Le changement est-il à la hauteur des attentes des habitants

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Le changement est-il à la hauteur des attentes des habitants
Le changement est-il à la hauteur des attentes des habitants ?
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Pierre Sallenave, directeur général de l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine
« Au travers du programme national de rénovation urbaine, la France a innové en matière d’action publique, au
nom de la solidarité nationale, au service du développement durable et dans le respect de la décentralisation. »
Après avoir remercié l’ensemble des participants de leur présence et de leur travail, Pierre Sallenave dresse un
premier point d’avancement du PNRU. Reconnaissant que les résultats en termes programmatiques sont
légèrement inférieurs aux objectifs de la loi, il rappelle « qu’ils sont la résultante des projets proposés par les
porteurs de projets et validés par l’ANRU ». De même, il note, en termes d’avancement de la concrétisation du
programme, « un décalage entre le calendrier des constructions et des démolitions qui doit être suivi avec
beaucoup d’attention pour ne pas conduire à aggraver l’attente des demandeurs de logements ». Pourtant, affirmet-il, après la phase de contractualisation, « la mise en œuvre s’accélère. Forts de l’expérience des premières
réalisations réussies ou pas, l’ambition donnée aux projets doit se concrétiser… »
Un engagement partagé
Témoignant de sa compréhension des difficultés auxquelles se heurtent sur le terrain les acteurs de la rénovation,
Pierre Sallenave souligne que la tâche est pour eux « d’autant plus ardue que les retours gratifiants peuvent tarder
à se manifester ». Aussi, réaffirme-t-il, « l’Agence est coresponsable de la réussite du contrat qui la lie avec
chaque porteur de projet et s’attachera à apporter le soutien en expertise nécessaire ». Il souligne la réciprocité de
l’engagement : « Nous voulons accroître nos performances en matière de paiements, nous adapter le plus
efficacement possible aux contraintes opérationnelles. (…) Nous attendons de vous tous que vous respectiez
l’intégralité des engagements que vous avez pris à l’égard de l’ANRU, qui ne doit pas être vécue, demain, comme
une administration de plus mais comme la maison de la rénovation urbaine. »
Le modèle urbain : interrogations et perspectives
Pour le directeur général de l’ANRU, si « le visage de la France urbaine est en train de changer » il devient crucial
« d’inscrire les objectifs du développement durable dans la rénovation urbaine (…) car la ville est le modèle de
gestion de l’espace le plus performant économiquement et potentiellement le plus respectueux de l’environnement
(…) ». Le renouvellement profond des approches a déjà, selon lui, porté ses fruits : « au travers du PNRU, la
France a innové en matière d’action publique, au nom de la solidarité nationale, au service du développement
durable et dans le respect de la décentralisation. Ces formes nouvelles d’intervention sont aujourd'hui observées
avec le plus grand intérêt par un nombre croissant de pays étrangers. Si notre premier devoir s’applique
évidemment aux quartiers dont nous nous occupons, il en est un second, tout aussi noble : celui de montrer le
chemin. Le rêve va devenir réalité », conclut-il.
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En introduction au débat, le film « Rénovation urbaine, 5 ans d’action », réalisé par Mario Morelli di Popolo, est
projeté. Il rend compte de l’évolution de quartiers rénovés à Châteauroux, Gennevilliers, Montauban et Val-deReuil.
Serge Moati :
« On ne peut pas vouloir vivre ensemble et ne pas soutenir avec force et conviction le combat de l’ANRU. Celui-ci
change, au quotidien, la vie des gens. Tout cela ne peut advenir, cependant, que s’il se produit une révolution
culturelle. Pendant tous ces voyages, j’ai vu beaucoup de laid. Je commence à voir du beau là où les choses
changent. Par moment, je ne comprenais rien à ce que l’on me disait, car nous n’avions pas la même langue, pas
la même culture. La vraie révolution serait que l’on apprenne à parler une langue commune. Il faut absolument que
cette révolution urbaine s’accompagne d’une révolution culturelle. »
Débat 1 : Le changement est-il à la hauteur des attentes des habitants ?
Avec :
Brigitte Barèges, présidente de la communauté d’agglomération de Montauban-Trois rivières, députée-maire de
Montauban ;
Jacques Bourgoin, maire de Gennevilliers ;
Marc-Antoine Jamet, maire de Val-de-Reuil ;
Jean-François Mayet, sénateur-maire de Châteauroux.
En préambule, les quatre élus, porteurs de projets, font part de l’émotion qu’ils partagent au vu des progrès
accomplis dans les quartiers.
Désenclavement
« On commence à respirer », un habitant de Gennevilliers.
