Le Journal du Dimanche - 31 Janvier 2016 - entree

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Le Journal du Dimanche - 31 Janvier 2016 - entree
www.lejdd.fr I 31 janvier 2016 I N° 3603 I 2 € (JDD + Version Femina)
L’enquête qui inquiète
VIVrE
EnsEmblE Antisémitisme et peur de l’islam au cœur
d’une étude Ipsos Pages 14-15
Exclusif
Ces 23
architectes
qui vont
réinventer
Paris
Pages II-III
Taubira
en toute
liberté
M 00851 - 3603 - F: 2,00 E
3’:HIKKSF=VUWUUU:?n@q@a@d@a";
b Notre enquête sur son départ du gouvernement
b Sondage Ifop-JDD : la cote d’avenir des dirigeants
de gauche b Jean-Luc Mélenchon : « La situation
Pages 2 à 5
est pire que sous Sarkozy »
Vendredi, deux jours après sa démission, Christiane Taubira participait à une conférence à la faculté de droit de New York devant un amphithéâtre comble. S. Lenhof/CryStaL PiCtureS
Family Day
Mariage
pour tous
à l’italienne
Page 8
france métropolitaine : 2 €
REMO CASILLI/REUTERS
PhILIPPE STERC/PAnORAMIC
Jacqueline sauvage
Yannick noah
Page 13
Page 36
Trois filles
pour la grâce
d’une mère
JB AUTISSIER/PAnORAMIC/STARfACE
« Avec l’âge,
je suis moins
souple »
six nations
BPI/ICOn SPORT
Samedi, un Stade
de France
post-attentats
Page 37
2|
L’événement
jdd | 31 janvier 2016
Exécutif Bousculé par la démission de Christiane Taubira et par une partie de la gauche qui veut
François Hollande sur le fil
U
DominiquE DE montvalon
@demontvalon1
ne étape a été
franchie… » François
Hollande sait que le
chemin sera encore
très long avant que
députés et sénateurs se retrouvent
à Versailles pour que soit votée la
révision constitutionnelle. Une révision qui élargira le champ de ceux
qui, condamnés pour terrorisme,
risqueront demain la déchéance
de nationalité. Mais un ministre,
déjà, s’emballe : « Cette histoire est
réglée, et on s’en sort par le haut. »
Et de souligner que les socialistes
membres de la commission des lois,
jusqu’ici hostiles, ont été unanimes
à approuver jeudi la nouvelle mouture du texte gouvernemental, ce
qui constitue un tournant.
Cependant, tout n’est pas joué.
Certains à droite, notamment au
Sénat, où fillonistes et juppéistes
sont majoritaires, peuvent vouloir
contrarier le soutien ostensible
qu’apporte Nicolas Sarkozy à cette
initiative de François Hollande.
D’autres à gauche, outre Jean-Luc
Mélenchon et les frondeurs, continuent de s’interroger sur l’ampleur
et les conséquences du virage sécuritaire pris par l’exécutif pour
répliquer à un défi terroriste que
le Président, en privé, évoque souvent et avec gravité. Il n’empêche :
voici la machine gouvernementale
désembourbée. Des progrès ont été
faits, confirme-t-on à Matignon. De
fait, mercredi seront présentés en
Conseil des ministres deux textes
clés : sur la prolongation de l’état
d’urgence et sur le crime organisé.
Le Président entre soulagement
et prudence
Adossé aux institutions de la
Ve République, François Hollande
– dont 69 % des sympathisants du
PS interrogés par l’Ifop (lire page 4)
souhaitent qu’il joue un rôle important « dans les années à venir » – est
partagé aujourd’hui entre soulagement et prudence. Soulagement
car, au-delà des effets de manche
des frondeurs, il a le sentiment que
l’opération « révision constitutionnelle » est désormais sur les rails
depuis qu’il n’est plus question,
Manuel Valls, François Hollande et Christiane Taubira, à l’élysée, en septembre dernier. Nicolas KoVaRiK/RéseRVoiR Photo
dans le texte qui va être soumis au
vote des parlementaires, de distinguer entre « mononationaux »,
comme dit Nathalie KosciuskoMorizet, et binationaux.
Mais Hollande, qui prévoit de ne
s’adresser aux Français sur le fond
que fin février, quand tout se sera
décanté, est aussi prudent. Les frondeurs relancent l’idée – approuvée
par 74 % des sympathisants du PS –
d’une primaire à gauche. Et, dans
leur esprit, ce serait sans… Hollande. « Il y a des lignes rouges qui
ne peuvent être franchies », avertit
un ministre. « Tout cela relève de
la science-fiction », juge Frédéric
Dabi, directeur général adjoint de
l’Ifop. À l’Élysée, on explique, un
peu pincé, qu’on a « suffisamment
de travail » pour que la présidentielle ne soit pas, « à ce stade », un
sujet de préoccupation. Un seul mot
d’ordre : « Bosser, bosser, bosser ».
Ce n’est pas tout : voici qu’à
peine Christiane Taubira partie
– « avec dignité et retenue », juget-on unanimement –, la tension déjà
perceptible entre Manuel Valls et le
ministre de l’Économie, Emmanuel
Macron, a pris de l’ampleur. Alors
qu’un proche de Macron assure que
les relations entre les deux hommes
se sont « énormément détériorées »,
on dit à l’Élysée que cette tension
est « surinterprétée ». Un ministre
proche de Valls l’admet : oui, Macron a pu « énerver » dans sa façon
de « sortir de son couloir » et de, parfois, « télescoper » ceux qui courent
à ses côtés. Mais c’est pour assurer
que, clarifications faites, le Premier
ministre, d’accord avec 95 % des
idées de Macron, ne s’opposerait
pas à ce que l’homme de Bercy, si
le président le décidait, « prenne
du galon ». Il est vrai qu’Emmanuel
Macron s’est senti, peut-être à tort,
personnellement visé quand Valls
s’en est pris jeudi à la cantonade à
ceux qui s’abandonnent à « l’égocentrisme et au narcissisme ». « On ne
peut pas ubériser tous les Français
du jour au lendemain », réplique un
élu vallsiste.
Manuel Valls conforté
Une certitude : tout sera fait côté
Matignon pour que la tension ne
tourne pas au clash. Si Valls a été
conforté par les derniers arbitrages
présidentiels et aussi par le départ
de Christiane Taubira, il sait en effet
que son avenir n’est pas de diriger un gouvernement « rétréci ».
Converti – provisoirement ? – à la
stratégie qui fut celle de Jacques
Pilhan auprès de François Mitterrand (plus la parole est rare, plus
elle est forte), François Hollande
observe et entretient le mystère :
petit ou grand remaniement ? Qui
au Quai d’Orsay ? Michel Sapin ?
Qui à la tête d’un super-Bercy ?
Macron ? Valls sait que, à gauche,
Hollande a en main le destin de
tous : il faut que la révision constitutionnelle passe le cap du Congrès
de Versailles et que son gouvernement ne soit pas vallso-vallsiste. Car
l’homme de l’Élysée, convaincu que
le réformisme gagne en profondeur
du terrain à gauche, a besoin que
sa base électorale, à l’approche de
2017, soit la plus large possible. Il
le redit à tous : une gauche divisée pourrait faire une croix sur le
second tour de 2017. g
Macron, problème ou solution ?
ses dissensions avec manuel
valls sont publiques. mais
le ministre de l’économie
n’entend pas se taire, ni partir
nicolas PrissEttE
@NicolasPri7
Il reste mais il ne va pas se taire.
Emmanuel Macron, privé par
François Hollande d’une deuxième loi, promet de « lancer des
débats » durant les seize mois qui
mènent à la présidentielle, comme
il l’a expliqué à la presse vendredi.
Pas question pour lui de baisser
d’un ton… Le ministre de l’Économie entend plancher sur des
réformes qu’il veut les plus radicales possible. Il souhaite aussi se
consacrer à un nouveau projet de
société, qu’il dit rêver forte, juste
et ouverte. « La sécurité n’est pas
un projet politique » a-t-il martelé
– une nouvelle pique à l’adresse de
Manuel Valls.
Macron a, un temps, envisagé
de quitter le gouvernement. En
décembre, au moment des premières décisions de ses patrons sur
sa deuxième loi – qui sera ventilée
dans d’autres textes – il a craint
que ses propositions ne soient
édulcorées. Il aurait alors claqué
la porte. Il considère aujourd’hui
que la direction reste la bonne
même si elle ne va pas aussi loin
qu’il aurait voulu, et qu’il reste
utile à son poste.
Utile mais par forcément
agréable pour son chef. Vendredi à
Bercy, le ministre a publiquement
déploré les « préarbitrages » qui
auraient atténué certaines de ses
mesures. Il s’est aussi plu à rappeler son analyse des origines
franco-françaises du terrorisme
djihadiste – des propos qui avaient
fait bondir Manuel Valls.
Emmanuel Macron, vendredi, à Bercy.
Un ministre populaire
La veille, le chef du gouvernement avait confirmé son arbitrage
sur les 35 heures – défavorable au
ministre – en estimant que « dans
la vie politique, il faut mettre de côté
un certain narcissisme, un certain
égocentrisme, pour se consacrer
essentiellement à l’intérêt général ».
Combien de temps cette tension
lioNel BoNaVeNtURe/aFP
durera-t-elle ? Macron n’y voit pas
une question de personnes mais
l’animation d’un débat de fond.
Valls et Hollande, pour leur part,
ont face à eux un ministre populaire, comme le souligne notre sondage Ifop-JDD, plus apprécié que
d’autres fortes personnalités qui
ont quitté le gouvernement. Il est
le seul, dans la liste que nous avons
testée, à recueillir une opinion
majoritaire à gauche et à droite.
Le remaniement sera-t-il l’occasion d’un apaisement ou d’une
clarification ? Emmanuel Macron
ne souhaite pas partir. Il ne demande pas non plus à prendre du
galon. Dans les scénarios insistants
des mouvements à venir, Michel
Sapin, ministre des Finances,
pourrait être nommé au Quai
d’Orsay. Le ministre de l’Économie
ne revendique pas de prendre sa
succession et de cumuler avec son
maroquin actuel. L’idée du « Grand
Bercy » ne le séduit pas. François
Hollande a encore quelques jours
pour trancher. g
l’événement | 3
jdd | 31 janvier 2016
lui imposer une primaire, le Président marque des points avec la révision constitutionnelle
Le Jdd revient sur ces jours
où la ministre de la Justice a
pesé le pour et le contre… avant
de finalement jeter l’éponge.
tout s’est précipité entre samedi
dernier et mercredi matin
LaurEnt VaLdiguié
@Valdiguie
« Parfois résister c’est rester, parfois résister c’est partir. » Le Tweet
a claqué à toute volée mercredi
matin. Une phrase avec trois verbes.
Résister. Rester. Partir. Une phrase
avec une alternative : dedans ou
dehors. Une phrase pour résumer
ce dernier mois où la ministre de
la Justice a finalement décidé de
claquer la porte, après 1 351 jours
passés Place Vendôme… Le JDD
reconstitue les 5 actes de la pièce.
Acte 1
Comment
faire un nœud…
« Nous devons pouvoir déchoir de
sa nationalité française un individu
condamné pour une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation […]
même s’il est né français. » Prononcée devant le Congrès à Versailles
le lundi 16 novembre, la formule
passe alors comme une lettre à la
poste. Le discours du Président
avait été peaufiné avec Manuel
Valls et Bernard Cazeneuve. Christiane Taubira n’était pas autour de
la table. Depuis les attentats de
janvier, la ministre de la Justice
n’est plus du tout dans le « premier cercle ». « Elle n’est pas à
l’aise devant le dispositif sécuritaire
qui se met en place. Elle est hantée
par l’idée que l’on puisse laisser à
d’autres des outils législatifs potentiellement dangereux », confiait en
décembre un des proches de la
garde des Sceaux.
La déchéance de nationalité va
tout cristalliser. Pendant les premières semaines, le sujet couve…
« François a tout laissé ouvert,
comme d’habitude », raille un poids
lourd de la majorité. Puis, le 22 décembre, en déplacement en Algérie,
Christiane Taubira annonce qu’elle
n’y est « pas favorable »… «C’est
le premier paradoxe de l’histoire,
confie une source gouvernementale. Quand elle fait cette déclaration sur la radio algérienne, Taubira
croit que Valls est sur la même ligne
qu’elle. À l’époque, Valls et Cazeneuve pensent que la déchéance ne
sert à rien en matière de lutte contre
le terrorisme. Même Urvoas pense
alors la même chose ! » Sauf que l’annonce de Taubira va tout crisper. À
l’Élysée, François Hollande, pourtant alerté par plusieurs dignitaires
socialistes, dont Jean-Christophe
Cambadélis, décide de ne pas reculer. Au Conseil des ministres du
23 décembre, quand le président
lance le bal, la ministre de la Justice
avale son chapeau sans broncher,
Christiane Taubira à l’université de New York, vendredi. Jonathan alpeyrie/polaris pour le JDD
Taubira, une démission
en cinq actes
dans le silence du salon Murat… À
la conférence de presse qui suit, au
côté de Manuel Valls, Christiane
Taubira, renfrognée, réaffirme sa
loyauté. « C’est ce jour-là qu’elle
aurait dû partir », analyse-t-on
aujourd’hui à Matignon.
Acte 2
François Hollande
retourne la situation
« Christine Taubira est quelqu’un
d’extrêmement légitimiste », explique Manuel Valls dans le JDD
du 27 décembre. « Une partie de la
gauche s’égare au nom de grandes
valeurs », ajoute le Premier ministre, croyant siffler la fin d’une
récréation. Chez la garde des
Sceaux, il n’est alors « pas question de démission », insiste un de
ses proches. « Résister c’est rester »,
doit encore penser la ministre, qui
part en Guyane pour les fêtes. Son
premier rendez-vous de l’année en
tête à tête avec le Président a lieu à
son retour, le 7 janvier. À 16 h 30 ce
jour-là, un an après Charlie, François Hollande et Christiane Taubira se retrouvent à l’Élysée. « Tu
es indispensable », lui assure François Hollande. À aucun moment,
selon nos sources, il n’est question
de la nommer à la Culture. « Elle
était en poste à la Justice ou rien »,
confirme-t-on à l’Élysée.
« Ce 7 janvier, François l’a encore
récupérée comme il sait le faire »,
raconte un socialiste. « Ce jour-là,
il a bien senti qu’elle avait envisagé
le départ… Mais il a cru qu’il l’avait
convaincue de rester », confirme un
ministre. Avait-elle pourtant déjà
pris sa décision ? A-t-elle, lors de
ses vacances en Guyane, rédigé un
texte expliquant sa rupture ? Pour
l’heure, un livre est annoncé en
mars, Être ministre, reprenant le
texte d’une conférence tenue en
novembre. Selon plusieurs sources,
Christiane Taubira, au cours d’« une
nuit d’insomnie » comme elle en
connaît tant, aurait mis noir sur
blanc les raisons de sa volonté de
« résistance ». Mais ce 7 janvier,
dans le bureau du président, il n’en
est pas encore question…
Acte 3
La grosse colère
de Manuel Valls
Ce 7 janvier, Taubira sort même
de l’Élysée avec un feu vert pour
se rendre à iTélé enfoncer le clou
de sa loyauté. La phrase a même
été répétée avant l’émission : « La
parole du président est la première
et la dernière, c’est de lui que tout
émane, c’est lui qui a été élu. » Sauf
que, interrogée sur la déchéance
de nationalité ce soir-là, la ministre
réaffirme son désaccord, même si
elle en minimise la portée : « Nous
sommes à un moment où nous
pouvons exprimer cela », croit-elle
encore. « Valls a piqué une colère
homérique, confie au JDD un ministre. Il l’a appelée le soir même et le
ton est monté. » À Matignon, on ne
dément pas l’épisode : « Le Premier
ministre lui a effectivement dit son
incompréhension », pondère-t-on.
Façon de reconnaître à demi-mot
qu’elle aurait bien pu être « démissionnée » à ce moment-là…
A-t-elle, le soir de ce coup de fil,
compris qu’il n’y avait plus d’espace,
à l’intérieur, pour la critique ? De
leur côté, François Hollande et
Manuel Valls, à la fois persuadés
qu’elle restera mais conscients du
« danger Taubira », mettent sur
pied un nouveau « système » pour
avancer la déchéance de nationalité
sans elle… La décision est prise de
faire soutenir le texte au Parlement
par Manuel Valls lui-même. « C’est
un autre paradoxe, décode un socialiste. Alors que tout le monde a dit
que c’était pour l’enfoncer, c’était en
fait pour la protéger… Et elle, elle l’a
pris pour une nouvelle humiliation. »
Dans la foulée, en fin de semaine
dernière, Claude Bartolone fait
aussi savoir discrètement qu’il envisage de nommer au Conseil constitutionnel une juriste de l’Hôtel de
Lassay. Pas Taubira, contrairement
à ce que dit la rumeur depuis des
mois. Certains pensent que cela a
pu jouer un rôle dans sa décision…
Acte 4
Visite secrète
à Matignon
Elle annonce sa démission, mercredi, à Paris. éric Dessons/JDD
Elle quitte le ministère de la Justice, mercredi. éric Dessons/JDD
Samedi dernier, dans la matinée,
la garde des Sceaux tourne avec
Michel Denisot une émission
prévue de longue date. Matignon
n’a pas été prévenu. « Je suis en
train de défaire un nœud », dit-elle
devant la caméra. En aparté, elle
aurait confié à l’animateur que sa
décision était prise « de quitter le
gouvernement ». Ce même samedi 23 janvier, à 17 heures, avant
de s’envoler pour l’Inde, François
Hollande téléphone à sa ministre.
« Elle lui a annoncé qu’elle partait »,
confie-t-on à l’Élysée. À la demande
du chef de l’État, Christiane Taubira accepte de patienter jusqu’à
mercredi pour officialiser sa rupture. Selon nos informations, ce
samedi 23 janvier en fin de journée, la garde des Sceaux se rend à
Matignon pour une longue explication en tête à tête avec le Premier
ministre. « Cela a été chaleureux,
mais très clair sur son départ, confie
l’entourage de Manuel Valls. Tout
le désaccord porte sur la question
de la déchéance de nationalité. Elle
n’a rien évoqué d’autre, ni sur la loi
pénale ni sur la loi renseignement… »
Pourtant, dernier paradoxe, le
texte sur la déchéance est encore remanié durant le dernier week-end :
Pour donner des gages à gauche,
il n’est plus question des binationaux… et pour donner des gages à
droite, à la demande de Sarkozy, il
est question d’étendre la déchéance
aux délits de terrorisme. « Je suis
persuadé que cela n’a rien changé,
qu’elle avait déjà pris sa décision »,
avance un proche du président.
« C’est même un comble, puisque
dans la dernière version du texte il
n’est plus question des binationaux !
Elle aurait pu avoir une autre attitude », soupire-t-on à Matignon.
Acte 5
Un « désaccord
politique majeur »
avec le sourire
Ce mardi 26 janvier, la garde des
Sceaux est à Amsterdam. « Elle a
passé la journée avec l’ambassadeur
de France à parler diplomatie américaine et à préparer son voyage du
lendemain en visite officielle aux
États-Unis », confie, incrédule,
une source gouvernementale. « Soit
elle n’avait pas totalement décidé
de démissionner, soit elle a donné le
change à tout le monde », décode un
ministre. De fait, mercredi matin à
8 heures, Christiane Taubira arrive
à l’Élysée. « Le secret de son départ a
été gardé par trois personnes durant
le week-end », explique-t-on à la
présidence. Même Jean-Jacques
Urvoas n’a appris sa nomination
que mercredi matin, un peu avant
9 heures. « Confidentialité oblige »,
dit-on à la présidence. À moins que
François Hollande, une dernière
fois, ait eu l’espoir de la faire changer d’avis. Quoi qu’il en soit, quand
il les rejoint, à 8 h 30, Manuel Valls
constate que c’est fini… « Il n’y a eu
aucun éclat. Elle avait l’air détendue
en sortant », dit une source. « C’est
un divorce par consentement mutuel », analyse l’entourage de Valls.
De fait, à 15 h 30 ce mercredi,
quand elle fait sa dernière déclaration de ministre, citant Césaire
(« nous ne livrerons pas le monde aux
assassins d’aubes »), Christiane Taubira est effectivement radieuse. « Je
pars sur un désaccord politique majeur », dit-elle. Souriante. Comme
soulagée avant de s’envoler pour
les États-Unis… en voyage privé.
Un nœud en moins pour elle. Un
nœud en plus pour le Président… g
4 | l’événement
JDD | 31 janvier 2016
Pour chacune des personnalités suivantes, souhaitez-vous qu’elle joue un rôle important au cours des prochaines années ?
Ensemble
des Français
61%
50%
Nicolas
Hulot
49% 45%
Emmanuel
Macron
49%
59%
54%
50%
37%
31%
Martine
Aubry
Manuel
Valls
Christiane
Taubira
31%
30%
Ségolène
Royal
49%
48%
46%
Jean-Luc
Mélenchon
36%
27%
Arnaud
Montebourg
26%
33%
21%
François
Hollande
Cécile
Duflot
Sondage IFOP pour le JDD réalisé du 29 au 30 janvier 2016 auprès d'un échantillon de 1.009 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus (méthode des quotas). Interviews réalisées par téléphone.
Photos : Sipa, Visual, JDD
Sympathisants
de gauche
À gauche, les Français veulent Hulot
SONDAGE IFOP-JDD L’écologiste
est plébiscité pour jouer un rôle
important à l’avenir, comme
Valls et Macron. Il n’y a pas
d’effet Taubira après sa
démission. Une majorité de
sympathisants de gauche
aimerait une primaire
NIcOLAS PrISSETTE
@NicolasPri7
Les électeurs de gauche rêvent
d’une primaire, mais pas forcément des mêmes candidats…
Selon notre sondage Ifop-JDD,
une immense majorité des sympathisants écologistes (80 %),
du Front de gauche (81 %) et de
socialistes (74 %) se dit favorable
à un scrutin rassemblant toute la
gauche (ce qui n’était pas le cas en
2007 et 2012) pour désigner son
ou sa champion(ne) pour 2017.
L’initiative menée par un collectif d’une trentaine de personnalités, rallié hier par les députés
frondeurs (lire page XX), suscite
ainsi un grand intérêt. Les défaites
aux régionales, menées dans la
désunion, sont une motivation,
mais les partisans de ce processus réclament aussi un changement de ligne politique et une
alternative à François Hollande.
L’éventualité d’une primaire reste
néanmoins très hypothétique, la
direction PS y étant hostile et le
chef de l’État se situant hors de
ce terrain – ce que rappelle son
entourage avec constance.
Martine Aubry devance
largement Christiane Taubira
Dans le même temps, les sympathisants de gauche sont divi-
sés sur les personnalités dont ils
souhaitent qu’elles jouent un rôle
important à l’avenir. Selon notre
enquête Ifop-JDD, Nicolas Hulot
apparaît comme celui qui aurait la
plus grande capacité à rassembler.
L’écologiste, battu chez EELV
par Eva Joly en 2011, bénéficie
d’une aura renouvelée après sa
mission élyséenne de trois ans, qui
a contribué à l’issue positive de la
COP21. Son nom circule pour le
remaniement attendu mi-février,
si Ségolène Royal quittait le ministère de l’Écologie.
Mais Hulot, qui a ouvertement
écarté l’idée de participer à une
primaire pour la présidentielle,
n’est pas le favori des seuls sympathisants PS, où il pointe derrière un trio de tête composé de
Manuel Valls (72 %), François
Hollande (69 %) et Emmanuel
Macron (63 %). C’est un enseignement de notre sondage : si
les électeurs socialistes se disent
d’accord pour choisir un candi-
Souhaitez-vous que la gauche — c’està-dire le Parti socialiste, Europe ÉcologieLes Verts, le Parti communiste et le Parti
de gauche — organise une primaire pour
désigner son candidat à l’élection
présidentielle de 2017 ?
Ensemble des Français
Non
35 %
Oui
65 %
dat, ils soutiennent toutefois ceux
qui incarnent la ligne réformiste
sécuritaire de l’exécutif.
Pour une autre ligne, plus à
gauche, c’est Martine Aubry qui
est la mieux placée : elle réalise
un score élevé pour l’ensemble de
son camp et au sein du seul électorat PS (62 %). La maire de Lille,
qui n’aura pas occupé de poste
ministériel durant le quinquennat,
a conservé son capital à gauche
malgré l’échec de son candidat
aux régionales dans le Nord-Pasde-Calais-Picardie. Elle devance
largement Christiane Taubira
dont la démission ne semble pas
insuffler d’élan. L’ex-garde des
Sceaux, malgré son statut d’icône,
fait un score minoritaire dans
l’électorat PS (47 %) – qui n’est pas
son parti. Elle apparaît moins en
mesure d’incarner une relève. Pas
plus que Jean-Luc Mélenchon.
Arnaud Montebourg et Cécile
Duflot ferment la marche de notre
classement. Les deux voix fortes
de la gauche sous le gouvernement Ayrault portent moins haut
aujourd’hui. g
Les frondeurs se rallient à l’idée des primaires
De christian Paul à Benoît
Hamon, l’aile gauche du PS
ne fait pas de Hollande
leur candidat automatique
Et maintenant, la gauche du PS !
Après l’appel à une primaire
de la gauche et des écologistes
lancé dans Libération, de nouveaux adeptes viennent grossir les rangs. Hier, la gauche du
PS – environ 30 % du parti – a
demandé une large consultation citoyenne pour désigner
son prochain candidat.
Pointant « les renoncements
accumulés », « le repli défensif,
sécuritaire et identitaire », les
« choix opérés dans la solitude
du pouvoir » – autant d’amabilités adressées à un François
Hollande qu’ils ont la délicatesse de ne jamais nommer –, ils
assurent qu’« il n’y a pas de candidature automatique en 2017 ». Et,
ajoutent-ils, les statuts du PS font
de la primaire une « obligation »,
« pas une option ».
« La gauche ne peut pas se
laisser enfermer dans un imagi-
naire de guerre civile. L’état de
la démocratie, de la gauche, la
poussée du FN, tout pousse à une
primaire », appuie le député de la
Nièvre Christian Paul, qui espère
encore des primaires allant « de
François Hollande à Jean-Luc
Mélenchon ». Problème : aucun
des deux n’en veut.
« La primaire fait figure
de ballon d’oxygène »
« Il faut des primaires de projet, pas des primaires qui soient
le tribunal populaire de François
Hollande », pointe Jérôme Guedj.
« Ce qui détone, ce n’est pas que
nous soutenons les primaires,
c’est que 30 % des socialistes ne
souhaitent pas la candidature de
François Hollande. Il s’inscrit dans
une vague libérale et sécuritaire,
nous devons construire une autre
candidature et un autre projet avec
en son cœur l’écologie, l’égalité et
la démocratie », avance pour sa
part le député Pouria Amirshahi.
Par la voix de Cécile Duflot,
le PCF et les écologistes s’étaient
déjà montrés intéressés par ces
primaires initiées par Daniel
Cohn-Bendit, Yannick Jadot,
Thomas Piketty et Michel
Wieviorka. « Plus Hollande et
Valls asphyxient la gauche, plus
la primaire fait figure de ballon
d’oxygène », se réjouit Jadot. Dès
demain, les communistes organiseront le premier débat du cycle
« porte ouverte pour 2017 », et
mercredi, Cohn-Bendit et les
autres tiendront une réunion
publique à Paris sur le thème des
institutions.
Enfin, le 11 février, les initiateurs de l’appel doivent rencontrer le patron du PS, Jean-Christophe Cambadélis, pour sonder
ses intentions. Entre ceux qui
réclament une primaire d’alternative à Hollande (comme le PCF
et Duflot) et ceux qui l’incluent
(comme les frondeurs et les
initiateurs de l’appel), le madré
Cambadélis ne devrait pas trop
peiner pour expliquer que, faute
de clarification, il ne peut pas
répondre. A.N.
« François Hollande tripatouille la Constitution »
NATHALIE KOScIUSKO-MOrIzET
Minoritaire à droite, elle refuse
toute « différence » entre
binationaux et mononationaux
IntervIew
cHrISTINE OLLIVIEr
@Chr_Ollivier
ET DOMINIqUE DE MONTVALON
@Demontvalon1
Approuvez-vous la prolongation
de l’état d’urgence ?
J’y mets deux conditions : réformer notre dispositif ordinaire, hors
état d’urgence, pour plus de sécurité,
et préparer la sortie de l’état d’urgence, qui ne doit pas être repoussée
sine die. J’ai voté en décembre pour
l’état d’urgence et je ne le regrette
pas. Les procédures lancées dans ce
cadre étaient utiles, même si beaucoup ne relèvent pas strictement
du terrorisme. Personne ne peut se
plaindre qu’on aille enfin chercher
les armes dans les cités. Mais je ne
me résous pas à ce que, pour aller
chercher ces armes, il faille l’état
d’urgence. On ne devrait pas avoir
besoin d’une procédure dérogatoire
pour le faire. Certaines dispositions
doivent être intégrées dans notre
droit de manière permanente. Par
ailleurs, tout le monde dit en chœur
que l’état d’urgence ne peut pas être
un état permanent, mais personne
ne définit clairement les conditions
de sortie. Quand Manuel Valls nous
dit qu’on en sortira quand on aura
définitivement vaincu Daech, cela ne
me satisfait pas. Dans la loi de prolongation de l’état d’urgence, je souhaite donc qu’on fasse le bilan des
trois derniers mois, qu’on recadre les
dispositifs prévus dans la première
loi et qu’on prépare les conditions
de la sortie.
adopte une sanction qui puisse être
la même pour tous. Si on ne peut
pas appliquer la déchéance à tous
les terroristes, allons vers une solution du type de l’indignité nationale,
comme je l’ai proposé dès le mois de
décembre, qui vaudrait pour tous
sans exception.
Pourquoi êtes-vous hostile à
l’introduction de la déchéance de
nationalité dans la constitution ?
Cela ne sert à rien, il y a bien
d’autres urgences. Et je suis hostile
à la démarche qui consiste à faire
la différence entre binationaux et
mononationaux. C’est un symbole
négatif que de mettre en place une
peine différente pour un même
Au total, allez-vous
voter la réforme constitutionnelle ?
Nathalie Kosciusko-Morizet, vendredi,
à Paris. Bernard Besson pour le Jdd
crime. Au nom de quoi un terroriste,
parce qu’il a le seul passeport français, serait-il exempté d’une peine
de déchéance ? Je souhaite qu’on
En l’état, je ne la voterai pas.
Parce que ce texte est inutile, et
que le symbole qu’il véhicule est
dangereux.
Malgré les changements
introduits par le gouvernement ?
Mais cela ne change rien en réalité ! C’est du rhabillage du même
l’événement | 5
jdd | 31 janvier 2016
Jean-Luc méLenchon À ses yeux, le départ de Taubira marque « une étape spectaculaire
dans le processus d’isolement sectaire de François Hollande »
IntervIew
aRthuR nazaRet
@ArthurNazaret
Hollande aura réussi à
disqualifier jusqu’au mot
de « gauche » lui-même.
Aujourd’hui, les gens n’ont
plus de repères politiques :
pour eux, droite et gauche
sont deux blocs faisant la
même politique. Le clivage
est davantage entre le peuple
et la caste des puissants. En
France, la misère est devenue
muette, et personne ne parle
en son nom. Dans notre pays,
toutes les peurs se cumulent
pour donner un état d’esprit
résigné. Le paradoxe est terrible car les Français, d’après
un sondage, sont le peuple le
plus anticapitaliste du monde,
celui où seulement 15 % de
la population pense que ce
système marche bien.
Nous avons élu François
Hollande pour nous débarrasser de la politique de
Sarkozy. Un an avantla fin
du quinquennat, sur tous
les marqueurs de l’époque
– et au premier rang le chômage – la situation est pire
que sous Sarkozy. Quant aux
dommages moraux, ils sont
vertigineux. François Hollande est le nom de toutes
nos misères et de toutes nos
désillusions.
pascale Boistard (ps) :
L’Interview politique
du 7/9 du week-end,
France Inter, à 8 h 20.
g christian paul (ps) :
L’Invité de Claude
Askolovitch, iTélé,
à 8 h 50.
g stéphane Le Foll (ps) :
Le Grand Rendez-Vous,
Europe 1/Le Monde/
iTélé, à 10 heures.
g éric Woerth (LR) :
Bureau politique,
LCI, à 10 h 30.
g hervé mariton (LR) :
Agora, France Inter/
L’Obs, à 12 heures.
g olivier Besancenot
(npa), thomas Guénolé
(politologue), Gaspard
Koenig (directeur du think
tank Génération Libre) :
Flash Talk, LCPAssemblée nationale,
à 13 heures et 23 h 35.
g Frédéric Lefebvre
(LR) : Le Brunch
politique, Sud radio,
à 12 heures.
g François Bayrou
(modem) : 12/13
dimanche,
France 3, à 12 h 10.
g Gilles de Kerchove
(coordinateur
de l’union européenne
pour la lutte
contre le terrorisme) :
Internationales,
TV5 Monde/RFI,
à 12 h 10.
g Jean-Yves Le drian
(ps) : Le Grand Jury,
RTL/ Le Figaro/LCI,
à 12 h 30.
g Jean-François copé
(LR) : Le Supplément,
Canal+, à 12 h 55.
g Luc chatel (LR) :
Forum, Radio J,
à 14 h 20.
g thierry mandon (ps) :
Rue des Écoles, France
Culture, à 17 heures.
g myriam
el Khomri (ps) :
BFM politique, BFM TV/
Le Parisien Aujourd’hui
en France/ RMC,
à 18 heures.
g ségolène Royal (ps) :
C politique,
France 5, à 18 h 35.
g éric coquerel (pG) :
Soir 3, France 3,
à minuit.
g
dans quel état
est la gauche aujourd’hui ?
nicolas sarkozy veut revenir
sur les 35 heures, supprimer
l’isF… continuez-vous à
penser que François hollande
est « pire » que sarkozy…
Les invités
poLitiques
du dimanche
« Les dégoûtés
partis,
il reste les
dégoûtants »
Jean-Luc Mélenchon, à Paris, hier matin, dans un café du 10e arrondissement. Éric dessons/Jdd
est partie dégoûtée. Maintenant que tous les dégoûtés
sont partis, il ne reste que les
dégoûtants.
Robert Badinter a présenté
les grandes pistes d’une
prochaine réforme du
code du travail. La cFdt
n’y voit pas une remise en
cause de ce code. et vous ?
S’attaquer au Code du
travail parce que le chômage
augmente est à peu près aussi
Le départ de christiane
stupide que de vouloir supprimer le Code de la route
taubira est-il un tournant ?
quand il y a des accidents.
Le départ de Christiane
Taubira est une étape spectaLe Code du travail est voluculaire dans
mineux ? Heule processus
reusement, cela
d’isolement « La primaire
veut dire qu’il
sectaire de a de nombreux
est précis. Ceux
François
qui prétendent
Hollande. Il points communs
le simplifier
veulent juste
divise tout avec le PMU »
s’attaquer aux
et tout le
monde : le
acquis sociaux.
mouvement social, la gauche,
Nous vivons une période
sa propre majorité, son goud’obscurantisme social. Dans
vernement. Maintenant, il
cette cour des miracles qu’est
nomme comme nouveau
le gouvernement, M. Gattaz
garde des Sceaux quelqu’un
joue le chef des capons, ces
qui a proposé de fusionner
mendiants d’autrefois qui
le ministère de la Justice et
faisaient les poches dans les
le ministère de l’Intérieur,
lieux publics. Il encaisse les
et qui traitait les frondeurs
milliards du gouvernement,
de « djihadistes ». Taubira
sans que cela ne réduise en
dispositif. D’ailleurs, je n’aime pas la
façon dont le président de la République tripatouille la Constitution
sur un coin de table, en fonction
des circonstances. On dit souvent
que ce n’est pas bien de faire des
lois de circonstance. Là, on fait de
la Constitution de circonstance. On
ne peut pas jouer comme ça avec
notre loi fondamentale. Finalement,
François Hollande continue à faire
le Premier secrétaire. Il nous propose pour la Constitution ce qu’il a
toujours fait pour le PS : une motion
de synthèse qui cache, comme toujours, des désaccords. Le débat sur
la nationalité mérite mieux que cela.
Imagine-t-on un autre pays où on
rien le nombre de chômeurs
et, dès que les coffres sont
pleins, il retend sa sébile. En
France, le grand patronat
est une classe d’assistés très
parasitaire.
Le gouvernement a modifié
son texte sur la déchéance de
nationalité. il n’y fait plus
référence aux binationaux.
Êtes-vous satisfait ?
La formulation actuelle
réalise le pire de ce que l’on
craignait. C’est une honte. Car
dans les faits, seuls les binationaux pourront être déchus.
En revanche, ce qui est plus
grave qu’avant, c’est que cette
déchéance peut s’étendre à
tous les délits.
L’état d’urgence devrait être
prolongé. tant que la menace
terroriste n’est pas écartée,
n’est-ce pas légitime ?
Les terroristes font peser
sur notre société une menace
de mort mais aussi une menace politique. Ils ont un but :
déstabiliser la démocratie et
diviser le peuple français. Il
ne faut donc l’aider ni à l’un ni
à l’autre. L’état d’urgence était
pleinement justifié dans les
premières heures suivant le
massacre de novembre car il
permettait des interventions
débattrait de cette manière-là de
l’article qui traite des conditions de
la nationalité dans la Constitution ?
Cela témoigne de la part de François
Hollande beaucoup de désinvolture
et un grand cynisme.
mais il s’agit aussi pour le chef de
l’état de tendre la main à la droite…
C’est l’intérêt général qui doit
présider à nos choix. Pas les arrangements tactiques du moment. Et cela
vaut pour tous, droite ou gauche :
la question n’est pas de savoir s’il
faut rendre service au président de
la République ou à tel ou tel dans
l’opposition, mais ce qui est bien
pour le pays.
À la place de christiane taubira,
rapides. Mais dans la durée,
cela fait reculer nos libertés
collectives, sans aucun gain
en termes de sécurité.
duflot, montebourg, hamon,
taubira sont sortis du
gouvernement. pouvez-vous
travailler à une alternative à
hollande avec eux ?
Ceux qui veulent travailler à une alternative sont les
bienvenus. Mais il ne faut
pas confondre le collectif
et l’entre-soi. L’agora oui, le
loft non ! Il n’y a pas entre
nous de programme commun spontané. En 2017, il ne
peut pas y avoir d’ambiguïté :
un nouveau traité européen
sera présenté, et il y aura une
élection en France et en Allemagne. Ce doit être l’occasion d’un tournant total sur
les politiques européennes
d’où viennent nos malheurs.
Toutes les personnes citées
ont fait partie d’un gouvernement qui a fait adopter
le traité budgétaire européen. Ils doivent dire qu’ils
regrettent ! Mais les derniers
arrivés ne peuvent pas dicter
leurs conditions aux premiers
combattants.
Les frondeurs ont appelé à
une primaire. Y a-t-il des
qui a démissionné cette semaine,
auriez-vous fait la même chose ?
Je trouve qu’il y a de la dignité
dans le geste. Et c’était une clarification nécessaire. On peut trouver que
ça arrive bien tard, mais au moins,
elle le fait. Ceci dit, si je respecte la
personne, j’ai des désaccords sur
sa politique. Son bilan, ce sont des
avocats en colère, des magistrats désabusés, le personnel pénitentiaire
démotivé et une politique pénale que
je déplore. D’ailleurs peut-on parler
de bilan ? Christiane Taubira n’a pas
vraiment été garde des Sceaux. Elle a
été ministre des valeurs de la gauche
et garde de… ce qu’il en restait.
lejdd.fr Lire l’interview intégrale.
conditions auxquelles vous
pourriez y participer ?
Participer à une primaire
que François Hollande pourrait gagner ? Non. Pour une
raison simple : je n’accepterai
pas le résultat car je suis en
désaccord total avec ce qu’il
propose. De même une primaire de « toute la gauche »
qui inclut des partisans des
traités budgétaires européens
ne peut pas me concerner. Par
ailleurs, l’expérience montre
que les exclus, les chômeurs,
le peuple profond ne votent
pas aux primaires. La primaire a de nombreux points
communs avec le PMU : on
vote pour le mieux placé,
davantage sur des personnes
que sur des idées. Hollande et
Sarkozy comptent qu’il n’y
ait pas de vrai deuxième tour
grâce à la peur de Le Pen. Ils
voudraient bien qu’il n’y ait
pas de premier tour non plus
grâce au « vote utile » dans les
primaires…
serez-vous candidat
en 2017 ?
Je vois bien qu’il va falloir
que je me décide, ne seraitce que pour éviter d’avoir à
répondre à cette question à
chaque interview. g
6 | instantanés
JDD | 31 janvier 2016
Les indiscrets
Le top 5 twitter
Hervé morin joue Fillon
« Je vous fais un pari. Souvenez-vous-en. Ce
sera François Fillon le prochain président de
la République, a lâché mercredi l’ancien
ministre et président du Nouveau Centre,
Hervé Morin, devant une poignée de journalistes. Dans les milieux économiques, on
entend beaucoup deux choses : le rejet de
Nicolas Sarkozy et l’adhésion au programme
de François Fillon. »
Le dircab de Le Foll cherche ailleurs
Stéphane Le Foll sera-t-il du prochain remaniement ou sera-t-il exfiltré
afin de préparer 2017 ? Après le départ de plusieurs collaborateurs
importants à l’automne dernier, Philippe Mauguin, son fidèle directeur de cabinet, cherche un point de chute. Après avoir tenté, en vain,
de prendre la tête d’un organisme de recherche sous tutelle du ministère de l’Agriculture, Mauguin essaie désormais de récupérer la direction de la grande agence de santé publique qui doit naître de la fusion
entre l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé
(Inpes) et l’Institut de veille sanitaire (InVS).
Bertrand et estrosi,
« chefs des trains »
Nicolas Sarkozy n’a guère apprécié les critiques
de Xavier Bertrand et Christian Estrosi, nouveaux présidents de région, auxquels il prédit
une disparition rapide des radars médiatiques :
« Ils se croyaient mini-présidents de la République. En fait, ils sont chefs des trains et des
lycées », a-t-il ironisé devant un proche.
mesrine fine fourchette
L’ex-patron
du Raid, Jean-Louis
Fiamenghi (photo),
ne se contente pas
d’avouer dans son
livre Dans le secret
de l’action qu’il est
l’auteur du tir
mortel contre
Jacques Mesrine en
1979. Il raconte
également sa première rencontre, six ans
plus tôt, avec le futur « ennemi public
numéro 1 ». Échange de cigarettes et
dialogue surréaliste alors que ce dernier
passait la nuit en garde à vue : « Sans que je
ne sache comment il en est arrivé là,
[Mesrine] a commencé à me parler… de la
recette du gigot de sept heures. […] Il l’a fait
avec beaucoup de talent puisqu’il est arrivé à
me faire saliver en donnant force détails… »
Dîner d’État
à l’Élysée en
l’honneur du
président cubain,
Raúl Castro.
g Le juge des tutelles
de Reims examine la
demande de mise sous
protection de Vincent
Lambert, dans un état
végétatif depuis 2008.
g Le guide Michelin France
présente son palmarès
2016. g Le chanteur
salue le bilan de l’ex-ministre
de la Justice
@benoithamon
Toute mon affection à @ChTaubira,
toute ma reconnaissance pour son
action à la Chancellerie, tout mon
respect pour ses convictions.
4 Le premier secrétaire
La découverte de Le Drian
Jean-Yves Le Drian a été particulièrement touché par l’enquête de Caroline Fontaine et Laurent
Valdiguié, Mon grand-père était un poilu (Taillandier, 240 p., à paraître le 11 février). Le ministre
de la Défense a découvert que son grand-père paternel, dont il ne savait rien sinon qu’il était
« mort de boisson », était un authentique héros de 14-18. Incorporé au 2e régiment d’infanterie coloniale de Brest, Joseph Le Drian combattit en première ligne de l’Argonne aux Dardanelles
en passant par Verdun. Il ne rentra à Lorient que le 3 septembre 1919, survivant d’un régiment
qui avait perdu 20.000 hommes. MAthIEu ZAZZO / PASCO
Laporte garderait novès
Guy Novès, le nouvel entraîneur du XV de France, a passé cette
semaine un coup de fil au manager de Toulon, Bernard Laporte,
pour l’informer de son intention de sélectionner le joueur varois
Maxime Mermoz. La conversation a roulé sur la rumeur insistante qui prête à Laporte l’intention de se débarrasser de Novès,
s’il était élu président de la FFR fin 2016. « Bernard a démenti, ils
en ont tous les deux plaisanté », assure un proche de l’ex-ministre.
Police-gendarmerie,
la polémique continue
Visé par les syndicats de police qui, dans la foulée des
attentats, ont dénoncé des « manœuvres de déstabilisation »
orchestrées pour faire le jeu « d’un acteur mineur du champ
de la sécurité » (lire JDD du 24 janvier), le directeur général
de la gendarmerie a répliqué sur son blog. « Fait-on peur à ce
point ? », s’interroge le général Denis Favier. « Touché » par
ces « sous-entendus » et ces « contre-vérités », l’ex-patron du
GIGN promet que « la seule volonté de la gendarmerie est […]
d’occuper sa place, rien que sa place, mais toute sa place ».
à suivre cette semaine
Lundi
2 Dans la foulée, Benoît Hamon
Ibrahimovic a participé au concert
des Enfoirés, lundi. La star du PSG a
croisé Sébastien Chabal.
@Ibra_official
Legend !
