M. Récopé. Montpellier, 22 sept 2012. Colloque Le Désir. Epreuves

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M. Récopé. Montpellier, 22 sept 2012. Colloque Le Désir. Epreuves
M. Récopé. Montpellier, 22 sept 2012. Colloque Le Désir.
Epreuves-preuves et désir
Un idéal éducatif (options/valeurs essentielles) : susciter ou favoriser chez
les élève un « vouloir apprendre » et le sentiment d’un « pouvoir
apprendre ».
Donner à vivre (à tous) des expériences de réussite (en qualité et fréquence
suffisantes) pour qu’elles prennent le statut d’expériences mémorables ayant un
retentissement essentiel : la relation positive aux apprentissages actuels et futurs.
Il s’agit de faire vivre à tous un maximum d’expériences gratifiantes, revêtant un
caractère mémorable, dont le collectif est la source et le garant » « Conforter
chez tous les élèves une confiance en ses possibilités d’apprentissage et le désir
d’advenir suppose qu’aucun élève ne devrait jamais éprouver le sentiment
d’être condamné à échouer face à des exigences inaccessibles. C’est pourquoi
l’épreuve-preuve aménage des conditions d’appariement et de passation qui
permettent à chacun d’espérer la réussite et de démontrer sa compétence »
(Récopé et Boda, Raisons d’agir, raisons d’apprendre, Dossiers EPS 76,
Editions Revue EP.S).
Epreuves-preuves : une mise à l’épreuve où le pratiquant doit faire ses
preuves ; un contexte d’épreuve où l’on doit faire publiquement la preuve
qu’on est compétent ; l’organisation de « rites de passage » dont on sort
publiquement grandi lorsqu’on réussit.
Ceci implique de :
- rompre avec les conceptions de sens commun => identifier le fond
culturel de chaque sport et débuter la formation par une
sensibilisation de tous les pratiquants à ce fond culturel (condition
pour que les formés aient de véritables raisons d’agir) ;
- rompre avec la motricité quotidienne des débutants/terriens =>
analyse de leurs possibilités actuelles et proposition d’exigences de
transformation compatibles avec ces possibilités.
Ces deux aspects réclament un travail collectif, très fin, très exigeant sur la
connaissance de la construction progressive :
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- du sport considéré (succession emboitée de formes de pratique, de
règlement, de rôles et fonctions, de nouvelles techniques et tactiques,
etc.)
- des conditions de pratique focalisées sur les raisons d’agir
- des raisons d’apprendre de nouvelles chose pour mieux pratiquer dans un
contexte de plus en plus exigeant : nécessité de nouveaux pouvoirs
d’action.
et de rechercher :
- Une centration constante sur le fond(s) culturel de chaque sport,
combinée à des étapes de pratiques successives et emboitées
(renvoyant à des « rites de passage » = à des épreuves-preuves)
- Une centration sur la réussite de ces étapes (= du passage à l’étape
suivante) du plus grand nombre : « méthode » des épreuves-preuves
et des compétences fonctionnelles
- Une centration sur l’avènement de raisons d’agir et sur l’apparition
de raisons d’apprendre à mieux agir.
Les propositions qui suivent renvoient à des OPTIONS (forcément
contestables) sur ce que devraient être les compétences ainsi que les
situations qui les mettent en évidence :
Est compétent celui qui réussit l’épreuve-preuve (de manière régulière, non
aléatoire) : celui qui triomphe de l’opposition dans des situations asymétriques
(la compétence fonctionnelle permet de « faire la différence » en gagnant
largement par 3 points d’écart au moins contre un/des adversaires de
valeur « équivalente » ; match au temps).
La compétence se signale par le fait de « valider pratiquement » un avantage
théorique qui n’est que « logique », mais dont il est difficile de tirer
concrètement profit (plus difficile que le sens commun le croit : nous avons
analysé et problématisé le pourquoi de cette difficulté)
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Le fait d’avoir réussi l’épreuve-preuve précédente laisse croire qu’on va réussir
d’emblée la suivante… Or c’est loin d’être le cas !!! C’est plus difficile que
prévu !!!
=> Compétence concrètement pratique et gratifiante qui signale qu’un palier
important est publiquement franchi (rite de passage) et qui indique qu’un
ensemble de connaissances pratiques sont acquises ;
=> Compétence crédible et stimulante car même les meilleurs n’y arrivent pas
au début : c’est bien plus difficile que prévu ;
=> Compétence nécessairement ordonnée et prioritaire du moment considéré :
« effet loupe » successif, donc focalisation prioritaire sur un état de la
construction conjointe/inséparable du jeu, du joueur, du rapport d’opposition ;
=> Compétence lisible facilement par tous : qui identifie que quelqu’un est
devenu compétent ? Ceci ne doit pas être réservé au professeur/à l’expert, mais à
la communauté, pratiquants et spectateurs compris, de manière claire, évidente.
