IA 900 - Dossier
Transcription
IA 900 - Dossier
Dossier | Du champ à la fibre Selon le Président de l’Union des industries textiles, Yves Dubief, « l’industrie textile française, après des années de restructurations douloureuses, est engagée depuis 2010 dans un mouvement positif de développement de son chiffre d’affaires et de ses exportations, grâce à une dynamique d’innovation matérielle et immatérielle ». Bien que la consommation de produits textiles et d’habillement soit passée, en France, de 31,8 Mds€ à 30,5 Mds€, entre 2011 et 2015, la filière regroupe encore plus de 2 000 entreprises, toutes tailles confondues, elle emploie plus de 57 000 personnes en France. La filière représente, selon les derniers chiffres de 2015, un chiffre d’affaires de 13 Mds€ et exporte pour 8,5 Mds€, ce qui représente une évolution de 5 %. Ainsi Yves Dubief explique que « le rebond du secteur donne lieu chaque jour à des témoignages valorisants d’acteurs dans la presse française ou étrangère, et suscite des manifestations d’intérêt de plus en plus nombreuses de la part de créateurs d’entreprises, de start up, de spécialistes du “crowdfunding” ». La filière cherche en tout cas à construire avec ses membres, et ses partenaires, « la France du textile innovant ». Elle veut plus que jamais soutenir les « mutations positives ». Q Sonia Rykiel, grande couturière Une magnifique autodidacte Féministe de la première heure, Sonia Rykiel a inventé avec une incroyable liberté une mode élégante et décontractée qui a tout à la fois célébré et libéré le corps de la femme dans son quotidien. L’audace dont elle fait preuve en réinventant la maille, le velours, en imposant les rayures, a influencé beaucoup de grands couturiers et a incarné une façon d’être, une allure. U ne grande dame de la mode française s’en est allée à 86 ans des suites de la maladie de Parkinson dont elle souffrait depuis près de 20 ans. Celle que l’on appelait la reine du tri- cot avait su créer au cœur des années 1960 un style reconnaissable entre tous, dont la réputation internationale ne s’est jamais démentie. C’est un certain style Rive-gauche, un petit morceau de Saint- 12 | L’Information Agricole - N° 900 Septembre 2016 Germain-des-Prés qui nous a quitté, tant Sonia Rykiel était associée à ce quartier parisien et à son esprit bohème. Elle y a fréquenté nombre d’écrivains et d’artistes en participant dans son domaine au bouil- Du champ à la fibre | Dossier lonnement créatif de ce haut lieu de la vie culturelle de la capitale. Avant même mai 68, elle a contribué à la libération de la femme avec des vêtements sans entraves débarrassés des artifices et des diktats de la mode des années 1950. Pour cela, elle refuse les doublures, impose les coutures à l’envers, supprime les ourlets, crée les rayures colorées, réinvente le pull-over, voilà en quelques signes distinctifs l’allure Rykiel à la fois chic et désinvolte. Pourtant, rien ne prédestinait Sonia Rykiel à devenir une figure incontournable de la mode. Née en 1930 à Paris dans une famille juive d’origine russe et roumaine, elle est l’aînée de cinq filles, dont l’enfance a été gâchée par la guerre, et se comporte en véritable garçon manqué au sein de la maisonnée Flis, son nom de naissance. Elle grandit dans une ambiance à la Tchekhov avec des grands-mères qui mitonnent des bons petits plats russes, une mère qui est navrée que sa fille soit si rousse, et des conversations passionnées où il est question de politique, littérature et toutes formes d’art. Elle-même a toujours eu besoin des mots tout au long de sa vie, écrire et lire étaient aussi indispensable pour elle que faire l’amour ou créer. Les livres étaient omniprésents autant dans son appartement que dans sa boutique historique du boulevard Saint-Germain parmi les vêtements. Un mariage qui change tout C’est en se mariant en 1954 avec Sam Rykiel que la mode entre littéralement dans sa vie, même si à l’époque elle a pour ambition d’avoir dix enfants. Rien ne lui plaît dans le magasin de prêt-à-porter de son mari, et alors qu’elle attend son premier enfant elle fait fabriquer une robe de grossesse qui l’embellit et ne ressemble à aucune autre. Puis en 1962, elle demande à un représentant italien de lui faire un pull à sa convenance, le fait reprendre à sept reprises avant d’obtenir satisfaction : il est court, près du Photos D.R. Loin de la mode corps, en mailles fines et serrées, et ne ressemble en rien aux gros pulls qui se faisaient à l’époque. C’est tout de suite un énorme succès, d’abord dans la boutique de son mari, puis en couverture du magazine ELLE avec Françoise Hardy, avant que Audrey Hepburn, Brigitte Bardot, Sylvie Vartan et les magazines américains craquent pour ce petit pull moulant et lancent la carrière de Sonia Rykiel. Sans avoir appris les règles ni les codes de la mode, elle apporte une fraîcheur et une liberté qui révolutionnent la perception que les femmes ont de leur corps et du vêtement. Elle appelle cela la démode : principe selon lequel il faut porter le vêtement pour son propre corps et non en fonction des diktats que la mode lui impose. Comme elle disait : « Le pantalon, c’est la possibilité de l’égalité entre les femmes qui ont de belles jambes et celles qui n’en ont pas ». Une réussite exemplaire Une vocation est née devant l’engouement autour de ce petit pull, la nouvelle styliste affranchie en imagine de toutes sortes y compris avec des rayures, ce qui devient une de ses marques de fabrique. Elle crée ensuite des tuniques, pantalons, robes qu’elle vend dans la boutique de son mari jusqu’en 1968, date à laquelle naît la maison Sonia Rykiel avec une première collection et un premier défilé de mannequins heureuses de vivre, magnifique particularité que la couturière perpétuera jusqu’au bout dans cet univers plutôt froid de la mode. Elle ose tout et chaque fois fait mouche, le jogging en velours, la maille, le strass, les inscriptions sur les pulls. En 1977, elle est la première à dessiner des modèles pour les Trois Suisses. Elle crée ensuite une collection homme, une autre pour enfants, des parfums, des costumes de spectacles, la décoration de grands hôtels. La consécration devient internationale, sa fille Nathalie vient la seconder dès la fin des années 1970 avant de reprendre le flambeau en 1995 même si la créatrice à la chevelure orange et aux yeux verts sera toujours présente jusqu’en 2012 malgré la