I thought
I was the only
beast in
France…
Les Républicains tiendront, après leur conseil
national de mi-février, une convention
clé sur la fonction publique et l’État, qui doit
notamment permettre d’identifier
les réformes de 2017-2022. Éric Woerth,
secrétaire général de LR, en charge du
projet, mettra à l’ordre du jour la fin de
l’emploi à vie, l’assouplissement du secteur
contractuel et la rémunération au mérite.
Si Nicolas Sarkozy pousse la candidature de son
conseiller politique pour la présidence du
conseil national des Républicains, poste où il
succéderait à Jean-Pierre Raffarin, Luc Chatel
pourrait trouver un obstacle sur sa route :
Michèle Alliot-Marie. L’ancienne ministre est en
effet candidate et l’a fait savoir. Du coup, « rien
n’est tranché », explique un proche de Sarkozy.
son départ du gouvernement,
mercredi.
@ChTaubira
Parfois résister c’est rester, parfois
résister c’est partir. Par fidélité à soi,
à nous. Pour le dernier mot à
l’éthique et au droit. ChT
3 Pour la première fois, Zlatan
Woerth et l’emploi à vie
mam vs chatel
1 Christiane Taubira commente
Marc Lavoine (photo)
inaugure son
double de cire au
musée Grévin.
Mardi
Laurent Fabius à Rome
pour la réunion du Groupe
restreint de la coalition
internationale contre
Daech. g Manifestation
des salariés du laboratoire
Servier contre le plan de
suppression de plus de
600 emplois.
Lagarde
au concert
du PS, Jean-Christophe Cambadélis,
s’insurge après l’attaque
du site du parti par le groupe
Anonymous, qui proteste
contre l’état d’urgence.
@jccambadelis
Tentative d’attaque du site du
@partisocialiste. Les dictateurs
sont ceux qui portent atteinte
au droit d’expression des partis.
5 Pour la première fois
en cinquante-six ans d’existence,
Barbie va voir ses formes
évoluer. De quoi agacer
Robert Ménard.
@RobertMenardFR
#Barbie sera désormais grosse
et de toutes les couleurs…
À quand une Barbie transgenre ?
Le top 5 Google
tendances de recherches du 22 au
28 janvier (plus fortes progressions)
Jeudi soir au Carnegie Hall de
New York, Christine Lagarde a
assisté, en compagnie de Mathieu
Gallet, à l’un des six concerts qu’a
donnés l’Orchestre national de
France cette semaine au Canada
et aux États-Unis. L’orchestre symphonique qui ne s’était pas produit dans cette salle depuis 2004
a joué sous, la direction de Daniele Gatti, Debussy, Chostakovitch et Tchaïkovski.
Tous les sujets
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1. Omar Sy
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5. Top Chef
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2. Nicolas Sarkozy
3. François Hollande
4. Najat VallaudBelkacem
5. Emmanuel
Macron
Nos classements et analyses sur lejdd.fr
retrouvez à suivre cette semaine ce matin entre 6 h et 10 h dans Week-end Première sur
Mercredi
Jeudi
Vendredi
22e édition du festival
de musique classique
La Folle Journée
sur le thème de la
nature, à Nantes.
g Ouverture
du salon des
entrepreneurs de Paris.
g 18e édition du festival
des créations
télévisuelles de Luchon.
g Début du Toulouse
Onco Week, le congrès
mondial de cancérologie.
Journée mondiale de
lutte contre le cancer.
g Signature à Auckland
(Nouvelle-Zélande) de
l’accord de partenariat
transpacifique (TransPacific Partnership, TPP),
qui va créer la plus grande
zone de libre-échange
au monde. g Conférence
humanitaire sur les
réfugiés syriens, à Londres.
g Carnaval de Cologne.
g Bal de l’Opéra de Vienne.
Le groupe pétrolier
américain Schuepbach
réclame des millions
d’euros d’indemnités
à l’État français après
l’abrogation de son
permis de recherche de
gaz de schiste. g Début du
carnaval de Rio de Janeiro.
g Congrès annuel du
parti de Vladimir Poutine
(photo), Russie unie, à
Moscou. g Ouverture du
38e festival international
ÉRIC DESSONS/JDD ; FRÉDÉRIC DugIt/MAXPPP ; IMF/BEStIMAgE ; twIttER/@IBRA_OFFICIAl ; JÉRôME MARS POuR lE JDD ; AlEXEI NIkOlSky/AP/SIPA
du court métrage, à
Clermont-Ferrand.
Samedi
Manuel Valls inaugure la
gare Rosa-Parks sur la ligne
du RER E, à Paris. g France
– Italie, premier match du
Tournoi des Six Nations.
g Grand slam
de judo, à Paris.
g Inauguration du
grand orgue de la
Philharmonie de
Paris.
Dimanche
François Hollande
et Angela Merkel se
retrouvent à Strasbourg
pour un dîner informel à
l’invitation du président
du Parlement européen,
Martin Schulz. g Les
Denver Broncos affrontent
les Carolina Panthers
pour le Super
Bowl, finale du
championnat de
football américain,
à Los Angeles.
8|
InternatIonal
jdd | 31 janvier 2016
ITALIE Selon les organisateurs du Family Day, ce sont quelque deux millions de personnes
qui auraient manifesté hier contre le projet d’union civile du gouvernement
Renzi face à la fronde catholique
scout, père de trois enfants, a décidé de faire ce qu’aucun président
du Conseil avant lui n’a réussi en
trente ans. Romano Prodi a échoué
en 2007, une défaite qui lui avait
même coûté son poste. Ce qui pose
le plus de difficultés dans le texte
actuel, c’est la mesure complémentaire au projet de loi, concernant
l’adoption de l’enfant du conjoint.
ROME (ITALIE)
CORRESPONDANCE
VIRgINIE RIVA
L
e Circus Maximus, haut
lieu de la civilisation
romaine, n’a jamais
réussi à accueillir plus
de 500.000 spectateurs.
Les responsables de la méga-manif
anti-union civile en revendiquent au
moins le double mais, en l’absence
de chiffres officiels, ce sont bien des
centaines de milliers de personnes,
majoritairement catholiques, qui
sont venues hier de toute l’Italie…
Réunies dans une ambiance à première vue bon enfant, entre un
alléluia chanté au son de la guitare
et des tambours et une chanson du
répertoire napolitain interprétée
par un prêtre en soutane.
Et pourtant, difficile de parler avec les manifestants, seuls
les porte-parole s’expriment,
selon la consigne du comité
d’organisation. « Les homosexuels
peuvent s’aimer, mais ils n’ont ni
à bénéficier de droits ni à avoir de
famille », clame pourtant Anna,
une grand-mère qui ose braver les
ordres des chefs. Le texte actuel
propose d’instaurer une union
entre personnes de même sexe
et personnes hétérosexuelles,
enregistrée par un officier d’état
civil, avec engagement à une vie
commune, à la fidélité, et à une
assistance morale et matérielle
réciproque. « C’est hypocrite, en
fait il s’agit d’une substitution de
mariage. Il y a des articles qui sont
Des prêtres donnent de la voix contre le projet d’union pour les personnes de même sexe, hier à Rome.
exactement ceux qui régulent le
mariage dans le Code civil comme
le droit d’hériter », commente le
père Gonzalo Mirando. L’Italie est
l’un des derniers pays européens
à ne pas accorder aux couples homosexuels des droits identiques à
ceux dont bénéficient les ménages
hétérosexuels, alors que la Cour
européenne des droits de l’homme
a sommé, en juillet dernier, l’Italie
d’accélérer sur ce sujet.
« Il est interdit de mettre à la
casse la famille », pouvait-on lire
Remo Casilli/ReUTeRs
en grosses lettres sous l’estrade du
show de la manifestation d’hier.
Un message directement adressé
à Matteo Renzi, dont la promesse
est de mettre « à la casse » la vieille
classe politique italienne. Lui le
catholique pratiquant, ancien
Une bataille compliquée
pour Renzi
Le Parti démocrate de Matteo Renzi tente une médiation,
notamment avec son aile catholique – hostile à cette mesure et
qui représente une trentaine de
parlementaires – ainsi qu’avec
les membres du parti du centre
droit, avec lequel il gouverne.
La majorité ne lui est pas encore
totalement acquise au Sénat alors
que la procédure de vote doit commencer cette semaine. Si l’adoption pour l’enfant du conjoint est
retoquée, le Mouvement 5 étoiles,
grand ennemi de Renzi, menace de
ne pas voter la loi. Selon les derniers sondages, l’opinion publique
semble de son côté favorable à
l’instauration d’unions civiles
mais se montre très réservée sur
la question de l’adoption.
Les quinze prochains jours
vont être compliqués pour le
jeune leader italien, le vote final
au Sénat étant prévu à la mi-février, avant celui de la Chambre
des députés, à condition que le
projet ne soit pas vidé de sa substance dès son passage au Sénat. g
Daech et Zika : Rio
en alerte avant les JO
BRÉSIL À six mois des Jeux olympiques,
le Brésil va commencer à mobiliser
cette semaine plus de 160.000 soldats et
policiers pour tenter d’enrayer l’explosion
du virus Zika et assurer la sécurité
de cet événement sportif mondial
RIO DE JANEIRO (BRÉSIL)
CORRESPONDANCE
ADÈLE SMITH
Depuis les attentats du 13 novembre à Paris,
l’agence brésilienne de renseignements
(Abin) est en alerte alors qu’au moins un
demi-million de visiteurs et 10.500 athlètes
sont attendus du 5 au 21 août prochain à
Rio. Pays le plus durement touché par le
virus Zika, avec 1,5 million de cas selon
l’OMS, le Brésil a recensé près de 3.500 cas
suspects de microcéphalie depuis octobre
dernier contre 150 cas confirmés en 2014.
De plus en plus de pays déconseillent aux
femmes enceintes de se rendre au Brésil,
dont le ministre de la Santé a déclaré cette
semaine que le pays était déjà « en train
de perdre la bataille » contre Zika. L’OMS
s’attend à 3 à 4 millions de cas sur le seul
continent américain cette année.
Cette crise sanitaire intervient au pire
moment pour un Brésil en pleine récession, alors que les ventes de billets pour
les JO sont en dessous des attentes. Le
terrorisme s’est hissé en tête d’une dou-
zaine de menaces recensées par les autorités. Quelques jours après les attaques
de novembre à Paris, l’un des bourreaux
présumés de Daech, Maxime Hauchard,
avait explicitement menacé Rio dans ce
tweet : « Brésil, vous êtes notre prochaine
cible. » Le journal O Globo a publié jeudi
une enquête sur un vaste réseau de trafic
présumé de faux passeports brésiliens et
européens impliquant des citoyens syriens
qui projetaient de se rendre en Europe et
aux États-Unis. Une évolution « préoccupante », selon Paulo Storani, consultant
international en sécurité. « Rien n’empêche
des cellules de terroristes de s’infiltrer parmi
les réfugiés et de rester incognito dans le
pays », explique-t-il.
De source diplomatique européenne,
aucune menace avérée n’a été signalée à
ce jour, mais sous la pression occidentale,
le Brésil a accepté de renforcer sa coopération internationale sécuritaire. Un
centre antiterroriste, qui n’existait pas
pour la Coupe du monde, verra le jour
prochainement à Rio. « Nous avons le
sentiment que le Brésil a pris conscience
du danger, qu’aucun aspect n’est négligé »,
souligne cette même source. Les services
de renseignements intérieurs, et non plus
seulement extérieurs, échangent leurs
informations avec leurs homologues occidentaux notamment. La coopération
purement opérationnelle (recherche
Pendant la Coupe du monde de football 2014, au Brésil. PhoToshoT/iCon sPoRT
d’explosifs, armes biologiques, etc.) s’est
aussi fortement améliorée.
Dix délégations particulièrement ciblées
Le directeur général de l’Abin, Wilson
Trezza, a évalué à dix le nombre de délégations sportives considérées comme des
cibles « hautement sensibles » dont celles
de la France, des États-Unis, de la GrandeBretagne et d’Israël. « La tenue d’un événement aussi global et médiatique fera de
Rio une cible idéale pour les terroristes, mais
la ville sera aussi probablement la plus sûre
au monde », tempère Fernando Brancoli,
professeur en relations internationales à
l’université fédérale de Rio de Janeiro. Plus
de 80.000 forces de l’ordre à Rio cet été, ce
sera le double de Londres.
Plus qu’une attaque de l’État islamique,
c’est en réalité un « loup solitaire » que l’Abin
redoute le plus. Le phénomène de radicalisation sur Internet a prouvé en France et aux
États-Unis qu’il est particulièrement difficile
à détecter. Or, le Brésil ne s’est toujours pas
doté, à ce jour, d’une loi sur le terrorisme.
Résultat : manque de cadre légal, d’expérience
et de moyens, selon les experts brésiliens et
étrangers. « Il est très facile de se procurer les
ingrédients pour fabriquer une bombe artisanale à Rio », souligne Fernando Brancoli.
En revanche, les écoutes administratives
autorisées en France sous conditions, ne le
sont pas au Brésil. Les quelques 17.000 kilomètres de frontières – particulièrement poreuses – constituent l’autre grande faiblesse
du pays. « Les terroristes peuvent emprunter
les mêmes routes que les trafiquants de drogue
et d’armes », rappelle Paulo Storani. g
10 | InternatIonal
JDD | 31 janvier 2016
Le milliardaire Donald Trump (à gauche)
brise les codes des campagnes
électorales américaines pendant
que le croyant Ted Cruz (à droite) met
la religion au cœur de son discours.
Paul sancya/aP/sIPa, Brendan HoFFman/getty
Le populiste contre le radical
ÉTaTS-uniS Le caucus de l’Iowa, premier scrutin des primaires pour la présidentielle, va départager les deux candidats
en tête des sondages chez les républicains, Donald Trump et le sénateur
du Texas, Ted Cruz
Images/aFP
deS MoineS (ioWa, ÉTaTS-uniS)
ENVOYÉE SPÉCIALE
Karen laJon
@karenlajon
Rater un débat avant les fameux
caucus de l’Iowa relevait de la folie.
Un homme s’était pourtant déjà
autorisé cette entorse aux bonnes
règles des primaires, l’acteur candidat Ronald Reagan !
On peut affirmer sans trop se
tromper que Donald Trump aime
le rock and roll. En bande-son, à
chacune de ses interventions, on
retrouve la gouaille d’un Mick
« Rendre sa grandeur
à l’Amérique »
Jagger, la voix d’un Elvis Presley
remasterisé, ou encore celle du
Donald Trump ne doit rien à
très sexy Bon Jovi. On peut aussi
personne. Il se paye sa campagne
affirmer avec certitude que Donald
électorale, « ce qui m’évitera ces
Trump a un faible pour les créasordides calculs de renvoi d’ascentures féminines. Il suffit de voir
seur, une fois que je serai élu », et
débarquer son épouse, sa fille et ses
se moque de la couverture médiatique des journalistes. Sans parler
belles-filles, toutes haut perchées
sur des escarpins Louboutin, pour
de ses concurrents. Au cours de
sentir le frémissement de ravisseson meeting, il ne cite son rival
ment des mâles dans l’assistance.
Jeb Bush que pour mieux l’huEnfin, on peut aussi affirmer que le
milier. Pas un mot sur cet autre
milliardaire voue une passion sans
adversaire qu’il a épargné longlimite à l’argent. « Money, money,
temps, le sénateur du Texas Ted
money », le terme a été prononcé
Cruz. Il faut dire que Cruz lui
un million de fois, mardi, dans la
fait de l’ombre dans cet État très
petite ville de Marshalltown, dans
conservateur de l’Iowa. Redoul’Iowa, une soirée placée sous le
table personnage que ce Donald
signe de la provocation made in
Trump dont l’existence politique
Trump.
n’a pris forme qu’il y a quelques
Trop fort le milliardaire ! Non
mois et qui refuse toujours d’être
seulement le candidat républicain
considéré comme un « politicien ». Avec lui,
s’est dispensé de
la forme prime
p a r t i c i p e r a u « Je ne veux pas
sur le fond :
débat de son parti
qu’il s’agisse de
qui avait lieu au de généraux
l ’a r g e n t q u ’ i l
même moment qui viennent
a a m a s s é, d e s
à quelques kilocoups tordus
m è t r e s d e l à , couiner sur tous
des lobbyistes
mais en plus il les plateaux télé »
de Washington
s’est offert le luxe
de lever plus de Donald Trump
qu’il a utilisés et
6 millions de dolqu’il dénonce aulars au profit des anciens combatjourd’hui avec le plus parfait des
tants de l’armée, lors d’une réunion
cynismes, ou du fameux mur qu’il
entend bien faire construire entre
quasi improvisée dans l’auditorium
de la très solennelle Drake Unile Mexique et les États-Unis. « Et
versity. La veille, tout le monde
ce sont les Mexicains qui paieront,
parlait déjà de suicide politique.
croyez-moi. »
Hillary au coude-à-coude avec Bernie
Selon le dernier Sondage d’intentions de vote pour les caucus
démocrates de l’Iowa qui se déroulent demain, Hillary Clinton et son
principal rival, le sénateur du Vermont Bernie Sanders, seraient quasiment
à égalité, avec 45 % pour ce dernier et 48 % pour l’ancienne secrétaire
d’État. Il y a huit ans, Barack Obama avait remporté ce premier scrutin des
primaires contre Hillary Clinton, ce qui avait déclenché une dynamique en
sa faveur. Mais l’ex-First Lady reste la favorite au niveau national pour la
nomination avec plus de 20 points d’avance sur Sanders. K.l.
« My whole thing is to bring
America great again » (« mon
objectif est de rendre sa grandeur à l’Amérique »). Voilà ce
que Donald Trump répète à l’envi, et les vétérans qui sont là ne
veulent pas entendre autre chose.
« Quelqu’un doit remettre ce pays
en état et Trump est l’homme de
la situation. » La même phrase
est répétée par Vincent Meek,
59 ans, six ans dans l’armée de
l’air américaine, ancien de l’opération Tempête du désert pendant
la première guerre du Golfe, ou
encore par Roy Brad-bury, 73 ans,
ancien de la légion américaine,
ex-maire d’une bourgade proche
de Saint-Louis dans le Missouri
voisin. Ils s’accordent à dire que
le bonhomme a eu bien raison
d’éviter le débat. « Il n’a besoin
de personne, il dit tout haut ce que
tout le monde pense tout bas. »
Flatter la virilité de l’homme,
Trump sait y faire. Le vétéran John
Wayne (un homonyme, ça ne s’invente pas), né un 4 juillet (le jour
de la fête nationale, ça ne s’invente
pas davantage) a été amené de son
Texas natal, afin de démontrer que
l’Américain n’est jamais Monsieur
Tout-le-Monde mais un héros,
mieux un surhomme. La preuve,
John Wayne parcourt la scène en
long et en large sans boiter. Et pourtant, cet ex-béret vert ami de Chris
Kyle, ce soldat dont le film American Sniper a raconté la légende,
a perdu une jambe en 2008, lors
d’une bataille féroce en Afghanistan. Le petit bonhomme au visage
encore juvénile raconte qu’il a porté
une partie de ce membre déchiqueté, tout en grimpant la montagne afghane. Un héros comme
Donald les aime, lui qui réclame
à cor et à cri des généraux de la
trempe de Patton, et pas de ceux
qui « viennent couiner et révéler
comment fonctionne notre armée
sur tous les plateaux télé ». « Nous
ne gagnons plus », s’énerve le candidat, « même cet accord nucléaire
iranien, regardez un peu ce que fait
ce Rohani. Il signe avec la France,
l’Italie, et nous l’Amérique, qu’estce qu’on a ? » L’argent, toujours,
Donald Trump ne connaît peutêtre pas grand-chose aux questions
de politique étrangère mais il sait
lire et compter. « Cent quarante Airbus, voilà ce que l’Iran a acheté
à la France. »
attaque Donald Trump pour s’être
défilé, il se moque : « Oh Donald a
l’âme fragile, il n’a pas compris que
cette campagne électorale, c’est un
entretien d’embauche qui dure des
Le vote évangélique
mois. » Il lui propose même un
et l’héritage de Reagan
face-à-face. Las, le jour du débat,
Et il sait avancer ses pions,
Trump parade non loin, comme s’il
refuser la lumière quand il le faut.
narguait son adversaire en étant
Quitte à ce que cela paraisse profitoujours là où personne ne l’attend.
ter à son adversaire le plus sérieux
Trump triomphant et Cruz affaipour ce scrutin de l’Iowa, l’ultrabli ? Perdre l’Iowa, où le sénateur
conservateur Ted Cruz, 44 ans.
texan semblait être favori grâce au
En refusant de débattre avec lui
vote ultra-conservateur, le mettrait
et ses autres challengers, Trump
en difficulté pour la suite et rendrait
a projeté Cruz sous les feux de la
la nomination républicaine plus
rampe et bouscule ce candidat enfacile pour Trump, selon certains
combrant qui semblait avoir consiobservateurs. Cela viendrait comdéré comme acquis le fameux vote
pliquer les trois primaires suivantes
évangélique, vital pour remporter la
de février, dans le New Hampshire,
victoire côté républicain. Tout était
la Caroline du Sud et le Nevada, puis
pourtant plutôt bien
le Super Tuesday du 1er mars
parti pour le Texan.
« Donald
n’a
pas
Sa performance très
lors duquel une
huilée mercredi compris que cette
dizaine d’États
se prononcesoir, à Des Moines, campagne,
ront, dont le
en compagnie de
Texas, évideml’ex-gouverneur du c’est un entretien
ment crucial
Texas Rick Perry, sur d’embauche
un mode ultra-bipour Ted Cruz.
blique, était encou- qui dure des mois »
La stratégie inérageante. Ted Cruz Ted Cruz
dite et illisible de
a affiché ses fortes
son rival Trump,
convictions conseret qui semble lui
vatrices devant un auditoire acquis.
réussir, rend le dénoument électoral
« Le droit à la vie est fondamental,
des caucus de l’Iowa demain soir
le mariage concerne un homme et
compliqué. Deux hommes, égaleune femme, et le deuxième amenment rivaux dans la course répudement n’est pas fait pour chasser
blicaine à la Maison-Blanche, sont
mais un choix donné par Dieu pour
venus soutenir Donald Trump lors
défendre sa famille et ses enfants. »
de sa récolte de fonds pour les vétéEt le voilà qui cite Ronald Reagan,
rans cette semaine : Mike Huckabee
l’ancien président que chaque canet Rick Santorum. Tous deux ultradidat républicain veut s’approprier.
conservateurs avaient gagné l’Iowa,
Une femme approuve dans
le premier en 2008 et le second en
l’assistance. « Il a raison, et d’ail2012 mais avaient très vite chuté
leurs j’ai voté deux fois pour ce grand
dans les étapes suivantes. Un signe
homme, Reagan, en 1980 et 1984. »
de mauvais augure pour Donald
BJ Parker, 83 ans, fait partie des
Trump ? Il y a fort à parier que ce
volontaires qui travaillent pour le
rappel historique a traversé l’esprit
candidat. Elle est venue avec sa fille,
de Ted Cruz. g
mariée à un soldat, et qui affirme
avoir souffert de l’Obamacare, la
www.lejdd.fr
réforme de l’assurance santé, en
perdant son travail. Ça tombe retrouvez notre infographie des
bien, Cruz attaque l’Obamacare, primaires USa 2016.
clamant haut et fort que cette loi
dès mardi, le blog
a mis sur la paille des millions de
Bureau ovale
gens. Qu’importe l’inexactitude, il
saison 3 de
attaque tous azimuts, Ted Cruz. Il
François Clemenceau
InternatIonal | 11
jdd | 31 janvier 2016
L’Europe du
chacun pour soi
miGraNts Confiscation des biens des réfugiés, expulsions, nouveau mur…
L’UE vient de vivre une nouvelle semaine folle dans la crise migratoire
Camille Neveux
@camille_neveux
Un enchaînement de chiffres,
d’articles de loi et de procédures
complexes qui, mis bout à bout, en
dit long sur l’état de l’Union européenne. Cette semaine a été marquée par l’adoption et l’annonce de
mesures « tantôt ridicules, parfois
odieuses, toujours impuissantes »,
regrette le député européen
(PPE, droite) Alain Lamassoure.
Le JDD retrace le récit de cette
folle semaine.
b luNdi, Bruxelles meNaCe
de sortir la GrèCe de sCheNGeN
Réunis à Amsterdam, les
ministres de l’Intérieur de l’UE
plaident pour une procédure
inédite : le recours à l’article 26
du code de Schengen, destiné à
protéger certaines frontières intérieures pour deux ans. Estimant
qu’Athènes a « sérieusement négligé
ses obligations », la Commission
européenne leur emboîte le pas et
lance le processus en trois étapes,
toutes soumises à une validation
politique des États. Ce qui pourrait
aboutir de fait à la suspension de
la Grèce de l’espace Schengen…
« Il s’agit du même jeu politique que
lors de la crise de l’euro, observe
Dimitris Skleparis, spécialiste des
questions migratoires à la Fondation hellénique pour la politique
européenne et étrangère. Chaque
pays pense à son intérêt national
en cherchant un bouc émissaire.
Il s’agit de faire pression mais au
fond, tout le monde sait que la Grèce
créera plus de problèmes hors de
Schengen : son sauvetage financier
serait mis en danger, les migrants
trouveraient une manière de continuer leur chemin illégalement et le
parti d’extrême droite Aube dorée
en profiterait. »
b merCredi, le daNemark
saisit les effets des miGraNts
Ce n’est pas un vote, mais un
plébiscite : à une écrasante majorité, le Parlement danois adopte
une réforme du droit d’asile, qui
prévoit de saisir les biens de valeur
des migrants, de diminuer leurs
droits sociaux et d’allonger les
délais du regroupement familial.
Des mesures que le Haut-Commissariat des Nations unies pour
les réfugiés accuse de « nourrir la
peur et la xénophobie ». « On essaie
de se débarrasser de la pire crise humanitaire que l’Europe ait connue
depuis la Seconde Guerre mondiale
avec des mesures scélérates et une
stratégie d’endormissement des
consciences, regrette François
Gemenne, chercheur à l’université
de Liège et à Sciences-Po Paris.
C’est le début de la dislocation de
l’Union européenne comme espace
politique. »
b Jeudi, expulsioNs eN suède
et eN fiNlaNde
Deux avions charter pour
l’Irak sont déjà prêts. La Suède
annonce l’expulsion de 60.000 à
80.000 demandeurs d’asile déboutés
(163.000 demandes ont été déposées l’année dernière), la Finlande
20.000. Les Pays-Bas, qui assurent
la présidence tournante de l’UE,
proposent de renvoyer en Turquie
les migrants fraîchement arrivés
en Grèce, en échange de l’installation de 250.000 réfugiés venus de
Turquie. Un chassé-croisé critiqué
par les ONG, qui pourrait même
être contraire à la Convention de
Genève… Dans le même temps,
l’Allemagne durcit à son tour les
conditions du regroupement familial, ainsi que les conditions d’asile
pour les ressortissants algériens,
marocains et tunisiens. Ces pays
sont désormais considérés comme
« sûrs » - c’est-à-dire suffisamment
stables pour qu’ils y retournent par Berlin. « Partout en Europe, les
états sont en compétition pour être
le moins attractif possible, résume
Anders Hellström, chercheur à l’Institut de recherche sur les migrations
de l’université de Malmö (Suède).
En Scandinavie, notamment, les
sociétés sont fortement polarisées,
avec une majorité qui veut apporter
sa contribution auprès des réfugiés
et une autre frange réticente. Les
hommes politiques sont débordés. »
L’appel lancé le même jour à
Paris par Filippo Grandi, le nouveau haut-commissaire des Nations
unies pour les réfugiés, est tombé à
plat. « L’Europe doit mettre en œuvre
ses propres décisions, plaide-t-il.
Les événements tragiques de Paris
ou de Cologne ont jeté une lumière
négative sur sujet. Mais les réfugiés sont des êtres humains avec un
énorme potentiel. » Suite au Conseil
européen de la mi-octobre, sur les
98.000 migrants à relocaliser de
la Grèce et de l’Italie vers un autre
État membre, seuls 414 avaient été
pris en charge fin janvier, dont 62
en France… « Bien gérée, leur arrivée
peut devenir un investissement et
contribuer au futur de nos sociétés,
renchérit le secrétaire général de
l’OCDE, Angel Gurría. Les leaders
européens ne peuvent pas fermer les
yeux sur cette crise. »
b veNdredi, la hoNGrie
réfléChit à uN Nouveau mur
Après avoir fermé sa frontière
avec la Serbie et la Croatie, Budapest reconnaît songer maintenant
à construire une nouvelle clôture
avec la Roumanie. La conférence
humanitaire de Londres sur les
réfugiés syriens, qui doit se tenir
jeudi, puis le Conseil européen des
18 et 19 février s’annoncent tendus. « Comme avec la crise de l’euro,
nous avions les moyens de traiter la
question de la politique migratoire
et d’asile en amont, déplore le député européen Alain Lamassoure.
Mais les dirigeants nationaux ne
mettent en place les politiques
européennes que lorsqu’ils sont au
bord du gouffre. Les états doivent
se ressaisir pour appliquer les décisions qu’ils ont eux-mêmes prises.
Le national-égoisme ne fonctionne
pas. La solution est européenne. »
b samedi, Nouvelle traGédie
eN mer éGée
Le matin, le chef du gouvernement italien Matteo Renzi déclare
qu’il ne « laissera pas faire ceux qui
veulent détruire Schengen et l’Europe ». Au même moment, au moins
37 réfugiés – dont des enfants –
trouvent la mort dans un nouveau
naufrage en mer Égée. g
Des gendarmes turcs transportent le corps sans vie d’une des 37 victimes du naufrage
d’hier. Ces Syriens, Afghans et Birmans venant de Turquie tentaient de rallier l’Europe
par la Grèce. Ozan KOse/aFP
12 | Autour du monde
Syrie
Genève III
est-il
condamné
à l’échec ?
lejdd.fr Le grand angle diplo
de François Clemenceau :
« Poutine plombé par son
pétrole »
Le Palais des Nations à Genève n’en est pas à
ses premières négociations de paix. Indochine,
Afghanistan, Bosnie, et déjà Syrie en 2012 puis
en 2014. Cette fois-ci, l’hôte des lieux s’appelle
Staffan de Mistura, un diplomate suédo-italien
qui vient de fêter lundi ses 69 ans, le troisième
médiateur des Nations unies depuis le début de
la guerre en Syrie, après Kofi Annan et Lakhdar
Brahimi, deux vétérans de la diplomatie mondiale
qui ont jeté l’éponge sur le dossier syrien.
Vendredi soir, Staffan de Mistura a d’abord
reçu la délégation du régime de Damas présidée par Bachar Al-Jaafari, l’ambassadeur syrien
aux Nations unies depuis dix ans, « la voix de son
maître » selon un diplomate français. Hier soir,
le médiateur a fini également par accueillir la
délégation de l’opposition syrienne. Dirigée par
le général Al-Zoubi, un ancien officier de l’armée
d’Assad qui a fait défection pour rejoindre l’Armée
libre de Syrie dont il a pris la tête du commandement Sud, elle rendra compte de ses travaux à Riad
Hijab, le président du haut-comité de négociation,
un ancien Premier ministre de Bachar lui aussi
passé, depuis 2012, dans le camp de l’insurrection.
« Sa voix est de plus en plus écoutée au sein de
l’opposition », raconte une source diplomatique
JDD | 31 janvier 2016
Staffan de Mistura et Bachar Al-Jaafari, vendredi à Genève
(Suisse). rEUtErS
selon laquelle les différents courants de la sphère
antirégime jugent Hijab « crédible » dans sa posture de fermeté face à tous ceux qui le supplient
de faire des compromis à Genève.
Diplomatie de la navette
« Mistura est pris au piège des Américains et des
Russes qui veulent lui dicter les termes de la médiation », signale un officiel français informé des
tractations en cours. Mais l’émissaire de l’ONU
a tenu bon jusqu’à présent sur la revendication
clé de Washington et de Moscou qui voulaient
inclure, au grand dam de la Turquie, une représentation kurde dans la délégation de l’opposition.
Mistura n’a rien cédé non plus à l’opposition qui
exigeait l’arrêt immédiat des bombardements de
populations civiles avant d’entamer toute discussion. Il a refusé également que le sort politique
de Bachar El-Assad soit une condition sine qua
non de toute poursuite des débats. Mistura parie
sur une diplomatie de la navette et des contacts
informels plutôt que de compter les invectives
entre les deux délégations si elles devaient se
retrouver face à face. Pour amadouer les Russes, il
a accepté que des opposants tolérés par Damas et
appuyés par Moscou travaillent en coulisses des
négociations sans y prendre part. Le processus est
prévu pour durer six mois. Beaucoup dépendra
de la situation sur le terrain. Hier, MSF mentionnait la mort de faim de 16 nouveaux habitants de
Madaya, toujours assiégée par l’armée syrienne.
Par dépit ou pour conjurer le pire à Genève, la
délégation de l’opposition s’est installée à l’hôtel
de la Paix.
François ClemenCeau
@Frclemenceau
dernière heure
algérie La présidence a confirmé
hier la création d’une nouvelle
organisation des services secrets née
de la dissolution du tout-puissant
Département du renseignement et
de la sécurité, qui depuis vingt-cinq
ans régentait la vie politique et
sécuritaire du pays. Désormais, les
renseignements seront supervisés
par trois entités, coordonnées par
un proche du président Bouteflika,
qui poursuit depuis plusieurs mois
une stratégie de concentration des
pouvoirs.
AFP
4
C’est, en milliards de dollars, la somme
qui aurait été détournée par l’État malaisien au détriment
du fonds souverain 1MdB, selon la justice suisse.
Le Premier ministre, Najib Razak, est soupçonné d’être impliqué dans ce
vaste scandale financier, après la découverte en juillet d’un versement de
700 millions de dollars (635 millions d’euros) sur ses comptes personnels.
Raúl Castro à
Rome, en mai
2015. CAmillA
morANdi/rEX /SiPA
Le Leader de La SeMaine
Qu’elle est loin l’époque où le Líder
Máximo, dans son uniforme vert olive,
déambulait pour la première fois de sa
vie dans la Ville Lumière, ou sillonnant
les vignes un verre de chablis à la main…
Alors qu’il quittait l’Élysée, Danielle
Mitterrand avait froissé le protocole
en embrassant le vieux barbudo sur
les deux joues.
Raúl Castro n’a clairement pas le
charisme de son frère aîné. N’est-ce pas
François Hollande qui avait avoué avoir
senti le « vent de
l’Histoire » en renIl est arrivé hier en France contrant Fidel en
pour la première visite mai à La Havane ?
d’État d’un président Même si le
cubain depuis celle de Fidel président français
Castro il y a vingt et un ans tutoie Raúl,
la relation
franco-cubaine est devenue moins
« romantique », plus professionnelle.
Lors de la rencontre bilatérale qui aura
lieu demain après-midi à l’Élysée, deux
hommes seront présents autour du
Président : Jean-Pierre Bel, l’ancien
patron du Sénat, marié à une Cubaine et
émissaire spécial de François Hollande
pour l’Amérique latine, et Matthias Fekl,
étoile montante du Quai d’Orsay, chargé
du commerce extérieur et du tourisme,
qui compte déjà deux voyages à Cuba à
son actif pour doper les investissements
français, alors que les relations
commerciales plafonnent à 200 millions
d’euros, ce qui « n’est pas à la hauteur
des ambitions », dit-on côté français.
François Hollande a été le premier
chef d’État occidental à se rendre à
La Havane l’an passé. Barack Obama
devrait s’y rendre à son tour d’ici à la fin
de l’année. Avec ou sans levée de
l’embargo par le Congrès à majorité
républicaine, le commerce va refleurir
entre Cuba, les États-Unis et l’Europe. Le
département du Trésor a opportunément
allégé mardi certaines sanctions dans le
domaine des exportations et des voyages
d’affaires. Cuba, terre de business : la
compétition ne fait que commencer. F. C.
Raúl CastRo
Chine Les États-Unis ont reconnu
hier avoir envoyé vendredi un
navire de guerre croiser à proximité
d’une île à la souveraineté contestée
en mer de Chine méridionale. Le
destroyer multirôle lance-missiles
Wilbur s’est approché à moins
de 12 milles de l’île Triton, dont
la Chine, Taïwan et le Vietnam
réclament la propriété. Pékin, qui a
dénoncé une violation de ses eaux
territoriales, revendique la quasitotalité de cette zone maritime, véritable carrefour stratégique. US NAVY/EPA
Turquie Les autorités turques ont accusé, hier, l’aviation russe d’avoir violé
la veille leur espace aérien. Selon Ankara, un bombardier Su-24 aurait décollé
de la Syrie voisine en fin de matinée et pénétré dans l’espace aérien turc. Le
président turc Recep Tayyip Erdogan a averti la Russie qu’elle devrait faire face
aux « conséquences de ses actes irresponsables ». Le ministère russe de la Défense
a répondu qu’il s’agissait de « propagande sans fondement ». Fin novembre, un
Su-24 russe avait été abattu par des chasseurs turcs.
La phraSe
« aucun policier ne veut tirer sur un réfugié,
je ne le veux pas non plus. Mais en dernière instance,
on doit pouvoir avoir recours aux armes »
Frauke petry, présidente du parti populiste allemand afd, dans un entretien à un quotidien régional hier
société
jdd | 31 janvier 2016
| 13
VIoLENCES La décision de François Hollande est imminente. Les filles de Jacqueline
Sauvage n’en doutent pas, le chef de l’État va libérer leur mère
La grâce, elles y croient
CHRISTEL DE TADDEo
@cdetaddeo
« Elle est sortie ! » Dans le cabinet
des avocates de Jacqueline Sauvage, ses trois filles font « comme
si » pour les besoins d’un shooting avec un photographe du
magazine Elle. Il est 18 h 30 hier
soir lorsqu’elles sortent asséchées
de la séance après vingt-quatre
heures de marathon médiatique.
Attrapent leur manteau dans le
hall d’entrée sans desserrer la
mâchoire, pressées de rentrer
chez elles. Au lendemain de leur
entrevue avec François Hollande,
il semble acquis que leur mère sera
graciée dans les prochains jours.
D’ailleurs, Pascale Boistard, la
secrétaire d’État aux Droits des
femmes, a opportunément rejoint
le comité de soutien de Jacqueline Sauvage hier après-midi. Une
preuve de plus que le vent a tourné.
Hollande les a « considérées
comme de véritables victimes »
Vendredi, à la sortie d’une entrevue qui aura duré plus d’une
heure avec le président de la République à l’Élysée, Sylvie, Carole et
Fabienne Marot avaient du mal à
contenir leur joie. François Hollande leur a confié dans un sourire
complice que ce n’est pas tous les
jours qu’il a un consensus sur une
question délicate. « Elles ont eu le
sentiment de ne pas être jugées,
pour une fois », explique Me Janine
Bonaggiunta. « Pendant les procès,
leur parole a été mise en doute, on
leur a reproché leur silence, leur
inertie, on les a accusées de ne pas
avoir protégé leur mère, explique
Me Nathalie Tomasini. François
Hollande les a écoutées avec bienveillance. Il les a considérées comme
de véritables victimes. »
Il aura néanmoins fallu ce formidable élan populaire pour que
le chef de l’État français accueille
leur douleur. Il leur dira qu’il a été
« extrêmement sensible » à ce qu’il
décrit comme des « circonstances
exceptionnelles », laissant entendre
qu’il allait accéder à leur requête.
Les filles de Jacqueline
Sauvage, vendredi soir
devant l’Élysée, après
leur entrevue avec
François Hollande.
PhiliPPe STeRC/PanoRamiC
Derrière le cas d’espèce pourtant, Jacqueline Sauvage, 68 ans,
condamnée à dix ans de réclusion
pour le meurtre de son mari après
quarante-sept ans de sévices, est
devenue un symbole. Elle n’est pas
devenue une icône pour les femmes
victimes de violences, même si
beaucoup de femmes battues lui
ont écrit en prison. Elle incarne la
faillite d’un système. N’en déplaise
au magistrat honoraire qui a fustigé cette semaine « l’émotion de
l’ignorance », la justice est parfois
aveugle quand elle ne se bande pas
les yeux. « Une bonne victime est une
victime morte », martèle l’actrice
Eva Darlan, qui a lancé le comité
de soutien à Jacqueline Sauvage,
rappelant que 118 femmes sont
décédées sous les coups de leur
conjoint ou ex en 2014. Elle qui
a fait campagne pour François
Hollande encaisse mal le refus de
Ségolène Royal de prendre position
« sur un fait divers ». Et le mutisme
de Najat Vallaud-Belkacem ou de
la secrétaire d’État chargée des
Droits des femmes, Pascale Boistard, qui s’est enfin manifestée hier.
La prise de position de la maire (PS)
de Paris, Anne Hidalgo, au Grand
Jury de RTL dimanche dernier a été
un déclencheur. Les soutiens poli-
tiques se sont multipliés, surtout
à droite : Valérie Pécresse, François Fillon, Nathalie KosciuskoMorizet ou encore Valérie Boyer,
vice-présidente des Républicains
à l’Assemblée nationale, qui a réuni
plus de 50 parlementaires.
« Policiers et magistrats
ne sont pas formés… »
« On touche à un sujet tabou »,
estime Carole Arribat, assistante
de direction de 39 ans, l’une des
initiatrices de la pétition en soutien à Jacqueline Sauvage. « Les
violences faites aux femmes, c’est
une question très sensible et cela
remet énormément de choses en
cause, mais cela parle à l’opinion
publique. » Pour Eva Darlan, « la
prise en charge des victimes est catastrophique » : « Policiers et magistrats ne sont pas formés… Nous ne
sommes pas protégées. C’est aussi
une violence de la société. »
Hier à 20 heures, la pétition citoyenne demandant la grâce présidentielle pour Jacqueline Sauvage
réunissait 430.335 signatures. Le
comité de soutien n’abandonne
pas « le combat ». Pour l’instant,
rappelle Eva Darlan, Jacqueline
Sauvage « est toujours entre quatre
murs ». g
Un « banquier » du Hezbollah écroué à Paris
BLANCHIMENT Cinq Libanais,
soupçonnés de collecter l’argent
du trafic de cocaïne au profit
des cartels colombiens, mis en
examen. D’autres arrestations
en Allemagne, en Belgique
et en Italie. Révélations
sur l’opération Cedar
STépHANE JoAHNy
Le communiqué, en apparence anodin, est tombé jeudi. Au titre de la
lutte contre le terrorisme, le département du Trésor américain indique
avoir gelé les avoirs aux États-Unis
d’une société libanaise – Trade Point
International – et de ses deux dirigeants dont l’homme d’affaires de
41 ans Mohamad Noureddine. Drôle
de coïncidence : ce jeudi également
à Paris, ce même Noureddine était
écroué après avoir été mis en
examen, avec quatre de ses compatriotes, pour « blanchiment de
trafic de stupéfiants, blanchiment
de crime ou délit en bande organisée et association de malfaiteurs »…
Tout démarre un an plus tôt.
En février 2015, la puissante DEA
(Drug Enforcement Administration, l’agence américaine de
lutte contre la drogue) transmet
un « tuyau » à ses homologues
français. Selon les informations
recueillies par les agents américains, la collecte, à l’échelle européenne, d’argent de la revente de la
cocaïne colombienne par un groupe
de Libanais a d’importantes ramifications en France. L’OCRGDF
(Office central pour la répression de
la grande délinquance financière)
prend le relais. La Jirs ( juridiction
interrégionale spécialisée) de Paris
nomme deux magistrats, les juges
Gachon et Thouvenot. L’opération
Cedar, « cèdre » en français, comme
l’arbre emblématique du Liban,
peut commencer.
Un hasard du calendrier
diplomatique
Depuis quelques années, les
dossiers de blanchiment d’argent
de la drogue basé sur un système
de compensation se succèdent
chez les juges parisiens : sur fond
de fraude fiscale avec la Suisse
dans l’opération Virus en 2012, de
trafic d’or vers l’Inde avec Rétrovirus en 2014 ou en s’appuyant
sur l’opacité du business de la
diaspora chinoise avec le dossier
Fièvre jaune en 2015. Cette fois
encore, l’enquête prend un carac-
tère international. Une vaste coopération sous l’égide d’Europol se
met en place. Plusieurs objectifs
sont en effet identifiés en Italie, en
Belgique et surtout en Allemagne.
Selon une source proche de
l’enquête, des collecteurs s’activent
dans toute l’Europe. Puis l’argent,
rapatrié à Paris, prend la direction
du Liban. Physiquement dans des
valises de passeurs ou encore via le
système de compensation traditionnel de l’« hawala ». Des bureaux de
change et autres courtiers contrôlés par Mohamad Noureddine et sa
société Trade Point International
prendraient ensuite le relais pour
faire transiter les millions du trafic
de coke vers l’Amérique du Sud, où
la communauté libanaise est solidement implantée et où le Hezbollah
est régulièrement accusé de s’aco-
quiner avec les narcotrafiquants.
La milice chiite libanaise prélèvet-elle sa dîme sur les prestations
financières de Noureddine ? Les
juges et les policiers français ne
se seraient pas aventurés sur ce
terrain-là.