Un parcours d’enseignement (des cycles) rythmé par des compétences
facilement évaluables par les résultats individuels dans des tournois (dimension
de rite et rôle socio-participatifs nécessaires ; organisation progressivement
gérée puis prise en charge par les élèves ; on joue de nombreux matchs avec des
partenaires et adversaires différents, mais de niveau « équivalent » au sien ; tout
le monde peut être compétent, pas de condamné à être dernier).
Exemple en volley-ball :
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Compétences discriminantes correspondant à des rapports d’opposition de
plus en plus exigeants (adaptés aux possibilités des élèves) dans une vraie
situation d’opposition, mais asymétrique, c’est toute l’originalité des
épreuves-preuves (situations très spécifiques créées pour pointer, susciter,
et révéler l’état de certaines compétences) : construction progressive du jeu
(donc aussi du règlement) et des joueurs, par focalisation/effet loupe sur des
aspects nouveaux d’une étape à l’autre.
Les épreuves-preuves en volley-ball (provisoire au 22/9/12)
Des situations d’opposition dans lesquelles s’expriment ces compétences
Liées au cadre d’analyse suivant :
Fond culturel (noyau dur) du volley-ball : s’opposer à l’adversaire pour
gagner l’enjeu de rupture de l’échange (éviter la rupture à son détriment
pour assurer la rupture à son profit)
 sous-enjeu = réunir les conditions d’intervention sur le ballon)
permettant d’assurer la rupture de l’échange à son profit (et les
interdire pour l’adversaire)
 sous-enjeu = réussir à viser/ à être précis (et empêcher l’adversaire
de réussir)
 sous enjeu = éviter ou réduire toute crise spatio-temporelle (et la
créer/l’amplifier chez l’adversaire)
 sous-enjeu = jouer avec le(s) partenaire(s) (= assurer la continuité de
l’échange) pour mieux jouer contre (= assurer la rupture de l’échange
à son profit)
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Niveau 1 (premier cycle : 10 h de pratique effective) 1x1 à la fin
NB : le VRAI DEBUTANT ABSOLU : quel est le MEILLEUR VRAI
Volley-ball qu’on peut lui proposer, vu ses possibilités ? Notre réponse
actuelle :
L’échangeur (réussit à « jouer avec » la cible au mur… donc à jouer avec luimême)
Assurer la continuité de l’échange avec une cible verticale
Est-ce que je réussis à jouer avec la cible au mur ?
Le joueur avec (réussit à « jouer avec » dans la fenêtre… donc à s’adapter à un
partenaire situé de l’autre côté du filet, qui renvoie des ballons moins prévisibles,
avant de pouvoir terminer l’échange en « jeu contre »)
Différencier en actes « jouer avec » pour « jouer contre »
Réussissons-nous à passer du jeu avec au jeu contre ?
L’attaquant (qui joue sur un terrain plus petit, mais éloigné du filet) provoque la
crise et bat le résistant (qui joue sur un demi-terrain plus grand et cherche à faire
durer l’échange en relançant dans le terrain de l’attaquant) sait-il exploiter la
taille de la cible adverse lorsqu’il est en situation favorable ?
Attaquer est plus efficace que renvoyer
« Attaquant » gagne-t-il contre un « Résistant »
de même niveau que lui?
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Niveau 2 (2x2 à la fin)
Le partenaire (Jouer avec pour mieux jouer contre : est plus fort lorsqu’il joue
avec un partenaire que lorsqu’il joue seul, donc en renvoi direct, d’abord grâce à
l’utilisation réussie du partenaire comme aide défensive)
Jouer à deux est plus efficace que jouer seul
2 contre 1 (joueurs de niveau équivalent) : qui gagne ?
L’équipier (Jouer avec pour mieux jouer contre : l’équipe dans laquelle il joue
est plus forte qu’un double, grâce à l’utilisation réussie du partenaire comme aide
offensive)
Jouer en équipe est plus efficace que jouer en double
Equipe contre double (joueurs de niveau équivalent) : qui gagne ?