maladie. La mère et la fille ont longtemps résisté avant de s’associer avec un fonds d’investissement chinois, après plus de quarante ans d’indépendance et de totale liberté. Cette femme, à la fois gourmande de tous les plaisirs de la vie, notamment le chocolat, les cigares, le bon vin, et grande séductrice, ne s’est jamais départie de son humour qui a même été présent jusqu’à ses obsèques. Q Michel Monsay L’Information Agricole - N° 900 Septembre 2016 | 13 Dossier | Du champ à la fibre Q Fibres et textiles intelligents Des potentialités énormes Depuis son apparition dans les années 2000, le textile intelligent ne cesse de surprendre et de s’élargir dans de nombreux domaines au regard de sa capacité d’innovation. Elle s’inscrit ainsi dans l’ère des avancées technologiques mondiales. innovation dans le domaine du textile remonte déjà au 19e siècle, avec la révolution industrielle qui mit en place de nouvelles méthodes de tissage et de filature, et s’est cristallisée au milieu des années 50 avec l’utilisation de matériaux aux propriétés innovantes tels que le polyester ou l’acrylique (infroissables, lavables facilement, etc.). Aujourd’hui, le textile intelligent s’entend comme intégrant des fibres ou composants réactifs qui permettent de communiquer, stocker de l’information ou encore opérer à des calculs grâce à l’analyse des variations du milieu environnant. Selon l’observatoire des textiles techniques français, en 2013, les 600 industries françaises du textile sont répertoriées dans le nord de la France (Nord-Pasde-Calais, Picardie), en Alsace-Lorraine, en Normandie et en Rhône-Alpes. Toutefois le secteur des textiles intelligents est davantage présent en Rhône-Alpes avec des entreprises comme CETI, Innotex ou encore l’Union des industries textiles1. Le textile innovant par ailleurs touche de nombreux secteurs tels que le sport, la médecine, le transport, le bâtiment, l’architecture, la mode ou encore l’armée. Photos D.R. L ’ Des catégories variées Du fait des domaines différents dans lesquels l’innovation textile intervient, on peut recenser plusieurs fonctionnalités de ce dernier à ce jour3. A titre d’exemple, citons son rôle de protection, notamment contre les agressions clima- tiques, chimiques ou encore mécaniques (exemples : dans le bâtiment ou les pays à température extrême). Il peut également servir à la communication (exemples : les textiles à effets visuels ou réfléchissants), au sport (en tant qu’isolant thermique et respiratoire), à la santé (surveillance des battements cardiaques, de la température, du taux d’insuline, etc.) ou encore au bienêtre en termes de confort, de raffermissement ou de détente. Q Théo Gning 1 Source : www.crossmedias.fr cité in article « Les Textiles intelligents en France », mars 2014. 2 Source : Ministère du redressement productif : La nouvelle France industrielle, septembre 2013, cité in article « Les Textiles intelligents en France », op. cit. 3 Source : www.crossmedias.fr cité in article « Les textiles intelligents, la vraie révolution du XXIe siècle), janvier 2014. 14 | L’Information Agricole - N° 900 Septembre 2016 Du champ à la fibre | Dossier Q Association européenne pour la laine Un « minerai » comme un autre ? En France, comme dans le reste de l’Europe, l’activité lainière a peu à peu disparu au cours du XXe siècle. La grande majorité de la laine européenne est aujourd’hui exportée en Asie pour être transformée, puis importée sous forme de produits finis. L’association européenne A.T.E.L.I.E.R.* tente de réinvestir cette filière. ’ Pour le maintien d’une filière laine en Europe Pourtant, il y a en Europe 100 millions de moutons. Il existe un réel potentiel de valorisation de cette matière première produite en grande quantité sur le sol européen, pour peu que des initiatives soient prises pour maintenir une filière laine dynamique sur le territoire européen. D.R. L homme s’est intéressé au pelage du mouflon dès le néolithique, il y a près de 8 000 ans. Dès lors, il a développé les caractéristiques lainières du mouton. Au fil des siècles, la laine a connu de nombreuses évolutions, grâce à la sélection variétale et au travail des éleveurs, ce qui a permis le développement d’une multitude de laines différentes, permettant à l’homme de se vêtir plus confortablement. Le travail de la laine a également été l’un des piliers du développement industriel européen. Pourtant, la laine souffre aujourd’hui d’une faible valorisation en Europe et dans le monde. Le prix de la laine brute dépend des cours mondiaux. En quelques décennies, la laine est devenue pour certains une banale matière première dont la valeur s’est dépréciée avec l’arrivée du textile de synthèse. Pour les éleveurs, la tonte peut désormais être perçue une charge d’exploitation se rajoutant aux autres, que la vente de la laine ne permet pas toujours de couvrir. Quant aux usines de transformation, elles ont, pour la plupart d’entre elles, fermé tour à tour au cours de la deuxième moitié du XXe siècle. Pour rappel, en 2011 l’Asie achetait 70 % de la production française de laine. Cette laine est transformée, puis revendue aux deux principaux clients de l’Asie en matière de textile que sont l’Europe et les Etats-Unis. Elle regroupe aussi bien des éleveurs (de moutons, chèvres angora ou cachemire, lapins, alpagas…) que des tondeurs, filateurs, tisserands, petits industriels ou artisans, artistes ou chercheurs, qui ont tous en commun la passion de la laine et la volonté d’aller contre la fatalité économique. Grâce à l’A.T.E.L.I.E.R.*, s’est notamment mise en place une coopération entre éleveurs et transformateurs qui permet à chaque éleveur qui le souhaiterait de faire travailler « à façon » leur laine, et de recevoir des produits finis issus de la laine de leur troupeau. Une étiquette « A.T.E.L.I.E.R.