Investir dans un cheval de course

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IMMOBILIER
L’ACTUALITÉ
CAC 40
Une surtaxe
sur les plus-values
EN PORTEFEUILLE
Le consensus sur les valeurs
Un été riche
en fusions
BANC D’ESSAI
Les annonces d’OPA se succèdent,
les cibles restent abordables.
Par Marlène Absi et Alice Lhabouz
PATRIMOINE
Le conseil
de Marc Fiorentino
Gemalto
Financess pr
privées
p
r
LE FAMILY OFFICE POUR TOUS
DR
Investir dans un
cheval de course
On ne s’improvise pas propriétaire d’un coursier
avec pour seule idée de gagner de l’argent.
Conseils avant de se mettre en selle.
S
aônois était coté à 33 contre 1
quand il a coiffé au poteau ses
concurrents sur l’hippodrome
de Chantilly et qu’il a gagné le Prix
du Jockey Club. Le 3 juin 2012, ce
petit pur-sang d’1,56 mètre est entré
dans la légende en remportant la
plus grande compétition française
de galop derrière l’Arc de triomphe.
Ses deux propriétaires sont aux
anges : Jean-Pierre Gauvin, entraîneur de chevaux, et Pascal Treyve,
boulanger de son état, ont acheté
Saônois 10 000 euros fin 2010, et la
dotation pour le vainqueur du Jockey Club est de… 857 100 euros.
Quelques semaines plus tard, Joaan
al-Thani, de la famille régnante du
Qatar, leur fait une offre de rachat
de 3 millions d’euros… que les propriétaires se sont permis de décliner. Un vrai conte de fées.
Course en solitaire
« Si l’on entre dans ce milieu avec
la seule idée de gagner de l’argent,
on finit par être déçu. Les chevaux
ne sont pas des machines », tempère Guy de Fontaine, un des responsables de France Galop, organisme en charge des épreuves de
plat et d’obstacles en France, où, en
2013, se sont disputées 7 100 courses
pour un total de gains de 270 mil-
lions, allant de 16 000 euros pour
l’épreuve de base à 4,8 millions pour
le Prix de l’Arc de triomphe.
Pour qui veut se frotter aux plus
grandes casaques (Wertheimer, Aga
Khan et consorts), direction le
monde du galop et première option :
acheter son cheval et trouver un
entraîneur pour s’en occuper. Mais
d’abord il faut obtenir l’agrément de
France Galop en justifiant de revenus globaux suffisamment élevés :
75 000 euros annuels si le cheval est
entraîné dans un centre parisien,
30 000 euros s’il l’est en province
– les coûts d’entraînement sont plus
élevés en région parisienne. Il faut
aussi passer un entretien de moralité avec les services de la police des
jeux.
C’est alors le moment de choisir son
cheval. « Pour avoir un galopeur
compétitif, il faut compter en
moyenne 30 000 euros, et le prix
plancher est de 20 000 euros », estime Eric Hoyeau, président d’Arqana, qui organise plusieurs ventes aux
enchères de chevaux dans l’année.
« Si l’on n’est pas du milieu, il vaut
mieux se rapprocher d’un courtier
qui connaît le monde des courses. »
Sur le choix du cheval, Hervé Chamarty, propriétaire depuis trentecinq ans, est catégorique. TÉMOIGNAGE
Arnaud Minvielle,
39 ans, consultant en stratégie
chez McKinsey
« J’adore
l’adrénaline
des courses »
C
’est un ami qui connaissait bien le milieu
qui m’a emmené pour la première fois
sur un champ de courses il y a vingt ans.
J’y ai vite pris goût et je m’y rends quatre ou
cinq fois par an depuis. J’adore l’adrénaline
des courses. Il y a cinq ans, avec une dizaine
d’amis, j’ai eu l’opportunité d’acheter
des parts d’une jument qui a mis bas
deux poulains. Au final, j’ai récupéré
mes 10 000 euros de départ avec 40 % de
rendement. C’était un bon investissement,
mais rien de très amusant.
