Première naissance après autogreffe de tissu ovarien cryoconservé
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Première naissance après autogreffe de tissu ovarien cryoconservé
H OT TO P I C Première naissance après autogreffe de tissu ovarien cryoconservé en Suisse Mary Fahy-Deshe, Marc Van den Bergh, Michael Hohl, Cornelia Urech-Ruh Kinderwunsch Zentrum, Kantonsspital Baden, CH-5404 Baden Introduction Les grands progrès accomplis dans le traitement des tumeurs malignes ont massivement amélioré le taux de survie des patientes jeunes au cours de ces dernières années. De nombreuses chimiothérapies et radiothéra pies sont malheureusement associées à un risque élevé d’infertilité. L’insuffisance ovarienne précoce est une conséquence connue du traitement par cytostatiques. Après une chimiothérapie, l’examen histologique des ovaires révèle des altérations, allant d’un faible nombre de follicules jusqu’à une absence complète de follicules ou une fibrose ovarienne [1]. Le type de cytostatique, la dose et la durée du traitement déterminent la probabilité de développer une insuffi sance ovarienne précoce. Les agents alkylants comme le cyclophosphamide et l’ifosfamide endommagent de façon permanente le tissu gonadique par le biais d’une inter action chimique avec l’ADN. Une grande étude rétros pective ayant évalué les taux de grossesse après trans plantation de cellules souches hématopoïétiques chez 37 362 patientes a montré que seul 0,6% des femmes ont obtenu une grossesse après transplantation auto logue ou allogène de cellules souches [2]. Compte tenu des taux de survie croissants chez les pa tientes jeunes atteintes de cancer, le besoin de mesures de préservation de la fertilité avant le début du traite ment augmente lui aussi. Parmi les options possibles figure la cryoconservation des embryons, des ovocytes ou du tissu ovarien. En 2004, Donnez et al. ont rapporté la première nais sance après autogreffe de tissu ovarien cryoconservé chez l’être humain [3]. Depuis lors, à peine 20 cas d’en fants en bonne santé nés après autogreffe de tissu ova rien cryoconservé ont été décrits dans la littérature. Dans cet article, nous nous penchons sur la première nais sance de ce type en Suisse. Matériel et méthode Les auteurs ne déclarent aucun soutien financier ni d’autre conflit d’intérêts en relation avec cet article. En 2004, une patiente de 27 ans s’est présentée dans notre centre en raison d’une stérilité primaire depuis 3 ans. Les examens réalisés par le couple ont montré des résultats normaux, mise à part une légère dysovulation avec une valeur de FSH basale de 9,7 mU/ml (limite su périeure de la normale), des ovulations tardives et une suspicion d’insuffisance lutéale. La patiente a obtenu une grossesse après la cinquième stimulation hormonale. Peu après, le diagnostic de lym phome non hodgkinien diffus à grandes cellules B de stade IV EA a été posé, avec infiltration de la moelle os seuse et atteinte multiple du squelette, y compris de la ca lotte crânienne avec infiltration durale et épidurale. Avant le début de la chimiothérapie, l’interruption de grossesse a eu lieu au cours de la 6e semaine d’âge gestationnel et en parallèle, l’ovaire gauche a été cryoconservé. Pour la cryoconservation, le cortex ovarien a été découpé en bandelettes de 10x5 mm, d’une épaisseur de 2 mm. Les bandelettes de tissu ont été équilibrées dans du mi lieu de Leibovitz avec du diméthylsulfoxyde et du sucrose durant 30 minutes, puis cryoconservées dans de l’azote liquide au moyen de la méthode de congélation lente [4]. Au total, 13 fragments de tissu ont pu être congelés, sans détection de cellules malignes à l’examen histologique. Au cours des 6 mois suivants, la patiente a reçu six cycles de chimiothérapie par cyclophosphamide et ifos famide, suivis d’une transplantation autologue de cellules souches. Le traitement a permis d’obtenir une rémission complète. En 2008, le traitement d’assistance médicale à la pro création a été repris. Face à une anovulation avec une valeur de FSH basale de 18,3 mU/ml et un taux d’hor mone antimüllérienne de 0,2 ug/l, la patiente a suivi dix cycles de stimulation caractérisés par une croissance folliculaire inadéquate, ainsi qu’un cycle de fécondation in vitro (FIV) avec stimulation à dose élevée, lors duquel un ovocyte a été ponctionné, fécondé et transféré. Le cycle de FIV n’a néanmoins pas abouti à une grossesse. En 2010, la patiente a opté pour la réimplantation du tissu ovarien cryoconservé. Six bandelettes de tissu ont été décongelées en suivant un protocole d’équilibration en trois étapes [4]. Sept échantillons sont restés cryoconser vés. Le tissu ovarien a ensuite été mis dans du milieu de Leibovitz pur et immédiatement apporté au bloc opéra toire. Par technique microchirurgicale sans énergie électrochi rurgicale, trois incisions en V