maillard
■ Age-specific survival of 215 males and 117 females of the highly sexually dimorphic Alpine Ibex Capra ibex
L. was assessed from a 21-year Capture-Mark-Recapture (CMR) program (1983-2004). The study covered two
contrasted periods of population performance (high performance from 1983 to 1997 vs low performance from
1998 onwards).
■ Based on current life-history theories for sexually dimorphic species, we expected that survival should decrease
with age in both sexes, that female survival should be buffered against environmental variations, that male survival
should decrease during the low performance period, and adult survival should be lower in males than females
during the low performance period.
■ Survival of both sexes was strongly affected by age, with the 4 age classes (yearling, prime-aged adults of 2-8
years of age, old adults of 8-13 years of age, and senescent adults from 13 years of age onwards) generally
reported for large herbivores.
■ Survival of females at all ages, and of yearling and prime-aged males, was buffered against environmental
variations and was the same during periods of high and low population performance. The survival of old males
decreased in years of low population performance.
■ All marked yearlings (32 females, 56 males) survived to age 2. Survival of prime-aged females (0.996 ± 0.011)
was higher than in other large herbivores, but similarly to other large herbivore species, it then declined slowly
and regularly with increasing age. Male survival was 5-15 % higher each year than that of males in other large
herbivores. Males enjoyed very high survival when prime-aged (0.981 ± 0.009) and as old adults (high-performance period : 0.965 ± 0.028, low-performance period : 0.847 ± 0.032).
■ The very high survival of males, coupled with their prolonged mass gain, suggests a highly conservative reproductive tactic. Male Ibex differ from similar-sized herbivores by showing a nearly indeterminate growth in horn
size and body mass. By surviving to an advanced age, males may enjoy high reproductive success because of
their large size.
ONCFS Rapport scientifique 2006
9
Stratégie nationale pour la biodiversité
Extension des domaines skiables et grand tétras :
l’expertise ONCFS
Emmanuel Ménoni, Pierre Defos du Rau & Philippe Blanc
Contexte de l’étude
La pression humaine exercée par les activités de loisirs n’a cessé de croître depuis les années 1950 dans
les montagnes françaises utilisées comme un espace récréatif, et considérées comme tel par les élus et
les pouvoirs publics. Ce nouvel usage de la montagne vient se surajouter à des activités traditionnelles
centenaires (exploitations minière et forestière, agriculture), voire pluri-millénaire (cueillette, pastoralisme),
comme à des activités récentes liées aux infrastructures modernes (transports, hydroélectricité). Il prend
de plus en plus d’importance aux yeux des décideurs, relativement aux modes d’exploitation traditionnels
des montagnes, étant donné les flux financiers qu’il génère. La France s’est engagée massivement dans
l’exploitation des sports d’hiver, et son parc de remontées mécaniques est aujourd’hui l’un des plus importants
de la planète. Ce développement a connu un boom extraordinaire dans les années 1960-1970, dans l’euphorie
de « l’or blanc », sans beaucoup d’attention aux impacts environnementaux et socioéconomiques qu’il pouvait
engendrer. Depuis, la prise de conscience qu’il devait être encadré par un dispositif réglementaire a conduit
à la « Loi Montagne ». C’est le plus souvent dans ce cadre que l’ONCFS est susceptible d’intervenir afin de
produire une expertise relative à l’impact des projets d’aménagement sur la faune sauvage, en particulier sur
les galliformes de montagne, et proposer des mesures compensatoires, voire restauratoires.
Sports d’hiver
et galliformes
de montagne pyrénéens
Dans les Pyrénées, les espaces convoités par les aménageurs de stations de
sports d’hiver coïncident assez précisément avec les habitats préférés par
les galliformes de montagne, et plus
particulièrement le grand tétras et le
lagopède alpin. Pour hiverner, ces deux
espèces « boréo-alpines » affectionnent
en effet les pentes aux expositions
nord, où le manteau neigeux se maintient durant plusieurs mois. En outre,
les tranches d’altitudes les plus favorables à la pratique des sports de glisse
(1400-2400 m), recouvrent complètement celles des structures forestières
les plus recherchées par les grand tétras
de novembre à mai (Ménoni & Corti,
2000). Elles recouvrent également les
zones fréquentées par le lagopède alpin
en hiver, qui s’étendent quelques centaines de mètres au dessus des peuplement forestiers lâches de la zone
écologique dite « zone de combat »
(Novoa et al., 2005).
D’une façon générale, pour des raisons de topographie et de conditions
10
ONCFS Rapport scientifique 2006
nivologiques, les domaines skiables
sont plutôt forestiers dans la moitié est
de la chaîne et supra-forestiers dans la
moitié ouest. En conséquence, l’impact
est vraisemblablement plus fort sur le
grand tétras dans la première situation
(figure 1) et sur le lagopède dans la
deuxième.
Le grand tétras supporte excessivement
mal les contacts répétés avec l’homme,
spécialement en hiver, qui peuvent
conduire à une désaffection des zones
perturbées (Ménoni et al., 1994,),
voire à une disparition des noyaux
locaux (Ménoni et al., 1989). Ainsi,
un « conflit » direct existe entre équipement des domaines skiables pyrénéens et hivernage du grand tétras,
mais aussi du lagopède alpin.
Deux conséquences délétères aggravantes de ces aménagements ont été
constatées.
D’une part, des travaux de l’ONCFS
(Novoa et al., 1990) puis plus tard
de l’Observatoire des galliformes de
montagne (OGM) (Buffet et al., 2006)
ont montré que ces espèces payaient un
lourd tribut aux stations de ski du fait
de la collision mortelle de nombreux
sujets avec les câbles de remontées
mécaniques et les lignes électriques
qui les alimentent. Nos travaux sur
le grand tétras ont montré que cette
cause de mortalité pouvait contribuer
significativement à abaisser le taux
de multiplication des populations, et
donc accélérer le déclin actuellement
constaté (Ménoni & Defos du Rau,
2003).
D’autre part, ces deux espèces sont
très sensibles à la fragmentation de
leurs habitats qui conduit toujours à
une diminution des chances de survie
des populations Ainsi, par exemple,
le grand tétras a fini par s’éteindre
autour de l’an 2000 dans les Alpes
françaises, à la suite d’une fragmentation historique (déforestation de
l’« époque sarde ») puis récente (aménagements touristiques) de ses habitats (Ménoni et al., in press.)
Dans l’est des Pyrénées, la forte
concordance entre les zones d’hivernage et l’implantation des stations de sports d’hiver est patente
(figure 1). Elle indique clairement que
les stations de ski peuvent constituer un élément de fragmentation
important des habitats de cette
Stratégie nationale pour la biodiversité
espèce. Nos travaux antérieurs sur
l’impact des stations de ski sur le
grand tétras montrent également que
l’implantation d’un domaine skiable
et sa fréquentation conduisent à la
suppression effective de plusieurs
domaines vitaux, et donc des oiseaux
correspondant à ces domaines vitaux,
pouvant aller de quelques unités jusqu’à plus de 80 individus (cas du
plateau de Beille ; Brenot et al.,
1996). La perte de plusieurs centaines de domaines vitaux potentiels de
grand tétras peut ainsi être attribuée
à l’équipement touristique hivernal
des montagnes pyrénéennes. Cette
perte a cer tainement joué un rôle
non négligeable dans la diminution
des effectifs : environ 9 000 adultes
des deux sexes dans les années 1960,
3 500 environ actuellement.
Ainsi, lors de projets de modernisation
ou d’extension de domaines skiables,
plusieurs questions se posent pour la
conservation du grand tétras :
– comment estimer l’impact possible
des projets d’aménagement ?
– comment minimiser au maximum
l’érosion des effectifs ?
– est-il possible de proposer des mesures
conservatoires ?
– peut-on faire en sorte que certaines de ces mesures puissent être pro-
fitables à l’ensemble de l’avifaune,
voire à d’autres éléments de la
biodiversité ?
Un cas d’école :
la réouverture
de la piste La Record
– Superbagnères
(Haute-Garonne)
La station de ski de Superbagnères,
sise sur le territoire des communes
de Bagnères-de-Luchon, Castillon-deLarboust et Saint-Aventin, dans le
département de la Haute-Garonne, est
l’un des plus vieux domaines skiables pyrénéens puisqu’il vit le jour aux
environs de 1900. En raison de la
présence de nombreux habitats favorables en périphérie, le grand tétras
n’a, semble-t-il, jamais cessé de le
fréquenter et même de s’y reproduire,
avec toutefois des densités considérablement plus faibles que dans les
zones hors d’atteinte des perturbations occasionnées par le ski hors
piste.
Une piste, dite « la Record », desservie par un télésiège, et située en
plein domaine forestier, avait été
abandonnée en 1992. En 2004, le
gestionnaire actuel de ce domaine
skiable, a décidé d’étudier les possibilités de réhabiliter cette piste en
installant un nouveau remonte-pente
et en faisant des travaux de terrassement incluant la pose de canons
à neige. Ce projet nécessitait la
réalisation d’une étude pour, d’une
part, obtenir l’autorisation spéciale
d’exécution de travaux en site classé
(une partie du projet étant située à
l’intérieur des limites du site classé
de Superbagnères) et, d’autre part,
obtenir diverses autorisations au
titre du code de l’urbanisme.
L’importance de la population de
grand tétras présente sur le site, les
interrogations du monde associatif
sur l’avenir de cette population et
l’existence d’une Zone importante
pour la conservation des oiseaux
(ZICO ; désignée en Zone de protection spéciale en mars 2006) ont
conduit les services de l’État à
demander à l’ONCFS la réalisation
d’une expertise complémentaire afin
d’affiner le diagnostic d’une étude
précédente.
Objectifs à rechercher
Trois objectifs ont été définis afin
d’obtenir des résultats positifs sur le
plan environnemental :
– maintenir, et si possible regagner,
quelques poches de quiétude d’une
surface suffisante (au moins 10 ha
chacune) dans les habitats favorables
à l’hivernage, et donc les soustraire à
toute activité hors piste ;
– conserver les milieux favorables à la
reproduction (éviter en particulier les
décapages systématiques des formations de landes, aux abords des lisières
et des bordures de pistes) ;
– obtenir la visualisation de l’ensemble des câbles identifiés comme dangereux par l’OGM.
La démarche adoptée
1 – Analyse du chevauchement du
projet avec les sites vitaux du grand
tétras
Figure 1 : Répartition des stations de ski sur l’extrémité est des Pyrénées françaises, relativement
aux principales zones d’hivernage du grand tétras.
Les sites vitaux comprennent
les zones d’hivernage, les zones
de nidification et d’élevage des
compagnies et les places de chant.
Ils sont cartographiés par l’OGM et
disponibles dans sa base de données.
Des prospections complémentaires
ONCFS Rapport scientifique 2006
11
Stratégie nationale pour la biodiversité
lorsque ces données sont manifestement impré cises, ou présentent des lacunes, peuvent s’avérer
nécessaires.
2 – Cartographie des zones favorables à l’hivernage, mais actuellement
inaccessibles à l’espèce
Certaines zones présentent une
structure forestière très favorable à
l’hivernage, (peuplement de résineux
clairs, avec beaucoup d’arbres bas
branchus), mais ne sont pas, ou
très peu, fréquentées en hiver, car
soumises à des dérangements répétés
(zones de ski hors piste, de déplacement en raquette…) (figure 2).
La cartographie de ces zones est
indispensable car leur réhabilitation par mise en défens constituera
une mesure compensatoire au sens
propre.
3 – Délimitation des secteurs rendus
accessibles aux pratiques hors piste
par le nouvel aménagement
Ce sont toutes les zones suffisamment pentues et dégagées que le
skieur ou le snow-boarder pourra
atteindre directement, ou au prix
d’une courte approche, et desquelles il pourra rejoindre une remontée
mécanique par simple gravité. Les
surfaces livrées aux pratiques hors
pistes sont la plupart du temps
considérablement plus étendues que
les pistes elles-mêmes.
4 – Calcul des surfaces perdues pour
les oiseaux
On distingue :
– les zones réservées par les infrastructures et les pistes soumises à
terrassement,
– les zones qui ne sont pas physiquement détruites par les aménagements, mais qui seront perdues d’un
point de vue fonctionnel, du fait de
la pratique du hors piste,
– une zone tampon d’au moins 30 m
de largeur (jusqu’à 100 m en cas
d’une forte perméabilité visuelle) de
part et d’autre de toute zone fréquentée. Cette largeur correspond
à la distance de fuite moyenne des
tétras en hiver (Thiel et al., 2007),
12
ONCFS Rapport scientifique 2006
Figure 2 : Localisation des câbles meurtriers du domaine skiable de Superbagnères. Cartographie des
zones d’hivernages condamnée par le projet d’installation d’une remontée mécanique desservant la
piste « Record », en l’absence de mesure spécifique (impact négatif potentiel). Cartographie de zones
d’hivernage potentielles, actuellement désertées en raison du ski hors piste, mais qu’il serait possible
de réhabiliter dans le cadre des mesures compensatoires (impact positif potentiel). (Sources : OGM
– E. Ménoni/ONCFS – EDF – 2005)
dans le cas d’un recouvrement forestier moyen. Aucun tétras ne s’installera en hiver dans cette zone
tampon, même si elle reste vierge
de tout passage humain. Par contre,
nos travaux montrent que la fréquentation par les tétras est possible
au delà de 30 m, selon la topographie et la présence d’écrans végétaux, dans le cas où la zone tampon
reste absolument indemne de dérangements. (Thiel et al., in press)
5 – Estimation des effectifs dans le
domaine skiable et sa périphérie
Une partie de la zone constitue un
site de référence de l’OGM. Pour le
reste, l’ONCFS dispose d’une bonne
connaissance de l’état du noyau local
et de son fonctionnement, du fait
d’investigations menées très régulièrement sur ce site.
6 – Scenarii possibles pour l’avenir de
la population locale
Afin d’anticiper le plus précisément
possible l’impact, sur la population
locale de grand tétras, de l’aménagement envisagé, et de faire des
propositions concrètes en vue de sa
conservation, nous avons retenu trois
scénarii :
– scénario 1 : pas de création du projet
(= statu quo par rapport à la situation
présente),
– scénario 2 : mise en œuvre du projet,
sans aucune mesure compensatoire,
– scénario 3 : mise en œuvre du projet,
avec une batterie de mesures compensatoires, sur l’ensemble du domaine
skiable. Ces mesures compensatoires
découlent des conditions édictées ci-
Stratégie nationale pour la biodiversité
dessus, de l’usage par les oiseaux des
milieux disponibles, de la pratique et de
l’utilisation actuelle du domaine skiable par les skieurs (sur et hors piste),
et de l’utilisation prévisible par ceux-ci,
en cas de réalisation du projet.
25
20
Piste avec mesures
compensatoires
probabilité d’extinction 2,8 %
7 – Construction d’un modèle démographique
15
Pour tester la réponse démographique
de la population locale des grand tétras
aux trois scénarii présentés ci-dessus,
une prédiction modélisée de l’évolution
des effectifs de la population de Superbagnères a été réalisée sur le logiciel
ULM (Legendre & Clobert, 1995), au
terme d’une durée définie, et à partir de
paramètres démographiques connus.
Dans la mesure où un mâle de grand
tétras peut féconder plusieurs femelles,
le modèle simule la démographie de
ces dernières, beaucoup plus déterminante que celle des mâles, dans la
dynamique des populations. Les paramètres du modèle sont présentés dans
le tableau 1.
10
Pas de piste aménagée
probabilité d’extinction 96,9 %
5
Piste sans mesures
compensatoires
probabilité
d’extinction 99,7 %
0
0
5
Valeurs retenues
Terme
20 ans
Effectif
de départ
20 poules
(15 adultes et 5 jeunes)
Taux de survie
annuel
75 % pour les adultes
Fécondité
50 % pour les jeunes
– 14,4 ad. et 4,8 jeunes
(19,2 poules) pour le scénario 2
– 16,0 ad. et 5,3 jeunes
(21,3 poules) pour le scénario 3.
Mortalité
non naturelle
une femelle par an
(collision avec les câbles)
20
8 – Résultats de la modélisation et
interprétations
Observations
réf. Fieberg & Ellner, 2001
Signifie que 75 % des poules adultes présentes au début de l’année t sont encore
en vie au début de l’année t+1.
tirage aléatoire à partir d’indices
Permet de simuler les fluctuations inter
régionaux (après transformation
annuelles des performances reproduclogarithmique pour obtenir une
trices.
distribution normale)
– 15 adultes et 5 jeunes
(20 poules) pour le scénario 1
Capacité
d’accueil
15
Figure 3 : Résultats des simulations de la dynamique de la population de grand tétras dans le domaine
skiable de Superbagnères et sa périphérie, selon trois scénarii.
Tableau 1 : Paramètres démographiques utilisés pour la modélisation.
Paramètres
10
On a considéré que la capacité d’accueil
actuelle correspondait aux 20 poules puis
recalculé, au prorata des superficies d’habitats, de nouvelles capacités d’accueil
sous les scénarios 2 et 3.
Cette valeur n’est pas estimée précisément mais paraît la plus vraisemblable
compte tenu des conclusions de deux
études réalisées par l’OGM dans les
Pyrénées, de la mortalité par collision
observée sur la zone de Superbagnères (probablement très sous-estimée) et
d’une mortalité par chasse ou braconnage
considérée comme nulle.
Les simulations suggèrent que la population locale de grand tétras pourrait
subir un sort relativement différent
au cours des 20 prochaines années,
selon le type de scénario (figure 3). Le
scénario 2 (création de l’aménagement
sans mesure compensatoire) est le plus
pessimiste. Il conduit à une très forte
probabilité d’extinction de la population de Superbagnères sur une période
de 20 ans.
Le scénario 3 (création de l’aménagement avec mesures compensatoires)
est le plus optimiste. Il conduit à une
érosion des effectifs mais pas à l’extinction sur une période de 20 ans.
Le scénario 1 (statut quo par rapport
à la situation actuelle) donne un résultat intermédiaire entre les 2 scénarii
précédents. La probabilité d’extinction
y reste forte.
Si cette modélisation ne constitue pas
une certitude en raison de sa grande
sensibilité à de faibles modifications
des paramètres de départ, la hiérarchie des impacts des différents
ONCFS Rapport scientifique 2006
13
Stratégie nationale pour la biodiversité
Visualisation des câbles
L’ensemble des câbles du domaine
skiables identifiés comme meurtriers
ou potentiellement meurtriers doit
être visualisé, y compris, bien entendu,
celui de la nouvelle installation.
Figure 4 : Panneau d’information destiné à sensibiliser les skieurs hors piste.
scénarii doit être retenue. Quelles
que soient les erreurs d’estimation
des paramètres démographiques de
la population concernée, cela signifie que le pire scénario pour le
grand tétras à Superbagnères serait
celui de la réhabilitation de la piste
« Record » sans mesure compensatoire. En revanche, le meilleur
scénario serait celui d’une réhabilitation de cette piste accompagnée
des mesures compensatoires proposées pour l’ensemble du domaine
skiable. Ajoutons qu’il serait même
plus bénéfique au grand tétras que
le statu quo.
Notons enf in qu’un quatrième
scénario n’a pas été testé : pas
d’aménagement mais mise en œuvre
de mesures favorables aux tétras.
Ce scénario n’aboutirait qu’à une
augmentation de quelques hectares
(emprise de la piste plus une bande
de 30 à 100 m de chaque côté)
de la disponibilité en habitats favorables et conduirait à un résultat
proche du scénario 3.
Mise en œuvre
des mesures compensatoires
Mise en défend
contre les pratiques hors piste
Les zones à mettre en défens contre
les activités hors pistes sont portées
en figure 2. Elle comprennent à la
fois les zones qui sont menacées
par la fréquentation qui résultera
14
ONCFS Rapport scientifique 2006
de la nouvelle remontée mécanique
(polygones violets), comme celles qui
sont actuellement neutralisées, dans
le cadre de l’organisation actuelle
du domaine skiable (polygones jaunes). Cette mise en défens doit être
à la fois réglementaire (arrêté et
signalisation, figure 4) et physique.
La mise en défens physique peut se
faire au moyen de clôtures de bois,
suffisamment hautes pour ne pas
pouvoir être enjambées en cas de
forte épaisseur de neige, non dangereuses pour les oiseaux et n’entravant pas leur circulation au sol
en période libre de neige (figure 5).
Des plantations de résineux denses
sont dans un tel cas très utiles
pour relayer les clôtures lorsque celles-ci commenceront à se dégrader.
Elles présentent en outre l’avantage
de former un écran visuel qui diminue la largeur de la bande perturbée de part et d’autre de la piste.
En outre, la baisse de visibilité,
comme la gène mécanique qu’elle
représente, a un effet dissuasif sur
le passage des skieurs.
Il nous paraît plus prudent que
la signalisation ne mentionne pas
explicitement la protection du
grand tétras, ce qui pourrait être
contre-productif. Par contre, une
communication au sein de la station serait certainement utile. Elle
est très sérieusement envisagée par
les gestionnaires de la station,
tant auprès des personnels que de
la clientèle.
Différents dispositifs de visualisation
sont utilisés en pareil cas, selon le
type de câble [transport d’électricité,
transport d’explosifs (catex), téléski,
télésiège…], et sont supposés performants. Il s’agit soit de f lotteurs
rouges (téléskis ; figure 6), soit de
spirales rouges (télésièges), soit de
fanions jaunes et noir (catex). Les
travaux de l’ONCFS et de l’OGM ont
montré que de nombreuses espèces
d’oiseaux de taille moyenne et grande
(turdidés, rapaces diurnes et nocturnes, bécasse des bois…) sont également victimes des collisions avec les
câbles, aussi est-il légitime de penser
que cette mesure sera favorable à ces
espèces, dont beaucoup ont une forte
valeur patrimoniale.
Préservation des habitats
de reproduction
La réalisation d’une carte des habitats de reproduction présents sur la
station constitue une étape indispensable pour porter à la connaissance
du gestionnaire du domaine skiable
les secteurs qui doivent être préservés. Dans le cas présent, nous avons
identifié les zones qui doivent à tout
prix être préservées de tout décapage
de la végétation, de sorte que le site
conserve son potentiel en période de
reproduction. La conservation de cet
habitat, souvent constitué de landes
d’éricacées, sera certainement bénéfique à de nombreux autres taxons,
tels que la perdrix grise de montagne. En outre, Laiolo & Rolando
(2005) ont montré que l’effet de
lisière créé en bordure des pistes de
ski avait un effet négatif significatif sur les communautés d’oiseaux
de montagne, à l’inverse de ce qui
est constaté le long de lisière entre
pâture ancienne et forêt. Selon ces
auteurs, cet effet est dû à l’aspect
excessivement net de ces néo-lisières.
Ainsi, la conservation des milieux
favorables à la reproduction du
grand tétras devrait-elle minimiser
l’impact défavorable sur cet élément
de la biodiversité.
Stratégie nationale pour la biodiversité
Suivi et évaluation
L’évaluation de l’efficacité des mesures
compensatoires est nécessaire, d’une
part pour s’assurer de leur durée,
d’autre part pour faire profiter d’autres
sites de l’expérience acquise. À ce titre,
un cas assez similaire, dans la station
de ski de Formiguères (Pyrénées-Orientales), conforte notre conclusion selon
laquelle des mesures compensatoires
peuvent être efficaces Dans ce cas, une
piste de ski bordant un bois de pin à
crochet avait occasionné la disparition
d’une petite place de chant située très
proche de son emprise. Une autre place
située à quelque distance de cette piste
s’est cependant développée en même
temps que des dispositions pour limiter
le ski hors piste ont été prises, qu’un
important programme d’amélioration
d’habitat a été mise en œuvre, et
qu’une vaste zone forestière extrêmement favorable a été préservée.
Le suivi de la mortalité due aux câbles
a été mis en œuvre dans plusieurs stations de ski alpines et pyrénéennes. Il est
réalisé par le personnel des stations et
s’avère performant. Un correspondant,
régulièrement informé des résultats du
programme de l’OGM concernant cette
question, s’assure de l’entretien des
dispositifs de visualisation, comme des
signalétiques, et des mises en défens des
pratiques hors piste.
Le suivi de la population de tétras
locale pourrait être assurée par l’OGM,
selon ses protocoles habituels (recensement des coqs chanteurs, suivi de la
reproduction et cartographie des zones
d’hivernage, recherche des crottes au
printemps).
Discussion et conclusion
Appuyée sur un solide triptyque
(la base de données de l’OGM, des
connaissances approfondies de la biologie des espèces et des outils de
modélisation adaptés), cette étude a
permis d’éviter la radicalisation d’un
conf lit entre différents acteurs locaux
(associations, exploitant de station de
ski, collectivités territoriales, services
de l’État).
Elle a abouti à des préconisations
concrètes, acceptées par les gestionnaires concernés, et dont une bonne
partie a déjà été mise en œuvre sur le
terrain. Elle augure sans doute d’une
démarche innovante qui consiste à
transformer ce qui pourrait être ressenti comme une contrainte – la prise
en compte de l’environnement dans le
développement du tourisme hivernal
– en un atout qui reposerait sur une
forme de labelisation. Un processus
de « démarche qualité environnementale » existe déjà dans certaines stations de ski, ciblé principalement sur
la qualité des eaux, des paysages,
mais fort peu sur la conservation
des habitats naturels ou des espèces
sensibles.
Photo © Y. Magnani/ONCFS
Figure 6 : Remontée mécanique munie de dispositif de visualisation.
Nous avons choisi de mettre en avant
un cas qui montre qu’il est possible
de concilier la modernisation d’un
domaine skiable et la protection d’une
espèce sensible, au sein même d’une
ZICO. Cela ne signifie pas que cela
soit possible dans tous les cas, et
l’impartialité scientifique qui doit toujours accompagner ce type d’expertise
nous a parfois conduit à démontrer
que les projets proposés entamaient
trop profondément les sites vitaux
de certaines espèces sensibles ou le
fonctionnement de leurs populations
pour pouvoir proposer des mesures
compensatoires efficaces. Quelles que
soient les conclusions de ces études,
qu’elles ouvrent de réelles perspectives
de compensation efficaces ou qu’elles soient au contraire beaucoup plus
réservées sur les possibilités de réaliser
les projets sans atteinte sérieuse à la
conservation de la nature, les décisions
seront d’autant moins contestables
qu’elles sont fondées sur des données factuelles et sur des expertises
détaillées et rigoureuses.
Remerciements
Photo © E. Ménoni/ONCFS
Figure 5 : Clôtures « girondines » installées pour la mise en défens d’une zone d’hivernage.
Nous remercions vivement Arnaud
Sournia et Michel Grassaud, de la
DIREN Midi-Pyrénées, de leur relecture constructive de cet article, et
Émilie Dumont Dayot, de l’OGM, qui
a réalisé certaines cartes utilisées dans
l’étude prise comme exemple.
ONCFS Rapport scientifique 2006
15
Stratégie nationale pour la biodiversité
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• Thiel D., Jenni-Eirmann S., Braunish V., Palme R. & L. Jenni (in press). Ski tourism affects habitat use and evokes physiological
stress in Capercaillie Tetrao urogallus. Journal of Applied Ecology.
ABSTRACT
Enlargement of ski areas and Capercaillie : an ONCFS expertise
Emmanuel Ménoni, Pierre Defos du Rau & Philippe Blanc
■ The creation of winter sports stations in the Pyrenees from 50’s marked the start of the decrease of Capercaillie
populations in and around ski areas due to the habitat loss caused by the building of ski pistes and infrastructures, the
chronic disturbance in other wintering areas and bird mortality by collision with cables. At the scale of the total distribution
area of this species in the Pyrenean range, these local impacts have increased habitat fragmentation and contributed
to the decline of Capercaillie populations. Within the framework of several impact studies linked to the enlargement or
modernisation of ski areas, the ONCFS developed a specific methodology to qualify and quantify the negative effects of
installations on Capercaillie and propose compensatory measures liable to reduce or remove these effects.
■ The methodology is based on the modelisation of fluctuations in the numbers during a 20 year period for different
scenarios : abandonment of the project (reference scenario), setting up of the project with no compensatory measures,
setting up of the project with compensatory measures adapted to the biology of the species. The most favourable scenario
compared to the reference one is proposed to the person in charge of the project.
■ The model is built from known Capercaillie survival rate and breeding success values in the Pyrenees. The mapping
of areas used in winter and during the breeding period is required as well as that of areas where vegetation structure
could be favourable to Capercaillie in winter but that are finally not used due to skiing. The mapping of cables liable to be
dangerous for birds and an estimate of numbers present before the works are also required.
■ As the case may be, the compensatory measures following this approach can be : the visualisation of present and
future dangerous cables, a change of location of the infrastructures, the prohibition of off-piste skiing in potential or used
Capercaillie wintering areas and ecological engineering actions in order to minimize impacts of the installations. In some
cases, as in the present study, the installation with compensatory measures can be more favourable for the Capercaillie
population than no installation.
■ Such an innovating approach, accompanied by evaluation and information actions, could lead to transforming a possible
constraint – taking into account the environment in the development of the winter tourism– into a chance which could be
exploited as a label.
16
ONCFS Rapport scientifique 2006
Stratégie nationale pour la biodiversité
Conditions climatiques
et succès de reproduction du lagopède alpin
Claude Novoa, Aurélien Besnard*, Jean François Brenot & Laurence N. Ellison
*EPHE, Laboratoire de Biogéographie et Écologie des Vertébrés, Université de Montpellier – 34095 Montpellier Cedex 5
Contexte de l’étude
La question de l’impact des changements climatiques sur les populations d’oiseaux est devenue un des
thèmes majeurs de la recherche en ornithologie. Bien que de nombreuses études ont démontré les effets
du réchauffement global sur les modifications d’aire de répartition ou sur la chronologie des dates de
migration ou de reproduction, les effets sur la démographie des espèces ont été bien moins étudiés (Moss
et al., 2001 ; Crick, 2004). Prédire les conséquences démographiques des changements climatiques
nécessite au préalable une meilleure compréhension des relations entre climat et traits d’histoire de vie des
populations d’oiseaux (Saether et al., 2004 ; Sandercock et al., 2005). Ceci s’avère particulièrement vrai
pour les espèces vivant dans des conditions environnementales extrêmes, celles-ci devant être logiquement
les premières à souffrir du réchauffement global (Martin, 2001). Parmi ces espèces, le lagopède alpin
(Lagopus muta), espèce inféodée aux toundras arctiques et alpines, représente un cas d’étude intéressant.
Sur le plan démographique, les populations de lagopède alpin situées en limite sud de l’aire de répartition
(Alpes et Pyrénées) se caractérisent par une très faible productivité, contrastant avec celle bien supérieure
des populations plus nordiques (Ellison & Léonard, 1996). Ces différences entre populations alpines et
arctiques de lagopède alpin soulèvent plusieurs questions. Les conditions météorologiques en période
estivale permettent-elles d’expliquer les échecs de reproduction régulièrement observés dans les Alpes
comme dans les Pyrénées ? En quoi les conditions environnementales au moment de la reproduction sontelles différentes au nord de l’aire de répartition ? Enfin, peut-on déceler un changement dans les variables
climatiques déterminantes du succès de la reproduction de l’espèce au cours de la période récente ? Une
étude, réalisée à différentes échelles spatiales, tente de répondre à ces différentes questions.
Relations climat-succès
de reproduction
au niveau local
Méthodes
Le succès de la reproduction du lagopède alpin, défini comme le nombre
de jeunes par adulte, a été déterminé
annuellement de 1997 à 2005, à
l’aide de comptages au chien d’arrêt
réalisés début août. Les relations entre
cet indice de reproduction et les conditions météorologiques ont été analysées sur deux périodes : la période de
ponte-incubation (1) et la période des
éclosions (2). Les dates correspondant
à ces périodes ont été définies chaque année en considérant les quatre
semaines avant la date médiane des
éclosions pour la période 1, et les
quatre semaines après pour la période
2. Quatre variables météorologiques
ont été retenues : hauteur de pluie
(H), nombre de jours de pluie (N), et
températures moyennes des minimales
(T°min) et des maximales (T°max).
L’enregistrement en continu des hauteurs de neige à partir d’une station
« nivose » de Météo France nous a
permis d’estimer annuellement la date
de début de déneigement (déneig),
définie comme la date d’apparition du
sol nu au niveau de la station. L’indice
annuel du succès de la reproduction a
été modélisé à l’aide d’une régression
de Poisson, avec le nombre d’adultes
déclaré en variable « offset », et en
considérant neuf variables explicatives : les quatre variables météorologiques sur chacune des deux périodes et
la variable déneigement.
Résultats
La phénologie des éclosions a sensiblement varié au cours de ces neuf
années, en relation semble-t-il avec
les dates de déneigement. Ces dernières
ont varié du 28 mars pour la plus
précoce, en 1998, au 10 juin pour
la plus tardive, en 2004. En règle
générale, un déneigement précoce a
été associé avec une saison de reproduction avancée et un bon indice du
succès de la reproduction. Notons toutefois que malgré une forte variabilité
dans la date de début de déneigement,
les dates des premières éclosions n’ont
varié que de trois semaines, ce qui
suggère que même lors d’années à
déneigement tardif, les poules de lagopède ne peuvent pas trop déplacer leur
« fenêtre » de reproduction.
De 1997 à 2005, le succès de la
reproduction du lagopède alpin sur le
massif du Canigou a varié de 0,08 à
0,72 jeune par adulte. Le modèle qui
explique le mieux les variations interannuelles du succès de la reproduction
est celui incluant les effets conjugués
de la date de déneigement, des précipitations au moment des éclosions et de
l’interaction entre ces deux variables
ONCFS Rapport scientifique 2006
17
Stratégie nationale pour la biodiversité
Tableau 1 : Modélisation du succès la reproduction du lagopède alpin à partir des variables météorologiques (régression de Poisson) : déneig = date de déneigement ; H = hauteur des précipitations ;
N = nombre de jours de pluie ; T°max et T°min = température moyenne maximale et minimale ; 1 et
2 font respectivement référence aux périodes de ponte-incubation et d’éclosion. Le meilleur modèle
est celui présentant la plus petite valeur d’AIC et une différence d’AIC avec le modèle suivant > 2. Ce
modèle traduit les effets conjugués de la date de déneigement, de la pluie au moment des éclosions
et de l’interaction entre ces deux variables (seuls les cinq premiers modèles sont présentés).
Modèles
déneig + H2 + déneig*H2
Variance
Paramètres
AIC
delta AIC
44,44
4
52,60
--
46,86
4
54,86
2,42
déneig + H2
49,15
3
55,15
2,71
déneig
51,72
2
55,72
3,28
déneig + Tmin1
50,20
3
56,20
3,76
14/6
160
30/5
140
120
15/5
100
30/4
80
15/4
60
31/3
40
16/3
1/3
0,0
Relations climat-succès
de reproduction
au niveau continental
P(mm) juillet
Date de déneigement
déneig + N2 + déneig *N2
20
0,2
0,4
0,6
0
0,8
Nombre de jeunes/adulte
Figure 1 : Relation entre le succès de la reproduction du lagopède alpin, la date de déneigement
et les hauteurs de précipitation en période d’éclosion, de 1997 à 2005 sur le massif du Canigou
(Pyrénées orientales).
(tableau 1 et figure 1). Les résultats de
la modélisation suggèrent également
un effet synergique entre déneigement
et précipitations, à savoir que l’effet
négatif des précipitations en période
d’éclosion est d’autant plus marqué
que le déneigement est plus tardif
(figure 2).
pourrait être que l’effet des mauvaises
conditions climatiques serait accentué
en zone alpine, certains événements
climatiques comme les orages de grêle
ou les chutes de neige n’étant pas rares
même en été. Ce dernier résultat nous
a conduit à comparer les conditions climatiques régnant en période de reproduction, en différents points de l’aire
de répartition du lagopède alpin.
alors que l’effet de ces facteurs semble
moins déterminant dans les populations de lagopède alpin plus nordiques
(Watson et al., 1998). Une explication
Nous avons collecté des données météorologiques sur dix sites occupés par le
lagopède alpin et répartis le long d’un
gradient latitudinal depuis les Pyrénées
(42°N) jusqu’au Spitzberg (78°N).
Sept de ces sites correspondent à des
zones d’études pour lesquelles des données sur les âge-ratios des populations
en été sont également disponibles. Les
températures moyennes et les hauteurs
moyennes de pluie en période d’incubation et d’éclosion ont été collectées
(moyennes calculées sur des périodes
de 18 à 40 ans selon les sites). Seuls
les résultats relatifs aux précipitations
en période d’éclosion ont été rapportés
ici, cette variable étant apparue, avec
la date de déneigement, comme déterminante du succès de la reproduction.
Les résultats de cette comparaison
montrent que les précipitations en
période d’éclosion diminuent du sud au
nord de l’aire de répartition. De plus,
la variabilité de précipitations, qui
1,8
1,6
18
ONCFS Rapport scientifique 2006
Jeune par adulte
1,4
Un déneigement précoce favoriserait
les conditions d’alimentation des poules en période de pré-ponte, ce qui se
traduirait à son tour par une meilleure
qualité des pontes et de viabilité des
poussins. Les résultats de notre étude
confortent donc l’idée que la condition
physique des poules avant la ponte est
un facteur déterminant du succès de
la reproduction du lagopède alpin, une
hypothèse déjà largement évoquée chez
cette espèce (Moss & Watson, 1984 ;
Steen & Unander, 1985). Notre étude
souligne aussi le rôle non négligeable
des conditions climatiques en période
d’éclosion, notamment de la pluie,
1,2
P mm
1
15
0,8
75
0,6
125
0,4
0,2
0
30-avr
10-mai
20-mai
01-Juin
Date de déneigement
Figure 2 : Estimations du succès de la reproduction du lagopède alpin dans les Pyrénées orientales
(nombre de jeune par adulte ± sd) en fonction de quatre dates de déneigement et de trois niveaux
de précipitations en période d’éclosion. (Valeurs fournies par le meilleur modèle).
Stratégie nationale pour la biodiversité
Les conditions climatiques en période
d’éclosion, en particulier les hauteurs
de pluie et leur variabilité, sont donc
vraisemblablement un élément important pour expliquer la plus forte productivité des populations nordiques de
lagopède alpin, mais ce n’est certainement pas le seul. En effet, une autre
différence tout aussi déterminante,
concerne la taille moyenne des pontes :
5,5 à 8 dans les Alpes, les Pyrénées
et l’Écosse, 6,5 à 11,7 en Alaska, en
Islande et au Spitzberg. La relation
positive entre la taille des pontes et
la latitude est un trait assez général
chez les oiseaux, pour lequel plusieurs
hypothèses ont été émises. L’allongement important de la longueur des
jours favoriserait la disponibilité des
ressources alimentaires pour les poules
avant la ponte. D’autres auteurs ont
suggéré aussi qu’un risque plus faible
de prédation sur les nids aux latitudes
septentrionales favoriserait des tailles
de ponte plus élevées. À une exception près, nos données sur les taux de
réussite des nids, estimés à partir des
suivis de poules équipés d’émetteur
dans les Alpes et les Pyrénées, sont
comparables à celles rapportées pour
les populations nordiques (Novoa et
al., 2005). L’hypothèse de meilleures
conditions d’alimentation des poules au printemps dans les habitats
nordiques serait donc a priori une
hypothèse à privilégier pour expliquer
l’accroissement de la taille des pontes
dans les populations septentrionales
de lagopède alpin.
