Rem Koolhaas, vers une architecture extrême par Anne

Transcription

Rem Koolhaas, vers une architecture extrême par Anne
Rem Koolhaas, vers une architecture extrême
par Anne-Marie Monier et Amélie Thiénot
CR de la conférence par [email protected]
Jeudi 20 novembre à 14 h 30
Auditorium Jean-Pierre-Miquel
Médiathèque Coeur de Ville - Vincennes (94)
Extrait de l'annonce de la conférence sur le site de la ville de Vincennes :
"Précurseur et visionnaire, Rem Koolhaas, célèbre architecte néerlandais, a marqué la culture architecturale des
trente dernières années. Attiré par la théorie du chaos, il développe une conception révolutionnaire de la ville
qui bouleverse le discours établi. Il met en application ses intuitions théoriques dans des réalisations
étonnamment innovantes. En France, il a contribué, entre autres, au projet Euralille, nouveau quartier au coeur de
la métropole Lilloise. Son agence, OMA, située à Rotterdam, a reçu, en 2000, le prix Pritzker, la plus haute
récompense internationale dans le domaine de l’architecture."
Dérive : Je suis en avance, pas assez pour aller boire un verre, j'entre, la salle est profonde, chaleureuse avec
ses larges panneaux de bois. Placage d'un bois clair sur stratifié. J'avance dans le premier tiers de la salle,
les numéros de sièges sont saillants, le 7 m'invite. Ils sont confortables, à la cambrure ajustée pour les tailles
moyennes. La température est douce. J'allume mon portable (le discret) et éteint l'autre (le bavard). Quelques
égarements dans mes fichiers et la conférence d'Anne-Marie Monier et Amélie Thiénot commence déjà.
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Rem Koolhaas travaille en équipe(s), qu'il a constitué sur la base d'une polarité : l'OMA et l'AMO
OMA : structure opérationnelle tournée vers la pratique et la réalisation
AMO : structure théorique tournée vers la théorie et la spéculation
site web : http://www.oma.nl/
Né en 1944 à Rotterdam, g.p architecte. Des amis l'entraînent vers le journalisme, un passage dans la presse
quotidienne, puis quelques années à écrire des scénarios de films, pour enfin retourner vers l'architecture dans
laquelle il s'inscrit avec Elias Angelis (création en 75 de l'OMA).
New-York délire est l'ouvrage qui le fait connaître. Nombreux concours internationaux qui n'aboutissent pas, mais
ils acquièrent une expérience très étendue, en genre et en cultures, car ils ont des projets dans le monde entier.
L'ouvrage S,M,L,XL est l'ouvrage de référence pour son travail (graphisme Bruce Mau)
Reçoit (entre autres) les Prix Pritzker en 2000 et Prix Européen en 2005
Jalons
--------1972, réalise un travail d'école, réalisé pour un concours, c'est un projet théorique consistant à travailler sur
l'idéal de la ville, sous-titré "la ville comme environnement signifiant"
On y voit déjà à l'oeuvre sa grande ouverture sur les arts plastiques, la littérature (Exodus...), la musique.
1975, "New York Délire" (livre)
"En Europe, il y avait les manifestes mais jamais la réalité, et en Amérique, la réalité mais jamais les
manifestes."
Dans ce livre il développe l'idée que Manhattan favorise la culture de la congestion (hyper densité)
Un travail d'étude sur la trame va lui permettre d'analyser la ville de N.Y et d'y faire ressortir des blocs. La
figure du gratte ciel est rendue possible (1900/1910) par l'acier et la "reproduction du monde", invention de
l'ascenceur par Otis. Le gratte ciel reproduit en effet les étages, empilement de carrés l'un sur l'autre.
Le terme de "Bigness" souligne le double aspect intérieur / extérieur qui sont dissociés dans le gratte ciel.
L'image extérieure est fixe, donnée une fois pour toutes, l'intérieur lui peut être envisagé comme modulable. Son
présupposé est "fuck context", c'est-à-dire le constat que le contexte extérieur compte peu dans l'approche des
architectes de buildings.