espacées de 0,5 cm ont été réalisées au niveau du bord antimésentérique de l’ovaire droit. Les bandelettes de tissu ont été soigneusement implantées dans les ouvertures, en plaçant une bande lette dans chaque incision et en mettant précisément le cortex au même niveau que la surface ovarienne envi ronnante (fig. 1 x). Les incisions ont ensuite été suturées des deux côtés avec du fil de nylon 8,0, sous microscope opératoire (fig. 2 x). Les trois bandelettes de tissu res tantes ont également été implantées une à une dans des incisions au niveau du péritoine de la fossette ovarienne droite. Le contrôle postopératoire a eu lieu 4 semaines plus tard. A notre surprise, un follicule de 16 mm de diamètre et un endomètre constitué de trois couches étaient visibles Forum Med Suisse 2012;12(29–30):593–594 593 H OT TO P I C phie a révélé une croissance folliculaire avec ovulation à micycle. En janvier 2012, la patiente a obtenu sa deuxième grossesse spontanée après la transplantation de tissu ovarien. La grossesse s’est malheureusement soldée par un avortement manqué au cours de la 8e semaine de grossesse (taux de bétaHCG de 2076 U/l). Discussion Figure 1 Les bandelettes de tissu sont soigneusement implantées dans les incisions en V et le cortex est précisément mis au même niveau que la surface ovarienne environnante. Figure 2 Les incisions sont suturées sous microscope opératoire. à l’échographie. Il a été recommandé au couple d’avoir des rapports sexuels au cours des 2 jours suivants. Après 2 semaines, nous avons revu la patiente qui n’avait pas eu ses règles et présentait un taux accru de béta HCG de l’ordre de 295 U/l. La patiente a eu une grossesse normale et le 15 janvier 2011, elle a mis au monde un garçon en bonne santé. Après une courte période de lactation, un cycle menstruel normal s’est établi. Trois mois après l’accouchement, la valeur de FSH basale était abaissée à 9,7 mU/ml et le taux d’hormone antimüllérienne était toujours bas (0,2 µg/l). Au cours des mois suivants, une croissance folliculaire a à nouveau pu être objectivée à micycle, suivie d’une phase lutéale adéquate. En octobre 2011, la patiente nous a signalé un nouveau désir de grossesse. L’échogra Le tissu ovarien humain est capable de survivre après congélation et décongélation et de reprendre ses fonc tions avec une bonne préservation à la fois des follicules primordiaux et des follicules primaires. La perte de fol licules lors de greffes non vascularisées de bandelettes corticales dépend toutefois de la durée de l’hypoxie et du délai jusqu’à la revascularisation du tissu transplanté. Dans la littérature, il a été rapporté que le délai jusqu’à la reprise de l’activité ovarienne après transplantation était de 4 mois ou plus [3, 4]. Cette phase de récupération cadre avec le processus de folliculogénèse, comme l’a décrit Gougeon en 1996 [5]. Notre patiente ovulait déjà 1 mois après la réimplanta tion de tissu ovarien, ce qui peut être interprété comme la poursuite ininterrompue de la folliculogénèse dans le tissu transplanté. Le fait qu’un an plus tard, après la grossesse et l’accouchement, des ovulations aient pu être mises en évidence à l’échographie plaide en faveur d’une revascularisation et d’un fonctionnement durable du tissu ovarien réimplanté. Par ailleurs, la valeur de FSH en début de cycle était à nouveau abaissée à une valeur normale haute. La reprise rapide de la fonction ova rienne pourrait être attribuable à la technique spéciale de suture microchirurgicale des bandelettes de tissu dans des incisions chirurgicales réalisées au préalable. A notre avis, l’obtention d’une deuxième grossesse spontanée à peine 2 ans après la transplantation atteste de la vitalité persistante du tissu ovarien implanté avec succès. Correspondance: Dr Mary Fahy-Deshe, Ph.D. Fertilitätslabor Kantonsspital Baden AG CH-5404 Baden Mary.FahyDeshe[at]ksb.ch Références 1 Meirow D, Dor J, Kaufman B, Shrim A, Rabinovici J, Schiff E, et al. Cortical fibrosis and bloodvessels damage in human ovaries exposed to chemotherapy. Potential mechanisms of ovarian injury. Hum Re prod. 2007;22(6):1626–33. 2 Salooja N, Szydlo RM, Socie G, Rio B, Chatterjee R, Ljungman P, et al. Pregnancy outcomes after peripheral blood or bone marrow trans plantation: a retrospective survey. Lancet. 2001;358:271–6. 3 Donnez J, Dolmans MM, Demylle D, Jadoul P, Pirard C, Squifflet J, et al. Livebirth after orthotopic transplantation of cryopreseved ovarian tissue. Lancet. 2004;364:1405–10. 4 Andersen CY, Rosendahl M, Bys kov AG, Loft A, Ottosen C, Dueholm M, et al. Two successful pregnancies following autotransplantation of frozen/thawed ovarian tissue. Hum Reprod. 2008;23:2266–72. 5 Gougeon A. Regulation of ovarian follicular development in primates: facts and hypothesis. Endo Revs. 1996:17:121–55. Forum Med Suisse 2012;12(29–30):593–594 594