« Le Hezbollah a besoin d’individus comme Mohamad Zaher
Noureddine pour blanchir les produits du crime et financer le terrorisme et la déstabilisation politique »,
soutenait jeudi un porte-parole
du Trésor américain à propos de
l’homme d’affaires arrêté cette
semaine à Paris à sa descente d’avion alors que, hasard du calendrier
diplomatique, le président iranien,
dont le régime est considéré comme
le principal sponsor et mentor du
Hezbollah libanais, entamait une
visite historique en France… g
*
14 | société
JDD | 31 janvier 2016
La grande peur des juifs de
eXCLUsif La Fondation du judaïsme français a commandé à l’Ipsos une grande enquête sur le « vivre ensemble ». Le JDD publie les
C
Marie-Christine tabet
@mc_tabet
’est une enquête hors
norme. Par sa nature et
son ampleur. Pendant
dix-huit mois, Ipsos a
sondé les Français sur
le « vivre ensemble » en n’éludant
aucun sujet : religion, racisme,
antisémitisme, terrorisme… Particularité supplémentaire de cette
étude : elle donne la parole aux
juifs et aux musulmans. La Fondation du judaïsme français, institution reconnue d’utilité publique,
qui œuvre au rayonnement de la
culture juive, a tout d’abord commandé une étude sur la « perception et les attentes de la population
juive », puis a décidé de l’étendre
aux musulmans de France…
Mais comment interroger des
juifs ou des musulmans dans un
pays qui refuse de découper sa
population en catégories ethnicoreligieuses ? « Il n’existe aucune
définition parfaite de qui est juif
ou musulman et de qui ne l’est
pas, tant ces groupes sociaux ne se
définissent pas uniquement par la
religion, explique Brice Teinturier
d’Ipsos. La meilleure façon de procéder est de partir de la définition
par l’interviewé lui-même, quels que
soient les critères qu’il mobilise pour
cela : religieux, culturels, familiaux…
C’est ce que nous avons fait et c’est
ce qui permet d’obtenir l’échantillon
le plus représentatif, le moins biaisé
et qui reste très significatif même
sur une base réduite. »
Les premiers entretiens ont
débuté en juillet 2014 et se sont
achevés en juin 2015. Avant et
après la tuerie de Charlie Hebdo
et de l’Hyper Cacher (lire note
technique). « Ce n’est pas un coup
médiatique, renchérit Ariel Goldmann, le président de la Fondation
du judaïsme français, nous pourrions mettre en place un baromètre.
Notre enquête ne prend pas en
compte les effets des attentats du
13 novembre. Quels en ont été les
effets ? Des rangs resserrés ? Une
défiance accrue ? »
DES PRÉJUGÉS TENACES
Pour chacune des propositions suivantes, dites si elle
correspond tout à fait, plutôt, plutôt pas ou pas du tout à
ce que vous pensez.
(Réponses exprimées en %)
66
pensent que dans la vie on
% ...
ne peut pas faire confiance
à la plupart des gens
54
estiment que l’immigration
% ...
n’est pas une source
d’enrichissement pour la France
53
estiment qu’on en fait plus
% ...
pour aider les immigrés
que pour aider les Français
49
considèrent que les chômeurs
% ...
ne font pas de réels efforts
pour trouver un travail
39 %
30 %
... considèrent que la pauvreté
n’est pas la principale cause
d’insécurité, c’est l’immigration...
... considèrent qu’une réaction
raciste peut se justifier
Vous même, au cours de l’année,
avez-vous personnellement rencontré
des problèmes (insultes, agressions...)
avec une ou plusieurs personnes
issues des groupes suivants ?
Des personnes
d’origine maghrébine
Des Roms
29 %
26
13
Des personnes de
confession catholique
Des personnes
d’origine asiatique
8
4
2
* subsaharienne
ENQUÊTES RÉALISÉES PAR IPSOS POUR LA FONDATION DU JUDAÏSME FRANÇAIS :
- Population globale : échantillon national représentatif de 1.005 personnes, interrogé via notre panel online du 15 au 24 juillet 2014.
Méthode des quotas (sexe, âge, profession de la personne de référence au sein du ménage, région et catégorie d’agglomération).
- Répondants juifs. Phase qualitative : 45 entretiens semi-directifs approfondis en Île-de-France, à Toulouse et Strasbourg.
Phase quantitative : il n’existe pas de définition satisfaisante de qui est juif et qui ne l’est pas. Il n’existe pas non plus de statistiques permettant
d’appliquer des quotas. La méthode utilisée a été celle de l’autodéfinition par les personnes elles-mêmes. Est juif celui ou celle qui se considère
comme tel. À partir de plusieurs dizaines de milliers de panélistes interrogés, on a ainsi pu extraire un échantillon de 313 personnes se déclarant
comme juif ou juive, auquel le questionnaire a été administré du 24 février au 8 juin 2015. Cette méthode a l’avantage de limiter les biais que l’on
rencontre lors de recrutement « dans la rue » ou à proximité de lieux de culte.
- Répondants musulmans : pour les mêmes raisons, il a été procédé exactement de la même façon que pour les répondants juifs. Un échantillon
de 500 personnes se déclarant musulmans ou musulmanes extrait de notre panel online a ainsi été interrogé du 24 février au 9 mars 2015.
b La MéfianCe généraLe…
aux musulmans, 41 % d’entre eux
Les résultats révèlent une
disent avoir essuyé personnelleFrance de la méfiance, qui dans sa
ment des remarques ou des insultes.
grande majorité n’a pas confiance
Des résultats vertigineux.
en son avenir (61 %) et encore
b Le ChoC des reLigions…
moins en l’autre. Ils sont 66 % à
penser qu’« on ne peut pas faire
49 % des Français interrogés
confiance à la plupart des gens » et
par Ipsos pensent que « les catho54 % que « l’immiliques représentent moins de la
gration n’est pas
une source d’enri- Depuis le début
moitié de la popuchissement ». Un des années 2000,
lation » mais que
tiers des Français
« les musulmans
pèsent pour plus
considère qu’« une l’époque « des
situation raciste cousins » est révolue de 20 % et les juifs
peut se justifier ».
pour 10 %. Les
Un juif sur dix dit
études sur le sujet,
avoir été personnellement victime
notamment celles de l’Institut nad’une agression physique. Quant
tional d’études démographiques
Les musulmans victimes de rejet
« QU’EST-CE QU’ON A FAIT AU BON DIEU ? »
Les états d’âme des Verneuil, Christian Clavier
et Chantal Lauby, un couple de provinciaux
anéanti par le mariage de leurs quatre filles
avec un juif, un musulman, un Asiatique et un
Noir, ont fait rire la France entière. Ipsos a posé
la question : « Si votre fils ou fille épousait… »
Les Français se révèlent plus ouverts que les
Verneuil. Ils réagiraient majoritairement bien
dans la plupart des situations : 87 % ne trouveraient donc rien à redire à un mariage avec
un athée, 80 % avec un Asiatique, 71 % avec un
juif, 66 % avec un Noir et 53 % avec un homme
d’origine maghrébine.
En revanche, ils prendraient mal les
mariages de leurs fils (52 %) et de leurs filles
(56 %) avec un(e) musulman(e). Une hiérarchie
qui traduit la confusion, dans l’esprit des Français, entre islam et fondamentalisme. Les juifs
et les musulmans ont été soumis aux même
questions. Plus attachés à la religion, ils apparaissent moins enclins aux mariages mixtes.
Pour les juifs, la « pire » configuration serait le
mariage d’un enfant avec un musulman (77 %
réagiraient mal), et, pour ces derniers, ce serait
l’union avec une personne de même sexe (74 %).
Les musulmans et les juifs placent rétrospec-
tivement au sommet de leurs préoccupations
« le racisme et le terrorisme » et « l’antisémitisme et le terrorisme » quand la population
globale répond le chômage. Au passage, les
musulmans expriment une difficulté à vivre
leur religion en France. Or le sondage d’Ipsos
montre une véritable intolérance vis-à-vis des
religions et de l’islam en particulier. Moins de
30 % des Français pensent que les personnes
de confession musulmane sont bien intégrées…
Le simple voile qui laisse apparaître le visage
suscite l’agacement ou le rejet d’un Français sur
deux. Ils sont 30 % à être également hostiles au
port de la kippa. Si 53 % d’entre eux approuvent
la construction de mosquées, ils sont franchement opposés aux menus spécifiques (63 %),
aux dérogations d’absence pour cause de fêtes
religieuses (71 %)…
Dans leur grande majorité, les musulmans,
comme le reste de la population française,
rejettent sans ambiguïté l’État islamique (78 %)
et condamnent les départs en Syrie (77 %).
Les 16 % qui refusent de se prononcer sur
Daech et les 10 % qui déclarent « comprendre les
candidats au voyage en Syrie », par la terreur et
l’incompréhension qu’ils inspirent, occupent le
devant de la scène et l’imaginaire collectif. M.-C.t.
91 %
90
... sont très soudés entre eux
56
... ont beaucoup de pouvoir
Des personnes
d’origine africaine*
Des personnes de
confession juive
Répondants population globale
Répondants musulmans
Oui
27
Des personnes de
confession musulmane
Voici un certain nombre d’opinions que l’on entend
parfois à propos des juifs. Pour chacune d’entre elles,
pensez-vous qu’elle est tout à fait vraie ? Les juifs...
... sont globalement
plus riches que la moyenne
des Français
56
66
53
62
... sont plus attachés
à Israël qu’à la France
41
... sont un peu trop présents
dans les médias
... sont souvent plus
intelligents que la moyenne
25
26
... ne sont pas vraiment des
Français comme les autres
24
29
13
18
Il y a un peu trop de juifs
en France
31%
Pour
de la population globale,
5 à 8 de ces préjugés
sont vrais
(Ined), tendraient à montrer que
ces deux communautés seraient en
réalité entre trois et six millions,
soit moins de 10 % de la population.
Si une majorité de Français concèdent qu’en France, les différentes
religions « coexistent plutôt bien »,
plus d’un sur quatre ne voit pas
« l’intégrisme religieux » comme
un phénomène marginal. Pis, 23 %
des personnes interrogées confient
avoir assisté, au cours de l’année,
à des agressions contre des personnes en raison de leur religion…
b L’antiséMitisMe
en progression…
L’étude de la Fondation du
judaïsme montre que les juifs sont
74
67
51%
Pour
des répondants musulmans,
5 à 8 de ces préjugés
sont vrais
à la fois considérés comme « des
Français comme les autres », plutôt
« bien intégrés » (90 %). Pourtant,
six Français sur dix prêtent aux juifs
« une part de responsabilité dans
l’antisémitisme ». Pour la grande
majorité des sondés (42 %), cette
part est certes « minime », mais on
constate que ces derniers adhérent
majoritairement à la plupart des stéréotypes antisémites. Plus de 40 %
des ouvriers et… 32 % des cadres
prennent pour acquis au moins
cinq de ces préjugés. Ce bruit de
fond « antisémite » n’est pas nouveau mais il se révèle résistant et
particulièrement répandu dans la
population de culture musulmane.
Fruit d’un étrange mélange, entre
LE MARIAGE MIXTE ACCEPTÉ
Personnellement, comment réagiriez-vous si vous étiez confronté aux situations suivantes ?
Répondants population globale
Si votre fils épousait une catholique
Si votre fille épousait un catholique
Si votre fils épousait une athée
Si votre fille épousait un athée
Si votre fils épousait une femme asiatique
Si votre fille épousait un homme asiatique
Si votre fils épousait une juive
Si votre fille épousait un juif
Si votre fils épousait une Noire
Si votre fille épousait un Noir
Si votre fils épousait une personne du même sexe
Si votre fille épousait une personne du même sexe
Si votre fils épousait une femme d’origine maghrébine
Si votre fille épousait un homme d’origine maghrébine
Si votre fils épousait une musulmane
Si votre fille épousait un musulman
Bien
93 %
92
87
87
81
80
72
71
67
66
55
57
55
53
48
44
Mal
7%
8
13
13
19
20
28
29
33
34
45
43
45
47
52
56
société | 15 *
jdd | 31 janvier 2016
France
principaux résultats de ce sondage sur la façon dont se perçoivent et sont perçues les communautés juive et musulmane en France
Me Ariel Goldmann, président de la Fondation
du judaïsme français
IntervIew
MarIE-ChrIStInE tabEt
avec un tel sondage,
ne redoutez-vous pas
de jeter de l’huile
sur un feu déjà ardent ?
B. Bisson pour le JDD
« Nous voulons lancer
un cri d’alarme »
Je dois avouer que nous
avons attendu et même hésité avant de le rendre public. Nous voulions éviter
que ses conclusions ne soient détournées à des fins politiques pendant la
campagne des élections régionales.
Mais les réactions à l’agression d’un
enseignant juif à Marseille ont été
un détonateur. Lorsqu’un responsable juif enjoint les juifs à ne plus
porter la kippa dans la rue, c’est que
la situation est très grave. Au lieu de
le blâmer, il faut comprendre ce qui
se passe et cette étude le montre…
Le 8 janvier 2015, au lendemain de l’attentat contre « Charlie Hebdo », un rassemblement silencieux rend hommage aux victimes,
place de la République, à Paris. lionel preAu/reservoir photo
concurrence communautaire, sentiment de proximité culturelle et de
détestation d’Israël…
« Je constate avec regret que l’antisémitisme ne fait pas que s’étendre
dans la communauté musulmane,
analyse Boualem Sansal, l’auteur de
2084, la fin du monde, il se fait âpre.
Il se construit, se radicalise en même
temps que l’islamisme se développe
et se radicalise lui-même. » Pour
l’écrivain algérien, « l’antisémitisme,
qui, jusque-là se tenait un peu dans
le vague, se donne, chez des jeunes en
rupture avec la culture et l’identité
françaises, de plus en plus d’images
précises sur lesquelles prospère tout
un discours d’exécration : le Crif, la
Licra, des personnalités juives ou sup-
posées telles, et même des synagogues.
Il se donne aussi des héros connus
pour leur position antisioniste, antiIsraël, et supposés viscéralement antisémites – Dieudonné, Soral, Houria
Bouteldja… ».
L’époque des « cousins » est révolue. « Le point de rupture se situe au
début des années 2000, décrypte Bernard Godard, spécialiste de la question musulmane en France, il date
de la deuxième Intifada. Auparavant,
il y avait une volonté des deux communautés de se rapprocher. Quant à
savoir si l’islam est antisémite, c’est
une question très complexe. Le Coran
contient des textes clairement antisémites et d’autres, au contraire, très
respectueux. Les prédicateurs actuels
LE TERRORISME
L’ ANTISÉMITISME
Diriez-vous que vous avez une bonne ou une
mauvaise image de l’État islamique, de Daech ?
Répondants musulmans
Avez-vous le sentiment que depuis ces cinq dernières années
l’antisémitisme en France...
Répondants juifs
Très bonne image Assez bonne image
1%
... a beaucoup diminué
1%
Assez mauvaise image
Je ne le connais
pas assez pour
me prononcer
ont tendance à islamiser l’antisémitisme à leur profit… »
Le sondage met en exergue cette
ambiguïté. 90 % des musulmans
estiment partager « beaucoup de
choses en commun » avec les juifs.
Ils sont 71 % à affirmer vouloir « faire
changer d’avis » une personne qui
« tiendraient » des propos « violents
et répétés » contre les juifs. Soit une
large majorité. Mais qui n’est pas
entendue par la communauté juive.
Après les attentats de janvier 2015, si une majorité des juifs a
trouvé que les autorités musulmanes
avaient suffisamment condamné les
tueries, ils sont 61 % à avoir regretté
le manque de réaction de la population musulmane… g
1%
1%
4%
16 %
... a peu augmenté
78 %
... est resté stable
... a peu diminué
6%
25 %
Très mauvaise
image
67 %
... a beaucoup
augmenté
77 %
des musulmans ne
comprennent pas
les départs en Syrie
et y sont opposés
10 %
des musulmans ne
sont pas opposés aux
départs et considèrent
que c’est un choix
26 %
des juifs déclarent étudier
sérieusement une option
de départ vers Israël
ou ailleurs, à l’étranger
des trente années écoulées,
notamment au sein de nos
écoles, là où la tolérance
s’apprend et est mise en
pratique. Selon notre enquête, 56 % des Français,
et parmi eux 66 % des
musulmans, considèrent
comme acquis que les
juifs sont plus riches que
la moyenne… Quel échec !
Sur une communauté de 450.000 à
500.000 individus, nous comptons
près de 40.000 personnes vivant
au-dessous du seuil de pauvreté…
Est-ce rattrapable ?
Rien n’est jamais perdu. Lorsque
les hommes politiques s’engagent,
il y a un impact. Notre enquête
montre une fracture nette au
moment de l’affaire Ilan Halimi.
La communauté juive s’est sentie
Quels enseignements en tirez-vous ?
abandonnée comme lors des maniLa confirmation de ce que
festations propalestiniennes de l’été
nous percevions. Les Français tra2014 au cours desquelles on a crié
versent une crise
« Mort aux juifs ! »
de confiance qui a
En revanche, la
mobilisation des
des répercussions « Nous avons
pouvoirs publics
sur leur rapport échoué à faire
au moment de
à l’autre. Ils se
l’affaire Merah
sentent parfois reculer les
et surtout de
en minorité dans préjugés »
leur quartier, ont
l’Hyper Cacher a
l’impression que
immédiatement
leur pays recule et se replient
rassuré la communauté juive, qui
sur eux-mêmes. Cette défiance
a continué à fréquenter ses lieux
se transforme en une méfiance à
de culte et ses écoles…
l’égard de l’autre avec la conviction
Plus de juifs quittent la France…
de vivre un choc des religions.
Plus de 70 % des juifs veulent
Vous risquez de creuser un peu plus
rester dans ce pays car ils estiment
à juste titre que c’est leur pays. Face
le fossé entre les communautés…
Cette étude n’est ni accusatrice, ni
à l’accumulation des agressions,
généraliste. Elle est une mesure des
des drames et des morts, les juifs
maux qui nous rongent en tant que
veulent surtout tenter autre chose !
Français. Elle est destinée à tous ceux
Nous avons constaté, après l’affaire
qui veulent combattre les préjugés.
Merah, que de nombreuses familles
Nous voulons lancer un cri d’alarme
juives quittaient Toulouse. Il n’y a
et appeler à un sursaut. L’enquête
pas de statistiques mais on constate,
est sérieuse. Elle a été réalisée sous
par exemple, que les écoles juives
le contrôle scientifique de Domienregistrent une baisse d’effectifs.
nique Schnapper, de l’École des
En Seine-Saint-Denis, il y avait,
hautes études en sciences sociales,
dans des villes comme Le Blancet de Chantal Bordes-Benayoun,
Mesnil ou Drancy, des communaudu CNRS. L’institut Ipsos a pris
tés juives florissantes qui se sont
toutes les précautions pour éviter
étiolées. Ces alyahs sont, avant tout,
les biais. Nous nous attardons sur
motivées par la peur. Parmi les 26 %
l’antisémitisme car nous sommes
qui envisagent sérieusement de
la Fondation du judaïsme français,
partir, 67 % disent vouloir quitter la
mais cette enquête va bien au-delà.
France en raison de l’accumulation
Elle montre surtout une défiance
des drames dont les juifs ont été
victimes. L’idée d’Israël s’impose
entre les juifs et les musulmans…
Lorsqu’on interroge les Français
compte tenu de la place séculaire
juifs sur leurs principaux sujets d’inet théologique de Jérusalem dans le
quiétude, ils évoquent le terrorisme
cœur des juifs. Pourtant, il ne faut
et l’intégrisme quand le reste de la
pas croire que toutes ces émigrapopulation parle chômage, insécutions se passent bien.
rité économique et intégrisme. Et les
Le Fn ne constitue pas un parti
juifs ont le sentiment que l’antisémirefuge pour les juifs...
tisme a particulièrement augmenté
La majorité des juifs de France
chez les musulmans au cours des
connait le passé xénophobe et antisécinq dernières années. Pourtant ils
mite de ce parti composé à l’origine
savent aussi qu’une large majorité
d’anciens collabos. Ses dirigeants
actuels n’ont jamais prononcé les
des musulmans souhaite bien vivre
en France avec toutes les compoparoles de son fondateur, Jean-Masantes de la société.
rie Le Pen, mais d’anciens membres
Vous mettez en cause
du GUD encadrent toujours Marine
Le Pen. Le FN essaie de faire croire à
les pouvoirs publics ?
Non, mais nous avons échoué à
un vote juif en leur faveur. C’est une
faire reculer les préjugés au cours
supercherie ! g
*
16 | société
JDD | 31 janvier 2016
Libertés
De nombreuses
associations
de défense des droits
ont hier appelé
à manifester à Paris
et en province
télex
Disneyland
Comparution
demain pour
l’homme aux pistolets
Marie Quenet
« Oui, oui, à la liberté ! Non, non,
à l’État policier ! » En scandant
des slogans de ce type, des milliers de personnes ont manifesté
hier à Paris et dans des dizaines
de villes en France – Bordeaux,
Toulouse, Lyon, Nantes… – pour
dénoncer l’état d’urgence, qui
devrait être prolongé, et le projet de déchéance de nationalité.
Dans la capitale, 5.500 personnes
selon la police, 20.000 selon les
organisateurs, ont ainsi bravé la
pluie entre la place de la République et le Palais-Royal, à l’appel
des collectifs Nous ne céderons
pas et Stop état d’urgence.
« Quelqu’un a des nouvelles
de la gauche ? »
« Nous ne voulons pas de ce
marché de dupes, sécurité contre
liberté ! », martèle Françoise
Dumont, présidente de la Ligue
des droits de l’homme. « C’est une
atteinte massive au principe de
séparation des pouvoirs puisque
l’exécutif peut prononcer seul des
L’état d’urgence mobilise
Hier, à Paris, face au Conseil d’État. ALAIN JOCARD/AFP
mesures de privation de liberté »,
s’alarme Laurence Blisson, secrétaire générale du syndicat de
la magistrature. « En trois mois,
il y a eu plus de 3.000 perquisitions administratives et à peine
cinq enquêtes antiterroristes
ouvertes. Cela montre que l’état
d’urgence est inefficace et produit
des dérives. »
Dans la foule, des pancartes
émergent parmi les parapluies :
« L’islamophobie d’État ? Stop »,
« Hollande nous trahit » ou en
encore « Quelqu’un a des nouvelles de la gauche ? » « L’état
d’urgence risque même d’être
contre-productif », estime Rémi.
« Une mesure comme la déchéance
de nationalité, qui vise les personnes d’origine étrangère, crée
une discrimination d’État qui ne
peut qu’engendrer un ressentiment envers la France. » Tandis
que Tiphaine s’inquiète : « Quand
on voit la montée du FN, il faut
faire très attention aux outils
qu’on peut laisser aux suivants… »
Les collectifs prévoient déjà une
nouvelle mobilisation, vendredi,
devant l’Assemblée nationale.
Seul incident notable, deux
militaires en civil, hors service, ont
été agressés en marge de la manifestation par un groupe d’individus
masqués et cagoulés. g
Le « bébé du double espoir »
souffle ses cinq bougies
MéDeCine Mis au monde
pour sauver sa sœur via des
cellules-souches de son cordon,
umut est désormais un bambin
sans histoire. Mais dans sa
famille, une nouvelle prouesse
médicale est tentée pour sauver
son frère…
Dans L’ain
EnvoyéE spécialE
anne-Laure barret
@AnneLaureBarret
La fièvre l’a empêché de souffler ses
cinq bougies le 26 janvier. Umut,
petit brun aux prunelles en amande,
se rattrapera bientôt. Même affaibli,
le garçonnet distribue, ce jeudi, des
sourires espiègles, se faufile sous
la table, réclame l’attention de son
aînée Asya, 7 ans, et de sa mère
Leyla, 29 ans. Il sait qu’on est venu
pour parler de lui, que l’histoire de
sa venue au monde ne ressemble à
aucune autre. « Umut, c’est-à-dire
Espoir en turc, a guéri sa sœur »,
résume sa mère. La gamine aux
beaux cheveux longs et épais sourit : « Avant, j’étais très malade. »
Une famille frappée par le sort
En 2011, le faire-part de naissance du « bébé du double espoir »
a fait la une des JT. À la baguette
magique, René Frydman, père
médical d’Amandine, premier
bébé-éprouvette français. Le célèbre obstétricien raconte avoir
simplement voulu « aider une
famille frappée par le sort ». Le
cauchemar de Leyla a commencé
quelques jours après son premier
accouchement. On lui annonce
que Mehmet, aujourd’hui âgé de
10 ans, est atteint de thalassémie,
une grave maladie génétique du
sang. Pour lutter contre cette ané-
mie sévère, il faudra le transfuser
forme un duo historique avec René
toutes les trois semaines. Le sort
Frydman. « Elle m’a portée de bout
s’acharne à nouveau trois ans plus
en bout, par ses encouragements, ses
tard : la petite fille dont elle est
coups de fil, ses SMS. »
enceinte souffre du même mal.
Cette dernière n’oubliera « ja« C’était pire pour Asya. Son taux
mais » la naissance d’Umut, « un
d’hémoglobine était encore plus
beau bébé de 3,6 kg », ni sa maman
bas. La première transfusion a été
si « courageuse ». Après l’annonce
faite en urgence. Il a fallu l’attacher
de cette prouesse médicale à l’hiver
tellement c’était douloureux », se
2011, les critiques sont tombées
souvient la mère.
drues : « Bébé objet », « bébé médiLeyla, qui a dû lâcher son travail
cament », ont raillé certains. « Quel
en usine pour s’occuper de ses enenfant n’a pas une place particulière
fants malades, commence à accepdans une famille ? » interroge la
ter l’idée qu’elle n’aura pas d’autres
sage-femme. Frydman, lui, confesse
bébés lorsqu’une pédiatre évoque
avoir eu envie de « pleurer » : « Les
la possibilité d’un double diagnosparents voulaient le meilleur pour
tic préimplantoire
leurs enfants
(DPI). Cette techmalades. » « On
nique très lourde Après l’annonce
n’a pensé qu’à
permet, après une de cette prouesse
n o s e n f a n t s,
fécondation in
quels parents ne
vitro, d’identifier un médicale à l’hiver
feraient pas le
embryon sain (DPI 2011, les critiques
maximum pour
classique) mais égaleur santé ? »,
lement compatible sont tombées drues
soupire Leyla.
avec l’aîné malade.
Sur le tapis
du salon, ce
« L’enfant peut être
jeudi, Asya
donneur pour son
dessine une chambre d’hôpital
aîné. C’est indolore puisqu’on utià deux lits. Une fillette brune,
lise les cellules-souches sanguines
avec un masque sur la bouche,
contenues dans son cordon ombilical », détaille Arnold Munnich, le
est debout au centre du dessin, le
bras accroché à une perfusion. Sa
généticien de l’hôpital Necker qui a
travaillé en tandem avec Frydman,
maman se tient derrière elle, les
à l’époque chef de service à l’hôpital
bras ouverts. Un grand soleil brille
Antoine-Béclère.
derrière la fenêtre. « Six mois après
Nombreux voyages à Paris dela naissance d’Umut, ma fille a été
puis les contreforts du Jura avec son
greffée avec le sang de son frère »,
mari, incessantes prises de sang,
poursuit la mère. Après avoir supdernières semaines de grossesse
porté l’enfermement en chambre
à l’hôtel en banlieue parisienne…
stérile, des douleurs intenses et la
Leyla assure qu’elle n’aurait jamais
perte de ses cheveux, la petite est
eu le courage de traverser cette
rentrée à la maison. « Elle est guérie
nouvelle épreuve sans le soutien de
mais il lui faut toujours une prise
Violaine Kerbrat, la sage-femme qui
de sang chaque année. » Asya, elle,
dit qu’elle n’est « plus malade ». La
preuve, elle fait de la lutte à l’école
et adore les « batailles » à la récré
avec filles et garçons.
« Cette technique a des chances
de succès très réduites »
Son frère aîné, en revanche, a
toujours une santé fragile. Après
Asya, Leyla a bien donné naissance à des jumelles, Sila et Nihal,
conçues après DPI mais aucune n’a
pu être donneuse pour Mehmet.
« À ce jour, un seul bébé du double
espoir est né en France. Cette technique très lourde a des chances de
succès très réduites, seul un embryon
sur cinq est indemne et compatible.
Et la loi interdit un second DPI tant
que des embryons congelés restent
transférables », précise Arnold
Munnich. René Frydman, lui, se
réjouit que cette première scientifique ait contribué à mettre fin à
la pénurie de sang de cordon : « Les
prélèvements sont fréquents. »
« Désormais, à chaque fois qu’un
bébé indemne est en gestation, de
manière naturelle, dans une famille
avec un enfant malade, on recherche
une éventuelle compatibilité et on
récupère le sang de cordon, confirme
Arnold Munnich. Grâce à Umut,
une culture de la greffe familiale
s’est imposée ». Mehmet, lui, devra
compter sur le donneur anonyme
trouvé dans une banque de sang
italienne. La greffe douloureuse
devrait être pratiquée en mars.
Leyla sait que les risques de rejet
sont plus élevés qu’avec un frère ou
une sœur. Pourtant, elle s’accroche
à l’espoir. « Les médecins nous ont
déjà fait un cadeau formidable.
Pourquoi pas un autre ? Dans notre
malheur, on a eu de la chance. » g
Arrêté jeudi dans un hôtel de
Disneyland Paris, l’homme
de 28 ans, en possession de deux
pistolets et d’un Coran, devrait
être jugé demain en comparution
immédiate pour transport et
détention d’armes et de
munitions. Placé en détention
provisoire jusqu’à
sa comparution, il encourt une
peine de cinq ans de prison
et de 75.000 € d’amende.
Les enquêteurs avaient vite
écarté la piste terroriste.
Jihadistes
Un francophone dans
une vidéo d’exécution
Le groupe État islamique (EI)
a mis en ligne hier une vidéo
d’exécution par balles dans
laquelle un bourreau cagoulé
profère en français des menaces
contre « les mécréants », évoque
des ennemis de l’EI « en pleine
débâcle » et les prévient de
s’attendre à quelque chose qui
leur fera oublier le 11-Septembre
« et les attentats de Paris ».
boues rouges
Manif à Marseille
Hier à Marseille, un millier
de personnes ont dénoncé
le « scandale des boues rouges ».
Fin novembre, l’industriel Alteo,
qui produit de l’alumine
à Gardanne (Bouches-du-Rhône),
a obtenu l’autorisation de
poursuivre les rejets d’effluents
en Méditerranée, dans les eaux
du parc national des Calanques.
Collège
La réforme
divise la FCPE
Si la direction nationale de
la FCPE, première fédération
des parents d’élèves, a toujours
dit qu’elle soutenait la réforme
du collège, les choses se
compliquent au niveau local. Les
FCPE des Bouches-du-Rhône et
de la Seine-Maritime ont en effet
lancé un appel contre ce projet
qui « conduira inévitablement à
une mise en concurrence déloyale
des établissements et sera source
d’inégalités entre élèves ». Il serait
déjà approuvé par une quinzaine
de FCPE départementales…
Gaz de schiste
L’État fait appel
Ségolène Royal a annoncé
hier faire appel d’une décision
prise jeudi par le tribunal
administratif de Cergy-Pontoise
(Val-d’Oise) d’annuler
l’abrogation d’un permis
de recherches de gaz de schiste
de Total dans la région de
Montélimar (Drôme).
La ministre de l’Écologie réaffirme
par ailleurs sa « détermination à
faire respecter strictement
l’interdiction de la fracturation
hydraulique ».
société | 17
jdd | 31 janvier 2016
« Il faut penser la vie
après le cancer »
Santé À la veille de la Journée
mondiale contre le cancer,
le 4 février, Martin Hirsch,
le patron des hôpitaux parisiens,
promet une meilleure prise
en charge des patients
IntervIew
anne-Laure Barret
@AnneLaureBarret
Comment mieux soigner
les malades du cancer ?
Nous cherchons à être parmi les
« meilleurs élèves » du plan cancer
national, lancé il y a exactement
deux ans par le président de la
République. L’AP-HP traite, grâce
à une offre extrêmement complète,
de nombreux patients atteints de
cancer. Premier souci, la rapidité
de prise en charge, car tout temps
perdu est aussi une perte de chances.
D’où, d’ici à la fin de l’année, la possibilité de prendre rendez-vous en
ligne, directement ou via son médecin traitant. Deuxième priorité :
penser d’emblée à la vie après le
cancer. En pratique, cela se traduit
par deux avancées majeures dès
maintenant : la garantie pour toute
femme de pouvoir bénéficier d’une
reconstruction mammaire sans reste
à charge, alors qu’une femme sur
cinq doit actuellement y renoncer
pour des raisons financières. Et
depuis janvier, autre avancée : toute
d’euros de créances. Aujourd’hui,
personne traitée par des médicanous pouvons repartir sur des
ments anticancéreux menaçant la
bases plus saines, plus confiantes,
fertilité pourra voir ses gamètes prémaintenant que ce contentieux est
servés. Cela laissera ouverte la posapuré. Les efforts ont payé.
sibilité d’avoir des enfants. Et puis,
Mais cette somme semble
nous garantissons à tous d’être pris
dérisoire quand on la rapporte
en charge dans les quarante-huit
aux 120 millions d’euros de dette
heures, toute l’année, vacances d’été
étrangère…
incluses. Notre taille est un atout
Les créances accumulées au fil
pour mieux soides années nous
gner, avec un nuont conduits à
méro unique pour « Tout le monde
changer notre pole rendez-vous. À doit avoir accès
litique : maintecela nous ajoutons
nant, les patients
une expérience de à nos hôpitaux,
qui viennent se
garde d’enfants sur sans qu’il y ait
faire soigner, sauf
un premier site
garanties autres,
pour les mamans de privilège pour
doivent payer
q u i v i e n n e n t patients fortunés »
d’avance. Nous
régulièrement à
ne reproduirons
l’hôpital pour un
plus ces montraitement.
tagnes de dettes.
Où en est le dossier de l’accueil
de patients étrangers ?
Nous avons commencé par
solder le lancinant problème de
la dette de l’Algérie et de l’Arabie
saoudite, en le mettant comme préalable à la poursuite de l’accueil
des patients adressés par les gouvernements de ces deux pays. La
dette augmentait d’année en année.
Nous avons récupéré 8 millions
allez-vous créer un hôpital pour
les étrangers, comme à Berlin ?
Absolument pas. Ce n’est pas
notre conception de la médecine.
Tout le monde doit avoir accès à nos
hôpitaux, sans qu’il y ait de privilège pour patients fortunés. Ce qui
différencie la France de nombreux
pays, c’est que l’accès aux meilleurs
médecins et aux meilleurs équipements ne dépend pas du statut
Martin Hirsch,
directeur
général
de l’AP-HP,
le 15 janvier,
dans le bureau
de la directrice
du musée
de l’hôpital
Saint-Louis.
ÉRIC BAUDET /
DIVERGENCE
POUR LE JDD
social, mais du besoin médical. C’est
une valeur pour nous intangible.
Plus d’un mois après le suicide
d’un professeur de cardiologie
à l’hôpital Georges-Pompidou,
y voyez-vous plus clair ?
Le rapport d’étape de la mission
diligentée par le doyen et moimême apporte un premier éclairage
et confirme la nécessité de repenser
la gestion des ressources humaines
médicales et la prévention des situations délicates. Ma ligne reste
fixée sur quatre principes. Un : laisser les enquêtes se déployer sans
entrave et sans influence. Penser
le contraire, c’est mal me connaître.
Deux : aider ce magnifique hôpital,
globalement si performant, à tourner définitivement la page de ces
quelques conflits qui émaillent son
histoire depuis sa création. Trois :
maintenant que la communauté a
pris conscience de la nécessité de
changements profonds, les mettre
en œuvre sur l’ensemble de l’APHP ; ainsi rétablir les conseils de
service où l’on peut s’exprimer, per-
mettre un entretien annuel pour
chaque médecin où l’on fait le point
sur ce qui va bien et moins bien,
s’assurer des compétences managériales préalablement à l’exercice
de responsabilités. Quatre : être
du côté de l’immense majorité qui
aspire à la justice et à la sérénité
et rappeler aux quelques-uns qui
l’ignorent qu’on ne s’autoproclame
pas procureur, parce qu’on aurait
des comptes à régler.
Pourquoi avez-vous tant de mal
à renégocier les 35 heures dans
les hôpitaux parisiens ?
Parce que derrière la question
des horaires, il y a la question de la
qualité de vie au travail et la conciliation d’une vie professionnelle
parmi les plus exigeantes et d’une
vie familiale, difficile en région parisienne. Nous mettons l’accent sur le
logement des personnels soignants,
aidés par la loi qui nous permet de
redonner à notre parc immobilier
sa vocation première : loger nos personnels et non pas des personnes
qui n’ont rien à y faire… g
18 | sciences
JDD | 31 janvier 2016
La réalité virtuelle pour mieux soigner le vertige
C’est Un projet expérimental appelé Ctrlstress. il est
mené sur des personnes atteintes d’acrophobie, la peur des
hauteurs : vertige sur des balcons, des ponts, en randonnée… pour elles, l’angoisse est telle qu’elle devient invalidante. pris en charge à l’hôpital de la Conception (apHm) à marseille, ces patients sont traités par la
relaxation, la gestion de leurs émotions, la thérapie cognitive… on les immerge ensuite,
grâce à un casque de réalité virtuelle, dans un
environnement « hostile ». placés à 10 m de
hauteur sur une terrasse, 50 m sur une passerelle, ils doivent alors tenter d’appliquer ce
qu’ils ont appris.
mais la nouveauté est ailleurs, sur le campus
de la faculté des sciences de luminy. là, une
soixantaine de ces phobiques, âgés de 18 à
60 ans, sont tour à tour placés dans une pièce de 27 m³ où
les murs et même le sol sont tapissés d’écrans géants. Des
images en 3D les plongent alors dans des situations
extrêmes : pont suspendu, plate-forme au-dessus d’un
canyon… « Le patient n’est plus encombré par le casque et
peut se déplacer physiquement », explique le Dr éric
malbos, psychiatre à la Conception. Des capteurs
permettent de détecter la position complète du
corps dans l’espace et d’analyser les mouvements effectués. « Si la personne croit qu’elle
est au bord d’un gouffre, elle va avoir tendance
à écarter les jambes ou à se raidir pour ne pas
a Un patient placé en situation
tomber, à se redresser, à serrer ses coudes le long du thorax,
ajoute le médecin. L’environnement virtuel est suffisamment
réaliste pour provoquer cette anxiété, condition pour qu’une
thérapie soit efficace. »
menée dans le cadre de l’institut des sciences du mouvement, une unité de recherche associant le Cnrs et aixmarseille Université, cette expérience, qui associe réalité
virtuelle et imagerie cérébrale, est une première en europe.
« L’imagerie permet de détecter les zones du cerveau les plus
sollicitées dans l’environnement virtuel et de comparer l’effet
de la thérapie sur ces zones, explique éric malbos. On traite
les patients tout en faisant de la recherche. » Histoire de démontrer aussi que la réalité virtuelle, en stimulant les mêmes
zones que la réalité, trompe nos sens. « Le monde est-il une
illusion ? C’est un vrai débat », souligne le Dr malbos.
de stress grâce à la 3D. dr
RichaRd Bellet
La voix, maîtresse des émotions
Triste, joyeux, anxieux, le son de notre voix est le signal émotionnel auquel nous sommes le plus réceptifs. Des chercheurs
de l’Ircam ont créé un outil informatique capable de modifier ce signal avec des résultats étonnants
@juliettedemey
Pourquoi sommes-nous tristes en
écoutant le Requiem de Mozart et
joyeux au son des Quatre Saisons de
Vivaldi ? Comprendre ce mécanisme,
c’est le doux rêve de Jean-Julien
Aucouturier, chercheur CNRS au
laboratoire Sciences et Technologies
de la musique et du son à l’Ircam*.
Il dirige le projet Cream (Cracking
the Emotional Code of Music),
qui cherche à mettre en évidence
ce qui, dans les signaux musicaux,
déclenche en nous des émotions.
Avec une hypothèse : si la musique
nous touche, c’est peut-être parce
qu’elle « piège » notre cerveau en
lui faisant croire qu’il s’agit d’une
voix humaine… C’est dans ce cadre
que son équipe vient de publier une
étude rafraîchissante explorant les
liens entre voix et émotions**.
Au cœur de ces recherches, la
question du « retour émotionnel ».
« Dans les années 1890, William James,
le père de la psychologie américaine,
s’interrogeait déjà : est-ce l’expression
d’une émotion ou bien l’expérience
de cette émotion qui la fait naître en
nous ? », raconte Jean-Julien Aucouturier. Il prenait l’exemple suivant :
un homme croise un ours dans la
forêt, il crie, son rythme cardiaque
s’accélère. Cette réaction de survie
lui permet d’alimenter rapidement en
sang ses muscles pour être capable de
courir. « James avait cette intuition :
ce n’est pas parce qu’on a peur qu’on
court, mais parce qu’on court qu’on
a peur ! » L’émotion découlerait du
réflexe et non l’inverse…
Un logiciel qui rend
la voix plus gaie
ou plus triste
Depuis, nombre d’études ont
montré combien notre expression
de l’émotion influe sur notre ressenti.
Ainsi, si l’on place un stylo à l’horizontale entre ses dents, les zygomatiques dessinent un sourire, renvoyant au cerveau le signal que l’on
est joyeux. Ce mécanisme de rétroaction, « nous nous sommes demandé s’il
était valable pour d’autres signaux. Or,
le son de notre voix est le signal émotionnel auquel nous prêtons le plus
attention. Il indique immédiatement
si quelqu’un doute ou est fatigué »,
poursuit le chercheur.
L’équipe du laboratoire a donc
passé six ans à développer un outil
Distance record entre
une planète et son étoile
Des astronomes ont découvert
le plus grand système planétaire
jamais observé, avec une planète
qui navigue si loin de son étoile
qu’elle met environ 900.000 ans
pour en faire le tour, selon une
étude publiée dans Monthly Notices
de la Royal Astronomical Society.
Nommée 2MASS J2126, cette
planète, dont la masse est estimée
entre 11,6 et 15 fois celle de
Jupiter, était jusqu’alors considérée
comme « flottante », sans étoile
parente. Des chercheurs lui ont en
ont finalement trouvé une, mais
éloignée d’environ 7.000 fois la
distance Terre-Soleil. Du coup,
l’orbite parcourue par cette planète
devient la plus large connue à ce
jour. L’étoile et sa planète étaient
identifiées depuis huit ans, mais le
lien entre elles n’avait jusque-là pas
été établi.
Jeu de go : l’intelligence
artificielle gagne
informatique unique à ce jour, capable
de modifier en temps réel l’émotion
d’une voix neutre***. Différents algorithmes sont employés. Pour apporter
une tonalité triste, la hauteur de la
voix est abaissée et le débit ralenti.
Pour la joie, elle est rendue plus aiguë,
filtrée et dynamique. Pour l’anxiété,
elle tremblote, envoyant au cerveau le
signal d’un état instable. L’outil réussit à effectuer ces transformations
complexes en 20 millisecondes. Un
impératif : « Entre le moment où l’on
parle et celui où l’on entend sa voix
modifiée, le délai doit être inférieur à
50 millisecondes, sinon le cerveau le
perçoit et on se met à bégayer ! »
L’équipe a ensuite demandé à des
volontaires de lire un texte. Chaque
participant entendait sa voix dans un
casque audio, sans savoir que celle-ci
était manipulée pour la rendre plus
gaie, triste ou effrayée. Résultat ? En
évaluant leur état émotionnel avant et
après lecture, les chercheurs ont fait
une découverte étonnante. « D’abord,
une personne qui s’entend avec une
voix plus joyeuse que celle qu’elle produit ne perçoit pas cette modification,
même si elle est importante ! Encore
plus étonnant : cette écoute influence
son humeur, elle devient plus joyeuse. »
Non seulement nous alignons nos
émotions sur la façon dont nous nous
entendons, mais nous écoutons notre
voix pour savoir comment nous nous
sentons. « Nous faisons plus confiance
à notre voix qu’à notre ressenti intime.
C’est la première démonstration d’un
effet de rétroaction dans le domaine
auditif », s’enthousiasme Jean-Julien
Aucouturier.
Des applications
pour traiter
la dépression
Si, comme les chercheurs le pensent, ce mécanisme est à l’œuvre toute
la journée, les applications seraient
nombreuses. « Le ton de la voix des
patients en dépression est plus lent,
monocorde. Or ils l’entendent toute la
journée. Résultat, moins ils vont bien,
moins leur voix est positive, moins ils
vont bien… », résume-t-il. Pour briser
ce cercle vicieux, l’équipe, en collaboration avec l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris, pourrait expérimenter
un protocole inédit : faire écouter à ces
patients leur propre voix transformée
pour agir sur leur état. L’idée pourrait
aussi s’appliquer au traitement du
syndrome de stress post-traumatique.
« Ces patients souffrent d’une association entre un souvenir et une émotion
traumatique, qui ressurgit au moindre
stimulus. En s’entendant raconter cet
épisode désagréable avec un ton dénué
d’anxiété, on pourrait peut-être parvenir à affaiblir ces troubles. » g
* STmS (CNRS/Ircam/uPmC).
** Publiée dans PNAS, collaboration STmS
avec les universités de Bourgogne (Dijon),
de lund (Suède), de Tokyo et de Waseda
(Japon).
*** logiciel à télécharger sur cream.ircam.fr
b « Nous
faisons plus
confiance à
notre voix qu’à
notre ressenti
intime. C’est la
première
démonstration
d’un effet de
rétroaction dans
le domaine
auditif »,
s’enthousiasme
Jean-Julien
Aucouturier,
chercheur
à l’Ircam.
photo Bernard
Bisson pour le jdd
lejdd.fr retrouvez
en vidéo l’interview de
jean-julien aucouturier
à l’ircam
GooGledeepMind
JulIeTTe Demey
@richardbellet1
Une étUDe publiée dans la revue
britannique Nature vient de révéler
qu’AlphaGo, un programme
informatique développé par Google
DeepMind, a battu à plate couture
(sur le score de 5 à 0) le champion
d’Europe du jeu de go, un joueur
professionnel chinois installé en
France. Une victoire de l’intelligence
artificielle sur l’humaine dans un jeu
très intuitif, où chacun essaie sur un
plateau d’occuper le plus d’espace
possible en bloquant peu à peu les
pions de l’adversaire et en les
capturant. Des règles très simples
mais « le jeu le plus complexe inventé
par l’homme », selon le directeur
exécutif de DeepMind. Pour faire
face à la multitude des combinaisons
du go, les équipes de DeepMind ont
associé des méthodes d’intelligence
artificielle avancées avec des réseaux
neuronaux ayant appris 30 millions
de mouvements exécutés par des
humains. Le système a aussi
découvert de nouvelles stratégies
en disputant des millions de parties.