Le travail de
Années 1980 :
Années 1990 :
Années 2000 :
Rem Koolhaas s'organise assez bien en décennies :
années de théorie(s)
années de production(s)
années de globalisation
Ce qui caractérise son approche est une curiosité constante, insatiable. Il est obsédé par la clarté
programmatique, il s'agit que le bâtiment soit l'expression du programme et seulement cela. Il ne soucie que peu
de la forme pour elle-même.
Projet de la BNF de Paris. Sa proposition architecturale représente l'information, c'est donc pour lui un bloc
dense dans lequel il creuse des poches. Il développe une conception très "nouvelles technologies" du savoir car
pour lui, le savoir est moins lié au livre qu'à la notion d'information, qui est aujourd'hui diffuse,
hypermédiatique. Le concours a été finalement remporté par Dominique Perrault.
La maison de Bordeaux pour couple avec trois enfants. le mari aura un accident de voiture qui le contraint à
l'usage d'une chaise roulante. Le mari demande à R.K de lui construire un espace complexe car il veut un défi à
son nouvel état. C'est sur une belle colline au dessus de Bordeaux que ces trois maisons superposées vont se
bâtir.
RC : maison troglogite
2e étage : partie nuit pour la famille
1er étage (médian) est la zone commune d'espace de vie
Tout le monde se demande comment tient ce volume central qui semble uniquement fait de verre..
Une large plateforme sur vérin traverse les trois niveaux, permettant au mari de se déplacer très facilement d'un
espace l'autre. On pense ici à la machine à habiter de Le Corbusier.
La Casa de Musica - Porto (Portugal)
Ce lieu de musique est tout d'abord pensé comme une maison individuelle. Ce projet fut d'abord envisagé pour un
client qui présentait quelques caractéristiques qui ont constitué un ensemble de contraintes : peur du bug de l'an
2000, horreur du désordre... Ce projet de maison individuelle ne pouvant pas se faire, R.K va le recycler dans une
commande publique de lieu de diffusion et de pratique musicale. Comme à son habitude, il ne se contente pas de
répondre à une commande mais reformule complètement le projet avec son commanditaire. La maison a pour
environnement immédiat une rotonde distribuant sur des avenues qu'il n'ignorera pas mais avec laquelle il
composera plutôt un rapport singulier et libre. La maison-bâtiment a une forme de boîte à chaussure car c'est la
forme la plus adéquat pour une accoustique exigeante, il arrive à cette conclusion après avoir consulté des
spécialistes en la matière.
Bibliothèque centrale de Seattle (Seattle - E. Unis)
Ce bâtiment est organisé autour de l'idée que le savoir doit être partagé pour être fécondé (picnic !). Il alterne
donc les lieux par médias et par fonction : salles de lectures et "d'échanges", de circulation.
Note : c'est dans ce lieu (à vérifier) qu'on voit l'étonnant travail de design d'information de Georges Legrady :
des moniteurs affichent les titres et les nombres de s livres et documents empruntés, sortis, rentrés, on en voit
aussi des graphes. Travail montré par l'artiste et designer à l'ERBA en 2006 lors du colloque DDDAAA.
CCTV & TVCC (Pékin - Chine)
Ce bâtiment géant (575.000 m2) est celui d'une TV Chinoise qui s'intègre autour de la cité interdite de Bejing.
C'est une sorte de boucle, de grande arche qui serait (presque) aussi haute que la tour Eiffel.
Il semble ici ré-inventer le principe de la tour. Les façades servent d'écrans géants. Ce projet va se terminer en
2009.
PRADA
Ici c'est un travail de consultant qu'il entreprend à la demande de la marque de luxe international. Il propose
pour PRADA de créer des "épicentres", hors-normes et dans lesquelles on associera des manifestations culturelles à
la proximité des boutiques. Celui de New York est réalisé, c'est une sorte de vague, proche de celle des
amphithéâtres, pliable et repliable, modulable selon les besoins. l'AMO va re-concevoir le site web de la marque.
Il passe ici dans l'architecture d'information.
Note : tout comme le collectif Lab-au [ http://www.lab-au.com ] fait du design d'information et des installations
numériques, "depuis" son métier et sa culture de l'architecture.