Cette année, j’ai investi 24 000 euros dans
Arqana Racing Club, une écurie de groupe.
C’est ce que je cherchais, l’offre est très
« packagée » : je n’ai pas à m’occuper
de l’administratif, il y a la possibilité
de se rendre sur les plus belles courses
de France, de posséder plusieurs chevaux
et de discuter avec de bons entraîneurs.
Nous sommes un petit groupe d’amis à faire
cela, ce qui nous donne l’occasion de nous
retrouver sur les champs de courses. 29 AOÛT 2013 - CHALLENGES N°354 65
Finances privées
Cinq façons d’investir dans les chevaux de course
TYPE DE
PLACEMENT
COÛT DE
L’INVESTISSEMENT
POSSIBILITÉS DE GAINS
Cheval
de course
Achat à partir de
20 000 euros,
autant par an en frais
d’entraînement.
Part
dans une écurie
de courses
De 50 à 26 000 euros.
FISCALITÉ
COMMENTAIRES
Plus-value à la revente du cheval,
et gains en courses : de
16 000 euros dans l’épreuve
la plus modeste de France Galop,
à 4,8 millions ; en course de
groupe II, les gains se répartissent
ainsi : 57 % au 1er, 22 % au 2e,
puis 10,5, 7 et 3,5 %. France
Galop distribue ensuite 77,5 %
des gains aux propriétaires, 14 %
à l’entraîneur, 8,5 % aux jockeys
– les meilleurs peuvent négocier
à la hausse ce pourcentage.
Imposition* de 34,5 % sur
la plus-value de la revente,
abattement de 10 % par
année au-delà de deux ans.
Risqué : on perd tout ou presque
si le cheval n’est pas performant
ou se blesse. Mais si c’est
un crack, cela rapporte gros…
Si la société est à l’IS, elle
paie l’impôt, à savoir 15 %
jusqu’à 38 120 euros, et
33,33 % au-delà.
Une manière de mutualiser les
risques, vous êtes entouré de
professionnels et vos dépenses
sont cadrées.
Fiscalité relative au nonintervenant et bénéfices
non commerciaux (BNC)
pour un professionnel.
Une bonne façon de débuter.
France Galop a relevé le nombre
maximal de copropriétaires
de dix à vingt.
Copropriété
d’un cheval
de course (en
association)
A partir de 750 euros.
Part d’étalon
A partir
de 2 500 euros.
Dividende : une saillie par an
et plus-value à la revente.
Imposition sur la saillie
(catégorie BNC). Taxation
sur les plus-values à
la revente des parts**.
Une part vaut 3 à 4 fois le prix
de la saillie. En 2012, en France,
cinq étalons ont vendu leurs
saillies au moins 10 000 euros.
Part d’une
société
d’élevage
25 000 euros bloqués
sur cinq ans
(possibilité de sortie
avec une pénalité).
Plus-value à la cession des parts.
Taxation sur les plus-values
à la revente des parts**.
Les avantages fiscaux dont ce
dispositif bénéficiait via les lois
Dutreil et TEPA n’existent plus.
* Pour les propriétaires non professionnels et non intervenants. ** Sans abattement.
« Au début, il vaut mieux
acheter un cheval prêt à courir
qu’un yearling [pur-sang dans sa
deuxième année. NDLR], qui fera
sa première course jusqu’à un an et
demi après l’achat. Imaginez qu’il
n’avance pas ou se blesse. Entre la
déception et l’argent investi, entraînement compris, vous êtes définitivement “guéri” des courses. »
Autre variable à prendre en compte :
les frais d’entraînement. Entre la
nourriture, le vétérinaire et autres,
ils s’élèvent entre 15 000 et 25 000 euros par an. « En moyenne, le taux de
couverture est de 50 % », précise
Guy de Fontaine. Mieux vaut donc
bien calculer son coup avant de
s’aventurer seul dans le monde des
« Au début,
il vaut
mieux
acheter un
cheval prêt
à courir
qu’un
yearling. »
Hervé Chamarty,
propriétaire.