Il lui reste maintenant à démontrer
que les algorithmes peuvent aussi
vaincre le meilleur joueur mondial,
un Sud-Coréen de 32 ans. Le tournoi
aura lieu en mars à Séoul.
économie
jdd | 31 janvier 2016
| 19
TRANSPORTS Menacées de rupture de leur contrat, les sociétés d’autoroutes ont obtenu
d’augmenter leurs tarifs. En vue, plus de 3 milliards de travaux et 8.200 emplois annuels
Très chères autoroutes
L
SYLVIE ANDREAU
@SylvieAndreau
e 1 février est traditionnellement une
date marquée de rouge
dans le calendrier des
automobilistes. Après
un gel l’an dernier, les tarifs des
péages repartiront demain à la
hausse sur les 9.000 kilomètres
du réseau privatisé : + 1,12 % en
moyenne. Selon l’association
40 Millions d’automobilistes,
sur dix ans, le prix moyen du
kilomètre aura bondi de 16,4 %.
En échange d’un ticket plus cher,
les sept sociétés d’autoroutes,
dont Vinci, Sanef ou APRR, se
sont engagées à investir 3,27 milliards d’euros dans des dizaines
de chantiers formalisés au sein
« d’un plan de relance ». Elles y
ont gagné un allongement de la
durée de leurs concessions.
L’essentiel des travaux sera
lancé dans les trois années. Mais
déjà, bulldozers et pelleteuses ont
commencé leur ballet avec une
double promesse : plus de fluidité du trafic et du travail pour les
entreprises de travaux publics.
Le chantier le plus pharaonique
s’élèvera à 600 millions d’euros.
Pour ce montant, les 7 kilomètres
de la sortie du tunnel de Toulon
passeront sur trois voies d’ici à
2024. Le Grand Sud concentre
une demi-douzaine de ces projets à plus de 200 millions. Parmi
eux, l’élargissement de la voie pour
les derniers kilomètres avant l’Espagne, au niveau du Perthuis, ou
l’aménagement d’un échangeur
dans les Landes qui a déjà démarré.
À Grenoble, la traversée devrait
être plus fluide, grâce à des travaux
au nord de la commune. Sur l’A13,
vers la Normandie, un nouveau
viaduc à hauteur de Guerville est
déjà à l’œuvre.
er
Plus de transparence
dans les appels d’offres
Les créations d’emplois ont
été estimées par les concessionnaires à 8.200 par an, de 2016
à 2024. L’État a voulu s’assurer
que leurs propres filiales de travaux publics ne soient pas les
principales bénéficiaires de ces
marchés. Il a souhaité plus de
LES 10 PLUS GRANDS
CHANTIERS
A29
Création de bande d’arrêt d’urgence
Montant estimé : 33 M€
Calais
A13
Guerville/Création
d’un nouveau viaduc
Montant estimé : 47 M€
A10
Mise à 2x4 voies
et bifurcation
Montant estimé :
219 M€
St Quentin
Rouen
Paris
Rennes
Mulhouse
Orléans
Nantes
A36/N1019/D437
Réalisation d’un dispositif
d’échanges
Montant estimé : 120 M€
Tours
A75
Mise à 2x3 voies
Montant estimé : 170 M€
Poitiers
A10
Aménagement du terre-plein
central et mise à 2x3 voies
Montant estimé : 305 M€
Clermont-Ferrand
Bordeaux
Bayonne
A63
Mise à 2x3 voies
Montant estimé : 313 M€
Toulouse
Grenoble
Valence
Aix-en-Provence
Montpellier
Toulon
Perpignan
A9
Mise à 2x3 voies
Montant estimé : 180 M€
A48/A480
Traversée
de Grenoble
Montant estimé :
300 M€
A57
Mise à 2x3 voies de la sortie
du tunnel de Toulon
Montant estimé : 600 M€
Source : ASFA
Confiées à des opérateurs privés, 23 zones de travaux s’échelonneront d’ici à 2024 sur les autoroutes. La carte ci-dessus reprend les plus
importants sur l’ensemble du territoire. Un chantier sur quatre correspond à un montant supérieur à 200 millions d’euros. S’y ajouteront
des aménagements environnementaux et de rénovation (pour un total d’environ 300 millions) qui ne sont pas inclus dans le plan de relance.
transparence dans les appels
d’offres qui seront lancés pour
les projets de plus de 500.000 €.
Il s’est donc engagé à ce qu’une
autorité indépendante garde un
œil sur les pratiques des gestionnaires du réseau. Un geste bien
modeste pour les très nombreux
opposants qui s’étaient manifestés
lors des discussions sur la prolongation de la durée des concessions, comme le député Jean-Paul
Chanteguet (lire ci-contre). Quatre
mois d’âpres négociations entre
l’État et les sociétés d’autoroutes,
qui assurent s’être « fait tordre le
bras » mais ont finalement eu gain
de cause sur l’ensemble des points
soulevés.
Cette mission a été confiée
au gendarme du rail, l’Autorité
de régulation des activités ferroviaires et routières, l’Arafer.
Elle débute demain, même si
les concessionnaires ont obtenu
qu’elle ne mette pas son nez dans
leur politique tarifaire. « C’est un
contrôle assez modeste », reconnaît Pierre Cardo, son président.
Son rôle se bornera à vérifier la
conformité des appels d’offres ;
55 % de ces marchés ne doivent
pas être attribués à des entreprises affiliées aux concessionnaires. Elle veillera aussi à ce que
les commissions d’attribution
comportent bien des membres
indépendants… Un travail colossal au vu du nombre de chantiers
à venir. Or, l’Arafer a refait ses
calculs : pas un euro de plus ne
sera versé à son budget malgré
l’extension de ses prérogatives
aux autoroutes, mais aussi,
autre nouveauté, aux autocars.
« Autant dire que l’on va regarder passer les trains… », soupire
Pierre Cardo. g
Jean-Paul Chanteguet,
député PS*
« Des centaines
de millions
de surprofits »
Les autoroutes françaises sontelles une rente ?
L’an dernier, nous avons eu l’occasion de dénoncer les contrats et
de remettre tout à plat. L’État ne l’a
pas saisie. Je maintiens que les sociétés affichent une rentabilité nette
exceptionnelle. Leurs surprofits se
chiffrent à plusieurs centaines de
millions d’euros par an. Elles ont
même obtenu de l’État de pouvoir
augmenter les péages, en cas de modification ou de création d’impôts,
taxes ou redevances.
Vous estimez que les concessionnaires sont sortis gagnants
des dernières négociations ?
Ils ont obtenu un allongement
de la durée des concessions existantes, de deux ans à quatre ans et
deux mois. Ils vont aussi bénéficier
de l’élargissement de leur périmètre,
ce qui a été décidé dans la plus
grande discrétion. Deux tronçons
font ou vont faire l’objet de travaux
puis seront exploités par des concessionnaires sans qu’aucune mise en
concurrence n’ait été lancée.
L’État a quand même obtenu
de leur part le versement d’une
nouvelle contribution…
L’abandon de l’écotaxe représente un manque à gagner pour
l’État de 800 millions d’euros par an.
Les sociétés d’autoroutes vont effectivement verser 100 millions pendant trois ans, mais seulement 60
après. Sur cette contribution,
40 millions vont servir à indemniser
la société Ecomouv. Leurs concessions courent aujourd’hui jusqu’à
2031 pour Sanef et même 2036 pour
ASF. Les sociétés ont déjà dans leurs
tiroirs un plan pour réclamer un
nouvel allongement. Il reste 2.600
kilomètres d’autoroutes non concédées, plus 4.200 kilomètres de routes
nationales, qu’elles aimeraient bien
récupérer. RECUEILLI PAR S.A.
* Président de la commission
du développement durable à l’Assemblée.
Taxis-VTC : un nouveau front s’ouvre
CONFLIT L’accord conclu jeudi
à Matignon est déjà contesté :
à son tour, une catégorie
de chauffeurs VTC appelle
à manifester mercredi à Paris
GUILLAUME REbIèRE
La tension n’est pas près de retomber. En nommant un médiateur
et en renforçant le contrôle des
VTC (véhicules de transport avec
chauffeur), après trois heures de
difficiles négociations jeudi soir
à Matignon, Manuel Valls a temporairement éteint la colère des
taxis, qui restent circonspects sur
l’application des mesures. Pis, il
lance dans le conflit une catégorie
de VTC, qui appelle, à son tour, à
un mouvement de grève à partir de
mercredi. Une première manifestation est programmée à Paris, entre
Montparnasse et les Invalides. En
cause, une lettre envoyée vendredi par le secrétaire d’État chargé
des Transports, Alain Vidalies, à
20 plates-formes de réservation,
comme Uber ou Allocab. Dans le
viseur, les sociétés de transport
dites Loti (pour Loi d’orientation
des transports intérieurs) qui détourneraient leur usage tel qu’il est
prévu par la réglementation.
20.000 salariés concernés
La licence Loti s’applique au
transport collectif de deux à dix
personnes, pas à celui d’un parti-
culier. Elle est moins contraignante
que celle des VTC, qui devaient,
jusqu’à fin 2015, effectuer une
formation de deux cent cinquante
heures. Mais elle oblige à avoir des
chauffeurs salariés alors que le statut d’autoentrepreneur est majoritaire chez les VTC. Il est explicitement demandé par le secrétariat
d’État aux transports que les sociétés qui assurent cette activité soient
déréférencées des plates-formes de
réservation. « Elles nous assurent
60 à 70 % de notre chiffre d’affaires,
c’est notre mort assurée et des licenciements à la clé », affirme Joseph
François, le président de l’association Alternative mobilité transport
(AMT), qui regroupe un millier de
Mardi, porte Maillot,
des chauffeurs de taxi
en colère bloquent
la circulation, en faisant
brûler des pneus.
Matthieu de Martignac/
MaXPPP
chauffeurs Loti. Lui-même emploie
136 personnes en CDI ; il y aurait
environ 20.000 salariés concernés
au total selon ses estimations.
C’est AMT qui appelle à la grève
à partir de mardi. « Nous ne voulons
pas discuter avec le médiateur [le député PS Laurent Grandguillaume],
qui est un fossoyeur, s’emporte
Joseph François. Nous en appelons
au président de la République pour
ouvrir une vraie négociation. Sinon
c’est un plan social massif qui s’annonce. Le plan Valls ! » Prête à bloquer Paris s’il le faut, l’organisation
espère d’abord que le mouvement
va s’étendre à toute la corporation
Loti. Pour refondre complètement
un système qui s’enfonce dans la
crise et dans la confusion. g
20 | économiE
Réveiller
l’envie
d’entreprendre
sOnDaGe Le premier indice
entrepreneurial de l’aPCe révèle
qu’un Français sur trois est tenté
par la création d’entreprise
Pas loin de six ministres, dont
Manuel Valls, défileront au Salon
des entrepreneurs de Paris à partir de mercredi. Le président de
l’Agence pour la création d’entreprises (APCE, qui va devenir AFE,
Agence France entrepreneur, dans
quelques semaines) profitera de
la manifestation pour lancer le
premier indice entrepreneurial
français. Un instantané de l’appétence des Français pour l’entrepreneuriat que le JDD livre en
avant-première. « C’est plus qu’un
sondage sur l’envie de se mettre à
son compte. C’est un outil qui doit
servir à développer cette dynamique dans tous les territoires, y
compris les plus fragiles », explicite Dominique Restino, qui s’est
inspiré d’une initiative lancée au
Québec.
La peur de l’échec
L’indice de l’APCE croise
deux types de données : celles
qui émanent de la population
qui entreprend – ceux qui veulent
devenir leurs propres patrons et
ceux qui ont vécu cette experience – et celles des Français en
général qui pointent les craintes
qui les dissuadent. On apprend
ainsi qu’un Français sur trois de
plus de 18 ans, soit 15 millions de
personnes, est entré à un moment
donné dans cette chaîne économique. Cet écosystème compte
toujours plus d’hommes que de
femmes et attire avant tout les
actifs en milieu de carrière. Toutes
professions confondues, 68 % des
sondés définissent l’entrepreneur comme un « professionnel
autonome dans son travail ». Les
principaux freins sont la peur de
l’échec (24 %) et la complexité
administrative (17 %). Le signe
pour l’Apce qu’il faut renforcer
les mesures d’accompagnement
qui pérennisent les projets. B.B.
JDD | 31 janvier 2016
Contrats casse-tête avec l’Iran
COMMerCe La France a engrangé cette semaine une moisson d’accords avec Téhéran.
Un succès sous haute surveillance américaine
Bruna Basini
@BrunaBasini
Tapis rouge et… caviar ! Moins de
quinze jours après la levée officielle des sanctions contre l’Iran,
le 16 janvier, la visite à Paris de son
président, Hassan Rohani, a livré
toutes ses promesses. Les Iraniens
ont signé une vingtaine d’accords
avec Airbus, PSA Peugeot Citroën,
Total, Bouygues, Vinci ou encore
ADP. Les Français espèrent prendre
pied sur un marché de 80 millions
d’habitants, sevré d’infrastructures
et d’investissements par des années
d’embargo. « Le forum organisé jeudi
au Medef en présence de Manuel Valls
a connu une affluence exceptionnelle.
La dynamique est vraiment enclenchée », ponctuait Yves-Thibault de
Silguy. En septembre, le vice-président de Medef International avait
accompagné dans un tout autre climat près de 150 patrons à Téhéran.
Le plus dur reste à faire. Toutes
les sanctions applicables aux
entreprises qui veulent renouer ou
travailler avec l’Iran n’ont pas été
levées. Celles dites « primaires »
(pour activités terroristes, blanchiment d’argent et atteintes aux droits
de l’homme) sont maintenues. Elles
interdisent toujours aux Américains
de commercer avec l’Iran. Les sanctions dites « nucléaires », visant les
non-Américains, sont, elles, supprimées. Un avantage compétitif pour
les Européens ? Un blanc-seing qui
a fait dire à Hassan Rohani que la
France « n’a besoin de la permission
d’aucun autre pays » pour investir
en Iran ? Pas tout à fait.
Une sanction levée peut
en cacher une autre
Les principes directeurs publiés
par l’Ofac (Office of Foreign Assets
Control), l’agence du Trésor américain chargée de gérer les embargos commerciaux, restent un
casse-tête de 40 pages, à la portée
extraterritoriale. Premier filtre, les
listes noires américaines et européennes de personnes et sociétés
avec lesquelles il est toujours interdit
De gauche à droite et de haut en bas, la signature de contrats avec l’Iran par les entreprises Airbus, Sanofi, ADP et CMA-CGM. S. DE SAKUTIN/AFP
de faire des affaires. « On y trouve
certaines entités liées aux Gardiens
de la révolution, qui trustent près de
10 % de l’économie iranienne dans
des secteurs comme la construction,
l’ingénierie et le pétrole. Il est donc
crucial de s’associer avec des partenaires légitimes », prévient Nigel
Coulthard, qui a longtemps travaillé
en Iran et conseille aujourd’hui des
entreprises attirées par ce marché.
Autre mécanisme, encore plus
diabolique, les mesures dérogatoires
et le flou de certains concepts.
« L’Ofac tient la clé du dispositif à
travers les autorisations qu’elle peut
accorder ou pas pour commercer
avec l’Iran. Elle va devenir la tour de
contrôle de tout ce qui se fait là-bas.
C’est aussi elle qui aura le dernier
mot sur l’interprétation des notions
de “personne ou entité américaine”
ou, pire, de “personne liée aux ÉtatsUnis” », pointe l’avocat JacquesAlexandre Genet, du cabinet Archipel. « Vous devez obtenir une licence,
par exemple, si vous utilisez le dollar
dans vos échanges avec l’Iran, si les
biens, services ou technologies que
vous exportez sont d’origine américaine à plus de 10 %, si les dirigeants
ou employés qui travaillent sur ces
transactions sont américains, résidents permanents compris », détaille
Prosha Dehghani, du même cabinet.
Prudent, Fabrice Brégier, président
d’Airbus, qui vient de signer une
commande de 118 appareils, a déjà
fait savoir qu’il allait demander « une
licence américaine ».
D’autant que l’Ofac ne badine pas
avec les infractions aux embargos décidés par Washington. « C’est le corps
d’élite du Trésor américain, opaque,
endoctriné et intouchable. Il est le bras
armé de notre sécurité nationale et de
notre politique étrangère », résume un
avocat de Washington, fin connaisseur de cette institution. « C’est une
arme de guerre économique au service des intérêts américains, requalifie
Michel Makinsky, directeur géné-
ral du cabinet de conseil Ageromys,
très actif en Iran. Et la seule façon
de parer à cette mécanique, c’est que
les Européens jouent collectif dans
le cadre du forum de négociation du
traité transatlantique. »
De fait, John Smith, un pur produit maison aujourd’hui à la tête
de cette agence, conçoit sa mission
comme une croisade. « Nous continuerons à être implacables, dans
l’application de nos sanctions »,
déclarait-il en juin dernier devant
un parterre de décideurs américains. C’est l’Ofac qui fut à l’origine
de l’amende record de 8,9 milliards
de dollars contre BNP Paribas pour
violation de plusieurs embargos.
Entre 2009 et 2015, l’agence a transigé avec une vingtaine de grandes
banques, moyennant de lourdes
pénalités. Autant de rappels à l’ordre
qui traumatisent encore la communauté bancaire et la dissuadent
aujourd’hui de participer à la ruée
vers l’eldorado iranien. g
Bras de fer entre Orange et Bouygues
TÉLÉCOMs L’État conservera
une minorité de blocage dans
l’opérateur public. Bouygues
Telecom doit revoir
ses ambitions à la baisse
MaTThieu PeChBerTy
@mpechberty
Le rachat de Bouygues Telecom
par Orange connaît ses premières
embûches. Les protagonistes
assurent que les discussions « se
passent bien ». Mais elles sont
entrées dans le dur cette semaine
et prennent plus de temps que
prévu. L’annonce, d’abord fixée
au 16 février, jour des résultats
annuels d’Orange, est repoussée
d’une semaine. La date butoir du
24 février, jour des résultats de
Bouygues, est désormais visée. Du
côté de l’État, des voix s’élèvent
contre les demandes trop ambitieuses du groupe de BTP. D’abord
sur le prix de 10 milliards d’euros,
tiré à la baisse à 9,5 milliards.
Ensuite sur les ambitions de Bouygues de détenir au moins 15 % du
capital, ce qui réduirait la part de
Le mariage des deux opérateurs risque
de provoquer moins de concurrence sur
le marché. clAUDE PArIS/AP/SIPA
l’État à 19,7 % et tout juste un tiers
des droits de vote en assemblée
générale.
C’est un casus belli pour les
pouvoirs publics. « Nous voulons
conserver une minorité de blocage
grâce aux votes doubles de la loi
Florange », justifie-t-on à Bercy.
De plus, Orange estime que l’État
doit garder au moins 20 % pour
assurer le soutien des agences de
notation, qui, en deçà, pourraient
dégrader la note de l’opérateur, ce
qui pèserait sur le coût de sa dette.
Ce seuil convient à Bercy, qui disposerait alors de souplesse avec 38 %
des droits de vote en assemblée
générale et conserverait aussi trois
sièges au conseil d’administration.
La Banque publique d’investissement (BPI), qui porte des parts
de l’État, émet aussi des réserves.
« À la prochaine opération, l’État
deviendra minoritaire », reconnaîton à la BPI. « Orange a besoin de
pacifier le marché français avant
de se lancer en Europe », décrypte
un concurrent. En ligne de mire,
un rapprochement avec Telecom
Italia reste dans toutes les têtes.
« Cela veut dire que l’État est prêt
à lâcher Orange », conclut un autre.
Du coup, Bouygues récupérerait
environ 11 % d’Orange seulement.
Reste à négocier l’engagement qu’il
ne monte pas davantage. « Ça fait
partie de la négociation, reconnaît un
proche du groupe familial. Cela dépendra des valorisations… » Le PDG
de Bouygues Telecom a déjà renoncé
à diriger l’intégration chez Orange.
Olivier Roussat, qui ne participe
pas aux négociations, retournera
chez Bouygues. Certains estiment
qu’il pourrait hériter, à terme, de
la direction générale pour lancer
la succession de Martin Bouygues.
Free et SFR s’engageront
sur l’emploi
Cet équilibre fragile dépendra
aussi des montants que Free et
SFR débourseront pour racheter
des actifs de Bouygues Telecom
à Orange. SFR devrait reprendre
les abonnés mobile « low cost »
B & You et des clients avec des box
Internet pour environ 1,5 milliard
d’euros, ainsi que des fréquences
pour environ 500 millions. Free,
qui se montre toujours coriace,
dépenserait environ 2,5 milliards
d’euros pour des fréquences, des
clients mobile et Internet. Il reprendrait également, pour une somme
faible, la majorité des 550 boutiques
de Bouygues Telecom et leurs 2.500
à 3.000 salariés, ainsi que son réseau
d’antennes. Les deux opérateurs
s’engageront à une stabilité de leurs
effectifs sur trois ans.
Free sera en tout cas le grand
gagnant d’une consolidation du
marché français à trois opérateurs.
Le régulateur va durcir les conditions pour Orange, déjà leader d’un
secteur où il se renforcera. Comme
sur la fibre, où il est en position
dominante : le régulateur pourrait
l’obliger à coïnvestir avec Free et
lui ouvrir le marché. Il pourrait
aussi fixer des prix plus bas pour
les entreprises où Orange et SFR
seront en duopole. En revanche,
il pourrait empêcher Free de
poursuivre le partage du réseau
de Bouygues avec SFR. « Il se peut
qu’une grande partie du réseau de
Bouygues disparaisse petit à petit »,
pronostique un opérateur. g
économie | 21 *
jdd | 31 janvier 2016
À l’affiche
STX/MSC CRUISES
Deux nouveaux paquebots
pour Saint-Nazaire
Emmanuel Macron ne devrait
pas regretter son
déplacement, demain, à
Saint-Nazaire. Il devrait
repartir avec la promesse de
deux nouvelles commandes
de la part de MSC Croisières.
La cérémonie autour
du 13e paquebot
Le chiffre
de l’armateur, le Meraviglia,
actuellement construit par les
chantiers STX, sera l’occasion
d’une annonce très attendue.
Si un 14e paquebot est en
commande, les deux suivants,
de la même catégorie,
n’avaient pas été confirmés.
Ils seront bien construits à
Saint-Nazaire, assurant au
moins quatre ans d’activité à
STX. Le Meraviglia, lui, sera
prêt pour sa première
traversée, à l’été
2017. S.A.
450
Coulisses
C’est, en millions d’euros,
le montant de l’augmentation
de capital que préparerait
Vallourec. Le spécialiste
des tubes sans soudure pour
l’industrie pétrolière et gazière
a suspendu son cours
de Bourse vendredi, après que
l’agence Bloomberg a révélé
qu’il préparait une levée de
fonds massive. Vallourec est
valorisé 550 millions d’euros
alors que son titre a plongé
de 14 % vendredi. Avec la
chute des cours du pétrole, le
groupe a perdu 923 millions
d’euros en 2014 et sera
encore en perte en 2015. L’an
passé, 1.000 suppressions de
postes ont été annoncées en
Europe. Tandis que le pétrole
n’en finit pas de chuter ces
derniers mois, Vallourec a
annoncé qu’il réexaminerait
son plan social. M.P.
Picard contre le Fooding
Les surgelés Picard n’ont pas
froid aux yeux. Depuis le
début du mois, la marque
utilise le terme « fooding »
dans sa campagne
publicitaire pour des plats
de recettes du monde.
Un « emprunt » non
autorisé, selon Alexandre
Cammas, fondateur du
guide Fooding et dépositaire
du nom (en 2000) : « Nous
leur avons signalé le
problème mais la campagne
est toujours affichée dans
leurs 1.000 enseignes, sur
les Abribus et dans
la presse. » Picard avance
qu’« à ce stade, rien n’interdit
d’exploiter les termes “globe
fooding” », qu’il qualifie
d’anglicisme. « Nous n’avons
rien contre Picard mais nous
défendons plutôt les artisans
restaurateurs et les produits
frais », rappelle le fondateur
qui, pour empêcher toute
confusion, envisage de
porter l’affaire en justice. C.L.
L’esthétique médicale
fait sa belle
SANTÉ Au-delà des laboratoires,
des industriels comme Nestlé ou
Unilever se ruent sur un secteur
en croissance de 8,5 % cette
année
SyLvie ANDreAU
Médecins et chirurgiens ne sont
plus les seuls à se presser au premier rendez-vous mondial de l’esthétique, l’Imcas, qui se termine ce
soir à Paris. Depuis trois jours, en
marge des présentations de nouvelles techniques d’injection ou de
traitements laser, des industriels
sont venus faire leur marché. Des
grands laboratoires pharmaceutiques qui veulent leur part d’un
gâteau de 7 milliards d’euros et
crédité de 8,5 % de croissance
cette année encore. Des industriels comme Nestlé ou Unilever
qui veulent investir l’univers de
la santé. Mais aussi des groupes
chinois, conscients de l’explosion
de la demande asiatique.
En fin d’année dernière, le
rapprochement entre Pfizer et
Allergan a secoué le marché. Le
fabricant du Viagra a déboursé
160 milliards de dollars pour s’offrir l’inventeur du Botox. L’opération a rallumé des étoiles au-dessus de tous les petits laboratoires
qui développent des produits ou
des technologies de pointe. « Il
existe en Europe un très grand
nombre de petites entreprises très
innovantes, à la recherche de partenariats », reconnaît Jean-Yves
Coste, banquier d’affaires spécialisé dans le secteur. Face à la
flambée des valorisations, seuls
LeS FrANçAiSeS Ne
SoNT PLUS CLieNTeS
Notre pays est en train de
prendre du terrain dans la course
mondiale à l’augmentation de la
taille des poitrines féminines. Avec
une maigre croissance de 2 %,
deux fois inférieure à la
progression mondiale, le boom
des prothèses mammaires se
dégonfle. Le coût de l’intervention
est pourtant moins élevé en
France qu’ailleurs, ce qui affecte
le chiffre d’affaires de la pratique,
plafonné à 18 millions d’euros.
De plus, de nouvelles techniques
moins invasives se développent
pour donner du volume aux seins.
« On assiste à un recul global de
tout ce qui a trait à la chirurgie
pure », reconnaît la dernière étude
de l’Imcas. S.A.
de gros acteurs sont susceptibles
de se payer ces petis labos qui se
négocient entre six et vingt fois
leur chiffre d’affaires, des multiples que n’atteignent même pas
le luxe ou la technologie.
Bayer, GSK et plusieurs autres
ne cachent plus leurs ambitions
dans ce qu’ils appellent « la
médecine de confort ». Le britannique Sinclair, spécialiste
des fils pour remodeler le menton, s’est séparé fin 2015 de sa
partie médicaments pour créer
une entité 100 % esthétique et
donc plus sexy. « Nous pesons
50 millions d’euros mais nous
aurons bientôt l’agrément pour
notre produit aux États-Unis »,
insiste le représentant du labo
en France, candidat à un mariage.
C’est avec Nestlé que le spécialiste français de la dermatologie a topé : Galderma est passé
sous pavillon suisse même si sa
toxine botulique est toujours
fabriquée par le français Ipsen.
« Nestlé veut grandir dans le soin
de la peau. C’est cohérent avec
sa stratégie dans le bien-être »,
remarque Alexandre Brennan,
vice-président de Galderma.
L’annonce de nouveaux lasers
Nestlé a fait des émules.
Entre ses soupes Knorr et son
dentifrice Signal, Unilever aussi
veut garnir son portefeuille de
produits esthétiques comme il
l’a déjà fait en se rapprochant
du fabricant de laser Syneron.
Selon les statistiques de l’Imcas,
ce type de matériel va connaître
un nouveau boom. « Après un gros
développement il y a une dizaine
d’années, de nouveaux lasers arrivent sur le marché avec un fort potentiel thérapeutique », témoigne
le docteur Maryna Taieb, l’une
des praticiennes françaises les
plus reconnues dans l’esthétique.
Le français Vivacy, champion
du comblement de rides avec son
acide hyaluronique, a lui choisi de se tourner vers la Chine.
Il vient d’ouvrir son capital à
Bloomage, société cotée à Hongkong. D’autres asiatiques sont
à l’affût comme le géant de
l’e-commerce Alibaba, qui distribue depuis peu la marque française
de produits esthétiques Filorga, ou
Fosun, le nouveau propriétaire du
Club Med, dont la division pharmaceutique est avide d’acquisitions. On les comprend. « L’Asie
sera le premier marché de l’esthétique dans six ans », prévoit Waldemar Kita, fondateur de Vivacy. g
Devanture d’un grand magasin à Paris. VInCEnT JaRoUSSEaU | hanSLUCaS.CoM
« Star Wars »
au secours de Disney
LoiSirS « Le Réveil de la Force » a généré 1,5 milliard de dollars de revenus.
Mais le géant américain souffre du déclin de ses activités de télévision
MArie NiCoT
@marie_nicot
Les héros de Star Wars ont rempli
leur mission. Début janvier, Han
Solo et Poe Dameron ont rapporté
1,5 milliard de dollars. Ils menacent de battre le record mondial
détenu jusqu’à présent par Titanic et Avatar. D’autant que pour
la première fois, la saga de George
Lucas a fait son entrée avec succès en Chine. Rien qu’en France, le
septième opus sorti en décembre
a attiré 10 millions de spectateurs,
générant 80 millions d’euros de
recettes de billetterie. Et le film
reste diffusé dans 650 salles.
Star Wars est plus qu’une
épopée intergalactique. C’est
une marque comme l’inoxydable
Reine des neiges, Cars (Pixar) et
Spiderman (Marvel). Jeux vidéo,
livres pour enfants, produits alimentaires, vêtements, timbres,
cartables, poupées : les héros
Disney se déclinent à l’infini via
des partenariats avec Lego, Joué
club, Kiabi, ou encore Carrefour.
« À Noël, les ventes sous licence du
groupe Disney ont augmenté de
24 % par rapport à 2014, précise
Jérôme Le Grand, vice-président
de Disney France. C’est beaucoup
plus que le marché français du
jouet sous licence qui est à + 14 %.
La saga Star Wars continuera en
décembre prochain avec le nouveau
long métrage : Rogue One, consacré
à l’alliance rebelle. »
De fait, le géant de Burbank en
Californie a programmé les sorties
planétaires d’une dizaine de films
– autant qu’en 2015 – dont beaucoup réveillent des classiques : Le
Livre de la jungle, Alice au pays des
merveilles ou encore Mickey and
the roadster racers, dans lequel la
célèbre souris devient pilote de
course. Le cycle est sans fin : en
2017, Disney signera le retour de
La Belle et la Bête.
La chaîne du sport ESPN a perdu
7 millions d’abonnés
Les studios tournent à plein
régime, mais les films et les produits dérivés ne représentent
que 12 milliards de dollars sur les
52 milliards de chiffre d’affaires de
The Walt Disney Company. Près
de la moitié de l’activité est assurée par les chaînes de télévision
aux États-Unis, qui ne sont plus
les cash-machines du passé. Selon
une note de la banque Barclays que
le JDD s’est procurée, « la magie
commence à disparaître ». Ces deux
dernières années, la chaîne cablée
ESPN, spécialisée dans le sport, a
perdu 7 millions d’abonnés.
L’hémorragie devrait continuer.
La concurrence des plateformes de
streaming comme Netflix est rude.
Les jeunes générations veulent
visionner des programmes à la
demande, et non en flux continu.
ESPN dépense des fortunes très
compliquées à rentabiliser pour
diffuser les grands championnats,
notamment celui de basket, la
fameuse NBA. Selon l’analyste
Rich Greenfield (BTIG) : « ESPN
devra payer plus de 6 milliards
de dollars en droits sportifs cette
année. » Confronté à une rupture
technologique, le groupe dirigé
par Bob Iger diffuse désormais
une partie de ses contenus en
streaming.
Disney attend beaucoup de
l’ouverture de son parc d’attractions à Shanghai en juin 2016. Mais
là encore, les experts de Barclays
sont dubitatifs. Ils redoutent que
cette nouvelle destination ne
concurrence les Disneyland de
Hongkong et Tokyo, fréquentés par
les touristes chinois. Décidément,
les temps sont durs pour Mickey. g
22 | regards
Rouge vif
Anne Roumanoff
@anne_roumaoff
Lettre de
François à
Christiane
JDD | 31 janvier 2016
Ma chère Christiane,
Cinq jours déjà que tu es partie et déjà j’ai
mal à ma gauche. Pourquoi m’as-tu quitté
comme ça si brutalement ? Normalement,
avec les femmes, c’est moi qui pars le
premier. Les autres ministres, Batho,
Ayrault, Montebourg, Hamon, Filippetti, je
les avais virés sans ménagement comme on
coupe une branche morte quand on n’en a
plus l’usage. Christiane, avec toi, c’était
différent, j’étais prêt à tout pour que tu restes
jusqu’en 2017 mais tu n’es pas une femme
de compromis et tu as claqué la porte
brutalement.
Pendant ces trois années que nous avons
passées ensemble, j’ai admiré la force de tes
convictions lors du vote de la loi pour le
mariage pour tous. J’ai apprécié ton
éloquence, ton amour de la langue française,
ta dignité face aux attaques violentes dont
tu as été l’objet. Quand on est ministre de
la Justice, on vous tient curieusement pour
responsable et coupable de tous les actes
délictueux commis dans le pays. On t’a
accusée de laxisme alors que tu n’as fait
qu’appliquer les lois votées par
les précédents gouvernements.
Bien sûr, les relations étaient un peu
tendues entre nous depuis quelque temps à
cause de cette maudite loi sur la déchéance
de la nationalité mais j’espérais que nous
parviendrions à surmonter nos différends.
Tu agaçais un peu Manuel comme l’agacent
tous ceux qui ne sont pas d’accord avec lui
mais moi, je t’ai toujours soutenue. Tu étais
la caution de gauche de ce gouvernement, la
femme debout, celle qui déborde du cadre,
qui résiste. Quel ministre maintenant va ruer
dans les brancards ? Ségolène qui semble ne
plus penser qu’à poser avec des people pour
sauver la planète ? Emmanuel Macron qui
prend un malin plaisir à multiplier les sorties
provocatrices pour ensuite déclarer qu’on a
mal interprété ses propos ?
Ton tweet était élégant « Parfois résister,
c’est rester. Parfois résister, c’est partir », c’est
mieux que « je ne peux plus voir ta gueule ».
J’ai apprécié aussi, ma chère Christiane, que,
lors de ta conférence à New York, tu aies
affirmé ta loyauté à mon égard :
« Le président de la République mérite de
l’estime. » J’espère que, comme tant d’autres,
À la dérive depuis cinq jours
après avoir chaviré au large
de La Rochelle, le cargo
Modern Express n’avait
toujours pas pu être remorqué
hier dans la soirée à cause
d’une forte houle et d’une mer
déchaînée. Pendant trois
heures, des équipes de secours
ont tenté de fixer un câble pour
tracter ce cargo de 164 mètres
de long qui transporte
3 .600 tonnes de bois et des
engins de travaux. Ses
22 hommes d’équipage ont été
évacués et la situation du
navire était, hier, à peu près
stabilisée à environ 200 km
de l’embouchure de la Gironde.
MARINE NATIONALE
La photo
de la
semaine
Opinion
Sir Peter Ricketts
Ambassadeur du Royaume-Uni à Paris
« J’ai vu
une France
qui
change… »
A
près quatre années extraordinaires à Paris,
je repars à Londres avec le sentiment que
la France est parfois trop dure dans son autocritique. Sur le plan économique, vos grandes
entreprises et start-up sont reconnues à travers le
monde. À titre d’exemple, l’accord avec EDF pour
la construction de deux EPR à Hinkley Point, qui
sera, je l’espère, signé prochainement, marquera
le début de la rénovation de la totalité du parc
nucléaire britannique par des leaders français
du secteur de l’énergie.
J’ai vu aussi une France qui change, avec un
appétit plus prononcé pour la réforme. Souvent
difficile, celle-ci peut néanmoins porter ses fruits
comme ce fut le cas chez nous. En effet, la crise
de 2008-2009 nous a obligés à réformer et David
Cameron a été élu sur un mandat d’austérité qui
continue aujourd’hui. Nous avons supprimé
400.000 emplois de fonctionnaires et réduit les
déficits publics
et les impôts. Le
chômage est désormais inférieur
à ce qu’il était
avant la récession
grâce à la création
d’emplois dans le
privé. À chacun son modèle et j’ai confiance dans
le fait que la France est en train de trouver le sien.
J’admire aussi la France pour ses initiatives
sur la scène internationale. L’intervention militaire au Mali a été un véritable succès. Les forces
armées françaises et britanniques sont les seules
en Europe capables d’intervenir loin de leurs frontières. Aujourd’hui, elles sont actives ensemble en
Afrique et au Moyen-Orient. Le prochain sommet
franco-britannique va approfondir cette coopération. Suite aux attentats à Paris, la France s’est
montrée formidablement résiliente. Nous sommes
solidaires car nous sommes amis et nous savons
très bien que la même chose peut arriver chez
nous. La frégate britannique HMS St Albans soutient le groupe aéronaval français dans le golfe
arabo-persique autour du porte-avions Charlesde-Gaulle et nous avons récemment doublé le
nombre de nos avions sur la base de Chypre d’où
ils partent en mission en Irak et en Syrie. Désormais, nos deux pays frappent Daech jour et nuit,
tout en participant à la recherche d’une solution
politique en Syrie.
Beaucoup de choses ont été dites en France ces
derniers mois sur le fameux Brexit, une expression
que je n’aime pas. Car notre intention n’est pas
de quitter l’Union européenne mais de la voir se
réformer. Notamment dans quatre domaines : la
compétitivité, la gouvernance de la zone euro
afin que ceux qui n’en sont pas membres voient
leurs intérêts protégés, la flexibilité
pour mon pays de
se distancier de
l’ambition d’une
« Union toujours
plus étroite », et la
possibilité d’adapter nos systèmes d’allocations sociales, tout en
acceptant le principe de libre circulation des
travailleurs européens. Le Premier ministre est
convaincu que si l’on trouve des bonnes solutions
sur ces quatre points, il y aura une majorité dans
le référendum pour le maintien du Royaume-Uni
dans l’UE réformée au bénéfice de tous.
C’est un énorme privilège d’avoir travaillé
quatre ans à l’approfondissement de la coopération entre deux peuples qui, j’en ai la conviction,
s’apprécient profondément. g
«… avec un appétit pour la réforme
et une formidable résilience après
les attentats de Paris »
tu ne céderas pas aux sirènes d’un éditeur
parisien qui te proposera sans doute un pont
d’or pour raconter l’envers du décor.
Tu as déclaré que 2017 ne t’intéressait
pas, en voilà une bonne nouvelle ! Je suis
bien conscient que tu pourrais mobiliser
sur ta personne ces 3 ou 4 % de voix qui
pourraient m’empêcher d’accéder au second
tour. Aussi je suis prêt à te recevoir pour te
proposer des postes la hauteur de ton talent.
Hormis ton départ, la semaine a été
bonne, j’ai été accueilli comme un pacha en
Inde. Je leur ai presque vendu des Rafale,
c’est-à-dire qu’on a signé un accord mais
qu’ils n’ont pas d’argent pour les payer. Ça
change des Mistral où c’est nous qui avons
payé pour ne pas qu’on nous les achète. Nous
avons vendu 118 Airbus à l’Iran. Je sais bien
que ça n’est pas un pays irréprochable mais
j’ai tellement besoin de croissance et puis,
si on ne leur vend pas, d’autres le feront.
Ma chère Christiane, tu es partie en vélo,
rayonnante et libérée. Moi, il m’est avis
qu’entre les chauffeurs de taxi, les
agriculteurs, les frondeurs et tous les
mécontents, je n’ai pas fini de pédaler. g
Déchiffrage
Axel de Tarlé
La claque
espagnole
F
rance - Espagne : 1 - 3. Ce n’est pas
le résultat d’un match de football,
mais du match de la croissance entre nos
deux pays. Vendredi matin, la France
annonçait fièrement une croissance de
1,1 % pour 2015, « l’année de la reprise »
s’est félicité Michel Sapin, le meilleur
chiffre depuis quatre ans. Sauf que dans
la foulée, notre voisin espagnol annonçait une croissance de 3,2 %. Trois fois
mieux !
L’EsPAgnE est devenue une machine
à créer des emplois ; 651.000 emplois
en deux ans, à comparer avec 57.000
en France. Onze fois plus ! Certes, on
pourra rétorquer que le taux de chômage y est deux fois plus élevé. Oui,
mais Madrid a totalement « inversé la
courbe », pour reprendre une célèbre
expression. En trois ans, le taux de
chômage a diminué de cinq points en
Espagne, passant de 26,3 % à 20,9 %,
alors que, chez nous, on ne cesse de voir
gonfler les statistiques de Pôle emploi.
FinALEmEnt, mAdRid nous inflige une
leçon d’optimisme. En France, nous
sombrons dans le fatalisme : « On ne peut
rien contre le chômage. Nous sommes
condamnés à la croissance molle. » Les
Espagnols, eux, n’ont pas renoncé. En
2012, le gouvernement Rajoy a courageusement réformé le marché du travail,
en introduisant de la souplesse à la fois
sur les salaires et les licenciements. Bien
sûr, ces lois ont été impopulaires. Et Mariano Rajoy vient d’en payer le prix dans
les urnes. Un parcours à la « Gerhard
Schröder » qui – après avoir réformé
l’Allemagne en 2003 – a perdu les élections en 2005 face à Angela Merkel.
mAis L’Ex-PREmiER ministRE espagnol
peut se regarder dans la glace en se
disant qu’il laisse derrière lui un pays
qui repart de l’avant. Tout un symbole :
l’Espagne est devenue le deuxième pays
producteur de voitures en Europe, derrière l’Allemagne, mais devant la France,
avec 2,4 millions de voitures produites
contre 1,6 million en France. Encore
un match remporté haut la main par
l’Espagne. D’ailleurs, ils nous ont même
piqué Zidane ! Olé ! g
jdd | 31 janvier 2016
Guy Novès
Allons enfants
de l’Ovalie
Dans les veines du sélectionneur du
XV de France coule du sang bleu-blancrouge. Dans une France post-attentats,
ce fin psychologue motive ses troupes
en faisant vibrer la fibre patriotique
I
Stéphane Colineau
@StephColineau
l est 17 h 12, le 26 décembre
1994, lorsque le GIGN lance
l’assaut contre l’Airbus A300
d’Air France cloué sur le tarmac de l’aéroport de Marignane par quatre preneurs d’otages
du GIA (Groupe islamiste armé).
C’est une scène de guerre qui glace le
sang, les balles claquent en rafale. Les
terroristes sont abattus, neuf supergendarmes, treize passagers et trois
membres de l’équipage sont blessés.
Comme des millions de Français, Guy
Novès a l’œil rivé sur son téléviseur. Il
lance à son fils Vincent, alors âgé de
16 ans : « Si je n’avais pas eu le rugby,
j’aurais aimé faire partie du GIGN. »
Quand on s’enquiert du patriotisme
de son père, Vincent Novès rapporte
spontanément cette anecdote, si éclairante à ses yeux. Le nouveau sélectionneur du XV de France est homme à
défendre son pays les armes à la main.
« J’aime beaucoup mon pays, le sentiment d’appartenance, j’aime prendre
la défense des autres », confirme-t-il,
confiant compter quelques amis chers
dans les rangs policiers.
Ses proches
connaissent depuis
toujours l’épaisseur de
sa fibre patriotique. Un
atout pour celui chargé
de remettre d’aplomb
une sélection au bilan
catastrophique, et à
l’image abîmée par
une Coupe du monde
désolante. En conférence, en interview,
il invoque « l’honneur
de représenter le peuple
de France », le « combat
collectif » mené « avec le soutien de la
nation ».
Symboliquement, il n’y a pas si loin
des champs de bataille au rugby. Dans
sa bouche, les rugbymen deviennent
presque de la chair à ballon. « On ne
fait pas du canoë ou du vélo, sports
que je respecte beaucoup », insistet-il, regrettant amèrement d’avoir passé
l’âge, à 62 ans vendredi, de descendre
en personne sur le pré. « Dans ma carrière de joueur, j’ai été suspendu quatre
fois, toujours après des bagarres pour
aider des copains. Aujourd’hui encore, je
suis toujours prêt à sortir le premier de
la tranchée. C’est mon rôle. D’ailleurs,
ça me désole de demander aux gars de
se battre en les regardant depuis le haut
de la colline. Cette position me gonfle. »
Il n’est pas anodin que Guy Novès
actionne ce ressort dans une France
post-attentats. La période est à pavoiser les rues de bleu-blanc-rouge et à
faire chanter les coqs. « Comme tous
les Français, ma sensibilité s’est encore
accentuée avec ce qu’on vient de subir,
lance Novès. J’ai aimé la réaction des
Français, comme ils se sont resserrés
les uns aux autres. » Ses jeunes joueurs
ne font pas exception à la règle. Novès
s’amuse que certains d’entre eux aient
déjà repris à leur compte son discours.