A propos des "hyper-villes" et de l'emballement de la dérégulation des marchés,
voir le livre "MUTATIONS", Rem Koolhaas et Stefano Boeri
Où il est question de :
Lagos (Nigeria)
Shenzen (Chine)
Houston (Texas)
Paris XIII (France)
Villes multiraciales et multiculturelles. Elles sont aussi devenues par quartiers ou en
leur développements, on parle d'explosion planétaire, issues de la libéralisation et la
Ces villes semblent sans histoire, mais lorsque les villes (les autres) ont des centres
deviennent des marchandises, attirent des touristes et sont à l'état de conservation du
de la vie. Le constat est pessimiste.
totalité, ingérables dans
dérégulation des marchés .
historiques, ceux-ci
patrimoine mais non plus
Dans ce livre, il livre un statut de l'architecte quelque peu désabusé, ils ne résisteraient plus au chaos mais
sont passés de "l'imposition à l'acceptation".
Euralille
Programme de 2 gares Lille Europe et Flandres, centre commercial, centre d'affaires, parc urbain, équipements
public, logements. C'est le 11e quartier de Lille qu'il s'agit de construire.
La particularité du concours est que les architectes ne doivent - dans un premier temps et jusqu'au concours - ne
pas produire de dessins (!) mais des idées, des débats, des propositions, des scénarii. C'est R.K qui va
l'emporter car il rencontre l'ambition de P. Mauroy : réussir l'inter-connexion des gares qui va donner une
nouvelle dimension, Européenne, à la ville de Lille.
En forme de synthèse
R.K s'intéresse plus à l'espace qu'à la forme dont il se méfie la plupart du temps. A l'espace et sa pensée. Il
s'entoure de nombreuses compétences (Cecil Balmond, Rory McGowan, etc.) et de personnalités qui apportent à ses
projets. Il fait ensuite un travail d'articulation des compétences au service du projet.
J'ai fait deux photos au début de la conférence. Des images-traces aux jolies couleurs Or dues à une lumière
chaude. J'avais demandé aux conférencières si je le pouvais, je vais leur envoyer. On discute un peu ensemble, car
j'ai pas mal de choses à me faire préciser, la prise de note en direct a ses limites... Merci à Anne-Marie Monier
et Amélie Thiénot pour cet excellent panorama - en même temps qu'introspection - dans le travail de Rem Koolhaas.
Rapidement et à titre de mini-synthèse, je retiendrai que chez R.K, ce qui est singulier est :
- une curiosité pratiquée comme un sport de combat
- la double exigence et le goût pour la théorie qui rejoint celle du faire et de l'entreprendre
- le peu d'intérêt manifesté pour la forme seule
- le grand intérêt porté en direction des processus et des usages
- le grand intérêt porté au décodage, à la lecture et à la compréhension des transformations du monde
Viendrait alors une question, à vrai dire existante avant la conférence, mais que je voulais mettre à l'épreuve de
celle-ci : l'architecture de Rem Koolhaas peut-elle être dite hyper-moderne ? (bien plus que post-moderne).
Selon Gilles Lipovetsky, le passage à l'hypermodernité serait imputable à ces facteurs :
La prise de conscience anxiogène, depuis le milieu des années 80, de graves problèmes de dérégulations socioéconomiques, sanitaires et environnementaux. Le narcissisme, l'insouciance et l'euphorie postmodernes sont dès
lors empêchés. On passe de l'épanouissement de soi à l'obsession de soi (crainte de la maladie et de l'âge…).
L'hypermodernité marque ainsi le deuil de la brève utopie postmoderne (années 50-60), c'est-à-dire l'utopie d'une
société recentrée sur l'individu et valorisant l'hédonisme libertaire.
La disparition — libératrice, mais déstabilisante — des repères et des structures d'encadrement traditionnel
(État, religion, famille), ainsi que la désormais toute-puissance de la société de marché, délivrent la modernité
de ce qui la freinait encore. Délestée de ses contre-poids, elle n'a plus, désormais, qu'à se moderniser ellemême, et s'éleve alors à la puissance superlative : tout y devient "hyper". (source Wikipedia)