Changements climatiques :
des effets
déjà perceptibles ?
Pour le lagopède alpin, la conséquence
la plus attendue du réchauffement
200
85
65
120
3
55
80
1
2
45
5
4
40
6
8
7
% de jeunes en août
75
160
Précipitations (mm)
peut être considérée comme un indice
de la stochasticité environnementale,
diminue également avec la latitude
(figure 3). Parallèlement à ce gradient
pluviométrique, les âge-ratios observés en été au sein de ces populations
de lagopède suivent eux un gradient
inverse, c’est-à-dire qu’ils augmentent
avec la latitude. Faute de données
disponibles sur les dates moyennes de
déneigement sur la plupart des sites,
une telle comparaison n’a pas été
possible pour cette variable.
35
9
10
0
25
35
45
55
65
75
85
Latitude °N
Figure 3 : Évolution des précipitations moyennes en période d’éclosion (losanges ± sd) et des pourcentages de jeunes lagopèdes observés au mois d’août dans la population (cercles) en fonction de
la latitude des sites occupés par le lagopède alpin. 1 : Canigou (42.3°N – 2,180 m – Pyrénées
orientales), 2 : Estany Gento (42.4°N – 2,145 m – Pyrénées Centrales Ibériques), 3 : Codelago
(46°N – 1,870 m – Alpes italiennes), 4 : Braemar (57°N – 340 m – Écosse), 5 : Central (65.3°N
– 280 m – Alaska), 6 : Tassilaq (65.6°N – 50 m – Groenland SE), 7 : Cambridge Bay (68°N – 23 m
– Nunavut, Canada), 8 : Nordkapp (71°N – 33 m – Norvège), 9 : Danmarshavn (76°N – 11 m
– Groenland NE), 10 : Ny-Alesund (78°N – 8 m – Sptizberg). Les valeurs d’âge-ratio ne sont pas
disponibles sur les sites n° 6, 8 et 9.
climatique devrait être un relèvement
altitudinal des étages de végétation
et donc, à terme, un rétrécissement
de l’étage alpin sur les massifs montagneux les moins élevés. Les effets
sur les paramètres démographiques,
et notamment sur le succès de la
reproduction, sont moins évidents.
Le réchauffement des températures
printanières devrait logiquement
favoriser un déneigement plus précoce, ce qui, à terme, représente un
point plutôt positif pour le succès de
la reproduction de l’espèce. Cependant, la grande variation de la date
de début de déneigement observée
au cours de notre période d’étude
suggère que le déneigement est une
variable complexe qui ne dépend pas
que des températures printanières. Si
l’absence de données anciennes sur
les dates de déneigement ne permet pas d’analyser leur tendance au
cours de la période récente, il est par
contre possible de le faire pour les
hauteurs de précipitations en période
d’éclosion.
C’est ce que nous avons fait au niveau
pyrénéen en utilisant les données
de quinze stations météorologiques,
situées au pied des zones à lagopède à des altitudes comprises entre
1 000 et 1 640 m. Les précipitations
de juillet (période d’éclosion) ont été
analysées sur la période 1980-2003
à l’aide d’un modèle linéaire généralisé, en considérant les variables
site, année et altitude de la station.
De façon attendue, les précipitations
ont fortement varié entre les sites
(F = 3,42, ddl = 14, p < 0,01), et ont
été plus importantes sur les stations
du centre-ouest de la chaîne que sur
celles de l’est (F = 17,40, ddl = 1,
p < 0,01). Les précipitations ont également varié d’une année sur l’autre
(F = 18.38, ddl = 23, p < 0,01),
avec une tendance à la hausse significative sur la période 1980-2003
(F = 9,96, ddl = 1, p < 0,01). En
l’absence d’interaction entre le site et
l’année, on peut considérer que cette
augmentation des précipitations en
juillet a été générale sur l’ensemble
des Pyrénées. Cependant, compte tenu
que les hauteurs de précipitations ont
été plus importantes au centre et à
l’ouest des Pyrénées, on peut penser
que l’impact négatif de cette hausse
sur le lagopède alpin a été encore
plus marqué sur cette partie de la
chaîne. Ces résultats sont à mettre
en parallèle avec les observations de
terrain qui suggèrent un net recul
de l’espèce sur les parties centrale et
occidentale de la chaîne au cours de
ces dernières années.
ONCFS Rapport scientifique 2006
19
Stratégie nationale pour la biodiversité
Conclusions
et perspectives
La faible productivité des populations méridionales de lagopède alpin
(Alpes et Pyrénées) est probablement
un trait d’histoire de vie caractéristique de ces populations, qui s’oppose
à la productivité plus élevée observée
au nord de l’aire de répartition. Pour
ces populations alpines, les conditions météorologiques régulièrement
défavorables en période de reproduction se traduisent par des échecs
chroniques de la reproduction, échecs
qui devraient être compensés par un
allongement de leur « contribution
reproductrice totale » (reproductive
lifespan). Par conséquent, on peut
s’attendre à ce que les compromis
entre succès de la reproduction et
survie des adultes diffèrent entre
populations de lagopède alpin du
sud au nord de l’aire de répartition. Des estimations de taux de
survie sur différentes populations de
lagopède alpin situées le long d’un
gradient alpin-arctique sont maintenant nécessaires pour vérifier un
tel postulat.
Remerciements
Oregon State University Press, Corvallis,
Oregon : 285-310.
Ce travail a largement bénéficié de
l’aide sur le terrain de Jérôme Sentilles, de Jean Resseguier, et de celle
de nombreux étudiants. I. Afonso Jordana, J. Noilhan, L. Rotelli, B. Sittler,
T. Storaas, N.G. Yoccoz, le Centre
d’Études de la Neige de Météo-France
et la Réserve Naturelle de Mantet ont
facilité la collecte des données météorologiques. Nous tenons également
à remercier Olivier Gimenez (CEFECNRS) de son aide précieuse sur les
analyses statistiques.
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success of Scottish ptarmigan Lagopus
mutus. Ibis, 126 : 212-220.
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lagopède alpin Lagopus mutus et sexe et
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ABSTRACT
Weather conditions and reproductive success of Rock Ptarmigan
Claude Novoa, Aurélien Besnard, Jean François Brenot & Laurence N. Ellison
■ Understanding the effects of climate on avian life history traits is essential if we wish to predict the demographic consequences of expected climatic changes. We investigated the influence of weather conditions on the reproductive success of
Rock Ptarmigan Lagopus muta in the eastern French Pyrenees, one of the southernmost areas inhabited by the species.
Reproductive success was estimated in early August from 1997 to 2005, by counting adults and well-grown chicks with
pointing dogs. We considered the following weather variables in June and July from pre-laying to hatching : mean monthly
minimum and maximum temperatures, monthly rainfall and number of days with rain. Each spring, we also recorded the
date of snowmelt, defined as the end of the period of continuous snow cover. The number of young per adult in August
counts varied from 0.08 to 0.72. Reproductive success was positively associated with early appearance of snow-free
ground, with annual dates of snowmelt varying from 28 March to 10 June. Using Poisson regression and Akaike’s Information Criterion, we selected the best model explaining the effect of weather on the proportion of young in August. The
best predictive variables were date of snowmelt, rainfall during hatching and the interaction between these two variables.
Hence, both pre-laying and hatching weather conditions influenced reproductive success of Rock Ptarmigan in the eastern
French Pyrenees. At a continental scale, reproductive success of alpine populations of Rock Ptarmigan is consistently
lower than that of northern populations. This difference in productivity may be partly correlated with climatic conditions
observed along an arctic-alpine gradient, the amount and variation of rainfall being greater in alpine areas than elsewhere
in the species’ range. The significant increase in rainfall observed during the dates of hatching from 1980 to 2003
throughout the Pyrenees may partially explain the negative trends observed recently in Rock Ptarmigan populations.
20
ONCFS Rapport scientifique 2006
Stratégie nationale pour la biodiversité
Comparaison du comportement spatial d’ours bruns
réintroduits et non réintroduits en Europe
Pierre-Yves Quenette, Georg Rauer*, Djuro Huber**, Petra Kazensky***,
Felix Knauer***, Andrea Mustoni****, Santiago Palazon***** & Frederico Zibordi****
* World Wildlife Fund, Autriche
** Université de Zagreb, Croatie
*** Université de Friburg, Allemagne,
**** Parc naturel Adamello Brenta, Italie
***** Generalitat de Cataluña, Espagne
Contexte de l’étude
La situation de l’ours brun en Europe est très contrastée selon la zone géographique considérée. Alors que
dans l’est (montagnes dinariques) et le nord de l’Europe (Scandinavie et Russie) les effectifs des populations
sont supérieurs à 2000, on trouve dans le sud de l’Europe des petites populations isolées d’effectif inférieur
à 80 ours (IUCN, 1999). Il s’agit plus précisément des 6 noyaux de population situées en Espagne dans les
Monts cantabriques (2 noyaux), en Italie dans les Alpes et dans les Abruzzes, en Autriche et entre la France
et l’Espagne dans les Pyrénées.
La transplantation est un outil assez récent pour la gestion et la conservation de l’ours brun en Europe
et en Amérique du nord (Servheen et al., 1995 ; Clark et al., 2002). Ce type de mesure s’appuie sur la
Directive habitat (1992) qui vise à préserver le patrimoine européen ou à le restaurer dans le cadre du
développement durable. En Europe, l’Autriche, la France et l’Italie ont eu recours à cette technique dans le
cadre de programmes de conservation, à partir d’ours issus de Slovénie et de Croatie. Ainsi, l’Autriche, la
France et l’Italie ont réintroduit respectivement trois ours entre 1989 et 1991, huit ours entre 1996 et 2006
et dix ours entre 1999 et 2002. Parallèlement, la Slovénie et la Croatie ont développé des programmes de
capture et de suivi d’ours équipés de radio-émetteur (Kazensky, 1999). L’objectif de cet article est double.
Il s’agit d’une part de présenter des résultats sur le comportement spatial d’ours réintroduits dans un
habitat nouveau et de les comparer avec celui d’ours issus de la population source, et d’autre part de fournir
des données biologiques de références qui peuvent être utiles pour les gestionnaires en charge de futures
translocations d’ours brun.
Zones d’études
et méthodes
Régions concernées
par les programmes de suivi
et de restauration
Trois régions d’Europe sont concernées
par les opérations de réintroduction
d’ours brun (figure 1) :
– le centre de l’Autriche, au nord-est
des Alpes (Rauer, 1992 ; Gerstl &
Rauer, 1999),
– les Pyrénées centrales, en France,
région Midi-Pyrénées (Quenette,
2000 ; Quenette et al., 2001),
– le nord de l’Italie, dans le Parc naturel
Adamello-Brenta (Dupré et al., 1998).
Excepté deux ours capturés au nord de
la Croatie et relâchés en Autriche, l’ensemble des individus réintroduits proviennent de la même région de Slovénie
(les réserves de chasse de Jelen-Sneznik
et Medved-Kocevje).
Les deux projets de suivi de population
par équipement d’ours au moyen de
collier émetteur concernent la région
de Gorski-Kotar en Croatie (Huber &
Roth, 1993) et de Sneznik en Slovénie
(Kaczensky, 1999).
disposés sur des sites où de la nourriture est déposée pour les attirer.
La manipulation de l’animal demande
selon les cas entre 40 et 120 minutes.
Chaque ours capturé est équipé d’un
collier émetteur VHF et parfois muni
d’une marque auriculaire (1).
Pour les trois projets de restauration de
l’ours brun, le transport des animaux
s’est fait par la route dans une cage
installée dans un camion. Les animaux
sont amenés sur le site de lâcher le plus
Techniques de capture,
marquage et transport
des animaux
Les animaux sont capturés à l’aide
de piège à patte de type Aldrich ou
par télé-anesthésie à partir d’affûts
(1) Les ours réintroduits en France en
2006 ont été équipés d’un émetteur intraabdominal (Telonics Inc., USA) et d’un
collier GPS/GSM (Lotek, Canada).
ONCFS Rapport scientifique 2006
21
Stratégie nationale pour la biodiversité
la distance maximum depuis le site de
lâcher et l’aire de recouvrement entre
des domaines vitaux annuels successifs
pour quelques individus.
Les facteurs pris en compte sont le
sexe, l’âge des animaux (juvénile, subadulte, adulte) et la délocalisation ou
non après la capture.
Des tests paramétriques sont utilisés
pour comparer les moyennes, après
transformation logarithmique en cas
de non normalité de la distribution des
variables.
Figure 1 : Emplacement des sites de capture (Slovénie et Croatie) et lieux de réintroductions
(Autriche, France, Italie).
rapidement possible après leur capture.
Selon le pays de destination, le temps
entre la capture et le lâcher peut varier
entre douze et vingt-cinq heures.
Télémétrie
À ce jour, vingt-et-un ours (six males
et quinze femelles) ont été capturés
puis réintroduits dans un autre pays
et vingt-huit ours (seize mâles et douze
femelles) ont été relâchés sur leur site
de capture (tableau 1).
La fréquence des localisations télémétriques varie selon la région et le nombre
d’ours équipés. Ainsi les ours réintroduits, moins nombreux, ont été suivis
de façon plus intensive que les ours non
réintroduits (tableau 2). La durée des
suivis télémétriques de chaque ours est
du même ordre de grandeur selon les différentes régions d’Europe (tableau 2).
Chaque ours équipé est suivi depuis
la sortie de tanière jusqu’à l’entrée en
tanière.
La localisation est estimée par triangulation à partir d’au moins trois azimuts en trois endroits différents. Les
distances entre les points de réception
et l’animal peuvent varier entre 200 et
2 000 m. Dans certains cas, la localisation télémétrique est effectuée par avion.
Analyse
du comportement spatial
Quatre variables quantitatives ont été
retenues pour analyser le comportement
spatial des ours : la distance entre les
localisations pour des jours consécutifs,
la taille du domaine vital estimée par la
méthode du polygone convexe à 95 %,
Tableau 1 : Répartition des ours réintroduits et non-réintroduits par région et nombre d’ours en
fonction de la durée de suivi télémétrique (situation en 2007).
Durée du suivi télémétrique
/Nombre d’ours suivis
Nombre d’ours
Région
ré-introduits
1 an
2 ans
3 ans
1
2
Pyrénées,
France-Espagne
8
5
Trentin, Italie
10
4
Alpes, Autriche
22
nonréintroduits
3
3
5
Les données récoltées ont été comparées
à une évolution théorique obtenue par
un ré-échantillonnage fondé sur la
technique du Bootstrap. Cette méthode
consiste à simuler la surface moyenne
du domaine vital pour cent tirages
aléatoires de cinq localisations, puis
dix localisations, puis quinze jusqu’à
l’ensemble des localisations, par pas de
cinq, pour chaque ours.
Dans le cas d’un ours résident non
délocalisé, les évolutions théorique et
observée doivent être similaires, dans
la mesure où l’animal a un domaine
vital bien établi qu’il utilise régulièrement au cours de l’année.
Résultats
Comportement spatial des ours
réintroduits (2) et non réintroduits
4 ans
Le calcul de la distance entre les
localisations télémétriques successives
1
4 (1
réintroduit)
2
Slovénie
15
7
7
1
Croatie
10
5
2
2
ONCFS Rapport scientifique 2006
La construction progressive du domaine
vital des ours réintroduits a été analysée
en calculant la surface du domaine vital
pour les cinq, dix et quinze premières
localisations, jusqu’à utiliser enfin l’ensemble des localisations. Cette méthode
pour décrire les patterns des mouvements des ours a l’avantage d’être
relativement robuste par rapport au
nombre de localisations et aux tailles de
domaines vitaux variables selon les ours
et les zones d’étude des différents pays.
1
(2) Les données issues des ours réintroduits
en 2006 n’ont pas été prises en compte
pour ces analyses qui nécessitent un suivi
pendant plusieurs années.
Stratégie nationale pour la biodiversité
Tableau 2 : Moyenne (étendue) du nombre de localisations télémétriques, du nombre de jours entre
localisations successives et de la durée en jours du suivi télémétrique, par année-ours.
Nombre
de localisation
Nombre
de jours entre
localisations
Nombre
de jours de suivi
télémétrique
Annéesours
Pyrénées, France-Espagne*
154,7 (100-211)
1,3 (1,1-1,5)
205,8 (114-295)
6
Trentin, Italie
121,5 (35-192)
1,6 (1,2-3,4)
186,7 (63-265)
20
Alpes, Autriche
55,8 (15-118)
2,9 (1,1-7,2)
133,5 (30-269)
14
Slovénie
70,6 (24-146)
2,8 (1,5-8,6)
179,4 (43-275)
24
Croatie
23,8 (9-70)
9,2 (1,3-30)
181,2 (19-301)
16
Région
Dynamique
du comportement spatial
L’examen de l’évolution des domaines
vitaux à la fois chez les ours déplacés et
non déplacés montre une grande variabilité. En première analyse, on peut distinguer quatre patterns généraux selon
la position de la courbe observée par rapport à la courbe théorique (figure 5) :
soit l’écart entre les courbes observée et
* Les ours réintroduits en 2006 ne sont pas pris en compte.
3,5
3
2,5
Km
(espacées d’environ 24 heures) montre
que les ours réintroduits se déplacent plus
la première année que la deuxième année
(ANOVA, F = 53,409, p < 0,001).
La deuxième année, aucune différence
significative avec les ours non déplacés
n’est mise en évidence (figure 2).
taux de recouvrement (> 90%) avec le
domaine vital précédent les naissances.
2
1,5
1
La distance entre le point de lâcher (pour
les ours réintroduits) et la localisation
la plus éloignée varie, selon les individus, entre 12,3 et 105,8 km (moyenne
= 48 km ± 25,7). Aucune différence
significative apparaît entre mâles et
femelles.
Au cours de la première année, on observe
que parmi les vingt-et-un ours réintroduits dans un autre pays, treize ont un
domaine vital qui inclut le site de lâcher.
Parmi les seize individus suivis pendant
deux années ou plus, sept incluent le site
de lâcher dans leur domaine vital estimé
par rapport à la dernière année de suivi.
0,5
0
1re année
2e année
Translocation
non déplacés
Figure 2 : Distance moyenne entre jours consécutifs.
1000
800
600
Km2
Quelle que soit la région considérée, les
domaines vitaux des ours réintroduits
sont significativement plus grands que
les domaines vitaux des ours non déplacés (figure 3). Leur taille varie entre les
régions où se font les réintroductions.
La taille moyenne des domaines vitaux
diminue la deuxième année après le
lâcher mais reste néanmoins supérieure
à celle des ours non déplacés (Figure 4 ;
F = 9,89 ; p = 0,0002).
400
200
0
Pyrénées
Trentin
Autriche
Monts dinariques
Figure 3 : Taille moyenne du domaine vital par région (Pyrénées, Trentin, Autriche : ours réintroduits ;
Monts dinariques : ours non déplacés).
1200
1000
Km2
800
La proportion de recouvrement du
domaine vital annuel entre années successives a été estimée pour chaque ours
(à l’exception de ceux lâchés en 2006).
Aucune différence significative n’est mise
en évidence entre les ours réintroduits et
les ours non déplacés (taux de recouvrement moyen : 78,5 % et 77,9 %, respectivement). Toutes les femelles avec
oursons de l’année présentent un fort
600
400
200
0
1re année
2e année
Translocation
non déplacés
Figure 4 : Taille moyenne du domaine vital toutes régions confondues.
ONCFS Rapport scientifique 2006
23
Stratégie nationale pour la biodiversité
Type 1. Ancka 1998, femelle de huit ans, non déplacée après la
capture, Slovénie.
Type 2. Ziva 1997, femelle de huit ans avec oursons de l’année, réintroduite en
France en 1996.
90
80
70
MCP (km2)
60
50
40
30
20
1
4
7
10
13
16
19
22
25
28
MCP (km2)
Type 3. Maja 2002, femelle de cinq ans, réintroduite en Italie en 2002.
200
180
160
140
120
100
80
60
40
20
0
1 3 5 7 9 11 13 15 17 19 21 23 25
10
0
1
4
7
10 13 16 19
22 25
28 31 34
37 40
Type 4. Mira 1989, femelle de trois ans, réintroduite en Autriche en 1989.
140
120
100
MCP (km2)
MCP (km2)
100
45
40
35
30
25
20
15
10
5
0
80
60
40
20
0
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18
Figure 5 : Principaux patterns de l’évolution du domaine vital calculé par la méthode du polygone convexe minimum (MCP) (en violet : courbe observée ;
en vert : courbe théorique ; abscisse = nombre de localisation x 5 pour calculer les domaines vitaux successifs).
théorique est faible (type 1), soit l’écart
est important et la courbe observée est
sous la courbe théorique (type 2) ou au
dessus (type 3), ou bien coupe la courbe
théorique (type 4).
Pour les ours réintroduits, que ce soit en
France, en Italie ou en Autriche, l’évolution du comportement spatial la première année après le lâcher correspond le
plus souvent aux types 3 ou 4, aussi bien
chez les mâles que chez les femelles Ces
deux types traduisent des déplacements
de très grandes amplitudes juste après le
lâcher (type 3) ou quelques jours après le
lâcher (type 4). Ces déplacements entraînent un fort accroissement du domaine
vital pendant les semaines qui suivent
le lâcher. Le pattern de type1 qui correspond à des ours adultes qui explorent régulièrement l’ensemble de leur
domaine au cours de l’année a également
été observé sur certains ours réintroduits
la ou les années suivant le lâcher.
Pour les ours mâles ou femelles sans
oursons de l’année relâchés sur le site de
capture, on observe le plus souvent les
types 1 et 4 (Kaczensky, 1999). Le type 4
s’observe surtout chez des individus qui
peuvent parfois sortir temporairement
24
ONCFS Rapport scientifique 2006
de leur domaine habituel (mâle pendant
le rut) ou des jeunes mâles entre deux et
quatre ans qui se dispersent.
Enfin, les femelles accompagnées d’oursons de l’année, qu’elles soient déplacées dans un autre pays ou relâchées
sur leur site de capture, présentent toujours le pattern 2. Ce pattern traduit la
contrainte liée aux oursons qui restreint
les déplacements de la femelle après la
sortie de tanière.
Ainsi, une variabilité intra-individuelle
peut-elle être observée dans les patterns.
Certains individus suivis pendant plusieurs années peuvent présenter un pattern différent chaque année selon leur
âge et leur statut reproducteur (femelle
avec ou sans ourson, mâle pendant le
rut).
Conclusion
Les résultats préliminaires présentés
dans cet article apportent des éléments
de connaissance utiles pour les gestionnaires en charge de la gestion de l’ours
brun en Europe.
Le renforcement d’une population au statut précaire par la translocation d’ours
issus d’une autre population constitue
un des outils disponibles pour la restauration et la conservation de cette espèce
en Europe et en Amérique du nord (Servheen et al., 1995 ; Clark et al., 2002).
Bien qu’un ours soit mort lors de ces
transferts (Rauer, 1992), l’expérience
acquise en Europe montre que le transport de ces individus par la route peut
se faire avec succès, même à des distances éloignées (Quenette et al., 2000 &
2001). Le lâcher immédiat des ours dès
l’arrivée dans leur nouvel habitat, sans
phase d’adaptation, semble également la
bonne option (IUCN, 1998).
L’étendue des déplacements et la taille
des domaines vitaux des ours réintroduits, nettement supérieures aux ours
non déplacés, sont des éléments indispensables à intégrer avant tout programme
de restauration de cette espèce (Dupré
et al., 1998). Ces résultats montrent
que les analyses préliminaires (écologiques, socio-politiques, économiques) à
la réintroduction de cette espèce doivent
être réalisées à une échelle spatiale d’au
moins 2 000 à 3 000 km2.
Stratégie nationale pour la biodiversité
Le choix du site de lâcher est également
important car il conditionne en partie
les déplacements ultérieurs des ours et
leur installation dans leur nouvel habitat
(près d’un ours sur deux inclut le site de
lâcher plusieurs années après le lâcher).
Il convient donc d’effectuer les lâchers
des mâles et femelles dans la même zone
géographique si on veut reconstituer un
noyau de population ou bien sur les zones
où il existe encore des ours résidents.
Dans la mesure où les femelles adultes
constituent pour cette espèce la classe
d’individus la plus importante pour la
dynamique de la population (Chapron,
2003), la proportion d’individus réintroduits se fait généralement en faveur
des femelles. Néanmoins des observations
récentes non publiées (Rauer, Genovesi &
Zedrosser, com pers.) fondées sur les analyses génétiques, tendent à montrer que
dans le cas de petites populations, seuls
certains mâles participent à la reproduction et peuvent s’accoupler avec leurs filles
(cas des mâles « Pyros » en France-Espagne, « Djuro » en Autriche et « Joze »
en Italie). Il est donc important pour les
gestionnaires de ces petites populations
de prendre en compte ce phénomène afin
d’accroître le nombre de mâles participant à le reproduction et augmenter ainsi
la variabilité génétique de la population.
Enfin, la comparaison entre les ours réintroduits et non réintroduits permet de
rechercher les règles comportementales
qui sous-tendent le comportement spatial des ours. Néanmoins l’analyse de la
dynamique du comportement spatial doit
être approfondie du fait des nombreuses
variables qui peuvent intervenir (qualité
de l’habitat, densité d’ours, structure du
paysage…). Dans ce cadre, la collaboration entre les différents pays européens
s’avère également indispensable.
BIBLIOGRAPHIE
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the Pyrenean brown bear (Ursus arctos)
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la fauna Selvatica e Parco Naturale Adamello-Brenta. Rapport interne.
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oso pardo en Europa : une reto de cara al
siglo XXI. Eds. J.F. Layna, B.H. Heredia,
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in the French Pyrenees. Ursus 12, 115120.
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with the release of 2 female brown bears
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Management 9 : 469-478.
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bears Ursus arctos horribilis as a management tool – Results from the Cabinet
Mountains, Montana, USA. Biological
Conservation 1 : 261-268.
ABSTRACT
Comparison of spatial behaviour between translocated and non-translocated brown bears in Europe
Pierre-Yves Quenette, Georg Rauer, Djuro Huber, Petra Kazensky,
Felix Knauer, Andrea Mustoni, Santiago Palazon & Frederico Zibordi
■ Within the framework of three brown bear conservation programs in European Union (LIFE projects), 16 adult and
subadult brown bears were successively translocated from Slovenia and Croatia to Austria, France and Italy. Two females
and 1 male were released in Austria between 1989-1993 and in France between 1996-1997 and 3 males and 7 females
were released in Italy between 1999-2002. During this period, 34 males and 14 females were captured both in Slovenia
and Croatia and radiotracked within the framework of monitoring studies of Brown Bear populations in these two countries. The aim of this study is twofold : i) to describe the spatial behavior of bears released in a new environment and to
compare it with that of non-translocated brown bears from the source population ; ii) to provide critical biological data for
managers planning future translocations.
■ Analysis of spatial behavior was done by calculating serial and annual home ranges, by comparing home ranges between
successive years and by calculating straight line distances between successive daily radio locations. On average, translocated
bears exhibited a higher mobility and a larger home range in the year of their translocation than non-translocated bears of
the same age and sex class. For translocated bears, the release point did not necessarily become a central point in the
home range as several bears never revisited the area. Our results show the possible variation in the spatial behavior that
managers have to expect when translocating bears. Further analysis is needed to determine how much of this variation
can be explained by differences in habitat distribution and quality, bear density or individual traits of translocated bears.
ONCFS Rapport scientifique 2006
25
Stratégie nationale pour la biodiversité
Étude de la faune sauvage de Guyane
par piège-photo automatique. Premiers résultats
Cécile Richard-Hansen, Laure Debeir, Lucile Dudoignon & Philipe Gaucher*
* Station des Nouragues. CNRS-Guyane, UPS 2561
Contexte de l’étude
Ces dernières années, le suivi de faune sauvage par « pièges photographiques » s’est développé pour l’étude
de nombreuses espèces difficiles à observer (Karanth, 1995 ; Karanth & Nichols, 2002). Cette méthode est
de plus en plus utilisée en Amérique du Sud, principalement pour l’étude des grands félins : jaguar (Panthera
onca), ocelot (Felis pardalis), (Maffei et al., 2002 ; Trolle & Kery, 2003 ; Wallace et al., 2003 ; Dillon,
2005 ; Maffei et al., 2005) ou tapir (Tapirus terrestris) (Moraes Jr et al., 2003 ; Noss et al., 2003).
Plusieurs types d’informations biologiques sont fournis par ce genre d’étude. Dans un premier temps, un
tel dispositif est souvent mis en place pour un objectif d’inventaire de biodiversité, ciblé sur les espèces
difficilement observables (Trolle, 2003 ; Srbek-Araujo & Chiarello, 2005 ; Trolle & Kery, 2005). Dans un
second temps, l’analyse des taux de capture peut donner des informations sur les abondances relatives
des espèces, le partage des niches écologiques, les rythmes d’activité, l’utilisation du milieu, voire même
la biologie de reproduction. L’objectif final reste d’obtenir des résultats en termes de densité de population.
Dans le cas d’espèces pour lesquelles une reconnaissance individuelle est possible, une analyse des taux de
« capture » et « recapture » est possible selon les méthodes classiquement utilisées (Silver et al., 2004 ;
Maffei et al., 2005).
Le tapir constituait l’espèce cible principale de notre étude. En Guyane, cette espèce est actuellement
chassable et commercialisable. Elle est considérée comme menacée dans la plupart des pays (Bodmer
& Brooks, 1997), et listée en Annexe I de la Convention sur le commerce international (CITES). Le tapir est
la plus grande espèce de mammifère terrestre originaire d’Amazonie, pouvant peser de 150 à 250 kg à
l’âge adulte. Cette masse le rend attractif pour les chasseurs, particulièrement ceux vivant de la vente des
produits de leur chasse. Toutes les études menées en Amazonie soulignent à l’heure actuelle la très forte
sensibilité du tapir à la chasse (Bodmer & Brooks, 1997), et la « non-durabilité » des pratiques de chasse
actuelles sur cette espèce. Ainsi, malgré une très grande aire de distribution, le tapir est partout considéré
comme menacé par la surexploitation. Un des principaux enjeux est la révision du statut juridique de cette
espèce. En Guyane, lors des réunions de concertation générale avec les divers acteurs et utilisateurs de
la faune sauvage, dans le cadre des ORGFH (Orientations régionales de gestion de la faune sauvage et de
l’amélioration de la qualité de ses habitats), un consensus net s’est dégagé sur la nécessité de retirer cette
espèce de la liste des espèces commercialisables (1). Cependant, très peu de connaissances biologiques
sont actuellement disponibles pour soutenir ces initiatives et améliorer sa gestion.
(1) Une évolution récente de la réglementation en Guyane interdit désormais la commercialisation du tapir (Arrêté
du 23 juillet 2007).
26
Méthode
Ecology, Assessment, and Monitoring
(TEAM) Initiative (Sanderson, 2003)].
Le principe est fondé sur la répartition
systématique de nombreux appareils
photos, dissimulés dans la zone d’étude.
Le déclenchement est effectué par le
passage des animaux. La méthodologie est actuellement assez standardisée
[camera trapping protocol du Tropical
L’espacement entre les sites de piégeage
est fonction de l’espèce cible choisie, de
manière à ne laisser aucune zone de la
taille d’un domaine vital sans site de
capture (aucun animal n’a une probabilité de capture égal à 0). Dans l’idéal,
la MMDM (mean maximum distance
ONCFS Rapport scientifique 2006
moved) est estimée par des études préliminaires utilisant le radio-tracking,
ou par la distance maximum entre
deux recaptures photographiques. La
MMDM est assimilée au diamètre du
domaine vital, et une « zone tampon »
de rayon égal à la moitié de la MMDM
est tracée autour de chaque site de capture (Maffei et al., 2004 ; Maffei et al.,
2005). Les zones tampons doivent
Stratégie nationale pour la biodiversité
toutes se chevaucher sans laisser d’espace, et la superficie totale ainsi couverte détermine la superficie d’étude
pour les estimations de densité.
Zone d’étude
et dispositif de terrain
La zone d’étude choisie est située dans
la Réserve nationale des Nouragues en
Guyane, dans les environs de la station
d’étude de Saut Pararé, en bordure de
la crique Arataye. Elle est théoriquement non chassée, bien que la pression
grandissante de l’orpaillage clandestin
en Guyane menace de plus en plus
la sécurité de la zone, pour la faune
comme pour les chercheurs.
Les sites de capture photographique
ont été régulièrement espacés de 800 à
1 000 m (figure 1), selon une estimation établie à partir d’études réalisées
sur le tapir en Bolivie (Noss et al.,
2003). L’emplacement précis a été
Figure 1 : Zone et dispositif d’étude.
Tableau 1 : Nombre global de photos, de captures (événements indépendants) et taux de capture par
1 000 nuits-pièges (NP = nombre de sites x périodes de 24 h de pose active).
ESPÈCE
Nombre de photos
Nombre de captures
(C)
Taux de capture
(C/1 000 NP)
Non déterminée
81
Agami
95
40
9
Agouti
47
34
7
Biche
106
54
12
Cabiaï
1
1
0,2
Cariacou
89
41
9
Pécari à lèvre blanche
4
2
0,4
Grand cabassou
1
1
0,2
Grand tinamou
4
2
0,4
Hocco
93
33
7
Jaguar
3
2
0,4
Jaguarondi
1
1
0,2
Mazama sp.
2
2
0,4
Ocelot
10
5
1
Opossum
9
9
2
Pac
4
4
1
Pécari à collier
115
44
9
Puma
5
4
1
Rapace (2 sp)
3
3
1
Rongeur NI
3
3
1
Tamanoir
3
3
1
Tapir
74
36
8
Tatou
4
3
1
Total
757
327
70
choisi afin de maximiser la probabilité
de « capture », c’est-à-dire à proximité de criques, de bas-fond dans lesquels des traces avaient été observées.
Cependant, le respect de l’espacement
des sites imposait également un certain nombre d’emplacements en « terre
ferme », et non pas à proximité immédiate de l’eau. Des coulées animales
dans la végétation ont également été
piégées, et les appareils étaient disposés
en dernier ressort simplement de part et
d’autre du layon d’accès. Quatre layons
forestiers ont été utilisés : trois ouverts
spécialement pour l’opération, un quatrième existant depuis de nombreuses
années et régulièrement employé pour
se rendre du camp scientifique de
« saut Pararé » au camp scientifique
« inselberg ». Un dernier secteur (zone
5 ; figure 1) couvre les alentours de ce
dernier camp et utilise les layons préexistants dans ce dispositif d’étude.
Matériel récolté
Au total, 4 680 « nuits-pièges »
(NP = nombre de sites x périodes de
24 heures de pose active) ont été réalisées entre juin 2006 et février 2007. Le
tableau 1 récapitule le nombre total de
photos et de « captures » (événements
ONCFS Rapport scientifique 2006
27
Stratégie nationale pour la biodiversité
Évolution temporelle
des taux de capture
La période d’étude a été séparée en trois :
– juin-août, fin de la saison des pluies
(1 660 NP),
– septembre-novembre, saison sèche
(1 692 NP),
– décembre-février, « petite saison des
pluies » (1 328 NP).
Photo © ONCFS
Tapir pris au piège – photo automatique.
indépendants ne tenant pas compte
des photos réalisées à quelques minutes
d’intervalle, ou au même moment par
les appareils face à face) collectés durant
toute la période d’étude. Un taux de
capture est défini comme le rapport du
nombre de captures (C) aux nuits-pièges
(NP) selon la formule C/1 000 NP.
757 photos ont été prises dont 676
avec un animal identifiable. 81 se
sont révélées vides ou présentant seulement une forme non identifiable.
Ces 676 prises de vue correspondent à
327 « captures » indépendantes, le taux
global de capture est donc de 70 captures pour 1 000 nuits-pièges (ou 7 % de
succès, selon certaines études).
Biodiversité de la zone
et fréquence relative
des espèces
28
terrestris ou Maïpouri) avec respectivement 9, 9 et 8 captures/1 000 NP
(tableau 1). Les ongulés sont donc
très largement dominants dans cet
échantillonnage. Les gros oiseaux terrestres agami (Psophia crépitans) et
hocco (Crax alector) ont également été
fréquemment photographiés (respectivement 9 et 7 captures/1 000 NP).
Quatre espèces de félins différentes ont
été répertoriées, par douze captures différentes : l’ocelot (Felis pardalis) est le
plus fréquent, suivi par le puma (Felis
concolor), le jaguar (Panthera onca)
et le jaguarondi (Felis yagouaroundi).
D’autres espèces rarement observées
ont également été « piégées » comme le
grand tamanoir (Myrmecophaga tridactyla) ou le grand cabassou (Priodontes
maximus).
Apports à la connaissance
de l’écologie des espèces
Répartition géographique
des captures
Une analyse par zone de piégeage montre une répartition inégale des taux de
capture. Les layons 2 et 3 ont été beaucoup plus rentables globalement que les
autres en ce qui concerne les espèces les
plus représentées. Les félins cependant
sont aussi abondants sur toutes les
zones (3 captures/1 000 NP) sauf sur
le layon 4, le plus anciennement établi
et le plus régulièrement fréquenté, sur
Succès de capture
(N/1000 nuits piege)
Vingt espèces différentes ont été
photographiées, sans compter les
micromammifères (petits rongeurs et
marsupiaux) qui n’ont pas été identifiés précisément.
18
Avec 12 captures/1 000 NP, le daguet
rouge (Mazama americana), localement
appelé « biche rouge », est l’espèce
la plus fréquemment photographiée.
Viennent ensuite le pécari à collier
(Tayassu tajacu, localement appelé
Pakira), le daguet gris (Mazama gouazoubira, ou Cariacou) et le tapir (Tapirus
8
ONCFS Rapport scientifique 2006
Globalement, on ne note pas d’évolution nette du taux de capture au cours
du temps (respectivement 73, 59 et
79 captures/1 000 NP). Pour certaines
espèces (agouti et agami), la fin de la
saison des pluies et le début de l’étude
ont été les plus propices (figure 2).
Pour d’autres (biche, cariacou, pécari
et tapir) c’est la saison sèche et la fin
de période d’étude qui ont été les plus
productives.
mai-août
sep.-nov.
déc.-fév.
16
14
12
10
6
4
2
0
agamis
agouti
biche
cariacou hocco
jaguar
ocelot
pakira
puma
Figure 2 : Taux de capture des principales espèces au cours des trois périodes de piégeage.
tapir
Stratégie nationale pour la biodiversité
lequel aucune photo de félin n’a été
répertoriée.