« Quand on le défie, le Français se surpasse, c’est ainsi, se réjouit-il. Regardez
l’attitude de nos handballeurs, de nos
volleyeurs ou de nos basketteurs. On
est quand même le peuple qui a fait la
Révolution. »
Un patriote d’action
et de tempérament
Même si des différends ont pu
l’opposer à Novès, Jean Glavany, député PS des Hautes-Pyrénées, ancien
ministre et grand amateur de rugby,
salue la stratégie : « Faire du maillot
la base d’un patriotisme, c’est malin, et
ça me plaît. À l’école, on apprend beaucoup à respecter nos différences et c’est
bien, mais pas assez à
construire ensemble. »
Énigmatique, Guy
Novès confie que plusieurs personnalités se
sont fendues d’un coup
de fil pour encourager
ses sorties cocardières.
« Ce sont des gens que
j’apprécie beaucoup,
mais je ne donnerai
par leurs noms. Je serai
heureux d’honorer certains rendez-vous après
le Tournoi. »
Il serait tentant de
voir chez ce petit-fils de républicains
espagnols un zèle de converti, de lire
dans son amour du pays sa reconnaissance à la patrie accueillante. Ce serait
faire fausse route, assure l’intéressé. Il
n’est pas un patriote d’héritage, même
s’il se souvient avec tendresse des récits
de deux oncles maquisards. Il n’est pas
non plus un patriote de livres d’histoire, ne convoque ni Jeanne d’Arc ni
Napoléon. Il est un patriote d’action et
de tempérament, un homme d’honneur
qui épouse ses causes à la vie à la mort.
Ses joueurs le ressentent dans leur
chair, ce qui fait sa force. Novès tient
son buste droit, il a le port de tête d’un
général, le visage émacié de celui qui
ne se laisse jamais aller. « C’est parce
que son comportement est impeccable
et ses mots sincères que les joueurs
Guy Novès, vendredi à Toulouse, au Grand Hôtel de l’Opéra. Ulrich lebeUf /M.Y.O.P POUr le JDD
adhèrent », loue Jean Fabre, ancien
président du Stade Toulousain. « Si
j’ai voulu devenir un leader, c’est parce
que lui en est un grand », confie Vincent,
37 ans, devenu maire de Balma, en banlieue toulousaine, conseiller régional.
Homme fier, il n’hésite pas à inspirer la
crainte. Son ton est volontiers cassant
avec les importuns, il émane parfois de
lui une violence contenue.
« Dans ma
carrière de joueur,
j’ai été suspendu
quatre fois,
toujours après
des bagarres pour
aider des copains »
1954
Naissance
à Toulouse
(Haute-Garonne)
1975-1988
Joueur du Stade
Toulousain
et du XV de France
(1977-1979)
1989-2015
Entraîneur-manager
du Stade Toulousain
2016
Nommé
sélectionneur
du XV de France
« La plupart des jeunes
d’aujourd’hui sont fantastiques »
Vincent Novès, un « Républicain »
modéré, tendance Bruno Le Maire
plutôt qu’Éric Ciotti, flaire le piège
de la caricature. « Mon père n’est pas
un nationaliste », prévient-il. Claude
Hélias, ami de toujours et ancien
dirigeant toulousain, abonde : « Ce
qui importe à Guy, c’est la défense du
pays, de l’égalité, de la possibilité de
réussir par le travail. Il pense que la
France permet ça et il voudrait que ça
perdure. »
Fils d’un électricien et d’une secrétaire, Guy Novès a décroché un
bac scientifique et enseigné le sport.
Une de ses filles est avocate, l’autre
médecin. Il est un homme de droite,
mais ne se mêle jamais de politique,
pas même pour soutenir son fils en
campagne. Légende à Toulouse qu’il a
mené dix fois au titre de champion de
France et quatre fois à celui de champion d’Europe, il sait même s’y montrer œcuménique. Lorsque le conseil
municipal a baptisé une place à son
nom, il a précisé que sa plus grande
joie était de constater que les élus de
tous bords avaient soutenu l’initiative.
Plus jeune, à l’âge des engagements,
il n’a jamais versé dans l’excès. Son
service militaire au bataillon de Joinville ne lui a pas laissé de souvenirs
enfiévrés. Il a aimé les marches et les
séances de tir, mais il confesse avoir
porté son pyjama sous l’uniforme
au lever du drapeau, pour retourner plus vite se coucher. Joueur, ses
sept sélections en équipe de France,
alors qu’il était ailier au Stade Toulousain, ne l’ont pas davantage fait
verser dans l’outrance cocardière. « À
23 ans, j’avais la fierté de représenter
ma famille, mais pas conscience que
je représentais beaucoup plus avec ce
maillot bleu. Je ne voudrais pas que
mes jeunes joueurs commettent cette
erreur. Je veux qu’ils sachent qu’on
représente une foule que l’on ne voit
pas, qui crie, se lève, estime-t-il avec
une tolérance inattendue envers la
jeunesse. La plupart des jeunes d’aujourd’hui sont fantastiques. Ils peuvent
avoir des carences éducatives et des
comportements différents des nôtres,
mais on ne peut pas le leur reprocher.
C’est nous qui les avons construits. »
Il sera un peu plus de 15 heures,
samedi, quand la première Marseillaise
de l’ère de Guy Novès retentira sur la
pelouse du Stade de France. Elle sera
reprise par des dizaines de milliers
de spectateurs, certains d’entre eux
agiteront sans doute des drapeaux.
Pour le nouveau sélectionneur, ce ne
sera pas rien. g
24 | météo
regards
« À l’aube, je me suis levée pour regarder par la fenêtre minuscule de quel gris
était la pluie. Des rouleaux d’écume se pourchassaient sur la plage en contrebas. »
Extrait de « La Touche étoile »
Hommage à Benoîte Groult
née le 31 janvier 1920
Brest
7
13
Lille 5
11
Abbeville
7
14
Rennes
12
14
11
15
Nantes
12
14
Ensoleillé Éclaircies Nuageux Couvert
5
12
Cherbourg
Paris Nancy Strasbourg 4
Dijon
Tours
9
14
5
12
Clermont-Ferrand
Dimanche 31 janvier
Indice de confiance 5/5
11
15
9
14
Bordeaux
9
13
Besançon
6
12
Lyon
Grenoble
12
15
Biarritz
10
4
11
Toulouse
9
14
-10°/0 1°/5° 6°/10° 11°/15° 16°/20° 20°/25° 26°/30° 31°/35° 36°/40
6
12
10 Nice
18
Marseille
9 Bastia
18
9
19
Lundi 1 février
5/5
er
10
Nord 14
Sud 11
16
Mardi 2
5/5
8
Nord 12
Sud
8
14
Pluie
Orages
Neige
Les livres
de la semaine
D
ans son fameux
abécédaire de
1988, le philosophe
Gilles Deleuze estimait qu’être de gauche, c’est
percevoir d’abord l’horizon,
en déduire éventuellement
son nombril ; quand être
de droite, c’est considérer
d’abord son univers proche,
en déduire éventuellement le
lointain. Cette définition géographique pourra paraître
désuète ou manichéenne, elle
Égalité,
identité,
spiritualité
a le mérite de placer le débat
sur le plan éthique, bien loin
des vicissitudes politiques :
après tout, tel électeur de
droite pourra se découvrir philosophiquement de
gauche et inversement.
Un plaidoyer pour le retour
du clivage gauche-droite
Le dernier essai de Gilles
Finchelstein est un vigoureux
(et fort lisible) plaidoyer pour
le retour du clivage gauchedroite. Nourri par de nombreux travaux permis par
sa double activité (directeur des études chez Havas
Worldwide, directeur général
de la Fondation Jean-Jaurès),
il analyse la crise actuelle de
la démocratie, sa dangereuse
illisibilité (dans la foulée de
Pierre Rosanvallon) ; l’effacement progressif depuis 1981
de la césure gauche-droite et
son remplacement par une
opposition peuple-élites.
Un « brouillard idéologique »
expliqué par l’intensité des
mutations en cours (mondialisation, migrations, digitalisation, transitions énergétiques…).
Finchelstein s’inquiète
de la montée des populismes
(violence verbale, recherche
de boucs émissaires) mais
aussi du repli de la revendication égalitaire au profit de la
question identitaire. Gauchedroite, c’est clair, chacun a la
liberté de choisir. L’identité,
c’est plutôt « présentez vos
papiers », rien n’est plus dangereux.
L’intellectuel qui a accompagné nombre de campagnes à gauche (Jospin,
DSK, Hollande) fait des
propositions afin de refonder le couple égalité-identité. Sur l’égalité, il s’agit de
dessiner un nouvel équilibre
entre sécurité économique
et sécurité sociale, risque et
mérite ; passer de la redistribution (le pouvoir actuel
bute sur ses limites en matière d’acceptabilité fiscale)
à la prédistribution (école,
formation, santé…). Sur
l’identité, il s’agit de « trouver
un consensus républicain sur
JDD | 31 janvier 2016
l’immigration et la laïcité »
qui refuserait d’« hystériser
ces questions ». Un tel pacte
suppose que la gauche en
finisse avec sa cécité sur
l’identité et que la droite
accepte de réfléchir à de
nouvelles formes d’égalité.
Dans le climat actuel, c’est
loin d’être gagné.
Le fantôme du vieux Karl
(Marx)
Sur la difficulté qu’a la
gauche à penser les questions
identitaires et religieuses, les
choses sont peut-être en train
de bouger, Daech n’y est pas
pour rien. Jean Birnbaum, en
tout cas, a recherché les raisons de ce « silence religieux ».
Dans un essai précis et documenté, le patron du « Monde
des livres » se situe aux antipodes de ces intellectuels
néoréactionnaires pour qui
tout, de la crise économique
au terrorisme, est la faute de
la gauche. Il dresse une analyse détaillée de cette difficulté qu’a la gauche française
à penser la/les religions et le
porte-à-faux dans lequel elle
se trouve aujourd’hui sous
l’effet fameux du « retour du
refoulé ».
Birnbaum expose aussi
bien les circonstances atténuantes comme cette louable
attention de ne pas « stigmatiser l’islam » que les raisons
plus profondes : au premier
rang, le fantôme du vieux
Karl (Marx), pour qui la religion n’était pas seulement
« un opium du peuple » mais
aussi le stigmate de son aliénation. Et puis le souvenir de
la guerre d’Algérie, « non-dit
fondateur », l’immense culpabilité et la peur rétrospective
de tout néocolonialisme.
Dans cette histoire vieille
d’un demi-siècle dont l’une
des étapes cruciales fut la
révolution iranienne, l’auteur
montre comment certains
courants de gauche placèrent leurs espoirs dans ces
révoltes des opprimés (pas
seulement Michel Foucault
en 1979) avant de connaître
une cruelle désillusion. Le
constat est aujourd’hui cruel :
là où l’islamisme a triomphé, la cause des peuples,
des femmes, des minorités
a connu des revers considérables, et pourtant seul le
djihadisme incarne encore
une forme d’internationale
contestant l’existant (« Après
Marx, Allah », écrit Régis Debray). Il y a urgence à refonder l’idéal démocratique. g
Patrice traPier
Piège d’identité.
réflexions
(inquiètes) sur la
gauche, la droite
et la démocratie,
Gilles Finchelstein,
Fayard,
224 p., 17 €.
Un silence
religieux.
La gauche face
au djihadisme,
Jean Birnbaum,
Stock,
240 p., 17 €.
dimancheculture
jdd | 31 janvier 2016
| 25
Omar Sy interprète le clown Chocolat, premier artiste noir devenu célèbre à la Belle Époque,
avant de retomber dans la misère et l’oubli
« Se battre
pour être
libre de
ses choix »
I
IntervIew
STépHanie BelpêCHe
@StephBelpeche
l a gardé son sourire et sa
modestie. César du meilleur
acteur en 2012 pour Intouchables, Omar Sy incarne
aujourd’hui Chocolat (18681917), dans le film éponyme de
Roschdy Zem. Il y forme avec
James Thiérrée un duo magnifique. Rencontre avec la star, qui
partage désormais son temps et sa
carrière entre Paris et Hollywood.
duos comiques. Moi le premier, je
suis un de ses héritiers, pour avoir
joué pendant des années avec mon
complice Fred Testot. Chocolat n’a
jamais cessé de se battre pour être
libre de ses choix. Jusqu’à causer
en partie sa propre perte, car il
avait aussi des dettes de jeu. On a
voulu le mettre en cage, l’humilier,
lui faire courber l’échine. Mais sa
conscience politique s’est éveillé. À
lui tout seul, il est une révolution.
il rêvait d’interpréter Shakespeare.
et vous, un drame ?
C’est la première fois que je
m’aventure dans un registre aussi
grave, avec des costumes, des
décors, des performances scéExactement la première question que je me suis posée quand
niques, James Thiérrée… Rendre
j’ai lu le scénario ! Qui était Rafael
hommage à Chocolat m’a motivé.
Padilla ? Malgré toutes les inforIl a obtenu une plaque commémations que j’ai pu glaner, je n’ai
morative avec Footit sur la façade
toujours pas la
de l’hôtel Mandaréponse. Peut- « On m’a dit que
rin, à Paris. C’est
être a-t-il été oulà que se situait le
blié à cause de la j’étais le premier
Nouveau Cirque,
guerre ? Ce n’est artiste nOir de
où ils se produipas le cas de son
saient chaque
binôme, George la scène française soir.
Footit, qui a mar- à avOir autant
Comment
qué davantage les
avez-vous
de pOpularité.
mémoires.
travaillé
pourquoi l’existence du clown
Chocolat demeure-t-elle méconnue ?
Une des
conséquences du
racisme de
l’époque ?
un cOnstat
un peu inquiétant »
Forcément. Et
du déséquilibre entre Chocolat et
Footit : la société ne les considérait pas de la même façon, ce qui
a créé une distance entre eux. Personne n’a eu l’idée d’enquêter sur
Rafael Padilla, excepté l’historien
Gérard Noiriel, qui m’a aidé grâce
à ses recherches. J’ai été surpris
par la popularité de Chocolat, né
esclave à Cuba, qui affichait tous
les signes extérieurs de richesse,
de célébrité et d’intégration : une
automobile, une statue au musée
Grévin, un certain succès auprès
des femmes. Même les frères
Lumière l’ont filmé ! Propulsé
vedette, il s’est embourgeoisé et a
développé une addiction pour les
jeux d’argent. Sans papiers, il a été
dénoncé et jeté en prison, où il a
subi des mauvais traitements car
il se prenait au sérieux et ne savait
pas rester à sa place.
en quoi son parcours
vous touche-t-il ?
Il a imaginé avec Footit le
concept de l’auguste et du clown
blanc sur la piste, la base de tous les
votre expression
corporelle
avec James
Thiérrée ?
On s’est enfermés pendant quatre semaines pour
apprendre les numéros. James,
qui assurait la chorégraphie, les a
un peu modernisés. D’ordinaire,
je me sers plus du verbe que du
corps pour m’exprimer. Et je suis
très raide ! [Rires] Pour atteindre
ce niveau de complicité, on s’est
appréhendés dès le départ en se
touchant, même en se sentant. On a
fait connaissance avec de la sueur,
de la douleur et des tensions aussi.
Mon regard sur le cirque a changé.
Au contact de James, j’ai découvert
un monde festif et coloré, fait de
grandeur et d’exubérance.
pensez-vous que ce long métrage
a une valeur pédagogique ?
À partir du moment où il traite
de l’Histoire, oui. Et c’est important de réhabiliter Chocolat. Il a
ouvert des brèches, mais on les a
colmatées derrière lui. Joséphine
Baker lui a succédé un peu après.
À mes débuts, on m’a dit que j’étais
le premier artiste noir de la scène
française à avoir autant de popularité. Un constat un peu inquié-
Pour relancer son numéro de clown, Footit (James Thiérrée) va s’associer avec Chocolat (Omar Sy). prod
tant. Je suis une exception et je
me sens bien seul. La France va
mal pour plein de raisons. Nous
devons réparer les injustices une
à une et ouvrir les yeux.
Comme dans le film avec la pub
Banania, vous avez joué des
clichés sur les noirs à vos débuts ?
Évidemment. J’avais des
personnages avec l’accent africain
au SAV avec Fred. Ça m’amusait
parce que depuis on a inventé le
second degré.
Vous êtes une des personnalités
préférées des Français, bankable,
entre paris et los angeles.
Comment vivez-vous
votre célébrité ?
C’est vraiment cool ! Je suis touché d’être apprécié pour mon travail et ce que je suis. Je fonctionne
au présent, selon les envies et les
opportunités. À la base, je suis parti
aux États-Unis pour prendre une
année sabbatique. Puis j’ai décroché des rôles, je me suis senti
bien. La vie est surprenante, il faut
être attentif et s’adapter. Si on me
propose des franchises comme
X-Men et Jurassic Park, je me vautre
dedans, je prends du plaisir.
Comme je suis avec ma famille,
je n’ai pas forcément fait ami-ami
Chocolat iiif
De Roschdy Zem, avec Omar Sy, James
Thiérrée, Clotilde Hesme et Olivier
Gourmet. 1 h 50. Sortie mercredi.
À la fin du XIXe siècle, Rafael Padilla
joue au cannibale africain avec un
chimpanzé dans un cirque qui
sillonne les routes de France.
À l’issue d’une représentation,
le directeur d’une salle de spectacle
parisienne le recrute pour devenir
le partenaire du clown blanc
George Footit. À peine lancé, le
tandem comique fait des étincelles
et le public en redemande. Rafael,
surnommé Chocolat, devient riche
et célèbre… En retraçant le destin
avec les stars. J’ai appris l’anglais
et mes enfants, âgés de 6 à 15 ans,
plus vite que moi. En six mois,
ils étaient bilingues. Tout rentre
plus facilement, leur disque dur
est encore vide !
Comment avez-vous réagi face
aux attentats ?
Je n’étais pas à Paris pour
Charlie Hebdo. Par contre, le
13 novembre, oui. J’ai d’abord eu du
mal à le croire, puis j’ai eu peur pour
la France et nos enfants. Ensuite,
tragique du premier artiste noir de
la scène française, Roschdy Zem
parle d’une époque qui organisait
des expositions coloniales où ceux
que l’on appelait alors les
« sauvages » étaient exhibés
comme des animaux de foire au
Jardin d’Acclimatation. Mais aussi
de notre société, où le racisme, la
discrimination, la liberté et l’égalité
sont plus que jamais au cœur des
préoccupations. Le drame, très
documenté, vaut pour le numéro
de duettistes extraordinaire
exécuté par Omar Sy et James
Thiérrée, au service d’un récit
nécessaire et émouvant. S.B.
je me suis demandé pourquoi. Et
comment régler ça. Il faut préserver
ce qu’on est en train de perdre. Ça
se tiraille entre les extrémités et
on doit faire attention aux dérapages, se rappeler qu’on est heureux de vivre ensemble. Je le dis
haut et fort. On ne s’exprime en
général que lorsqu’il est presque
trop tard, dommage. Il faut continuer de vivre, d’avancer, de créer.
C’est ça être Français. Notre liberté
n’est pas atteinte, il en faudra plus. g
26 | culture | cinéma
JDD | 31 janvier 2016
On aime Passionnément iiii Beaucoup iiif Bien iiff Un peu ifff Pas du tout ffff
Danny Boyle a bien fait son Jobs
Le réalisateur de « Slumdog Millionaire» propose un biopic non consensuel et brillant
sur la personnalité complexe du fondateur d’Apple
BARBARA THéATe
David Fincher a préféré jeter
l’éponge, mais Danny Boyle, lui, a
tenu bon. Pas plus effrayé que ça à
l’idée d’écorner l’image d’une icône
planétaire. « Steve Jobs est vénéré
par des millions de gens. Certes, il a
changé le monde et notre façon de
communiquer en faisant entrer les
ordinateurs dans notre quotidien.
Mais ce n’est pas seulement un grand
homme. S’il avait une aptitude à
galvaniser ceux qui l’entouraient,
il pouvait aussi se montrer cruel et
insensible. Comme il l’avait fait avec
Mark Zuckerberg dans The Social
Network, Aaron Sorkin a eu le courage de montrer une nouvelle fois la
part sombre du génie. »
Sans jamais mettre en doute
le côté visionnaire du créateur
d’Apple, le scénariste d’À la Maison-Blanche souligne l’ambivalence
d’un homme qui a vécu le fait d’être
abandonné par sa mère non mariée
(il a été adopté par les Jobs à sa naissance) comme un drame, et dont
la carrière n’a eu qu’un seul but :
ne plus jamais perdre le contrôle.
« En parlant à sa fille Lisa Jobs et à
ses anciens collaborateurs, Aaron
Sorkin a vu un être humain qui se
croyait défectueux et qui a cherché
à concevoir des produits parfaits
qui pousseraient les gens à l’aimer,
ajout le cinéaste. Il brosse un portrait impressionniste de Steve Jobs,
en mélangeant faits réels et imaginaires autour de trois moments décisifs de sa carrière, où il retrouve les
mêmes interlocuteurs avec lesquels
il est en conflit, à quelques années
d’intervalle. Une astuce d’écriture
qui permet de montrer l’évolution
du personnage. »
DiCaprio a refusé de jouer
ce type qu’il n’aime pas
Et qui exige du metteur en scène
des trésors d’ingéniosité afin d’éviter le côté répétitif du huis clos.
Parce que Aaron Sorkin aime à
faire marcher ses protagonistes en
En sallEs
mErcrEdi
La Marcheuse iiff
De Naël Marandin, avec Qiu Lan,
Yannick Choirat. 1 h 20.
À Paris, Lin, Chinoise
clandestine, est à la fois
garde-malade d’un vieil
homme qui l’héberge, avec
sa fille de 14 ans, et
prostituée. Un jour, un voisin
marginal pénètre dans
l’appartement pour échapper
à ceux auxquels il doit de
l’argent. Lin lui propose le
mariage afin d’obtenir des
papiers. On se laisse
embarquer par ce scénario
jamais manichéen qui
déroule son histoire très
simplement. En effet,
1.300 prostituées chinoises
arpenteraient les rues de la
capitale d’après le
réalisateur, bénévole à
Médecins du monde depuis
sept ans, qui a eu envie de
montrer le quotidien de l’une
d’elles, sans sacrifier la
dramaturgie. Son regard
bienveillant débouche sur un
film efficace et sensible. D.A.
Steve Jobs (Michael Fassbender) et sa fille Lisa, à 9 ans (Ripley Sobo). Prod
Steve Jobs iiif
De Danny Boyle, avec Michael
Fassbender, Kate Winslet. 2 h.
Sortie mercredi.
Hors norme, brillant, audacieux.
Ce nouveau film sur Steve Jobs est
à la hauteur de son sujet. Plutôt
qu’un biopic hagiographique
comme le Jobs de Joshua Michael
Stern (2013), le scénariste Aaron
Sorkin choisit de suivre le
fondateur d’Apple quelques
minutes avant les lancements
de trois produits phares de sa
carrière : le Macintosh en 1984,
le NeXTcube en 1988 et l’iMac en
1998. Des moments de stress
même temps qu’ils parlent, Danny
Boyle leur fait arpenter tous les
recoins possibles des théâtres où
se déroulent les lancements des nou-
intense révélant un homme
multiple, aussi peu humain que ses
ordinateurs. Et engendrant des
joutes verbales dantesques, où le
génie visionnaire règle ses comptes
avec ses proches tout en arpentant
les couloirs. La mise en scène de
Danny Boyle se cale sur la vitesse
fulgurante du cerveau de Steve
Jobs. Face à Kate Winslet, dans
la jupe de la très compréhensive
assistante, Michael Fassbender,
caméléon et glaçant, confirme son
immense talent à incarner les
types pas franchement aimables.
On sort épuisé de ce film très
dense, mais totalement bluffé. B.T.
veaux ordinateurs : les couloirs interminables menant aux coulisses, la
scène, la fosse d’orchestre, la salle…
« Je voulais faire un film d’action où
les mots remplacent les coups de
poing. Le fait de tourner dans l’ordre
chronologique, ce qui est très rare, a
permis aux comédiens de prendre progressivement la dimension de leurs
personnages et d’évoluer en même
temps qu’eux. »
Trouver l’acteur capable de
se glisser dans le pull à col roulé
de Steve Jobs ne fut d’ailleurs pas
simple. Pressenti, Leonardo DiCa-
prio refuse de jouer un type qu’il
n’aime pas. Tom Cruise est à un
moment envisagé. C’est finalement
Michael Fassbender qui accepte de
s’y coller, même s’il ne nourrit pas
non plus une grande admiration
pour un homme qu’il connaît mal. Il
se passe en boucle tous les discours
et interviews du patron d’Apple
trouvés sur YouTube, cherchant
l’incarnation plutôt que l’imitation.
« Ils se ressemblent tous les deux : ils
ont la même intransigeance, un désir
d’excellence, une capacité à inventer dans l’instant. À la différence que
Michael ne parle mal à personne et
a, lui, beaucoup d’humour. »
Steve Jobs n’a pas eu le même
succès dans les cinémas que sur le
marché high-tech. Universal a d’ailleurs choisi de ne sortir le film que
dans un petit réseau de salles aux
États-Unis. Anticipant le fait que
les nombreux fans de la marque à la
pomme bouderaient un biopic qui
égratigne leur héros ? « Notre but
n’était pas de casser le mythe, juste
de montrer qu’il reste humain, avec
les névroses de sa trop grande intelligence. » Les nominations à l’oscar de
Michael Fassbender et Kate Winslet
pourraient bien relancer la carrière
du film. « Je n’ai aucune amertume,
dit Danny Boyle. La preuve, je n’ai
pas balancé mon iPhone ! » g
Un film français titré
à Gérardmer ?
ET SI LE grAND PrIx du festival de
gérardmer revenait cette année à un
film français ? Présenté hier matin,
Évolution, de Lucile Hadzihalilovic,
la compagne de gaspar Noé, a toutes
ses chances lors de la cérémonie
de clôture qui se déroule ce soir à
19 heures. Ce conte crépusculaire
avait déjà fait le buzz à Toronto avec
son sujet audacieux. Sur une île isolée, des femmes élèvent leurs enfants,
uniquement des garçons. Parmi
eux, Nicolas, 11 ans, est convaincu
que sa mère lui ment. Chaque soir,
elle lui fait avaler un mystérieux
médicament qui le rend malade.
Les copains de son âge reçoivent le
même traitement. L’un après l’autre,
ils sont conduits à l’hôpital, duquel
ils ne reviennent pas. Nicolas se pose
des questions… La scène d’ouverture donne le ton : la photographie
sublime d’un paysage méditerranéen
et de ses fonds sous-marins qui dissimulent l’horreur. La réalisatrice dissémine ses indices avec subtilité pour
aborder la question de la manipulation génétique et du cycle de la vie
dans une atmosphère hypnotique.
Une œuvre insolite et poétique qui
vous hantera longtemps. S.B.
lejdd.fr Chroniques et palmarès
du Festival.
La Terre
et l’Ombre iiff
De César Acevedo, avec Haimer
Leal, Hilfa Ruiz. 1 h 37.
Un vieil homme revient au
chevet de son fils sur la terre
qu’il a abandonnée des
années plus tôt. Confronté à
son ex-femme, sa belle-fille
et son petit-fils, il découvre
comment la monoculture
intensive de la canne à sucre
a défiguré son pays, la vallée
du Cauca, grenier à sucre de
la Colombie… Le premier film
de César Acevedo, Caméra
d’or à Cannes, entrelace à
petit pas plusieurs drames
inextricables, intimes et
sociaux. Agencées de façon
parfois trop hiératique sous
forme de tableaux léchés,
ses images n’en restent pas
moins prégnantes. Son
propos, mû par une saine
colère à l’encontre de ceux
qui spéculent aux dépens de
la terre et du peuple, prend
une dimension âpre mais
poignante. AL.C.
Le Temps des rêves ifff
D’Andreas Dresen, avec Merlin
Rose, Julius Nitschkoff. 1 h 57.
C’est l’histoire d’une bande
de copains pris dans les
remous de l’Histoire. Lors la
chute du mur de Berlin, des
ados de Leipzig trompent
leur ennui à la bière, au
vandalisme et à la techno.
Tiré d’un roman de Clemens
Meyer, Le Temps des rêves
dépeint une jeunesse
désenchantée mais éprise de
liberté, sans s’étendre sur les
raisons de son
déchaînement. Ici, la lumière
ne pénètre jamais et ces
gamins suscitent rarement la
sympathie. Trop de rixes avec
des néonazis, de virées dans
des voitures volées et d’excès
en tout genre. Pourtant ce
film ne manque pas de
rythme et témoigne de la
difficulté à trouver sa place
dans un monde nouveau,
pas forcément meilleur. BA.T.
cinéma | culture | 27
jdd | 31 janvier 2016
en salles
mercredi
Alvin et les Chipmunks
– À fond la caisse ifff
Une sublime
anomalie
De Walt Becker, avec Jason lee,
Kimberly William-paisley. 1 h 32.
Persuadés que leur père
adoptif va se marier, Alvin et
ses deux frères craignent
d’être abandonnés. Avec la
complicité du fils de la future
épouse, un ado trop
antipathique pour être
heureux, les trois tamias
s’échinent alors à empêcher
l’union d’avoir lieu. Dans ce
quatrième volet, les bestioles
chanteuses sillonnent les
États-Unis à un train d’enfer,
gratifiant ceux qu’elles croisent
de leur pénible voix. On sourit
parfois en dépit de gags
souvent lourds. Pour les moins
de 10 ans. Ba.t.
Mini et les voleurs
de miel iiff
Le choix neutre des physiques de Michael et Lisa, les deux héros du film, ont été inspirés
de modèles réels afin que les spectateurs s’identifient facilement aux personnages. PROD
Charlie Kaufman coréalise une
fable d’animation tragi-comique
pour adultes nominée aux Oscars
De Jannik hastrup. 1 h 15.
Stéphanie BelpêChe
PROD
À l’occasion de son retour au
village, Mini, le scarabée
rondouillard, se produit avec
ses camarades du cirque. Mais
lors du spectacle, il renverse
une acrobate qui danse sur un
fil. Par peur d’être réprimandé,
l’insecte s’enfuit dans la forêt,
où il rencontre un gang de
voleurs. Avec ses dessins
simples, ses couleurs vives et sa
musique jazzy, la suite des
Deux Moustiques véhicule des
valeurs d’honnêteté et
d’amitié. Au royaume de
l’infiniment petit, même les
méchants finissent par revenir
dans le droit chemin. Les plus
jeunes feront leur miel de ce
conte charmant. Ba.t.
Dofus – livre i :
Julith ifff
D’anthony Roux et Jean-Jacques
Denis. 1 h 47.
Joris, orphelin, vit au côté de
son tuteur dans la paisible cité
de Bonta. L’arrivée d’une
sorcière maléfique va
bouleverser leur vie. Après
le jeu de rôle en ligne, la BD et
la série télévisée, Dofus se
décline sur grand écran. Pas
de méprise, en dépit d’un style
graphique proche des
mangas, ce long métrage
d’animation destiné aux ados
est français. Dommage que
ses personnages soient trop
archétypaux et que leur
humour manque de finesse.
On pense aux japonaiseries du
Club Dorothée. Mais l’univers
Dofus à ses fans. Ici, les
qualités esthétiques restent
indéniables et le film regorge
de péripéties. Ba.t.
@StephBelpeche
Un homme et une femme. Une rencontre dans un hôtel. Une parenthèse enchantée, hors du temps.
La passion survivra-t-elle au lendemain ? À coup sûr, Claude Lelouch
va adorer Anomalisa. À partir d’une
situation sans cesse revisitée, Charlie
Kaufman et Duke Johnson signent
un long métrage d’animation d’une
folle originalité. Un outsider dans
la course aux Oscars. « On devrait
pouvoir concourir dans la catégorie
meilleur film. Au lieu de ça, on se retrouve face à Vice-Versa et à Shaun le
mouton. Nous ne nous adressons pas
vraiment au même public ! [Rires.] On
raconte une histoire pour les adultes
en employant un langage cru et une
scène de sexe très explicite. »
Ce projet atypique est né d’une
pièce de théâtre pour la radio interprétée il y a dix ans par ceux qui
reprennent leurs personnages
aujourd’hui, David Thewlis et
Jennifer Jason Leigh. Sauf que
cette fois il s’agit de stop motion,
d’animation image par image de
figurines dans des décors à leur
échelle, une technique fastidieuse
déjà employée par le studio britannique Aardman et par Tim Burton.
Un financement participatif
qui a mobilisé 6.000 donateurs
Charlie Kaufman et Duke Johnson ont gardé l’aspect brut du visage
et du corps de leurs marionnettes
manipulables. « On ne voulait pas
cacher les coutures ni la véritable nature de nos héros, Michael et Lisa, très
fragiles, indique Charlie Kaufman.
J’aime cette technique car le monde
qu’elle dépeint est en trois dimensions
et imparfait. On a choisi des physiques
communs pour que le public se projette plus facilement. » Anomalisa a
vu le jour grâce à Kickstarter, entreprise de financement participatif qui
a mobilisé 6.000 donateurs, plus
un mécène privé. Huit millions
de dollars plus tard, le film
est né. « Avec un budget aussi
restreint, nous avons travaillé
pendant trois ans avec 120 techniciens qui se relayaient en
permanence, fabriqué 150
poupées et pris environ
120.000 photos, pour un
film de 90 minutes. À raison de huit images par jour,
il fallait s’armer de patience.
Des décors inondés ou qui
s’effondraient, des bras cassés et
c’était la panique sur le plateau. »
Le syndrome de Fregoli
Charlie Kaufman se refuse à
donner la moindre interprétation
à son scénario. « Pour ne pas gâcher
l’expérience du spectateur. Après, je
voulais aborder le syndrome de Fregoli. Le sujet, frappé de paranoïa, dit
qu’il est persécuté par une personne
qui change souvent d’apparence. Une
métaphore pour évoquer l’incapacité de Michael à interagir avec les
autres. Je suis un observateur de
la nature humaine, dont j’essaie de
rendre compte de la manière la plus
honnête possible. Il ne faut pas avoir
peur d’être vulnérable. Notre temps
est compté. Un moment extraordinaire peut modifier à jamais une trajectoire et la perception du monde. » g
Anomalisa iiif
De Duke Johnson et Charlie Kaufman,
avec les voix de David thewlis,
Jennifer Jason leigh (VO). 1 h 31.
Sortie mercredi.
Michael, célèbre écrivain, part
en voyage d’affaires à Cincinnati,
loin de la morosité de sa vie, qu’il
ne supporte plus. À son arrivée, il
remarque Lisa, représentante en
pâtisserie. Coup de foudre. Chaque
minute compte… Une sublime
anomalie que ce premier long
métrage d’animation de Charlie
Kaufman, scénariste de Michel
Gondry et de Spike Jonze. Il
s’associe avec Duke Johnson pour
réaliser cette fable pour adultes
d’une acuité bouleversante sur la
solitude de l’individu. On oublie
que les rôles principaux sont tenus
par des figurines tant le film se
révèle captivant. Le tandem
raconte le miracle de la rencontre
amoureuse avec une sensibilité
rare. Mais aussi la standardisation
des hôtels et des rapports
humains, qu’il faut bousculer pour
échapper à la banalité, à l’ennui et
au désespoir. Grand prix à la
Mostra de Venise, cette œuvre
inclassable est résolument
unique. Traversées de
parenthèses surréalistes et
oniriques, sa clairvoyance et
sa mélancolie frappent
droit au cœur. S.B.
Les marionnettes
ont été modélisées grâce
à des imprimantes 3D.
28 | culture | théâtre | eXPO
JDD | 31 janvier 2016
Dernière conversation sans chichis
À 91 ans, Jean Piat partage ses souvenirs avec le public dans « Pièces d’identité », un spectacle fait de tirades
et d’anecdotes. L’ultime de sa carrière
BarBara ThéaTe
Mardi dernier, Jean Piat avait bien
envie d’utiliser sa canne pour faire
marcher les autres droit. Gêné par
les haut-parleurs des manifestants
venus clamer leur mécontentement devant le ministère de la
Santé, au coin de la rue. « Cela
arrive souvent. Pour mon grand
malheur, Mme Marisol Touraine
n’est pas très appréciée du corps
médical… Mais aujourd’hui, on
ne s’entend même plus parler ! »
Ce matin-là, cela tombe mal car
le comédien a décidé de répéter
tranquillement chez lui Pièces
d’identité, le texte de souvenirs
qu’il a écrit et qu’il jouera sur la
scène des Bouffes-Parisiens dès
aujourd’hui. « À 91 ans, il faut exercer plus que jamais sa mémoire. J’ai
de la chance : chez moi, la tête fonctionne encore plutôt bien. C’est la
mécanique qui déraille ! Mes jambes
ne répondent plus. J’ai dû gérer
toute ma vie des problèmes de dos,
mais désormais j’ai beaucoup de
mal à marcher. Alors tant qu’on le
peut encore, il faut être lucide, et
accepter de tirer le rideau. »
À 14 ans, il imite
Maurice Chevalier
Ce nouveau spectacle, Jean
Piat l’a donc conçu comme une
espèce d’adieu. Ou plutôt comme
un au revoir, « pour utiliser un
mot moins définitif ». Une dernière conversation nostalgique,
afin de prolonger celle entamée
avec le public voilà déjà soixantedouze ans, jalonnée de textes qu’il
aime, d’anecdotes sur sa vie. Il
raconte ce jour où, à 14 ans, il
monte sur la scène d’un casino
de province pour un radio-crochet et imite Maurice Chevalier ;
comment sa mère, avant de mourir
quand il n’a que 17 ans, le pousse à
entrer à la Comédie-Française afin
de rassurer son père, « puisqu’on
y était fonctionnaire ». « J’y suis
entré par la petite porte, sur audition, mais j’y ai passé vingt-cinq
merveilleuses années. »
Jean Piat prend plaisir à revenir
sur les grands rôles de sa carrière :
ce Cyrano de Bergerac dont il a
Jean Piat sur la scène des
Bouffes-Parisiens, à Paris.
MARTIN BUREAU/AFP
« mis 400 fois le nez » et qui lui
compliments de ma carrière :
a valu un soir 49 rappels ; ou le
à l’époque, c’était Dieu ! »
Robert d’Artois des Rois maudits,
Pour son dernier moment de
« pour lequel Maurice Druon cherthéâtre, Jean Piat n’a surtout rien
chait un Burt Lancaster français ».
voulu de prétentieux. À l’image de
Dans Pièces d’identité, il évoque
ce qu’il est : un comédien transles personnalités
porté sur les
planches mais
qu’il a croisées :
Sacha Guitry, le « C’est un privilège discret à la ville.
« maître », dont de pouvoir dire
« Je suis né timide
il a fréquenté
et je le suis resté.
enfant les mêmes qu’on a véCu
J’ai réussi à me
é c o l e s , « u n de sa passion »
défouler à travers
signe », et qui
des personnages,
l’invite, tout jeune comédien, à
car ils n’étaient pas moi. Pièces
découvrir ses précieuses cold’identité, c’est ma façon d’inviter
lections théâtrales. Madeleine
les gens à une petite causette, sans
Renaud, qui lui dit n’avoir jamais
chichis et entre amis. Car c’est cela,
vu un Figaro aussi franc et humain
la scène : la rencontre avec un public
que le sien. « Un des plus beaux
qui, comme disait Guitry, est un peu
notre pays. Quelle noble mission que
de chercher à l’émouvoir ou à le faire
rire ! Jouer la comédie m’a rendu
très heureux. Le hasard m’a poussé
vers le théâtre, et je l’en remercie
car j’étais fait pour ce métier. C’est
un privilège de pouvoir dire qu’on
a vécu de sa passion. »
Nous, acteurs, avons la chance
de nous amuser avec la mort
Pour autant, Jean Piat n’envisage pas de mourir sur scène.
Même s’il l’a fait très souvent et
avec une certaine délectation.
« Parce que chacun pense forcément
à sa propre fin, il y a à ce momentlà dans la salle une écoute exceptionnelle : plus personne ne tousse,
plus un fauteuil ne craque… Nous,
acteurs, avons la chance de nous
amuser avec la mort avant de la
connaître. » Aujourd’hui, le nonagénaire ne la craint pas, mais n’est
pas pressé qu’elle arrive. L’existence, il l’a toujours prise du bon
côté, en en savourant pleinement
chaque instant. Du coup, pas de
regrets, « du moins fondamental ».
Même pas le cinéma ? « J’ai commis l’erreur de croire que la télévision m’y mènerait. Je n’avais pas
compris que les gens qui m’avaient
gratuitement sur leur petit écran
n’avaient aucune envie de payer
pour me voir sur le grand ! » g
Pièces d’identité, Bouffes-Parisiens,
Paris (75002), jusqu’au 30 avril.
rés. : 01 42 96 92 42
et bouffesparisiens.com
Joe, ce robot qui ausculte vos réactions
Utilisé pour des recherches
scientifiques sur le public, cet
androïde, au cœur de l’exposition
« Persona » au Quai Branly,
est capable de sourire
ou de se renfrogner face
aux visiteurs ou aux œuvres
Marie-anne KleiBer
MUséE dU qUAI BRANly/CyRIl ZANNETTACCI
@Makleiber
Son nom : Berenson. Un clin
d’œil au critique d’art américain
Bernard Berenson, spécialiste de
la Renaissance italienne au début
du XXe siècle. Son prénom, Joe,
pour la touche sympathique. Joe
Berenson, âgé de 4 ans, a la taille
d’un adulte, porte une veste noire
sur son squelette métallique et se
déplace doucement sur des roulettes. Ce robot coiffé d’un melon
noir a l’air de s’être échappé d’une
toile surréaliste de Magritte.
L’engin est présenté depuis cette
semaine au musée du Quai Branly
à Paris, dans l’exposition « Persona, étrangement humain » (lire
l’encadré). Il devrait également
se balader dans les collections
permanentes du 17 au 27 avril
2016, comme il l’a déjà fait plusieurs fois depuis 2012, le temps
de campagnes de recherches sur
le terrain.
« Il passe cependant l’essentiel
de son temps en laboratoire de
robotique, où il est perfectionné »,
précise l’anthropologue Denis
Vidal, de l’Institut de recherche
pour le développement, qui fait
partie de l’équipe pluridisciplinaire travaillant sur ce projet
depuis 2011*. « C’est un petit
exploit en soi que ce robot puisse
se déplacer et “survive” dans un
milieu ouvert pendant plusieurs
heures. »
Berenson a été conçu d’abord
comme un premier pas vers de
futurs robots-médiateurs intervenant auprès du public dans les
musées. Doté de deux caméras
glissées dans les yeux, il enregistre
dans un premier temps les réactions – rejet ou attraction – des
visiteurs. Les résultats montrent
que les curieux s’approchent de
lui, cherchent à dénicher ses capteurs et ensuite se comportent
comme avec une personne : ils
essaient de le faire sourire, lui
disent au revoir… On nage en
plein anthropomorphisme, pour la
plus grande joie du public. « Nous
retrouvons un des thèmes abordés dans l’exposition “Persona”,
dit Denis Vidal*. On voit dans le
parcours comment les groupes de
population définissent ce qui est
humain et nonhumain ; comment
certains objets se situent à la frontière des deux et sont considérés
comme des êtres vivants, dans
certaines cultures. »
Des goûts esthétiques
en évolution
Joe a été doté, en plus, d’un
« sens esthétique artificiel » grâce
à un algorithme. Non seulement
il reconnaît des sculptures qu’il
aime et se déplace vers l’œuvre
– quand ça ne lui plaît pas, il se
renfrogne carrément et s’en va –,
mais il est également capable de
culture | 29
jdd | 31 janvier 2016
Torreton joue
les prolongations
Le comédien s’affiche dans deux
reprises, « cyrano de Bergerac »
bipolaire d’un côté, slameur de la
poésie d’allain Leprest de l’autre
aLexis caMPion
Thank You Shakespeare ! Tel est le
titre du livre de Philippe Torreton à
paraître le 24 février chez Flammarion. Il fera suite à Mémé, un portrait
de sa grand-mère, qui l’avait placé en
tête des ventes, et à Cher François, un
essai adressé au président Hollande
sous forme de supplique pour une
gauche retrouvée. Cette fois, promis,
il revient à son métier. « C’est un livre
assez court, j’y témoigne de ce que
Shakespeare m’a fait éprouver dans
mon cœur, ma chair », dit l’intéressé,
connu pour avoir incarné sur scène
Henri V, Richard III et Hamlet. « Je
voulais dire à quel point cet auteur est
plus populaire qu’on ne le pense. Tout
le monde le connaît mais le grand public hésite trop souvent, s’attendant à
tort à un théâtre compliqué. »
Crâne rasé et limite pathologique
Dans l’immédiat, ce mardi, c’est
au cœur du théâtre privé que l’ancien sociétaire du Français reprend
du service, dans un rôle qu’il habite
depuis déjà trois ans avec près de 180
représentations : Cyrano de Bergerac,
le chef-d’œuvre d’Edmond Rostand.
Créé en 2013 au Théâtre national de Bretagne, à Rennes, le spectacle surprend avec son Cyrano
crâne rasé, bipolaire à la limite
pathologique. Il a rencontré un tel
Cyrano de Bergerac iiif
avec Philippe Torreton, Maud Wyler.
Après avoir triomphé à l’Odéon et
partout en France, la mise en scène
de Dominique Pitoiset arrive à la
Porte-Saint-Martin, qui vit la
création de la pièce en 1897.
Cette fois, Edmond Rostand vole
au-dessus d’un nid de coucous.
Cyrano, couturé de partout, règne
sur une bande d’éclopés. Univers
froid de la psychiatrie ; juke-box
crachant Piaf et les Beatles ;
dialogue du balcon joué par
l’intermédiaire de Skype… Cette
actualisation ne prétend pas
décrypter certains traits de votre
visage et d’y réagir par un sourire
ou par une moue ! Dans une étape
suivante, Denis Vidal veut étudier l’influence de Joe et de ses
goûts sur le comportement des
visiteurs. Les entraînera-t-il dans
son sillage, par exemple pour partager ses coups de cœur ? Mieux,
comme il apprend en permanence,
Berenson devrait affiner son sens
de l’esthétique avec le temps. De
là à imaginer Joe en commissaire d’exposition dans quelques
années… Affaire à suivre ! g
* Un travail partagé avec le roboticien
Philippe Gaussier, de l’etis (Équipes
traitement de l’information et
systèmes), université de cergy-Pontoise.