* » a également été créée pour garantir l’origine des matières premières utilisées, ce qui permet aux membres de l’association de mieux valoriser leurs produits et de renforcer le lien avec les consommateurs. La promotion de la laine au sens large constitue enfin l’une des actions phare de l’association. Q Quentin Dupetit * A.T.E.L.I.E.R. : l’Association Textile Européenne de Liaison, d’Innovation, d’Echange et de Recherche. LA CHARTE D’ENGAGEMENTS DE L’A.T.E.L.I.E.R. sUtiliser une matière première locale Sélection rigoureuse des laines et garantie de l’origine sContribuer à la maîtrise complète de la filière Transformation par les membres eux-mêmes autant que possible ; contrôle de l’exécution et de la restitution en cas de sous-traitance sConstituer un réseau d’entraide Formation, achat de matériel, participation aux foires, catalogue commun… sPromouvoir les produits par un label de qualité Garantie de l’origine de la laine, du lieu de transformation et des conditions de travail sTransformation dans des pays respectant les droits de l’homme et dans des entreprises ou les conditions de travail respectent la dignité humaine L’Information Agricole - N° 900 Septembre 2016 | 15 Dossier | Du champ à la fibre Q Isabelle Quéhé, présidente de Universal Love La mode « Made in local » Isabelle Quéhé, présidente de l’association Universal Love, témoigne de son engagement à mettre en avant des créateurs de marques éthiques respectueuses des hommes et de l’environnement sur toute la chaîne de fabrication d’un vêtement. U niversal Love est une association qui, au travers d’événements festifs à Paris, fait découvrir des créateurs qui n’ont pas de réseau de distribution. Des icônes de la mode éthique Ma rencontre avec la créatrice de mode bangladaise Bibi Russel m’a permis de comprendre les difficultés des tisseurs locaux à avoir des débouchés et à faire perdurer leurs savoir-faire. Des tonnes de vêtements sont triées en Inde et en Afrique par des personnes qui n’ont jamais eu l’opportunité de les porter elles-mêmes. Ces fripes, vendues sur les marchés locaux, déstabilisent le potentiel de création locale. Omou Sy, une créatrice sénégalaise, avait en tête de faire une collection de vêtements locaux au prix de ces fripes. Ces rencontres m’ont donné envie d’aider ces femmes en organisant des défilés de mode et des shows room afin qu’elles proposent leurs créations à un public professionnel. De cette idée est né le salon Etical Fashion Show qui rassemble des designers de tous les pays du monde dont leurs fondements sont le respect de l’homme et de l’environnement sur toute la chaîne de fabrication du vêtement. Nous devons tirer des leçons du drame de l’effondrement en 2013 du Rana Plaza au Bangladesh qui a fait plus de 1 000 morts. Aujourd’hui, ce n’est pas possible de porter des vêtements fabriqués à l’autre bout du monde par des gens en souffrance pour produire un vêtement censé rendre les gens plus beaux. Photos D.R. Sauver les techniques traditionnelles Aujourd’hui, on constate cette idée du « made in local » où tout d’un coup, on reprend conscience que l’on a des savoirfaire à protéger et qu’il faut leur trouver des débouchés. Les personnes vieillissent sans qu’elles puissent former les nouvelles générations. On le constate en France et partout dans le monde. Le rachat de notre concept Etical Fashion Show par l’organisateur d’événements internationaux Messe Francfurt a renforcé notre démarche. Les choses évoluent, mais l’éthique dans la mode a été longtemps associée à une mode écolo- 16 | L’Information Agricole - N° 900 Septembre 2016 gique babacool. Les designers comprennent que pour que les gens viennent vers eux, la mode passe avant l’éthique qui est la cerise sur le gâteau. En France, on regarde le style et la mode contrairement à l’Allemagne où le confort et l’écologie priment. A l’occasion de la Cop 21, nous avons organisé le colloque « Changer la mode pour le climat » et lancé une charte d’engagement en 8 points. Cette charte a reçu le soutien de l’union des industries textiles. Nous attendons que chaque producteur, chaque designer soit responsable de toute la chaîne de fabrication de son vêtement pour que la situation du Rana plaza ne se reproduise pas. Il existe de telles demandes de livraisons rapides et de volumes que certaines chaînes étranglent tellement les prix qu’à un moment, ils passent commande à une usine qui va sous-traiter faisant ainsi perdre la traçabilité. De toute évidence, une petite marque saura plus facilement prouver son origine. Réduire l’impact écologique L’Afnor travaille sur une norme européenne pour permettre au consommateur de connaître l’impact écologique des vêtements qu’il achète. Sur le cycle de vie d’un vêtement, nous devons tout analyser et penser à un produit biodégradable comme cela existe déjà avec des vêtements en lin. Un designer anglais a imaginé un jean micro-ondable pour extraire les rivets afin de recycler les fibres. Les comportements d’acheteurs évoluent aussi vers des classiques indémodables et des vêtements de meilleure qualité. Q Propos recueillis par Jean-Noël Ribéry Du champ à la fibre | Dossier QChanvre Une fibre naturelle et résistante Principalement cultivé pour sa tige, ses fibres et ses graines, le chanvre est vendu, une fois transformé, dans le monde entier. Sa production en France a repris depuis les années 1970 pour faire de la France le premier producteur européen en termes de tonnage et de surfaces cultivées, devant l’Allemagne et le Royaume-Uni. Photos D.R. L ongtemps considéré comme un des atouts industriels et économiques de la France, le chanvre a été largement cultivé jusque dans les années 1930, sur près de 176 000 hectares. Aujourd’hui, l’ordre de grandeur est plutôt de 12 500 ha de chanvre cultivés en France, ce qui représente plus de la moitié de la production européenne. Néanmoins l’Europe n’occupe qu’une place marginale au plan mondial avec moins de 10 % des surfaces cultivées. C’est en Chine que sont cultivées près de la moitié des surfaces mondiales de chanvre. En France, sa culture a subi un long déclin entre les années 1930 et 1970 à cause notamment de la concurrence des matériaux de synthèse, issus du pétrole. Depuis les années 1970, la production a repris, en particulier dans la Sarthe et les départements limitrophes ainsi que dans certains départements de Bretagne et de ChampagneArdenne. Le chanvre trouve plusieurs débouchés : le textile, la construction ou encore l’alimentation. Pendant longtemps, le chanvre a été utilisé pour confectionner divers tissus, vêtements, linge de maison, grâce aux multiples avantages qu’il possède tels que ses fibres plus longues, plus fortes et plus résistantes. Cependant en Europe de l’Ouest, l’utilisation du chanvre pour fabriquer du textile n’est plus viable économiquement. Seuls des programmes de recherche sont en cours afin de développer un fil de chanvre suffisamment fin pour la confection de vêtements. La marque Lacoste ambitionne de fabriquer un