Dans « Rénovation urbaine, 5 ans d’actions », réalisé par Mario Morelli di Popolo et produit par Serge Moati
Le désenclavement est devenu en quelques années une des priorités récurrentes, « un des défis » pour Jacques
Bourgoin, des projets de rénovation urbaine. La notion prend pourtant, selon les élus parties prenantes au débat,
des sens différents, plus complémentaires que contradictoires. L’enclavement est avant tout, selon Marc-Antoine
Jamet, une barrière psychologique qui fait que « les temps et les distances ne sont pas perçus de la même
manière ». Une barrière dont la rénovation peut venir à bout pour redonner à chacun le sentiment qu’il a « le droit
de bouger, d’aller voir l’autre, la dignité suffisante pour aller voir l’autre ». Concrètement l’ouverture du quartier « à
la ville et à la région » passe selon Jacques Bourgoin « par des transports en commun synonymes d’une plus
grande qualité de vie pour les habitants, mais aussi synonymes de potentiel de développement des quartiers,
notamment par l’introduction d’emplois ». C’est un des enseignements qu’il retire de l’arrivée, l’an passé, du métro
à Gennevilliers. Les transports publics apparaissent en effet comme une opportunité d’accéder à la ville depuis le
quartier … et réciproquement. Car insiste Brigitte Barèges, « le désenclavement suppose aussi de faire venir dans
le quartier, des gens d’autres quartiers ». C’est la raison pour laquelle elle a choisi, à Montauban, de créer une
médiathèque municipale destinée à l’ensemble des habitants dans le quartier des Trois rivières. Très critiquée,
rappelle-t-elle, cette décision politique visait justement « à faire en sorte que tous les Montalbanais s’approprient
cet équipement et découvrent le quartier ». Les populations ne sont pas les seules à se montrer parfois réticentes
à franchir ce pas. Avant l’arrivée du métro et les premières transformations du quartier aucun promoteur ne s’y
serait aventuré, rappelle Jacques Bourgoin. Aujourd’hui la situation a changé avec l’émergence de possibles effets
pervers d’une mixité renforcée : « les nouvelles constructions et cette nouvelle qualité de vie urbaines ne doivent
pas conduire à exclure les couches populaires comme on a pu le voir dans de nombreuses villes de la proche
banlieue parisienne. Il est essentiel, à nos yeux, que Gennevilliers reste une ville populaire. »
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Changement d’image
Unanimement, les participants au débat le reconnaissent, en quatre ans, les projets soutenus par l’ANRU ont
permis d’atteindre un changement que « les meilleurs d’entre nous n’auraient pas pu obtenir en douze ou treize
ans » résume Jean-François Mayet. Lui s’est efforcé de rendre « les quartiers concernés semblables au reste de la
ville en organisant des manifestations culturelles, qui attirent un large public ou en favorisant l’installation de
commerces, y compris de produits exotiques, capables d’attirer un public extérieur ». Tous s’accordent également
à noter que l’insécurité a considérablement reculé durant cette même période. Marc-Antoine Jamet souligne que
l’insécurité n’est pas l’apanage des quartiers de grande précarité, mais que dans le cas du Germe de ville la
situation y était difficile. « L’amélioration de la situation, ajoute-t-il, est sensible dans le vécu des habitants mais
aussi dans les représentations mentales des gens alentour à qui jusqu’ici la ville nouvelle faisait peur. Pour preuve,
les étudiants reviennent, les entreprises s’installent. » Brigitte Barèges partage le constat. À Montauban, le
quartier Est était « à part, marqué par l’insécurité et les violences urbaines. La rénovation urbaine a vraiment
changé les choses. » Pour autant note-t-elle, « la présence de patrouilles de police, de même que la médiation et
l’accompagnement social restent indispensables ». Le consensus des élus se fait ainsi autour d’une présence
policière de proximité, car comme l’affirme Marc-Antoine Jamet « une brigade à vélo et des îlotiers qui connaissent
les gardiens d’immeuble facilitent le contact avec les habitants ». Suffit-elle pour autant ? Non répondent Jacques
Bourgoin et Marc-Antoine Jamet. Pour le premier, « il faut relier la question de la sécurité à celle de la présence
des services publics. Ainsi, par exemple, si la réouverture de la Maison de la justice et du droit a été bénéfique
dans le quartier du Luth, la fermeture estivale de la Poste pénalise les habitants ». Pour le second, « un postier, un
policier, un pompier, une institutrice constituent des facteurs de sécurité extraordinaires ».