A NE PAS FAIRE
A FAIRE
PRENDRE DU TEMPS
POUR S’IMPRÉGNER
DU MILIEU
Pour comprendre
comment fonctionne
le monde des courses,
il faut prendre son
temps. Commencer
en copropriété avec
une connaissance qui
a déjà un pied dans
le milieu ou en prenant
une part dans une
écurie de courses afin
d’apprendre sans perdre
trop d’argent.
S’ILLUSIONNER
SUR LA RENTABILITÉ
Investir uniquement
dans l’optique de
gagner de l’argent. Cela
reste un rendement à
la rentabilité incertaine.
Ne pas avoir un
cheval… trop fort dès
le début. « Sinon,
on pense qu’on a tout
compris, qu’on a la
science infuse, et c’est
la meilleure façon d’aller
dans le mur », avance
Hervé Chamarty,
professionnel aguerri.
66 CHALLENGES N°354 - 29 AOÛT 2013
courses, d’autant plus que le régime
fiscal s’est durci (voir tableau) ces
dernières années, avec, notamment,
la hausse de la TVA de 7 à 19,6 %.
Galop d’essai
Les propriétaires débutants peuvent
mettre le pied à l’étrier via la copropriété, plus accessible. Il peut y
avoir au maximum vingt associés
sur un même cheval, et les associés
non dirigeants n’auront à justifier
que de 38 000 euros de revenus si le
cheval est entraîné à Paris, et de
15 000 euros s’il l’est en province.
Autre éventualité pour se mettre en
selle : acheter des parts dans une
écurie. Selon Pascal Adda, qui possède une dizaine d’écuries de courses, ces deux options (copropriété
d’un cheval et part d’écurie) sont
« une bonne façon de commencer.
Cela permet de mutualiser les
risques, et les gens sont en contact
avec des professionnels qui leur apprennent progressivement les ficelles du métier. Ce sont de bons
incubateurs ». Le ticket d’entrée
dans l’Ecurie mansonnienne – qu’il
a mise sur pied en mars – est de
6 000 euros pour se partager la propriété de neuf chevaux de course
pendant deux ans. Les parts d’écurie de l’offre d’Arqana Racing Club,
relativement semblable, sont vendues entre 18 000 et 26 000 euros. A
l’inverse, l’Ecurie des parieurs RMC,
résolument tournée vers le grand
SOURCES
:
CHALLENGES, GILLES OZOUF (FITECO)
public, propose des parts à 50 euros, avec la possibilité d’en acheter
cinq au maximum. Avantage non
négligeable par rapport à la copropriété, les nouveaux propriétaires
n’ont pas à recevoir d’agrément de
France Galop.
Les projets de ce type se sont multipliés, France Galop poussant dans
ce sens afin d’augmenter le nombre
de propriétaires, qui stagne depuis
quelques années. « Au niveau de la
réglementation, nous sommes dans
une phase d’assouplissement pour
l’accession à la propriété, et nous
estimons que la multipropriété représente l’avenir du monde des
courses », avance Guy de Fontaine.
Pari sur l’étalon
Enfin, il existe une possibilité d’investir dans les parts d’étalon, ainsi
que dans des parts de société d’élevage. Ce type d’investissement procure sans doute moins de frissons et
d’émotions, mais les rendements
sont moins aléatoires, même si le
durcissement de la fiscalité est aussi
passé par là (voir tableau). Tout dépend de l’objectif de l’investisseur.
« Dans les courses, on s’investit
soi-même davantage que ce qu’on
investit en réalité. C’est avant tout
un loisir de luxe où il est possible
de gagner de l’argent. Mais ce n’est
que la cerise sur le gâteau, pas la
norme », conclut Guy de Fontaine.
Nicolas Richaud

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