polo en fil de chanvre, mettant en avant sa capacité à protéger des UV et à absorber l’humidité. Ce projet appelé « Chamaille » (chanvre à application maille) est développé en région Grand-Est autour de plusieurs acteurs de la recherche. Dans l’alimentation, les graines de chanvre sont utilisées pour leur richesse en Oméga 6 et Oméga 3 et les protéines de chanvre pour certains régimes spéciaux. Le chanvre sert également dans la papeterie à la fabrication de papiers fins et spéciaux. Dans le domaine de la construction, la laine et les bétons de chanvre sont de plus en plus reconnus comme des matériaux extrêmement isolants. La chènevotte, issue de la tige, sert comme litières pour les chevaux et d’autres petits animaux grâce à une qualité d’absorption supérieure (voir page région pour découvrir la démarche d’un agriculteur en Seine-et-Marne). Depuis quelques années, l’augmentation des surfaces cultivées en France à laquelle nous assistons nécessite une consolidation, voire un développement de ces débouchés. En effet, vantée pour ses vertus agronomiques, la culture du chanvre séduit car elle s’intègre bien dans la rotation des sols et représente un réservoir de biodiversité pour des espèces, régulateurs des ravageurs de cultures. Elle est, par exemple, idéale comme préparateur de sol pour une culture céréalière. Q Benjamin Guillaumé L’Information Agricole - N° 900 Septembre 2016 | 17 Dossier | Du champ à la fibre Q Développement La filière coton, quelles perspectives ? Le coton, parfois dénommé « or blanc », représente un poids économique important pour les états exportateurs, notamment pour les pays en voie de développement ou émergents. Il reste toutefois soumis à une concurrence importante sur le marché international et plus récemment aux exigences environnementales liées aux conditions de sa culture. Photos D.R. L e coton est produit dans près de 100 pays sur environ 2,5 % des terres cultivées dans le monde. Ce qui représente 25,5 millions de tonnes par an de 2010 à 2012. En 2001, le commerce des articles à valeur ajoutée dans le secteur de l’habillement a atteint 19,5 milliards de dollars EU, tandis que le commerce du coton brut a représenté 6,3 milliards de dollars EU1. La plus grande partie de la production est réalisée dans les pays en voie de développement. 99 % des cultivateurs de coton y vivent et y travaillent. Cela représente entre 30 et 50 millions de personnes impliquées dans la culture du coton. A ce titre, il reste un contributeur essentiel dans l’économie de ces pays dans la mesure où il est pourvoyeur d’emplois, et a des effets directs importants sur la sécurité alimentaire de ces pays grâce à son intégration dans les systèmes de production agricoles traditionnels2. Avec 800 millions de tonnes de fibres de coton exportées en 2006, les exportations de coton contribuent significativement au PIB national (de 5 % à 10 % pour le Bénin, le Burkina Faso, le Mali, le Tchad et le Togo)3. Au Sénégal par exemple, c’est près de 500 000 personnes qui bénéficient de la production et du commerce du coton4. Au Mali, il fait vivre 2,5 millions de personnes et constitue la 2e ressource de recettes d’exportation du pays5. Au niveau européen, la Grèce en tête avec 80 % de la superficie européenne exploitée, puis l’Espagne avec 20 % et dans une moindre mesure la Bulgarie sont les trois états membres producteurs de coton. Entre 2002 et 2012, les importations européennes de coton sont passées de 870 000 tonnes à 132 000 tonnes6. La notion de coton équitable La majorité des produits en coton est vendue dans les pays développés (l’Amérique du nord consomme 25 % des produits et l’Europe 20 %). De plus, le prix mondial de la fibre de coton est fixé par les marchés d’exportation et les pays exportateurs souffrent de la distorsion de concurrence de producteurs bénéficiant largement de subventions nationales versées par des pays comme les Etats-Unis, leader sur le marché avec 40 % des exportations, mais aussi la Chine ou l’Union européenne (47 milliards de dollars depuis 20017), abaissant ainsi le cours du coton au niveau mondial de près de 60 % entre 1981 et 2001. Enfin, les millions de petits producteurs issus des pays en développement doivent 18 | L’Information Agricole - N° 900 Septembre 2016 par ailleurs faire face à la concurrence de la fibre synthétique qui représente 60 % des parts de marché. Face à la crise des marchés et à cette menace, a émergé au Mali dès 2003, la filière « coton équitable ». Elle s’est ensuite étendue dans d’autres pays de l’Afrique de l’Ouest et du Centre (Burkina Faso, Cameroun, Sénégal, Inde), mais aussi à des organisations de producteurs en Egypte, au Brésil et au Kirghizstan pour représenter près de 55 000 producteurs pour 19 000 tonnes de coton fibre8. Cette filière a pour ambition de garantir la visibilité mondiale des cotonculteurs de ces pays, et de leur assurer un « prix minimum garanti » fixé selon les régions de production et les variétés cultivées afin qu’ils puissent améliorer leurs revenus et faire face à la pauvreté et aux coûts de production. Du champ à la fibre | Dossier L’émergence du coton biologique Parallèlement à la concurrence mondiale à laquelle doivent faire face les producteurs de la filière classique du coton, celle-ci doit également répondre aux exigences environnementales afférentes aux systèmes de production et de culture. Aussi, certains pays commencent à se tourner, à partir des années 1990, vers la culture du coton certifié biologique. Cette filière représente 0,1 % de la production totale de coton en 2006 sur 22 pays, avec en tête la Turquie et l’Inde, la Chine et les Etats-Unis10. La demande est issue principalement des consommateurs européens et nord-américains. La certification biologique est cumulable avec celle de « commerce équitable ». Elle se veut moins polluante, sans colorants, avec moins de produits toxiques pour les producteurs et de consommation d’eau. Elle est assurée par des organismes indépendants tels que BioRe, Ecolabel, Max Havelaar, etc. Q Théo Gning 1 Source FAO.org CTB (Trade for Development), cité in « Commerce équitable du coton et du textile au Sénégal ». 3 Sources : FAO et www.planetscope.com, agriculture et alimentation. 4 Idem. 5 Source Maxhavelaarfrance.org 6 Source planetscope, op. cit. 7 Source Maxhavelaarfrance.org, op. cit. 8 Idem. 9 www.futura-sciences.com cité in « D’où vient le coton biologique », août 2013. 