25
Douze stations étaient situées dans
des « zones humides », bas fond ou
proximité immédiate de crique, alors
que 8 étaient en « terre ferme », plus
ou moins à flanc de colline. Rapporté
à l’échantillonnage en termes de nuitspièges, le taux de capture des stations
de terre ferme semble significativement plus élevé (107 vs 40 captures/
1 000NP, test du r², p < 0,01). Cette
différence est significative pour les
agamis, les biches (p < 0,01), les pakiras
et agoutis (p < 0,05), mais pas pour les
cariacous et les tapirs. Les hoccos sont
photographiés de manière égale dans les
deux types de milieu (figure 3).
20
Zone Humide
Terre Ferme
15
10
5
0
biche
Rythmes d’activité
cariacou
tapir
agouti
agamis
hocco
Figure 3 : Taux de capture (nombre de capture/1 000 nuit-pièges) des principales espèces selon le
type de milieu.
Le relevé systématique de l’heure sur
les photos permet de comparer les
nombres de capture selon les tranches horaires pour les espèces les plus
fréquemment enregistrées.
nuit. Le tapir apparaît ici comme essentiellement nocturne ou crépusculaire,
alors que le pakira est actif uniquement
de jour. En ce qui concerne les oiseaux,
le hocco présente deux pics d’activités
le matin et le soir, alors que les agamis
sont essentiellement présents en milieu
de journée (figure 4).
Alors que le cariacou concentre son
activité entre 6 h et 18 h, la biche semble
active indifféremment de jour comme de
Pakira
Tapir
10
9
8
Biologie des espèces
Les photos permettent également d’apporter des informations sur les regroupements des animaux, sur les sexe-ratios
et sur les naissances. Par exemple, un
mâle et une femelle de biche rouge
(espèce solitaire) ont été photographiés
Biche
Cariacou
10
9
8
7
7
6
6
5
5
4
4
3
2
3
2
22
20
18
16
14
12
10
8
6
4
2
0
0
22
20
18
16
14
12
10
8
6
4
2
1
0
1
0
pakira
Agamis
Hocco
9
8
7
6
5
4
3
2
1
22
20
18
16
14
12
10
8
6
4
2
0
0
Figure 4 : Rythme d’activité des principales espèces (nombre de captures par tranche horaire).
ONCFS Rapport scientifique 2006
29
Stratégie nationale pour la biodiversité
ensemble le 25 août, et une mère
avec son faon ont été régulièrement
photographiés entre le 22 août et le
10 décembre. Un faon de cariacou a été
photographié le 3 février et un autre le
7 du même mois. Des mères suitées de
pakiras ont également été observées,
notamment avec deux jeunes. Les hoccos
sont observés en groupe de trois et plus
dans 33 % des cas, par paires dans
37 % des cas, et solitaires dans 30 %.
Les tapirs n’ont été photographiés par
paires que dans 5,5 % des captures,
mais on peut établir la proportion des
sexes des individus photographiés à
50 % de mâles, 25 % de femelles et
25 % d’indéterminés. Dans le contexte
guyanais où la plupart des paramètres
reproducteurs, y compris les périodes
de naissance, sont souvent inconnus
même pour des espèces communes, ces
informations sont précieuses.
Domaines vitaux
et densités de population
L’un des objectifs de ce type d’étude est
d’obtenir des estimations individuelles de déplacement et des densités de
population.
Pour les félins tachetés, la reconnaissance est facile : deux individus différents de jaguar et trois d’ocelot ont ainsi
été identifiés par les patterns de taches
sur leur pelage. Cependant, aucune
recapture n’a été enregistrée sur ces
individus.
Pour le tapir, notre espèce cible, la
tâche est beaucoup plus difficile, car
peu de marques naturelles sont visibles. Le travail est actuellement en
cours dans ce domaine, et a d’ores
et déjà permis d’identifier une douzaine d’individus différents grâce à
des cicatrices, marques et taches de
pelage…
Les biches présentent également beaucoup de cicatrices et/ou de marques de
parasite. Un travail similaire d’identification sera tenté prochainement.
Comparaison
avec d’autres études
En Amérique du sud, ce type d’étude
a été mené principalement dans des
forêts sèches tropicales de Bolivie, dans
30
ONCFS Rapport scientifique 2006
les milieux ouverts et humides du
Pantanal, et dans les forêts atlantiques
du Sud du Brésil, ainsi qu’au Bélize.
Dans la majorité des cas, l’étude était
ciblée initialement sur le jaguar, mais
de nombreux résultats ont été également obtenus pour l’ocelot, et parfois
pour le tapir.
Pour les félins et le tapir, les taux de
capture rapportés dans ces études sont
généralement très largement supérieurs
à ceux obtenus dans notre zone guyanaise (Maffei et al., 2004 et 2005 ;
Silver et al., 2004 ; Dillon, 2005 ;
Trolle & Kerry, 2003 et 2005 ; Noss
et al., 2003 ; Trolle, 2003).
Peu de résultats sont publiés sur
d’autres espèces, mais il semble que les
taux de capture obtenus sur la biche
rouge soit plus proches, voire supérieurs dans notre étude (Maffei et al.,
2002 ; Wallace et al., 2002 ; Trolle,
2003).
Discussion méthodologique
et poursuite de l’étude
Premier essai d’application de la
méthode en forêt guyanaise, cette
étude avait comme objectifs un test
méthodologique et l’adaptation aux
conditions et espèces locales.
La méthode a démontré son efficacité, et les premiers résultats sont
concluants. Les faibles taux de capture
enregistrés par rapport aux autres études peuvent être attribués à diverses
causes. Premièrement, les autres études étaient toutes initialement ciblées
sur le jaguar, ce qui peut contribuer à
expliquer les meilleurs scores réalisés
par les félins, les sites de capture étant
sélectionnés en fonction de ces espèces. De plus, les sites étaient parfois
appâtés pour maximiser les probabilités de capture, l’objectif étant la
détermination des densités, et non la
comparaison brute des taux de capture.
Dans la plupart des autres études,
les dispositifs étaient mis en place en
grande partie le long de voies de circulation beaucoup plus accessibles (pistes
carrossables, en particulier) que dans
le milieu forestier continu dans lequel
nous avons travaillé. D’une part, la
mise en place et le relevé des pièges
se font plus aisément en véhicule qu’à
pied, ce qui permet également une
couverture plus étendue du dispositif.
D’autre part, les études comparatives
ont montré une efficacité beaucoup
plus importante des pièges photos disposés le long des pistes par rapport aux
layons forestiers, en particulier pour les
félins qui utilisent largement ces voies
pour leurs déplacements (Maffei et al.,
2004 ; Trolle & Kery, 2005). Dans
tous les cas, ces travaux ont été réalisés
après des études pilotes, qui ont servi
à maximiser les taux de capture afin
d’augmenter l’efficacité de la méthode
et d’obtenir suffisamment de données
pour aboutir à des calculs de densité
grâce aux « recaptures ».
Une autre explication peut provenir
du matériel utilisé. Les autres études,
plus anciennes, utilisaient des appareils classiques, alors que nous avons
utilisé des appareils photos numériques, dont l’inconvénient est un temps
de latence trop long avant le déclenchement. Cependant, le taux de photos
vides (l’animal aurait été détecté, mais
quitté la zone avant la photo) ne semble pas trop élevé, et en tout état de
cause difficile à comparer car jamais
publié. Ce choix de matériel avait
été longuement débattu, et finalement
décidé en fonction entre autres des
récents progrès réalisés sur ce type de
matériel numérique et des risques plus
réduits de moisissures (problème très
fréquemment rapporté sur les pellicules
en milieu très humide).
Enfin, il est également possible que
les densités de ces espèces soient plus
faibles en milieu de terre ferme tropical
humide.
La poursuite du programme nécessitera un test de l’effet matériel en se
procurant quelques modèles classiques,
maintenant disponibles dans des boites
parfaitement étanches, et en les disposant de manière couplée à nos modèles
numériques. En outre, une optimisation des taux de capture sera recherchée en bénéficiant des connaissances
acquises sur le milieu, sur le mode
de fonctionnement et les problèmes
avec le matériel (inondation, termites, problèmes de contacts électriques),
mais également en changeant de place
les appareils lorsque aucune photo
ne sera enregistrée pendant 15 jours.
Les mêmes layons de piégeage seront
utilisés dans l’hypothèse généralement
Stratégie nationale pour la biodiversité
admise que les animaux auront entre
temps « appris » à utiliser ces nouvelles voies de déplacement. L’appâtage
des sites de piégeage (pierre à sel ou
fruits) est également envisagé. Enfin,
il apparaît nécessaire de disposer d’un
« sous-réseau » plus resserré d’appareils pour essayer d’obtenir des recaptures d’espèces à domaine vital plus
faible, comme les biches.
Par ailleurs, un programme a été déposé
avec l’association Kwata à la Wildlife
Conservation Society pour l’étude du
jaguar par cette méthode. La WCS
doit prêter du matériel, et d’autres
zones seront échantillonnées en parallèle pour comparer divers milieux, plus
ou moins anthropisés.
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ABSTRACT
Wildlife studies in Guiana by camera trapping. First results
Cécile Richard-Hansen, Laure Debeir, Lucile Dudoignon & Philipe Gaucher
■ Camera trapping studies were conducted for the first time in the tropical rainforest of French Guiana. This pilot study was
conducted in the Nouragues National Reserve, primarily to test and adapt the methodology to local species and environmental
conditions. The focus species was the Tapir (Tapirus terrestris) and the field protocol was chosen according to this species
ecology. Twenty one trap sites were regularly spaced 0.8 to 1 km from each other in deep primary forest at the NouraguePararé scientific stations. Data were collected from 4 680 trap-nights, between June 2006 and February 2007. 757 photos
were recorded, from which 327 were considered as independent captures », of 20 different species. Global capture success
was 7 %. The most frequent species were ungulates, particularly the red and gray brocket deer, the collared peccary and the
tapir. Activity patterns were analysed from hours of « photographic capture », recorded for each event. Individual recognition
of tapirs was attempted, based on scars and physical characteristics, and allowed to identify as least 12 different specimens.
These first results allow us to continue the study and improve the method for the next years.
ONCFS Rapport scientifique 2006
31
uilibre
or t
Photo © ONCFS
L
a notion d’équilibre forêt-gibier,
même si elle a évolué, ne prend
en général en compte dans les
textes de loi ou de décret que l’interaction ongulés-forêt et reste très fortement liée à l’aspect économique. La
définition la plus couramment retenue
est la suivante : « réaliser un équilibre
harmonieux entre une faune sauvage
abondante, variée, de bonne qualité, et des
peuplements forestiers dont l’avenir et la
pérennité ne sauraient tre compromis ».
Certains auteurs précisent que « l’équilibre s’apprécie en termes de seuils d’impact
au-delà duquel une situation inacceptable se produit sur le plan économique et
biologique en fonction d’objectifs ». La
loi sur le développement rural de 2005
(article L 425.4) précise que : « l’équilibre sylvo-cynégétique tend à permettre
la régénération des peuplements forestiers
dans des conditions satisfaisantes pour le
propriétaire, dans le territoire forestier
concerné ».
32
ONCFS Rapport scientifique 2006
La gestion harmonieuse des relations
entre forêts et herbivores s’articule
autour de deux types d’actions complémentaires : le contrôle par la chasse des
effectifs d’ongulés sauvages afin d’éviter
que leur sur-nombre ne compromette la
régénération forestière et la gestion des
habitats forestiers visant à favoriser la
capacité d’accueil. Elle s’appuie sur des
connaissances scientifiques acquises
ou en cours d’acquisition sur des thèmes aussi variés que la dynamique des
populations (paramètres démographiques), l’occupation spatiale et la sélection des habitats, le régime alimentaire
et la dynamique de consommation des
essences forestières. Les résultats des
recherches, mises en place en partenariat
avec le CNRS/Laboratoire de biométrie
et de biologie évolutive sur les territoires d’étude de Chizé et de Trois-Fontaines pour le chevreuil, de la Petite-Pierre
pour le cerf, des Bauges, d’Orlu et du
Bazés pour le chamois et l’isard, et enfin
du Caroux pour le mouflon, permettent
de proposer et de valider des méthodes
de suivi de l’équilibre forêt-gibier. Ces
méthodes peuvent être regroupées sous le
terme d’« indicateurs de changements
écologiques » (ICE). Trois composantes
doivent être prises en compte : l’abondance de la population, la performance
des individus et l’impact sur l’habitat.
Nos travaux reposent, d’une part, sur
le contrôle expérimental des effectifs
des populations étudiées afin de provoquer des variations sensibles de l’état
d’équilibre population-environnement
et, d’autre part, sur la mesure, à moyen
terme, des conséquences sur les paramètres cibles, dont certains sont retenus
comme ICE en raison de leur sensibilité.
Pour être complètement pertinents, ces
outils doivent encore être testés, voire
adaptés aux échelles opérationnelles que
sont les unités de gestion. En effet, cellesci présentent des conditions différentes
des territoires de référence gérés par des
professionnels : superficies importantes,
environnement variable, nombre souvent élevé de sociétés de chasse. Dans ce
domaine un projet est en cours qui porte
sur un nombre limité mais représentatif
de départements ainsi que sur quelques
observatoires. L’expertise technique du
fonctionnement actuel et l’analyse des
données enregistrées par les partenaires
(chasseurs et forestiers) visent à déterminer les conditions d’application des outils
existants et à identifier les difficultés
et les points de blocage rencontrés sur
le terrain. Pour répondre à la demande
récurrente des gestionnaires de disposer
d’outils allégés, l’effet de la réduction
gibier
de l’échantillonnage sur la précision des
résultats est testé par des analyses statistiques appropriées. Dans le département
du Jura, par exemple, l’analyse des indices kilométriques « chevreuil » relevés
depuis une dizaine d’années, en collaboration avec la fédération départementale des chasseurs, a permis de réduire le
nombre de sorties de 20 à 30 % selon les
massifs tout en conservant un niveau de
détection des variations acceptable pour
la gestion. Un travail similaire a permis
de proposer un plan d’échantillonnage
très réduit pour mesurer l’indice de pression d’abroutissement du sapin (cf. article de Michallet & Aubry, ci-après). Les
investigations à venir porteront sur l’élaboration d’un plan d’échantillonnage
pour la mesure des indices biométriques.
La majorité des essences forestières ne
constitue pas une alimentation de premier intérêt dans l’échelle d’appétence.
La prise en compte des animaux dans
les différentes phases de la sylviculture
peut apporter des solutions pour maintenir une bonne adéquation entre les
peuplements forestiers et les populations
d’ongulés sauvages. Sur un plan pratique, il est donc possible de réduire la
pression sur ces essences en augmentant
la disponibilité de la f lore spontanée,
plus recherchée. C’est en général le cas
des sous-ligneux durant l’hiver (ronce,
L’article de ce chapitre fait référence au
programme R1.2 Ongulés et équilibre agro-sylvocynégétique du contrat d’objectifs
lierre, etc.), dont la présence importante
est un facteur de réduction des abroutissements de résineux. Les feuillus, tels que
les chênes, sont en revanche très recherchés en période de végétation et la réduction de leur consommation passe par
la protection naturelle des plants. Des
expérimentations concrètes, conduites
avec les forestiers publics (ONF) et privés
(CRPF), permettent désormais de faire
des propositions pour améliorer la capacité d’accueil des habitats et/ou réduire
la sensibilité des peuplements aux ongulés sans forcément limiter drastiquement
les effectifs. Pour le cerf, le dosage des
éclaircies dans les jeunes peuplements
favorise la disponibilité alimentaire globale sans mettre en cause la sylviculture
de production. En revanche, il n’est guère
envisageable de généraliser ces pratiques
pour le chevreuil, compte tenu de la taille
très limitée des domaines vitaux. Il est
possible cependant de réduire la sensibilité des plants en favorisant le recrû
spontané qui constitue une protection
mécanique et un garde-manger. Dans le
même esprit, lors de coupes d’ensemencement, la conservation au sol des houppiers et des grosses branches non débités
fournissent une protection mécanique
naturelle limitant l’accès des ongulés
et donc la consommation des graines
(glands et faines) par les sangliers et des
semis par les cervidés.
L’intérêt des mesures de gestion des
habitats ne se limite cependant pas
à l’équilibre forêt-gibier. Elles visent
aussi le maintien ou la restauration
de la biodiversité et notamment des
espèces d’intérêt patrimonial comme
notamment les galliformes de montagne. La présence du grand tétras,
par exemple, est associée aux stades
mature et sénescent des forêts, qui
comprennent de nombreux taxons rares
ou patrimonialement intéressants.
Un guide pratique sur la sylviculture
adaptée au maintien des populations de grand tétras a été réalisé en
1992 par l’ONCFS et l’ONF. Les dernières études sur la gélinotte des bois
dans les Alpes-de-Haute-Provence ont
également mis en évidence des modes
de sylviculture favorables ou défavorables à cette espèce. Sa quasi disparition dans le quart nord-est de la
France peut être imputée à une sylviculture inadaptée à sa biologie. Enfin,
cette préoccupation concerne aussi les
espaces en déprise agricole. Des expérimentations d’ouverture des milieux
en zones méditerranéenne et montagnarde par gyrobroyage et/ou brûlage
dirigé ont montré leur intérêt et leur
efficacité face à l’embroussaillement
des pâturages et la réduction des zones
ouvertes favorables à une faune variée,
et au mouflon en particulier.
Daniel Maillard
François Klein
Responsable du CNERA
Faune de Montagne
Responsable du CNERA
Cervidés-sanglier
ONCFS Rapport scientifique 2006
33
Équilibre forêt-gibier
Réduction de l’effort d’échantillonnage
pour estimer le taux d’abroutissement
sur le sapin pectiné en for t de montagne
Jacques Michallet & Philippe Aubry
Contexte de l’étude
En raison d’une forte sous-estimation de l’effectif réel, les comptages de populations d’ongulés ont montré
leurs limites (Toïgo, 1998 ; Gaillard et al., 2003). Aussi, la stratégie de gestion est-elle désormais plutôt
fondée sur l’utilisation d’une batterie d’indicateurs de changement écologique (ICE), renseignant sur le statut
des populations d’ongulés en relation avec leur environnement (Boisaubert & Gaillard, 1995 ; Ballon, 1999 ;
Maillard et al., 1999 ; Van Laere, 1999 ; Morellet et al., 2001).
L’approche par ICE repose sur la prise en compte de trois composantes distinctes : l’abondance de la
population, la performance des individus et l’impact des animaux sur l’habitat (Morellet et al., 2007). Le recueil
des mesures liées à cette dernière composante intéresse aussi bien les sylviculteurs que les chasseurs. Elle
nécessite le plus souvent la mise en place de protocoles lourds, sur des surfaces importantes (plusieurs
milliers d’hectares).
C’est le cas des suivis de l’indice de consommation et du taux d’abroutissement proposés par l’Observatoire
de la grande faune et de ses habitats (OGFH) sur différents sites en région Rhône-Alpes. Le nombre de
placettes sur lesquelles les mesures sont effectuées varie entre 200 et 2 084, et chaque site nécessite
entre vingt et cent trente journées de travail pour deux personnes. Ce coût élevé en temps a conduit à étudier
l’optimisation des plans d’échantillonnage mis en place. L’objectif à atteindre est une réduction de l’effort
d’échantillonnage qui minimise la perte d’information par rapport au dispositif initial, tout en garantissant que
le plan d’échantillonnage sera robuste dans le temps.
Méthode de récolte
des données
L’étude s’est déroulée sur cinq massifs
forestiers : le massif des Bauges avec
deux sites (Semnoz et Cimeteret), le
massif de la Chartreuse (forêt de la
Charmette), le massif du Vercors (forêt
de Lente), le massif du Pilat et enfin le
massif des Monts de la Madeleine.
Les peuplements forestiers sont essentiellement des hêtraies sapinières d’altitude
pour les massifs alpins (entre 1 000 m et
1 500 m d’altitude en moyenne) et des
sapinières pures pour les massifs du Pilat
et des Monts de la Madeleine (altitude
comprise entre 800 m et 1 100 m).
La technique de relevé s’appuie sur
un maillage systématique construit à
partir d’une maille carrée de 200 à
600 mètres de côté (tableau 1). Chaque placette est localisée sur le terrain
grâce à ses coordonnées géographiques
34
ONCFS Rapport scientifique 2006
(Lambert II étendu ou WSG84) à l’aide
d’un GPS. Les caractéristiques topographiques (altitude, pente, exposition)
de chaque placette sont issues d’un
modèle numérique de terrain (MNT)
de l’Institut géographique national
(IGN).
Dans le cadre de cette étude, seul le
taux d’abroutissement sur les semis de
sapin pectiné (Abies alba) a été pris en
compte. La mesure du taux d’abroutis-
sement s’effectue sur les cinq semis des
principales essences les plus près du
centre de la placette, avec un éloignement maximal de quinze mètres. Pour
chaque semis, la présence d’abroutissements et/ou de frottis réalisés lors
de la saison de végétation précédente
est également notée. De plus, les semis
sont classés en fonction de leur hauteur
(inférieure à 70 cm et comprise entre
70 et 180 cm). Afin de connaître la
disponibilité en terme de régénération
Tableau 1 : Répartition des placettes par territoire d’étude et nombre d’années de mesure.
Années
Nombre
de placettes
Distance entre
deux placettes
(en m)
Sur ace
échantillonnée
(en ha)
Chartreuse
2004 à 2006
200
216
1 000
Cimeteret
2004 à 2006
213
212
1 000
Monts de la Madeleine
2004 à 2006
225
250
1 000
Site d’étude
Pilat
2006
2 084
224
30 000
Semnoz
2004 à 2006
321
400
6 000
Vercors
2001 à 2006
247
600
5 000
Équilibre forêt-gibier
forestière, la densité de semis est également mesurée selon un protocole particulier (Saint-Andrieux, 2001).
le vérifier il convient de disposer d’un
jeu de données sur plusieurs années, ce
qui est le cas pour tous les sites d’étude,
excepté pour le massif du Pilat.
Démarche statistique
L’échantillonnage aléatoire stratifié étant d’autant plus précis que la
variance intra-strates est faible, il est
alors possible, pour une année donnée,
de définir les strates optimales pour
ce dispositif – c’est-à-dire celles qui
minimisent la variance intra-strates
– grâce à l’algorithme de Fisher (Diday
et al., 1982). Le nombre de strates est
alors spécifié d’après l’examen d’un
dendrogramme issu d’une classification ascendante hiérarchique (CAH)
(Diday et al., 1982, Lebart et al.
1997). Nous avons donc également
examiné si la définition optimale des
strates présentait une relative stabilité
temporelle.
Afin de réduire l’effort d’échantillonnage, deux options sont possibles :
– redéfinir complètement le motif
d’échantillonnage (nombre et position
des placettes),
– conserver le motif d’échantillonnage
en place mais en supprimant certaines
placettes.
Pour des raisons logistiques et de
continuité des programmes, nous ne
considérons que la seconde option.
Dans notre démarche, le dispositif
d’échantillonnage probabiliste retenu
est l’échantillonnage aléatoire stratifié. L’efficacité de ce dispositif est
maximale lorsque les strates (groupe
de placettes) minimisent la variance
intra-strates du taux d’abroutissement
(Cochran, 1977).
remière approche
Dans un premier temps, nous avons
étudié pour chaque territoire la relation entre les variables topographiques
(altitude, pente et exposition) et la
variable d’intérêt (taux d’abroutissement) afin d’identifier si au moins une
des variables pouvait servir à définir
des groupes homogènes de placettes,
et servir ainsi de variable stratifiante.
Pour cela nous avons utilisé des diagrammes de dispersion ainsi que la
régression linéaire multiple dans le cas
des variables quantitatives (pente et
altitude) et le graphique des moyennes
conditionnelles ainsi qu’une ANOVA à
un critère de classification dans le cas
de la variable nominale (exposition).
Deuxième approche
En l’absence de relation significative entre les variables topographiques potentiellement stratifiantes et la
variable d’intérêt, nous avons envisagé
une deuxième approche. Celle-ci repose
sur l’utilisation de la variable d’intérêt
elle-même comme variable stratifiante,
à condition toutefois qu’elle présente
une relative stabilité temporelle. Pour
Troisième approche
L’exploitation d’une éventuelle structure d’autocorrélation spatiale entre les
placettes constitue la troisième approche possible. En effet, si la valeur du
taux d’abroutissement relevée sur une
placette est, en moyenne, spatialement
autocorrélée positivement avec celles
observées sur les placettes voisines,
cela signifie qu’il existe une certaine
redondance spatiale dans la mesure de
la variable d’intérêt. La réduction de
cette redondance spatiale doit permettre d’estimer le taux d’abroutissement
à partir d’un plus petit ensemble de
placettes qu’initialement, sans pour
autant que la précision de l’estimation
n’en soit trop grandement affectée.
Pour mesurer et tester l’autocorrélation spatiale entre les placettes, nous
avons utilisé le graphe de voisinage des
placettes en 4-adjacence (figure 1) et
les tests du c de Geary et du I de Moran
(Clif & Ord, 1981 ; Aubry, 2000).
Pour un territoire donné, si l’autocorrélation spatiale positive est avérée sur plusieurs années, la réduction
de la densité d’échantillonnage peut
se formaliser notamment comme la
recherche de la coloration du graphe
de 4-adjacence (1). Une solution à ce
problème d’optimisation combinatoire
peut être obtenue rapidement à l’aide
de l’heuristique de Welsh & Powel
(Prins, 1994). Le résultat de ce traitement est une partition des placettes
en autant de sous-ensembles que de
« couleurs », tels qu’aucune placette
ne peut être 4-voisine d’une autre
placette appartenant au même sousensemble (figure 2).
Nous n’avons pas examiné le recours à
un dispositif d’échantillonnage probabiliste évitant les unités voisines, bien
que de tels dispositifs existent (cf. Hedayat et al. 1988).
uatrième approche
Figure 1 : Nous considérons ici le voisinage
immédiat d’une placette. Comme les placettes
sont fondamentalement organisées selon une
grille à maille carrée, une placette entretient
avec ses huit voisines deux types de voisinage :
le voisinage direct dans lequel les deux placettes
ont même abscisse ou ordonnée (voisins 0, 2,
4 et 6) et le voisinage indirect dans lequel les
deux placettes ont une abscisse et une ordonnée différentes (voisins 1, 3, 5 et 7). En se
restreignant au voisinage direct, on définit la
4-adjacence.
Une dernière possibilité consiste à
exploiter la localisation géographique
des placettes et leur densité relative
dans les sites étudiés afin de stratifier les placettes sur une base purement spatiale. En effet, en dernier
ressort, il est toujours possible de
stratifier en faisant référence uniquement à l’espace géographique, ce qui
autorise un échantillonnage spatialement plus représentatif que ne l’est
l’échantillonnage aléatoire simple qui
a tendance à produire des densités
variables de placettes dans les sites
(Aubry, 2000 ; Thompson, 2002).
(1) Un graphe est dit k-colorable si l’on
peut colorer ses sommets avec k couleurs
distinctes, sans que deux sommets voisins
aient la même couleur (Prins, 1994).
ONCFS Rapport scientifique 2006
35
Équilibre forêt-gibier
heuristique d’optimisation combinatoire telle que l’algorithme d’agrégation autour des centres mobiles ou
-means (pour ces méthodes, cf. Diday
et al. 1982, Lebart et al. 1997). Ces
approches classiques de partitionnement ne présentent toutefois d’intérêt
que pour un motif d’échantillonnage
présentant des irrégularités marquées
de la répartition spatiale des placettes,
sans quoi les délimitations des strates n’ont aucune raison d’être moins
arbitraires que celles obtenues par un
P quadtree.
Résultats
remière approche
Les variables topographiques (exposition, pente et altitude) n’ont pas d’effet significatif sur le niveau moyen du
taux d’abroutissement ou expliquent
une part extrêmement faible de la
variance totale (tableaux 2 et 3).
Deuxième approche
Figure 2 : Représentation cartographique des placettes avec leurs colorations, au sens de la coloration
d’un graphe de 4-adjacence par l’heuristique de Welsh & Powel (Cimeteret). Les quatre marques
correspondent aux quatre « couleurs » des placettes.
Nous proposons de stratifier l’espace
géographique à l’aide d’une structure
hiérarchique telle qu’un Point egion
quadtree (P quadtree). Un quadtree est
un arbre qui correspond à la décomposition du domaine étudié en quatre quadrants, cette décomposition se
répétant de façon récursive sur chaque
quadrant comportant des placettes,
jusqu’à ce qu’un critère soit satisfait pour tous les quadrants (Chassery
& Montanvert, 1991). Pour diriger
la construction du P quadtree nous
utilisons le nombre de placettes et
décidons de découper un quadrant si
le nombre de placettes qu’il contient
dépasse cinquante (exemple pour le
massif du Pilat, figure 3).
Une autre façon de procéder consiste
à déterminer un nombre de groupes de placettes par troncature du
dendrogramme d’une CAH établie à
partir de la matrice des distances
36
ONCFS Rapport scientifique 2006
euclidiennes entre placettes ou encore
à définir une partition minimisant
la variance intra-classes par une
Sur l’ensemble des sites étudiés (hormis le massif du Pilat pour lequel on
ne dispose que d’une seule année de
données), aucune stabilité temporelle
n’est mise en évidence, ni pour le taux
d’abroutissement, ni pour les strates
optimales obtenues par l’algorithme
de Fisher. La prise en compte de la
variable d’intérêt comme variable stratifiante n’est donc pas de nature à
augmenter la précision par rapport à
l’échantillonnage aléatoire simple.
Tableau 2 : Résultats de l’ANOVA pour le facteur « exposition » (pas de données pour Cimeteret,
Semnoz et Vercors).
Site
Chartreuse
Monts de la Madeleine
Pilat
Années
P value
2004 ; 2005
0,25 ; 0,06
2004 ; 2005 ; 2006
0,74 ; 0,89 ; 0,001*
2006
0,30
* L’effet statistiquement significatif de l’exposition sur le taux moyen d’abroutissement est essentiellement dû aux
valeurs nulles relevées pour de nombreuses placettes.
Tableau 3 : Résultats de l’ANOVA associée au modèle de régression multiple pour les facteurs
« pente » et « altitude » (pas de données pour Cimeteret, Semnoz et Vercors).
Site
Chartreuse
Monts de la Madeleine
Pilat
Années
P value
2004 ; 2005
0,17 ; 0,022
2004 ; 2005 ; 2006
0,46 ; 0,11 ; 0,98
2006
0,0001*
* Ce résultat est dû à la grande quantité de données ainsi qu’au léger décalage des paquets de points vers les
altitudes les plus élevées ; il est associé à une part de variance expliquée extrêmement faible (R = 2,26 %).
Équilibre forêt-gibier
Tableau 4 : P-values des tests d’autocorrélation spatiale entre placettes voisines au sens du graphe de 4-adjacence, basés sur le c de Geary et le I de
Moran. Les p-values ont été estimées sur la base de 106 permutations des valeurs (test de randomisation).
Sites
Année
c
de eary
I
de Moran
Année
c
de eary
I
de Moran
Année
c
de eary
I
de Moran
Chartreuse
2004
0,15
0,13
2005
0,22
0,11
2006
Cimeteret
2004
0,0005
0,0087
2005
0,0003
0,003
2006
Monts de la Madeleine
2004
0,21
0,08
2005
0,29
0,01
2006
0,00001
0,00001
Semnoz
2004
0,0001
0,0014
2005
0,004
0,042
2006
0,00001
0,0001
Vercors
2004
0,001
0,001
2005
0,0033
0,00001
2006
Pilat
0,0001*
0,00005
0,40
0,00001*
0,0002
0,19
*Le fait que l’autocorrélation soit significative pour l’année 2006 dans le massif de Chartreuse est dû à la présence de nombreuses placettes pour lesquelles le taux
d’abroutissement est nul.
Troisième approche
La coloration du graphe de 4-adjacence
des placettes conduit en général à trois
échantillons exploitables qui correspondent à des fractions d’échantillonnage
d’environ 40-50 % pour la couleur 1,
30-35 % pour la couleur 2 et 15-20 %
pour la couleur 3. La couleur 4 conduit
à de trop petits échantillons pour être
utilisable.
Pour les massifs de Chartreuse et des
Monts de la Madeleine, au sens du
graphe de voisinage en 4-adjacence, il
n’existe pas d’autocorrélation spatiale
statistiquement significative entre les
placettes (tableau 4). Aussi, pour ces
deux sites, nous ne proposons pas de
réduire la densité d’échantillonnage à
partir de la coloration du graphe de
4-adjacence. Pour le massif du Cimeteret, les erreurs relatives calculées
pour les années 2004 à 2006 pour
les trois échantillons (couleurs 1, 2
et 3) sont relativement élevées (supérieures à 10 % en valeur absolue),
ce qui suggère de ne pas adopter
cette méthode pour réduire la densité d’échantillonnage. Dans le cas du
massif du Semnoz, les erreurs relatives calculées pour les années 2004
à 2006 sont acceptables uniquement
pour l’échantillon correspondant à la
couleur 1 (erreurs relatives inférieures
à 10 % en valeur absolue). En ce qui
concerne le Vercors, les deux premières
couleurs définissent deux échantillons
présentant des erreurs relatives acceptables (en général inférieures à 10 %
en valeur absolue). Enfin, la coloration
des placettes du massif du Pilat donne
lieu à trois échantillons présentant des
erreurs relatives globalement acceptables pour autant que nous puissions
en juger sur la base d’une seule année
de données.
Le sous-ensemble de placettes correspondant à une couleur peut être
considéré comme un échantillon à part
entière, obtenu de façon déterministe,
mais il peut éventuellement être luimême sous-échantillonné de façon
aléatoire – par échantillonnage aléatoire simple – afin de réduire encore
l’effort d’échantillonnage. Sur l’ensemble des sites où une réduction
de l’effort d’échantillonnage peut être
envisagée grâce à la coloration du graphe de 4-adjacence, nous avons calculé
les courbes de la précision relative du
taux moyen d’abroutissement estimé.
Ces courbes sont calculées pour chacun
des sous-ensembles prédéfinis (1, 2,
3 couleurs) en faisant varier la fraction d’échantillonnage aléatoire simple
entre 5 % et 100 % avec un pas de
5 % (exemple pour le massif du Pilat,
figure 4).
uatrième approche
Figure 3 : PR quadtree obtenu dans le massif du Pilat en découpant un quadrant lorsqu’il contient
plus de cinquante placettes.
Une stratification spatiale a été effectuée pour tous les sites grâce à un P
quadtree en découpant récursivement
chaque quadrant contenant plus de
cinquante placettes. Pour chacun des
sites, le nombre de quadrants terminaux (les strates spatiales) est présenté
dans le tableau 5.
ONCFS Rapport scientifique 2006
37
Équilibre forêt-gibier
60
50
Couleur 1
Couleur 2
Couleur 3
CV (%)
CV (%)
40
30
20
10
0
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
20
18
16
14
12
10
8
6
4
2
0
PR-Quadtree
EAS
Coloration
0
10
20
(%)
Trois dispositifs d’échantillonnage aléatoire stratifié (au sens large) peuvent être
définis dans le cadre de notre étude :
– un dispositif comprenant une seule
strate (par défaut) regroupant toutes les
placettes, ce qui correspond à l’échantillonnage aléatoire simple (EAS) qui
servira de dispositif de référence parce
qu’il est le moins efficace de tous ceux
que nous pouvons examiner,
– un dispositif comprenant les quatre
strates définies par la coloration du
graphe de 4-adjacence des placettes,
– un dispositif dont les strates sont définies spatialement sur la base de l’utilisation d’un P quadtree avec découpage
récursif des quadrants lorsque le nombre
de placettes dépasse cinquante.
Nous avons comparé la précision relative de l’estimation du taux d’abroutissement moyen pour le sapin pectiné
selon le dispositif retenu. Compte tenu
Tableau 5 : Nombre de strates spatiales du
PR quadtree obtenu pour chaque site après
découpage des quadrant contenant plus de
cinquante placettes.
Sites
38
Nombre de strates
spatiales
Chartreuse
10
Cimeteret
10
Monts de la Madeleine
13
Pilat
95
Semnoz
13
Vercors
12
ONCFS Rapport scientifique 2006
40
50
60
70
80
90
100
(%)
Figure 4 : Précision relative par rapport au taux d’abroutissement moyen
relevé sur les semis de sapin pectiné, pour les sous-ensembles de placettes
des couleurs 1, 2 et 3, en fonction de la fraction d’échantillonnage, pour
l’année 2006, dans le massif du Pilat.
uel dispositif choisir ?
30
Figure 5 : Précision relative de l’estimation du taux d’abroutissement moyen
des semis de sapin pectiné, pour trois définitions des strates (voir le texte),
en fonction de la fraction d’échantillonnage, pour l’année 2006, dans le
massif du Pilat.
de l’importance du jeu de données examiné, seuls les résultats concernant le
massif du Pilat sont présentés (figure 5).
On constate que la stratification spatiale par le P quadtree peut conduire à
des estimations effectivement plus précises que l’EAS. L’intérêt de la coloration
du graphe de 4-adjacence ne réside pas
dans la stratification qu’elle induit (ce
n’était du reste pas son objectif initial)
puisque la courbe obtenue est quasiment
confondue avec celle de l’EAS.
Afin de proposer aux gestionnaires
un allégement du dispositif d’échantillonnage pour l’estimation du taux
d’abroutissement sur le sapin pectiné,
nous avons donc examiné plusieurs
approches statistiques. La stratification par les variables topographiques
(pente, altitude et exposition) ne peut
pas conduire à un gain de précision par
rapport à l’EAS. La redondance spatiale
entre placettes 4-voisines, présente sur
certains sites et certaines années, peut
être évitée notamment par l’utilisation
des sous-ensembles de placettes définis
par la coloration du graphe de 4-adjacence, essentiellement l’échantillon
défini par la couleur 1. Avec cet échantillon, il est possible de réduire l’effort
d’échantillonnage de façon importante
en considérant seulement 40-50 % des
placettes, l’erreur relative calculée pour
les années disponibles étant alors en
général inférieure à 10 %. À l’intérieur
de ce sous-ensemble, il est encore possible de réduire l’effort d’échantillonnage
en adoptant un échantillonnage aléatoire simple avec une fraction d’échantillonnage d’environ 70 %. La précision
relative est alors de l’ordre de 10 % par
rapport à la moyenne du taux d’abroutissement calculée pour l’ensemble des
placettes de l’échantillon correspondant
à la couleur 1 et la fraction d’échantillonnage globale s’établit alors à 3035 % (70 % de 40-50 %).
Enfin, la stratification spatiale à l’aide
d’un P quadtree permet d’obtenir une
efficacité au moins du niveau de celle de
l’EAS, et en général un peu meilleure.
Elle permet en général de réduire l’effort
d’échantillonnage d’environ 40-50 %
en respectant une précision relative de
10 %. Pour certains massifs et certaines
années, l’effort d’échantillonnage peut
même descendre à 25 % (Chartreuse
et Vercors en 2004), voire même 15 %
pour le site du Pilat.