* aux frontières de l’humain,
Denis Vidal, alma editeurs.
succès dans les salles subventionnées qu’il se permet, aujourd’hui,
une renaissance sous les auspices
du privé. Une situation peu courante « mais louable », remarque
le comédien. « Car paradoxalement, nous sommes nombreux à
nous battre pour qu’entre ces deux
mondes, les frontières n’existent plus
d’un point de vue de l’orthodoxie
artistique ! En fait, j’avais prévu de
jouer dans Othello, de Luc Bondy.
Lorsqu’il est mort, on a parlé de ma
disponibilité au directeur de la PorteSaint-Martin, qui était intéressé par
Cyrano. J’ai dit oui tout de suite. »
« Un traitement
dramaturgique fort »
Pour cette reprise, la production accueille trois nouveaux comédiens, dont Julie-Anne Roth dans
le rôle de Roxane, et prévoit de
tenir l’affiche jusqu’en avril. « Ce
qui arrive à ce Cyrano me réjouit
d’autant plus que le metteur en scène,
Dominique Pitoiset, lui offre un traitement dramaturgique fort. On ne
s’autorise pas toujours assez de telles
libertés avec les grands classiques.
Et là, malgré le parti pris clinique
de départ, la pièce est totalement
investie dans ses moindres recoins,
les passages les plus drôles, les plus
noirs et les plus secrets. »
Un plaisir que le public ne
demande qu’à partager, il en est
convaincu. « Cyrano, plus on le joue,
plus on amène des gens nouveaux
vers les théâtres. Je me souviens
revisiter les enjeux de ce sommet
romantique, elle offre une
épaisseur, une fragilité portées à
haut niveau par un époustouflant
Philippe Torreton : un corps
bedonnant en marcel et moustache
de beauf, une laideur transcendée
par la précision de la langue, une
banalité luttant contre la
tonitruance des tirades. On aime
cette humanité chancelante
débarrassée de toute
fanfaronnade. Au fond, chacun
a droit à l’élégance morale, même
au plus près de la chute.
PaTrice TraPier
Philippe
Torreton,
en Cyrano
de Bergerac,
entouré de
Bruno Ouzeau
et de Nicolas
Chupin.
Brigitte
enguerand/
divergence
qu’à l’époque de Richard III, j’avais
proposé qu’on le donne dans moins
de villes mais plus longtemps. Cela
a fonctionné : le public répondait à
l’appel. Sachant qu’à peine 5 % des
Français vont au théâtre, je me dis
qu’exploiter un spectacle, c’est beau,
ce n’est pas mercantile. »
Cela ne l’empêche pas de
nourrir des projets parallèles qui
rencontrent, eux aussi, le public,
à l’instar de ce Mec !, le spectacle
hommage qu’il a créé en 2014
avec un percussionniste, Edward
Perraud, pour faire résonner la
poésie du parolier chanteur Allain
Leprest, décédé en 2011. Joué près
de soixante fois, ce solo proche du
slam, parlé et non chanté, a fini par
faire l’objet d’un disque qui sort
ces jours-ci. « Cela a été un succès
inattendu, jusque dans les festivals
de jazz. Du coup, nous prévoyons
de repartir en tournée, envisageons
même de le jouer aux États-Unis,
indique Torreton. Lorsque l’ancien
producteur de Leprest m’a contacté
pour défendre ses textes à nu, sans
musique, j’étais épaté : il ne savait
même pas que je connaissais bien
Allain. Je l’avais découvert quand
j’étais encore lycéen à Rouen, j’avais
tout de suite été sous le choc de son
écriture puissante et accessible, à la
fois hypertravaillée et simple, caractérisée par un sens de la concision et
de l’image, assez jouissif. »
Les thèmes chers à Leprest,
comme les ivrognes et leurs chiens,
les injustices, les gens qui rament et
les fauchés, sont également chers
au comédien, connu pour revendiquer ses origines populaires et ses
engagements à gauche. « Cet univers
a la vertu de nous dire ce que sont
les petites retraites, les vies marquées
Humain mais pas trop !
Foisonnante et
étonnante, l’exposition
« Persona » mélange
œuvres d’art premier,
arts contemporain et
robotique comme ce
bébé phoque articulé à
visée thérapeutique, ou
cette poupée sexy, la
Love Doll (photo)… Très
dense, le parcours aborde
différentes notions scientifiques,
telle la tendance innée que nous
avons à l’anthropomorphisme.
Impossible de ne pas voir des
figures humaines dans des
monolithes sculptés du Mali
(IIIe au VIIe siècle), difficile
de ne pas imaginer une
poursuite entre un
triangle et un cercle dans
une vidéo (l’expérience de
Heider et Simmel datant
de 1944).
La salle de La Vallée
de l’étrange revient sur
doll Story l’idée que les robots
doivent nous ressembler, jusqu’à
un certain point au-delà duquel ils
nous mettent mal à l’aise. Humain,
mais pas trop, quand même.
Persona, étrangement humain,
jusqu’au 13 novembre 2016, musée
du Quai Branly, Paris (75015).
par l’alcool, les bistrots, les ouvriers,
les marchands ambulants ou encore
les quartiers anciens que l’on démolit
pour en faire des logements sociaux
tout neufs… Sa façon de décliner
la nostalgie, l’enfance et le mal de
vivre qui vient de là, me touche
particulièrement. » g
cyrano de Bergerac, mise en scène
de Dominique Pitoiset,
Théâtre de la Porte-saint-Martin,
Paris (75010), à partir de mardi.
réserv. : 01 42 08 00 32
et Portestmartin.com
Mec ! avec edward Perraud,
le 15 février à la cigale, Paris (75018).
réserv. : 01 49 25 89 99 et lacigale.fr
30 | culture | lire
JDD | 31 janvier 2016
Jane Deuxard et Deloupy
S’aimer, quand même
Le duo de journalistes s’est rendu
clandestinement en Iran, afin de recueillir
les faits et les rêves de la jeunesse du pays.
Un reportage dessiné
n’avait pas consommé d’alcool. Aujourd’hui, elle est passée de la peur
imer aujourd’hui en Iran.
à la haine : « Je les hais encore plus
Les journalistes étranque je n’en ai peur. » L’ex-Premier
gers ont rarement été les
ministre Mir Hossein Moussavi a
bienvenus en Iran. La
suscité une immense vague d’espoir
situation s’est aggravée
lors de la présidentielle de 2009.
depuis les manifestations qui ont
Les Iraniens étaient convaincus de
suivi la réélection à la présidence
sa victoire. L’élection de Mahmud
de Mahmud Ahmadinejad en
Ahmadinejad a enterré leurs rêves
2009. Jane Deuxard (un duo de
de changement. Les manifestations
journalistes et un couple à la ville)
de rue, pour s’insurger contre les
se rend régulièrement en Iran de
fraudes, ont été réprimées dans le
manière clandestine. Le voile et
sang. L’angoisse est sans cesse là : ils
le manteau trois-quarts sont oblisont épiés, surveillés par des yeux
gatoires, dans les espaces publics,
amis et ennemis.
pour les femmes. Les deux coscéLes patrouilles de police et
naristes se fondent dans le paysage.
les Bassidji sont partout, mais les
Ils vont à la rencontre de jeunes
deux journalistes poursuivent leur
gens Iraniens, entre 20 et 30 ans,
investigation. On rencontre Saviosh
pour converser avec eux. Comment
(20 ans). Il gagne sa vie dans un café
vit-on dans une République islachic, mais habite dans un quartier
mique ? On veut aimer, sortir, boire,
populaire. La musique autre que
rire, comme toutes
religieuse n’a pas
les jeunesses du « AvAnt, on priAit
droit de cité en
monde, mais on
Iran. Saviosh aime
ne le peut pas. Les à l’intérieur
les Pink Floyd,
jeunes Iraniens et on buvAit à
joue de la guitare
sont écrasés entre
électrique, aimela peur du régime l’extérieur. Depuis rait être musicien.
et le poids de la lA révolution, on
On rencontre
Vahid (26 ans).
tradition. Les maIl incrimine ses
riages arrangés, les prie à l’extérieur
parents. Eux ont
certificats de virgi- et on boit à
fait la révolution
nité, les contrôles
de 1979, lui vit
incessants. Ils sont l’intérieur ! »
pris en étau entre
un Iranien dans une Répula famille et la loi.
blique islamique.
Les deux jourOn rencontre
Omid (25 ans). Pour s’inscrire à
nalistes ne plaquent pas leurs regards d’Occidentaux sur les mœurs
l’université américaine, il a besoin
iraniennes. L’époux doit subvenir
d’une copie officielle de son diplôme
aux besoins de la femme. La jolie
iranien. Il traduit bien les choses :
Zeinab (20 ans) est sincèrement
s’il veut partir étudier à l’étranger, il
ravie de cette situation. Elle interdoit rembourser ses études. On renpelle, à Ispahan, la journaliste : « La
contre Soban (28 ans) à Mashhad.
vie des femmes est bien plus facile
C’est la deuxième ville du pays. Il
en Iran. Dans les pays occidentaux,
est médecin et ne peut pas choisir
on attend de vous, les femmes, que
la femme de sa vie. Il fréquente
vous subveniez à vos propres beune infirmière depuis quatre ans,
soins. » Mais bien d’autres, ici, ont
mais ne la connaît pour ainsi dire
d’autres rêves. Saeedeh (30 ans)
pas. On rencontre Ashem (20 ans)
a pensé qu’elle pouvait échapper
et Nima (20 ans). Ils découvrent
à la chape de plomb de son pays.
lors de la discussion qu’ils ne sont
Elle veut quitter Téhéran et partir
d’accord sur rien. Ils se voient si
à l’étranger.
peu. Les femmes et les hommes
ne sont pas libres de se donner
rendez-vous comme ils veulent
L’angoisse est sans cesse là :
ils sont épiés, surveillés
dans l’espace public. On rencontre
Du vert : des pelouses, des arbres,
Jamileh (29 ans). Elle profite du
des buissons. On rencontre Gila et
régime grâce à sa situation et voyage
Mila dans le centre de Téhéran. Ils
en Europe.
forment un véritable couple. Les
relations sexuelles, avant le mariage,
Le bonheur est-il interdit
pour la jeunesse iranienne ?
sont officiellement interdites. Elle
a voulu prendre le risque de faire
Ce qui frappe : l’absence d’expél’amour et il l’a convaincue de ne
rience. Les jeunes Iraniens n’ont
pas passer à l’acte. Ils sont ensemble
pas le droit de se tromper avant de
depuis huit ans. Ils ont des rapports
se lancer dans la vie conjugale. Le
uniquement oraux ou anaux, car la
poids de la tradition est encore plus
femme doit arriver vierge au malourd que le poids du régime. Les
riage. Elle raconte comment, lors
filles qui ont des relations sexuelles
d’une fête avec des amis, la police
avant le mariage se font reconsa débarqué. Peut-être une dénontruire l’hymen. Le phénomène est
courant malgré le coût de l’opéraciation d’un voisin. Les filles ont
été emmenées au poste. Son père
tion. Les journalistes s’interrogent :
a été victime d’une crise cardiaque
le bonheur est-il interdit pour la
en venant la chercher. Heureusejeunesse iranienne ? Ailleurs, Sament, elle portait son voile et elle
viosh aurait été musicien. Leila
MarIe-Laure DeLorMe
A
Planche extraite de « Love Story à l’iranienne », de Jane Deuxard, dessins de Deloupy. DR
(26 ans), une coiffeuse, dit : « Les
jeunes ont la vie rude en Iran. Les
gens qui le comprennent sont tristes
et déprimés. Ceux qui sont heureux
sont aveugles. » L’humour, sous
toutes ses formes, est présent. Les
dessins de Zac Deloupy sont prégnants, évocateurs, poétiques. Scénaristes et dessinateur racontent le
courage, la lassitude, la rage. Les
jeunes gens se montrent, pour la
plupart, pragmatiques, réalistes.
La raison remplace le cœur, pour
survivre, pour s’extraire, pour s’en
sortir, en Iran.
Tous les milieux, tous les discours. Les deux journalistes se
rendent dans les hautes sphères
iraniennes. Soirée huppée. L’un
des convives : « Avant, on priait à
l’intérieur et on buvait à l’extérieur.
Depuis la révolution, on prie à l’extérieur et on boit à l’intérieur ! » Le
fruit de leur enquête est simple :
aucun assouplissement. Malgré
l’accord sur le programme nucléaire
(juillet 2015) et un président considéré comme réformateur (Hassan
Rohani), la liberté reste un rêve
inatteignable pour les jeunes Iraniens. Ils ne tentent plus de s’opposer au régime des mollahs, comme
s’ils avaient définitivement perdu
la bataille. On les écoute : Ils aimeraient parler d’amour, ils parlent de
politique. Le sentiment est un luxe
hors de prix. Les cigarettes sont là
tout du long. Elles sont écrasées de
peur d’être prises sur le fait ; elles
sont fumées comme on inhale un
peu d’espoir. Parmi les dernières
images : la coiffeuse Leila jette une
cigarette d’un balcon de Téhéran, la
nuit, comme pour tenter de mettre
un peu de lumière dans son avenir.
On n’arrive pas à distinguer si la
cigarette est allumée ou éteinte. g
Love Story à
l’iranienne, Jane
Deuxard (scénaristes)
et Deloupy
(dessinateur),
Delcourt/Mirages,
150 p., 17,95 €.
sélection JDD
5 LIvres françaIs
La renverse, Olivier Adam,
Flammarion.
L’autre Joseph, Kethevane
Davrichewy, S. Wespieser.
envoyée spéciale, Jean Echenoz,
Minuit.
La splendeur dans l’herbe,
Patrick Lapeyre, POL.
Histoire de la violence, Édouard
Louis, Seuil.
5 LIvres étrangers
Le nouveau nom, Elena Ferrante,
Gallimard.
La route étroite vers le nord
lointain, Richard Flanagan,
Actes Sud.
City on fire, Garth Risk Hallberg,
Plon.
eileen, Ottessa Moshfegh, Fayard.
tous les vivants, Jayne Anne
Phillips, L’Olivier.
lire | culture | 31
jdd | 31 janvier 2016
Les ouvriers
dans le Chaudron
Chef de la rubrique football
de L’Équipe, Vincent Duluc ne se
contente pas de raconter, après
de l’académie Goncourt
moult confrères, l’histoire d’un
@bernardpivot1
club mythique qui a fait chavirer
le cœur des fervents du football.
Le journaliste s’est fait écrivain.
ouze mai 1976 : date
Même si, parfois, il torture un
historique. Ah, oui,
peu trop sa phrase pour lui
pourquoi ? Vous ne vous
donner un tour littéraire, il
rappelez pas ? Allez, je vous
possède un réel talent de
aide. C’était à Glasgow, au
conteur, abondant et agile,
Hampden Park. C’est un stade ?
virtuose d’observations
Oui, le stade où les Verts de
inattendues. Avec les mots, il sait
Saint-Étienne ont perdu la
dribbler. Mais, surtout, il a eu
finale de la Coupe d’Europe
l’ambition de dépasser
des clubs champions contre le
le football pour faire le portrait
Bayern Munich. Une défaite
de l’époque et y remettre, avec
imméritée par 1 but à 0. Quand
humour, le garçon qu’il a été.
même une défaite ? Oui, mais,
Pour les rares lecteurs
comme souvent en France, plus
du JDD qui l’ignoreraient,
historique que si ça avait été
rappelons que, depuis belle
une victoire. D’ailleurs,
lurette, les clubs de foot de
président, entraîneur et joueurs
Saint-Étienne et de Lyon ne
ont défilé le lendemain sur les
peuvent pas se pifer. Une
Champs-Élysées, sous les vivats
rivalité trop souvent limite
de la foule. Triomphe de
donne lieu à des derbys
l’admiration compassionnelle.
toujours revanchards. Or,
Un printemps 76 s’achève sur
Vincent Duluc,
le récit de cette
qui, depuis
incroyable
L’histoire d’un
trente ans, écrit
prouesse plus
sur les matches
psychologique
cLub mythique
de l’Olympique
que sportive.
Mais « l’épopée qui a fait chavirer lyonnais, fait
l’aveu d’une
des Verts » avait Le cœur
ascendance
commencé bien
stéphanoise
avant, quand ils des fervents
et d’« une
retournaient
du footbaLL
adolescence
dans leur stade
et portrait
verte ».
fétiche de
Cornélien !
Geoffroyde L’époque
Mais, avec
Guichard
des « manu »
sang-froid et
des situations
bonne humeur,
compromises
il assume son
sur les pelouses
arrière-grandde leurs
père qui essayait les vélos à la
adversaires européens. Vincent
Manu, son grand-père et son
Duluc, l’auteur du livre, avait
père qui avaient l’accent
13 ans. Il était « au premier rang
« gaga », et ses enfants lyonnais,
contre le grillage qui a zébré
supporteurs de l’OL. Lui,
[son] nez acnéique et froid, ce
fils d’un prof nommé à
soir de mars 1976, lorsque
Bourg-en-Bresse, c’est dans le
Dominique Rocheteau a marqué
01000 qu’il a grandi. Il avoue
contre le Dynamo Kiev ».
avoir été un cancre. « J’ai
Victoire légendaire qui a plus
rapidement aimé le foot et la
fait pour la gloire de
presse du foot : à partir du
Saint-Étienne que la victoire
moment où j’avais décidé de ne
de Taillebourg sur Henri III
pas travailler au lycée, il fallait
d’Angleterre pour la gloire
bien que je m’occupe. […] Pour
de Saint Louis.
Bernard Pivot
D
Mordecai Richler
nos vies alanguies, les Verts
étaient une tempête. » Il a dû en
essuyer de moins agréables, car
« il n’était pas facile pour un fils
de profs d’être un cancre ». Mais
il y avait les chansons, les filles,
les copains, le foot du mercredi,
les flippers. Tout cela est
joliment restitué. Mais
l’essentiel était à Saint-Étienne,
ville où le football flambait
alors que le travail se raréfiait.
Les mines fermaient les unes
après les autres ; les mineurs
perdaient leur emploi et leur
prestige. La cité du charbon et
de l’acier s’enfonçait déjà dans
la nostalgie. Le stade
Geoffroy-Guichard, entouré de
cheminées, avait été appelé le
Chaudron. Le nom lui est resté,
mais il y a longtemps que les
cheminées ne fument plus ou
qu’elles ont disparu. Aux
apprentis footballeurs, qui
logeaient autrefois au stade,
les éducateurs montraient la
grisaille des alentours et leur
promettaient d’y passer le
restant de leur vie s’ils ne
mouillaient pas le maillot.
Le nom de Manufrance
était inscrit sur celui des
professionnels alors que
l’entreprise sombrait déjà.
« La classe ouvrière
mourait en chantant
“Qui-c’est-les-plus-fortsévidemment-les-Verts” », écrit
Vincent Duluc, cruel mais juste.
Le football, opium du peuple
qui souffre.
Le dernier derby a eu lieu,
il y a deux semaines, dans
le Chaudron. Saint-Étienne a
battu Lyon. Victoire imméritée
par 1 but à 0. Le contraire de
Glasgow. Commentaire de
Vincent Duluc dans L’Équipe :
« Les supporteurs des deux
camps savent qu’il n’y a rien
de mieux que de remporter
un derby quand on ne
le mérite pas. » g
Un printemps 76
Vincent Duluc,
Stock,
216p., 18 €
Le nom de
Solomon Gurski
L’écrivain canadien
Mordecai Richler
avait écrit « Solomon
Gurski Was Here »
en 1989.
Suzanne Langevin
Quinze ans après la disparition
du célèbre écrivain montréalais,
les Éditions du sous-sol publient
dans une nouvelle traduction
cinq de ses romans les plus
emblématiques, dont
« Solomon Gurski »
Laëtitia Favro
Province de la Saskatchewan, Canada, 1908. À la sortie de l’école, un
bambin de 9 ans est embarqué dans
le traîneau de son grand-père, ancien
escroc reconverti en prédicateur
millénariste chez les Inuits, et s’évanouit dans le blizzard en direction
du Grand Nord et de son incroyable
destin. Quarante ans plus tard, Moses
Berger est lui-même enfant lorsqu’il
entend pour la première fois parler
de celui « qui deviendrait pour lui une
quête et une malédiction » : Solomon
Gurski, le père disparu de son plus
fidèle ami, Henry. Fils d’un poète
sans le sou, lui-même écrivain raté
radié de la Société de l’Arctique et
de l’université de New York pour
« turpitude morale », Moses noie
ses échecs successifs dans l’alcool
et dans son obsession pour la famille
Gurski, aux origines aussi obscures
que riches en histoires fabuleuses. De
la dernière expédition de Franklin
en terre boréale aux ultimes soubresauts de la conquête de l’Ouest, des
balbutiements de l’ère industrielle
au Montréal des seventies, la destinée de cette dynastie d’émigrés juifs
embrasse l’histoire mondiale sur près
d’un siècle et demi, témoignant des
plus belles réalisations de l’homme
comme de ses pires inventions.
Gargantuesque et foisonnant,
cet étonnant roman avale son lecteur avant de le recracher au gré
des pays et des époques hantées
par l’insaisissable aventurier, au
fil d’un jeu de piste orchestré de
main de maître, où chaque coin de
rue pourrait afficher, comme un
pied de nez, Solomon Gurski Was
Here, le titre original de l’œuvre.
Le ton, mordant, unique en son
genre, relève à la fois de l’humour
juif et de l’humour anglais et paraît
s’adapter aux lieux où se déroule
l’action, palliant l’absence de transitions par une irrésistible légèreté.
Une course enfiévrée
autour du globe
Réputé pour ses saillies n’épargnant ni le milieu des juifs anglophones montréalais (dont il était
issu) ni les Québécois francophones,
Mordecai Richler semble avoir traduit dans chacun de ses personnages
– faibles, menteurs, corrompus, arrivistes, adultères, dépravés – tout le
mal que lui inspiraient ses congénères, mais également toute la tendresse suscitée par certains travers
humains. Course enfiévrée autour
du globe tout autant que portrait
d’une famille naviguant sur six générations au gré des aléas de l’Histoire
et des revers de fortune, Solomon
Gurski est une invitation au voyage,
une main tendue que l’on regrette
parfois d’avoir saisie, bringuebalés
à tout vent, mais qu’on ne voudrait
plus jamais lâcher. g
Solomon Gurski,
Mordecai Richler, trad.
Lori Saint-Martin et
Paul Gagné, Éditions du
sous-sol, 608 p., 24 €
(en librairies jeudi).
32 | personnalités
JDD | 31 janvier 2016
Alexandre Giesbert
Ginette
Kolinka,
parole
d’honneur
« Mon père n’a
pas son mot à
dire en cuisine »
Plutôt que de faire journaliste
comme papa, il a préféré
se lancer dans la « food ».
À 31 ans, le fils de FOG a déjà
ouvert trois restaurants à Paris
et s’apprête à inaugurer le
quatrième dans l’ancienne
boutique de Jean Paul Gaultier
INTERVIEW
LUDOVIC PERRIN
@LPJDD
Devenir journaliste, ce n’était pas
plus simple pour vous ?
C’est ce que n’ont cessé de me
répéter durant des années les attachées de presse en me caressant
la tête : « Ah, toi, tu vas être journaliste ! » Ben non. J’adore mon
père, mais je n’ai jamais eu envie
de me comparer à lui. Pourquoi
un fils ne pourrait-il pas exister
par lui-même ?
On vous a beaucoup parlé
de votre père ?
Oui. À l’école, les profs me
demandaient toujours : « Vous
êtes bien le fils de Franz-Olivier
Giesbert ? » Inconsciemment, ça
a dû jouer chez moi. Même si ça
ne l’a jamais été, je ne voulais pas
que ça devienne un problème.
« Fils de » n’est pas une vocation.
La maman du batteur de
Téléphone, rescapée des camps
de la mort, était décorée mercredi
par la ministre de l’Éducation
nationale pour son action contre
l’oubli de la Shoah dans les écoles
Aujourd’hui, mon père est très fier
de moi mais je sais qu’il n’a pas son
mot à dire en cuisine.
Enfant, que souhaitiez-vous faire
comme métier ?
Alexandre Giesbert chez lui, jeudi. JuliEN DE FONtENAy POur lE JDD
Archéologue, galeriste, commissaire-priseur et finalement
Enfant, je suis beaucoup allé
dessinateur. Je suis fan de BD.
au restaurant. Mes parents s’étant
Dernièrement, je suis retombé sur
séparés quand j’avais 10 ans, mon
les dessins que je faisais pendant
père m’y emmenait tous les sameles cours au lycée. Franchement,
dis. Nous allions dans une pizzeria,
c’est pas mal. Dans l’appartement
Da Pietro. C’était la fête : je retrourue de Rennes où j’ai grandi, il y
vais mon père. Parfois, nous chanavait des BD de Wolinski dans
gions de décor. Mon père m’emles toilettes. Outre la sexualité,
menait dans ses salons du livre,
ça m’a éveillé au
Brive ou Sablet.
J ’a d o ra i s ç a .
dessin. Ma mère,
a r t i s t e d a n s « “Fils de”
Tout le monde se
l’âme, m’emme- n’est pas
retrouvait joyeunait beaucoup au
sement, Bernard
musée. Et quand une vocation »
Weber, Jacques
j’allais voir mon
Faizant… Le respère au Figaro, je pouvais rencontaurant reste pour moi associé à
trer Dobritz, un dessinateur que
cet esprit convivial.
j’adore. J’allais dans les sous-sols,
Où nous trouvons-nous
à l’imprimerie, aux archives, où
en ce moment ?
j’escaladais les piles de journaux.
Dans une ancienne boutique
Ça mesurait plusieurs mètres de
pour enfants. En mai 2015, avec
haut. J’ai beaucoup de souvenirs
mon associé, Julien [Ross, un andans ce journal.
cien de chez Costes], nous avons
décidé d’ouvrir un restaurant
Tout ça ne nous dit pas comment
kebab. On en a beaucoup mangé,
votre passion pour la cuisine
ados. Mais on a décidé de le faire
est née…
avec des viandes fermières et françaises, avec du ketchup maison.
Ça a été chaud : deux jours après
l’ouverture, ma femme accouchait.
Là, j’ai donné les clés à mes acolytes. Vous vous débrouillez sans
moi. Ma fille a maintenant 8 mois.
Vous arrivez à dormir un peu ?
Je ne sais pas si c’est politiquement correct de dire ça, mais
j’aime énormément travailler. Le
restaurant, ce sont, en effet, de
grosses journées. Après l’école
Ferrandi, puis mes classes chez
Vernet et Pierre Gagnaire, je me
suis lancé. J’adore les fins de semaine où, crevé, on boit un verre
avant la fermeture.
Jeudi, Ginette Kolinka fêtera ses
91 ans et elle s’est déjà promis d’assister aux concerts que donnera
prochainement son fils Richard
Kolinka avec ses anciens acolytes
du groupe Téléphone pour leurs
retrouvailles en musique. C’est
dans sa cave du 11e arrondissement que les membres du célèbre
groupe de rock français ont fait
leurs débuts, il y a quarante ans.
Elle a toujours aimé les écouter
en concert. « On se laissait vite
entraîner par le rythme », dit-elle
aujourd’hui.
À l’époque, Ginette Kolinka vendait des bonnets sur les marchés.
Maintenant, elle est à la retraite
Après le Roca, le Roco, le Rococo,
comment s’appellera votre
prochain restaurant ?
Le Daroco. C’est un gros chantier. Nous avons repris l’ancienne
boutique de Jean Paul Gaultier,
galerie Vivienne : 400 m². Il y
aura 25 personnes. Ça ouvrira en
mai 2016. g
perso
Capuçon
monte
le son
É. DESSONS/JDD
En novEmbrE, il jouait sur le
disque-hommage de Patrick bruel
à barbara. Cette semaine, il a fêté
ses 40 ans à Salzbourg avec
l’orchestre philharmonique de
vienne dans une interprétation
de L’Arbre des songes, d’Henri
Dutilleux. « Je suis un musicien
classique qui s’offre parfois des
parenthèses, explique le violoniste
renaud Capuçon. Chez moi, tout
part de rencontres. Pour les Enfoirés,
par exemple, je suis tombé par
hasard sur Jean-Jacques Goldman
dans un hôtel à Aix-en-Provence. »
Le temps d’une séquence avec la
danseuse étoile marie-Agnès Gillot,
il a signé la première intrusion
classique dans la troupe des restos
du cœur. Christian Clavier était allé
écouter renaud Capuçon à Londres
dans des sonates de beethoven.
« Le lendemain, il m’a appelé pour
jouer dans Les visiteurs. Je ne savais
pas qu’il était un grand fan de
classique. Les enfants de ma femme
n’en sont pas revenus.» L.P.
Dutilleux, Paavo Järvi & l’Orchestre de
Paris, avec Renaud Capuçon, CD (Erato/
Warner Music), 14,99 €.
Ginette Kolinka, un témoin précieux.
AmAt michEl/mAXPPP
mais ses journées sont tout aussi
remplies. Tant qu’elle le pourra,
elle témoignera sur ce que fut sa
jeunesse à elle. En 1944, à l’âge de
19 ans, la fille issue d’une lignée de
petits artisans juifs d’origine russe et
roumaine est arrêtée et embarquée
avec les hommes de sa famille par la
Gestapo et la Milice. Sur dénonciation. La fille qui a tenu tête aux miliciens est envoyée dans les camps
de la mort. Elle ressortira quinze
mois plus tard d’Auschwitz avec
le typhus, 30 kg en moins (28 kg),
les cheveux rasés et un regard vide
quand elle arpentait les pistes de
dancing. « Un jour où je dansais et où
mon n° 78.599, jusque-là caché sous
ma manche, s’est découvert, un danseur m’a dit : “Vous avez peur d’oublier votre numéro de téléphone ?” Je
n’ai pas répondu mais je n’ai jamais
redansé avec lui. Il est vrai qu’en 1947,
on ne parlait pas trop. »
« Prévention des crimes
contre l’humanité à l’école »
Mercredi dernier, c’était le
71e anniversaire de la libération
d’Auschwitz par l’Armée rouge.
Dans les salons du ministère de
l’Éducation nationale, la petite
femme qui a gardé ses cheveux
courts était élevée au grade de
commandeur de l’Ordre du mérite
par Najat Vallaud-Belkacem. Puis la
ministre a retrouvé Manuel Valls au
Mémorial de la Shoah pour signer
une convention afin de « renforcer
les connaissances des génocides et
la prévention des crimes contre
l’humanité à l’école ». Entre-temps,
Ginette Kolinka aura encore parlé
aux jeunes. La mère du batteur
de Téléphone a toujours eu leur
oreille. L.P.
téléVision | 33
jdd | 31 janvier 2016
On aime Passionnément iiii Beaucoup iiif Bien iiff Un peu ifff Pas du tout ffff
Jamais sans ma fille
Ciné dimanChe
Un téléfilm de Xavier Durringer aborde, avec finesse, la radicalisation
d’une étudiante à Sciences-Po
c In the Air iiif Un spécialiste du
licenciement (George Clooney), quelque peu
misanthrope, n’a d’autre passion que collecter
les miles aériens. Une jolie réflexion sur la
solitude. 20.50, HD1.
a Comme t'y es belle ! iiff Tranches de
vie de quatre amies liées par leur famille. Un
« Cœur des hommes » au féminin. 20.55, NT1.
Le désarroi des parents de Chama (Lina Elarabi, au centre) lorsqu’ils découvrent que leur fille de 17 ans s’est mariée, en secret, à un djihadiste. Prod
Éric Mandel
Une jeune fille modèle. Belle, intelligente, au-dessus de tout soupçon.
Chama fait la fierté de ses parents,
divorcés mais aimants. La mère est
médecin, le père informaticien.
Voilà pour le côté pile. Mais Chama
cache un lourd secret. Son grandoral pour Sciences-Po à peine terminé, elle enfile son voile pour se
rendre dans un cybercafé et se
marier religieusement via Skype
avec un djihadiste parti combattre
en Syrie. Tout est prévu. Elle le
rejoindra très vite pour vivre son
grand amour dans le califat. Lors
d’une soirée pour fêter l’admission
de sa fille à l’IEP, sa mère reçoit la
visite inopinée d’un homme venu
l’avertir de l’impensable, photos
à l’appui. Chama s’apprête à rejoindre son conjoint en Syrie…
Il « déstigmatise la communauté
musulmane »
On pouvait redouter le pire.
Un téléfilm sur un fait de société
brûlant, diffusé sur le service
public, avec une ambition pédagogique revendiquée. Comment
éviter les simplifications, les
stigmatisations, le politiquement
correct ? La fiction télé ne s’était
d’ailleurs jamais aventurée à traiter cette problématique sensible.
Ne m’abandonne pas évite tous ces
écueils grâce à un scénario habile
et un casting impeccable, à commencer par le talent brut de Lina
Elarabi. Une révélation. « Elle est
instinctive, réactive, dans la sincérité de son personnage. Sans elle, le
film n’aurait sans doute pas pu se
faire », souligne Xavier Durringer
(La Conquête). La jeune actrice,
également étudiante en journalisme, premier prix de violon et
danseuse classique, incarne avec
une intensité impressionnante
cette adolescente dans toute sa
complexité : intelligente et naïvement idéaliste, irréprochable et
manipulatrice, fragile et animale
dans sa radicalité.
Les deux scénaristes, Aude
Marcle et Françoise Charpiat, ont
su écrire une histoire absolument
crédible, inspirée de faits réels :
« Nous avions été interpellés par le
cas de cette jeune fille étudiante à
Sciences-Po partie faire le djihad en
Syrie. Nous voulions rappeler que
ces cas d’embrigadement peuvent
arriver à tout le monde », insiste
Aude Marcle. « Le scénario prend
le contre-pied de tous les poncifs sur
cette question : la banlieue, la délinquance… Il déstigmatise la communauté musulmane trop souvent montrée du doigt », poursuit Durringer.
La mère de Chama (remarquable
Samia Sassi) s’épanouit dans son
travail de médecin urgentiste, mais
n’a pas réussi à refaire sa vie, à la différence de son mari, qui fréquente
la mosquée sans être forcément un
barbu (Sami Bouajila). La grandmère est attachée à la tradition
et résolument moderne. Quant à
l’amoureux de Chama, il est un
converti blond aux yeux bleus, fils
d’un antiquaire bourgeois inconsolable incarné par Marc Lavoine.
La solitude d’une famille
face à l’impensable
Le film s’intéresse moins au
processus de radicalisation, évoqué
par petites touches (une mère trop
étouffante, un grand-père victime
de racisme, la quête d’idéal…), qu’au
désarroi des parents. « Nous voulions
aborder ce fait de société dans son
versant intime », souligne la productrice, Joëy Faré. Ne m’abandonne pas
dit la solitude d’une famille face à
l’impensable et les oppositions sur
la stratégie à suivre pour sauver leur
fille. Le père veut alerter la police,
la mère refuse craignant de voir sa
fille fichée comme terroriste. Elle
décide de régler le problème ellemême. Commence alors une longue
période de « déradicalisation » dans
une maison isolée : « On se retrouve
dans la situation d’un sevrage pour
un toxicomane ou du “désenvoûtement” d’une personne possédée »,
commente une des coscénaristes,
Françoise Charpiat.
Un huis clos à la violence psychologique bouleversante, des jeux
de manipulation, des moments de
tendresse également, le tout ponctué de touches d’humour rares et
d’accélérations dignes d’un thriller. Ne m’abandonne pas sera suivi
d’un débat animé par Julien Bugier
sur le thème : « Qui sont les jeunes
qui partent faire le djihad ? » g
ne m’abandonne pas, mercredi à 21.00,
France 2.
Français ? Oui, mais…
ELLE EST AVOCATE et juive. Il est
réalisateur et musulman. Isabelle
Wekstein-Steg et Mohamed Ulad
parcourent, depuis une dizaine
d’années, les lycées de la région parisienne avec une mission : nouer un
dialogue avec des adolescents issus
de l’immigration sur des questions
comme l’identité française, les clichés racistes… Ils en ont tiré un documentaire fort, parfois dérangeant,
souvent passionnant. Durant une
heure, on se retrouve avec les élèves
d’une classe de terminale du lycée
professionnel Théodore-Monod à
Noisy-le-Sec. Ceux-ci racontent les
stigmatisations dont ils sont victimes
et qu’ils finissent par intégrer dans
une forme d’autodépréciation, au
point de s’appeler « macaques » ou
« sales Arabes ». Sans jamais les juger
ni les flatter, les deux intervenants
écoutent cette parole brute pour
mieux déconstruire les préjugés,
notamment antisémites, proférés
par certains qui avouent d’ailleurs
connaître peu de juifs… S’ils ont
tous la nationalité française, peu se
sentent français. Lesquels seraient
forcément « des blonds aux yeux
bleus ». Ou des « chrétiens », dit une
jeune femme devant sa mère, qui la
corrige immédiatement : « Quand
on est née en France, on est français,
peu importe ta religion. »
Pas d’excuse sociale
Comment en est-on arrivé là ?
Le regard des autres, les discriminations bien réelles vécues au
quotidien… Une jeune musulmane
pointe aussi les prêches dans certaines mosquées : « On nous dit que
notre religion n’est pas aimée, alors
beaucoup se referment. » On voit
aussi des débats s’engager : une
lycéenne revendique son identité
française, refusant toute excuse
sociale. Un jeune homme du Bangladesh, réfugié politique, dit son
bonheur de devenir un jour français. Malgré quelques maladresses
(commentaires parfois succincts,
séquence avec un coach en bonnes
manières superflue), le documentaire trouve le ton juste pour ausculter le malaise identitaire, sans
angélisme ni défaitisme. e.M.
les Français, c’est les autres, mercredi
à 23.30, France 2.
c Camping iiff Premier opus des aventures c Retour à Cold Mountain iiff L’histoire
du play-boy dijonnais Patrick Chirac (Franck
d’un amour absolu entre Nicole Kidman et Jude
Dubosc) aux Flots bleus. 20.55, France 2.
Law. Une fresque romanesque. 20.45, Arte.
Votre soirée
17.05 Sept à huit. 20.00 Journal. 20.55 Malavita ifff Film américano-français de Luc
Besson (2013). Un ancien membre de la mafia new-yorkaise,
désormais sous protection du FBI, s’installe dans un petit village
de Normandie. Avec Robert De Niro, Michelle Pfeiffer. 23.05
Mentalist. 0.45 Les Experts : Manhattan.
D8 21.00 L’Autre vie de Richard
Kemp iiff Film français de
Germinal Alvarez (2013).
17.30 Stade 2. 18.50 Vivement dimanche prochain : Michel
Bouquet. 20.00 Journal. 20.40 Parents, mode d’emploi et
D’art d’art. 20.55 Camping iiff Film français de Fabien
Onteniente (2006). Michel Saint-Josse, chirurgien esthétique à Paris,
se retrouve coincé dans un camping trois étoiles sur la côte Atlantique.
Avec Franck Dubosc et Gérard Lanvin. 22.35 Faites entrer l’accusé.
NT1 20.55 Comme t’y es belle !
iiff Film français de Lisa
Azuelos (2005).
TMC 20.55 Les Experts : Miami.
Série.
Gulli 20.50 Le Masque de fer
iiff Film franco-italien de
Henri Decoin (1962).
17.55 Le Grand Slam. 19.00 Le 19/20. 20.25 Zorro. 20.55
Les Enquêtes de Vera. Série britannique (2014). À une amie HD1 20.50 In the Air iiif
blessée ; Des vérités cachées. 0.00 Soir 3. 0.20 Le mort Film de Jason Reitman (2009).
qui marche iiff Film américain de Michael Curtiz (1936).
6ter 20.55 Deep Impact ifff
16.15 Toulon-Stade Français. Rugby. Top 14, Film américain de Mimi Leder
14e journée. 18.10 Canal rugby club. 19.10 (1998).
Canal football club. 20.55 Saint-Étienne-Paris S-G. Football. Ligue
1, 23e journée. En direct du stade Geoffry-Guichard. 22.55 Canal Numéro 23 20.50 Taking Lives,
football club. 23.15 L’Équipe du dimanche. 23.30 Le Journal des destins violés ifff Film améjeux vidéo. 0.00 Strike Back. Série.
ricain de D.J. Caruso (2004).
18.35 C politique. 20.00 In Vivo, l’intégrale. 20.25 Avis de
sorties. 20.40 Une carotte presque parfaite. Documentaire
français d’Anne-Fleur Delaistre (2016). Les 4/5e des carottes
consommées aux États-Unis sont produites en Californie. 21.30
Cholestérol, le coupable idéal. 22.25 La parole est au garde des
Sceaux. 23.15 La Grande Librairie.
17.45 Si la musique m’était contée. 19.15
Cuisines des terroirs. 19.45 Arte Journal. 20.00
Karambolage. 20.15 Vox Pop. 20.45 Retour à Cold Mountain
iiff Film américain d’Anthony Minghella (2003). Pendant
la guerre de Sécession, un soldat sudiste déserte dans l’espoir de
retrouver sa bien-aimée. Avec Jude Law, Nicole Kidman, Renée
Zellweger. 23.15 South Pole. Opéra.
16.45 66 Minutes : le doc. 17.20 66 Minutes. 18.40
66 Minutes : grand format. 19.45 Le 19.45. 20.10
E = M6. 20.55 Zone interdite. Artisans et apprentis : la
fierté du savoir-faire français. L’orientation en CAP a longtemps été
une voie de garage. Mais aujourd’hui, devenir menuisier, pâtissier
ou cordonnier, c’est le choix d’une nouvelle génération de jeunes
enthousiastes et passionnés. 23.00 Enquête exclusive. États-Unis :
la folie des armes à feu.
Paris Première 20.45 Lie to
Me. Série.
RTL 9 20.40 The Blind Side :
l’éveil d’un champion ifff
Film américain de John Lee
Hancock (2009).
Téva 20.40 The Good Wife.
Série.
TCM Cinéma 20.40 Un silencieux au bout du canon ifff
Film américain de John Sturges
(1974).
FX 20.50 Les Maîtres de l’univers ffff Film américain de
Gary Goddard (1987).
OCS Géants 20.40 Vacances à
Venise iiff Film américanobritannique de David Lean (1955).
session de rattrapage du Jdd aVec
Le top des 3 programmes à revoir aujourd’hui sur Internet
a Divertis.
Alacaline,
Ibrahim
Maalouf
France 2
a Doc
Pollution des
sols, le scandale caché
France 5
a Film
Affreux, sales
et méchants
Arte
34 | JEUX
JDD | 31 janvier 2016
il en fait
des tonnes
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qu’on peut
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supérieur
à l’homme
dans
l’étreinte
toucha un
organe
courant
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haut en
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mais pas
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jolies femmes
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solution des jeux
Mots croisés
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b
d
U
verticalement
1. Estomac qui permet tous les abus.
Eut un geste gracieux. - 2. Complément de fine pour terminer. Pompe
à injection. Sans motif apparent. 3. Témoin lumineux. Bouffée en
grillant. Sortent des vacheries. - 4.
N’est plus mais est PLU. Marqués
pour être remarqués. - 5. Objectif
lunaire. Casse la graine entre les
repas. - 6. Déformée pour paraître
plus belle. Entraîne le pas. Exposition de meubles. - 7. En attente
d’acquittement. Partie de croquet.
Sollicitent l’estomac. - 8. Pourris
lorsqu’ils sont frais. Piaf à ses débuts. A renvoyer s’il est cassé. - 9.
Entre deux lisières. Il montre spathe
blanche. Exprime des vœux. - 10.
Pris en compte. Partie de corde. - 11.
A l’adresse d’un ami. C’est très personnel. Auront de beaux restes. - 12.
Peut, en toute conscience, accuser
le coup. Petites poches intérieures.
- 13. L’être non affranchi. Qui s’y
frotte s’y pique. Dans les pommes.
- 14. Déclaration de peste. C’est
proprement une qualité. Sixième
sur douze. - 15. Feu rouge. Sorti de
rien. Pronom personnel.
eut ses
entrées aux
invalides
U
horizontalement
1. La fleur au fusil (trois mots). Note
de lecture. - 2. Ouvre la porte des
cabinets. Une personne quelconque.
Un modèle pour César. - 3. Belle
plante du genre volubile. Pain au Levant. - 4. Etre à tu et à toi. Raid pour
un homme d’action. Pêche de Méditerranée. Mystère qui plane. - 5. Du
vin et du pin. Prises par les sentiments. - 6. Révolutionnaire avec ça.
Provoquer la chute. Joue un rôle
sur les planches. - 7. Revêtement de
cuir. Taillé en pointe. De mauvais
pieds. - 8. Poussées à partir pour les
colonies. Et même… - 9. S’occupe de
ses affaires. Chanteurs grecs. Montant au plafond. - 10. Demande de
situation. Blanc aux ongles. Monter
sur les planches pour descendre. 11. Se fait chatte. Mis au propre. 12. Poussé à l’action. Elles tenaillent
enclume et marteau. Un autre
rimbaldien. - 13. N’ont plus rien à
perdre. Un endroit où ce n’est pas le
chef qui commande. - 14. Jouer du
piston. Têtes blondes. - 15. Femme
de métier. Rouge à lèvres.
des tas d’états
vieille
parfois
sourde
b
U
15
gloire
passée
d
b
U
12
ont
tendance
à grossir
b
U
grisonne
dès sa
naissance
U
9
b
horizontalement
1. Infranchissable. - 2.
Mai. Iode. Etire. - 3. Esse.