10 Idem. 2 Q Marque drômoise 1083 Le concept 100 % made in France Créée en 2013, la marque drômoise 1083 vend des vêtements et des chaussures éco-conçus et entièrement fabriqués en France, avec des matières premières françaises dès lors que c’est possible. Une belle réussite d’un jeune entrepreneur aux valeurs ancrées. Une économie locale dynamisée A contre-courant du mouvement de délocalisation des industries, 1083 relocalise. Photos D.R. En 2013, Thomas Huriez, qui tenait depuis 2007 une boutique, « Modetic », à Romanssur-Isère (Drôme), met en place une campagne de financement participatif, sur Ulule, afin de lancer la fabrication d’un jean éco-conçu et 100 % fabriqué en France. Ce fut un succès (110 000 € récoltés) : la marque 1083 était née. Pourquoi 1083 ? Il s’agit de la distance entre les deux villes les plus éloignées en France, Menton (AlpesMaritimes) et Porspoder (Finistère), soit la limite symbolique pour la fabrication des jeans. La jeune entreprise a ensuite étendu sa gamme aux tee-shirts, jupes, bermudas, veste, chaussures et ceintures, avec toujours la même démarche éthique. Tous leurs produits bénéficient ainsi de la certification « Origine France Garantie ». Ainsi, les jeans sont entièrement teints, tissés et confectionnés en France ; les tee-shirts sont tricotés dans la Drôme et confectionnés dans la Loire ; les chaus- sures sont fabriquées à Romans, capitale de la chaussure, et labellisées « Véritable Chaussure de Romans ». Globalement, les matières premières viennent pour moitié L’Information Agricole - N° 900 Septembre 2016 | 19 Dossier | Du champ à la fibre de France, et pour l’autre de pays étrangers, voisins dans la mesure du possible, lorsqu’il n’y a pas de fournisseurs locaux. Ainsi, le lin est français, le cuir provient de veaux français. Quant au coton, bio, il vient de Turquie ou d’Afrique, puisqu’il n’y a pas de production de coton en France, et très peu ailleurs en Europe. La démarche de 1083 a ainsi permis de redynamiser des unités de fabrica- tion (plus de 20 partenaires français et locaux) et de réexploiter des savoir-faire ancestraux, qui dépérissaient depuis des décennies avec la déprise industrielle. 30 emplois ont été créés en 3 ans. De plus, c’est bien l’économie locale qui profite de l’activité de 1083, puisqu’elle recueille près de 86 € sur le prix de vente du jean à 89 €. Bref, une entreprise qui donne du sens à la notion, souvent gal- vaudée, de développement durable, avec une démarche réellement responsable et transparente. Preuve que le concept séduit les Français, et de plus en plus, les commandes de jeans progressent et se chiffrent à plus de 1 000 par mois. Q Claire Courreau INTERVIEW DE THOMAS HURIEZ, FONDATEUR DE 1083 Pour Thomas Huriez, fondateur de 1083, il est indispensable de récupérer une partie de la marge commerciale réalisée par les distributeurs. Un parallèle qui pourrait ressembler aux préoccupations de l’agriculture. Quelles ont été les principales difficultés vécues dans la mise en œuvre du projet 1083 et comment les avez-vous surmontées ? Avant, personne ne croyait vraiment au « made in France », à cause de la problématique du coût du travail élevé dans notre pays. Or, coût du travail et niveau de vie évoluent dans le même sens... Le vrai problème est celui de la marge commerciale réalisée par le distributeur : aujourd’hui, il existe un coefficient de 1 pour 10 entre le prix à la fabrication et celui à la vente. Avant, ce coefficient était de 1 pour 3 : nous avons repris ce modèle économique qui fonctionnait bien, en intégrant sous la D.R. marque à la fois la fabrication et la distribution. Peut-on faire un parallèle entre l’évolution des filières textiles et amenés à innover pour des procédés toujours plus vertueux, agricoles en France ? comme avec cette machine de délavage écologique. Oui, réintégrer la fonction de distribution pour récupérer la valeur Le « Made in France », mode ou tendance lourde selon vous ? ajoutée serait une solution pour les agriculteurs pour surmonter Une tendance lourde ! Mais la notion de proximité a encore plus leurs difficultés et éviter de suivre l’évolution passée des industries de sens pour les Français, elle les rassure. textiles françaises. Quid de la question du coton importé ? Quelles prochaines évolutions de votre projet souhaitez-vous Il n’y a plus en France de filière textile 100 % intégrée : nous sou- désormais mettre en œuvre ? haitons relocaliser l’ensemble de la filière coton, en développant La croissance des demandes nécessite que nous poursuivions la le recyclage de cette fibre. Cela permettra de limiter les appro- réindustrialisation : nouvelles unités de fabrication, création d’em- visionnements éloignés, mais aussi d’éviter de participer à l’aug- plois, savoir-faire traditionnels à pérenniser... Pour rester concur- mentation de la pression foncière dans les pays producteurs et rentiels, nous devons élargir notre offre : de nouvelles coupes de au remplacement des cultures vivrières par celle du coton pro- jeans seront ainsi disponibles à l’automne. Nous sommes aussi duit pour l’export. 20 | L’Information Agricole - N° 900 Septembre 2016 Du champ à la fibre | Dossier QLe mohair des fermes de France Un marché porteur L a chèvre Angora, également connue sous le nom de chèvre du Tibet, est une race caprine originaire du Cachemire et du Tibet, dont la robe est entièrement blanche, aux mèches longues, soyeuses et lustrées. Le mohair, laine fabriquée à partir de la toison de la chèvre Angora, est utilisé pour la fabrication de tissus de très haute qualité reconnus à travers le monde. L’Angora est une race ancienne dont les premiers témoignages datent de 2000 avant J.C., bien avant le mythe de Jason et la toison d’or issu de la mythologie grecque. Ce n’est qu’au XIe siècle après J.C. que la race arrive en Turquie et s’installe dans la province d’Angora (aujourd’hui province d’Ankara) qui lui a par la suite donné son nom. C’est également à cette époque que l’artisanat du mohair se développe, cette fibre ayant séduit les sultans de l’époque par sa brillance, son élasticité, son confort et la beauté de ses couleurs. « Le Mohair des fermes de France » En France, la race Angora s’est installée au début des années 80, à l’initiative d’une poignée d’éleveurs passionnés. Dès 1982, ces derniers décident de fonder l’ASCAUM (l’Association Nationale des Eleveurs de