Plutôt que de recourir à l’EAS qui ne
garantit pas une répartition spatialement homogène des placettes, nous
privilégions la stratification spatiale à
l’aide d’un P quadtree. Cette méthode
est applicable à l’ensemble des sites étudiés et permet une inférence statistique
dans le cadre de la théorie de l’échantillonnage probabiliste, ce que ne permet
pas la coloration du graphe de 4-adjacence (choix déterministe d’un échantillon). Le choix de la taille d’échantillon
dépend alors de la précision relative que
nous avons fixée (par exemple, inférieure
ou égale à 10 %). Il est souhaitable de
pouvoir disposer d’une certaine marge
de sécurité pour garantir la robustesse
du dispositif d’échantillonnage dans le
temps. Aussi est-il important de rester
prudent et de ne pas descendre en dessous d’une fraction d’échantillonnage
d’un ordre de grandeur de 40-50 %,
sauf dans le cas du massif du Pilat où
le nombre de placettes initial est très
important et où l’effort d’échantillonnage peut être considérablement réduit.
Équilibre forêt-gibier
La stratification spatiale par P quadtree, qui semble encore très peu utilisée
dans un contexte statistique (mais cf.
Csillag & Kabos 1996, McBratney et al.
1999), devrait permettre aux différents
partenaires d’assurer à long terme le
suivi du taux d’abroutissement grâce à
une réduction de l’effort d’échantillonnage. Une discussion entre les biologistes et les gestionnaires doit par ailleurs
valider le choix de la fraction d’échantillonnage en fonction de la précision
relative souhaitée.
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A BSTRACT
Reduction of the sampling effort to estimate the browsing rate on silver fir in mountain forest.
Jacques Michallet & Philippe Aubry
■ In order to assess the impact of wild ungulates on forest, managers jointly use several indicators which provide information on the relationships between animals and their forest habitat. The collection of data required to calculate the
indicators is carried out by using time-consuming field protocols. As indicators are settled on very large areas (several
thousands of hectares) we aim to reduce sampling effort. An example is given concerning the browsing rate of silver
fir (Abies alba). Data collected from 2001 on sets of plots distributed in five mountain forests in the Rhone-Alps region
were analysed. Our statistical strategy was to remove some plots by using subsampling, for each set of plots (population)
corresponding to a site, while minimizing the information loss and keeping the robustness of the new sampling plan. We
worked principally under the framework of probability sampling for a finite population and we retained stratified random
sampling as the design of reference. Four approaches were successively examined for each site: the search of a stratifying variable, the use of the browsing rate itself as a stratifying variable, the reduction of a possible spatial redundance
of information, and finally the spatial stratification with the help of a PR-quadtree. No variables which could be potentially
stratifying were retained. The spatial redundance allowed to reduce the sampling design to 40-50% of the total number
of plots but this approach does not allow an easy control of the information loss according to the sampling fraction,
unlike stratified random sampling. The spatial stratification with the help of a PR-quadtree generally allowed to reduce the
sampling effort to about 40-50% with a relative precision of 10%, and to keep the robustness of the sampling plan. This
approach was thus retained. However, discussion between researchers and managers remains absolutely necessary to
specify the appropriate relative precision.
ONCFS Rapport scientifique 2006
39
iseau
Photo © M. Benmergui/ONCFS
L
es oiseaux migrateurs ont classiquement suscité des études sur
le déterminisme de la migration, leurs facultés d’orientation, leurs
aptitudes physiques et physiologiques,
les routes et les haltes migratoires. Leur
nécessaire conservation a conduit également à la mise en place de systèmes
de surveillance à vaste échelle visant
à connaître l’évolution indiciaire des
effectifs et les modifications des habitats-clés pour ces mêmes espèces. Du
fait de leur vaste aire de répartition,
l’acquisition de nouvelles connaissances
n’est pas chose facile. De nouvelles
technologies permettent cependant de
répondre à certaines questions. C’est le
cas, par exemple, du suivi satellitaire
qui renseigne précisément sur les voies
migratoires ainsi que sur la localisation
et la durée des haltes.
Pour ce qui est de la gestion cynégétique
des espèces migratrices, la complexité
réside dans la difficulté de mettre en
40
ONCFS Rapport scientifique 2006
adéquation la ressource (connaissance
des effectifs et des tendances) et son
utilisation (prélèvements effectués par
les chasseurs).
Les trois articles présentés dans le
rapport 2006 illustrent la diversité
des thématiques liées à la gestion des
oiseaux migrateurs, de la connaissance
des prélèvements à la relation entre
l’abondance des ressources alimentaires
et celle des oiseaux, en passant par leur
rôle épidémiologique dans le cas d’une
épizootie.
Le premier analyse les résultats des
tableaux réalisés lors de la chasse de nuit
en France, pour la saison 2004/2005.
En effet, la légalisation de cette pratique dans vingt-sept départements et
les obligations réglementaires qui en
découlent ont conduit à la mise en
place d’un carnet de prélèvement obligatoire pour les installations concernées. Cet article fournit les premiers
igrateurs
résultats concernant la mise en place
expérimentale de ce système. Quinze
espèces sont principalement concernées,
parmi lesquelles quatorze anatidés et
un rallidé. Lors de la saison précitée,
110 500 oiseaux ont été prélevés, avec
une moyenne de 43 par installation
et 1,3 par nuit de chasse et par installation. Globalement, les canards de
surface représentent la majorité du
tableau. L’espèce la plus prélevée est
la sarcelle d’hiver, suivie du canard
colvert. L’analyse du tableau au cours
de la saison permet d’appréhender la
succession des f lux migratoires des
principales espèces. Les deux objectifs
poursuivis, d’une part l’estimation des
prélèvements par une méthode standardisée et, d’autre part, une mesure
indiciaire de la pression de chasse, ont
été atteints. Ainsi, le tableau de chasse
constitue-t-il un outil par défaut pour
contribuer au suivi de l’état des populations d’espèces concernées par cette
pratique cynégétique.
Le deuxième article est typiquement un
cas d’écologie appliquée. Il concerne les
relations entre l’abondance des fruits
et celle des grands turdidés en milieu
méditerranéen durant l’automne et
l’hiver. Des préconisations de gestion
des turdidés, espèces fortement convoitées, ne peuvent en effet s’envisager
sans la prise en compte de la qualité
des habitats, et en particulier des ressources trophiques. L’adéquation entre
l’abondance de fruits et les effectifs
d’oiseaux présents a été évaluée pour
deux espèces, la grive mauvis et le
merle noir. Les méthodes utilisées sont
de type indiciaires, classiques en ce
qui concerne l’avifaune mais originales
et ones
pour l’abondance des fruits. La relation
directe entre l’abondance des oiseaux et
la disponibilité en fruits n’est pas clairement démontrée. Cependant, dans le
cas de la grive mauvis, un lien semble se
dessiner, ce qui n’est pas le cas pour le
merle noir. Malgré tout, la mise en place
d’opérations agri-environnementales,
destinées à assurer une disponibilité en
fruits maximale en automne et en hiver,
doit être encouragée. Ces ressources alimentaires serviront aux frugivores lors
des haltes migratoires mais aussi en
hivernage, en particulier lors des vagues
de froid rendant indisponible la partie
animale (larves, vers de terre, etc.) de
leur régime alimentaire. De tels travaux
ont également été conduits en milieu
bocager, dans l’Ouest de la France, et
ont abouti à des modalités de gestion
de la haie favorisant la production de
fruits en automne-hiver.
Le troisième article concerne le rôle
épidémiologique des anatidés, et en
particulier du cygne tuberculé, dans
l’apparition de l’influenza aviaire en
Les articles de ce chapitre font référence aux
programmes du Contrat d’objectifs suivants :
R1.1 Petit gibier, migrateurs terrestres et
agrosystèmes
R1. Oiseaux d eau et zones humides
R2.1 Organisation, animation et exploitation des
réseaux d observation
R2. Tableaux de chasse des principales espèces
de gibier
u
ides
Dombes (Ain), en février 2006. Les
oiseaux migrateurs, voyageurs transfrontaliers sans contrôle possible par les
autorités sanitaires, ont été qualifiés de
responsables principaux dans l’extension géographique de cette épizootie,
tant à l’échelle locale que transcontinentale. Toutefois, cette assertion est à
tempérer dans la mesure où les échanges
commerciaux, légaux et/ou illégaux, de
volailles et des produits dérivés ont également un rôle important dans la diffusion du virus influenza aviaire H5N1
hautement pathogène (IA H5N1 HP),
comme l’apparition de cette maladie en
Afrique l’a illustrée. Cet article décrit
en préambule le dispositif de surveillances, passive et active, déployé au niveau
national, et dans lequel les agents
de l’ONCFS ont été fortement impliqués, ainsi que le premier foyer apparu
sur notre territoire. À la suite de la
découverte du premier cas en Dombes
(trois fuligules milouins trouvés morts
le 13 février 2006 à Joyeux), 39 lots
d’oiseaux analysés se sont révélés positifs, en majorité des cygnes tuberculés.
Cette dernière espèce est également
la plus touchée en Europe dans les
autres foyers déclarés. Ainsi, le cygne
tuberculé peut être considéré comme
l’espèce qui révèle le mieux l’infection,
en particulier grâce à la forte probabilité de détection d’un cadavre en raison
de la taille et de la couleur de l’oiseau,
mais aussi par sa sensibilité au virus,
ces deux facteurs étant par ailleurs
difficiles à séparer. L’hypothèse avancée
pour ce cas d’influenza aviaire apparu
en Dombes est une introduction du
virus par les fuligules milouins, poussés
par une vague de froid sévissant en
Europe de l’Ouest. Les observations
ont montré que la durée d’infection des
étangs n’a pas dépassé huit semaines,
ce qui soulève la délicate question de la
survie du virus dans l’environnement,
et sa sensibilité à l’augmentation de la
température. En conclusion, le cygne
tuberculé se révèle une excellente sentinelle pour la faune sauvage en cas
d apparition d’IA H5N1 HP.
Jean-Marie Boutin
Responsable du CNERA
Avifaune migratrice
ONCFS Rapport scientifique 2006
41
Oiseaux migrateurs et zones humides
Carnets de prélèvement pour la chasse de nuit.
Résultats pour la saison
Vincent Schricke, Régis Hargues* & François Auroy**
*Fédération Nationale des Chasseurs – 92136 Issy-les-Moulineaux Cedex
**Pôle Relais Gibier d’eau FNC – 92136 Issy-les-Moulineaux Cedex
Contexte de l’étude
Depuis 2000, trois lois ont successivement modifié les textes relatifs à l’exercice de la chasse en France,
dont la chasse de nuit. Ce mode de chasse se pratique uniquement sur le gibier d’eau (en particulier les
canards, oies et foulques) et a été légalisé en 2005 dans vingt sept départements (figure 1).
Ainsi, tout propriétaire d’installation fixe de chasse au gibier d’eau (hutteau, hutte, tonne, gabion, selon les
régions) a été tenu de la déclarer à la Direction départementale de l’agriculture et de la forêt (DDAF) avant
le 1er janvier 2000. En retour, un numéro d’immatriculation a été attribué à chaque installation. Par la suite,
plusieurs décrets ont fixé les règles permettant la pratique de ce mode de chasse, dont la détention obligatoire
d’un carnet de prélèvement. Ainsi, en 2006, le nombre d’installations fixes déclarées pour la chasse de nuit est
de 15 120. Par chasse de nuit, il faut entendre l’acte de chasse après et avant les heures légales d’ouverture
de la chasse, c’est-à-dire 2 heures après le coucher du soleil et 2 heures avant le lever du soleil.
Le présent article expose la méthodologie utilisée pour la mise en place du carnet de prélèvement et présente
l’analyse d’une partie des carnets retournés et exploitables pour la saison de chasse 2004/05 considérée
comme expérimentale.
Mise en place du carnet
de prélèvement
La mise en place du carnet de prélèvement dénommé ci-après « carnet de
hutte » a été établi selon le modèle joint
en annexe de l’arrêté ministériel du
22 janvier 2004. Ce carnet composé de
sept feuillets mensuels (août à février, les
dates de chasse n’étant pas encore fixées
au moment de l’élaboration du carnet ;
exemple ci-contre) est individualisé à
l’installation et non au chasseur. L’individu statistique est donc la hutte de
chasse. Toutes les nuits potentiellement
chassables de la saison sont figurées sur
chaque feuillet. Ainsi, toute nuit chassée
(avec ou sans prélèvement) est renseignée, ce qui permet de calculer un indice
d’effort de chasse. Au total, quinze
espèces sont notées : canard colvert
(Anas platyrhynchos), canard chipeau
Lorsqu’une hutte est utilisée par plusieurs
chasseurs ou équipe de chasseurs, un seul
carnet pour l’installation doit être retourné
à la FDC.
42
ONCFS Rapport scientifique 2006
(Anas strepera), canard pilet (Anas
acuta), canard souchet (Anas clypeata),
canard siffleur (Anas penelope), fuligule
milouin (Aythya ferina), fuligule milouinan (Aythya marila), fuligule morillon
(Aythya fuligula), nette rousse ( etta
rufina), oie cendrée (Anser anser), oie
rieuse (Anser albifrons), oie des moissons
(Anser fabalis), sarcelle d’hiver (Anas
crecca), sarcelle d’été (Anas querquedula)
et foulque macroule (Fulica atra).
À partir de ce modèle, la FNC, en accord
avec l’ONCFS, l’ANCGE et le ministère
chargé de la chasse, a proposé aux
vingt-sept fédérations concernées un
carnet « national » qui se veut évolutif
et qui permet une standardisation de
la récolte des données.
Chaque année, tout détenteur d’installation fixe pratiquant la chasse de
nuit se voit attribuer par la Fédération
départementale des chasseurs (FDC) un
carnet qu’il doit tenir à jour, et renvoyer
à cette fédération avant le 31 mars.
Les FDC transmettent ensuite, avant le
30 novembre, une synthèse informatisée des prélèvements départementaux
par espèce et par décade, en séparant
le domaine public maritime (DPM) et
le reste du territoire, à la Fédération
nationale des chasseurs (FNC) et à
l’Office national de la chasse et de la
faune sauvage (ONCFS). Enfin, la FNC
et l’ONCFS publient si possible avant le
1er janvier suivant un bilan annuel des
prélèvements, conformément à l’arrêté
ministériel du 21 janvier 2004.
Pour la saison 2004/2005, 9 910 carnets ont été distribués dans dix-neuf
fédérations. D’autres fédérations (sept)
ont préféré conserver leur propre carnet pour cette première année, dans
la mesure où il comportait les données réglementaires nécessaires. Enfin,
une seule fédération n’a utilisé aucun
carnet et ne présente pas de résultats
pour cette année expérimentale.
Méthode d’analyse
des données
Le modèle de carnet permet d’évaluer
la fréquentation annuelle, mensuelle et
Oiseaux migrateurs et zones humides
décadaire des installations, c’est-à-dire
le nombre de nuits chassées par rapport
au nombre de nuits chassables par an,
par mois et par décade. La pression de
chasse à l’échelle d’une saison, d’un
mois et d’une décade pour un département donné, voire un site ou une région
donnée est ainsi connue. De même, la
pression de chasse quotidienne peut être
mesurée en rapportant le nombre d’installations occupées par nuit au nombre
total d’installations immatriculées.
sant. Cela tient à trois conditions (coût
mis à part) :
enquêté (compréhensible et peu contraignant) ;
– un support de collecte des données
facilement accessibles pour le public
– un transfert aisé des informations
collectées dans une base de données ;
62
5
0
6
50
2
L’analyse des carnets permet d’établir
les prélèvements annuel, mensuel et
décadaire par espèce et les prélèvements annuel, mensuel et décadaire
par nuit et par installation.
14
2
02
51
55
61
22
10
35
Les résultats présentés pour la saison
2004/2005 doivent être considérés
comme préliminaires et seulement indicatifs des prélèvements réalisés par ce
mode de chasse.
1
33
40
Mise en place d’une base
de données nationale
34
31
64
65
Toute enquête, quelle qu’elle soit, voit
sa validité renforcée si le taux de retour
de l’information souhaitée est suffi-
02
60
13
11
Figure 1 : Départements o la chasse de nuit est autorisée en France (n = 27)
Carnet de prélèvement : exemple de feuillet mensuel
ONCFS Rapport scientifique 2006
43
Oiseaux migrateurs et zones humides
– une cohérence dans la structure de
la base de données qui permette les
analyses et conserve des possibilités
d’évolution en cas de modification.
Ces trois conditions doivent absolument être respectées pour pouvoir
espérer la pérennisation de ce type
d’étude. Pour cela, trois possibilités de
saisie ont été mises à disposition des
fédérations :
– utiliser une application Internet, spécialement conçue à cet effet, qui permet à chaque fédération qui le désire
de saisir manuellement les données des
carnets de hutte ;
– appliquer une lecture automatisée
(lecture optique) qui permette d’injecter les données directement dans la
base de données nationale ;
– conserver leur structure de base de
données (notamment celles qui récoltent les prélèvements depuis plusieurs
années).
L’application Internet donne accès
à d’autres fonctionnalités telles que
les statistiques départementales ou la
possibilité de récupérer la base de
données départementale sous diverses formes (Excel, par exemple). La
base nationale est intégralement gérée
par la FNC. Ainsi, les FDC qui ont
saisi leurs données sur Internet ou
envoyé leur base départementale sous
un format permettant l’intégration
dans la base nationale peuvent avoir
accès à tout moment à leur propre
base (sécurisée sur un serveur central)
et à toutes les statistiques départementales.
sées » ; n = 3 423), le taux de fréquentation annuelle des installations
(nombre de nuits « chassées »/ nombre
de nuits chassables) est de 13,2 %
(13,8 % sur le DPM et 13,2 % sur le
reste du territoire).
Avec cette réserve, c’est au mois de
novembre que les huttes sont le plus
fréquentées, avec un taux de fréquentation de 25,8 % (figure 2).
Au mois d’août, les huttes du DPM
(ouverture plus précoce de la chasse)
sont plus fréquentées que celle de l’intérieur des terres. Cette tendance s’inverse de septembre à novembre, puis de
nouveau, le taux de fréquentation est
légèrement plus important sur le DPM
en décembre et janvier. Néanmoins, il
est important de garder à l’esprit la
faiblesse numérique de l’échantillon de
huttes sur le DPM (n = 157) comparé à
celui du domaine terrestre (n = 1 750).
Dans tous les cas, c’est au mois de
janvier que le taux de fréquentation est
le plus bas.
Pour les huttes ayant chassé (près
de 2 000), le taux de fréquentation
est de 21 %. Plus des trois-quarts de
la période chassable sont donc non
chassés.
Il faut bien préciser que la seule prise
en compte des huttes « chassées » n’est
pas représentative de la fréquentation
nationale globale : une hutte « non
chassée » n’est pas fréquentée, ce qui
est un résultat en soi.
réquentation mensuelle
La répartition par décade permet d’affiner les données mensuelles. La 3e décade d’octobre et la 1re de novembre
sont celles où le taux de fréquentation
est le plus élevé. Les pics de fréquentation décadaire pour un mois donné
correspondent souvent aux passages
migratoires, non décelables autrement.
La fréquentation mensuelle permet de
déterminer à quelle période la pression
de chasse est maximale. Il faut cependant interpréter avec précaution la
fréquentation du mois d’août puisque
seul 5 jours ont été chassables en
2004/2005.
25,8
23,6
21,8
21,3
18,4
16,6
%
Août
Septembre
Octobre
Novembre
Décembre
Janvier
Taux de fréquentation
des huttes
La fréquentation des huttes permet
d’évaluer la pression (ou effort) de
chasse.
En 2004/2005, la période de chasse
du gibier d’eau a débuté le 28 août
et s’est achevée le 31 janvier, ce qui
correspond à 159 nuits chassables.
Pour la totalité des carnets retournés
(huttes « chassées » et non « chas-
44
ONCFS Rapport scientifique 2006
27,6
25,9
réquentation annuelle
23,4
22,1
%
18,2
Août
19,7
18,3
Septembre Octobre
25,6
19,9
21,5
16,8
14,5
DPM
Reste
du territoire
Novembre Décembre Janvier
Figure 2 : Taux de fréquentation (%) des installations en fonction du mois (64 053 nuits chassées ;
1 907 carnets) tous territoires confondus et en distinguant le DPM des autres territoires.
Oiseaux migrateurs et zones humides
rélèvement mensuel par espèce
La distribution mensuelle des prélèvements reflète les différences dans la
phénologie de la migration et de l’hi-
Ces résultats nationaux correspondent
à ceux déjà connus à l’échelon local
sur plusieurs sites littoraux [baie du
Mont St-Michel, baie de Somme, baie
– le canard colvert constitue 71,7 %
du tableau en août et 36,9 % en septembre ;
36,99
23,34
– le canard siffleur est la deuxième
espèce prélevée sur le DPM après la
sarcelle d’hiver, ces deux espèces constituant 65 % du tableau global sur le
DPM,
14,17
7,80 6,60
Oie moissons
Oie rieuse
Nette rousse
Autres
Colvert
3,19 2,26
1,59 1,46 0,97 0,90 0,61
0,06 0,04 0,01
Sarcelle hiver
– le canard pilet est plus prélevé sur le
DPM que le canard souchet.
L’analyse de la composition mensuelle
du tableau (figure 5) révèle les faits
suivants :
Sarcelle été
– le canard colvert est la deuxième
espèce prélevée hors du DPM après la
sarcelle, ces deux espèces représentant
61,6 % du tableau global sur le reste
du territoire ;
La distinction entre le DPM et le reste
du territoire montre une nouvelle fois
un prélèvement majoritaire à l’intérieur des terres.
Morillon
– la sarcelle d’hiver représente l’essentiel du tableau sur le DPM (43 % du
tableau global) ;
En pourcentage des effectifs cumulés,
plus de 70 % du prélèvement total est
effectué d’août à novembre. Les mois
de décembre et janvier ne représentent
que 28 % du prélèvement.
Oie cendrée
En fonction du lieu de chasse (DPM,
reste du territoire), les tableaux
montrent des résultats différents pour
quelques espèces :
Les prélèvements décadaires permettent
de cerner avec plus de précision les pics
migratoires des principales espèces.
Pour la sarcelle d’hiver, par exemple,
les prélèvements les plus importants ont
été effectués la 1re décade de septembre,
la 1re et la 2e décade d’octobre et la
1re décade de novembre. Pour le canard
siffleur, la 3e décade d’octobre et la
1re décade de novembre correspondent
aux plus forts prélèvements. Ces résultats suggèrent une succession de flux
migratoires dont le nombre, la durée et
l’intensité varient selon les espèces.
Foulque
À l échelon national, la répartition des
prélèvements révèle la prédominance
des canards de surface dans les tableaux
(92,7 % ; figure 3). La sarcelle d’hiver
est de loin l’espèce majoritaire (37 % du
tableau global). Cette espèce et le canard
colvert représentent plus de 60 % du
tableau annuel, suivi du canard siffleur,
du canard souchet et du canard pilet.
Les trois-quarts du tableau de chasse
de nuit sont réalisés aux dépens de trois
espèces : la sarcelle d’hiver, le canard
colvert et le canard siffleur.
Plus de 75 % du tableau de chasse de
sarcelle d’été est réalisé au cours de sa
migration postnuptiale entre août et
octobre.
La majorité du prélèvement est effectué
entre septembre et décembre (82 %),
avec un pic en octobre (28 %) qui correspond à la période de migration postnuptiale pour la majorité des espèces
(figure 4). Notons le prélèvement relativement conséquent du mois d’août
alors qu’il n’y a eu que cinq jours de
chasse possibles.
Milouin
rélèvement annuel par espèce
rélèvement mensuel toutes espèces
Chipeau
La majorité des prélèvements est réalisée hors du DPM, ce qui reste cohérent
au regard du nombre d’installations
(15 % d’installations immatriculées
sur le DPM).
Ces résultats reflètent globalement les
exigences écologiques, notamment alimentaires et spatio-temporelles, de ces
espèces en période de migration et
d’hivernage en France.
Pilet
Pour la saison 2004-2005, le prélèvement global toutes espèces confondues est de 110 509 individus (dont
670 autres que canards et oies). Pour
les 1 907 huttes « chassées », le prélèvement moyen s’élève à environ
43 oiseaux par installation fixe.
Souchet
rélèvement global annuel
vernage entre les espèces (hors événements climatiques particuliers). Ainsi,
le canard colvert est-il prélevé principalement en début de saison (42,5 %
entre août et septembre), la sarcelle
d’hiver, le canard siffleur et l’oie cendrée d’octobre à novembre (respectivement plus de 50 %, plus de 65 % et
60 %), le canard souchet de septembre
à octobre (plus de 50 %) et le canard
pilet en octobre (36,6 %) et en janvier
(31,9 %).
d’Authie, bassin d’Arcachon (Schricke,
1983, 1990 et 1996 ; Baglinière &
Schricke, 2002 ; FDC 33, 2006) ; baie
des Veys (Planque, 1999) ; baie de
Seine (Blaize et al., 2005)].
Siffleur
Prélèvements
Figure 3 : Répartition (%) du prélèvement annuel par espèce (n = 110 509).
ONCFS Rapport scientifique 2006
45
Oiseaux migrateurs et zones humides
– la sarcelle d’hiver représente l’essentiel du tableau avec plus ou moins
40 % des prises entre septembre et
décembre ;
30526
24249
18369
17638
– le siffleur est bien représenté avec plus
de 15 % entre octobre et décembre ;
12774
– le canard pilet est essentiellement
prélevé en octobre (9,4 %) et en janvier
(20,1 %) ;
6953
– le canard souchet est présent pour
10 % du tableau en septembre.
Août
Septembre
Octobre
Novembre
Décembre
Représentation en % des effectifs cumulés
(n = 110 509)
Prélèvements par hutte
Janvier
100
88
72
En 2004/2005, chaque installation
a prélevé en moyenne 1,3 oiseau par
nuit de chasse, quel que soit le nombre
de chasseurs.
Cet indice, indicateur de suivi des
prélèvements à long terme, révèle un
tableau individuel plus élevé pour les
huttes situées sur le DPM que pour les
autres huttes. Ceci peut s’expliquer en
partie par le fait que le DPM, situé le
long du littoral Manche Atlantique,
est connu pour être placé sur l’un des
principaux axes migratoires des anatidés en France.
51
23
6
Août
Septembre
Octobre
Novembre
Décembre
Figure 4 : Répartition du prélèvement mensuel pour la saison 2004/05 (prélèvements/mois et
effectifs cumulés).
100 %
90 %
80 %
Les données du prélèvement moyen
par hutte et par nuit de chasse pour
la saison 2004/2005 constituent des
résultats partiels dans la mesure où
les prélèvements de toutes les nuits de
chasse n’ont pas été systématiquement
notés.
Janvier
Pilet
Souchet
Chipeau
70 %
60 %
50 %
Siffleur
Colvert
Sarcelle hiver
40 %
30 %
20 %
10 %
0%
L’estimation
des prélèvements,
un élément clé
dans la gestion
des espèces gibier
La connaissance des tableaux de chasse
des oiseaux d’eau est un élément clé
dans l’étude de la dynamique des
espèces chassées. Elle est également
déterminante dans la gestion de ces
populations dont le statut et le niveau
d’abondance sont évalués aux échelons
national et international.
Les tableaux peuvent constituer un
outil par défaut pour suivre de façon
46
ONCFS Rapport scientifique 2006
Août
Septembre Octobre Novembre Décembre Janvier
Figure 5 : Évolution de la composition mensuelle des prélèvements pour six espèces de canards de
surface (92,1 % du prélèvement total).
indiciaire l’état des populations. Mais
ils sont aussi utiles dans l’analyse de
la dynamique des populations pour
les sites régulièrement suivis, voire
au niveau national, en permettant la
comparaison entre les effectifs prélevés
et les effectifs dénombrés.
L’analyse
d’oiseaux
associée
tableaux
régulière des prélèvements
d’eau à la chasse de nuit,
à une connaissance des
par les autres modes de
chasse, pourraient permettre à l’avenir
l’instauration de conditions d’exploitation de ces espèces gibier en parfaite
adéquation avec leurs caractéristiques
biologiques et écologiques et leur
niveau d’abondance.
Toutefois, il est important de rappeler
que si les prélèvements peuvent en
théorie se rapprocher de l’exhaustif,
le dénombrement des oiseaux d’eau
est lui beaucoup plus complexe. Dès
Oiseaux migrateurs et zones humides
lors, la gestion de ces espèces doit bien
prendre en compte cette difficulté et se
focaliser notamment sur l’analyse des
tendances d’évolution.
Bien que partielle, cette première synthèse nationale des prélèvements de
gibier d’eau à la chasse de nuit pour
la saison 2004/2005 est la première
étude réalisée à cette échelle pour ce
mode de chasse.
Au regard des résultats envoyés, il
ressort de cette année expérimentale
un très grand intérêt des fédérations
départementales des chasseurs. Nous
pouvons espérer que les synthèses
départementales à venir seront encore
plus complètes et permettront ainsi
d’évaluer l’impact réel de cette pratique cynégétique. En effet, seule la
pérennisation de ce type d’enquête peut
apporter des résultats significatifs et
robustes sur le plan statistique.
Cependant, il est clair que les résultats
de la saison 2005-2006 seront fortement perturbés par les événements liés
à l’influenza aviaire qui ont conduit à
l’interdiction de l’usage des appelants
pendant la plus grande partie de la saison de chasse.
Remerciements
Les auteurs de cet article remercient
chaleureusement tous les chasseurs
ayant participé à cette enquête et les
fédérations départementales de leur
aide dans la saisie des données et la
transmission des synthèses à la FNC.
Ils sont particulièrement reconnaissants à Jean-Pierre Arnauduc et à
Jean-Marie Boutin ainsi qu’à Thomas
Sayer pour son aide à la réalisation de
la base de données nationale.
BIBLIOGRAPHIE
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A BSTRACT
A bag book for night hunting. Results for the
-
hunting season
incent Schricke, Régis Hargues & François Auroy
■ Since 2000, three laws allow the practice of night hunting in France, specially for waterfowl, in 27 departments, with
an obligation to return each year to the ONCFS and FNC the results of hunting bags issued from a model of bag book
created by the law of 21 January 2004.
■ To evaluate and analyse the hunting bags, we created from the legal model a hunting book which was sent to each
department. After that, we prepared a national data base which allowed us to analyse all the data requested in this hunting book : hunting pressure by season, month and decade, bag of 15 species of waterfowl (anatidae and coot, Fulica
atra).
■ The first results of the hunting bags for the 2004-2005 season show a predominance of dabbling ducks (teal, Anas
crecca, mallard, Anas platyrhynchos, wigeon, Anas penelope).
■ Even partially, this national enquiry is a good scientific method to evaluate in the future the impact of this hunting practice on migrating and wintering ducks and coot in France.
ONCFS Rapport scientifique 2006
47
Oiseaux migrateurs et zones humides
Relation entre abondance de fruits et de grands turdidés
en milieux méditerranéens en automne-hiver.
Les cas du merle noir et de la grive mauvis
Denis Roux
Contexte de l’étude
Dans la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, les grands turdidés sont des espèces d’une grande importance
cynégétique. Environ 1 000 000 de grives et 200 000 merles noirs y sont prélevés, en particulier dans les
départements du Var, du Vaucluse et des Bouches-du-Rhône (Roux & Boutin, 2000).
Malgré le rôle important des ressources alimentaires pour les turdidés en hivernage, peu de travaux ont
abordé cette problématique. La majeure partie des études entreprises dans ce domaine ne concerne que
des territoires d’études relativement restreints (Herrera, 1982, 1984 et 1988 ; Izhaki et al., 1991 ; Verdu
& Garcia-Fayos, 1994 ; Chrétienne & Eraud, 2002) et des échantillons de ressources alimentaires peu
diversifiés ou ne concernant qu’un groupe d’espèces (Brush & Stiles, 1986). Aucune étude n’a été menée en
milieux méditerranéens, malgré la présence d’une ressource en fruits diversifiée et une connaissance assez
précise du régime alimentaire des grands turdidés dans ces milieux (Debussche & Isenmann, 1985a et
1985b ; Roux et al., 1999 ; Isenmann, 2000),
Face à ce constat, l’étude entreprise a pour objectif d’appréhender le rôle de la disponibilité des ressources
alimentaires dans la présence des grives et du merle noir au cours de leurs cycles de migration et
d’hivernage.
Sites et période d’étude
L’aire d’étude est localisée en région
méditerranéenne, au sud-est de la
vallée du Rhône. La diversité et l’imbrication des milieux rendent difficile
l’échantillonnage, aussi avons-nous
limité notre travail à quatre sites
d’étude (figure 1), représentant quatre
grandes formations végétales :
– les zones à parcellaires complexes et
massifs de feuillus (site S1 : Pays de
Sault, Vaucluse) ;
– les zones de vignobles entrecoupés de
haies (site S2 : Sainte Cécile les Vignes,
Vaucluse) ;
– les zones de vergers et petits fruits
(site S3 : Nord-Vaucluse et Pont-St
Esprit, Vaucluse et Gard) ;
– les zones mixtes de maquis, garrigues, landes, broussailles, feuillus et
conifères (site S4 : le de Porquerolles,
Var).
48
ONCFS Rapport scientifique 2006
Méthodes d’étude
valuation de l’abondance
des oiseaux
Compte tenu de la répartition diffuse
des grands turdidés, deux méthodes de
recensement ont été appliquées et adaptées : l’indice ponctuel d’abondance
(IPA ; Blondel et al., 1970 ; Frochot &
Roché, 1990) et l’indice kilométrique
d’abondance (IKA ; Ferry & Frochot,
1958). Pour chaque méthode, les protocoles suivants ont été appliqués :
– IPA : deux à trois routes sont définies pour chaque site et couvrent tous
les habitats ; chaque route comporte
dix-neuf points d’observation espacés d’1 km ; les dénombrements ont
lieu une fois par quinzaine, d’octobre
à février ; les points d’observation
sont visités entre 10 h 00 et 13 h 00
( 1 h 00) et la durée d’observation par
point est fixée à cinq minutes ;
– IKA : cinq à dix transects sont définis pour chaque site et couvrent tous
les habitats, c’est-à-dire un à deux
transects par type d’habitat ; chaque
transect, d’une longueur au moins
égale à un kilomètre est parcouru une
fois tous les quinze jours, d’octobre à
février ; les relevés sont effectués le
matin, une heure après le lever du jour
et dans les quatre heures qui suivent le
lever du soleil.
valuation des disponibilités
alimentaires
L’échantillonnage prend appui sur le
réseau de transects (IKA) utilisés pour
les dénombrements des oiseaux. L’évaluation des disponibilités alimentaires
se fait lors du retour sur le transect
sur une bande-échantillon d’une largeur variable (2 à 5 mètres), déterminée par les conditions d’observation de
la formation végétale échantillonnée.
Les relevés sur les haies sont effectués
d’un seul côté du linéaire. Toutes
les essences susceptibles de porter des
fruits sont inventoriées sur l’ensemble de la stratification végétale. Leur
fréquence d’apparition, ainsi que le
Oiseaux migrateurs et zones humides
niveau de leur fructification respectif
sont précisés. La figure 2 présente de
manière schématique la méthodologie
utilisée.
Traitement des données
ériodicité
Bien que les données soient récoltées tous les quinze jours (série), le
traitement a fréquemment été réalisé
sur un pas de temps plus important
(période), en général un mois, dans la
mesure où les variations d’abondance
de fruits sont presque inexistantes au
cours d’une quinzaine. Dans la plupart
des cas, l’abondance des fruits et des
oiseaux a donc été estimée à partir de
deux observations. Dans la mesure du
possible, les données (ressources trophiques et effectifs d’oiseaux) collectées
dans des intervalles de temps courts
ont été conservées.
Figure 1 : Localisation de la zone d’étude.
ffectifs considérés
Si dans un site lors d’une année donnée, l’effectif moyen d’une espèce est
inférieur à 10, celle-ci n’a pas été
prise en compte. Dans le cas des espèces migratrices arrivant tardivement,
comme la grive mauvis, les valeurs
nulles en octobre, voire en novembre,
ont été écartées.
spèces végétales
prises en compte
Les espèces végétales prises en compte
sont celles qui sont le plus consommées
par les oiseaux, telles que l’aubépine
monogyne, le genévrier commun, le
raisin, le lierre, et le nerprun alaterne
pour la grive mauvis, auxquelles sont
ajoutés l’arbousier et l’olivier pour
le merle noir. Les espèces ont été
sélectionnées par site sur la base des
résultats d’une étude sur le régime
alimentaire réalisée sur ces mêmes sites
(Roux et al., 1999).
nalyse statistique
L’abondance d’une espèce d’oiseau sur
l’ensemble d’un site et pour une série
donnée a été calculée en effectuant
la somme des effectifs recensés. Pour
une période comportant plusieurs
séries, nous avons pris en compte la
moyenne.
Figure 2 : Méthodologie d’évaluation des disponibilités alimentaires sur chaque transect.
L’abondance d’une espèce de fruit a été
calculée à partir du produit de l’indice
de recouvrement de l’espèce végétale en
question, de l’indice de port de fruits
et de la maturité des fruits (attribution d’un coefficient ; figure 2).
L’abondance d’une espèce de baie sur
l’ensemble d’un site et pour une série
donnée a été calculée en effectuant la
somme de ces abondances par transect.
Les ressources trophiques disponibles,
dans une période, pour une espèce
considérée ont été calculées en réalisant
la somme des abondances des espèces
de fruits les plus consommées par les
oiseaux divisée par le nombre de séries
d’évaluation des disponibilités alimentaires durant la période.
Le test de Mantel (Legendre & Fortin,
1989) a été utilisé pour déterminer
le lien entre l’abondance des oiseaux et
celle des fruits en prenant en compte,
deux à deux, les trois variables suivantes : abondance des oiseaux, abondance
de fruits et temps (Verdu & GarciaFayos, op. cit.). En cas de corrélation
temporelle entre ces trois variables,
le test partiel de Mantel (Legendre
& Fortin, op. cit.) a été appliqué.
Les abondances d’oiseaux et les ressources trophiques estimées sur les
transects ont été comparées pour chaque espèce, par site et par saison.
Lorsque ces variables évoluent de façon
similaire au cours de la saison, une
ONCFS Rapport scientifique 2006
49
Oiseaux migrateurs et zones humides
comparaison des effectifs d’oiseaux et
des ressources trophiques a été réalisée par transect. Lorsque les niveaux
d’abondance de grands turdidés estimés par IKA et par IPA s’avèrent proches l’un de l’autre, les résultats des
IPA et les ressources trophiques sont
comparées entre eux. Généralement,
les concordances ne sont que partielles
entre ces différents éléments. Dans
ce cas, le traitement ultérieur n’a été
effectué que pour les portions présentant des similitudes.
quatre sites, des trois saisons de suivi
et des différents relevés des oiseaux sur
les transects et circuits (points d’observation) (tableau 1), une relation positive, statistiquement significative n’a
été établie que dans 4 cas. Dans 2 cas,
une relation négative, statistiquement
significative, a été mise en évidence.