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Niveau 3 (4x4 à la fin)
(Reprise)
L’équipier (Jouer avec pour mieux jouer contre : l’équipe dans laquelle il joue
est plus forte qu’un double, grâce à l’utilisation réussie du partenaire comme aide
pour l’offensive)
Jouer en équipe est plus efficace que jouer en double
Equipe contre double (joueurs de niveau équivalent) : qui gagne ?
Le joueur de 4 (son équipe, lorsqu’elle joue à 4, est plus forte qu’une équipe
jouant à 2, grâce à la concrétisation d’une organisation collective en deux rideaux
garante d’une meilleure défense et d’une meilleure attaque)
Concrétiser le bénéfice d’un jeu avec 2 rideaux ou lignes
(1 ligne Avant et 1 ligne Arrière)
Equipe à 4 contre équipe de 2 (joueurs de niveau équivalent) :
qui gagne ?
Le constructeur (son équipe, lorsqu’elle peut construire l’attaque en 4 touches, est
plus forte qu’une équipe jouant en 3 touches : la possibilité d’une 4ème touche
d’équipe concrétise une meilleure construction du jeu dans un contexte où les
attaques se font plus difficiles en raison du smash)
Concrétiser la possibilité de « relancer » pour mieux attaquer
Equipe pouvant jouer en 4 touches contre équipe jouant en 3
touches (équipes de niveau équivalent) : qui gagne ?
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Niveau 4 (toujours en 4x4)
(Reprise)
Le constructeur (son équipe, lorsqu’elle peut construire l’attaque en 4 touches, est
plus forte qu’une équipe jouant en 3 touches : la possibilité d’une 4ème touche
d’équipe se concrétise par une meilleure construction du jeu dans un contexte où
les attaques se font plus difficiles en raison du smash)
Concrétiser la possibilité de « relancer » pour mieux attaquer
Equipe pouvant jouer en 4 touches contre équipe jouant en 3
touches (équipes de niveau équivalent) : qui gagne ?
Le marqueur/démarqueur (son équipe de 4, lorsqu’elle peut jouer avec 3 avants,
est plus forte qu’une équipe jouant avec 2 avants : la possibilité d’un troisième
avant se concrétise par un surnombre à l’attaque et au contre)
Concrétiser la possibilité de surnombre au filet
pour mieux attaquer et contrer
Equipe jouant avec 3 avants contre équipe jouant avec 2 avants
(équipes de niveau équivalent) : qui gagne ?
Le lecteur/tacticien (son équipe de 4, lorsqu’elle peut jouer librement, est plus
forte qu’une équipe ayant un système de jeu imposé : la possibilité d’un jeu libre
se concrétise par le repérage du système de jeu adverse et l’adaptation efficace à
ce système)
Concrétiser la possibilité de repérer le système de jeu adverse
pour mieux s’opposer
Equipe jouant en adaptation tactique contre équipe jouant avec
un système contraint (équipes de niveau équivalent) : qui gagne ?
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Les apports de la recherche pour mieux comprendre les APSA et la
motricité des pratiquants et pour construire les formes de pratiques
(l’exemple du Volley-ball)
Ces recherches ont pour origine, depuis plus de trente ans, une insatisfaction
pratique ressentie en tant qu’entraîneurs/enseignants confrontés à l’importante
différence individuelle de « présence active »1 des pratiquants et de leurs
apprentissages : certains progressent rapidement, d’autres quasiment pas. Les
critères classiquement avancés (qualités physiques, volume de pratique antérieure,
adresse spécifique, motivation à pratiquer) ne rendent pas compte de ces
différentiels de « présence active » et d’apprentissage repérables dans les divers
cadres de pratique (enseignement scolaire obligatoire et optionnel, secteur
associatif). Cette insatisfaction éthique a généré une question de recherche visant
une formation plus pertinente : il nous est difficile de séparer nos observations, nos
questions et problématisations en périodes de formation et d’autres de recherche.
- L’identification du fond(s) culturel : une permanence repérable a
posteriori, suite à l’analyse des évolutions réglementaires ;
- L’Etude de l’activité des pratiquants : trois populations de volleyeurs
(trois sensibilités et trois modes et mondes différents de pratique : mêmes
résultats et interprétations issus d’observations et d’entretiens, qu’il
s’agisse de pratiquants dans le champ sportif ou dans le domaine de
l’EPS) ;
- La construction d’un modèle de l’action motrice : les registres de
motricité :
Différents registres qui se combinent en une motricité résultante (mise en évidence
de caractéristiques communes entre certains débutants et un des meilleurs joueurs
du monde sur l’un des registres, et de grandes différences sur les autres registres) ;
chaque registre dispose de ses propres connaissances pratiques, et renvoie à des
apprentissages qui lui sont spécifiques).