Chèvres Angora et Utilisateurs de Poil Mohair), qui évoluera en Association Interprofessionnelle du Mohair Français en 1994. L’interprofession rassemble l’Association Nationale des Eleveurs de Chèvres Angora (collège des producteurs), le SICA Mohair, principale structure de la transformation (collège des transformateurs), CAPGENES France (col- lège génétique) et les éleveurs et groupements de commercialisation (collège commercialisation). Les missions de l’interprofession sont multiples : fédérer l’ensemble des composants de la filière, assurer la promotion de toute l’activité du mohair, proposer aux éleveurs de multiples outils de communication… L’Association Interprofessionnelle du Mohair Français assure également le respect de la certification « Le Mohair des fermes de France » qui s’est mise en place dès 1994 dans l’objectif de garantir au consommateur un certain standard de qualité, ainsi que l’origine France du mohair utilisé pour la confection des produits (écharpes, plaids, chaussettes, fils à tricoter…). Cette démarche de certification de la qualité s’appuie sur un cahier des charges bien spécifique qui permet aux commerçants, la plupart du temps les éleveurs eux-mêmes, d’apposer le logo « Le Mohair des fermes de France ». La filière réfléchit aujourd’hui à la mise en place d’une charte, dans une optique de progression en matière de vente, d’élevage, d’environnement ou encore de gestion. Perspectives d’avenir D.R. Grande importatrice de mohair brut, somptueuse laine de chèvres Angora, la France est également devenue productrice de mohair dans les années 80, à l’initiative d’une poignée d’éleveurs qui ont su structurer la filière, et mettre en valeur la qualité et l’origine France de leur production. Dans cette filière, l’enjeu d’avenir est le renouvellement des générations. de mohair brut (soit 10 % de la production mondiale), tandis que la production de mohair des fermes de France ne s’élève qu’à 16 tonnes par an. Les quantités produites en France peuvent donc largement progresser, notamment dans un contexte ou l’Origine France et la qualité ont le vent en poupe. L’enjeu est donc d’attirer les jeunes dans cette production, afin de pérenniser la filière. Par ailleurs, 30 ans après l’installation des premiers producteurs de mohair, nombres de ces pionniers de l’Angora « made in France » partiront à la retraite. Le renouvellement des générations représente donc la priorité pour cette filière dont l’avenir semble tout tracé. Q Le marché du mohair est porteur. La France importe chaque année 2000 tonnes Quentin Dupetit 1986 2010 Nombre d’éleveurs de chèvres Angora en France 30 140 Production de mohair brut (en tonnes) 1 16 Cheptel France - 7 000 L’Information Agricole - N° 900 Septembre 2016 | 21 Dossier | Du champ à la fibre QOpportunités Le lin, fibre du passé, fibre d’avenir Synonyme de ressource locale et renouvelable, la fibre de lin bouscule en permanence ses territoires d’expression. Le plus ancien tissu de l’humanité peut aujourd’hui être utilisé comme textile technique à même de séduire l’imaginaire des designers. Mis à l’honneur à Paris en mai dernier, le lin est loin d’avoir dit son dernier mot ! O n ne peut pas ouvrir un magazine féminin, sans qu’il soit question du lin », sourit Marie-Emmanuelle Belzung, la dynamique secrétaire générale de la CELC (encadré). C’est avec une énergie sans pareille que cette entrepreneuse issue du milieu de la mode, a contribué dernièrement à la réussite de l’exposition Ultralin qui s’est tenue à Paris (voir p. 23). « Tout le monde s’est impliqué, des commerçants aux filateurs, jusqu’aux teilleurs. Ceux qu’on a appelés les « tabliers bleus » se sont relayés pour expliquer les métiers de la filière lin. MarieEmmanuelle Belzung qui a « semé les cailloux » dans la filière est fière de la réussite de cette exposition place des Vosges à Paris qui a attiré plus de 35 000 visiteurs. « Nous étions aussi présents au BHV le Marais » ajoute, très satisfaite la responsable. Une stratégie commune « Notre organisation CELC a été créée avec la volonté de mutualiser nos moyens et avoir une stratégie commune. Nous avons aujourd’hui une vraie expertise dans la filière et sommes très proches de nos adhérents. Nous avons d’ailleurs à cœur de participer aux assemblées générales de nos coopératives. Les teilleurs privés sont aussi également très impliqués dans la stratégie industrielle de la filière ». Une filière qui évolue, main dans la main, pour valoriser cette fibre si étonnante. En dehors de ses propriétés de thermorégulation, de résistance, d’absorption de l’humidité, ses qualités environnementales ont déjà été démontrées puisqu’ « une chemise en lin économise l’équivalent de 13 bouteilles d’1,5 l d’eau par rapport à une chemise Photos D.R. et C.E.L.C. « classique ». Rappelons aussi que La France est le premier producteur européen de lin textile. Producteurs liniers, chanvriers et transformateurs secondaires sont les acteurs d’une filière créatrice d’emplois en zone rurale. Aujourd’hui, 8 000 entreprises agricoles cultivent le lin en France, ce qui représente 15 000 emplois directs et 10 000 emplois indirects. S’appuyer sur la recherche et l’innovation Même si les utilisations restent à 60 % l’habillement, les nouveaux débouchés explosent avec un développement technique incroyable. Au sein du Pôle Technique et de son Comité Scientifique européen, la CELC engage ses industriels vers l’avenir et les nouveaux débouchés techniques comme l’éco-construction et les produits composites à haute performance. 