Accession à la propriété
Jean-François Mayet ne se résout pas à accepter que le taux de propriétaires atteigne 75 ou 80 % chez nos
voisins contre 55% seulement en France et « que les Français partent à la retraite locataires ». La solution se
trouve, selon lui, chez les bailleurs. « Pourquoi ne vendraient-ils pas à des locataires de HLM, au prix résiduel du
bilan, le logement pour lequel ils paient honnêtement un loyer depuis 35 ans ? » La question de l’accession va
pourtant faire débat. Marc-Antoine Jamet regrette que certains bailleurs « bradent » en partie leur parc, réduisant
ainsi leurs actions de rénovation. D’autre part, tout en reconnaissant l’aspiration répandue à la propriété et à la
maison individuelle, il met en garde contre le mitage urbain. Jacques Bourgoin, quant à lui, rappelle que les prix de
l’accession en très forte hausse, la laissent hors de portée de beaucoup. Bien qu’ayant développé une coopérative
HLM proposant l’accession sociale, il ne veut pas « leurrer le plus grand nombre et craindre l’apparition de
copropriétés dégradées ». Refusant de vendre les barres existantes qui répondent aux besoins avérés en
logements sociaux, il privilégie, pour l’accession, la piste de la construction de programmes neufs.
La possibilité de choix entre maisons individuelles et logements collectifs, entre locatif et accession à la propriété,
demeure, pour Brigitte Barèges, un impératif. Après avoir réalisé deux programmes de maisons à 100 000 euros,
elle demande désormais aux bailleurs sociaux qu’une part de 20 % soit réservée à l’accession à la propriété dans
tous leurs programmes.
Cohésion sociale et emploi
Comme le rappelle Brigitte Barèges « ce n’est que lorsqu’on est débarrassé des contingences matérielles, qu’on
est prêt à s’ouvrir aux autres ». Aussi la cohésion sociale passe-t-elle par l’insertion sociale et par l’emploi. Le
PNRU a permis d’y contribuer à travers la généralisation de la clause d’insertion. La députée-maire de Montauban
livre à ce sujet des chiffres éloquents qui témoignent du « succès de ce dispositif ». Le constat de Marc-Antoine
Jamet est identique. « Grâce au Plan de relance et au PNRU, la mise en œuvre anticipée de chantiers et le
renforcement des investissements, concourent au maintien des entreprises de BTP et de nombreuses PME ».
Pourtant, les effets de la crise ont été brutaux. « Le ciel nous est tombé sur la tête » résume Jean-François Mayet.
Le maire de Val-de-Reuil rappelle, quant à lui, que « entre le 15 août et le 5 septembre, la ville a perdu
700 emplois ». À Gennevilliers, le taux de chômage dans la ville avait baissé de 5 points. En un an, il est repassé
de 11 % à 14 %. Jacques Bourgoin note que « les emplois récemment créés sont relativement précaires et que la
crise économique les a frappés en premier lieu. Il faut agir pour que les efforts d’insertion et d’intégration ne soient
pas balayés par une réalité nationale, mais qui touche plus durement les quartiers. » Agir, mais comment ? JeanFrançois Mayet se dit « condamné à avoir des idées et à continuer d’investir, en faisant participer nos habitants. »
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Développement durable
Rappelant que Val-de-Reuil, « est issue d’une modernité dirigiste » Marc-Antoine Jamet, a voulu pour elle « une
autre modernité alliant développement durable et technologie ». Cela n’exclut pas à ses yeux le recours aux
traditions constructives locales comme l’inclinaison des fenêtres remise au goût du jour par Jean-Michel Willmotte
dans l’école Louise-Michel pour une meilleure gestion de la température intérieure. Marc-Antoine Jamet souligne
aussi l’effet d’entraînement qu’induit cette politique. Brigitte Barèges l’a également éprouvé dans le centre ancien
de Montauban : « dès que l’on a rénové une façade, dans une rue, de nombreux opérateurs privés nous ont
emboîté le pas ». L’exigence durable appliquée aux projets du PRU à travers les normes HQE s’est étendue, à
l’ensemble des projets de la ville, puis à l’élaboration d’un plan climat : « La municipalité doit montrer l’exemple
conclut Brigitte Barèges. Toutes ces initiatives font ensuite boule de neige. » Jean-François Mayet s’inscrit
également dans cette forme de dynamique vertueuse. Après une zone industrielle HQE, Châteauroux s’apprête à
réaliser un quartier HQE en centre ville. « Depuis quatre ans, rappelle le sénateur-maire, toutes nos réalisations
respectent ces normes. La seule difficulté réside dans le coût de tels projets, supérieur de 30 à 40 % à celui des
opérations classiques. » Jacques Bourgoin pointe, lui aussi, cet obstacle économique. Il en relève un autre, sous
l’angle social cette fois. « Prenons garde à associer les habitants, notamment les plus jeunes, à ces projets, car
l’adhésion du public est déterminante dans leur concrétisation ».
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