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Cette expression se veut, en première approximation, fidèle au sens commun désignant un dynamisme repérable
par un observateur extérieur.
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 Le registre de la sensibilité : un corps sensible indissociable d’une
mobilisation en situation.
Il détermine les raisons d’agir les plus globales du pratiquant. La motricité
organisée au niveau de ce registre est celle des pratiquants plus ou moins concernés
par les déplacements du ballon, intéressés à défendre, à anticiper, etc. Elle se
concrétise par la fréquence relative de postures de repos et de garde, par la
présence permanente ou l’absence : d’orientation face au ballon, de déplacements
exploratoires, de courses vers le ballon sous formes de jaillissements instantanés,
de chutes au sol, de manifestations émotionnelles de frustration, etc. À l’inverse,
des pratiquants demeurent statiques, en position de repos, debout, bras ballants
aussi longtemps qu’ils n’ont pas constaté que le ballon arrive à leur proximité.
Lorsque c’est le cas, ils mobilisent leurs bras pour le contacter, et déplacent
seulement un appui pédestre à cette fin. Aucune partie de leur corps, autre que les
appuis, ne touche jamais le sol, sauf chute involontaire extrêmement rare.
Les acquisitions spécifiques de ce registre sont essentielles, car le développement
de la sensibilité à l’enjeu de rupture s’accompagne d’une disponibilité corporelle
accrue, dont témoigne l’état de garde, et ouvre l’accès aux apprentissages relatifs
aux autres registres.
En formation, tout est donc mis à profit pour créer un contexte propice :
présentation du jeu par une mise en scène de l’enjeu de rupture ; insistance
« surjouée » sur le danger de rupture et la nécessité de se préserver des crises
spatio-temporelles, sur le fait que « bien jouer », c’est les réduire ou les résorber
pour soi et ses partenaires, les provoquer chez les adversaires ; formules
« humoristiques » telles « balle au sol me désole, balle en vie me réjouis », « pas
de crise, je me frise » ; nombreux exercices de type « défi » lancés aux formés ou
qu’ils se lancent.
Nos constats attestent que : quelques pratiquants seulement ont acquis cette
sensibilité avant même l’entrée en formation ; de nombreux pratiquants deviennent
plus sensibles à l’enjeu de rupture de l’échange à l’issue d’une douzaine d’heures
de formation ; quelques pratiquants ne l’incorporent pas, ou peu, en dépit de nos
efforts.
Ce registre ne suffit cependant pas pour agir efficacement en volley-ball et ne
recouvre pas toutes les acquisitions requises. La contribution de trois autres
registres, plus spécialisés, est nécessaire.
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 Le registre de la pertinence tactique : un corps de rationalité pratique
s’efforçant de contextualiser efficacement ses actions.
La pertinence tactique réfère à la mise en œuvre de solutions permettant
d’harmoniser les possibles personnels et le contexte actuel du jeu.
 Le registre de la visée par déviation spécifique du volley-ball : un corps
instrument de la précision des interventions.
L’efficacité des interventions dépend en fin de compte de la précision des
trajectoires produites. Il est indispensable d’exercer un contrôle gestuel
suffisamment long sur le ballon pour produire les forces lui imposant la trajectoire
souhaitée, ce qui suppose une intention de visée ainsi que la préparation de celle-ci
avant même d’avoir contacté le ballon. Les apprentissages relevant de ce registre
réclament de nombreuses répétitions dans des conditions de placement corporel
favorisant la visée.
 Le registre de l’équilibration spécifique du volleyeur : un corps postural
condition de l’efficacité des déplacements et de la visée
Ce registre englobe l’ensemble des apprentissages spécifiques autorisant les
régulations équilibratrices nécessaires aux déplacements efficaces et aux
régulations des postures indispensables à toute visée. Trop souvent minoré dans la
formation, méconnu car il constitue l’arrière-plan permanent mais discret des
interventions, il implique l’ensemble du corps. Sa fonction est d’autoriser des
appuis rapides et efficaces, d’assurer la stabilisation des placements, de libérer les
membres supérieurs pour exercer la visée, autant d’aspects plus ou moins favorisés
ou contrariés par l’histoire de chaque pratiquant, du rapport d’équilibration au sol
qu’il a auparavant construit. Les apprentissages visent un corps jouant avec les lois
de la gravité, un corps se soumettant aux exigences de l’intervention et de la visée,
disponible pour s’ajuster aux circonstances et pour réguler ses différents segments
(par dissociations et coordinations) dans des conditions jamais identiques.
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