Menu. Ave. - 4. Agrée.
Rit. Divas. - 5. Ta. Rêve.
Erigé. - 6. Irresolution.
Va. - 7. Eden. Menée.
Emir. - 8. Négative. Nasal.
- 9. Tr. Dé. Psi. Glu. - 10.
Oléifère. Maman. - 11.
Ubu. Nu. Errata. - 12.
Legitimement. Du. - 13.
Emut. Lentigo. - 14. ENS.
Rebute. Samu. - 15. Si.
Pesée. Sièger.
verticalement
1. Impatient. Ulves.- 2.
Na. Garde-robe. Ni.- 3.
Fier. Reg. Luges.- 4. Sérénade. Im.- 5. Aisees.
Teinture.- 6. Noé. Vomi.
Fuites.- 7. Cd. Relevée.
Be.- 8. Hemi. Une. Réélue.- 9. Etête. Permet.10. Sen. Riens. Rênes.11. Studio. Aimant.- 12.
Ai. Ignes. Attise.- 13.
Brave. Magma. Gag.- 14.
Leva. Villa. Dome.- 15.
Espar. Unau. Ur.
Mots fléchés
Sudoku
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soldat portant béret
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de moïse
bombe
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chef de gouvernement
à londres...
ou à paris
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T
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la fille à
la réception
ou la femme
de service
4
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femme
portée sur
la bagatelle
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1
fait passer en
préfère
afghanistan,
crever à
au pakistan petit feu que
et tout
claquer tout
le bataclan
d’un coup
Albert Varennes
c
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mots fléchés
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o
mots croisés Jean-Paul Vuillaume
tendances | 35
jdd | 31 janvier 2016
Mise en place
au restaurant
Passage 53,
passage des
Panoramas
à Paris,
où officie
le chef Shinichi
Sato, fier
de ses
deux étoiles.
Maurice
rougeMont/
epicureans
Michelin va-t-il sacrer
les chefs japonais ?
L’édition 2016 du Guide est lancée demain. Les talentueux cuisiniers nippons,
installés en France par dizaines, n’ont encore jamais reçu les fameuses trois étoiles
ChaRLotte LangRanD
@Chalangrand
Plus qu’une nuit et ils sauront.
Demain, l’édition 2016 du Guide Michelin dévoilera son palmarès des restaurants en France, sanctifiant les uns,
sanctionnant les autres. Ils ne sont
que 25 à pouvoir se targuer d’avoir
touché le Graal, les trois étoiles. Le
monde de la gastronomie spécule
donc sur les favoris du cru 2016:
Alain Ducasse au Plaza Athénée vat-il récupérer sa troisième étoile ? Le
Grand Restaurant de Jean-François
Piège passera-t-il d’abord par les deux
étoiles ? La Grande Maison bordelaise
de Joël Robuchon, dont les cuisines
sont tenues par le japonais Tomonori
Danzaki, sera-t-elle consacrée ?
Au-delà du suspense, une question
demeure justement : le fameux Guide
va-t-il une nouvelle fois oublier les
talentueux chefs japonais ? Aucun n’a
jamais obtenu les trois étoiles alors
que les critiques et le public ne cessent
d’encenser ces tables toujours remplies, que ce soit pour déguster des
sushis haut de gamme ou de la cuisine franco-japonaise raffinée. Vingt
et un d’entre eux ont été distingués
d’une étoile, dont Kei Kobayashi (Kei,
Paris 1er), Koji Aida (Aida, Paris 7e)
ou Toshitaka Omiya (L’Agapé, Paris
17 e) ; en régions, on trouve Fumio
Kudaka (Breizh Café à Cancale) ou
Keigo Kimura (L’Aspérule à Auxerre).
Le seul à avoir décroché deux étoiles
est Shinichi Sato du Passage 53 (Paris
2e). « Quand nous les avons obtenues,
il y a eu plus de retombées au Japon
qu’en France, sourit Guillaume Guedj,
l’associé du chef. Là-bas, Shinichi Sato
est devenu une star. Les Japonais font
de la cuisine de très haut niveau. »
« Ceux qui ont le mieux compris
la cuisine française »
Pourtant rien n’y fait, les trois
étoiles tardent à tomber. « D’ici
à cinq ans, elles seront forcément
décernées, il y a un tel vivier de talents, espère Ezechiel Zerah du site
Atabula. S’il doit y en avoir un, ce sera
un chef qui cuisine français, car le Guide
reste assez conservateur et ses lecteurs
attendent une cuisine française. » De
nombreux anciens seconds de prestigieux étoilés français ont ouvert leurs
propres restaurants : Kei Kobayashi
a appris au Plaza Athénée auprès de
Jean-François Piège et Christophe
Noret ; Riuji Teshima (Pages) auprès
d’Alain Senderens… « Les chefs japonais sont ceux qui ont le mieux compris
la cuisine française, confirme Ezechiel
Zerah. Ils ont une technique énorme
doublée d’une touche sophistiquée, dans
le goût et le dressage. »
Ces toques savent s’affranchir du
poisson, à l’image de « Teshi » chez
Pages, qui manie le barbecue japonais
à merveille. « N’évolue en cuisine que
celui qui maîtrise le geste, constate le
chef étoilé Thierry Marx. Les Japonais sont très observateurs, ils sont des
artisans avec une rigueur industrielle :
grâce à des recettes écrites minutieusement, ils peuvent reproduire le même
plat 365 jours par an. C’est une rare
mécanisation de l’excellence. »
Entre les deux pays, les échanges
gastronomiques sont légion depuis
les années 1970. Tokyo est la ville la
plus étoilée au monde par le Michelin. « Ces deux gastronomies sont
construites sur l’excellence du produit,
même si la cuisine japonaise est plus
spirituelle, poursuit Thierry Marx.
Les chefs français y ont puisé les menus
séquencés, les services à l’assiette très
graphiques et y ont épuré leur cuisine. »
Le guide Fooding vient d’élire le restaurant Dersou, du japonais Taku
Sekine, meilleure table de 2016. Il ne
manque que des étoiles pour mettre
tout le monde d’accord. g
Taste of Paris, deuxième édition
Pendant quatre jours, la nef du
grand Palais, à Paris, se transforme
en restaurant gastronomique géant
Du 11 au 14 février, elles brilleront
au Grand Palais. Dix-huit chefs, des
toques étoilées à la jeune génération,
ont répondu présent pour la deuxième
édition de Taste of Paris. Créé il y a
onze ans à Londres et décliné dans le
monde entier, l’événement propose,
au déjeuner et au dîner, les plats des
chefs en mini bouchée.
Ainsi, chaque participant devra
« envoyer » trois plats à chaque repas,
pendant quatre jours, à près de 300
ou 400 convives. Préparés en amont
dans leurs restaurants, ils sont ensuite
acheminés au Grand Palais pour y
être finalisés. Les étoilés sont donc
de la partie, dont Guy Savoy, Frédéric
Anton, Alain Ducasse…
« Montrer la diversité,
éviter la morosité »
« Je participe à cet événement pour
montrer la diversité de la restauration
française et pour éviter la morosité,
poursuit Thierry Marx. La France
vient de vivre une période difficile, les
Français sortent mais les touristes ont
peur. Nous devons montrer que nous ne
sommes pas en état de siège. Ce sera
festif et positif. » Taste of Paris sera
aussi pluridisciplinaire et transgé-
nérationnel. Les chefs de la nouvelle
gastronomie parisienne y participent,
tels Ryuji Teshima (Pages), Sébastien
Gravé (Pottoka), le pâtissier Yann Couvreur ou Pierre Sang Boyer, dont la
bonne humeur avait mis l’ambiance
l’année dernière, il cuisinait en dansant devant le public.
Des artisans et des producteurs
viendront aussi présenter les produits
de leurs terroirs, entre des performances gastronomiques, des cours
de cuisine et le bar à champagne. C.L.
11-14 février, grand Palais, Paris (75008).
tarifs : déjeuner 15 € ; dîner 18 €;
plats de 5 à 12 €. Passe de 45 à 138 €.
tasteofparis.com
Vive le mélange
des genres
Les marques collaborent entre elles et sortent
de leur univers pour susciter l’étonnement
Messieurs, pourquoi ne pas vous raser à… la bière ?
Ou déguster une bière concoctée par une marque
qui, d’habitude, produit des crèmes glacées ? Voici
la dernière idée marketing en vogue : sortir de son
domaine de prédilection. C’est Carlsberg qui a ainsi
présenté une gamme de cosmétiques élaborée à partir
de ses produits premium. La composition du shampooing, du démêlant ou de la lotion pour le corps
bénéficieraient ainsi des propriétés du houblon et
du blé, à savoir protéines, vitamines et autres antioxydants… Non disponibles en France mais vendus
sur Internet, les produits, réalisés en partenariat avec
l’enseigne danoise de beauté Urtegaarden, viennent
de s’enrichir de produits pour l’entretien de la barbe.
Les crèmes glacées Ben & Jerry’s se sont, elles,
associées avec New Belgium pour sortir une recette
de bière aromatisée au caramel beurre salé
et au brownie, disponible aux États-Unis
uniquement. En Europe, la mode est aussi
au décloisonnement : Dolce & Gabbana
a créé une ligne de maquillage ; le chef
des souliers de luxe, Christian Louboutin, s’est lancé également dans
la beauté, avec des vernis à ongles
et des rouges à lèvres présentés dans
des écrins rappelant les talons qui ont
fait sa réputation.
Des boots au look inspiré
du continent africain
Le cobranding est en plein essor, l’occasion de
lancer des collections « capsules » uniques, exclusives
ou en édition limitée, qui peuvent devenir collector.
La marque de prêt-à-porter Comptoir des cotonniers
créait ainsi des vernis à ongles avec Nailmatic ; Gérard
Darel, une ligne de vêtements avec les chanteuses du
groupe Brigitte ; les chaussettes Stance, une collection avec la star Rihanna ; les maillots de bain Undiz
déclinaient les logos Stars Wars ; Eleven Paris, ceux
de Disneyland Paris.
Agnès b. a décidé de soutenir l’initiative Tara Expéditions, qui organise des missions scientifiques sur
l’impact du réchauffement climatique,
en créant des vêtements avec les codes
couleurs du bateau, gris et orange. L’année
2016 prolonge le concept avec la collaboration de la Maison Robert Clergerie et
du groupe Lili Wood and The Prick pour
des boots au look inspiré du continent
africain. En avril, H & M fera même le
trait d’union entre fast fashion et histoire de l’art en sortant une collection
directement inspirée des archives… du
musée des Arts décoratifs de Paris. C.L.
dans l’air
rétromobile
Deux ventes d’exception
La vente aux enchères officielle du salon Rétromobile,
organisée par Artcurial Motorcars, est l’une des plus
importantes au monde pour les voitures de collection.
En 2015, l’événement avait été marqué par la
dispersion de la collection Baillon : la vente avait
totalisé 46 millions d’euros. Cette année,
172 automobiles seront proposées aux enchères,
à partir de vendredi. Parmi elles, la légendaire
Ferrari 335 Sport Scaglietti de 1957 provenant de la
collection du célèbre industriel Pierre Bardinon. Elle est
estimée entre 28 et 32 millions d’euros. Le lendemain,
la vente Citroën annonce près d’une cinquantaine de
voitures, dont une sélection provenant de la collection
d’André Trigano. Rétromobile proposera aussi nombre
d’expositions et d’animations, dont celle d’automobiles
de 100 ans qui roulent toujours !
Salon Rétromobile, hall 2.2, parc des expositions
porte de Versailles, Paris (75015). Du 3 au 7 février.
Citroën B12 limousine
woody (1925).
36 |
dimanchesport
jdd | 31 janvier 2016
YANNICK NOAH Après la polémique Monfils, le capitaine de l’équipe de France de Coupe Davis affirme avec
«Avec l’âge, je suis moins sou
A
INTERVIEW
DAMIEN BURNIER
@initialsDB
pas arrêter le tennis social… Si on
a un peu de pouvoir, il faut aider
les gamins des cités. Il y a vingt ans,
certains m’avaient vu jouer. Ceux
d’aujourd’hui se disent qu’ils ont
tapé des balles avec un chanteur,
mais quelle importance ? Tout ce
qui peut les stimuler m’intéresse.
Et arriver vers eux en tant que
capitaine, ça le fait.
u départ, c’était une
belle journée de
tennis pour Yannick
Noah. Un quart de
finale de Grand Chelem avec un Français à suivre, à
Melbourne, puis un rendez-vous
d’échanges à Grigny (Essonne)
Comment avez-vous vécu l’Open
avec des enfants de Fête le Mur,
d’Australie, rendez-vous majeur
l’association qu’il a fondée pour
avant votre retour sur la chaise ?
faciliter l’accès aux courts dans
J’ai vu tous les matches des
Français. J’ai veillé mais j’ai
les zones urbaines sensibles. Rien
à voir a priori, sauf que les deux
l’habitude. Avec Joakim [son fils,
événements, mercredi, ont fini par
basketteur aux Chicago Bulls] et
se télescoper. Après la signature
ses 90 matches par an entre 3 et
d’une convention avec Thierry
5 heures du matin, je gère. J’ai
Braillard, le secrétaire d’État aux
échangé aussi avec Cédric [Pioline,
Sports, l’ambiance était polluée par
son adjoint], qui était sur place. Ou
la sortie de Gaël Monfils, tout juste
encore avec Guy [Forget, capitaine
éliminé de l’Open d’Australie par
de 1998 à 2012], qui commentait.
Milos Raonic. En cause : le choix
Pendant le quart de Gaël, on s’ende la Guadeloupe pour stopper le
voyait des textos. Des conneries
Canada de Raonic, justement, au
comme des trucs plus sérieux.
1er tour de la Coupe Davis (4 au
La sortie de Monfils, vous l’avez
6 mars). Selon Monfils, « 80 %
vue venir ?
des joueurs ne voulaient pas aller
Je ne suis pas surpris. Je savais
jouer là-bas » parce que cela comque ça pouvait arriver. Si on m’a
pliquait leur calendrier et Noah
rappelé après tout ce temps, c’est
avait « pris la décision
que quelque chose
n’allait pas. Ce qui
seul ». Pour le JDD, le
se passe, ce sont les
nouveau capitaine des « Je ne suis
Bleus, 55 ans, a pris le pas surpris.
restes de la façon de
temps de se poser pour
fonctionner, de coms’expliquer sur la polé- Là, c’est Gaël ;
muniquer, de tout ce
mique de la semaine. une prochaine que vous voulez. Là,
c’est Gaël ; une profois, ce sera
Vous avez créé Fête le
chaine fois, ce sera un
autre. À une époque,
Mur l’année de votre
un autre »
c’était Tsonga qui
dernière victoire en
a dit ça, puis c’était
Coupe Davis, en 1996.
Gasquet qui n’a pas
Depuis, l’association a
fait ci, Simon qui a raconté ça. Ce
été votre lien le plus fort avec
qu’on a à améliorer est très précis.
le tennis, non ?
Pendant un moment, c’était
Mon boulot va commencer quand
même le seul. À cela se sont ajoutés
je vais décider de ceux qui jouent.
des petites collaborations poncMais votre boulot, c’est aussi
tuelles et quelques matches de
qu’on ne sorte plus du cadre…
vieux. Mais s’agissant de tennis,
Oui, le but est qu’on parle d’une
mon énergie, c’était Fête le Mur.
même voix. La com’ est hyper
importante, c’est l’ère du temps.
Quand j’allais dans les ministères
ou à la fédération, c’était pour
Quand on a gagné en 1991, il y avait
parler de ça. Pour avoir ensuite la
interdiction d’acheter la presse penpossibilité de passer du temps avec
dant le stage. Aujourd’hui, tu dis un
les mômes. Car j’adore ça.
truc, c’est sur Twitter trois secondes
À la FFT, on vous parlait aussi
après. Mais ça et les « facebookeries », on peut gérer. Tout le monde,
Coupe Davis ces dernières années ?
Seulement au détour des
sans exception, m’a dit : « On est
conversations. Mon propos était
content que tu sois capitaine. » J’ai
ailleurs : « Pendant Roland-Garros,
une conviction : si on est à 100 %
vous ne pourriez pas filer un stand
– pas à 80 % –, on la gagne, cette
à Fête le Mur ? Nous donner un peu
Coupe Davis ! Dès cette année.
Mais il faut être prêt, physiqueplus à la journée Benny-Berthet
[journée caritative la veille du tourment, mentalement. Et organiser
noi] ? » Tous les ans, il faut relanun environnement adéquat.
cer car ce n’est pas automatique.
Vos méthodes à succès d’il y a
C’est à se demander si, le jour où
vingt ans sont-elles transposables
je vais casser ma pipe, on ne va
avec cette génération ?
Yannick Noah, mercredi à Grigny, au milieu des enfants
de son association Fête le Mur, qui regroupe une trentaine
de sites dans les quartiers prioritaires. pingouin
Ou c’est transposable et on
gagne. Ou ça ne l’est pas et on
perd. Je peux me planter, c’està-dire ne pas réussir à leur faire
comprendre ce que j’ai envie de
faire passer. Pour certains, ça
commence à rentrer. Mais ça doit
se voir sur le court. Ou quand le
réveil va sonner à 6 h 30 pour
aller courir… Là, ce ne sont que
des mots. Gaël va m’appeler, on
va parler. Mais quand on sera sur
place avec les joueurs sélectionnés, peut-être avec Gaël, peut-être
pas, on va bosser. Quand je lis ce
que disent les responsables des
sélections qui réussissent, Onesta
ou Deschamps, on n’est pas au
Club Med. Mais tu as des mecs,
parfois à cause de l’entourage,
qui ont pris l’habitude de se faire
ENCORE RATé pour Serena Williams.
Le record de Steffi Graf (22 titres du
Grand Chelem remportés) attendra.
Et c’est justement une compatriote de
l’Allemande qui a changé le scénario.
À 28 ans, pour sa première finale en
Majeur, a remporté l’Open d’Australie
au bout d’une partie sublime
(6-4, 3-6, 6-4). « J’ai vécu deux
semaines de folie. Au 1er tour,
j’ai sauvé une balle de match. En
demi-finale, je bats pour la première
g. WooD/AFp
ANgELIQUE AUx ANgEs
fois Azarenka. Et maintenant
Serena… », s’extasie la gauchère, en
passe d’atteindre le 2e rang mondial.
Déjà battue en demi-finale du dernier
US Open, Williams préfère relativiser :
« Tout le monde s’attend à ce que je
remporte tous mes matches. Mais je
ne suis pas un robot. » À propos de
machine à gagner, Novak Djokovic
tentera ce matin (9 h 30, Eurosport)
d’empocher son 11e Grand Chelem
– le 6e à Melbourne, ce qui égalerait
le record de Roy Emerson. En face,
Andy Murray, pour un remake des
finales 2011, 2013 et 2015. Toutes
remportées par le Serbe. D.B.
caresser dans le sens du poil.
Comment communiquez-vous avec
les joueurs entre les rencontres ?
[allusion à l’audit mené par la
FFT pour préparer la succession
de Clément]. Mais est-ce la forme
qui compte le plus ?
Avant, si je voulais parler à Guy, je
prenais un avion et je le trouvais dans
Avec l’âge, y a-t-il une chance que
le vestiaire. Maintenant, il y a 10 mecs
votre managérat soit plus souple ?
autour du joueur. Je vais donc parler
Non. C’est horrible, je pense
même que je suis
différemment. Si je
dois parler à Jo de « Je suis peut-être moins souple ! Je
fonce, je rentre del’approche tactique
dans… Mais j’ai Cédu match, c’est un malade mais
mieux que je ne j’ai l’impression
dric avec moi. Dans la
passe pas par son
forme, il va apporter
un équilibre.
agent. Si je l’ai dix que je peux tous
jours et que je peux les transcender »
Vous avez dit,
lui dire quelque
en décembre,
chose au dej’ après
dans Tennis
l’entraînement, je
Magazine, avoir
suis persuadé que ça va défoncer.
songé à démissionner…
Sinon, ils sont dans leurs tournois
Un soir avant de dormir, j’y ai
et mes gars regardent. Et ceux qui
pensé. Mais c’est anecdotique. Je
ont envie viennent vers nous. J’ai
me disais : « Je suis bien avec ma
des appels. Et puis ces joueurs-là,
meuf et mes gamins, je reviens pour
je les connais aussi à travers mes
essayer de donner du bonheur aux
prédécesseurs. Quand Guy était en
gens et on me casse les couilles ! »
poste, je savais tout ce qui se passait.
Qui ?
Aviez-vous aussi des retours
Tout le monde ! Et notamment
vous [les médias]. Avant même la
via Arnaud Clément ?
Non. Parce qu’à aucun moment
Guadeloupe [et les réticences à y
je n’ai pensé redevenir capitaine.
organiser la rencontre], sur le fait
Jusqu’à ce que quelqu’un de l’intémême que je sois capitaine, que
rieur me dise : « Il y a le feu ! » Je
je voulais revenir parce que ça
me manquait. N’importe quoi !
dirai peut-être qui c’est, un jour
dans mon bouquin, mais ce n’est
C’est pourtant simple : on m’a dit
pas un joueur et peu importe.
« Tu peux le faire, Yann ? » « Oui je
L’important, c’est que l’équipe ne
crois, je vais essayer ». Les joueurs
marchait pas. Après, quelqu’un
étaient partants. Et je n’ai même
pas signé de contrat.
s’est trompé sur la forme, OK
sport | 37
jdd | 31 janvier 2016
force ses principes
ple !»
Retour au Stade de France
ruGBY Le France-Italie du Tournoi des Six Nations, samedi, sera le premier match depuis les
attentats. Autour du stade, l’activité reste en berne
SOleN CHerrIer
@SolenJDD
À première vue, il ne reste plus
aucune trace. Mais à y regarder
de près, les indices s’accumulent.
Un boulon coincé dans une grille,
un trou dans un store, une éraflure
sur un dossier de chaise… L’Events
a refait sa devanture et a rouvert le
4 janvier. C’est devant ce restaurant
de l’avenue Jules-Rimet, face à la
porte D du Stade de France, que
le premier des trois kamikazes de
Saint-Denis s’est fait exploser le
13 novembre, tuant l’unique civil
de cette opération ratée qui a donné
le coup d’envoi des attentats parisiens. Assis à une table, le gérant,
M. Zarai, fait défiler sur son smartphone les photos de son établissement après le passage de la police
scientifique : un chaos de morceaux
de verre, de sang, de chair.
Après des nuits blanches, il a
essayé d’oublier alors que l’enceinte dionysienne s’apprête à
accueillir son premier événement
depuis la tragique soirée, FranceItalie en ouverture du Tournoi des
Six Nations. « Comme il y a un peu
de psychose, j’imagine que tout le
monde va regarder autour de lui
pour voir s’il n’y a pas quelqu’un de
bizarre avec un gros blouson, anticipe-t-il. Nous, on va être plus vigilant à l’entrée. Il y aura quelqu’un
pour rassurer le personnel. Mais le
rugby, ça reste paisible. » S’il n’a
pas peur, assure-t-il, une autre
réalité l’accapare.
L’UEFA et « le mur de la honte »
Déjà guère florissante avant,
l’activité a chuté depuis les attentats. Une baisse de 20 à 30 % du
chiffre d’affaires, comme pour
tous les commerces de cette artère
qui longe le Stade de France, où
les loyers rivalisent avec ceux des
quartiers huppés de Paris. Les employés des bureaux voisins sortent
moins à l’heure du déjeuner, l’arrêt des visites du SdF a asséché le
flot de touristes et le seul match
qui devait y avoir lieu depuis a
été déplacé à Colombes (RacingToulouse, le 28 novembre). « J’ai
trouvé ça dommage qu’ils l’annulent. Ça aurait été un vrai pied
de nez », soutient Olivier, le gérant
du France, qui a tourné la page des
attentats et est surtout préoccupé
par « le mur de la honte ».
C’est la grande affaire dans
le quartier : l’UEFA va ériger un
mur autour du Stade de France
pendant l’Euro. Dès leur sortie
du métro et du RER, les spectateurs pénétreront à l’intérieur
d’un périmètre où les sponsors
officiels de l’UEFA écouleront
leurs produits et tireront seuls
profit de la compétition. Les commerces de l’avenue Jules-Rimet
s’apprêtent, quant à eux, à être
exclus de la fête au moment où ils
imaginaient faire fructifier leurs
investissements. « C’est une double
peine », se désole Karim, gérant du
restaurant La 3e Mi-Temps.
« On a vu le mec se faire exploser »
Ce qui le réjouit, c’est que des
supporters du rugby l’ont appelé
pour prévenir qu’ils feraient « la
fête à fond » comme d’habitude
samedi prochain. « Le Tournoi va
nous faire du bien », admet-il. Juste
à côté, le Novotel Suites a pourtant des chambres disponibles le
week-end prochain. À l’intérieur
de l’hôtel, on fait savoir qu’on n’a
pas le droit de s’exprimer depuis
les attentats. Pour la venue de l’Italie, le Stade de France ne sera pas
plein non plus mais c’est l’affiche
qui est en cause, pas la psychose.
Les autres matches affichent
complet.
« Avec les nouvelles mesures
de sécurité, on risque d’avoir des
restrictions au dernier moment »,
craint Engin, gérant de l’Events
Café, situé porte H, là où le deuxième kamikaze s’est fait sauter.
Il se remémore la violence de
l’explosion et la « chance » qu’il
n’y ait pas eu de morts. Mais,
du coup, Engin a « un sentiment
d’abandon » : « C’est comme si rien
ne s’était passé alors qu’il y a eu
beaucoup de blessés. On est des victimes, même si on n’a pas été touché. On a vu le mec se faire exploser.
Le lendemain, on a ramassé son
rein, son foie… Un boulon a traversé
le bonnet d’un client, j’ai retrouvé
ses cheveux sur mon frigo. » Il a
beau relativiser, les perspectives
le rendent amer. Les travaux lui
ont coûté cher, son activité a été
divisée par deux, il a dû se séparer
d’un employé et l’Euro s’annonce
catastrophique. g
Fouilles, snipers et chiens démineurs
StéPHANe COlINeAu
ressentez-vous une forme de
désamour autour de cette équipe ?
Oui. La dernière fois que j’ai
ressenti ça, c’est quand je me suis
occupé du PSG en 1996. J’étais leur
préparateur vaguement psychologique avant la finale [de Coupe des
Coupes, remportée contre le Rapid
Vienne]. Toute la France espérait
que l’équipe perde. On disait déjà
que les joueurs gagnaient trop
d’argent. Aujourd’hui, on dit qu’ils
[les tennismen] habitent tous en
Suisse. C’est hallucinant ce que je
peux entendre dans la rue : « Ben
alors, putain, tu vas les bouger ? »
Comment en est-on arrivé là ?
Parce qu’il y a des relais, dans la
presse. Et que les joueurs sont responsables. Ce sera donc à eux de faire
face, sans se cacher. Moi, j’ai juste
envie qu’ils gagnent. Qu’ils vivent ça
une fois. La photo de la Coupe dans
leurs chiottes, j’ai envie d’être dessus. Depuis combien de temps on ne
gagne plus rien ? On gagne en judo,
très bien, mais moi je suis tennisman.
Quand je vais crever, on mettra le
film de papa me sautant dans les
bras à Roland-Garros. Plutôt que
moi avec les gamins ou en train de
chanter au Stade de France. Je suis
peut-être un malade mais ces gars-là,
j’ai l’impression que je peux tous les
transcender. Pour certains, je vois
déjà comment. Pour d’autres, je me
dis qu’il y aura des beaux échanges.
C’est monstrueux comme j’y crois ! g
« Les spectateurs arrivant tardivement risquent
donc de rater le début du match », prévient l’excommissaire Robert Broussard, patron de la
sécurité à l’intérieur du stade pour la Fédération française de rugby. Celle-ci conseille aux
spectateurs de ne pas porter de « sac à dos, sac
de sport, casque de moto ou autres objets encombrants, lesquels seront placés en consigne ».
@StephColineau
Les quelque 60.000 spectateurs attendus pour
France-Italie, samedi (15 h 25), seront les premiers à expérimenter les mesures de sécurité
de l’Euro 2016. Alors qu’un match de rugby
mobilise habituellement 100 policiers et 730
agents de sécurité, ils seront cette fois 250 représentants des forces de l’ordre et 850 agents. Et
davantage si François Hollande ou Manuel Valls
accompagnent les ministres des Sports à cette
rencontre d’ouverture du Tournoi, devenue
hautement symbolique depuis le 13 novembre.
« Nous passons d’un dispositif tourné vers la
gestion de la foule et le hooliganisme à un dispositif destiné à parer des attentats », résume
le commissaire Laurent Simonin, qui pilote la
sécurité autour de l’enceinte pour la préfecture de police de Paris. Principale nouveauté,
l’accès à l’esplanade du stade sera verrouillé
par sept barrages filtrants, mis en place trois
heures trente avant le match. Les spectateurs
Au Stade de France,
le 13 novembre. ReuteRs
devront se soumettre à une première palpation
sommaire, ouvrir manteaux et sacs. L’objectif
est d’empêcher l’intrusion d’armes aux abords
du stade, mais aussi d’éviter de trop longues
files d’attente, difficilement contrôlables, aux
portes d’entrée.
Le deuxième niveau de filtrage, celui des
grilles d’entrée, s’annonce extrêmement rigoureux, avec palpations et fouilles minutieuses.
« Que les gens viennent en confiance »
Les parkings seront aussi très surveillés. Si
les coffres seront comme d’habitude vérifiés,
conducteurs et passagers devront sortir du
véhicule pour se soumettre aux fouilles. La
sécurité sera aussi beaucoup plus sourcilleuse
avec les livraisons en amont du match. L’identité des employés sera vérifiée, les camionnettes déchargées en présence d’un agent.
Des snipers, des unités mobiles et des chiens
démineurs, compléteront le dispositif. « Notre
objectif est que les gens viennent en confiance »,
résume Robert Broussard. g
Le Zlatan du trot rêve d’Amérique
HIPPISMe Star en Suède avec
ses 6.000 victoires, Björn Goop
aimerait enfin remporter
la course reine de Vincennes
StéPHANe JOBY
@JobyJdd
Il apparaît dans des publicités pour
un fabriquant de bières et de sodas.
Le samedi, ses pronostics du V75, jeu
phare consistant à donner les vainqueurs de toutes les courses d’une
réunion, sont très attendus sur le
Web. En Suède, Björn Goop est une
star qu’on arrête dans la rue. Le trot
attelé y est un vrai sport populaire,
presque autant que le football et le
hockey. Il y a même une option trot
au programme scolaire.
Goop, prénommé Björn en hommage à Borg, a été le plus jeune
driver à passer le cap des 2.000
puis 3.000 victoires. À 39 ans, il en
compte désormais « 6.020, je crois »,
plus un bon millier comme entraî-
Bjôrn Goop et son cheval Timoko. JLL-LetROt
neur. Il fait partie des dix sportifs
préférés des Suédois dans le sillage
de l’incontournable Zlatan Ibrahimovic. « Lui, il est à part, c’est le
deuxième roi de Suède, sourit Goop.
Comme tous mes compatriotes, il est
fan de chevaux. Et il a vécu à 300
mètres de l’hippodrome de Malmö. »
Le driver n’a jamais rencontré le
footballeur mais il était dans les
loges du Parc l’année dernière pour
la venue de Chelsea.
Si Ibra court en vain après le
Ballon d’Or, Goop collectionne
les Casques d’Or, le trophée qui
récompense le pilote au plus grand
nombre de succès en Suède (l’équivalent du Sulky d’or français) : 12 de
rang jusqu’en 2015. Le dernier car
il a décidé de « privilégier la qualité à la quantité en 2016 ». Mis aux
enchères, son ultime casque est
parti à 100.000 couronnes (environ 11.000 €) vendredi. Celui qui
passe son temps entre la Suède et
la France, où il possède une écurie
de 30 boxes à Grosbois (Val-deMarne), ne se voit pas raccrocher
pour autant : « Mon père (Olle) a bien
piloté jusqu’à 72 ans. Alors tant que je
serai capable et passionné… »
Lionel, comme Messi
Cet après-midi (16h20), sous les
yeux de l’ambassadeur de Suède à
Paris, Björn Goop s’attaque au Prix
d’Amérique. Ce championnat du
monde du trot est la seule épreuve
qui manque à son palmarès et à
celui de son compagnon, Timoko
(18). Le crack à la robe baie va courir son 5e Prix d’Amérique, comme
le légendaire Ourasi. 3e en 2015, il
reste le plus suivi sur les réseaux sociaux. Il possède même une tulipe
à son nom. Du haut de ses 9 ans, il
est le trotteur français le plus riche
(3,5 M€ de gains) en activité. « Il est
magnifique, il sait tout faire », lance
Goop. Ce ne sera peut-être pas suffisant face au favori Bold Eagle (10),
fils du grand Ready Cash, double
lauréat à Vincennes.
Un drôle d’outsider pourrait
créer la surprise : Lionel (4), un
Alezan baptisé en référence à la star
du Barça Lionel Messi ! Derrière lui
dans le sulky, on retrouve encore un
Suédois, Orjan Kihlström. La Suède,
le trot, le foot, on y revient. g
38 | sport
JDD | 31 janvier 2016
23e journée L’ASM a été balayée par l’incroyable promu angevin
Monaco se troue
angers
3
Monaco
0
N’Doye (19e, 43e), Yattara (55e)
Didier Dinart vendredi
lors de France-Danemark.
Newspix/icoN sport
Comment Dinart
prépare l’avenir
HanDbaLL L’échec à l’euro
pourrait retarder le passage
de témoin. Mais l’adjoint
d’Onesta a des idées
cracOvie (POLOgne)
Envoyé spécial
MickaëL carOn
@CARONJDD
Pour les dirigeants de la fédération,
c’est clair : Didier Dinart doit succéder à Claude Onesta, au plus tard
après le Mondial 2017 en France.
Rien n’est encore signé, si ce n’est
un contrat classique de préparation olympique. S’il a provoqué des
tensions entre le sélectionneur et
son adjoint, l’Euro en Pologne (5e)
ne génère pas de changement majeur du scénario le plus probable.
Tout juste peut-il être retardé
de quelques mois. Mais l’ancien
défenseur a déjà des idées pour
prolonger la domination française.
b trOuver Les ajusteMents
avec Onesta
Le staff se réunira début avril
pour une analyse musclée de l’Euro. Onesta a déjà fait savoir que les
défaites contre la Pologne (25-31) et
la Norvège (24-29) seraient décortiquées, tout comme le fonctionnement du staff. C’est d’abord une
autocritique car il n’a pas toujours
laissé la place nécessaire à son adjoint. Mais c’est aussi une pierre
dans le jardin de Dinart, secoué à
plusieurs reprises pendant la compétition. « Il n’y a pas de remise en
cause, assure pourtant le DTN, Philippe Bana. Nous continuons d’ac-
Objectif eurO 2022
La france envisage de monter
un dossier pour l’organisation
de l’Euro 2022 conjointement
avec l’Espagne et la Belgique.
Le président de la fédération,
Joël Delplanque, a eu une
première réunion jeudi à Cracovie
avec ses deux homologues.
La France organise déjà le
prochain Mondial, en 2017, ainsi
que l’Euro féminin en 2018. M.c.
compagner Didier très fort. » Mais
quel rôle pour Onesta après 2017 ?
Un poste de manager, en retrait du
terrain mais pas des hommes ; ou
un rôle auprès des partenaires et
des entreprises, une compétence
dont il a tiré un bénéfice personnel
et qu’il pourrait mettre au service
de la fédération.
b un étranger Dans Le staff ?
En même temps qu’Onesta partiront plusieurs membres de son
staff : le manager Michel Barbot et
peut-être le préparateur physique
Alain Quintallet. À Didier Dinart, le
DTN aimerait associer Vincent Griveau, conseiller technique régional
en Midi-Pyrénées et analyste vidéo
des Bleus depuis 2004. Marqué
par le tandem Talant Dujshebaev
et Raúl González, qui a permis à
son club espagnol de Ciudad Real
de dominer l’Europe, le Guadeloupéen songe plutôt à travailler avec
un technicien étranger, capable
de le seconder dans le domaine
technique, pas seulement dans le
management.
b DéfenDre sans karabatic
En Pologne, les limites physiques
de Nikola Karabatic ont amoindri
la force de frappe. À plusieurs reprises, Dinart l’a décalé sur l’aile
en phase défensive pour l’économiser. À bientôt 32 ans et avec le
calendrier démentiel du PSG, il
ne peut plus attaquer et défendre
pendant 60 minutes. À l’avenir, il
pourrait se concentrer davantage
sur la construction. C’est le sens de
la participation à l’Euro de Ludovic
Fabregas, le plus gros talent français
en défense, qui a peu joué mais beaucoup appris. Onesta pensait l’intégrer en 2017 mais Dinart a insisté,
« ébloui » par son potentiel.
L’ancien roc défensif est aussi
celui qui mènera la génération
1997, celle de Melvyn Richardson,
vers l’équipe de France à l’horizon
des JO 2020. En mars, il aura une
séance particulière à Chambéry avec
le fils de Jackson. Sur la proximité
technique avec les hommes, Dinart
incarnera un style nouveau. g
Ses dauphins patinent tellement
que le PSG n’a pas besoin de jouer
pour conforter son avance. Même
s’ils venaient à s’incliner à SaintÉtienne ce soir, les triples champions de France conserveraient
un matelas extra-moelleux de 21
points après la débâcle de Monaco
à Angers. Ce trou béant est autant
la conséquence de l’absolutisme
parisien que de la médiocrité de
la concurrence. Il faut remonter
treize ans en arrière pour trouver un deuxième du championnat avec un nombre de points
(39) aussi faible à ce stade de la
saison : mais à l’époque, Lyon,
Nice et Marseille ne comptaient
qu’une longueur de retard sur le
leader, Auxerre.
Le naufrage de l’ASM est révélateur : le club de la Principauté
restait sur neuf matches sans défaite en L1 et n’a pas existé contre
le SCO, giflé une semaine plus tôt
au Parc (5-1). À chaud, Andrea
Raggi a déploré « l’arbitre scandale » au micro de Canal+. L’Italien
était à côté de la plaque comme sa
défense pendant les 90 minutes qui
avaient précédé. Son entraîneur
Leonardo Jardim a été plus lucide,
évoquant « un match complètement
raté […] sans l’intensité nécessaire
pour jouer dans cette L1 ». Monaco
a joué avec son maillot rouge d’entraînement et a effectivement été
un gentil sparring-partner. Pic de
L’anecdote
En six mois, stephan
el shaarawy n’avait pas
mis un but en championnat avec Monaco. Pour
son premier match avec
la Roma, où il a atterri
cet hiver, il a marqué.
Le serial buteur angevin N’Doye avait à cœur d’inscrire un doublé. FraNck Dubray/Maxppp
l’humiliation, le public angevin a
chambré sans modération. Avant
de communier avec son équipe au
coup de sifflet final.
Moulin : « un moment
historique »
Le promu est aujourd’hui en
course pour la Ligue des champions. Mais les Bianconeri de
l’Anjou apprécient surtout de « se
rapprocher du maintien », comme
l’indique le gardien Alexandre
Letellier, qui a avantageusement
remplacé Ludovic Butelle, parti
en Belgique cet hiver. Stéphane
Moulin vit, lui, « un rêve et un
moment historique » après ce
« match référence ». Avec plus de
Classement
Le chiffre
2
Comme le nombre de
penalties ratés par Wissam
ben Yedder lors des deux
derniers matches de Toulouse.
Contre Guingamp, il a égalisé…
sur penalty avant de buter sur Lössl
à sa seconde tentative.
Brandao (69e)
Lyon
1
0
À L’ancienne À Lyon, la lumière
n’arrive toujours pas. On résume.
Depuis fin octobre, pas le moindre
succès en déplacement. Et encore,
c’était à Troyes donc ça ne compte
pas vraiment. En attaque, c’est le
vide. « Et pas seulement à cause
du manque de soutien pour Alex
(Lacazette) », soupire Génésio,
aussi engourdi que ses troupes.
La défense ? « Fébrile. Je ne sais
même pas s’il ont eu deux occasions en face, mais ils marquent
quand même. » En plus, c’est signé
Brandao, camouflet ultime. Bruno
marche seul et l’OL s’embourbe
au classement. Pas faute de faire
tourner la gonfle pourtant (63 % de
possession). Mais hier, il en fallait
plus pour calmer Bastia, qui avait
retrouvé ses « vraies valeurs »,
selon l’étendard Jean-Louis Leca.
Comprendre qu’il ne fallait pas
trop s’attarder dans les duels. En
même temps, sans la moitié des
titulaires out, difficile d’amuser
la galerie. Surtout quand on vient
de changer de coach. Voilà donc
« trois points inespérés » pour la
promotion de Ciccolini. François
1er, déjà adoubé par Leca, qui tient
visiblement à garder sa place : « Je
suis très content pour lui, il va nous
faire énormément de bien. »
Lorient
2
toulouse
1
reims
0
guingamp
2
Touré (15e, 51e),
ajaccio
0
Montpellier
4
Yatabaré (15e), Martin (41e sp),
Dabo (51e, 57e)
Ben Yedder (64e sp)
Sankharé (12e), Briand (72e)
0
nantes
1
Vendredi : Marseille-Lille
n
p bp bc diff.
60 22 19
j
3
0
56 10 46
2 Monaco
39 23 10
9
4
33 28
5
3 angers
37 23 10
7
6
24 18
6
4 nice
36 22 10
6
6
37 26 11
5 rennes
34 22
8
10
4
32 25
6 saint-etienne
33 22 10
3
9
25 25
0
7 caen
33 22 10
3
9
24 28
-4
8 nantes
32 23
8
8
7
21 22
-1
9 Marseille
31 23
7
10
6
33 24
9
10 Lyon
30 23
8
6
9
28 27
1
11 Lorient
30 23
7
9
7
32 32
0
12 bordeaux
30 22
7
9
6
27 30
-3
13 bastia
28 23
8
4
11 22 27
-5
14 guingamp
27 23
7
6
10 22 30
-8
15 Lille
26 23
5
11
7
18 19
-1
16 gazélec-ajaccio 26 23
6
8
9
24 31
-7
17 Montpellier
25 23
7
4
12 27 29
-2
18 reims
23 23
5
8
10 23 32
-9
19 toulouse
20 23
4
8
11 25 41 -16
20 troyes
11 23
1
8
14 16 45 -29
7
Meilleurs buteurs
17 buts : Ibrahimovic (PSG) ; 12 buts : Batshuayi
(OM) ; 11 buts : Moukandjo (Lorient) ; 10 buts :
Ben Arfa (Nice) , Cavani (PSG); 8 buts : Di Maria
(PSG), Ben Yedder +1 (Toulouse) ; 7 buts : Ndoye
+2 (Angers), Delort (Caen), Lacazette (Lyon),
Germain (Nice).
aujourd’hui
Caen-Nice
Stade Michel d’Ornano (14 h, beIN)
Bordeaux-Rennes
Stade Matmut Atlantique (17 h, beIN)
troyes
Gillet (41e)
g
1 Paris sg
Pts
Pour Lyon, ça se corse
bastia
tact et d’élégance que son président (Saïd Chabane), l’entraîneur
du SCO pondère les critiques
émises (par Hatem Ben Arfa) sur
sa stratégie défensive : « On n’a pas
37 points par hasard. On ne peut
pas être mauvais même si on n’a
pas toujours été à ce niveau. On a
été pas mal décrié, ça n’a pas été
toujours juste. »
Angers a offert son plus grand
festival offensif depuis 35 ans en
L1. Le capitaine Cheikh N’Doye
y a été de son doublé. Pas sûr
que la belle saison de l’ancienne
idole d’Épinal laisse insensible
les recruteurs de Premier League
à 48 heures de la clôture du
mercato… s.c.
1-1
24e journée
Mardi 2 février : Monaco-Bastia (19 h, beIN);
Montpellier-Marseille (21 h, Canal+).
Mercredi 3 : Lille-Caen; Lyon-Bordeaux; Guingamp-Troyes; Nice-Toulouse; Nantes-Ajaccio;
Reims-Angers (19 h, beIN). Paris SG-Lorient
(21 h, beIN).
jeudi 4 : Rennes-Saint-Étienne (21 h, Canal+).
football | sport | 39
jdd | 31 janvier 2016
chrisTOPhe GalTier L’entraîneur stéphanois, le plus ancien au même
poste en L1, revient sur les petites histoires qui ont nourri sa carrière
Mais tout le monde pense que je
veux le frapper et cette histoire
ressort. Je n’ai jamais recroisé Gallardo mais c’est devenu un grand
entraîneur ; quand j’ai lu qu’on
l’annonçait à Lyon, j’ai imaginé le
derby avec nous deux. Ça m’a fait
sourire…
@SolenJDD
C’est un excellent communicant
qui s’épanche peu sur lui-même.
Entre une conférence de presse
sur le gril et un déjeuner détendu avec les médias, Christophe
Galtier, 49 ans, a pourtant pris du
temps pour se raconter. En poste
depuis décembre 2009, il doit
défier la thèse de l’année de trop
alors que ses Verts ne tournent
pas rond. « Piqué », le challenge
le motive. « Un jour, il y aura une
fin, dit-il. Ça peut être dans quatre
mois comme dans longtemps, à la
manière d’un Christian Gourcuff
à Lorient. »
… alain Perrin
m’a affranchi
Quand Alain Perrin est limogé
[15 décembre 2009], les dirigeants
de Saint-Étienne me proposent le
poste. Je refuse car, dans mon esprit, je dois partir avec lui, comme
à Lyon un an plus tôt. Mais ils ont
insisté et j’ai dit que j’allais voir
avec Alain. Le lendemain, ça a
duré deux minutes : « Ne te pose
aucune question, c’est toi qui dois
prendre la place. » Ça m’a ouvert
une porte mais c’est surtout son
attitude qui a tout débloqué : il a
été dans le vestiaire et a légitimé
la transition auprès du groupe. S’il
ne m’avait pas affranchi, le regard
des joueurs aurait été différent, la
suite aussi. »
… J’ai pris une
soufflante avec canto
Avec Eric Cantona, on
était deux garçons un peu
turbulents au collège, à Marseille.