Enfin, les effectifs d’oiseaux se sont
révélés insuffisants pour une analyse
statistique dans 66 cas.
Merle noir sur le site
Saison 1999/2000
Résultats
Deux types de résultats sont présentés :
les résultats généraux obtenus pour
l’ensemble des sites, des espèces et des
saisons d’étude et les résultats obtenus
pour le merle noir et la grive mauvis en
1999/2000 et 2000/2001.
Résultats généraux
Le suivi dans le temps entre l’abondance des ressources trophiques d’origine végétale et l’abondance des oiseaux
ne permet pas d’établir l’existence d’un
lien important. Parmi les 120 cas possibles à partir des cinq espèces, des
Les disponibilités alimentaires sont
maximales fin novembre avec la persistance des baies d’aubépine monogyne
et de genévrier commun. Ces ressources
diminuent, dans un premier temps de
manière prononcée, et par la suite plus
progressivement (figure 3). Les effectifs
de merle noir deviennent maximaux
(autour de 65) au moment du pic des
ressources alimentaires. Des tests de
Mantel montrent qu’il n’y a pas de
relation significative entre les effectifs
de merles et les ressources trophiques
bien qu’en début de saison une relation
positive semble se dessiner. La persistance de l’espèce sur le site malgré la
diminution des ressources trophiques
végétales pourrait être liée à l’augmentation en parallèle des ressources
trophiques animales.
Saison 2000/2001
La distribution des ressources trophiques est maximale d’octobre à novembre en raison de la fructification
simultanée du genévrier commun et de
l’aubépine monogyne. Ces ressources
ne cessent de diminuer par la suite. Les
effectifs de merle noir recensés sur les
transects sont du même ordre que ceux
recensés sur l’ensemble du site (IPA) en
octobre, novembre, janvier et février
(résultats divergents en décembre).
Une croissance des effectifs est notée
d’octobre à novembre suivie d’une
décroissance continue à partir de
novembre. Cette décroissance intervient conjointement avec la diminution
des ressources trophiques (figure 4 ;
p = 0,03). Un lien entre l’abondance
des merles noirs et les ressources trophiques est mis en évidence sur toute
la saison pour les effectifs recensés par
IKA et à partir de novembre pour les
effectifs recensés par IPA. La croissance
des effectifs de merle noir en octobre
est probablement due à l’arrivée de
migrateurs.
Tableau 1 : Récapitulatif des résultats obtenus concernant la relation entre l’abondance des ressources trophiques et l’abondance de cinq espèces de
grands turdidés estimée par transect (T) ou par circuit de points d’observation (C) sur les quatre sites d’étude, pour trois saisons différentes.
T. merula
Site
Saison
C
T. viscivorus
T
C
T
T. pilaris
C
1999/2000
S1
2000/2001
2001/2002
1999/2000
S2
2000/2001
2001/2002
1999/2000
S3
2000/2001
2001/2002
1999/2000
S4
2000/2001
2001/2002
Légende :
T = transects ; C = circuits sur l’ensemble des sites
Relation positive statistiquement significative
Relation négative statistiquement significative
Relation positive partiellement significative
Relation non significative
Effectifs d’oiseaux insuffisants
50
ONCFS Rapport scientifique 2006
T. philomelos
T
C
T
T. iliacus
C
T
Oiseaux migrateurs et zones humides
70
rive mauvis sur le site
60
Saison 1999/2000
50
40
30
20
10
0
7/10-4/11 17/11-4/12 3/12-22/12 23/12-5/1
Merle noir (effectifs estimés par IKA)
Merle noir (effectifs estimés par IPA)
8-20/1
25/1-4/2
22-29/2
Ressources trophiques
Saison 2000/2001
Figure 3 : Relation entre l’abondance des merles noirs et les ressources trophiques sur le site S1
pour la saison 1999/2000.
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
3-27/10
1-28/11
Merle noir (effectifs recensés par IKA)
Merle noir (effectifs recensés par IPA)
Les effectifs de grives mauvis recensés
sur les points d’observation sont trop
faibles pour une analyse statistique.
En revanche, les résultats des transects
mettent en évidence un pic d’abondance de la mi-novembre à fin décembre coïncidant avec celui des ressources
trophiques (figure 5). Par la suite, les
effectifs d’oiseaux sont extrêmement
faibles.
1-22/12
3-29/01
Ressources trophiques
1-24/02
Une relation entre les effectifs de grives mauvis dénombrés par IKA et les
ressources trophiques, liée uniquement
au facteur temps, est mise en évidence
(p = 0,08). Cela signifie qu’ils varient
en même temps, mais indépendamment
l’un de l’autre au cours de la saison. En
revanche, une décroissance conjointe de
l’abondance des ressources trophiques
et de grive mauvis dénombrées par IPA
apparaît, indépendamment du facteur
temps (Figure 6 ; p = 0,05). Précisons
que cette espèce fait son apparition progressive en région méditerranéenne à
partir d’octobre avec une augmentation
continue par la suite (Olioso, 1996), et
que les effectifs d’oiseaux, qui fluctuent
au cours de la saison, peuvent expliquer
les baisses d’abondance de fin novembre
et début janvier.
Figure 4 : Relation entre l’abondance de merles noirs et les ressources trophiques sur le site S1
pour la saison 2000/2001.
Discussion
70
60
Abondance
50
40
30
20
10
0
7/10-4/11 17/11-4/12 3/12-22/12 23/12-5/1
Effectifs de grives mauvis (recensement par IKA)
8-20/1
25/1-4/2
22-29/2
Ressources trophiques
Figure 5 : Relation entre l’abondance de grives mauvis et les ressources trophiques sur le site S1
pour la saison 1999/2000.
Le suivi dans le temps entre l’abondance des ressources trophiques d’origine végétale et celle du merle noir
et de la grive mauvis montre un lien
apparent pour la grive mauvis, et partiel, dans le temps, pour le merle noir.
La biologie des espèces étudiées et les
limites des méthodes employées sont
des éléments qui peuvent expliquer
ces divergences dans les résultats. En
effet, il s’agit d’espèces migratrices qui
répondent à des conditions environnementales (météorologique, dérangement, ressource trophique…). De plus,
les résultats peuvent être perturbés par
des pics d’abondance dus uniquement
aux flux migratoires.
La principale diff iculté des oiseaux
pendant l’hiver est de pouvoir réguler
ONCFS Rapport scientifique 2006
51
Oiseaux migrateurs et zones humides
Les différentes approches comportementales dans la recherche de la nourriture sont à prendre en compte dans
cette étude. La relation pourra varier en
fonction des modes de répartition et de
distribution des ressources trophiques,
et en fonction du type d’occupation du
territoire par les espèces concernées.
D’autres facteurs extrinsèques comme
la compétition inter-spécifique, les
conditions climatiques et les activités
humaines (chasse) agissent également
à d’autres moments, et de manière
importante, sur l’abondance et la distribution spatiale des grands turdidés.
L’ensemble de ces facteurs peut entraîner des déplacements bien supérieurs
aux aires d’étude prospectées.
En fin de saison, la fraction animale des ressources trophiques, non
considérée dans le protocole d’étude,
représente une part non négligeable du
régime alimentaire. Aussi, les effectifs
d’oiseaux peuvent-ils rester abondants
alors que les ressources végétales sont
faibles.
Les résultats se sont avérés significatifs
pour un seul site (S1) ce qui tend à indiquer que la méthode d’évaluation des
fruits sous forme de classes d’abondance
convient plus particulièrement pour des
fruits émanant d’essences naturelles
que pour des fruits de cultures agricoles (vigne, verger) tels qu’ils existent
sur les sites S2 et S3. Cependant, cette
méthode n’est pas exempte de subjectivité de la part de l’observateur.
Plusieurs travaux montrent un lien certain entre les disponibilités alimentaires
52
ONCFS Rapport scientifique 2006
100
35
90
30
80
25
70
60
20
50
15
40
30
Abondance oiseaux
Abondance ressources trophiques
leurs dépenses énergétiques pour faire
face aux basses températures. Ce problème est d’autant plus important
qu’en cette saison, les ressources alimentaires diminuent tandis que la différence entre la température corporelle
et la température externe augmente,
impliquant donc une dépense énergétique plus importante. Pour y faire face,
soit l’oiseau prend la fuite (migration,
déplacement erratique, nomadisme…),
soit il reste sur place et s’adapte. Ces
adaptations peuvent être de dif férents types, notamment physiologique,
par stockage des graisses (Kendeight,
1970), ou bien encore comportemental,
par une recherche accrue de nourriture.
10
20
5
10
0
0
3-17/10 19-27/10 1-15/11 16-28/11 1-14/12 15-22/12 3-13/1 15-29/1 1-12/2 15-24/2
Ressources trophiques
Effectifs recensés par IPA
Figure 6 : Relation entre l’abondance de grives mauvis et les ressources trophiques sur le site S1
pour la saison 2000/2001.
et l’abondance d’oiseaux frugivores
(Chrétienne & Eraud, op. cit ; Martin
& Karr, 1986 ; Jordano, 1985 ; Verdu
& Garcia-Fayos, op. cit.). Cependant,
certaines de ces études montrent aussi
que lorsque l’abondance des ressources
trophiques végétales devient faible, cela
n’entraîne pas pour autant la disparition des oiseaux du territoire qui sont
alors capables de diversifier leur régime
alimentaire. Cela signifie que d’autres
ressources alimentaires, notamment les
fractions animales, peuvent intervenir
dans le régime. Dans notre cas d’étude,
ce phénomène semble apparaître clairement pour le merle noir.
Une telle étude devrait permettre de
préciser l’impact de la modification des
biotopes et pouvoir ainsi proposer des
mesures judicieuses de gestion de l’habitat dans des programmes d’aménagement et de gestion de l’espace rural
(Contrats agriculture durable, opérations locales) dans le cadre de mesures
agri-environnementales (MAE).
Ainsi, une gestion des habitats méditerranéens visant une réhabilitation
des essences d’intérêt majeur pourraitelle prendre en compte les potentialités
d’accueil des grands turdidés et de
l’ensemble des peuplements d’oiseaux
frugivores.
Conclusion et perspectives
Remerciements
Cette d’étude, bien que ponctuelle,
constitue une première approche pour
la compréhension des relations entre
les ressources trophiques et l’abondance des grands turdidés.
Compte tenu de l’enjeu cynégétique que
représentent ces espèces, il conviendrait
d’affiner les recherches, notamment
par une meilleure connaissance des
habitats d’hivernage, et d’étendre la
zone d’étude pour mieux prendre en
compte la répartition des oiseaux. En
effet, la fragmentation de l’habitat
ainsi que la structure et la dynamique
de la végétation constituent des facteurs importants pour l’accueil de ces
espèces en période d’hivernage.
Nous remercions tous les observateurs
qui ont récolté les données sur le
terrain et contribué ainsi à ces résultats, et plus particulièrement à Julien
Clément de son aide efficace dans la
gestion et le traitement des données.
Nous remercions également ve Corda
de l’analyse et de l’interprétation statistique des résultats.
Oiseaux migrateurs et zones humides
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A BSTRACT
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Blackbird and Redwing.
Denis Roux
■ Thrushes and Blackbird make up a large part of the hunting bags in France, especially in the South-East and SouthWest. Although they have a favourable conservation status, these species show important variations in their winter
number, the understanding of which could allow us to optimise their management, particularly in terms of hunting bag.
■ In spite of the wintering site fidelity of some of them, annual observations can vary according to weather conditions,
which influence the behaviour of birds, either directly, chiefly in their use of two major flyways : the Rhone-Alps one and
the Atlantic one, or indirectly through the fruit productivity of habitats usually visited.
■ Our study aims to evaluate the impact of vegetal food resources on the presence of Redwing and Black bird in autumn
and winter during the 1999-2002 period at 4 sites in the Provence-Alps-French Riviera region. Each site represents a
different vegetal formation of the Mediterranean area.
■ At each site, estimation of bird abundance was carried out by point counts along routes and by line transects. Food
abundance was estimated on the line transects.
■ No relationship between food abundance and Redwing/Blackbird abundance was found. Several hypotheses can be
made to explain this result. The diet of birds could change according to food availability. This seems to be the case for
Blackbird which could compensate for a vegetal food deficit by using animal food. A food competition could occur between
species, which could lead to a better share of the available food. The habitat characteristics could also influence the
results. Finally, the study methods which have been used could be too restricted for any relationship to be detected.
ONCFS Rapport scientifique 2006
53
Oiseaux migrateurs et zones humides
R
le épidémiologique du cygne tuberculé
et des autres anatidés dans l’épisode d’in uenza aviaire
H N HP dans la Dombes en
Jean Hars, Sandrine Ruette, Maurice Benmergui,
Carol Fouque, Jean-Yves Fournier, Arnaud Legouge,
Martine Cherbonnel*, Daniel Baroux**,
Catherine Dupuy*** & Véronique Jestin*
* Agence française de sécurité sanitaire des aliments, Unité VIPAC,
Laboratoire national de référence (LNR) pour l’in uenza aviaire
et la maladie de Newcastle, 22440 Ploufragan
** Laboratoire départemental d’analyses de l’Ain. 01012 Bourg en Bresse
*** Direction des services vétérinaires de l’Ain. 01012 Bourg en Bresse
Contexte de l’étude
Depuis 2003, une épizootie d’influenza aviaire due à un virus H5N1 HP sévit en Asie. La souche virale,
probablement présente dans cette région du monde depuis la fin des années 90, s’avère particulièrement
virulente, capable de provoquer des symptômes et de la mortalité chez de nombreuses espèces d’oiseaux, y
compris d’oiseaux sauvages, et de mammifères, dont l’homme. Or, depuis 2003, le virus s’avère pathogène
pour les oiseaux d’eau, dont les anatidés, qui étaient jusqu’alors considérés comme des réservoirs, porteurs
sains, des virus influenza faiblement pathogènes dans le monde. En avril 2005, les premières mortalités
importantes d’oiseaux sauvages ont été observées dans la région chinoise du lac Quinghai (Chen et al., 2005 ;
Liu et al., 2005). En été 2005, l’épizootie asiatique a progressé vers l’ouest, touchant successivement la
Russie et le Kazakhstan, puis en automne la Turquie, la Roumanie, l’Ukraine et la Croatie (OIE, 2006 ; FAO,
2006 ; Webster et al., 2006). L’épizootie s’est rapidement étendue dans l’Union Européenne o douze
pays ont notifié des cas sur des oiseaux sauvages durant le mois de février 2006 (OIE, 2006). Au mois de
mai 2006, treize pays européens avaient fait état de mortalités d’oiseaux sauvages dues au virus H5N1 HP.
Seuls cinq pays, la France, l’Allemagne, la Suède, le Danemark et la Hongrie ont déclaré des cas chez des
volailles incluant le gibier d’élevage, dans des zones o l’avifaune avait été précédemment contaminée. Il a été
admis que l’extension géographique de la maladie tant à l’échelon d’un pays que d’un ou plusieurs continents
s’expliquait, soit par le déplacement d’oiseaux migrateurs transportant du virus, soit par le commerce légal
ou illégal de volailles (EFSA, 2006 ; Kilpatrick et al., 2006 ; Gauthier-Clerc et al., 2007).
En France, le virus H5N1HP de souche asiatique a été détecté pour la première fois le 13 février 2006
sur trois cadavres de fuligules milouins (Aythya ferina) collectés sur un étang de la Dombes (OIE, 2006 ;
Le Gall-Reculé et al., 2006 ; Le Gall-Reculé et al., 2007). La Dombes est une zone humide d’importance
internationale, d’après les deux critères de la convention de Ramsar « plus de 20 000 oiseaux d’eau » et
« plus de 1 % de la population biogéographique d’une espèce », ce dernier critère étant dépassé pour plus
d’une quinzaine d’espèces d’Anatidés et la foulque macroule (Fouque et al. 2006) . Située dans le département
de l’Ain, elle compte environ 1 200 étangs sur 110 000 ha. La date du 13 février 2006 a marqué le début
d’une épizootie qui a touché principalement les anatidés et plus particulièrement le cygne tuberculé (Cygnus
olor). Cette épizootie est restée cantonnée à la Dombes puisque seuls trois cas ont été observés ailleurs :
un fuligule morillon (Aythya fuligula) et un grèbe huppé (Podiceps cristatus), à l’est du département de l’Ain,
sur le lac Léman, et un cygne (Cygnus olor), beaucoup plus au sud, dans le département des Bouches-duRhône. Un foyer a été notifié le 23 février dans un élevage de dindes domestiques situé à un kilomètre du lieu
de découverte des premiers fuligules milouins infectés, très probablement contaminé de manière indirecte.
Il est resté le seul cas français survenu en élevage en 2006, laissant indemne la toute proche région de la
Bresse spécialisée dans la production de volailles en plein air.
54
ONCFS Rapport scientifique 2006
Oiseaux migrateurs et zones humides
Epidémiosurveillance
de l’influenza aviaire
chez les oiseaux
sauvages
Organisation générale
En France, la surveillance des virus
influenza chez les oiseaux sauvages
a été renforcée, à partir de septembre 2005, par un dépistage de virus
hautement pathogènes (H5 ou H7) sur
les oiseaux morts (surveillance passive), en s’appuyant, en milieu rural,
sur le réseau national de surveillance
des maladies de la faune sauvage
SAGIR, pour la collecte et l’acheminement des cadavres, leur tri et leur
autopsie et, en milieu urbain, sur les
services des collectivités territoriales
(pompiers, employés communaux…) et
les particuliers.
La maîtrise d’œuvre de cette surveillance
est assurée dans chaque département
par la Direction départementale des
services vétérinaires et coordonnée au
niveau national par la Direction générale de l’Alimentation. En plus de cette
surveillance passive, une surveillance
active des virus influenza est menée
dans plusieurs zones de rassemblement
d’espèces migratrices sur un échantillon d’oiseaux capturés ou tués à
la chasse, ainsi que sur des oiseaux
sentinelles.
Un réseau de laboratoires spécialisés
en influenza aviaire a été créé. Il
est constitué du laboratoire national
de référence (LNR) pour l’influenza
aviaire (AFSSA-Ploufragan) et de laboratoires agréés (douze actuellement)
pour la détection des virus influenza
aviaires, formés et pilotés par le LNR.
urveillance sur oiseaux morts
(surveillance passive)
À partir de l’automne 2005, le dispositif général prévoyait de collecter
les cadavres d’oiseaux en bon état de
conservation dans un contexte de mortalité anormale et inexpliquée, c’està-dire au moins cinq oiseaux trouvés
morts en un même lieu dans un court
délai, sans qu’une cause évidente de
mortalité autre que l’influenza aviaire
n’ait pu être établie sur le terrain ou
au laboratoire. À la suite de l’apparition du premier foyer en Dombes, tout
cadavre de cygne récolté en France et
tout cadavre d’anatidé récolté dans
une zone humide à risque a fait l’objet
d’une recherche virale.
a été réalisé sur une sélection de virus
(Jestin, 2006 ; Le Gall-Reculé et al.,
2006 ; Le Gall-Reculé et al., 2007).
Dans la Dombes, la collecte des cadavres d’oiseaux a été principalement
assurée par les agents de l’ONCFS. La
surveillance passive y a été renforcée à
partir du mois de février et jusqu’en
juillet par l’observation hebdomadaire
de seize étangs infectés et de seize
étangs témoins environnants, a priori
indemnes. Par ailleurs, afin de surveiller
une éventuelle extension de l’épizootie
dans le département de l’Ain, cinq sites
hors Dombes riches en anatidés ont
été prospectés et dénombrés trois fois
par semaine durant le mois d’avril. La
pression de surveillance des mortalités
d’oiseaux a donc été très forte pendant
et après l’épizootie.
urveillance sur oiseaux vivants
(surveillance active)2
Les cadavres suspects ont été transmis
au Laboratoire départemental d’analyses (LDA) de l’Ain, agréé pour le
dépistage des virus influenza.
Les analyses virales ont été réalisées sur
des écouvillons trachéaux et cloacaux
regroupés (poolés) par cinq individus
d’une même espèce au maximum. La
méthode utilisée est la RT-PCR en
temps réel ( eal Time everse Transcriptase PC ) qui permet la détection
du gène M commun aux virus influenza
aviaires de type A, conformément au
manuel de diagnostic (Décision de la
Commission du 4 août 2006) annexé
à la Directive du Conseil 2005/94/EC
relative aux mesures communautaires
de lutte contre l’influenza aviaire. Les
échantillons positifs ont été transmis
au LNR pour une analyse RT-PCR H5
en temps réel. En cas de positivité, trois
tests ont été entrepris :
– un test de RT-PCR-séquençage ciblant
le motif de clivage de l’hémagglutinine pour la détermination de la
pathogénicité ;
À partir de juin 2006, un dépistage
des virus influenza a été fait sur des
oiseaux apparemment sains [capturés
ou tirés (cygnes)], en complément de la
surveillance passive et pour vérifier la
persistance ou la disparition du virus
dans la Dombes . Les analyses virales
ont suivi le même protocole que pour
les oiseaux morts. Pour les cygnes, des
analyses sérologiques complémentaires
ont été effectuées par inhibition de l’hémagglutination à l’aide, notamment,
d’un antigène préparé à partir d’un
antigène H5N1 HP obtenu au LNR à
partir d’un isolat représentatif provenant de la Dombes (IHA H5). De plus,
deux sérums réagissant très fortement
au test précédent ont été également
testés avec un kit Elisa commercial
expérimental dépistant spécifiquement
les anticorps de la neuraminidase N1.
Par ailleurs, cent très jeunes canards
colverts (contrôlés séro– et viro-négatifs H5/H7 par le LDA 01 et le LNR),
issus d’un élevage conventionnel, ont
été placés début juin 2006 dans des
enclos installés sur quatre étangs, soit
concernés par des cas positifs sur
oiseaux morts, soit situés à moins d’un
kilomètre d’un cas positif. Ces oiseaux
sentinelles dont les rémiges étaient
coupées régulièrement pour éviter leur
envol, étaient en contact direct ou
indirect (via l’eau de l’étang) avec
l’avifaune locale. Des écouvillons cloacaux et trachéaux ont été prélevés deux
fois par mois sur ces oiseaux, jusqu’au
mois de décembre 2006.
Le suivi des oiseaux
sauvages en Dombes
uivis en période inter-nuptiale
– un test de RT-PCR-séquençage ciblant
la neuraminidase N1 ;
– une analyse phylogénique rapide permettant d’assigner les virus identifiés
au groupe des virus H5N1 HP de la
lignée Qinghai.
Par la suite, un isolement de la souche
afin de mieux caractériser les virus sur
les plans antigénique et phylogénétique
La Dombes fait l’objet de suivis de
l’avifaune migratrice par l’ONCFS
depuis les années 1980 (Fouque et al.,
2006). Chaque hiver, des dénombrements mensuels en décembre, janvier et
* Entre autres, 233 passereaux paludicoles
ont été capturés et prélevés par Yves Beauvallet du CRBPO (MNHN, Paris).
ONCFS Rapport scientifique 2006
55
Oiseaux migrateurs et zones humides
Au cours de l’hiver 2005/2006, les
effectifs d’Anatidés et de foulques qui
ont séjourné sur les cent soixante
dix-huit étangs de la Dombes surveillés ont atteint un pic en février
(30 000 individus dénombrés) comme
les hivers précédents, au moment des
passages migratoires de printemps.
Les espèces les plus représentées en
hiver en Dombes sont le canard colvert et le fuligule milouin dont les
effectifs dépassent 10 000 individus
(figure 1a et 1b). Cependant, les fuligules milouins étaient absents de la
Dombes en décembre et janvier 2006,
contrairement aux cinq hivers précédents (figure 1b). Les effectifs de cygne
tuberculé étaient plus importants que
la moyenne des cinq années précédentes tout au long de l’hiver (figure
1c), confirmant la courbe croissante
observée depuis 1995 en Dombes (Benmergui et al., 2005 ; Fouque et al.,
2007).
(a)
20 000
Depuis 2002, la population estivale
de cygne tuberculé est estimée par un
comptage de l’ensemble des étangs
dans la troisième décade de juin (Benmergui et al., 2005). Lors du comptage de juin 2006, la densité totale
en cygnes adultes et sub-adultes est
de 0,73 individus/10 ha, chiffre en
56
ONCFS Rapport scientifique 2006
Effectif compté
15 000
12 500
10 000
7 500
5 000
2 500
0
décembre
janvier
février
mars
(b)
25 000
Moyenne 2000/01 à 2004/05
Hiver 2005-2006
20 000
15 000
10 000
5 000
0
décembre
janvier
février
mars
(c)
900
800
uivis en période nuptiale
Moyenne 2000/01 à 2004/05
Hiver 2005-2006
700
Effectif compté
Un suivi de la reproduction des Anatidés est réalisé en Dombes depuis 1994.
Les couples cantonnés et les nichées
sont dénombrés toutes les semaines,
entre le 15 avril et le 15 juillet, sur
un échantillon d’étangs représentatifs
[modalités d’évolage et d’assec (alternance eau/assec) et superficies]. En
2006, soixante treize étangs (807 ha)
ont ainsi été surveillés. Le suivi de
la reproduction du cygne tuberculé,
montre que le pourcentage de couples productifs est passé de 54,2 %
en moyenne entre 2001 et 2005 à
23,2 % en 2006.
Moyenne 2000/01 à 2004/05
Hiver 2005-2006
17 500
Effectif compté
février y sont réalisés. Le suivi des cent
soixante dix-huit étangs les plus favorables en terme d’accueil d’anatidés
permet d’estimer l’évolution des effectifs de canards et de cygnes en hiver
(Fouque et al., 2005a). Exceptionnellement, durant la flambée épizootique,
un dénombrement supplémentaire a
été effectué en mars 2006 sur cent
soixante-six de ces étangs.
600
500
400
300
200
100
0
décembre
janvier
février
mars
Figure 1 : Effectifs mensuels de canards colverts (1a), de fuligules milouins (1b) et de cygnes tuberculés (1c), dénombrés en Dombes au cours de l’hiver 2005/06 et comparaison avec la moyenne
(et erreur-type) des cinq derniers hivers (période 2000/01 à 2004/05). Source : Réseau national
« Oiseaux d’eau & Zones humides » ONCFS/FNC/FDC.
nette diminution par rapport à 2005,
mais proche des années précédentes.
Quatorze étangs accueillent 68 % des
effectifs totaux en juin 2006. Sur
ces quatorze étangs, ayant accueilli
des groupes de dix à cinquante-cinq
cygnes, quatre ont hébergé des cygnes
positifs H5N1 HP et deux autres sont
situés sur des communes où le virus a
été isolé.
Oiseaux migrateurs et zones humides
uivi d’étangs infectés
et d’étangs témoins environnants
pendant et après l’épi ootie
Les résultats des dénombrements
hebdomadaires faits sur les trentedeux étangs suivis montrent une plus
grande proportion d’étangs d’une surface supérieure à 10 ha parmi les
étangs infectés (médiane 19 ha). En
février, les densités de cygne tuberculé
sont six fois plus élevées sur les étangs
infectés que sur les étangs témoins
environnants (respectivement 2,5 et
0,4 cygnes/ha). Cette différence s’est
amoindrie au fil des mois, restant toutefois bien visible en mars et avril. Le
même profil est observé pour les autres
anatidés et foulques avec, en février,
des densités trois fois plus élevées sur
les étangs infectés que sur les étangs
témoins environnants (respectivement
16,6 et 5,7 oiseaux/ha).
L’épizootie d’influenza
aviaire dans la Dombes
spèces d’oiseaux concernées
Du 13 février au 31 août 2006,
470 cadavres d’oiseaux sauvages
oiseaux ont été répertoriés dans la
Dombes (734 dans l’Ain). Au final,
259 provenant de la Dombes ont été
transmis pour analyse au laboratoire
(405 pour l’Ain), répartis en 200 lots
(302 pour l’Ain).
prédominante. Les proportions de
cygne et de fuligule milouin excréteurs
parmi les oiseaux analysés semblent
comparables mais il est impossible de
tirer une conclusion vu le faible nombre
de fuligules milouins analysés. Aucun
canard colvert, ni mouette rieuse n’a
été trouvé excréteur de H5 N1 HP. Un
seul rapace a été trouvé infecté.
En Dombes, 39 pools d’écouvillon (lots)
se sont avérés positifs : 32 pools de
cygne, 4 de fuligule milouin, un héron
cendré, une buse variable et une oie
cendrée (tableau 1). Parmi les 41 lots
positifs récoltés dans l’Ain, 61 % ont
été détectés positifs à la fois sur les
pools d’écouvillons trachéaux et cloacaux alors que 27 % l’ont été sur les
seuls pools d’écouvillons trachéaux et
12 % sur les seuls pools d’écouvillons
cloacaux (Baroux et al., 2007). Une
grande majorité des cadavres collectés
en Dombes ont été analysés (68 % en
moyenne, tableau 1).
volution spatiale
La répartition géographique sur les
étangs de la Dombes montre que les
cas positifs ont été découverts sur des
zones géographiques bien délimitées,
suggérant la présence de foyers infectieux (figure 2). Des oiseaux morts ont
été découverts sur soixante-sept étangs
de la Dombes, et des oiseaux porteurs
de virus H5N1 HP sur seulement vingt
étangs (figure 2). En délimitant des cercles de 1 km autour des cas, neuf foyers
apparaissent distants les uns des autres
de 2 à 18 km. D’une manière générale,
les zones de détection du virus sont
restées très localisées, dans un rayon
de 25 km autour de Joyeux qui est la
localité du premier cas enregistré.
Le premier résultat positif concernait
un lot de trois fuligules milouins, récoltés le 13 février 2006 sur un même
étang situé sur la commune de Joyeux.
Pour les cygnes, douze lots analysés
entre le 18 février et le 30 mars, comprenaient les prélèvements de plusieurs
individus récoltés sur le même étang
(de deux à cinq cadavres). Ces lots
positifs n’ont pas pu être repris individuellement. Tous les autres résultats
positifs correspondent à des analyses
individuelles de cadavre.
volution temporelle
L’épizootie, définie comme la période
où des oiseaux sauvages ont été trouvés excréteurs de virus H5N1 HP,
a duré deux mois, avec une phase
Le cygne tuberculé concerne 82 %
des lots positifs (32/39) trouvés en
Dombes. L’espèce est donc largement
Tableau 1 : Répartition par espèce du nombre de cadavres récoltés, lots analysés et lots positifs H5N1 HP en Dombes.
Espèce
Nombre
de cadavres
collectés
(nombre analysés)
Nombre
de pools analysés
(% des cadavres
analysés)
Nombre de pools
positifs H5N1 HP
(% des lots
analysés)
Nombre d’oiseaux
dans les pools positifs H5N1 HP
(% minimum et maximum
d’oiseaux positifs H5N1 HP)
Cygne tuberculé
130 (89)
65 (68 %)
32** (49 %)
54*** (36 à 61 %)
Fuligule milouin
13 (13)
11 (100 %)
4 (36 %)
6 (31 à 46 %)
Fuligule morillon
0
0
0
0
Fuligule morillon Hors Dombes
Grèbe huppé
Grèbe huppé Hors Dombes
1
1
1
1
2 (2)
2 (100 %)
0
0
3 (3)
3 (100 %)
1
1
19 (11)
11 (58 %)
1 (9 %)
1 (9 %)
Oie cendrée
3 (3)
3 (100 %)
1
1
Buse variable
40 (16)
16 (40 %)
1 (6 %)
1 (6 %)
Canard colvert
25 (23)
22 (92 %)
0
0
Mouette rieuse
10 (9)
7 (90 %)
0
0
Autres anatidés*
19 (12)
8 (63 %)
0
0
Héron cendré
* Canard pilet (1), Erismature rousse (1), Nette rousse (8), Sarcelle d’hiver (1), Canard indéterminé (8)
** représente aussi le nombre minimal d’oiseaux concernés parmi les oiseaux analysés
*** représente aussi le nombre maximal d’oiseaux concernés parmi les oiseaux analysés
ONCFS Rapport scientifique 2006
57
Oiseaux migrateurs et zones humides
relativement silencieuse fin marsdébut avril (figure 3). Dès la fin avril
(semaine 17), une nette diminution
des mortalités d’oiseaux est observée et
plus aucun virus n’est détecté.
Dans la période post-épizootique, la
pression de surveillance a été maintenue
grâce aux analyses faites sur cent deux
cygnes éliminés sur neuf étangs de la
Dombes, situés dans ou à proximité des
foyers d’infection, dans les semaines 22
à 24. Les analyses se sont toutes révélées négatives. De plus, l’autopsie de ces
oiseaux n’a révélé aucune lésion particulière (Baroux et al. 2007). Néanmoins,
au moins un tiers des cygnes s’est révélé
positif en IHA H5 et deux d’entre eux
présentaient des anticorps anti N1.
Par ailleurs, trois cent oiseaux sauvages
capturés vivants en Dombes appartenant à trente-et-une espèces différentes, ont fait l’objet d’analyses et se sont
avérés non excréteurs de virus H5N1
HP. Les prélèvements étaient répartis
sur neuf communes de Dombes.
Les cent canards colverts sentinelles
n’ont jamais révélé d’excrétion de
H5N1 HP, mais certains oiseaux ont
été positifs en PCR M en août, septembre, octobre et novembre 2006.
Sur trois pools d’écouvillons prélevés
sur le site de Birieux, des virus H5
faiblement pathogènes, n’ayant aucun
lien phylogénétique avec les souches
asiatiques HP et les virus H5N1 HP
précédemment isolés dans la Dombes,
ont été détectés début août.
Comment le virus a-t-il été
introduit en Dombes ?
58
Figure 2 : Répartition des lots positifs H5N1 HP sur les étangs de la Dombes en 2006.
Avant cette épizootie, la surveillance
active menée sur des oiseaux sauvages
en France avait permis d’isoler des souches virales faiblement pathogènes avec
de faibles prévalences (Hars & Jestin,
2004 ; Hars et al., 2006 ; Jestin et al.,
2006), mais jamais de souches hautement pathogènes, y compris dans la
Dombes en 2005 (Durand, 2006).
et bordant la Mer Noire. Les observations faites en France ont confirmé les
effets de la vague de froid qui a sévi en
Europe en début d’hiver sur la présence/
absence d’espèces comme la sarcelle
d’hiver, le canard siffleur et les oies.
Dès l’automne 2005, la Dombes a été
considérée comme une des principales
zones humides françaises à risque d’apparition de foyers d’influenza aviaire
dans l’avifaune (Fouque et al. 2005b)
et il n’a pas été étonnant d’y voir émerger le premier cas en février 2006.
Avant février 2006, le virus a été
détecté en Grèce, en Italie, puis en
Autriche et en Allemagne, témoignant
de sa progression vers le sud-ouest
et le nord-ouest à partir des pays
contaminés depuis l’automne 2005
Dans la Dombes, les dénombrements
de cygnes tuberculés, dont la population est connue pour être relativement
sédentaire, révèlent une stabilité de
la population durant l’automne–hiver
2005 (figure 1c) alors que les dénom-
ONCFS Rapport scientifique 2006
brements de fuligule montrent une arrivée massive d’oiseaux fin janvier début
février (figure 1b), correspondant au
début de dégel des étangs, juste avant
la détection du premier cas. L’hypothèse
avancée est donc que le virus aurait été
introduit par les fuligules milouins (ou
d’autres canards migrateurs), poussés
vers l’ouest sur des zones humides
non gelées par la vague de froid sévissant en Europe centrale. Le virus n’a
donc pas été introduit en France lors
de classiques migrations post-nuptiales, mais à l’occasion de déplacements
massifs d’oiseaux liés à des phénomènes climatiques. Ceci pose le problème
d’une meilleure connaissance des flux
d’oiseaux sauvages (migration ou erratisme) afin de mieux prévoir la diffusion
d’une épizootie d’influenza aviaire.
Oiseaux migrateurs et zones humides
Des données d’épidémiologie moléculaire
obtenues au LNR (Le Gall-Reculé et al.,
2006 ; Le Gall-Reculé et al., 2007)
montrent qu’une double introduction
virale s’est produite dans la Dombes.
Le virus identifié (sous groupe G2) dans
le deuxième cas (unique foyer chez des
volailles) était différent du virus du premier cas (sous groupe G1) apparu quelques jours auparavant, mais très proche
des autres virus (sous groupe G2 également) mis en évidence ultérieurement
en Dombes. Comme le foyer en élevage
a été rapporté à une contamination
par voie indirecte (Michel, 2006), cela
laisse penser que le virus G2 coexitait
avec G1 de manière non détectée (voire
préexistait avant G1) en Dombes.
d’échantillons analysés parmi les autres
espèces, notamment le fuligule milouin,
est trop faible. Par contre, 82 % des
lots trouvés positifs dans la Dombes
entre le 13 février et le 18 avril 2006
concernaient des cygnes tuberculés. Ce
chiffre est à rapprocher des statistiques européennes (Europa, 2006) qui
R le du cygne dans
l’épidémiologie du foyer
de la Dombes
Il n’est pas possible de conclure à une
sensibilité accrue du cygne tuberculé
au virus H5N1 HP car le nombre
Photo © ONCFS
Collecte d’un cadavre de cygne sur un étang de la Dombes.
Surveillance passive :
Surveillance active :
nombre de cadavres récoltés
nombre d’animaux tués
nombre de cadavres analysés
nombre de cadavres analysés
nombre de lots positifs H5N1 HP
nombre d’animaux vivants prélevés
nombre de prélèvements analysés
110
Nombre
de lots
positifs
100
90
10
9
8
80
7
70
6
60
5
50
4
40
3
30
20
2
10
1
0
0
7
8
février
9
10
11
mars
12
13
14
15 16
avril
17
18
19 20
mai
21
22 23
24
juin
25 26 27
28 29
juillet
30
31
32
août
Figure 3 : Évolution temporelle (en semaines) du nombre de cadavres récoltés et analysés, d’animaux vivants prélevés et analysés (hors canards sentinelles), et du nombre de lots positifs H5N1 HP.
ONCFS Rapport scientifique 2006
59
Oiseaux migrateurs et zones humides
montrent que partout en Europe cette
espèce a été la principale révélatrice de
l’infection (Eurosurveillance, 2006). Il
est évident que la facilité de repérage de
cadavres de cygne sur des plans d’eau a
biaisé la prévalence en sa faveur.
Pour autant, nous considérons que le
cygne est, parmi les anatidés sauvages,
particulièrement sensible à la souche
H5 N1 HP d’origine asiatique. En
effet, on peut estimer que la mortalité
a avoisiné, voire dépassé, les 10 % dans
la mesure où 54 des 550 à 600 cygnes
présents en Dombes pendant l’épizootie
sont morts de l’influenza aviaire, sans
compter que tous les cygnes morts
d’inf luenza n’ont certainement pas
été collectés et que d’autres, morts ou
malades avec des symptômes nerveux
caractéristiques, négatifs sur les écouvillons cloacaux et trachéaux, étaient
très probablement infectés et auraient
donc succombé au virus H5N1 (Baroux
et al., 2007 ; Gavier-Widen et al.,
2006). Par ailleurs, en février-mars
2006, 25 000 à 30 000 canards, dont
la moitié de fuligules milouins, ont
séjourné sur les étangs de la Dombes.