22 | L’Information Agricole - N° 900 Septembre 2016 UNE ORGANISATION EUROPÉENNE La Confédération Européenne du Lin et du Chanvre (CELC) est l’unique organisation européenne agro-industrielle regroupant et fédérant tous les stades de production et de transformation du lin & du chanvre. Créée en 1951, et composée de 10 000 entreprises adhérentes de 14 pays, la CELC crée un environnement favorable à la compétitivité des entreprises industrielles dans un contexte international en stimulant l’innovation et en s’appuyant sur ses valeurs inscrites dans le développement durable. La CECL a mis en place la signature EUROPEAN FLAX® est une caution auprès du grand public, d’un lin fibre européen de qualité premium. Zéro OGM, zéro irrigation, zéro déchet, EUROPEAN FLAX® certifie un lin cultivé en Europe, dans toutes ses applications jusqu’aux produits finis, Mode, Maison, Design et Composites. Une traçabilité qui, lorsqu’elle intègre le 100 % Made in Europe, se labellise MASTERS OF LINEN®. Du champ à la fibre | Dossier « Il est indispensable que la filière appuie son développement sur la R&D. L’innovation passe par la créativité et le design », insiste Marie-Emmanuelle Belzung. L’avenir est entre les mains des jeunes générations. D’ailleurs, les jeunes agriculteurs qui ont contribué à la réalisation des bacs de lin pour l’exposition Ultralin participeront au 3e Congrès International de la CELC qui a lieu à Madrid du 18 au 21 octobre prochain. Une vraie traçabilité « Nous souhaitons que notre marque de traçabilité – elle a moins de 10 ans – soit mieux diffusée, jusqu’au produit fini. Elle manque encore de visibilité et les professionnels ne se la sont pas assez appropriée », regrette la dirigeante qui insiste encore : « Nous sommes arrivés avec le bon produit au bon moment. Il faut continuer à diffuser tout ce savoir-faire et sans cesse innover ! » Q Claire Nioncel Le Comité interprofessionnel de la production agricole du lin (Cipalin) a recommandé fin août de limiter les prochains emblavements à hauteur des surfaces de 2015. « Nous recommandons à chaque producteur de limiter l’emblavement 2017 au niveau de 2015. En aucun cas, le lin ne peut être une culture de remplacement », a indiqué l’interprofession fin août en ajoutant : il n’y a « pas de place pour de nouveaux producteurs ». La récolte 2016 est dite « satisfaisante » en volume. « Alors que certaines cultures sont moins rémunératrices cette année, la valorisation actuelle du lin paraît attractive ». Mais comme pour freiner d’éventuels candidats à la production, le Cipalin insiste : « la culture du lin est une culture de spécialistes ». Et d’expliquer que l’activité est « très exigeante et à risques ». Le lin fibre constitue « un marché très spécifique qui est presque dans une situation d’équilibre, après des années compliquées et incertaines ». Un champ de lin, en plein Paris, au printemps dernier. EXPOSITION #ULTRALIN, À PARIS Un champ de lin cultivé pour l’occasion par des Jeunes agriculteurs de La Linière de Ressault et de la coopérative de teillage du plateau de Neubourg, dans l’Eure a fleuri au moment de l’exposition. Ils avaient travaillé en amont en cultivant 350 bacs afin de reconstituer le champ de lin. « Une gageure technique pour les agriculteurs », puisque le lin fleurit habituellement fin juin-début juillet. « La culture du lin en bacs a été une première pour nous », explique Joris Soenen, qui cultive du lin bio pour la coopérative de Neubourg. « Nous avons été une dizaine à nous déplacer sur Paris. Nous étions fiers de présenter notre travail qui aboutit à une fibre naturelle et de haute qualité ». Le jeune agriculteur, sur son exploitation de polyculture-élevage explique que la culture est difficile et ne peut revenir que tous les 7 ans sur une même parcelle. Ce qui limite, ente autres, son extension sur les exploitations. L’Information Agricole - N° 900 Septembre 2016 | 23 C.E.L.C. Ultra lin s’est déployée du 26 mai au 5 juin 2016 pour mettre en lumière les multiples applications, notamment textiles. Plus de 40 marques et 150 boutiques ont mis la matière en valeur sous le slogan « J’aime le lin », et une exposition Place des Vosges à Paris pour découvrir le produit, à toutes les étapes, de la plante au produit fini. 120 000 sachets de lin ont été distribués aux Parisiens. Dossier | Du champ à la fibre QFranck Boehly, président du Conseil national du cuir Le cuir est un co-produit de l’élevage Le président du Conseil national du cuir (CNC), Franck Boehly rappelle les bons chiffres de la filière, qui place la France au niveau du 3e exportateur mondial de cuirs et peaux bruts. Il insiste sur le rôle des éleveurs en amont. ’ L I. A. – Pourquoi avez-vous décidé de réintégrer le salon de l’agriculture cette année ? F. B. Q Il est naturel que la filière cuir soit présente au salon de l’agriculture, cela correspond à la volonté des professionnels de faire rayonner les savoir-faire de leurs entreprises. Le Syndicat Général des Cuirs et Peaux représentait la filière, sur son stand L’Atelier du Cuir, rattaché au pavillon d’Interbev. Nous avons saisi cette opportunité pour toucher deux cibles : le grand public et les professionnels. C’était l’occasion de rappeler que le cuir est un co-produit de l’élevage et l’intérêt des éleveurs à suivre les bonnes pratiques. Le thème étant porté sur les métiers de nos secteurs, nous avons prévu des ateliers de démonstration pour sensibiliser les visiteurs à venir se former au cuir. pact des bonnes pratiques (voir encadré, ndlr). S’il n’est pas possible aujourd’hui d’augmenter la production, il est en revanche possible d’accroître de façon spectaculaire le pourcentage de peaux de premier choix en appliquant ces mesures. D. R. Information Agricole – Comment se porte la filière cuir en France ? F. B. Q La filière est composée d’artisans, de PME-PMI, et de grandes entreprises au nom prestigieux, reconnus mondialement pour leur savoir-faire traditionnel, la qualité de leurs produits et leur capacité d’innovation et de création à la française. D’un point de vue général, la filière portée par le luxe présente de bons résultats à l’export : la France est l’un des leaders mondiaux des cuirs de veau et de cuirs exotiques, 3e exportateur mondial de cuirs et peaux bruts ainsi que d’articles de maroquinerie. Nous exportons pour une valeur globale de 9,3 milliards d’euros en 2015 pour un chiffre d’affaires total de la Filière de 15 Mds. Néanmoins, elle connaît en 2016 un léger ralentissement sur certains pays étrangers comme en Chine, notamment à Hong Kong, et au Japon. I. A. – Seulement 20 % de peaux achetées aux éleveurs français peuvent être transformées en cuir de qualité. Comment expliquer cette difficulté d’approvisionnement ? F. B. Q La filière du cuir portée par le luxe se retrouve aujourd’hui dans une situation où la matière première est devenue insuffisante pour faire face à la demande des grandes maisons. Si la France est reconnue pour ses cuirs de veau, matière la plus recherchée dans le secteur de la maroquinerie, les peaux se font rares puisque le nombre de bêtes abattues est en diminution, avec la baisse de consommation de viande. D’autre part, nous faisons face au problème de la teigne et aux blessures d’origine mécanique (barbelés) qui