En sport, on ne voulait jouer qu’au
foot. Or, notre prof de gym nous
imposait du volley, du hand, du
saut en longueur. Du coup, on
perturbait son cours. Un jour, il
nous a traités de bons à rien qui
n’arriveraient à rien. Il s’est trompé mais il a eu raison de le faire.
J’étais plus clown qu’Éric, qui était
timide. Mais on était complémentaire. On est devenu champion
d’Europe Espoirs ensemble (1988).
On a fait des choses bien pires que
la virée des Espoirs en 2012 mais
il n’y avait pas la même exposition
médiatique. La veille d’un match
qualificatif, on est sorti jusqu’à
4h30. Le sélectionneur, Monsieur
Bourrier, l’a su et nous
en a mis plein la gueule.
Mais on a gagné… Heureusement qu’on est con
à cet âge-là ! J’accepte
les erreurs. Pas qu’on
les renouvelle.
… Je suis devenu un
entraîneur qui gagne
Christophe Galtier vendredi au centre d’entraînement de l’ASSE à l’Étrat. R. QUADRINI poUR le JDD
À 18 ans, j’ai disputé une finale
de Coupe de France avec l’OM :
perdue dans les prolongations
(2-1 contre Bordeaux en 1986). Je
me suis dit que cette opportunité allait se représenter. L’année
d’après rebelote : pas grave, ça reviendra… Mais non, ça n’est plus
revenu. Alors quand, entraîneur,
la finale de Coupe de la Ligue
contre Rennes s’est
présentée en 2013, je
l’ai préparée comme si
c’était la dernière. Sans
cette victoire (1-0), je ne
suis pas à côté de Carlo
Ancelotti aux trophées
UNFP. Me retrouver au
même rang que ce grand monsieur
me l’a confirmé : gagner change la
vie. Ça décuple la confiance et la
légitimité.
« Le jour où... »
... J’ai dû quitter l’OM
Le 24 juin 1987, je suis à la plage.
Quand je rentre chez moi, message
de la direction de l’OM sur mon
répondeur : « Tu es prêté à Lille. »
Le lendemain, je me retrouve dans
le Nord : nuages, pluie, envie de
pleurer… Comme dans Bienvenue
chez les Ch’tis. Et comme dans le
film, j’ai pleuré en repartant trois
ans plus tard ! Je comprenais la
position de l’OM : Tapie arrivait,
des stars débarquaient. Moi, je badais Alain Giresse. Lors du premier
gros match de la saison 1986-1987,
contre Monaco, je me retrouve
devant lui dans le tunnel du Vélo-
drome. Je n’ai pas 20 ans, je suis
tendu. Il y a 52.000 spectateurs et
je suis une erreur de casting dans
cette équipe. Je me retourne et je
vois Gigi. Livide, comme moi. Ça
m’a rassuré.
... J’ai perdu 7 kg
En 1998, j’ai une opportunité
en Chine [au Liaoning Yuandong].
Après 17 heures de voyage, je rejoins l’équipe en stage. Les structures sont plus que limites. L’entraîneur m’ausculte en me tâtant
partout. J’appelle ma femme – ça
m’a coûté 500 francs – pour lui dire
que je rentre. Je suis finalement
Paris à la chasse aux canaris
saint-Étienne
Stade Geoffroy-Guichard (21 h, Canal+)
Paris sG
s’il ne Perd Pas à Saint-Étienne,
le PSG rejoindra dans l’histoire
le FC Nantes, qui avait aligné
32 matches de championnat sans
défaite en 1994-1995. Paris reste
sur 28 victoires et 3 nuls depuis sa
défaite à Bordeaux le 15 mars 2015
(3-2, 29e journée). Reste que les
Canaris de Coco Suaudeau avaient
réalisé l’exploit sur une seule saison,
ce que le PSG a encore la possibilité
de faire. Les Parisiens visent même
un sans-faute inédit en France, sur le
modèle des « invincibles » d’Arsenal
en 2003-2004 en Angleterre. En
poursuivant leur cadence infernale,
ils auraient aussi de grandes
chances de battre le record de points
(89 par eux-mêmes en 2013-2014),
de différence de buts (+ 63, Reims
en 1959-1960) et d’écart avec
leur dauphin (17 points, Lyon en
2006-2007). À Geoffroy-Guichard,
Laurent Blanc sera privé de Thiago
Silva, Pastore, David Luiz, Lavezzi
et Sirigu. Marquinhos et Verratti
sont de retour. En ce qui concerne
la prolongation de contrat
de l’entraîneur, celui-ci a indiqué
qu’« il y aura du nouveau
la semaine prochaine ».
resté neuf mois et je me suis régalé
dans cette petite ville de 3 millions
d’habitants, Jinzhou, qui grouille
24 heures sur 24. J’ai une capacité d’adaptation supérieure à la
moyenne. J’ai quand même eu du
mal avec la nourriture : j’ai perdu
7 kg. Toute expérience mérite
d’être vécue. C’est comme ça que
je me suis retrouvé entraîneur de
l’Aris Salonique (2001-2002). Làbas, j’ai appris le mot grec avrio :
demain. « Demain, on te donne ton
salaire. » J’ai attendu six mois. Et
je n’ai presque rien touché quand
j’ai été viré !
… Gallardo a dit
que je l’avais frappé
Suite à l’affaire du tunnel [le
7 avril 2000, Marseille-Monaco],
j’ai été injustement suspendu
six mois. Il n’y a pas une image,
juste des déclarations après une
bagarre. Marcelo Gallardo a dit
que je l’avais frappé. Ce n’était
pas moi, il le sait. On m’a chargé
alors que je n’ai tapé personne. J’ai
assumé, mais il y a eu beaucoup de
fantasmes. Ça a été très difficile à
vivre, mais aussi été une grande
motivation pour montrer que je
n’étais pas l’homme qu’on dépeint.
Malgré tout, au moindre dérapage,
on me le remet dans la gueule. En
début de saison à Toulouse, je fais
un geste avec la main au-dessus de
Pesic après son tacle sur Perrin. Je
veux juste lui faire comprendre
que je suis abasourdi par son geste.
Foot
Thauvin is back !
Même si Michel évoquait
hier une « hypothèse », le
retour de Florian Thauvin à
l’OM se confirme. Vendu
17 M€ à Newcastle l’été
dernier, le milieu offensif
reviendrait sous forme de
prêt sans option d’achat
jusqu’à la fin de saison.
Du côté de Bordeaux, on
s’apprête à accueillir
le gardien de Troyes,
Paul Bernardoni (18 ans),
moyennant 3 M€.
Intraitable Barça
En battant l’Atletico Madrid
(2-1, buts de Messi et Suarez),
Barcelone a frappé un grand
coup en tête de la Liga,
prenant trois longueurs
d’avance sur son dauphin,
réduit à neuf. Troisième, le Real
Madrid de Benzema, dans une
forme « phénoménale » selon
Zidane, ne devra rien céder à
l’Espanyol Barcelone
aujourd’hui.
rugby
Clermont déprime
La crise est ouverte à Clermont,
battu pour la troisième fois
consécutive à domicile, du
jamais vu.Cette fois, c’est
Montpellier s’impose en
Auvergne (19-15), lors de la
14e journée du Top 14. Du
coup, le Racing et Toulouse,
faciles contre Oyonnax (26-3)
et Pau (54-3), prennent leurs
distances en tête.
Patinage
Danse avec
les médailles
… J’ai vomi après
une défaite
Après Reims dimanche dernier
(1-1), je suis rentré à la maison et
j’ai pleuré. Besoin d’évacuer la
frustration. Certains joueurs ont
pu penser que j’avais établi une
liste noire [après qu’il eut déclaré
que « certains [allaient] prendre
la porte », six noms sont sortis
dans L’Équipe]. Ça me fait mal,
je ne suis pas comme ça. Mais le
regard des joueurs vous renvoie
leurs doutes. Quelque chose ne va
pas dans le contenu des matches,
je dois trouver la solution. Le seul
responsable, c’est moi. Et j’ai horreur de me sentir fautif. Il y a deux
ans, après l’élimination à Cannes
en Coupe, j’ai vomi. C’est peutêtre parce que je me mets dans
ces états que je suis toujours là.
Dans ce métier, la joie est éphémère. Je me suis revu à la télé
après avoir sorti Karabükspor
en tour préliminaire de la Ligue
Europa (août 2014) : un truc de fou
alors qu’on avait juste éliminé des
inconnus aux tirs au but ! Mais on
s’investit tellement que parfois, la
soupape lâche. Il faut faire attention à son hygiène de vie, faire du
sport pour évacuer. J’ai arrêté de
fumer. Parfois, j’étais aphone en
plein match. » g
SAMUel KUBANI/AFp
l’ÉTraT (lOire)
Envoyé spécial
sOlen cherrier
télex
Les Français Gabriella
Papadakis et Guillaume
Cizeron, 20 et 21 ans, ont
conservé leur titre de
champions d’Europe en danse
sur glace, à Bratislava.
« Regagner, c’est encore plus
cool ! C’était stressant de
rejouer la première place mais
on a réussi », savoure Cizeron.
cyclisme
Un moteur
dans le vélo ?
L’Union cycliste
internationale (UCI)
a « saisi » hier un vélo aux
Championnats du monde
de cyclo-cross, à Zolder
(Belgique). Dans l’épreuve
Espoirs, la Belge Femke Van
den Driessche est suspectée
d’avoir utilisé un vélo équipé
d’un moteur. Vue comme la
favorite, elle a abandonné
sur ennui mécanique.
dimancheparis
jdd | 31 janvier 2016
|i
environneMent Après Fontainebleau, le massif boisé de Sénart va devoir s’équiper d’un
système de photosurveillance. Les dépôts sauvages augmentent de 20 % chaque année
Forêts, halte aux ordures !
D
@Makleiber
es appareils photos ultrasensibles cachés dans
les sous-bois : ils se déclenchent au moindre mouvement, de jour comme
de nuit. Leur cible ? Ni les cerfs
majestueux, ni les sangliers sortant en harde le soir mais un intrus
inattendu, difficile à débusquer…
Ces dispositifs espions traquent en
effet les êtres humains indélicats
qui vident leur cave le soir sous le
grand chêne, ou les artisans qui
jettent leurs gravats incognito dans
les clairières. Aux grands maux, les
grands remèdes. Face aux pollueurs
des sous-bois, l’Office national
des forêts (ONF) sort la photosurveillance. Car il est bien difficile
de prendre les contrevenants sur
le fait, et impossible de cacher un
garde derrière chaque arbre.
Ce nouveau procédé vient
d’être testé dans la forêt de Fontainebleau : les agents de l’ONF ont
d’abord cartographié les zones les
plus touchées. Une vingtaine de
lieux servant de dépôts sauvages
ont été répertoriés il y a dix-huit
mois. Puis des appareils équipés
de puces (en cas de vol) y ont été
dissimulés de telle sorte qu’ils permettent d’enregistrer plaques automobiles et visages. De quoi porter
plainte ensuite. Bien sûr, les gardeforestiers doivent faire le tri, jetant
les photos d’animaux pris sur le vif,
et ne gardant aucune photographie
plus de trente jours, conformément
aux instructions de la Cnil, la Commission nationale de l’informatique
et des libertés. Vingt-cinq plaintes
ont été déposées en quelques mois.
« Le processus judiciaire est long »,
précise-t-on à l’ONF.
Un riverain de la forêt de Fontainebleau, qui avait pris l’habitude
de jeter sa poubelle tous les matins
par la fenêtre de sa voiture en traversant les bois, a été condamné à
Sentier
aménagé
dans le sous-bois
de Fontainebleau
que des millions
de promeneurs
arpentent chaque
année.
CRISTOFANI/BNT/SIPA
1.500 € d’amende. Un autre particulier, qui avait vidé son grenier, a
écopé en novembre dernier de la
même amende, et de 3.000 € à titre
de dédommagement.
Plus de 200 tonnes d’ordures
ont été ramassées
Après les 25.000 hectares de
Fontainebleau, la forêt de Sénart,
ancien terrain de chasse royale
de 3.000 hectares, sera également
équipée de ces « nasses » photographiques à partir d’avril. Ces deux
domaines sont tous les deux très
fréquentés (11 millions de visites
annuelles pour le plus grand, 3 millions pour l’autre). Et les promeneurs se plaignent tout particulière-
ment de la saleté. À Fontainebleau,
en 2014, plus de 200 tonnes d’ordures ont été ramassées !
Mais ces deux grands bois ne
sont pas les seuls concernés par
cet incivisme grandissant : toutes
les futaies d’Île-de-France, Meudon, Marly-le-Roi, Rambouillet,
affrontent ce problème. « Depuis
2013, le nombre de tonnes de déchets
ramassés par nos agents augmente
chaque année de 20 %, explique
Guillaume Larrière, porte-parole de
l’ONF en Île-de-France. La collecte
et le traitement de ces ordures ont un
coût, cela représente près de la moitié
des dépenses d’entretien. Cet argent
devrait être consacré exclusivement
à l’aménagement des aires d’accueil
GIlleS ROlle/ReA
Vers le « zéro déchet » à Paris ?
AU P RO C H A i N
Conseil de Paris du
15 au 17 février, un
plan de propreté
devrait être présenté
par la maire de Paris,
Anne Hidalgo, qui
a fait de ce thème
l’une des priorités
de sa mandature. Fin
2012, un classement
établi par le site TripAdvisor
classait Paris à la 24e place des
grandes métropoles mondiales
quant à la propreté de ses rues.
Trois ans plus tard, les crottes de
chiens, les sacs-poubelle éventrés
sur les trottoirs restent un sujet
d’agacement chez les Parisiens
et les touristes ; une impression
subjective, puisqu’il n’y a pas de
baromètre officiel pour mesurer
la saleté parisienne.
Depuis 2014, plusieurs actions
ont été mises en place : « Nous
avons par exemple déployé
35.000 corbeilles de rue, avec cendrier incorporé », tient à rappeler
Mao Peninou, adjoint à la maire
de Paris chargé de la propreté
et du traitement des déchets
(photo). « Nous avons renforcé
le plan de collecte estivale d’avril
à octobre, sur les sites très fréquentés aux beaux jours, comme
le canal Saint-Martin. Il nous faut
tenir compte des nouveaux usages
de la ville, dont l’espace public – la
place de la République, les berges
de Seine – est réinvesti par les Parisiens. Aujourd’hui, on a tendance
à rester à des endroits où l’on ne
faisait que passer auparavant et
cela engendre du nettoyage. »
Un nouveau plan propreté
annoncé
Depuis octobre dernier, autre
changement : le fait de jeter un
mégot par terre peut vous valoir une amende de 68 €. Une
centaine d’agents en civil ont
déjà distribué plus de 1.000 en
trois mois à des fumeurs négligents. « En plus des 40.000 cendriers de poche déjà distribués,
125.000 autres vont l’être dans les
mois qui viennent, via le Crous,
les syndicats de restaurateurs et
la RATP et la SNCF » ajoute Mao
Peninou.
Concernant les dépôts sauvages, à Paris, ils sont « stabilisés
depuis deux ans » : 60 % d’entre
eux ont été signalés et évacués
dans la demi-journée. L’application DansMaRue a permis
60.000 signalements, contre
15.000 en 2013, et la version 2
de l’appli va être lancée d’ici à
juin prochain.
Une brigade contre les incivilités entrera aussi en action
dans les mois à venir. Quant au
plan de propreté qui sera annoncé dans les jours prochains,
il devrait faire la part belle à
l’engagement des citoyens,
déjà mobilisés l’an passé lors de
l’opération Paris, fais-toi belle.
« Il faut impliquer les habitants
dans la notion de propreté, il leur
faut arrêter de jeter par terre, et
aussi moins jeter tout court »,
annonce l’adjoint. Le plan devrait mettre l’accent justement
sur le « zéro déchet ». M.-a.K.
et des parcours de promenade, ou à
la coupe d’arbres dangereux. »
Les accès des domaines forestiers
sont bloqués le soir
À la Région, qui gère via l’AEV,
l’Agence des espaces verts d’Île-deFrance, 17.000 hectares de forêts
(Ferrières, Verneuil, La RocheGuyon, etc.), le phénomène des
déchets sauvages est aussi pris en
compte. Un fonds de propreté, destiné à aider les communes à nettoyer
– un engagement de campagne de
la nouvelle présidente (LR) Valérie
Pécresse – devrait être rapidement
mis en place. Et début 2017, Chantal
Jouanno, la vice-présidente chargée
de l’écologie et du développement
durable, devrait présenter un plan
régional déchets. « Nous allons aussi
demander à l’État de verbaliser et
d’agir », ajoute-t-on.
Des discussions avec les professionnels (artisans, entreprises du
BTP…) doivent aussi être lancées,
pour définir des actions de fond. Les
deux tiers des déchets collectés dans
les domaines forestiers par l’ONF
sont en effet constitués de gravats et
de restes de chantier, qui normalement devraient finir en déchetterie –
au coût pour du « mélange » de 80 €
environ le mètre cube HT dans les
sites privés, moitié moins pour les
sites publics. Or, selon l’Apur, l’Atelier parisien d’urbanisme, qui vient
de rendre une étude sur les abords
autoroutiers eux aussi victimes de
dépôts sauvages (lire l’encadré),
l’offre de déchetteries dans la métropole du Grand Paris est « insuffisante, disparate, peu lisible et peu
adaptée aux petits artisans ». Pour
un indépendant, passer par la case
déchetterie n’est « économiquement
supportable qu’à partir d’un volume
de 5 m³ ».
En attendant, un jour, un réseau
de traitement de ces ordures plus
efficace, à Sénart, les garde-forestiers bloqueront les accès de la forêt
le soir venu, grâce à des portiques
anticamionnettes et des bornes escamotables en cours d’installation. Et,
la nuit tout au moins, les appareils
photos cachés dans les fourrés et
les arbres frissonnants, ne devraient
plus prendre que des clichés de cerfs
ou de sangliers… g
Des moutons en borD D’autoroute
L’an passé, la Dirif, direction des
routes d’Île-de-France, a lancé une
grande opération de nettoyage sur
les abords des autoroutes du Nord
de Paris, où les déchets pullulaient.
De mars à juin, plus de
25.000 tonnes ont été enlevées
des bordures autoroutières
(pour un montant de 15 millions
d’euros). Une campagne
d’affichage a également
été lancée, interpellant
les automobilistes d’un « La route
n’est pas une poubelle ! »
Mercredi dernier, l’Apur, l’Atelier
parisien d’urbanisme a rendu
publique une étude sur
« l’insertion urbaine et paysagère
PlAINPICTuRe/S. ShePheRd
Marie-anne Kleiber
des autoroutes dans le Grand
Paris », dans laquelle des pistes
d’action sont données pour
certains sites transformés
en décharge, des « délaissés »
autoroutiers. Les urbanistes
proposent d’y planter des arbres
fruitiers, d’y mettre des ruches,
ou des moutons. M.-a.K.
ii | paris
JDD | 31 janvier 2016
Urbanisme, le grand pari d’Anne H
eXcLUSIF L’opération Réinventer Paris, l’un des plus ambitieux concours d’architecture en Europe, s’est achevée cette semaine. Le nom
choisies parmi les 75 «projets urbains innovants », sera dévoilé mercredi. Le JDD a pu assister à l’un des jurys. Coulisses
Bertrand Gréco
Le 3 février, Anne Hidalgo dévoilera le nom des 23 lauréats de
l’opération Réinventer Paris ; et
l’événement fera du bruit. Car les
vainqueurs de ce vaste et inédit
« appel à projets urbains innovants »
ont une mission d’importance :
dessiner la « métropole du futur »
et « préfigurer ce que pourrait être
Paris demain », comme l’annonce
la maire de la capitale. La Ville a
identifié 23 sites lui appartenant
– terrains nus, bâtiments des années
1970, friches industrielles, hôtels
particuliers, franchissements du
périphérique… –, qui seront vendus ou loués aux équipes lauréates
menées par des promoteurs et des
architectes. Tout au long du mois
de janvier, 23 jurys – un par site –
se sont réunis pour départager les
trois ou quatre finalistes. La série
de concours s’est achevée jeudi avec
la présentation des projets pour
l’immeuble Morland (4e).
Exceptionnellement, le JDD a
pu assister à l’un de ces jurys, soumis à des règles de stricte confidentialité. Mardi, 14 h 30, une fébrilité
palpable règne dans les sous-sols
de l’Hôtel de Ville. Quatre équipes
pluridisciplinaires, composées chacune d’une douzaine de personnes,
attendent leur tour pour passer
leur grand oral. Elles ont planché
depuis des mois sur leur proposition, forcément spectaculaire,
puisqu’il s’agit de construire un
« immeuble-pont » enjambant le
périphérique – aujourd’hui non
couvert à cet endroit – sur près de
4.000 m² porte des Ternes, (17e),
à deux pas du palais des Congrès.
Deux heures plus tôt, le même jury
avait désigné un gagnant pour le site
adjacent, entre la porte des Ternes
et la porte Maillot (lire l’encadré).
Dans les coulisses, la tension
est à son comble. Les concurrents
s’épient du coin de l’œil. Crispés
ou concentrés, ils dissimulent dans
de grands cartons mystérieux leur
précieuse maquette censée impressionner les membres du jury.
Deux des quatre projets en lice pour le site Ternes-Villiers (17e) en surplomb du périphérique : la « Ville multistrates » de Jacques Ferrier
(BNP Paribas), à gauche, et celui de Sauerbruch Hutton (Foncière des Régions), à droite. JFa-ChaRtieR dalix / saueRbRuCh hutton
Celui-ci est présidé – dans la bonne
humeur – par Jean-Louis Missika, l’adjoint de la maire, chargé
de l’urbanisme, de l’architecture
et du Grand Paris. À sa droite, la
maire LR du 17e, Brigitte Kuster. À
sa gauche, un adjoint du maire de
Neuilly-sur-Seine (92), commune
riveraine. Une vingtaine d’autres
personnes font partie du jury : un
élu de chaque groupe politique,
des adjoints ou leur représentant,
mais aussi des « experts », comme
l’architecte allemand André Kempe,
le designer Marc Aurel, Robin
Chase, fondatrice américaine de
Zipcar, Dominique Alba, directrice
de l’Atelier parisien d’urbanisme
(Apur), des enseignants chercheurs
ou encore des responsables de la
direction de l’urbanisme de la Ville.
« Nous vous présentons du rêve,
un projet jamais encore réalisé »
Chaque équipe dispose de vingt
minutes de présentation, suivies
de dix minutes de questions-réponses. Dans un coin, les secondes
s’égrainent sur un grand écran affichant le compte à rebours. À l’opposé, dans une minuscule cabine, deux
interprètes font de la traduction
simultanée. Pour chaque audition,
le rituel est le même. La maquette,
tantôt petite et démontable, tantôt
immense et lumineuse, est installée
au milieu du jury, disposé en U. Un
petit film montre le projet sous son
plus beau jour. Puis, le grand oral
démarre, au cours duquel s’expriment le promoteur, l’architecte et
des spécialistes de l’écoconstruction, de l’agriculture urbaine, de la
restauration solidaire, de l’hôtellerie, du coworking, etc.
Le premier candidat du site
Ternes-Villiers s’appelle « Nouvelle Scène ». Le projet est porté
par la Compagnie de Phalsbourg
et dessiné par l’agence française
Loci Anima Architecture. « Nous
vous présentons du rêve, un projet
jamais encore réalisé », s’enthousiasme Philippe Journo, le patron
du groupe, prêt à investir 30 millions d’euros HT. Et de vanter les
mérites de son équipement culturel (18.800 m²) dédié au spectacle
vivant et aux « shows contemporains à fort contenu technologique ».
La salle modulaire d’environ
2.000 places et sa scène centrale
pourraient accueillir le Cirque du
Soleil, des concerts ou des comédies
musicales. S’y ajoutent une « black
box », une résidence hôtelière pour
artistes, des bureaux réservés au
monde de la création artistique, un
restaurant et un potager de 600 m²
sur le toit. La façade « bioclimatique », constituée de lames d’aluminium blanc nacré qui laissent
pénétrer ou stoppent la lumière,
évoque un rideau de scène. Avec ses
cheveux verts, le botaniste Patrick
Blanc – l’inventeur du mur végétal
urbain – décrit le « nuage vert » qu’il
imagine derrière les lames, constitué de « végétation moussue et à très
petites feuilles ».
Le deuxième projet, répondant
au nom de « Ville multistrates »,
est défendu par BNP Paribas,
avec le concours du fonds souverain de Norvège – le plus important du monde, disposant de plus
de 800 milliards d’euros – et du
bailleur social 3F. Investissement :
44 millions d’euros HT. L’architecte français Jacques Ferrier
a conçu un « paysage-pont »,
comprenant une nouvelle place
publique, entourée de 4 bâtiments
à ossature en bois (17.900 m²),
arborant des façades végétalisées et reliés à leur sommet par
des passerelles légères. « Radicalement le contraire d’un immeuble
Un immeuble-pont au-dessus du périphérique
SéPARé DU SITE TERNESVilliers par l’avenue de la Portedes-Ternes, le terrain Pershing
(17e) a fait l’objet d’un jury mardi
matin. Ici aussi, un immeublepont va s’ériger au-dessus du
périphérique, empiétant sur
l’actuel parking à autocars de
la porte Maillot. Les candidats
souhaitent tous construire un
hôtel, des bureaux, des espaces
de coworking, des logements
(dont 30 % sociaux), une
crèche, des commerces et une
gare routière repensée… Piloté
par Unibail-Rodamco, le projet « Playground » consiste en
un ensemble immobilier mixte
conçu par l’agence danoise 3XN
comme une « grande serre vitrée
et luxuriante » ; il comprend aussi
un marché, un bar rooftop…
Le projet « Mille Arbres »
(Compagnie de Phalsbourg) propose un bâtiment à énergie positive, présenté comme une « forêt
habitée », œuvre du Japonais Sou
Fujimoto. Outre les 391 arbres en
« Playground » par l’agence danoise
3XN (Unibail-Rodamco). 3xn
toiture et les 503 arbres au premier
niveau, l’architecte a dessiné une
« rue gourmande de chefs étoilés »
et un « food court » designé par
Philippe Starck. Le troisième
candidat, « PXP » (Gecina), a fait
appel à l’illustre architecte néerlandais Rem Koolhaas (OMA)
pour imaginer un immeuble de
50.000 m², où s’implanterait une
annexe de la Pinacothèque, et
7.000 m² destinés à l’agriculture
urbaine. Enfin, « La Ville plurielle
et généreuse » (BNP Paribas) et
l’architecte Jacques Ferrier présentent un « paysage-pont habité »,
abritant une auberge de jeunesse et
une terrasse belvédère à côté des
jardins et potagers sur le toit. B.G.
Bonnes taBles
ouverts le dimanche
la redécouverte
Le Corot (92),
séquence évasion
L’envie nous vient de célébrer
une bonne nouvelle à deux
en dehors du brouhaha de la
ville. Surgit l’idée d’une table
de qualité, calme et inventive,
nichée aux bords des étangs
de Corot, à Ville-d’Avray. À
quinze minutes (en voiture)
de la capitale, nous voilà bien
installés le long de la baie
vitrée avec vue sur la jolie
petite cour intérieure. La pièce
accueille quelques tables bien
espacées, le service est
efficace. L’ancien relais de
chasse est orné par endroits
de grands panneaux
rappelant l’œuvre du peintre.
Le menu dégustation frôle les
100 € mais comparé à ces
Le restaurant met en scène son passé de pavillon de chasse. R. valeRio
cantines parisiennes qui se
croient « incontournables »…
Et puis, c’est soir de fête et le
chef propose une cuisine
justement couronnée d’une
étoile. Va pour le foie gras
rôti, l’anguille fumée avec sa
blette et consommé de
betterave, délicieux mélange
de saveurs. L’aiguillette de
saint-pierre poêlée et sa sauce
aux supions fondent dans la
bouche. Nous poursuivons
par une (petite) selle
d’agneau rôtie, avec
pulpe d’aubergines 8/10
et jus d’agneau au
Xérès qui fait
sourire les babines. Repus,
nous nous privons de
fromage pour mieux
apprécier l’épatante carotte
des sables et le sorbet
carotte-clémentine. Allez, un
p’tit verre de champagne, une
belle balade digestive le long
des plans d’eau
magnifiquement givrés, et
notre évasion culinaire est
couronnée de succès.
Le corot, 55, rue de Versailles,
Ville-d’avray (92), hôtel-spa
et restaurants. du mercredi
soir au dimanche. tarifs :
menu dégustation 95 € ;
menu déjeuner 48 € (j., v., s.).
tél. : 01 41 15 37 00.
Chez Astier (11e),
à l’ancienne
Marre des dînettes avec leurs
tables d’écoliers dépareillées et
autres bistrots-couloirs bondés?
Alors, venez respirer dans cet
établissement au cœur du
« vrai » Paris. Il a été récemment
redécoré : le carrelage gris,
les murs boisés, la serviette à
carreaux en tissu, et le sourire
des serveurs vous annoncent la
(jolie) couleur : bienvenue chez
Astier, où le pot de sardines et sa
petite assiette de pommes de
terre vinaigrette vous replongent
dans un autre temps, celui des
plats tradis simplement bons,
sans complexes ni
arrière-pensées. Au diable
la tyrannie des calories, le plat
chronométré… Alors, va pour
7/10
la bavette saignante
et délicieusement
filandreuse qui cède doucement
sous la coupe et qui se marie
agréablement aux petites
pommes de terre rissolées. On
prend son temps. Au dessert, on
tente l’autoproclamée « fameuse
crème aux œufs d’Astier, ananas
Condé » (8 €). Eh bien, elle peut
frimer, la crème parce qu’elle est
dangereusement addictive. Seul
le café réussira à nous en
désengager. Pas goûté les verres
de vin (à 6, 7 €) mais nos voisins
ont apprécié le tursan. Comme
quoi, il faut redonner du temps
au temps, parfois…
chez astier, 44, rue Jean-Pierretimbaud (11e). 7j/7 midi et soir.
tarifs : entrée-plat-dessert à 35 €.
tél. : 01 43 57 16 35.
paris | iii
jdd | 31 janvier 2016
Hidalgo
des 23 équipes lauréates
mastodonte, comme le palais des
Congrès. ». Le programme inclut
des bureaux (11.000 m²), un incubateur de start-up, des logements
privés et sociaux (30 %), des commerces en rez-de-chaussée, un restaurant, une école d’horticulture,
du maraîchage, ainsi qu’une… plantation de thé sur le toit. L’idée est
de produire, transformer et vendre
sur place le « premier grand cru de
thé parisien ». Une « ferme dans
le ciel » ouverte à la promenade.
Un « pont habité » de 20.500 m²
avec hôtel et espaces verts
Troisième postulant : « Les
Arches Maillots ». Le projet de Foncière des Régions propose – pour
39,3 millions d’euros HT – un « pont
habité » de 20.500 m² conçu par le
studio allemand Sauerbruch Hutton.
Pierre angulaire d’un espace public
animé sur deux niveaux – destiné à
accueillir plus de 3.000 personnes
par jour –, une « agora » abrite des
restaurants (« de 9 à 25 € le déjeuner ») et des commerces de bouche,
en partenariat avec l’association des
Cuisiniers de France et des associations d’insertion. L’endroit est
aussi doté d’une « microcrèche »
et d’un centre de loisirs, d’une
salle de fitness et d’un lieu dédié
à l’art contemporain géré par le
Frac. Le tout surmonté d’un hôtel
de 210 chambres
(100 € la nuit),
d’un espace de
coworking et de
6.000 m² de surfaces végétalisées
consacrées à l’agriculture urbaine
(Topager) et au circuit court. Autant
d’espaces verts en
toiture accessibles au public.
Enfin, baptisé « Équilibre »,
le projet du quatrième et dernier
candidat est financé – à hauteur de
47 millions d’euros HT – par Hertel Investissement. Ce bâtiment de
18.500 m² tout en transparence,
dessiné par l’architecte japonais
Riken Yamamoto, ambitionne d’être
Vue d’artiste de la « forêt habitée » au-dessus du périphérique, signée de l’architecte japonais Sou Fujimoto (Compagnie de Phalsbourg) et baptisée « Mille Arbres »,
sur le site Pershing (17e). SOu FuJimOTO
le « premier écosystème citadin », un
modèle déclinable ailleurs. Le projet
se présente comme un « nouveau
passage parisien ouvert à tous ».
Cette rue intérieure bordée de commerces comprend aussi un restaurant solidaire (Marie Cocotte), un
café littéraire animé par Acte Sud,
une ressourcerie et une conciergerie 2.0. L’immeuble abrite une
auberge de jeunesse de 250 lits (79 €
la chambre), 10.000 m² de bureaux
et 50 logements bureaux inventés
par Riken Yamamoto, qualifiés de
Dans les coulisses, Home Business
Units (HBU), ainsi
la tension
que de nombreux
est à son comble. espaces partagés. Sans oublier
les concurrents
l’indispensable
s’épient Du coin
ferme urbaine sur
les toits (1 hecDe l’œil…
tare), agrémentée
de serres de production et de « terrasses agricoles partagées ».
Après les présentations, les
équipes doivent répondre aux
questions des membres du jury.
Sans surprise, chacun joue son rôle
selon ses priorités. L’adjoint aux finances, Julien Bargeton (PS), parle
« gros sous » : « Votre proposition
financière me semble un peu faible,
pourriez-vous faire un effort supplémentaire ? », ou encore « Votre
offre est satisfaisante ; est-elle intangible quoi qu’il arrive ? » La maire
de l’arrondissement, Brigitte Kuster, se préoccupe de la desserte en
transports en commun, de l’absence
de parking ou de l’ouverture aux
riverains. Jérôme Dubus, conseiller
de Paris LR du 17e, s’inquiète des
logements sociaux et des emplois
créés. L’adjointe EELV aux espaces
verts veut en savoir plus sur la
végétalisation. Les écologistes se
demandent comment prémunir les
fermes urbaines de la pollution du
périphérique et des métaux lourds.
DE FONTENAY JuliEN POuR lE JDD
les Puces
des batignolles (17e)
Déjeuner « plan B » après
avoir trouvé porte close à
La Félicité (18e), bistrot
qui a du mal annoncer
qu’il est fermé à midi.
Parquet et tables en bois,
deux salles mignonnes
avec banquettes rouges,
étagères rigolotes et
accueil très correct. On
tente l’œuf croustillant sur
lit de légumes, c’est
intéressant mais pas assez
chaud. La raie pochée est
de bonne facture et ses
légumes agréables. En
face de nous une belle
salade, copieuse, à base
de chèvre qui est tombée
amoureuse d’un roquefort
costaud.
6/10
Mousse
de marrons pour
gourmands, beau
fromage blanc aux fruits
rouges
et une note – légèrement
bizarre – facturant un
verre de vin non existant.
C’est parce qu’on a
regardé (c’est tout !) la
jolie sélection de vins au
verre à 4,50 € ?
L’ambiance est sympa
le soir, nous dit-on. Si vous
êtes dans le quartier…
Les Puces des Batignolles,
110, rue Legendre (17e).
Ouvert tlj, midi et soir.
Tarifs : formule 2 plats 14 €;
avec dessert : 17 €. Tél. :
01 42 26 62 26.
Puis, vient le temps des délibérations. Informelles, d’abord. Des
petits groupes se rassemblent par
affinité politique et parlementent
en chuchotant. Jusqu’à ce que
Jean-Louis Missika s’exclame :
« Les jeux sont faits, rien ne va
plus ! » Le directeur de l’urbanisme de la Ville de Paris résume
les points forts et les points
faibles de chaque projet. L’avis
de l’architecte des bâtiments de
France est énoncé. Et chacun y
va de son commentaire. Le jury
passe alors au vote, pour désigner
le lauréat, mais aussi le 2e, puis le
3e. Et le vainqueur est… Réponse
le 3 février. g
DU 6 AU 14 FÉVRIER
propriétaire À BoULoGNe NorD venez déCOuvrir
nOs Offres
Week-end Portes ouvertes
uniques !
les 6 et 7 février
“Mise en seine”
(2)
FraiS De
Notaire À
1€
poUr LeS 5 preMierS
réSerVataireS
RobeRt MelcheR
Quant à Bernard Gaudillère
(PS), président de la commission
du Vieux Paris, il n’est obsédé
que par l’église Notre-Damede-Compassion, située juste en
face, entre le périphérique et le
boulevard des Maréchaux. Cette
chapelle construite en 1843 – en
hommage au prince héritier
Ferdinand-Philippe d’Orléans,
fils aîné du roi Louis-Philippe –,
avait déjà été déplacée en 1974
lors de la construction du palais
des Congrès. Classée monument
historique, avec des vitraux dessinés par Ingres, les porteurs de
projet doivent en prendre le plus
grand soin.
(1)
Au calme, proche des bords de Seine
et au pied du futur parc anna Jacquin.
Des appartements de standing
du studio au 5 pièces.
Des balcons, de grandes terrasses
ou des jardins privatifs pour certains.
déMarrage
des travaux
eSpaCe De VeNte
25, quai du 4 Septembre
92100 Boulogne-Billancourt
iV | Paris | quE FairE aujourd’hui
JDD | 31 janvier 2016
En famille
À l’extérieur
À l’intérieur
UniqUe
Ça commence
Dernier joUr
en famille
rois dE la pErcussion
la chinE d’aujourd’hui
MusiquE Et tEchnologiE
Espoirs du cirquE
parce que Stomp est de retour à Paris. Depuis
vingt-quatre ans, ce grand show de
percussions sur des objets du quotidien a été
applaudi par des millions de spectateurs.
Casino de Paris (9e), M° Liège.
À 13 h et 17 h. Tarifs : de 34,50 € (réduit)
à 67,50 €. casinodeparis.fr
parce qu’une douzaine d’artistes chinois
racontent leur pays à travers
leurs œuvres, rassemblées pour l’exposition
« Bentu : la terre natale ».
Fondation Louis-Vuitton (16e),
M° Les Sablons. De 11 h à 20 h. Tarifs : 14 €,
10 € (réduit). fondationlouisvuitton.fr
parce que la musique, ça s’écoute, mais pas
seulement. Le Paris Musique Club est une
exposition interactive conçue comme une
expérience sensorielle. Concerts à 360°,
réalité virtuelle, installations vidéo, etc.
Gaîté lyrique (3e), M° Réaumur-Sébastopol.
De 12 h à 19 h. Tarif : 7 €. gaite-lyrique.net
parce que des jeunes talents du monde entier
participent au Festival mondial du cirque de
demain : jonglerie, équilibre, mât chinois,
funambulisme, contorsion, trapèze, etc.
Cirque Phénix (12e), M° Liberté. À 15 h.
Tarifs : de 20 € à 72 €, 25 € (– 16 ans).
cirquededemain.paris
8e
Le génie de Vinci
14e
Pinacothèque, M° Madeleine.
Des fragments du Codex
Atlanticus, recueil de dessins
énigmatiques et de notes de
travail de Léonard de Vinci, sont
présentés dans le cadre de
l’exposition « Léonard de Vinci,
Il Genio ». Le parcours présente
aussi des maquettes
d’inventions. Dernier jour.
Brocante
Boulevard Edgar-Quinet,
M° Raspail.
Une centaine d’exposants,
professionnels
de l’antiquité-brocante, attendus
sur le boulevard Edgar-Quinet
pour cette brocante. Objets d’art,
décoration, etc.
11e
De 7 h à 19 h. Gratuit. spam.fr
danse contemporaine
Théâtre de la Bastille,
M° Bastille.
Avec Relative Collider, le trio de
danseurs explore les possibilités
des chorégraphies répétitives,
comme de gracieux automates.
Dans le cadre du festival Les Faits
d’hiver.
19e
À 17 h. Tarifs : 24 €, 17 € (réduit).
faitsdhiver.com
De 10 h 30 à 18 h 30. Tarifs : 13 €,
11 € (réduit). pinacotheque.com
15e
3e
Parc des expositions, M° Porte-de-Versailles.
Trois salons destinés à l’orientation sur le même
site. Gros plan sur les métiers du numérique et de
l’informatique, sur les formations artistiques et tous
les conseils pour partir étudier à l’étranger.
De 10 h à 18 h. Tarif : 6 €. letudiant.fr
14
Vide-greniers
Rue de Bretagne, M° Temple.
Plus de 300 exposants, professionnels de la brocante
et habitants du quartier, sont attendus pour
ce rendez-vous annuel des chineurs. Meubles, déco,
vêtements, etc.
De 8 h à 18 h. Gratuit. mairie3.paris.fr
19e
ViVe Le jazz !
Théâtre de la Cité internationale.
Trio jazz avec des rois de l’impro :
le saxophoniste Michel Portal, le pianiste
Bertrand Lubat et le batteur Hamid
Drake. En première partie, la pianiste Ève
Risser, accompagnée de neuf musiciens
mêle le jazz et la musique savante dans
son White Desert Orchestra. Dans
le cadre du festival Sons d’hiver.
À 17 h. Tarifs : 22 €, 11 € (réduit).
sonsdhiver.org
4e
Grande Halle de la Villette,
M° Porte-de-Pantin.
Développement personnel,
médecines douces, méditation
et relaxation au programme
du salon Vivez nature, sur le bio,
nature et bien-être. Près
de 150 exposants attendus.
Conférences, expositions,
dégustations et conseils.
De 10 h 30 à 18 h. vivez-nature.com
15e saLon de « L’étudiant »
e
ViVre Bio
on joue au ping-pong ?
Halle des Blancs-Manteaux, M° Saint-Paul.
Du matériel de tennis de table est à disposition pour
les joueurs de tous les âges et de tous les niveaux.
Jeu libre le matin et tournoi à partir
de 14 h (inscriptions au tournoi avant 12 h 30).
À partir de 10 h. Gratuit. mairie04.paris.fr
chagaLL et La musique
Philharmonie de Paris,
M° Porte-de-Pantin.
Pour comprendre l’importance
de la musique dans l’œuvre
du peintre Marc Chagall, aussi bien
ses influences que les thèmes
évoqués ou le processus de création
lui-même. L’expo « Marc Chagall,
le triomphe de la musique »
présente 250 œuvres
et installations. Dernier jour.
De 10 h à 20 h. Tarifs : 10 €,
8 € (réduit). philharmoniedeparis.fr
3e
Les citoyens s’engagent
Carreau du Temple, M° Arts-et-Métiers.
Le Forum « La France s’engage », destiné au grand public,
va présenter une soixantaine de projets sociaux innovants
et permettre la rencontre avec des personnalités
du monde associatif et de l’entrepreneuriat social.
Un speed dating du service civique sera organisé pour
les jeunes qui veulent s’engager.
De 10h à 17h. Gratuit, s’inscrire au préalable
sur lafrancesengage.fr
12e
prix d’amérique
Hippodrome de Vincennes, M° Château-deVincennes.
Sept courses hippiques au programme dont le
prestigieux Prix d’Amérique à 16 h 20. À 15 h 45, défilé
de cavaliers du carrousel des lances avec les musiciens
de la garde républicaine. Navettes gratuites depuis le
métro ou le RER Joinville-le-Pont.
De 11 h à 19 h. Tarif : 6,80 €. prix-amerique.com
En ÎlE-dE-FrancE
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Femmes du grand siècLe
Vide-greniers
La Fête au conserVatoire
métiers de L’aéronautique
photo urBaine
Musée Promenade, Louveciennes.
L’exposition « Être femme sous
Louis XIV » s’intéresse à la condition
féminine au XVIIe siècle. Cent
œuvres d’art et pièces
de décoration composent
le parcours. Gros plan sur
des femmes de pouvoir, des
intellectuelles comme Madame de
La Fayette ou Madame de Sévigné.
De 14 h à 17 h 30. Tarifs : 4 €,
3 € (réduit). musee-promenade.fr
Brétigny-sur-Orge et Baulne.
Deux vide-greniers d’importance
aujourd’hui dans l’Essonne. Plus
de 500 exposants sont attendus sur
le parking d’Auchan
à Brétigny-sur-Orge.
Et 300 exposants s’installent
pour une autre brocante,
route de Corbeil, à Baulne.
De 8 h à 18 h. Gratuit.
Conservatoire départemental
Edgar-Varèse, Gennevilliers.
Pour la réouverture
du conservatoire après travaux,
concerts et animations musicales
toute la journée. Danses flamenco,
concert de tango, quintette à deux
violoncelles de Frantz Schubert,
récital de piano (Debussy, Bartok,
Bach, Beethoven, Brahms)
et musiques orientales.
De 15 h 30 à 18 h 30. Gratuit.
ville-gennevilliers.fr
Musée de l’Air, Le Bourget.
Gros plan sur les études qui forment
aux métiers de l’aéronautique :
pilote, hôtesse de l’air et steward,
ingénieur, contrôleur aérien,
mécanicien, ingénieur, métiers
militaires, etc. À cette occasion,
la visite du musée est gratuite.
De 10 h à 17 h. Gratuit.
salondesformationsaero.fr
Maison de la photographie
Robert-Doisneau, Gentilly.
Début de l’exposition « Henri
Salesse – Nouveau Monde
1945-1977 », consacrée au travaux
du photographe Henri Salesse
autour de la reconstruction de la
France après-guerre. Trois décennies
de métamorphose des villes
en photos.
De 13 h 30 à 19 h. Gratuit.
maisondoisneau.agglo-valdebievre.fr

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