Sachant que pendant l’épizootie, la
pression de surveillance a été élevée, on
peut affirmer qu’un taux de mortalité
comparable chez les fuligules (ou autres
canards) ne nous aurait pas échappé
et que la mortalité chez cette espèce
suspectée d’avoir introduit le virus est
restée très limitée. De par sa sensibilité
au virus et sa facilité d’observation, le
cygne est une bonne sentinelle épidémiologique à prendre en compte pour
la surveillance de l’influenza aviaire à
l’échelon local et national.
Les fuligules ou d’autres canards peuvent avoir joué un rôle dans la persistance de l’infection par le biais d’une
excrétion asymptomatique que nous
n’avons pas été en mesure d’évaluer.
Il n’est pas possible de conclure sur le
rôle du cygne tuberculé, en tant que
réservoir de virus, mais un échantillon
représentatif de cygnes abattus deux
mois après le pic épizootique ne présentaient aucun signe de la maladie
et n’étaient pas excréteurs de virus
influenza. On ne peut toutefois pas
exclure qu’une proportion, restant à
préciser, de ces cygnes aient pu être
infectés par des virus H5N1 HP et y
survivre, du fait de la présence concomitante d’anticorps H5 et N1 chez au
moins deux d’entre eux.
60
ONCFS Rapport scientifique 2006
R le des autres esp ces
Parmi les anatidés, seuls les cygnes et
les fuligules milouins et morillons ont
montré une certaine sensibilité au virus
H5N1 HP. Aucun des 75 canards de
surface analysés dans l’Ain (Baroux
et al., 2007), dont 25 canards colverts
récoltés dans la Dombes – espèce dont
les effectifs étaient pourtant importants (plus de 18 800 individus en janvier, figure 1a) – n’étaient excréteurs de
virus. La question de la réceptivité et de
la sensibilité éventuelle de cette espèce
reste entière, d’autant plus que la surveillance active menée après la flambée
épizootique sur des colverts sentinelles
ou capturés a permis de confirmer la
possibilité de portage sain de virus H5
FP, mais jamais du virus H5N1 HP. Une
perte probable de réceptivité naturelle
des canards sentinelles s’étant naturellement immunisés au fil des semaines
n’est cependant pas à exclure.
Aucune mortalité anormale ni excrétion virale n’ont été observées chez les
laridés et les corvidés, pourtant très
présents dans la Dombes et capables
de s’infecter par prédation ou consommation de cadavres. En revanche, une
buse variable a été détectée positive.
Cette espèce, comme d’autres rapaces,
a été trouvée infectée dans d’autres
foyers comme en Suède (M rner et al.,
2006 ; Europa 2006). De même, le
Photo © J. Hars/ONCFS
Écouvillonnage cloacal sur un canard colvert.
héron cendré et l’oie cendrée semble
avoir été touchés marginalement par
la maladie.
mpact de l’épi ootie
d’influen a sur l’avifaune
Les résultats du comptage flash de
juin pour le cygne tuberculé révèlent
clairement une baisse des effectifs par
rapport aux chiffres de 2005, probablement due à l’influenza et à la campagne d’élimination (200 individus)
menée fin mai début juin. En revanche, il est impossible d’affirmer que la
baisse des indices de reproduction en
2006 est en lien direct et total avec
l’influenza. Pour les autres espèces, la
quasi-absence de mortalité constatée
nous laisse penser que l’influenza a eu
très peu d’impact sur les populations.
Durée de l’épi ootie
en Dombes
L’épizootie d’influenza aviaire dans la
Dombes est resté très limitée dans le
temps. L’absence de détection virale sur
cadavres après le 18 avril, associée aux
résultats de la surveillance active nous
font supposer que le foyer s’est bien
éteint fin avril-début mai 2006, date
à laquelle l’élévation de la température
Oiseaux migrateurs et zones humides
de l’eau des étangs n’a sans doute plus
permis au virus de persister et de circuler assez intensément. Des observations
similaires ont été faites dans les autres
pays d’Europe. Par ailleurs, la durée
d’infection des étangs est en général
inférieure à cinq semaines et semble
ne pas avoir dépassé huit semaines
(maximum enregistré sur un étang).
Deux éléments ont également pu jouer
dans l’apparente disparition du virus :
des densités d’anatidés plus faibles en
période de reproduction et de fortes
pluies en avril qui ont augmenté la
surface en eau des étangs provoquant
un effet « diluant » sur le virus et sa
transmission.
de facteurs écologiques, dont la densité
en oiseaux réceptifs et sensibles. Par
contre, la maladie a peu diffusé dans
la Dombes et ne s’est pas étendue à
d’autres zones humides françaises ou
étrangères qui auraient pu avoir un
lien épidémiologique avec la Dombes
par le biais des déplacements d’oiseaux
et des migrations prénuptiales. Il faut
toutefois tenir compte des récents travaux de modélisation qui montrent que
l’épizootie aurait sans doute été plus
grave et plus longue si le virus avait
été introduit dans la Dombes au mois
de septembre, début de saison d’hivernage où les anatidés se rassemblent
pour plusieurs mois sur les étangs
les plus favorables (Doctrinal et al.,
2006).
apparaissait, l’étude d’un éventuel
portage sain du virus par les oiseaux
sauvages (en particulier le cygne tuberculé) devrait sans doute être privilégiée. Afin d’augmenter la sensibilité
de la surveillance passive, il conviendrait également de compléter les analyses faites de manière systématique et
simultanée sur des écouvillons cloacaux
et trachéaux par la recherche de virus
sur des organes (cerveau, pancréas…)
d’oiseaux présentant des symptômes
et/ou lésions évocateurs. Enfin, la
persistance des virus dans l’eau des
étangs devrait également faire l’objet
d’études.
n conclusion des études
poursuivre
Nous remercions tous ceux qui ont
contribué à ces résultats, et plus particulièrement la Fédération départementale des chasseurs de l’Ain et ses agents,
l’ensemble du personnel du LNR de
l’AFSSA-Ploufragan et du laboratoire
départemental d’analyses de l’Ain, les
agents de la Direction départementale
des services vétérinaires, les agents
de la Station de Birieux et du service
départemental de l’Office national de
la chasse et de la faune sauvage,
ainsi que le CRBPO (Museum national
d’histoire naturelle – Paris).
Remerciements
imites spatiales
de l’épi ootie
L’épizootie est restée très limitée dans
l’espace. Seuls vingt étangs ont été
contaminés dans un rayon de 25 km
autour du premier cas, alors que la
topographie de la Dombes est particulièrement favorable à une éventuelle
diffusion. L’infection semble s’être
développée préférentiellement sur de
grands étangs qui se trouvent en sortie d’assec, vidés et cultivés l’année
précédente, donc riches en graines et
végétaux et sur lesquels les cygnes et
canards se rassemblent en hiver. La
circulation virale semble donc dépendre
L’analyse des données récoltées lors
de l’épizootie d’influenza aviaire de
2006, et en particulier la faible mortalité observée en Dombes sur les
oiseaux sauvages, comme d’ailleurs
dans toute l’Europe, laisse penser que
la souche virale H5N1 HP qui a circulé
en Europe en 2006 était peu létale et
peu contagieuse.
À l’avenir, si un nouvel épisode d’influenza aviaire hautement pathogène
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62
ONCFS Rapport scientifique 2006
Oiseaux migrateurs et zones humides
ABSTRACT
pidemiological role of Mute
wan and other
natidae in the
avian flu outbrea
in the Dombes in
Jean Hars, Sandrine Ruette, Maurice Benmergui, Carol Fouque, Jean-Yves Fournier, Arnaud Legouge, Martine
Cherbonnel, Daniel Baroux, Catherine Dupuy & éronique Jestin
■ In February 2006, H5N1 virus seemed to enter the Dombes, an important migrating and resident waterfowl area, via
Common Pochards (Aythia ferina) or other migrating ducks, pushed West by the severe cold spell in Central Europe. The
Mute Swan was revealed to be an excellent sentinel or indicator of the outbreak, because of its sensitivity to the virus and
its easy detection on the ponds. In the end, the mortality in wild birds remained moderate and the epizootic, which lasted
only two months, was essentially restricted to the Dombes area. A single turkey farm was contaminated in the centre of
that area, very likely in an indirect way.
■ These observations tend to show that the Asian HP H5N1 viral strain is both little lethal and little contagious in wild
birds and that preventive and control measures applied inside poultry farms have been effective. On the other hand, we
collected very few data on virus healthy carriers, which, according to involved species, may play an effective role in its
persistence inside infected areas and in its spread via migrating birds.
Photo © J. Hars/ONCFS
Enclos de canards colverts sentinelles sur un étang de la Dombes.
ONCFS Rapport scientifique 2006
63
etit gibier
et agros st
es
production dans certaines régions, ou
encore l’abandon de toute production
dans d’autres. Les évolutions à venir
ne sont pas moins inquiétantes. Si,
ces dernières années, la politique agricole commune européenne a fourni
des outils permettant d’améliorer des
habitats, à la marge ou ponctuellement
(jachères, mesures agri-environnementales), les nouvelles orientations telles
que le développement des biocarburants
présentent de nouveaux risques. Ainsi
peut-on craindre une disparition de
jachères favorables à la faune sauvage
et/ou une orientation vers la monoculture.
Photo © Daniel Maillard/ONCFS
L
e petit gibier, qu’il soit sédentaire ou migrateur, de plaine
ou de montagne, constitue une part
importante pour ne pas dire dominante
de l’activité cynégétique. L’enquête sur
les tableaux de chasse à tir effectuée
lors de la saison 1998-1999 montre
qu’un chasseur sur deux a prélevé
au moins un faisan, un sur trois au
moins un lapin et un sur quatre au
moins une perdrix rouge. L’ensemble
des prélèvements réalisés sur les espèces
sédentaires de plaine indique que le
tableau annuel moyen d’un chasseur
en France métropolitaine compte huit
pièces de l’une ou l’autre de ces espèces.
En dehors de cet intérêt cynégétique, le
petit gibier peut être aussi un maillon
non négligeable du fonctionnement de
certains écosystèmes. Ainsi, le lapin de
garenne est-il une source de nourriture
importante pour des prédateurs au
statut fragile comme l’aigle de Bonelli.
Généralement plus faciles à observer
que d’autres espèces à haute valeur
patrimoniale, elles peuvent servir dans
certains cas d’indicateur de la qualité
des habitats qu’elles fréquentent. En
64
ONCFS Rapport scientifique 2006
région méditerranéenne, par exemple,
la perdrix rouge est associée régulièrement à la présence de passereaux rares
ou à statut de conservation précaire.
La présence du petit gibier et son abondance sont, par ailleurs, directement
liées aux activités humaines, et en particulier à l’agriculture. Même si ce n’est
pas toujours le cas, la régression des
effectifs d’une majorité des espèces de
petit gibier, observée depuis le milieu du
vingtième siècle, est souvent considérée
comme le résultat de l’évolution des
agrosystèmes et des pratiques agricoles.
Ainsi une relation entre ces évolutions
et l’abondance de l’avifaune inféodée
aux milieux agricoles, comme l’alouette
des champs, a-t-elle été clairement
démontrée. Les principaux éléments
à l’origine de cette relation ont été
identifiés : le machinisme agricole qui
entraîne des destructions directes ou
induit des modifications paysagères
défavorables (arrachage de haies, de
bosquets et agrandissement des parcelles), l’utilisation de produits phytosanitaires, la spécialisation de la
Dans ce contexte, l’Office national de la
chasse et de la faune sauvage développe
depuis de nombreuses années des études
et recherches pour mieux connaître
l’écologie des espèces concernées, et
en particulier la dynamique de leurs
populations et les liens avec les facteurs
de régulation potentiels. L’objectif final
est d’aboutir aux meilleures stratégies
possibles de gestion des populations et
de leurs habitats. Globalement, la gestion des populations doit jouer un rôle
conservatoire : le niveau des prélèvements établi grâce à des outils adaptés
doit permettre la conservation à long
terme des populations, les lâchers de
gibier, quand ils sont nécessaires, doivent favoriser les souches les plus pures
possibles et ne pas nuire aux éventuelles populations autochtones relictuelles.
De son côté, la gestion des habitats
doit conduire à une dynamique des
populations au minimum stable, sinon
positive. L’ONCFS s’est engagé fortement dans des recherches visant à
assurer l’avenir du petit gibier et des
espèces qui en dépendent plus ou moins
directement. Cet axe d’étude figure en
priorité dans son Contrat d’objectifs
pour les années 2006 à 2008. À l’heure
actuelle, l’ONCFS est pratiquement le
seul établissement en France à diriger
des travaux sur ce thème. Bien entendu,
comme dans d’autres domaines, ces
études se poursuivent en partenariat
avec des organismes de recherche, tels
que le CNRS ou les Universités, et des
gestionnaires de territoires.
Les trois articles présentés illustrent
bien cette démarche, même s’ils abordent essentiellement l’aspect gestion
des populations.
Un premier article relate le suivi mené en
partenariat avec la Fédération départementale des chasseurs de l’Hérault sur
un terrain d’étude en milieu méditerranéen. D’une part, un plan de chasse
pour une population naturelle de perdrix rouge a été mis en place. D’autre
part, des friches issues de l’abandon
de vignes ont été remises en culture.
La combinaison de ces deux actions de
gestion s’est avérée positive et a permis
d’augmenter sensiblement l’abondance
des perdrix sur ce territoire.
Les articles de ce chapitre font référence
au programme R1.1 Petit gibier, migrateurs
terrestres et agrosystèmes du Contrat d’objectifs
La deuxième étude est le fruit d’un large
partenariat sur une thématique très
précise. Elle a pour objectif final de préserver la pureté des souches de perdrix
rouge conservées en élevage et d’éradiquer les éventuels hybrides perdrix rouge
x perdrix chu ar. En effet, de nombreux
croisements ont été opérés dans les élevages jusque dans les années 70 pour
en augmenter la productivité. Même
si depuis les croisements ont cessé du
fait de l’évolution de la réglementation,
rien ne garantit que les perdrix rouges
d’élevage actuelles soient pures et que
des hybrides, non détectables d’après
leur phénotype, soient relâchés dans
la nature. Une pollution génétique des
populations sauvages peut s’ensuivre,
avec pour conséquence des capacités
d’adaptation plus faibles face à l’évolution des habitats. L’article présenté fait
le point sur un travail visant à établir
un test ADN discriminant les oiseaux
de souche pure et les hybrides.
La troisième étude, menée en partenariat avec l’Université de Lyon,
s’intéresse à l’épidémiologie de la myxomatose chez le lapin de garenne. Cette
maladie qui a décimé les populations
de lapin dans les années 50 semble,
aujourd’hui, avoir un impact variable
et plutôt modéré sur les populations
peu fractionnées et de grande taille.
L’objectif est par conséquent de déterminer les modes de gestion (populations
et habitats) les plus favorables à une
circulation permanente du virus et
à l’auto-immunisation des lapins. Le
travail résumé ici a permis de montrer
le rôle joué par l’immunité naturelle des
très jeunes animaux dans la variabilité
de la circulation du virus et son impact
potentiel sur les populations.
Ces trois études présentent donc des
facettes très diverses mais non moins
complémentaires des recherches entreprises par l’ONCFS sur le petit gibier.
Ces espèces sont toutefois souvent très
ubiquistes et l’état de conservation de
leurs populations dépend de nombreux
facteurs. Cela nécessite de mener des
recherches sur le long terme qui peuvent apparaître parfois très ponctuelles
au regard de l’ampleur des problèmes
posés.
François Reitz
Responsable du CNERA
Petite faune sédentaire de plaine
ONCFS Rapport scientifique 2006
65
Santé petit gibier et agrosystèmes – Introduction
Impact des cultures faunistiques et d’un plan de chasse
sur la dynamique des populations de perdrix rouge
Françoise Ponce-Boutin, Jean-François Mathon & Tanguy Le Brun*
* Fédération départementale des chasseurs de l’Hérault – 34433 Saint-Jean-de-Vedas
Cette étude a fait l’objet d’un poster présenté au Colloque Gamebird 2006 – Perdix II, à Athens, en Géorgie (USA),
du 29 mai au 4 juin 2006 (Ponce-Boutin F., Brun J.C., Mathon J.-F. & J.C. Ricci. – Proposals for an improved management
of red-legged Partridge Alectoris rufa populations with or without release of reared birds.)
Contexte de l’étude
La déprise agricole a profondément touché la région méditerranéenne. L’abandon progressif des cultures
(vigne, olivier), du pâturage ou de la cueillette en garrigue, et l’urbanisme galopant ont progressivement
transformé le paysage méditerranéen. Celui-ci, initialement formé d’une mosaïque d’habitats, en colline
comme en plaine, s’est progressivement homogénéisé formant désormais d’immenses massifs couverts de
mattorals* et de bois ou de plaines notablement enfrichées. Cette évolution réduit les territoires favorables
aux espèces liées aux milieux ouverts ou de lisières, et typiquement méditerranéennes, comme la perdrix
rouge. Cette espèce gibier emblématique du pourtour méditerranéen, présente un fort enjeu économique,
mais également de conservation. Les profondes modifications de son habitat constituent certainement une
des causes de son déclin (Aebischer & Potts, 1994, Ponce-Boutin et al., 2003a).
Diverses techniques de gestion ont été recherchées pour maintenir les populations de perdrix rouge, tant en
collines (Ponce-Boutin et al., 2003b) qu’en plaine (présente étude). L’objectif de ce travail est de vérifier ou
non si la remise en cultures d’anciennes parcelles viticoles abandonnées, ou dans certains cas leur entretien
par broyage ou écobuage, peut influer sur la dynamique des populations de perdrix rouge, et à quel niveau.
Conjointement, l’effet d’un plan de chasse (essentiellement une limitation des prélèvements) a été analysé.
écosystème caractéristique des milieux méditerranéens : maquis, garrigues.
Site d’étude
Située en région méditerranéenne, la
commune de Pailhès (600 hectares)
était presque exclusivement viticole
avant les premières primes d’encouragement à l’arrachage visant a diminuer la production de vins de moindre
qualité. En 1994, la vigne représentait
encore 71 % de la superficie agricole.
Pour le reste, seul un quart restait
cultivé.
La Chambre d’agriculture de l’Hérault,
la Fédération départementale des chasseurs de l’Hérault et l’Office national
de la chasse et de la faune sauvage
s’associèrent en 1994 pour élaborer
un projet de mesure agri-environnementale dont l’objectif était de lutter
contre la déprise viticole. Accepté
par l’Union Européenne, ce projet se
décomposait en contrats aidés proposés
66
ONCFS Rapport scientifique 2006
aux agriculteurs pour cinq années.
Treize communes étaient concernées
dont Pailhès.
Méthodes
La mesure agri-environnementale,
remise en culture avec semis tous les
deux ou trois ans et/ou entretien par
broyage de parcelles abandonnées, a
été appliquée sur environ 200 hectares, une autre partie restant en
témoin (363 hectares). L’occupation
du sol a été contrôlée sur l’ensemble
du territoire. quarante-huit parcelles
ont fait l’objet d’un contrat, totalisant
15,1 hectares, réparties sur la seule
zone aménagée.
Quatre périodes ont été définies : une
première phase précédant la mise en
place de la mesure (avant 1994),
la phase sensu stricto des aménagements (1994-1998), une troisième
phase de transition (1999-2000),
durant laquelle la majorité des cultures
à gibier ont été converties en blé
(figure 1), enfin la dernière phase, à
partir de 2001, durant laquelle aucun
aménagement n’a été entrepris.
À compter de la saison cynégétique
1994-95, un plan de chasse limitant
le nombre total de perdrix à prélever
chaque saison sur le territoire a été mis
en place, assorti progressivement d’une
limitation journalière de quatre pièces.
Il n’a été établi dans sa version définitive qu’à partir de l’automne 1996.
On distingue donc trois phases : l’une
sans gestion des prélèvements (saisons
cynégétiques 1992-93 et 1993-94)
suivie par la phase de mise en place
du plan de chasse (saisons 1994-95
et 1995-96) puis la phase de gestion
sensu stricto à partir de l’automne
Santé petit gibier et agrosystèmes – Introduction
Zone aménagée
1996. Un secteur de 55 hectares au
sein de la zone non aménagée est resté
en réserve de chasse tout au long de la
période (figure 2).
Nous avons cherché à estimer l’impact
des différentes techniques de gestion,
appliquées l’année n, sur la densité et
le succès de la reproduction des perdrix
rouges l’année n 1. Les effets « gestion cynégétique » et « aménagements
de l’habitat » ont été testés par un
modèle linéaire général univarié.
80
Surface (%)
La dynamique de la population de perdrix rouge a été suivie entre 1993 et
2006. Le nombre de perdrix présentes
au printemps sur chacune des trois
zones a été déterminé annuellement
(sauf en 2000 et 2005) par battue
sur neuf traques. Le succès de la reproduction à été estimé chaque année
entre 1994 et 2005 par le nombre
de nichées/adulte et la taille moyenne
des nichées sur les zones aménagée et
non aménagée (hors réserve) au moyen
de la méthode d’échantillonnage des
compagnies (ONCFS, 2004).
60
40
20
0
1994 1995 1996 1998 1999 2000 2001 2005
Culture à gibier
Culture annuelle
L’aménagement de l’habitat n’a pas
eu d’effet significatif sur la densité
moyenne au printemps (p = 0,597),
contrairement à la gestion cynégétique
(p = 0,003). En effet, à la suite de
la mise en place d’une limitation des
prélèvements, la densité en perdrix
rouge a doublé, passant de 6,7 couples/
100 hectares à 13,6 couples/100 hectares (tableau 1). Dans la zone en
réserve, la densité moyenne s’est révélée
intermédiaire.
ombre de nichées
par adulte en été
Pré, pâture
Vigne
Gestion
des prélèvements
Aménagement
de l’habitat
Moyenne
cart type
Pas de chasse (réserve de chasse)
Modalité
10,5
4,1
Pas de limitation (en dehors de la réserve)
6,7*
0,8
Installation du plan de chasse (hors réserve)
10,0
1,7
Avec plan de chasse (hors réserve)
13,6*
2,3
Pas d’aménagement
11,3
3,8
Avec aménagements
11,7
3,2
Juste après les aménagements
12,3
2,2
Moyennes significativement différentes entre elles p
Il semble que ni le mode de gestion des prélèvements (p = 0,188),
,
.
Tableau 2 : Taille moyenne des nichées de perdrix rouge à Pailhès entre 1993 et 2006 selon divers
modes de gestion des prélèvements et des habitats en dehors de la réserve de chasse.
Facteur testé
Gestion
des prélèvements
Aménagement
de l’habitat
Moyenne
cart type
Pas de limitation
Modalité
7,1
0,3
Installation du plan de chasse
6,7
1,9
Avec plan de chasse
5,6
1,3
Pas d’aménagement
5,4*
1,2
Avec aménagements
7,1*
1,2
Juste après les aménagements
7,3
1,7
Moyennes significativement différentes entre elles p
Les échantillonnages de compagnies réalisés entre 1994 et 2005 en dehors de
la zone en réserve ont permis d’observer
395 nichées pour 1 198 adultes.
Verger
Friche, maquis, bois
Tableau 1 : Densité au printemps (couples/100 hectares) de la perdrix rouge à Pailhès entre 1993
et 2006 selon divers modes de gestion des prélèvements et des habitats.
Résultats
Les recensements au printemps des
populations de perdrix rouge ont
permis de dénombrer 1 245 oiseaux
entre 1993 et 2006.
1994 1995 1996 1998 1999 2000 2001 2005
Année
Figure 1 : Plan d’occupation du sol sur la zone d’étude expérimentale et la zone témoin de la commune
de Pailhès de 1994 à 2005.
Facteur testé
Densité au printemps
Zone témoin
100
ni les aménagements réalisés sur le
milieu (p = 0,198) n’aient significativement influé sur le nombre moyen
de nichées observées par adulte (0,35
/– 0,13).
,
.
Taille moyenne des nichées
412 nichées ont été comptabilisées
tout au long de l’étude, représentant
au total 2 499 jeunes observés.
ONCFS Rapport scientifique 2006
67
Santé petit gibier et agrosystèmes – Introduction
La limitation des prélèvements n’a
semble-t-il pas eu d’effet significatif sur la taille moyenne des nichées
(p = 0,284). Par contre, un effet nettement significatif des opérations d’aménagement de l’habitat a été mis en
évidence (p = 0,032). En effet, à la suite
de l’intensification des cultures à gibier,
le nombre moyen de jeunes par nichée a
augmenté de 30 % (tableau 2).
Discussion
Les aménagements de l’habitat réalisés
dans le cadre de la mesure agri-environnementale ne semblent pas avoir
influé sur la densité au printemps
des populations de perdrix rouge. Par
contre, la mise en place d’une limitation des prélèvements sur la commune
a eu un impact clairement positif sur
l’abondance de l’espèce. Il est possible
que l’impact positif des aménagements
ait été dissimulé par la limitation des
prélèvements. En effet, les propositions de prélèvement sont calculées à
partir des densités recensées au printemps mais aussi en fonction du succès
de la reproduction de l’été précédant
la saison de chasse. Un nombre de
jeunes supplémentaires augmente donc
d’autant le tableau proposé, ce qui
tend à niveler le nombre d’oiseaux au
printemps suivant.
La mise en place de cultures en lieu
et place de milieux fermés tels que les
friches et les bois semble en revanche
avoir un impact positif sur la taille des
nichées. Afin de confirmer ce résultat,
l’expérience a été maintenue sur la
même commune en inversant le rôle de
chaque secteur, c’est-à-dire en implantant des cultures sur le secteur initialement non aménagé. Conjointement, la
gestion des prélèvements se poursuit.
D’autres études menées en parallèle
sur ces populations suggèrent que la
fécondité des poules n’est pas en cause,
mais plutôt la survie des jeunes dans
leurs premières semaines de vie (PonceBoutin, non publié). En effet, les recensements visant à estimer le succès de la
reproduction sont réalisés six semaines
après le pic des éclosions, c’est-à-dire
une fois que les jeunes ont subi le
plus fort de la mortalité. Les zones en
culture semblent primordiales pour les
jeunes perdrix car elles offrent à la fois
68
ONCFS Rapport scientifique 2006
Facteur testé
Gestion
des prélèvements
Aménagement
de l’habitat
Périodes
Secteur témoin
(reserve)
Secteur témoin
(hors reserve)
Secteur aménagé
Phase 1
Pas de chasse
Pas de limitation
du prélèvement
Pas de limitation
du prélèvement
Phase 2
Pas de chasse
Installation du plan
de chasse
Installation du plan
de chasse
Phase 3
Pas de chasse
Avec plan de chasse Avec plan de chasse
Phase 1
Pas d’aménagement Pas d’aménagement Pas d’aménagement
Phase 2
Pas d’aménagement Pas d’aménagement
Aménagement
de l’habitat
Phase 3
Pas d’aménagement Pas d’aménagement
Juste après
les aménagements
Phase 4
Pas d’aménagement Pas d’aménagement Pas d’aménagement
Réserve
Cultures
à gibier
Village
Secteur
aménagé
Secteur
témoin
Figure 2 : Plan d’échantillonnage pour tester l’impact de la gestion des prélèvements et des habitats
sur la dynamique des populations de perdrix rouge à Pailhès. Le site est divisé en trois grands
ensembles (la réserve de chasse, la zone aménagée et la zone témoin) sur lesquels différents types
de gestion ont été appliqués.
des zones d’alimentation et un couvert
pour se protéger des prédateurs, ce qui
conduit à une meilleure survie.
Néanmoins, ces efforts ne trouvent tout
leur intérêt que si, conjointement, les
prélèvements sont limités, de manière
à permettre aux populations de perdrix
rouge d’atteindre leur niveau optimum
de densité afin de bénéficier au mieux
de l’effet de l’augmentation du succès
de la reproduction.
Santé petit gibier et agrosystèmes – Introduction
Implications
pour la gestion
L’ouverture des milieux présente un fort
intérêt non seulement pour la perdrix
rouge mais également pour les passereaux à haute valeur patrimoniale,
en zones de collines méditerranéennes (Ponce-Boutin et al., 2003c). En
Grande-Bretagne, Vickery et al. (2002)
ont également montré l’intérêt des
cultures à gibier pour d’autres espèces
que la perdrix.
Ceci nous incite à recommander la
généralisation de ces aménagements
en région méditerranéenne, tant pour
l’amélioration de la dynamique de
populations de diverses espèces de
milieux ouverts, dont la perdrix, que
pour la prévention contre les incendies par la fragmentation du paysage.
L’objectif est d’obtenir une mosaïque
d’habitats arbustifs et ouverts (Lucio
& Purroy, 1992), créant une certaine hétérogénéité dans le paysage
(Benton et al., 2003) et comportant
un minimum de 1 % de la superficie en
cultures (Ponce-Boutin et al., 2006) de
céréales ou de mélanges adéquats d’espèces végétales adaptées aux conditions
météorologiques locales et aux sols
(Dale et al., 2000). Au vu des résultats
des études sur le régime alimentaire
de l’espèce, l’optimum semble être un
mélange comprenant au moins une
céréale pour l’apport de graines en été
et des légumineuses pour les insectes,
l’azote qu’elles fixent et le couvert
qu’elles offrent en plus de la nourriture
(Bro & Ponce-Boutin, 2004 ; Green,
1984 ; Ponce, 1989). Ces cultures
pourraient également être disposées en
inter-rangs dans des vergers ou vignes
(voir Borralho et al., 1999) ou être
implantées sur les terres en jachères
dont l’impact sur la biodiversité s’est
révélé plus efficace là où les pratiques
agricoles sont les moins intensives et
où une grande part du territoire est
à l’abandon (Buskirk & Willi, 2004).
Une répartition uniforme des cultures
sur le territoire doit être recherchée
afin de les rendre accessibles à un
maximum de nichées. Il est en outre
déconseillé de les broyer ou les faire
pâturer au printemps ou en été. Par
contre, maintenir un pâturage d’entretien en dehors de ces périodes ne
peut être que favorable (apport d’azote
par les déjections, limitation de la
progression vers des friches, matorrals
ou bois). Enfin, les jachères ne doivent
faire l’objet d’aucun traitement herbicide ou pesticide.
Remerciements
Cette étude n’aurait pu avoir lieu sans
le dynamisme des personnes qui ont
activement œuvré pour la mise en place
de la mesure agri-environnementale
et son succès auprès des agriculteurs.
Nous voudrions pour cela remercier
M. Aboucarié. A. Alliès, D. Armengol,
J.-P. Huron, G. Roudier, M. Tancogne
et tous les agriculteurs qui ont accepté
de prêter momentanément leurs terres
pour cette étude. Nos remerciements
vont également à tous ceux qui ont
réalisé les suivis sur le terrain et ont
permis d’acquérir ces données, et plus
particulièrement J.-C. Favas. Merci à
F. Reitz et C. Arzel de la relecture de
ce manuscrit ainsi qu’à A. Blancafort.
Ces recherches ont fortement bénéficié
de l’encadrement à la fois humain,
logistique et scientifique offert par la
Station biologique de la Tour du Valat
(Arles) que nous tenons également à
remercier.
BIBLIOGRAPHIE
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Their conservation status. Birdlife International : 214-215.
Tucker G.M., and M.F. Heath. Birds in Europe.
• Benton T.G., Vickery J.A. & J.D. Wilson (2003) – Farmland biodiversity : is habitat heterogeneity the key ? Trends in Ecology
and Evolution 18 (4) : 182.
• Borralho R., Carvalho S., Rego F. & P. Vaz Pinto (1999) – Habitat correlates of red-legged partridge (Alectoris rufa) breeding
density on Mediterranean farmland. Rev. Ecol. (Terre Vie) 54 : 59.
• Bro E. & F. Ponce-Boutin (2004) – Régime alimentaire des Phasianidés en plaine de grandes cultures et aménagement de
l’habitat. Faune sauvage 263 : 4-12.
• Buskirk J.V. & Y. Willi (2004) – Enhancement of farmland biodiversity within set-aside land. Conservation Biology 18 (4) :
987-994.
• Dale V.H., Brown S. & R.A. Haeuber (2000) – Ecological principles and guidelines for managing the use of land. Ecological
Applications 10 (3) : 639-670.
• Green R.E. (1984) – The feeding ecology and survival of partridge chicks (Alectoris rufa and Perdix perdix) on arable farmland
in east Anglia. Journal of Applied Ecology 21 : 817-830.
• Lucio A.J. & F.J. Purroy (1992) – Red-legged Partridge (Alectoris rufa) habitat selection in northwest Spain. Gibier Faune
Sauvage 9 : 417-429.
• Office national de la chasse et de la faune sauvage (2004) – Protocoles normalisés de dénombrement et de suivi de la faune
sauvage, Paris.
• Ponce F. (1989) – Étude du régime alimentaire du poussin de perdrix rouge Alectoris rufa en relation avec la gestion des
milieux – Mise au point du protocole et prétest. Rapport, convention ONCFS/EPHE, Montpellier, 72p.
• Ponce-Boutin F., Mathon J.F., Puchala J.-B., Le Brun T., Pin C. & J.C. Favas (2003a) – Bilan des connaissances sur la Perdrix
rouge Alectoris rufa. Faune de Provence 21 : 31-42.
ONCFS Rapport scientifique 2006
69
Santé petit gibier et agrosystèmes – Introduction
• Ponce-Boutin F., Le Brun T., Mathon J.F., Moutarde C., Corda E., Kmiec L. & F. Reitz (2003b) – Landscape management and
red-legged partridge, Alectoris rufa, in the French Mediterranean hills. IUGB 2003, Braza, Portugal.
• Ponce-Boutin F., Le Brun T., Mathon J.F., Moutarde C., Corda E. & L. Kmiec (2003c) – Aménagements et biodiversité en
région méditerranéenne. Cahier technique à l’usage des gestionnaires. CD-Rom, DIREN PACA Ed.
• Ponce-Boutin F., Brun J.C., Mathon J.F. & J.C. Ricci (2006) – Propositions pour une gestion durable des populations de Perdrix rouge. Quelle place pour les lâchers ? Faune sauvage 274 : 48-55.
• Vickery J., Carter N. R.J. Fuller (2002) – The potential value of managed cereal field margins as foraging habitats for farmland
birds in the UK. Agriculture, Ecosystems and Environment 89 : 41-52.
A BSTRACT
Impact of game crops and a hunting plan on population dynamics of Red-legged partridges.
Françoise Ponce-Boutin, Jean-François Mathon & Tanguy Le Brun
■ In the French Mediterranean area, the land abandonment is important. Large cultivated surfaces, maintained or pastured in the past are now abandoned. Scrubs grow and rapidly turn into matorrals then woods which replace the mosaic
of habitats, favourable to Red-legged partridge Alectoris rufa.
■ An agri-environmental action aiming at setting up cultivated grounds for game led to an opening of the landscape in the
Pailhès study area. A hunting management plan was set up jointly.
■ We analysed the impact of these management actions on the dynamics of the red-legged partridge population. The
results show that the bag limit had a high impact on partridge abundance in spring and that habitat management
improved the success of reproduction.
70
ONCFS Rapport scientifique 2006
Santé petit gibier et agrosystèmes – Introduction
Immunité maternelle et impact des maladies :
l’exemple de la myxomatose chez le lapin de garenne
Jean-Sébastien Guitton, David Fouchet*,
Stéphane Marchandeau, Michel Langlais** & Dominique Pontier*
* UMR-CNRS 5558, Biométrie et Biologie Évolutive, Université de Lyon 1, 69622 Villeurbanne cedex
** UMR-CNRS 5466, Mathématiques Appliquées de Bordeaux, INRIA Futurs Anubis,
case 26, Université de Bordeaux 2, 33076 Bordeaux cedex
Contexte de l’étude
Associées à la dégradation des habitats, les maladies virales qui affectent le lapin de garenne, myxomatose
et RHD, figurent parmi les principaux facteurs limitant la dynamique des populations. Toutefois, certaines
études suggèrent que la myxomatose a un impact limité lorsque ces virus circulent très efficacement dans les
populations (Marchandeau & Boucraut-Baralon, 1999). On observe alors que la protection immunitaire des
populations est forte et durable, que les jeunes lapins s’immunisent très tôt et qu’apparaissent régulièrement
des cas de myxomatose sous forme bénigne.
Le facteur clé expliquant ce patron d’expression de la myxomatose semble être lié à l’âge de première infection
et à l’immunité maternelle. Une première infection avant que le jeune ait perdu ses anticorps maternels
permettrait le développement d’une forme atténuée de la maladie accompagné d’une sollicitation du système
immunitaire permettant ensuite à ce jeune de développer une immunité propre. Ce fonctionnement est celui
qui prévaut par exemple dans le cas de la malaria (Snow et al., 1997).
Le but de ce travail était d’étudier les conséquences d’une interaction hôte-parasite o l’hôte tire bénéfice
d’une exposition précoce au parasite. En utilisant l’exemple du couple lapin-myxomatose, nous avons
développé un modèle mathématique pour comprendre l’impact de la myxomatose lorsque la première
infection intervient très tôt, c’est-à-dire au moment o la maladie peut être atténuée par les anticorps
maternels. Nous avons ainsi étudié la relation entre l’intensité de la circulation virale, le niveau d’endémie
et l’impact de la maladie. Ce modèle prend en compte la saisonnalité de la reproduction et la durée des
immunités acquise et maternelle.
Le modèle
Il est construit sur la base des hypothèses suivantes :
1. seule la première infection peut
conduire à la mort de l’hôte ; les autres
infections sont contrôlées par le système immunitaire ;
4. en l’absence d’infection lors de la
période pendant laquelle le jeune bénéficie de l’immunité maternelle, l’hôte
totalement sensible développe la forme
sévère de la maladie s’il est infecté.
2. l’immunité maternelle permet
d’atténuer la maladie sans empêcher
le développement d’une immunité
acquise ;
Ce modèle déterministe est dérivé du
modèle SIR (Susceptible infected recovered). La population est divisée en six
compartiments (figure 1) : lapins sensibles [S], protégés par des anticorps
maternels [M], sévèrement infectés [I],
modérément infectés [IM], nouvellement rétablis donc totalement protégés
[RN] et anciennement rétablis [RF].
3. l’immunité acquise est soit à vie soit
décroît avec le temps ; une infection
au cours d’une période de protection
partielle permet de réactiver le système
immunitaire ;
Les individus I peuvent transmettre
le virus à d’autres lapins. Ils peuvent
mourir de la maladie avec un taux _
ou guérir avec un taux m. Les individus IM ne meurent pas de la mala-
die mais peuvent aussi la transmettre
avec un taux q fois inférieur au taux
de transmission des individus I. Au
contact d’individus infectés, les individus S peuvent devenir I avec un taux
R = `(I qIM)/N où N est la taille de la
population et ` le taux de transmission
de la maladie. La transmission de la
maladie suit la loi du mélange proportionné qui est mieux adaptée aux
espèces socialement structurées que
la loi d’action de masse qui suppose
que le taux de contacts entre individus
dépend de la taille de la population.
