Article TdG du 15 septembre 2016

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Article TdG du 15 septembre 2016
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«Le droit au seul service de l’ordre pour l’ordre. Le droit asséché. Vidé de toute
ambition. Vidé de toute espérance.» Jeudi dernier, Grégoire Mangeat, bâtonnier de
l’Ordre des avocats, s’est exprimé sévèrement sur sa page Facebook – privée – suite à
l’arrestation de la fratrie Musa et à l’expulsion de ce frère et ces deux sœurs kurdes de
Syrie vers la Croatie (lire ici et ici). Loin du politique, il nous livre son analyse
juridique de la situation.
Je ne suis pas encarté et l’Ordre des avocats n’exprime pas d’opinion politique. En
revanche, les avocats portent en eux et avec eux la défense de l’Etat de droit et des
libertés fondamentales. A fortiori lorsque ce sont les droits des personnes les plus
vulnérables qui sont menacés.
Oui. La marge de manœuvre des cantons est faible, sinon nulle. C’est avant tout le
Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) qui devrait faire un usage plus étendu de son
pouvoir discrétionnaire. Ce d’autant plus que le régime Dublin III donne à la
préservation de l’unité familiale une place beaucoup plus forte que dans les régimes
précédents.
Encore une fois, c’est au SEM que revient en premier lieu le devoir de concrétiser,
dans sa lecture de Dublin III, l’impératif de préservation de l’unité familiale. C’est au
SEM également qu’il appartient de donner chair au préambule de Dublin III, qui
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rappelle la possibilité laissée aux Etats membres de faire usage de la clause de
souveraineté pour protéger les familles, y compris les frères et sœurs majeurs d’un
enfant mineur, pour des «motifs humanitaires et de compassion».
Les cas de rigueur commandent la présence de circonstances exceptionnelles qui
n’étaient, semble-t-il, pas réunies dans la situation de la fratrie Musa.
Les Musa ont été arrêtés sur le parking de la piscine d’Onex, situé derrière l’OCPM.
La forte présence policière à ce moment et à cet endroit précis donne à penser que
ces réfugiés ont fait l’objet ni plus ni moins d’une filature, dès leur sortie du temple
dans lequel ils avaient pris refuge.
C’est très discutable. Car la Constitution fédérale et la Convention européenne des
droits de l’homme exigent de l’Etat une application du droit qui soit exempte
d’arbitraire, exempte de toute ruse. Dans le cas de la fratrie Musa, les autorités
cantonales d’exécution n’ont peut-être pas fait usage d’une ruse interdite, mais il y a
une incohérence un peu choquante dans le fait d’arrêter ces personnes alors qu’elles
collaborent en venant pointer à l’OCPM, puis de les placer immédiatement en régime
de détention Dublin au motif qu’elles ne coopéreraient pas suffisamment à leur
propre renvoi.
L’un des principes fondamentaux de l’Etat de droit, c’est l’exigence de
proportionnalité. Un Etat est fort lorsqu’il est capable de faire appliquer le droit sans
bander les muscles. Personnellement, je considère que les arrestations-cueillettes de
personnes très fragilisées, à proximité des bâtiments administratifs dans lesquels
elles sont obligées de se rendre, ne sont pas un signe éclatant de vigueur
démocratique.
Je ne recommande rien du tout. Je leur dis simplement l’admiration de la
communauté des avocats pour le travail difficile qu’ils accomplissent, dans un
environnement législatif et réglementaire extrêmement technique et compliqué. Ces
avocats actifs en droit des étrangers sont à l’œuvre dans un système où les succès
sont très rares, les rémunérations très faibles et le risque d’une administration ou
d’une justice mécanique, sans examen personnel suffisamment individualisé,
toujours menaçant.
Les deux sœurs et le frère Musa sont toujours à Zagreb. A Genève, la mobilisation ne
faiblit pas. Mercredi, une conférence de presse a rassemblé associations et politiques.
Trois conseillers administratifs de la Ville de Genève – Esther Alder (Verts), Sandrine
Salerno (PS) et Rémy Pagani (EàG) –, Carole-Anne Kast, présidente du PS, et la
députée Verte Frédérique Perler ont dénoncé l’arrestation «musclée» et la
«déportation par vol spécial» de la fratrie aux côtés de Solidarité Tattes, de la
Coordination asile et de l’Espace solidaire Pâquis. «De plus en plus de gens se
révoltent, personne ne pensait que des pratiques comme celle-ci pouvaient encore
avoir lieu chez nous, indique Martine Felix, de Solidarité Tattes. Nous continuons à
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nous battre pour que les Musa reviennent auprès de leur frère et de leur famille.»
Pour y parvenir, ils souhaitent mobiliser le Conseil d’Etat, individuellement ou
collectivement. Antonio Hodgers (Verts) et Anne Emery-Torracinta (PS) se sont déjà
publiquement distancés de la décision de renvoi exécutée par le Département de la
sécurité, dirigé par Pierre Maudet (PLR). L’Exécutif de la Ville de Genève a écrit hier
à ses homologues cantonaux «pour reconsidérer le cas des Musa et rediscuter
l’application des accords de Dublin», explique Rémy Pagani. «Pour que nos
institutions ressemblent aux gens qui les font et reflètent la tradition d’accueil et de
refuge qui caractérise Genève», complète Sandrine Salerno. Car la Ville de Genève
fait partie du réseau de villes refuges, rappelle Esther Alder.
Carole-Anne Kast, juriste de formation, fustige quant à elle des élus cantonaux «qui
deviennent des super-fonctionnaires sans regard critique». Et d’ajouter: «Si le
Conseil d’Etat estime qu’il était juste que cette famille soit renvoyée, qu’il l’assume et
arrête de se cantonner derrière une décision de Berne. S’il décide d’appliquer les
accords de Dublin, qu’il le fasse mais en respectant tous ses articles, y compris ceux
garantissant l’unité de la famille.» (TDG)
(Créé: 15.09.2016, 08h22)
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