ont tendance à dégrader fortement la qualité de la peau et la rendre impropre à la fabrication d’articles de luxe. Une commission transversale a été mise en place en 2009-2010 réunissant l’ensemble des acteurs de la filière pour mesurer l’im- 24 | L’Information Agricole - N° 900 Septembre 2016 I. A. – Etes-vous optimiste quant à l’avenir économique de la filière ? F. B. Q Oui, nous sommes résolument optimistes. Il s’agit en effet d’une filière qui continue de créer des emplois. Les entreprises recherchent continuellement des candidats au poste de piqueur, monteur, ingénieur tannerie, maroquinier, podoorthésiste… Pour maintenir et transmettre ces savoir-faire, le CNC communique beaucoup auprès des jeunes afin de les attirer dans notre filière… Nous avons lancé des projets pour renforcer les synergies entre les différents acteurs de la filière : mise en place de clusters pour mutualiser les moyens entre professionnels d’une même région, soutien accordé à la création d’entreprises dans le secteur du cuir à travers le dispositif ADC au-delà du cuir lancé à l’initiative du CNC et la Fédération Française de la Chaussure avec la participation du CTC, projet de création d’un fonds de garantie pour la reprises d’entreprises… La filière a connu et surmonté des moments difficiles, notamment à l’époque de la désindustrialisation mais elle a su s’adapter aux contraintes environnementales avec une modernisation exemplaire des sites industriels, notamment pour les tanneries/ mégisseries. Elle a su également renforcer son exigence pour des produits de haute qualité et entretenir sa créativité et sa capacité d’innovation. Propos recueillis par Claire Nioncel Du champ à la fibre | Dossier QUALITÉ DU CUIR SENSIBILISATION DES ÉLEVEURS A côté du tannage chimique, en existe un autre réalisé à partir d’écorces, de fruits, de racines, ou de feuilles. Il donne un cuir très ferme, sans élasticité mais plus respectueux de l’environnement au regard de son processus de fabrication. Le cuir à tannage végétal est généralement utilisé dans la fabrication de semelles de chaussures et des courroies industrielles. * Regroupées au sein du Conseil National du Cuir, hors partie élevage. LA PLACE DE LA FRANCE SUR LE MARCHÉ MONDIAL La filière représente 8 000 entreprises*, artisans, PME-PMI, grandes entreprises au nom prestigieux, qui emploient 70 000 salariés et réalisent 15 Mds € de chiffre d’affaires. Elles exportent pour une valeur globale de 9,3 Mds € en 2015. Pour la filière cuir, la France est le 8e importateur mondial : les importations françaises en 2015 sont estimées à 10,7 Mds€, dont 50 % proviennent de l’Asie et de l’Océanie et 45 % de l’Europe, avec comme principaux fournisseurs la Chine et l’Italie. Cela représente 10 % de plus par rapport à 2014. Au regard des exportations, elle se place au 3e rang (9,3 Mds€, soit + 11 % par rapport à 2014), dont 60 % dans le seul domaine de la maroquinerie et 30 % pour les chaussures. La principale clientèle française est européenne, avec l’Italie en tête (14 % du marché en 2015). Concernant la filière cuirs et peaux bruts, les importations sont de l’ordre de 153,1 M€ dont 2/3 concernent les peaux brutes exotiques, largement utilisées dans l’industrie du luxe et les exportations de l’ordre de 369 M€, majoritairement du cuir bovin. La France est le 3e exportateur mondial dans ce secteur. Enfin concernant les filières maroquinerie et chaussures, la France est placée respectivement en 3e (9,2 % des exportations) et 12e (1,7 %) exportateur mondial. Au niveau des importations, elle est classée 3e dans le domaine des chaussures (6,2 %) et 4e dans la maroquinerie (6,5 %)*. Photos D.R. La majorité du cuir produit provient des animaux d’élevage (veau, chèvre, agneau, vachette, etc.). Le tannage désigne l’opération par laquelle on transforme la peau en cuir selon des procédés chimiques. Cela demande la mise en place d’une logistique considérable pour aboutir au produit fini mis sur le marché en l’état (cuir et peaux bruts) ou transformé. Cela exige aussi des animaux d’élevage bien entretenus ; ce qui conditionnera la qualité du produit final. Voilà pourquoi, le cuir est à l’origine d’une forte collaboration entre l’agriculture, les abattoirs et l’artisanat ainsi que dans la mise en place de métiers variés connexes tels que les tanneurs, les classeurs de cuir (selon la couleur ou la qualité), les modélistes, etc. Par ailleurs, il touche différents secteurs qui vont de la mode (vêtements, maroquinerie, chaussures, ganterie, etc.) à l’ameublement en passant par d’autres domaines tels que la sellerie. La sensibilisation et la vaccination sont au cœur des actions menées régulièrement par le Syndicat Général des Cuirs et Peaux (SGCP), ainsi que par la Fédération de la Tannerie Mégisserie, pour améliorer la qualité des peaux françaises. Dans le but de réduire les défauts mécaniques, les professionnels prônent plusieurs recommandations, parmi lesquelles le remplacement des barbelés qui griffent la peau, le traitement des animaux contre les maladies et bien sûr le vaccin systématique du cheptel contre la teigne. Depuis 2010, 3 260 000 doses de vaccin ont été utilisées et on estime à plus de 750 000, le nombre de doses retenues pour 2016. Un animal sain décuple les chances non seulement de produire une peau de qualité mais aussi de dégager un bénéfice économique pour l’éleveur. L’investissement global entre 2010 et 2014 pour l’amélioration de la qualité des peaux en France est estimé à 12 millions d’euros, financés par l’ensemble de la filière et notamment par la taxe affectée prélevée sur les entreprises industrielles. Un guide de bonnes pratiques est distribué aux éleveurs et aux autres acteurs en amont : adaptation des élevages pour réduire l’apparition de défauts sur les peaux, hygiène des locaux, vaccination, traitement contre les parasites, contrôle des conditions de transport et de l’abattage dans la chaine de production des peaux de veaux, de jeunes bovins et d’ovins. Le SGCP le distribue systématiquement dans les salons et congrès mais aussi sur le terrain, dans les lycées agricoles, les abattoirs et bien sûr auprès des éleveurs. C’est le credo du syndicat, aussi actif dans les sections élevage des lycées agricoles que les élevages eux-mêmes. Plus de 500 exploitations ont ainsi été visitées depuis 2013 et 300 environ, en 2015. L’Information Agricole - N° 900 Septembre 2016 | 25