Les lapins M et RF peuvent devenir
infectés sous la forme IM avec un taux
lR et l R respectivement. Les individus M perdent progressivement leurs
anticorps maternels à un taux w. Les
individus RN perdent progressivement
leur immunité pour devenir RF avec un
ONCFS Rapport scientifique 2006
71
Santé petit gibier et agrosystèmes – Introduction
taux w . Tous les individus meurent de
mortalité naturelle, hors myxomatose,
b . Ils se reproduisent
à un taux
au taux b(t) qui dépend du temps pour
intégrer le caractère saisonnier de la
reproduction.
RR,RF
b(t)(N-S)
M
R,M
IM
SMIM
RN
wM
Lorsque les données existent, la valeur
des paramètres a été fixée sur la base de
travaux empiriques (tableau 1). Ainsi,
nous avons considéré que les anticorps
maternels persistent un mois (Fenner
& Marshall, 1954 ; Kerr, 1997). La
mortalité occasionnée par la myxomatose est de 60 %, ce qui correspond à
une souche virale de grade III qui est
la plus fréquemment rencontrée en
nature (Fenner & Fantini, 1999). La
survie annuelle des adultes est de 50 %
(Smith & Trout, 1994). Malheureusement, pour certains paramètres les
connaissances manquent ou sont trop
fragmentaires. C’est notamment le cas
de la durée de l’immunité acquise.
Certaines études ont montré qu’elle
dépend de la sévérité de la maladie (Saurat et al., 1980) alors que
d’autres suggèrent qu’elle peut être
très longue et dépasser un an (Fenner
et al., 1953 ; Kerr, 1997). Nous avons
donc considéré deux types d’immunité
acquise : l’une acquise à vie et l’autre
décroissante dans le temps. Le taux de
transmission du virus ` est inconnu et
dépend de divers paramètres, comme
par exemple l’abondance d’insectes
piqueurs. Nous avons choisi de faire
varier sa valeur pour étudier son effet
sur les prédictions du modèle.
Les simulations ont été réalisées sous
MATLAB. Pendant 10 ans, la population a été maintenue indemne de
myxomatose. À l’année 10, un individu infecté I a été introduit dans la
population. L’impact de la myxomatose a été mesuré par la proportion
de premières infections sévères dans la
population.
Principaux résultats
ffet du taux de transmission
Dans cette première partie nous avons
considéré une saison de reproduction
courte et une immunité acquise qui
décroît dans le temps.
Lorsque le taux de transmission est
faible (figure 2) on observe un pic épi-
72
ONCFS Rapport scientifique 2006
WRRN
RF
SI
b(t)S
S
,S
I
AI
Figure 1 : Diagramme de transfert du modèle.
Tableau 1 : Valeurs basiques des paramètres. L’unité de temps est le mois.
Paramètre
Valeur de base
Taux de mortalité initial, +0
0,01
Facteur densité-dépendant de la mortalité, b
Reproduction courte : 0,000485
Reproduction longue : 0,00094
Taux de perte des anticorps maternels, w
1
Taux de perte de l’immunité, wR
Immunité décroissante : 1/6
Immunité à vie : 0
Taux de mortalité additionnel lié
à une infection sévère, _
0,6
Taux de guérison d’une infection sévère, m
0,4
Taux de guérison d’une infection atténuée, mM
1
Taux de transmission du virus, `
Varie entre 0,1 et 1 000
Coefficient de susceptibilité relative d’un jeune
portant des anticorps maternels, l
0,5
Coefficient de susceptibilité relative
d’un individu rétabli, lR
0,1
Taux de transmission relative d’un individu
0,5
présentant une forme atténuée de la maladie, q
démique par an avec une forte proportion de premières infections sévères :
puisque le taux de transmission est
faible, une forte proportion de jeunes
est infectée à un âge avancé, après la
perte des anticorps maternels, d’où le
développement d’une forme sévère de la
maladie. Pendant l’automne, l’immunité des survivants limite la circulation
du virus. Le nombre de lapins infectés
est très faible au début de la saison de
reproduction suivante. Une nouvelle
épidémie survient lorsque des jeunes
sensibles naissent, mais ceux-ci sont
infectés tardivement, comme l’année
précédente. On constate au final que
la taille de la population est fortement
affectée par la myxomatose.
À l’inverse, lorsque le taux de transmission est élevé, la proportion de premières infections sévères est faible car
les jeunes sont exposés au virus avant
la perte de leur immunité maternelle et
ne développent alors que des infections
atténuées (figure 3). On observe également des infections modérées toute
l’année, ce qui témoigne d’une persistance du virus dans la population
et favorise une contamination suffisamment précoce des jeunes lors de la
saison de reproduction suivante. Ainsi,
la taille de la population est à terme
très peu affectée par la myxomatose.
ffet de l’allongement
de la période de reproduction
Lorsque la saison de reproduction est
longue, le virus persiste d’année en
année dans la population grâce à
l’apport régulier par les naissances
d’individus sensibles (figure 4a). En
outre, dès le début de la saison de
Santé petit gibier et agrosystèmes – Introduction
La durée de l’immunité est un paramètre sur lequel les informations ne sont
pas suffisamment précises pour pouvoir
lui fixer une valeur standard. En comparant deux scenarii avec une immunité décroissante ou une immunité
à vie, on n’observe pas de différence
qualitative des résultats (Figure 4b) :
les effets du taux de transmission et
de la durée de la période reproduction
restent les mêmes. Ce paramètre n’est
donc pas d’une importance qualitative
cruciale et l’incertitude accompagnant
sa valeur réelle n’affecte donc pas l’interprétation des résultats du modèle.
1
Prévalence (atténuée)
Prévalence (sévère)
(a)
0,8
0,6
0,4
0,2
0
0
5
10
15
temps (années)
0,96
0
5
10
15
temps (années)
20
0,94
0,93
0,92
0,91
0
5
10
15
temps (années)
100
80
60
40
20
20
0
5
10
15
temps (années)
20
Figure 2 : Population de lapin avec une courte saison de reproduction et un faible taux de transmission (` = 10). L’immunité décroît à partir de 6 mois. Le virus est introduit pour la première fois dans
la population la dixième année. (a) Prévalence des formes sévères de la maladie ; (b) Prévalence des
formes atténuées de la maladie (formes sévères en pointillés) ; (c) Pourcentage de lapins développant une forme sévère de la maladie lors de la première infection ; (d) Évolution de la taille de la
population.
1
Prévalence (atténuée)
0,6
0,4
0,2
0
5
10
15
temps (années)
(b)
0,8
0,6
0,4
0,2
0
20
0,8
0
5
10
15
temps (années)
20
140
(c)
Nombre de lapins
Prévalence (sévère)
0,8
0
Proportion de premières infections sévères
Comme nous en avions fait l’hypothèse, le facteur clé du système lapinmyxomatose réside dans l’intensité de
la circulation du virus et l’âge de
première infection. Ainsi lorsque le
taux de transmission du virus est élevé
au sein de la population, son impact
peut être très faible. Les lapins ont
alors une forte probabilité d’être infectés très jeunes, avant la perte totale
de leur immunité maternelle, ce qui
leur permet de ne développer qu’une
forme atténuée de la maladie tout en
0,2
(d)
(a)
Le but de ce travail était d’examiner
l’effet de la perte progressive d’immunité sur la circulation et l’impact de la
myxomatose. Comme tout modèle, sa
validité dépend fortement de la justesse
de la valeur que l’on attribue à chaque
paramètre. On considère donc généralement que les enseignements que l’on
peut tirer d’un modèle sont essentiellement qualitatifs, ce qui est le cas ici.
0,4
120
1
Discussion
0,6
(c)
0,95
0,90
(b)
0,8
0
20
Nombre de lapins
ffet de la durée de l’immunité
1
Proportion de premières infections sévères
reproduction les jeunes peuvent être
infectés tôt et développent alors une
forme atténuée de la maladie. À l’inverse, lorsque la saison de reproduction
est courte le virus ne peut persister
dans la population car après l’épidémie
tous les animaux sont protégés. Les
jeunes nés avant la réintroduction du
virus ne bénéficient pas d’une infection
précoce et développent alors une forme
sévère de la maladie. En conséquence,
la proportion d’animaux développant
une forme sévère de la maladie est plus
forte lorsque la saison de reproduction
est courte (figure 4b).
0,6
0,4
0,2
(d)
120
100
80
60
40
0
0
5
10
15
temps (années)
20
20
0
5
10
15
temps (années)
20
Figure 3 : Population de lapin avec une courte saison de reproduction et un fort taux de transmission
(` = 103). L’immunité décroît à partir de 6 mois. Le virus est introduit pour la première fois dans la
population la dixième année. (a) Prévalence des formes sévères de la maladie ; (b) Prévalence des
formes atténuées de la maladie (formes sévères en pointillés) ; (c) Pourcentage de lapins développant une forme sévère de la maladie lors de la première infection ; (d) Évolution de la taille de la
population.
ONCFS Rapport scientifique 2006
73
Santé petit gibier et agrosystèmes – Introduction
Un autre facteur important est la
persistance du virus dans la population tout au long de l’année. Nos
travaux ont ainsi mis en évidence un
effet important de l’allongement de
0,4
1
Proportion de premières
infections sévères
(a)
Prévalence (totale)
stimulant leur système immunitaire.
Ils ont peu de chance de mourir de
cette forme atténuée de la maladie et
en guérissent tout en développant une
immunité qui les protégera de futures
réinfections. En effet, puisque la circulation du virus est efficace, ils auront
une forte probabilité d’être ré-exposés
au virus avant la perte totale de cette
immunité acquise et de nouveau ils ne
développeront qu’une forme atténuée
de la maladie qui re-stimulera leur système immunitaire. On comprend aisément que dans un tel système, un lapin
qui naît avec des anticorps maternels a peu de chance de succomber à
la myxomatose. En outre, lorsqu’ils
se reproduiront, ces lapins donneront
naissance à des jeunes qui seront protégés contre une première infection précoce grâce à leurs anticorps maternels.
Avec ce type de fonctionnement du
virus, les populations sont constituées
d’une forte proportion d’individus porteurs d’anticorps, on observe peu de
formes sévères de la maladie mais
des cas réguliers de formes atténuées.
Les prédictions du modèle sont alors
conformes aux observations réalisées
en nature (Marchandeau & BoucrautBaralon, 1999). Inversement, lorsque
le virus circule moins bien, avec un
taux de transmission plus faible, la
probabilité d’être exposé au virus pendant la période d’immunité maternelle
diminue et le risque de développer une
forme sévère de la maladie augmente.
On a alors affaire à la forme classique
d’expression de la maladie avec une
flambée épidémique annuelle provoquant de fortes mortalités.
0,3
0,2
0,1
0
18
18,5
19
19,5
temps (années)
20
(b)
0,8
0,6
0,4
0,2
0
100
101
taux de transmission
102
Figure 4 : Impact des paramètres du modèle. (a) Prévalence totale (formes sévères + formes
atténuées) de la maladie pour une période de reproduction courte (ligne pleine) et une période de
reproduction longue (ligne pointillée) ; l’immunité décroît après 6 mois ; n > 15 ans c’est-à-dire que
le système est à l’équilibre ; (b) Proportion de lapins développant une forme sévère de la maladie
lors de leur première infection en fonction de la durée de la période de reproduction (lignes pleines :
courte, lignes pointillées : longue) et de la durée de l’immunité (trait normal : décroît dans le temps,
trait gras : à vie).
la saison de reproduction. Plus elle est
longue, plus le système est alimenté
en jeunes sensibles ou modérément
sensibles qui permettent au virus de
persister. L’impact de la myxomatose
sera donc plus faible dans des conditions biogéographiques permettant
une saison de reproduction longue, la
longueur de la saison de reproduction
étant principalement déterminée par
la disponibilité en nourriture (Poole,
1960). Cet effet lié à la saison de
reproduction pourrait expliquer les différences d’impact de la maladie entre le
nord et le sud de la France. Il semble en
effet que, schématiquement, la myxomatose ait un plus fort effet dans le
sud de la France que dans le nord. Les
conditions de sécheresse estivale qui y
sont rencontrées et qui induisent un
arrêt de reproduction pourraient expliquer que la myxomatose y ait un effet
limitant important.
Enfin, si ce travail a été réalisé sur
l’interaction myxomatose-lapin, il est
probable que ses conclusions puissent
s’étendre au cas de la RHD. En effet,
les deux virus présentent des caractéristiques assez proches. La sensibilité
à la RHD apparaît progressivement
au cours du deuxième mois au fur et
à mesure de la synthèse des récepteurs
sur lesquels se fixent les virus (Ruvo nClouet et al., 2000). Alors que dans le
cas de la myxomatose seuls les jeunes
issus de mères immunisées sont protégés, dans celui de la RHD tous les
jeunes le sont. Même si le mécanisme
est différent, le résultat est similaire.
L’immunité acquise contre la RHD est
plus longue que celle dirigée contre
la myxomatose, mais comme nous
l’avons montré, ce facteur est de peu
d’importance. La principale différence
réside dans l’impact de la maladie. La
co-évolution du couple lapin-myxomatose a conduit à une forte atténuation
de la virulence moyenne de la maladie
depuis 50 ans alors que dans le cas
de la RHD l’existence de souches de
virulence atténuée n’a pas été mise en
évidence à ce jour.
BIBLIOGRAPHIE
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protection conferred on kittens born by immune does. – Journal of Hygiene 52 : 321-336.
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74
ONCFS Rapport scientifique 2006
Santé petit gibier et agrosystèmes – Introduction
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falciparum transmission in Africa. – Lancet 349 : 1650-1654.
A BSTRACT
Maternal immunity and impact of diseases : the example of myxomatosis in the European rabbit.
Jean-Sébastien Guitton, David Fouchet, Stéphane Marchandeau, Michel Langlais & Dominique Pontier
■ Myxomatosis is a leporipoxvirus that infects the European rabbit, inducing a high mortality rate. Observations lead
us to hypothesize that a rabbit carrying maternal antibodies (or having recovered) can be infected (or re-infected) upon
being exposed (or re-exposed) to the virus. Infection will lead to mild disease, boosting host immune protection. Using
a modelling approach we show that this phenomenon may lead to a difference of impact of myxomatosis according to
its transmission rate. Young are exposed when they still carry maternal antibodies and develop a mild disease in high
transmission populations. Our results show that the impact of myxomatosis is generally higher in epidemic situations than
in populations where the virus circulates throughout the year. As a consequence, waning of acquired immunity and the
continuous supply of newborn all along the year may reduce the impact of the disease.
ONCFS Rapport scientifique 2006
75
Santé petit gibier et agrosystèmes – Introduction
Mise au point et validation
d’un système de marqueurs génétiques
pour les perdrix rouges hybrides
Michel Vallance, Guillaume Queney*, Dominique Soyez & Jean-Claude Ricci**
* Antagène, 69760 Limonest
** Institut méditerranéen du patrimoine cynégétique et faunistique,
Villa « Les Bouillens », 30310 Vergèze
Contexte de l’étude
La perdrix rouge (Alectoris rufa) est une espèce gibier très prisée par les chasseurs. Son aire de distribution
naturelle est restreinte à la péninsule ibérique, les deux-tiers au Sud de la France continentale, la Corse et le
Nord de l’Italie. Elle appartient au genre Alectoris, représenté par sept espèces ayant des aires de répartition
disjointes (se chevauchant toutefois sur leurs marges). La spéciation est assez ancienne – deux à six millions
d’années (Randi et al., 1992 ; Randi, 1996) – et résulte non seulement de l’isolement géographique mais de
processus adaptatifs liés à des conditions écologiques assez nettement différenciées.
Ainsi, par exemple Randi & Bernard-Laurent (1999) ont montré que les foyers d’hybridation entre perdrix
rouge (A. rufa) et perdrix bartavelle (A. graaeca) sur le pourtour du massif alpin s’éteignent très rapidement
(à moins de 150 km de la zone de contact), les individus hybridés étant éliminés par les processus de
sélection naturelle.
Dans le cas de la perdrix rouge et de la perdrix choukar (A. chukar), la formation d’hybrides résulte de
l’intervention humaine. En effet, des croisements interspécifiques ont été largement employés dans les
années 1950 à 1970 en France et en Espagne pour augmenter la productivité des élevages de gibier. Les
oiseaux lâchés en très grande quantité dans le milieu naturel ont introduit les génotypes hybridés au sein des
populations naturelles de perdrix rouge, comme l’a mis en évidence un travail d’inventaire génétique effectué
sur seize populations de l’aire naturelle française réalisé avec le soutien du Conseil régional Provence-AlpesCôte d’Azur (figure 1 ; IMPCF, 2004).
Longtemps après l’interdiction du lâcher des perdrix choukar, à la fin des années 1980, les lignées d’élevage
(reproducteurs) ont conservé une part de génome d’Alectoris chukar devenue indiscernable sur le plan
phénotypique mais parfaitement décelable par analyse génétique (taux d’hybridation moyen de 15 à 25 %).
Un programme de recherche sur ce thème a été mené de 2004 à 2006 par l’ONCFS, en association avec
la Fédération nationale des chasseurs, l’Institut méditerranéen du patrimoine cynégétique et faunistique, le
Syndicat national du petit gibier de chasse, le Syndicat national des acouveurs, le Syndicat des sélectionneurs
avicoles et aquacoles français et le laboratoire Antagène. L’objectif était de mettre au point un test génétique
individuel permettant :
– aux éleveurs, d’identifier les niveaux d’hybridation au sein de leurs lignées reproductrices et donc d’éliminer
les hybrides tout en conservant les génotypes satisfaisants (hybridation non décelable, nulle ou très faible),
– aux sociétés de chasse, de pratiquer des tests sur les lots de lâcher afin de s’assurer de ne pas introduire
de génotypes hybrides au sein des populations naturelles de perdrix rouge.
Les étapes du programme
de recherche
Les marqueurs mitochondriaux
Randi & Lucchini (1998) ont développé un test génétique portant sur
76
ONCFS Rapport scientifique 2006
l’ADN mitochondrial. Ce brin circulaire
d’ADN extra-nucléaire, non codant,
évolue très lentement au sein d’une
espèce. Cette caractéristique permet
de retracer l’histoire probable des
mutations et de construire des arbres
phylogénétiques remontant, pour deux
espèces voisines, jusqu’à leur ancêtre
commun à l’ère tertiaire. Dans nos
échelles de temps (jusqu’à 1 000 générations) les différences génétiques
sur l’ADN mitrochondrial apparaissent fixées et distinguent très précisément perdrix rouge, perdrix choukar
Santé petit gibier et agrosystèmes – Introduction
et perdrix bartavelle. En revanche,
l’ADN mitochondrial ne présente pas
une hérédité mendélienne, c’est-à-dire
qu’il se comporte comme un génome
haploïde transmis uniquement par la
lignée maternelle. En présence d’hybrides A. rufa x A. chu ar, les individus
porteront le type mitochondrial caractérisant A. chu ar si, et seulement si,
tous leurs ancêtres maternels portaient
ce « mitotype ». Ainsi, même s’il y a
dilution du génome nucléaire hybridé
au fil des générations, au sein d’une
population naturelle de perdrix rouge
la trace de l’hybridation reste indélébile
au sein des lignées maternelles descendant de ces individus lâchés. La trace
des lâchers successifs va se cumuler
automatiquement (pour autant que
quelques individus lâchés réussissent à
avoir une descendance).
C’est donc un moyen de contrôle très
sûr. Par contre ce marqueur ne permet
pas de repérer avec certitude tous les
individus hybrides au sein des élevages
(seuls les hybrides par voie strictement maternelle sont détectés). Ceci
s’avère pourtant indispensable si on
veut reconstruire des lignées pures,
alors que l’hybridation est largement
répandue.
Les marqueurs
Pour atteindre nos objectifs, il est
apparu nécessaire de faire appel à des
marqueurs nucléaires, positionnés sur
le génome à hérédité mendélienne (des
deux parents) et soumis à la sélection
naturelle.
Les séquences codantes de l’ADN
nucléaire fournissent a priori d’excellents supports pour l’identification des
hybrides. C’est d’ailleurs cette caractéristique que l’on utilise, indirectement,
lorsqu’on effectue un tri « phénotypique » sur des caractères morphologiques tels que le plumage ou le poids,
par exemple. Malheureusement, seules
les descendances F1 et F2 sont aisément reconnaissables en tant qu’hybrides. Les hasards des recombinaisons
Se dit d’un génome où chaque gène n’est
présent qu’une seule fois. Chez les organismes
supérieurs, animaux ou plantes le génome
est diploïde c’est-à-dire que chaque gène est
présent en deux copies, l’une reçue du parent
maternel, l’autre du parent paternel.
48
12
04
84
81
13
06
83
66
2B
2A
Figure 1 : Évaluation de l’hybridation Alectoris rufa (en rouge) x Alectoris chukar (en bleu) pour des
populations du Sud-Est de la France (16 populations représentatives, 359 perdrix), réalisée à partir
de l’ADN mitochondrial. Cinq populations se sont révélées pures, deux quasi-pures, huit avec 20 à
30 % d’oiseaux hybridés et une avec 50 % d’oiseaux hybridés. La taille des cercles est proportionnelle à la taille de l’échantillon analysé. (chiffres = département ; l’échantillon du Vaucluse a été
considéré comme non représentatif).
génétiques interviennent à chaque
génération pour brouiller les cartes. Il
faut donc faire appel à un « jeu » de
plusieurs marqueurs (idéalement plus
de dix) disposés sur des chromosomes
différents (la perdrix rouge a trentehuit paires de chromosomes plus les
deux chromosomes sexuels, mais trente
paires sont des micro-chromosomes)
pour pouvoir suivre l’hybridation après
plusieurs générations et pour pouvoir
quantifier « l’introgression » (part de
génome chu ar présente chez un individu hybride). Les marqueurs SNP
(single nucleotide polymorphism) sont
des mutations ponctuelles apparues
au sein des séquences « codantes »
de l’ADN nucléaire. Elles sont pour
cette raison peu nombreuses (beaucoup
moins que les microsatellites) mais
lorsqu’elles sont apparues après la spéciation, c’est-à-dire la séparation entre
espèces A. chu ar et A. rufa, et avant
les glaciations du quaternaire qui ont
confiné les populations relictuelles et
homogénéisé certains caractères du
génome (effet « bottleneck »), elles distinguent de manière absolue les chromosomes « chu ar » des chromosomes
« rufa ».
À partir de 50 gènes du poulet ( allus
gallus) dont le génome a été entièrement séquencé par la recherche agronomique, nous avons obtenu dix-neuf
séquences d’ADN, réparties sur des
chromosomes différents, présentant
un polymorphisme ponctuel (mutation
d’une paire de base) entre A. chu ar et
A. rufa (figure 2).
Pour sélectionner les marqueurs SNP
qui différencient de manière absolue
les perdrix choukar des perdrix rouges
ONCFS Rapport scientifique 2006
77
Santé petit gibier et agrosystèmes – Introduction
(et non pas seulement certaines perdrix
choukar de certaines perdrix rouges), il
était essentiel de pouvoir s’appuyer sur
un large échantillon de spécimens prélevés dans l’ensemble des aires naturelles des deux espèces, tout au moins
une part largement représentative de
celles-ci.
620 1 640 1 660 1 680 1 700 1 720 1 740 1 760 1 780 1 800 1 820 1 840 1 860 1 880 1 900 1 920
G
A
G
C
G
140
A
G
C
A
A
A
G
M
G
A
T
150
G
C
A
T
G
C
T
T
G
160
C
1 260
1 120
980
840
700
560
420
280
Ainsi, soixante-huit spécimens réputés
purs de A. rufa originaires de Corse,
d’Espagne, du Portugal, et des Alpes du
Sud, et cent un spécimens de A. chu ar
originaires du Moyen Orient (Liban,
Chypre, Syrie), berceau probable des
oiseaux introduits dans les élevages
français dans les années 1950, mais
aussi d’Asie centrale (Kazakhstan)
et d’Extrême Orient (Chine), ont été
analysés.
Pour être sûr qu’il s’agissait bien
d’oiseaux exempts de toute hybridation, les échantillons ont été récoltés
au sein de populations ne présentant
aucune trace d’hybridation décelable
par l’ADN mitochondrial. Ces résultats
ont été confirmés par les informations
historiques, cynégétiques et géographiques dont nous disposions.
Résultats
Le tableau 1 illustre la démarche d’analyse et de construction d’un jeu de marqueurs de l’hybridation chez la perdrix
rouge (Vallance & Queney, 2006).
Deux conditions doivent être réunies.
D’une part, il faut que les marqueurs
retenus soient absents chez la perdrix
rouge, de manière à ne pas surestimer
l’hybridation et à ne pas éliminer de
« vraies » perdrix rouges. Parmi les dix
meilleurs marqueurs sélectionnés, cinq
sont totalement spécifiques (fréquence
d’occurrence = 0%) et trois autres
demeurent au-dessous d’une fréquence
d’occurrence de 5 %.
D’autre part, il faut que les marqueurs
retenus soient systématiquement présents dans le génome chu ar afin de
ne pas délaisser un certain nombre
d’hybrides. Pour six marqueurs, la
probabilité moyenne de non-détection
d’un hybride est de 6 %. En prenant en compte un septième marqueur
(P07) cette probabilité reste au même
niveau mais les hybrides ayant un taux
78
ONCFS Rapport scientifique 2006
140
0
SNP
Figure 2 : Identification par SNP d’un hybride sur une séquence d’ADN. La séquence d’ADN montre le
nucléotide présent pour chaque paire de base. Pour le site de mutation (SNP), deux nucléotides sont
présents simultanément (individu hétérozygote).
Tableau 1 : Fréquence d’occurrence des marqueurs SNP chez Alectoris chukar, Alectoris rufa et les
hybrides.
Nucléotide
Fréquence
( )
chez
A. chukar
Fréquence
( )
chez
A. rufa
Fréquence
( )
chez les
hybrides
A/G
G
100
0
9,1
P05
T/C
T
100
0
4,4
P06
T/G
G
86,3
0
0
P09
G/C
C
82,1
0
2,3
Marqueur
SNP
Polymorphisme
P03
P10
T/C
T
94,9
0
0
P19
A/G
G
100
3,6
8,7
P22
A/G
A
63,8
3,5
2,2
P25
A/G
G
32,9
0,9
13
P07
T/G
T
90,5
11,2
2,2
P08
T/C
C
50
8,6
0
d’hybridation plus faible, de l’ordre de
7 % (1/14 puisqu’il y a 2x7 chromosomes potentiellement « marqués »),
peuvent être mieux détectés (figure 3).
y rajouter aussi le coût des analyses qui
augmente linéairement avec le nombre
de marqueurs employés.
Cependant on prend le risque d’éliminer
à tort une vraie perdrix rouge, puisque
le marqueur P07 n’est spécifique qu’à
88,8 %. Par contre, si on ajoute les
marqueurs P22 et P25, on évite cet
inconvénient et on augmente encore la
puissance du jeu de marqueurs parce
qu’on marque davantage de sites chromosomiques. De ce fait, par exemple, la
proportion d’hybrides non décelés chez
des perdrix rouges « introgressées » à
10 % par les gènes chu ar est abaissée
de 25 %. Le sélectionneur est donc pris
en tenaille entre ces deux contraintes qui limitent inexorablement le
nombre de marqueurs éligibles. Il faut
Vers un test opérationnel
fin
Le test génétique mis au point sur la
base des marqueurs SNP sélectionnés
devait tout d’abord être expérimenté
sur de nouveaux spécimens de perdrix,
distincts de ceux qui ont servi à sa
construction, afin de s’assurer qu’il
conserve sa fiabilité et sa pertinence.
Cette expérimentation a été réalisée sur
des tissus (foies congelés) conservés à
l’issue d’une expérimentation de croisements contrôlés (A. chu ar x A. rufa)
Santé petit gibier et agrosystèmes – Introduction
100
90
Puissance de détection
80
70
60
50
40
30
20
%
65
%
70
%
75
%
80
%
%
%
60
55
%
%
%
50
45
40
%
%
%
%
%
%
35
30
25
20
15
10
5
%
10
0
0
conduits jusqu’à la 5e génération. Le
taux théorique (moyen) d’hybridation
est connu (figure 4) et peut être comparé aux résultats obtenus par application du jeu de marqueurs (figure 5).
Une bonne correspondance apparaît
entre le taux théorique et les résultats
obtenus par le test. Une forte déperdition d’acuité du test a également
été mise en évidence dès lors qu’on
s’adresse à des hybrides contenant
moins de 6 % de gène chu ar. Dans
ce cas, les marqueurs ne sont plus en
nombre suffisant pour repérer la trace
de l’hybridation sur tous les individus.
Taux d’hybridation
Figure 3 : Puissance de détection des hybrides en fonction du niveau d’introgression.
Le test a également été pratiqué au
sein de populations d’élevage sur un
lot de six-cent individus appartenant
à dix élevages différents. Les résultats confirment le bien fondé de la
démarche engagée par ce programme
de recherche et mettent en évidence
qu’il n’est pas trop tard pour réagir
et recréer des génotypes proches du
génotype sauvage. Ils révèlent en effet
que 50 % du stock de reproducteurs
est détecté hybride, c’est-à-dire avec
au moins 6,5 % de génome chu ar. En
d’autres termes, moins de la moitié
des reproducteurs serait quasi indemne
d’hybridation. Le taux individuel d’hybridation varie de 0 à 30 %, avec une
moyenne de 8 % (16 % si on calcule
la moyenne seulement sur les hybrides
détectés). Le test actuel apparaît donc
capable de permettre l’élimination du
stock hybride présent dans les lignées
d’élevage depuis l’abandon de l’élevage
de la perdrix choukar.
Ce test génétique devrait être disponible pour un prix raisonnable dès la
fin 2007, donnant ainsi aux éleveurs
français l’opportunité de prendre une
longueur d’avance dans la course à la
qualité environnementale de leur production et de s’entourer des meilleures
garanties pour préparer l’avenir.
F1
50 %
F2r
25 %
F2c
75 %
F3
12,5 %
F4
6,25 %
F5
3,125 %
Figure 4 : Taux d’hybridation théorique entre Alectoris rufa (en rouge) et Alectoris chukar (en bleu)
dans le cadre d’un croisement expérimental utilisé pour valider le test génétique. (r = A. rufa ;
c = A. chukar). chaque génération, des hybrides A. rufa x A. chukar ont été croisés de manière
répétitive avec des A. rufa pures, de façon à obtenir des générations successives de plus en plus
« diluées » en contenu chukar.
100 %
90 %
théorique
observé
80 %
70 %
60 %
50 %
40 %
30 %
20 %
10 %
0%
F2c
F2r
F3
F4
F5
Figure 5 : Estimation du niveau individuel d’hybridation sur un croisement expérimental par un test
construit avec les huit meilleurs marqueurs SNP (F2c, F2r : cf. figure 4).
ONCFS Rapport scientifique 2006
79
Santé petit gibier et agrosystèmes – Introduction
Un label génétique pour les perdrix rouges
En tant que gibier de repeuplement, la perdrix rouge représente un marché très important. Environ 15 millions d’oiseaux
sont produits en France chaque année. Plus des deux tiers sont destinés à l’exportation : Angleterre, Espagne, Portugal,
Italie. Le renforcement des contrôles administratifs (qualité sanitaire et pureté génétique) par certains pays – en
Espagne, ces contrôles sont à l’initiative des provinces autonomes à qui est déléguée l’administration de la chasse – et le
durcissement de la concurrence conduisent les éleveurs à se tourner vers un système de « label ». Le test génétique mis
au point dans le cadre de ce programme de recherche devrait être validé au plan international dans le cadre d’une expertise « devant notaire » mise en place par la Fédération royale espagnole des chasseurs. Quatre laboratoires (Antagène,
IREC, Faculté vétérinaire de Sarragosse, Université de Porto) se sont engagés dans cette épreuve de vérité consistant à
comparer les diagnostics des différents tests existants sur un échantillon connu de perdrix rouges pures, perdrix choukar
et perdrix hybrides issues de croisements contrôlés. Deux lots sauvages (à faible taux d’hybridation supposé) et deux lots
d’élevage standards seront également analysés. Le résultat de cette épreuve sera disponible début 2008 et permettra aux
Fédérations nationales espagnole, française et portugaise de chasseurs de reconnaître la fiabilité et l’applicabilité de ce
test en routine dans les élevages.
Ainsi, à terme, un « label » génétique européen pourra être reconnu aux élevages mettant en œuvre des mesures de
contrôle d’hybridation fondé sur ce test et permettra aux organisations cynégétiques de revendiquer la qualité environnementale et la durabilité de cette pratique indispensable à la poursuite de leur activité sur bon nombre de territoires
de chasse.
BIBLIOGRAPHIE
• IMPCF (2004) – Échantillonnage et résultats des tests d’hybridation (A. rufa x A. chukar) par ADN mitochondrial (Antagene)
de 16 « populations » de perdrix rouges du sud de la France prélevées à la chasse en 2003 et 2004. Rapport Interne IMPCF.
5 pp.
• Randi E., Alkon P. U & A. Meriggi (1992) – A new model of Alectoris evolution based on biochemical analysis. Gibier Faune
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– 4 juin 2006.
80
ONCFS Rapport scientifique 2006
Santé petit gibier et agrosystèmes – Introduction
A BSTRACT
Development of a system of genetic markers for hybridized red-legged partridges.
Michel allance, Guillaume Queney, Dominique Soyez & Jean-Claude Ricci
■ Due to historical and current breeding practices, red-legged partridges (Alectoris rufa) released for harvest on estates
in southern Europe are not commonly « pure-strain » individuals but hybrids of Red-legged partridge and Chukar (Alectoris
chukar). This hybridisation potentially threatens natural populations of red-legged partridges in these regions as a result
of large, yearly releases on hunting estates. We have started a research program to develop a DNA test, based on SNP
(single nucleotide polymorphism) genetic markers, to evaluate the level of hybridisation occurring between red-legged
partridges (wild or reared) and chukar. A set of partridges was collected in their natural distribution area to select SNP
markers able to surely differentiate chukar and red-legged partridges.
■ A set of 10 reproducible SNP markers was selected, each possessing different alleles in at least 90 % of pure strain
individuals tested. Five of these markers are completely specific. The use of the 6 best markers leads to a probability of
non-detection of 6 %.
■ We conducted an assessment of Red-legged partridge and Chukar populations which have not been used to develop
the genetic markers : each marker correctly assigned an average of 96 % of individuals tested. Finally, we conducted an
assessment of reared Red-legged partridge populations distributed throughout France by profiling 600 individuals sampled
in collaboration with breeders syndicates : 50 % of genitors were revealed as hybrids.
■ The system of genetic marker sets in this study appears to be able to eliminate hybrid genitors in Red-legged partridge
breeding farms. A routine DNA test should be available to breeders at the end of 2007.
ONCFS Rapport scientifique 2006
81
ses
soutenues
de nombreuses publications scientifiques dans des revues internationales
à comité de lecture, elle participe à
sa renommée scientifique. Un nombre
croissant de thèses est d’ailleurs conduit
sous des directions mixtes internationales et évalué par des chercheurs
étrangers, preuves de la qualité et de
l’intérêt des sujets abordés. En outre, la
quasi-totalité de ces thèses intègre une
analyse des retombées pratiques des
travaux. Plusieurs débouchent directement sur des applications concrètes
et des recommandations de gestion.
Enfin, l’encadrement de ces thèses,
total ou partagé, constitue une action
pédagogique à part entière et doit donc
être vu comme une contribution à la
formation des chercheurs de demain
dans les domaines de la faune sauvage
et de ses habitats.
Photo © Philippe Granval/ONCFS
U
na
a
o
i
s
Les études et recherches appliquées
conduites par l’Office national de la
chasse et de la faune sauvage sont principalement le fait des ingénieurs et techniciens de la Direction des études et de
la recherche, répartis au sein des CNERA
(Centres nationaux d’études et de recherches appliquées) et de l’USF (Unité sanitaire de la faune), assistés régulièrement
des personnels des Délégations régionales et des Services départementaux. Toutefois, la complexité des sujets traités et
la nécessité de travailler en synergie avec
d’autres chercheurs nous conduisent à
développer des partenariats avec les
organismes de recherche français tels
que le CNRS, l’INRA, le Cemagref, le
Muséum national d’histoire naturelle,
l’INSERM ou encore les Universités,
l’Agence française de sécurité des aliments et les écoles vétérinaires, voir des
82
ONCFS Rapport scientifique 2006
organismes étrangers. Pour l’ONCFS,
ces partenariats offrent la possibilité de
profiter de compétences qu’il n’a pas en
termes d’analyse ou de calcul, de bénéficier d’équipements ou de techniques
de traitement de données très spécialisées et enfin de pouvoir compter sur un
appui scientifique de haut niveau sur les
thèmes les plus pointus. Pour nos partenaires, c’est la possibilité de disposer
de jeux de données sur les populations
animales, souvent recueillies sur le long
terme et sur des espaces parfois très
vastes.
Le soutien financier de l’ONCFS à des
doctorants s’inscrit dans ce cadre. Une
dizaine de bourses est octroyée chaque
année sur des sujets dont le choix vise
à respecter un équilibre entre espèces et
thématiques. Depuis 2004, quinze thèses
ont été soutenues dont cinq en 2006.
Cette démarche présente plusieurs avantages pour l’établissement. À l’origine
La connaissance de la dynamique des
populations animales constitue le thème
majeur de ces thèses. La modélisation
suppose de disposer en amont des paramètres démographiques de chaque espèce
et d’en connaître les facteurs de variation. Aux premières investigations sur
les effets de l’environnement, du climat,
de la densité, s’ajoutent aujourd’hui
des travaux spécifiques concernant les
impacts de la prédation, de la chasse ou
de l’état sanitaire (avec ou sans interférence avec des espèces domestiques) sur
le fonctionnement des populations.
Trois thèses soutenues en 2006 trouvent
leur place dans ce premier grand thème.
Dans son travail sur les conséquences
du parasitisme par des agents abortifs sur la dynamique des populations
de chamois et d’isard, Marilyne Pioz
aborde une des questions posées par
la cohabitation entre la faune sauvage
en 2006
et la faune domestique. Elle concerne
plus particulièrement les risques de
voir apparaître des réservoirs sauvages
d’agents pathogènes « domestiques »
qui pourraient, d’une part, mettre en
péril la faune sauvage et, d’autre part,
favoriser la re-contamination des troupeaux domestiques. Avec la progression
très forte des effectifs d’ongulés sauvages, observée depuis plus de trente
années dans notre pays, cette hypothèse
s’est malheureusement déjà vérifiée.
d’une certaine vitesse, il diminue. Cette
approche explique pourquoi certaines
populations très touchées par le virus
sont peu affectées alors que de petites
populations, issues de la fragmentation
de grandes unités, peuvent brutalement
disparaître. Elle confirme ainsi la complexité des mécanismes biologiques en
jeu. Ce travail illustre également tout
l’intérêt d’une collaboration étroite
avec les grands organismes de recherche
tels que le CNRS ou l’INSERM.
Les recherches de Mathieu Garel sur
le mouflon méditerranéen et l’élan en
Norvège visent à déterminer les conséquences des pressions d’origines anthropiques, telles que l’agriculture et la
chasse, sur la dynamique des ongulés.
Elles montrent qu’en plus des contraintes
environnementales sous lesquelles vivent
ces populations, l’homme peut influer
fortement sur leur démographie. Ces
premiers résultats suggèrent que, dans
les directives d’aménagement de l’espace
rural comme dans les pratiques cynégétiques, il soit nécessaire d’appliquer
la plus grande prudence afin de ne pas
endommager fortement, voire irrémédiablement les populations sauvages.
La gestion durable des populations,
exploitées ou non, nécessite aussi de
pouvoir délimiter les unités fonctionnelles en tenant compte des besoins des
animaux, de l’hétérogénéité des ressources et de la compétition éventuelle
entre les différentes espèces animales
présentes. La stratégie d’utilisation des
ressources trophiques constitue ainsi un
second thème fréquemment traité, tant
sur les oiseaux que sur les mammifères.
Pour ce dernier groupe d’espèces, souvent très prolifiques, les résultats contribuent à proposer des mesures de gestion
des habitats permettant de réduire les
dégâts agricoles ou forestiers.
La thèse de David Fouchet porte sur
l’effet du virus de la myxomatose sur
le fonctionnement des populations de
lapin. À l’aide de modèles mathématiques, l’auteur montre que l’impact
de la maladie varie avec la vitesse de
circulation du virus, mais qu’à partir
Les articles de ce chapitre font référence aux
programmes du contrat d’objectifs suivants :
R1.1 Petit gibier, migrateurs terrestres et
agrosystèmes
R1.2 Ongulés et équilibre agro-sylvo-cynégétique
R1. Oiseaux d eau et zones humides
Deux thèses soutenues en 2006 entrent
dans cette catégorie. Elles intègrent aussi
un volet « dynamique de population ».
Le travail de Delphine Degré porte
sur l’étude des dynamiques spatiale
et temporelle des caractéristiques trophiques de l’anse de l’Aiguillon, site
d’importance internationale pour de
nombreuses espèces d’avifaune benthivore. Il repose sur des inventaires très
fins des différents compartiments de
son réseau trophique et sur des analyses isotopiques de plumes et de sang.
En outre, la ressource benthique a été
quantifiée. Cette dernière s’avère finalement quantitativement non limitante
pour les principaux oiseaux présents.
L’écologie des canards de surface constitue le cadre d’étude de Céline Arzel dont
le travail porte plus particulièrement sur
la migration pré-nuptiale, phase cruciale
du cycle annuel mais peu étudiée jusqu’à
présent. Ses investigations apportent des
réponses pertinentes aux questions relatives à la précision des recensements ou
à la détermination des dates de migration. Elles comportent un important
volet sur les stratégies alimentaires des
oiseaux en phase de migration et montre
qu’ils s’adaptent perpétuellement aux
ressources. Néanmoins, l’acquisition
des connaissances complémentaires est
encore nécessaire avant de fournir des
modèles prédictifs de dynamique des
populations à l’échelle de l’année.
Cette rapide présentation souligne
la particularité des sujets traités qui
s’inscrivent le plus souvent à l’interface
entre la recherche et la gestion. Ces
travaux de haut niveau, fondés sur la
créativité et le dynamisme des étudiants,
enrichissent notre réflexion et actualisent en permanence nos connaissances.
François KLEIN
Responsable du CNERA
Cervidés-sanglier
ONCFS Rapport scientifique 2006
83
Thèses soutenues en 2006
Conséquences du parasitisme sur la dynamique
des populations d’h tes : exemples d’agents abortifs
dans des populations de chamois u ca ra ru ca ra
et d’isard u ca ra
r a ca
Thèse de 3e cycle (Biométrie et Épidémiologie) soutenue à l’Université Claude Bernard-Lyon I
le 11 juillet 2006 par Maryline Pio
Laboratoire d’accueil : UMR CNRS 5558 l’Université Claude Bernard Lyon I
Cadre d’accueil ONCFS : CNERA Faune de Montagne et USF
ury
P. Roy, (Université Claude Bernard Lyon 1), président
D. Maillard, (ONCFS, CNERA FM), rapporteur
L. Rossi, (Université de Turin, Faculté de Médecine Vétérinaire), rapporteur
E. Gilot-Fromont, (Université Claude Bernard Lyon 1), directeur de thèse
M. Artois, (École Nationale Vétérinaire de Lyon), co-directeur de thèse
A. Loison, (CNRS, Université Claude Bernard Lyon 1), examinateur
Résumé
Ces dernières décennies, la cohabitation entre la faune sauvage et la faune
domestique s’est accrue en particulier
dans les espaces protégés où l’activité
pastorale est parfois importante et où
les densités d’ongulés sauvages sont
souvent élevées. Cette cohabitation a eu
pour conséquence l’émergence récente
chez la faune sauvage de pathologies
habituellement rencontrées seulement
chez les espèces domestiques. Dans le
cadre du suivi sanitaire de populations
d’ongulés de montagne, de nombreux
individus montraient des réactions
positives aux tests sérologiques vis-àvis de trois infections d’origine bactérienne : la chlamydophilose abortive,
la salmonellose abortive ovine et la
fièvre Q. Cependant ces infections ne
sont pas décrites chez les espèces sauvages. En particulier, nous ignorons si
elles ont un impact sur la dynamique
des populations sauvages, et quelle est
la relation entre ces infections et celles
présentes chez les espèces domestiques.
Cette thèse s’efforce d’apporter des
réponses à ces interrogations qui
préoccupent les gestionnaires de la
84
ONCFS Rapport scientifique 2006
faune sauvage et des espaces protégés en étudiant, d’une part, la relation entre la réaction sérologique des
ongulés sauvages et l’importance des
contacts avec les espèces domestiques
et, d’autre part, la relation entre ces
réactions sérologiques et les paramètres
démographiques de ces populations
sauvages. La thèse aborde ces deux
questions en utilisant à la fois des données à long terme précédemment recueillies (suivis sanitaires réalisés dans les
Réserves nationales de chasse et de
faune sauvage de montagne depuis
une dizaine d’années) et des mesures
et observations recueillies durant les
estives 2003 et 2004 (concernant la
cohabitation entre la faune sauvage et
la faune domestique).
Pour évaluer l’impact de ces maladies sur la dynamique des populations
d’ongulés sauvages, nous regardons s’il
existe une relation entre la situation
sérologique des individus et leur survie
et/ou leur fécondité.
Pour savoir si les réponses sérologiques
mesurées sur les individus sauvages
sont liées aux maladies connues chez
les ongulés domestiques, nous regardons s’il existe une relation entre
le statut sérologique des populations
sauvages et leur niveau de cohabitation avec les troupeaux domestiques
ainsi que le statut sérologique de ces
troupeaux, si possible.
Les enjeux sanitaires, écologiques et
économiques de l’émergence de ces
maladies chez la faune sauvage sont
importants car nous risquons dans
les prochaines années de voir apparaître des réservoirs sauvages non maîtrisables d’agents pathogènes ce qui
pourrait, d’une part, mettre en péril
l’espèce sauvage concernée et, d’autre
part, favoriser la re-contamination des
troupeaux domestiques.
Thèses soutenues en 2006
Conséquences de la chasse et des contraintes
environnementales sur la démographie des populations
d’ongulés : l’exemple du mou on méditerranéen
u
et de l’élan en Norvège
c
ac
Thèse de 3e cycle (Biométrie et biologie évolutive) soutenue à l’Université Claude Bernard Lyon I
le 15 mars 2006 par Mathieu arel
Laboratoire d’accueil : UMR CNRS 5558 l’Université Claude Bernard Lyon I
Cadre d’accueil ONCFS : CNERA Faune de Montagne
ury
D. Pontier, (Université Claude Bernard Lyon 1), présidente
M. Festa-Bianchet, (Université de Sherbrooke, Canada), rapporteur
J.D. Lebreton, (CNRS, Montpellier), rapporteur
N.G. Yoccoz, (Université de Troms , Norvège), rapporteur
J.M. Gaillard, (CNRS, Lyon), co-directeur de thèse
D. Maillard, (ONCFS, CNERA FM), co-directeur de thèse
B.E. Saeter, (Université d’Oslo, Norvège), examinateur
Résumé
À l’heure actuelle, de nombreuses
populations de vertébrés sont soumises
directement ou indirectement à des
pressions anthropiques. Le but de ce
travail est de montrer les implications
de telles pressions sur la dynamique
des populations d’ongulés, en plus des
facteurs de variation environnementale classiquement reconnus, comme
le climat ou la qualité de l’habitat.
Nous présentons ici deux études de
cas : le mouflon méditerranéen (Ovis
gmelini musimon
Ovis sp.) et l’élan
en Norvège (Alces alces). Notre travail
sur le mouflon s’est appuyé sur une
étude à long terme (30 ans) d’une
population située dans le sud de la
France (Hérault). Pour l’élan, nous
avons conduit une étude comparative
de plusieurs populations évoluant dans
des habitats très contrastés répartis
en Norvège le long d’un gradient latitudinal.
Après avoir mis en évidence dans notre
étude sur le mouflon les avantages et
les limites de méthodes classiquement
utilisées pour le suivi des populations d’ongulés, nous montrons que
la dynamique de cette population est
influencée à la fois par (1) la fermeture
généralisée des habitats à la suite de la
déprise agricole obligeant les mouflons
à utiliser des ressources sous-optimales,
(2) la chasse sélective pratiquée sur les
mâles à trophée, (3) l’histoire récente
des individus à l’origine de la population, ainsi que (4) la sécheresse estivale. Ces processus sont respectivement
responsables d’une diminution de la
qualité phénotypique (poids, trophée)
des mouflons (processus (1) et (2)), des
variations de performances reproductives des femelles (processus (3) et (4))
et de la mortalité estivale des agneaux
(processus (4)).
la population. Les jeunes mâles participeraient alors davantage à la reproduction, ce qui affecterait en retour leur
croissance.
Les résultats obtenus à partir de ces
deux études de cas, conduites à des
échelles spatiales différentes, mettent en
évidence l’existence de caractéristiques
inhérentes aux populations exploitées.
Au même titre que les contraintes
environnementales sous lesquelles
elles évoluent, nous démontrons que
l’Homme peut influencer fortement la
démographie de ces populations.
Chez l’élan, nous montrons que le
dimorphisme sexuel de taille (DST)
augmente fortement avec une saisonnalité croissante, sans doute à cause
d’une meilleure qualité des ressources
lorsque la saison de végétation est plus
courte mais plus intense. La chasse
sélective des mâles intervient elle aussi
sur le DST en causant une diminution
de la proportion de mâles adultes dans
ONCFS Rapport scientifique 2006
85
Thèses soutenues en 2006
R
le des anticorps maternels dans le changement
d’impact d’une maladie infectieuse.
Impact du choix du modèle pour la compréhension
des interactions h te parasites
Thèse de 3e cycle (Biométrie et Biologie évolutive) soutenue à l’Université Claude Bernard Lyon 1
le 15 septembre 2006 par David Fouchet
Laboratoire d’accueil : UMR CNRS 5558, Université Claude Bernard Lyon 1
Cadre d’accueil ONCFS : CNERA Petite Faune Sédentaire de Plaine
ury
J. Le Pendu (INSERM), président
R. Ferrière (ENS), rapporteur
R. Eymard (Université Marne la Vallée), rapporteur
N. Ferrand (Université de Porto, Portugal), examinateur
S. Marchandeau (ONCFS), examinateur
D. Pontier (Université Claude Bernard Lyon 1), directeur de thèse
Résumé
Selon une vision largement répandue,
la gestion d’une maladie infectieuse
passe par une réduction de la circulation de l’agent pathogène qui la cause.
En d’autres termes, plus un agent
pathogène circule plus il est censé avoir
d’impact sur sa population hôte. Si ce
principe est vérifié dans bien des cas, le
couple lapin-myxomatose semble, dans
une certaine mesure, échapper à cette
règle. En effet, des études de terrains
récentes ont permis d’isoler des populations de lapin très infestées par le virus
de la myxomatose (près de 100 % des
adultes sont, sur une période de 3 ans,
porteurs d’anticorps anti-myxomateux), sans pour autant être réellement
affectées par le virus.
Cette thèse a pour but d’explorer un
mécanisme permettant de comprendre
cette apparente contradiction. En opposition avec la vision classique selon
laquelle les anticorps maternels sont
immunosuppresseurs, certains auteurs,
en s’appuyant sur plusieurs exemples,
ont proposé qu’ils ne bloquent pas les
infections mais servent uniquement à
les atténuer, activant ainsi le système
86
ONCFS Rapport scientifique 2006
immunitaire de l’hôte à moindre coût.
Dans un tel contexte, une augmentation
de la circulation du pathogène est bénéfique pour les hôtes qui sont infectés
plus tôt alors qu’ils sont protégés par
des anticorps maternels. Ensuite les
hôtes sont immunisés et finalement ne
souffrent jamais de la maladie sous sa
forme sévère.
Cette hypothèse est directement applicable au cas du lapin chez qui les jeunes
issus de mères immunisées portent des
anticorps maternels. Elle est confortée
par des observations de terrain qui
montrent que des populations de lapin
peuvent prospérer avec une circulation permanente du virus myxomateux et sans déclenchement d’épidémie.
Cependant, elle reste à vérifier. Une
circulation plus intense du pathogène
permet effectivement une infection plus
précoce des individus, ce qui a deux
conséquences opposées : une diminution de l’espérance de vie des individus
s’ils ne sont pas encore infectés une
fois qu’ils ont perdu leurs anticorps
maternels et une plus grande proportion d’individus chez qui la première
infection est atténuée. La question est
donc de savoir si, dans le cas du lapin,
ces deux effets opposés résultent en une
augmentation ou une diminution de
l’impact de la maladie avec la circulation du virus de la myxomatose. Cette
question est explorée dans cette thèse à
l’aide de modèles mathématiques.
De manière schématique, les modèles
montrent que l’impact de la myxomatose est influencé par sa circulation
suivant une courbe en cloche. À très
faible niveau de circulation, l’impact
est faible car la transmission du virus
se fait difficilement. Lorsque le niveau
de circulation augmente tout en restant
faible, l’impact de la maladie augmente
aussi car l’âge moyen de première
infection diminue mais pas suffisamment pour qu’elle intervienne avant la
perte de l’immunité maternelle, ce qui
augmente la probabilité de développer
la maladie et d’en mourir. L’impact de
la myxomatose augmente donc dans
un premier temps avec sa circulation.
Au-delà d’un certain seuil, la tendance
s’inverse car en moyenne la première
infection intervient avant la perte de
l’immunité maternelle. Une circulation plus intense augmente alors les
chances d’atténuer les premières infections et donc d’y survivre. L’impact de
la myxomatose diminue alors avec sa
circulation.
Thèses soutenues en 2006
Les différents modèles développés dans
cette thèse ont permis de caractériser
les paramètres affectant la circulation
de la myxomatose. Ils se classent en
trois catégories : 1) les facteurs favorisant le taux de transmission local de
la maladie (par exemple, présence de
vecteurs, forte densité de lapin) ; 2) les
facteurs favorisant la dissémination
du virus entre groupes de lapin isolés
(par exemple, présence de vecteurs,
dispersion des jeunes) ; et 3) les facteurs
favorisant la persistance locale du virus
(par exemple, continuité du milieu,
présence de vecteurs, naissances étalées
sur l’année). On notera que les vecteurs
interviennent à tous les niveaux de la
circulation du virus, ce qui montre leur
importance cruciale dans l’impact de
la maladie. On retrouve alors les situations extrêmes observées sur le terrain :
les grandes populations homogènes à
peine touchées par la maladie et les
petites populations isolées qui, après
plusieurs années sans être touchées,
voient leurs effectifs s’effondrer après
une épidémie. La fragmentation des
populations de lapin, qui tend à
faire passer d’une grande population
homogène à un ensemble de petites
populations isolées, pourrait dans un
premier temps augmenter l’impact de
la myxomatose.
Photo © P. Granval/ONCFS
ONCFS Rapport scientifique 2006
87
Thèses soutenues en 2006
Réseau trophique de l’anse de l’Aiguillon :
dynamique et structure spatiale de la macrofaune
et des limicoles hivernants
Thèse de 3e cycle soutenue à l’Université de La Rochelle le 28 septembre 2006 par Delphine Degré
Laboratoire d’accueil : CREMA – UMR CNRS-IFREMER-Université de La Rochelle
Cadre d’accueil ONCFS : CNERA Avifaune migratrice
ury
N. Niquil (Université de La Rochelle), présidente
G. Bachelet (CNRS-Station Marine d’Arcachon), rapporteur
P. Chardy (Université de Bordeaux), rapporteur
P.-G. Sauriau (CNRS– CREMA), directeur de thèse
G. Blanchard (Université de La Rochelle), examinateur
J.-M. Boutin (ONCFS), examinateur
E. Joyeux (Réserve naturelle de la Baie de l’Aiguillon), invité
Résumé
L’anse de l’Aiguillon, mise en réserve
naturelle depuis la fin des années 1990
en raison de son importance internationale pour l’accueil des oiseaux
d’eau, est une baie macrotidale dont
les peuplements benthiques étaient
jusqu’à présent peu étudiés. Afin de
comprendre la structure spatiale et la
dynamique des principaux compartiments de son réseau trophique, deux
cartographies au moment du départ
(mars) et de l’arrivée (octobre) des
limicoles, ainsi qu’un suivi mensuel
en trois stations de la haute slikke ont
été réalisés. L’homogénéité spatiale et
temporelle de la granulométrie des
sédiments et la forte saisonnalité de
la salinité de l’eau interstitielle ont été
mises en évidence.
La diversité des mollusques est faible en
moyenne, mais plus élevée sur la basse
slikke et le chenal de Marans. La régularité est très faible sur la haute slikke
où dominent ydrobia ulvae en abondance et Scrobicularia plana en biomasse. Différents faciès du peuplement
à Macoma balthica se distinguent selon
l’hypsométrie, le diamètre moyen des
sédiments et la salinité. Le stock total
de mollusques dépasse 11 000 tonnes
de masse fraîche avec coquille pour
88
ONCFS Rapport scientifique 2006
les 37,45 km2 de l’anse. La biomasse
sèche sans cendre disponible atteint
367 tonnes en mars et 331 tonnes en
octobre, dont 62 à 83 % de S. plana.
La biomasse sèche sans cendre ingestible et profitable aux limicoles à bec
court atteint 48 tonnes en mars et
105 tonnes en octobre. 27 % des
biomasses en bivalves sont accessibles
aux limicoles à bec court et 97 % à
ceux à bec long. Les bivalves longévifs,
S. plana et M. balthica ont un temps
de renouvellement de un à cinq ans,
tandis qu’Abra tenues renouvelle ses
populations en cinq mois. Les recrutements, étalés sur l’année pour S. plana
et sur le printemps pour M. balthica et
A. tenues, sont marqués par de fortes
éliminations en partie liées à la prédation par les limicoles.
Ceux-ci atteignent 41 000 individus en
hivernage sur l’anse de l’Aiguillon, dont
57 % de bécasseaux variables, qui, avec
les barges à queue noire, les bécasseaux
maubèches et les avocettes élégantes,
ont des effectifs très supérieurs au seuil
d’importance internationale. La phénologie de leurs migrations est complexe
avec des passages successifs ou simultanés de différentes sous-espèces. La
répartition spatiale à marée basse de ces
4 espèces est significativement corrélée
au diamètre moyen des sédiments et à
la salinité de l’eau interstitielle du fait
de l’activité alimentaire préférentielle
le long des chenaux. Elle montre une
variabilité saisonnière et inter annuelle
élevée, ainsi qu’un recouvrement de
niches entre les avocettes et les barges
et entre les bécasseaux variables et
toutes les autres espèces. La consommation totale des oiseaux benthivores
est estimée entre 150 et 799 tonnes
par an, dont 30 % par les tadornes de
Belon, 43 % par les limicoles à bec court
et 27 % par les limicoles à bec moyen
à long. Pour soutenir cette consommation, les mollusques doivent produire 2
à 13 g/m2/an, ce qui est inférieur à la
production estimée cumulée des bivalves
(4 à 27 g/m2/an). En outre, le régime
alimentaire des limicoles est très diversifié. La capacité d’accueil du site n’est
donc pas atteinte en terme de ressource
en mollusques.
Le régime principalement benthivore des
limicoles a été confirmé à la fois pendant l’hivernage et pendant la mue par
une analyse isotopique des plumes (tectrices et rectrices) et du sang. La forte
variabilité inter-individuelle du b13C et
du b15N des différentes espèces de limicoles traduit des stratégies alimentaires
plus individuelles que spécifiques avec
une préférence plus ou moins marquée
pour les adultes polychètes ou bivalves,
dont les chairs sont plus enrichies en
15
N que celles des juvéniles.
Thèses soutenues en 2006
L’estimation, par analyse inverse, des
flux saisonniers de carbone sur 1 m2
moyen de vasière intertidale a révélé
une activité détritique dominante au
sein du réseau trophique bentho-pélagique. Les flux sont sensibles à la remise
en suspension du microphytobenthos
ou des détritus et à la productivité
des bivalves. L’activité des limicoles est
faible, contrairement à celle des poissons, et ne semble pas limitée par les
biomasses en macrofaune. Enfin, les
indices d’analyse de réseau ont montré
un système peu complexe, peu mature,
très productif et exportateur net de
qualité.
Photo © L. Barbier/ONCFS
ONCFS Rapport scientifique 2006
89
Thèses soutenues en 2006
Écologie des sarcelles d’hiver et des autres canards
de surface : connexion entre les sites d’hivernage,
les haltes migratoires et les zones de reproduction
Thèse de 3e cycle (Écologie et Évolution des populations et des communautés)
soutenue à l’Université Paul Sabatier Toulouse III, le 10 mars 2006 par Céline Ar el
Laboratoire d’accueil : Laboratoire d’Écologie des Hydrosystèmes, Université Paul Sabatier Toulouse III
Cadre d’accueil ONCFS : CNERA Avifaune migratrice
ury
H. Fritz (CNRS), président
R. G. Clark (Canadian ildlife Service, Canada), rapporteur
H. P ys (Finnish Game and Fisheries Research Institute, Finlande), rapporteur
K. Sj berg (S edish University of Agricultural Sciences, Suède), rapporteur
N. Giani (Université Paul Sabatier, Toulouse III), directeur de thèse
J. Elmberg (Université de Kristianstad, Suède), examinateur
M. Guillemain (ONCFS), examinateur
Résumé
Afin de développer des outils prédictifs
de dynamique de populations d espèces
migratrices dans le but de leur gestion et de leur conservation, connaître
parfaitement leur écologie est essentiel.
Or pour grand nombre d entre elles la
migration printanière, pourtant définie
comme cruciale dans le cycle annuel, a
été peu étudiée. Nous montrons via
une revue bibliographique que ceci est
notamment le cas pour les anatidés et
en particulier pour les canards de surface. Parmi eux nous avons étudié la
sarcelle d hiver Anas crecca, l’une des
espèces migratrices les plus chassées en
Europe.
Une méthode de marquage externe
(marque nasale) a été utilisée durant
cette étude. Au préalable son effet
potentiel a été testé sur différentes
espèces de canards. Seul un biais pouvait être noté dans les relations sociales
sous certaines circonstances. Ces interactions n étant pas étudiées ici, cette
méthode s est donc révélée être un
outil approprié pour cette étude.
Grâce à des sarcelles marquées, la survie locale, la probabilité de recrutement
et la durée de stationnement ont été
estimées en hiver en Camargue et dans
90
ONCFS Rapport scientifique 2006
l estuaire de la Loire. Sur ces deux
sites, un fort turn-over des individus a
été démontré. Ce turn-over reflèterait
mieux les variations de survie locale
qu une mortalité réelle élevée. En outre
nous avons mis en évidence une sousestimation, lors des comptages, des
oiseaux fréquentant un site (2,1 et 2,5
fois), levant ainsi le voile sur un des
problèmes majeurs soulevés par la comparaison entre les tableaux de chasse
annuels et ces comptages : le nombre
de sarcelles tuées ne serait que deux fois
égal au nombre fréquentant la zone,
au lieu de quatre fois égal au nombre
maximum recensé instantanément.
Jusqu à présent, les dates de départ
en migration pré-nuptiale étaient
déterminées essentiellement par les
comptages. Or cette méthode peut ne
pas refléter le turn-over des individus.
À partir de données de retour de
bagues de sarcelle, la date de départ en
migration a été estimée à la première
décade de février en Camargue. Ceci est
cohérent avec les résultats antérieurs
issus des comptages. Nous offrons
donc des connaissances solides sur
les dates de migration qui devraient
servir dans les instances décisionnelles
concer nant la réglementation de la
chasse. Ainsi, même si les données de
baguage devraient être privilégiées si
disponibles, les comptages d oiseaux
sont fiables pour déterminer les dates
de départ des sarcelles, et potentiellement d autres canards.
Définir et étudier les périodes clés, par
exemple celles susceptibles d affecter le
succès de reproduction futur, dans le
cycle biologique des migrateurs est crucial afin d assurer leur bonne gestion.
Pour ce faire, le temps moyen alloué à
l’alimentation et le comportement des
canards ont été déterminés de février
à août sur différents sites le long de
la voie de migration ouest européenne.
L activité d alimentation diurne augmente, tandis que l activité nocturne
semble être à son optimum. Ceci est
cohérent avec l hypothèse selon laquelle
les canards seraient des reproducteurs
« sur revenu » (« income breeders »),
c’est-à-dire qu’ils utiliseraient des ressources exogènes pour satisfaire une
augmentation de leurs besoins énergétiques liée à la reproduction. Aucune
différence inter-sexe n a été notée chez
les sarcelles, mâles comme femelles
seraient des reproducteurs « sur
revenu ». Qui plus est, toujours suivant
un gradient latitudinal sud-nord, leur
profondeur d alimentation augmente.
Ceci pourrait ref léter leur changement de régime alimentaire (graines
en hiver et essentiellement invertébrés en été). Toutefois, la fréquence
de dérangement par des prédateurs
Thèses soutenues en 2006
potentiels diminue parallèlement. Ce
relâchement de la pression de prédation pourrait leur permettre de passer
plus de temps en alimentation aux
périodes de forts besoins énergétiques
et d’utiliser les comportements les
plus risqués (plus grande profondeur
d alimentation). De plus, la durée des
épisodes d’alimentation et des interruptions entre ceux-ci ne varient pas
au cours de l’année ; les sarcelles adapteraient leur niveau de vigilance par le
choix des méthodes d’alimentation, et
non par l’organisation du temps entre
vigilance et alimentation.
Un pré-requis à toute étude de disponibilité alimentaire et capacité d accueil
des milieux est de connaître la réponse
fonctionnelle des consommateurs. Une
expérience sur des sarcelles en volière
a été menée en leur proposant différentes densités de graines. Une relation linéaire a été obtenue entre celle-ci
et la vitesse d’ingestion. Toutefois,
lorsque la densité de graines dépasse
un certain seuil la réponse prend la
forme d’une deuxième augmentation
linéaire, avec une pente bien inférieure
à celle de la première partie. Ce seuil
marquerait un changement de méthode
d alimentation : de la filtration à la
prise de « bouchées », des contraintes
différentes y étant associées. Toutefois
ce seuil correspond au maximum de densité de graines jamais observé en milieu
naturel sur les sites d alimentation
des canards. Ils ne rencontreraient de
telles densités qu exceptionnellement
au cours de leur vie.
Ceci a des implications directes pour la
gestion et la conservation des habitats
des sarcelles : aux densités de ressources
alimentaires présentes dans les milieux
naturels, toute augmentation de ces
ressources entraînera une augmentation du gain individuel. Il est indispensable de prendre ceci en compte sur les
dernières haltes et les sites de reproduction, où le temps d’alimentation plus
élevé suggère des besoins énergétiques
plus grands. Enfin, les niveaux d’eau
doivent être gérés de façon à ce que
les graines soient accessibles à faible
profondeur en hiver et au printemps,
car le risque de prédation alors plus
grand semblerait limiter les méthodes
d’alimentation employées.
L étude des disponibilités alimentaires
et des comportements est essentielle
pour définir de potentielles limitations
de ressources. Nous avons montré une
séparation des niches écologiques et
des comportements entre les espèces
de canards de surface sur une halte
migratoire. Les caractéristiques écomorphologiques pourraient jouer un
rôle dans la sélectivité des aliments et
permettre à ces espèces de cohabiter
en limitant la compétition par interférence.
Un pré-requis indispensable à l étude de
la valeur relative et capacité d accueil
des sites utilisés par les migrateurs est
de connaître la masse des items alimentaires. Nous avons fourni une table
de référence présentant le poids moyen
des graines de 200 taxa de plantes
présentes sur les sites d alimentation
des canards. Puis grâce à cette table
nous avons pu calculer la densité calorique en ressources alimentaires disponibles sur les sites d alimentation.
De janvier à août, un changement
de disponibilité alimentaire apparait
(diminution pour les graines liée à la
germination et déplétion, augmentation pour les invertébrés liée aux éclosions et émergences). Ceci coïncide avec
le changement d alimentation connu
des canards de surface pouvant traduire
de l opportunisme ou une préférence
alimentaire pour les invertébrés.
Différentes théories tentent d expliquer
l’évolution de la migration de longue
distance des oiseaux en se fondant sur
la ressource alimentaire. Par exemple :
1) les oiseaux migrent pour se reproduire sur des sites plus riches que ceux
qu ils utilisent en hiver et quittent
au printemps, et 2) leur présence sur
un site coïnciderait avec les meilleures
conditions possibles en termes de ressources alimentaires sur ce site. Or les
pics de migration observés ont lieu bien
avant l apparition du pic de ressources
alimentaires. Par contre l éclosion
des canetons coïncide avec un pic
d’abondance d’invertébrés sur les lacs
boréaux, comme établi dans des études
antérieures, même si la disponibilité
alimentaire n est pas significativement
différente entre ces sites et les sites de
Camargue (hivernage) à cette date.
Ceci suggère qu’il faut rejeter les deux
hypothèses précédemment formulées.
Toutefois, au sein d’un site donné le
comportement des oiseaux (notamment
en reproduction) semblerait lié aux
variations de l’abondance de ressources
alimentaires.
Nous suggérons que pour assurer une
bonne gestion des espèces migratrices,
et notamment celles chassées, des études telles que celle ci mais également
sur la nutrition durant la migration pré-nuptiale sont essentielles.
Les mécanismes régulant la migration
méritent également d’être étudiés plus
en détail dans le futur si l’on désire
pouvoir fournir des modèles prédictifs
de dynamique de population à l’échelle
de l’année.
ONCFS Rapport scientifique 2006
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Éditorial, Jean-Pierre Poly . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Stratégie nationale pour la biodiversité
Introduction, Pierre Migot . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
– Vivre longtemps pour mieux se reproduire ? La stratégie conservatrice du bouquetin des Alpes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Carole To go, acques Michallet, aniel Blanc, Fran ois Couilloud, ean-Michel aillard, Marco Festa-Bianchet
aniel Maillard
– Extension des domaines skiables et grand tétras : l’expertise ONCFS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Emmanuel Ménoni, Pierre efos du au
Philippe Blanc
– Conditions climatiques et succès de reproduction du lagopède alpin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Claude ovoa, Aurélien Besnard, ean Fran ois Brenot
aurence . Ellison
– Comparaison du comportement spatial d’ours bruns réintroduits et non réintroduits en Europe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Pierre- ves uenette, eorg auer, juro uber, Petra azens y, Felix nauer, Andrea Mustoni, Santiago Palazon
Frederico ibordi
– Études de la faune sauvage de Guyane par piège-photo automatique. Premiers résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Cécile ichard- ansen, aure ebeir, ucile udoignon
Philipe aucher
.
.
10
.
1
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21
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2
Équilibre for t-gibier
Introduction, Daniel Maillard & François Klein . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2
– Réduction de l’effort d’échantillonnage pour estimer le taux d’abroutissement sur le sapin pectiné en forêt
de montagne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
acques Michallet
Philippe Aubry
Oiseaux migrateurs et zones humides
Introduction, Jean-Marie Boutin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
– Carnets de prélèvement pour la chasse de nuit. Résultats pour la saison 2004/05 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Vincent Schric e, égis argues
Fran ois Auroy
– Relation entre abondance de fruits et de grands turdidés en milieux méditerranéens en automne-hiver.
Les cas du merle noir et de la grive mauvis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
enis oux
– Rôle épidémiologique du cygne tuberculé et des autres anatidés dans l’épisode d’influenza aviaire H5N1 HP
dans la Dombes en 2006 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
ean ars, Sandrine uette, Maurice Benmergui, Carol Fouque, ean- ves Fournier,
Arnaud egouge, Martine Cherbonnel, aniel Baroux, Catherine upuy
Véronique estin
0
2
Petit gibier et agrosystèmes
Introduction, François Reitz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
– Impact des cultures faunistiques et d’un plan de chasse sur la dynamique des populations de perdrix rouge . . . . . . . . . . . . .
Fran oise Ponce-Boutin, ean-Fran ois Mathon
Tanguy e Brun
– Immunité maternelle et impact des maladies : l’exemple de la myxomatose chez le lapin de garenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
ean-Sébastien uitton, avid Fouchet, Stéphane Marchandeau, Michel anglais
ominique Pontier
– Mise au point et validation d’un système de marqueurs génétiques pour les perdrix rouges hybrides . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Michel Vallance, uillaume ueney, ominique Soyez
ean-Claude icci
1
Thèses soutenues en
Introduction, François Klein . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
– Conséquences du parasitisme sur la dynamique des populations d’hôtes : exemples d’agents abortifs dans des populations
de chamois ( upicapra rupicapra) et d’isards ( upicapra pyrena ca) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Maryline Pioz
– Conséquences de la chasse et des contraintes environnementales sur la démographie des populations d’ongulés :
l’exemple du mouflon méditerranéen (Ovis gmelini musimon x Ovis sp.) et de l’élan en Norvège (Alces alces) . . . . . . . . . . .
Mathieu arel
– Rôle des anticorps maternels dans le changement d’impact d’une maladie infectieuse. Impact du choix du modèle
pour la compréhension des interactions hôte parasites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
avid Fouchet
– Réseau trophique de l’anse de l’Aiguillon : dynamique et structure spatiale de la macrofaune et des limicoles hivernants . .
elphine egré
– Écologie des sarcelles d’hiver et des autres canards de surface : connexion entre les sites d’hivernage, les haltes migratoires
et les zones de reproduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Céline Arzel
Publications
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ONCFS Rapport scientifique 2006
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Contacts à l’Of ce national de la chasse et de la faune sauvage
Site internet
Missions auprès
du Directeur général
http://www.oncfs.gouv.fr
Communication
Directions
85 bis, avenue de Wagram – BP 236
75822 Paris Cedex 17
Tél. 01 44 15 17 17
Fax 01 47 63 79 13
Direction générale
85 bis, avenue de Wagram – BP 236
75822 Paris Cedex 17
Tél. 01 44 15 17 17
Fax 01 47 63 79 13
Conseil juridique
85 bis, avenue de Wagram – BP 236
75822 Paris Cedex 17
Tél. 01 44 15 17 17
Fax 01 47 63 79 13
CNERA Faune de montagne
95, rue Pierre Flourens –
BP 4267
34098 – Montpellier Cedex 5
Tél. 04 67 10 78 04
Fax 04 67 10 78 02
CNERA Prédateurs-animaux
déprédateurs
5, Allée de Bethléem
Z.I. Mayencin
38610 – Gières
Tél. 04 76 59 13 29
Fax 04 76 89 33 74
Direction des ressources humaines
85 bis, avenue de Wagram – BP 236
75822 Paris Cedex 17
Tél. 01 44 15 17 17
Fax 01 47 63 17 13
Relations avec le monde cynégétique
CNERA Petite faune sédentaire
de plaine
85 bis, avenue de Wagram – BP 236
75822 Paris Cedex 17
Tél. 01 44 15 17 17
Fax 01 44 15 17 04
BP 20
78612 Le Perray-en-Yvelines Cedex
Tél. 01 30 46 60 00
Fax 01 30 46 60 99
Actions internationales
Unité sanitaire de la faune
85 bis, avenue de Wagram – BP 236
75822 Paris Cedex 17
Tél. 01 44 15 17 17
Fax 01 44 15 17 04
BP 20
78612 Le Perray-en-Yvelines Cedex
Tél. 01 30 46 60 00
Fax 01 30 46 60 99
Division de la formation
Le Bouchet – 45 370 Dry
Tél. 02 38 45 70 82
Fax 02 38 45 93 92
Direction de la police
BP 20
78 612 Le Perray-en-Yvelines Cedex
Tél. 01 30 46 60 00
Fax 01 30 46 60 83
Direction des études
et de la recherche
BP 20
78 612 Le Perray-en-Yvelines Cedex
Tél. 01 30 46 60 00
Fax 01 30 46 60 67
Informatique
11, avenue de Fontmaure
63400 Chamalières
Tél. 04 73 19 64 43
Fax 04 73 19 64 49
Centres nationaux d’étude
et de recherche appliquée (CNERA)
et autres unités d’étude
Direction des actions territoriales
BP 20
78 612 Le Perray-en-Yvelines Cedex
Tél. 01 30 46 60 00
Fax 01 30 46 60 60
CNERA Avifaune migratrice
53, rue Russeil – 44000 Nantes
Tél. 02 51 25 03 90
Fax 02 40 48 14 01
Direction financière
et agence comptable
BP 20
78 612 Le Perray-en-Yvelines Cedex
Tél. 01 30 46 60 00
Fax 01 30 46 60 60
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ONCFS Rapport scientifique 2006
CNERA Cervidés-sanglier
1, place Exelmans
55000 – Bar-le-duc
Tél. 03 29 79 68 79
Fax 03 29 79 97 86
Centre de documentation
BP 20
78612 Le Perray-en-Yvelines Cedex
Tél. 01 30 46 60 00
Fax 01 30 46 60 99
Crédits photographiques de la couverture :
P. Granval/ONCFS, J.B. Puchala/ONCFS
Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage
Direction des Études et de la Recherche
Mission Communication
Directeur de la Publication
Jean-Pierre Poly
Conception graphique et réalisation
Desk (53 940 St Berthevin)
Impression
Bialec, Nancy
Achevé d’imprimer : 3e trimestre 2007
85 bis avenue de Wagram
75017 Paris
www.oncfs.gouv.fr
Rapport scientifique 2006