MALADIE DE BEHCET - PROFIL DERMATOLOGIQUE. (A propos de
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MALADIE DE BEHCET - PROFIL DERMATOLOGIQUE. (A propos de
MALADIE DE BEHCET - PROFIL DERMATOLOGIQUE (A propos de 82 cas) M. AIT OURHROUIL*, F. BENNOUNA-BIAZ*, A. YAZIDI*, K. SENOUCI*, B. HASSAM*, HEID**, B. LAZREK* RESUME PATIENTS ET METHODES Les auteurs analysent 82 cas de maladie de BEHCET (M.B), colligés au service de Dermatologie du C.H.U. IBN SINA (RABAT) entre Décembre 1977 et Juin 92. Les observations répondent aux critères classiques de d i agnostic de la M.B et bénéficient d’une durée de surveillance suffisante (3 mois à 10 ans). Ces 82 malades se répartissent en : 68 hommes et 14 femmes. L’âge moyen est de 30 ans, les âges extrêmes sont de 16 à 54 ans. L’ a n a lyse des manife s t ations cutanéo-mu q u e u s e s (M.C.M) révèle la présence d’une aphtose buccale (100 %) ; génitale (87 %) ; de la sphère O.R.L (5 fois). L’hypersensibilité cutanée est notée dans 73 % des cas. La pseudofolliculite (74 %), des nodules dermo-hypodermiques (29 %), un ecthyma (3 cas), un ulcère de jambe post-phlébitique (5 fois). Enfin, les résultats thérapeutiques obtenus avec la colchicine et la thalidomide sur les M.C.M sont divergents et conformes aux données de la littérature. Nous rapportons 82 observations de M.B colligées entre Décembre 77 et Juin 92 au service de dermatologie C.H.U. IBN SINA RABAT. outre l’examen clinique minutieux et l’avis des spécialistes (ophtalmologues, neurologues, rhumatologues...), certaines investigations ont été pratiquées selon leurs indications (phlébographie, T.D.M, E.E.G, ...). Tous ces cas répondent aux critères classiques de diagnostic et bénéficient d’une durée de surveillance suffisante (3 mois à 10 ans). Mots clés : maladie de BEHCET, manife s t at i o n s cutanéo-muqueuses, aphtose, thalidomide, colchicine. RESULTATS Sur les 82 cas, 68 sujets sont de sexe masculin (83 %) et 14 de sexe féminin (17 %), soit un sex - ratio de 1/5. Soixante six malades (80 %) ont un âge compris entre 20 et 40 ans. L’âge moyen est de 30 ans, avec des extrêmes de 16 et 54 ans. Tableau I : Les différentes manifestations cliniques notées dans notre série de 82 cas Principales manifestations INTRODUCTION La maladie de BEHCET (M.B) peut être définie comme une aphtose bipolaire associée à des manifestations systémiques diverses. En l’absence d’anomalies biologiques, immunologiques, ou histologiques spécifiques, son diagnostic qui reste peut être difficile, en raison de la discrétion et de la fugacité des signes cutanéo-muqueux : d’où l’importance d’un interrogatoire et d’un examen soigneux. Notre travail se propose, à partir d’un recrutement dermatologique d’analyser le profil clinique et thérapeutique des manifestations cutanéo-muqueuses de la M.B. Nb de cas % Dermatologiques (aphtose...) 82 100 Articulaires (arthrites, arthral.) 40 48 45 Ophtalmologiques 37 Neurologiques (céphalées, H.I.C...) 17 20 Vasculaires 16 19,5 Autres (orchi-épididymite) 2 5 La fréquence des principales manife s t ations cl i n i q u e s relevées dans notre série figure dans le tableau I. DONNÉES CLINIQUES L’aphtose : - L’aphtose buccale est présente chez tous nos malades (100 %), dont 96 % de formes classiques et 4 % * Dermatologie C.H.U. - Ibn Sina - Rabat (Maroc) ** C.H.R.U. Strasbourg Médecine du Maghreb 1993 n°37 8 de formes herpétiformes. - L’aphtose génitale est présente dans 87 % des cas, dont 77 % de formes classiques et 10 % d’aphtes géants, concernant 4 femmes et 4 hommes, et 13 % présentent des cicatrices d’aphtes. Leur siège se répartit comme suit : . Scrotal : 63 %, . Verge : 17 %, . Intraméatique : 2 cas (tous masculins), . Grandes et petites lèvres : 95 %, . Vagin et col : 2 cas. - Autres localisations (ORL) : . Pharynx : 1 cas, . Amygdales : 2 cas, . Luette : 1 cas , . Nasal : 1 cas. Les aphtes cutanés sont retrouvés 10 fois (12 %) : - diffus (2 cas) - thoracique (1 cas) - sous-mammaire (1 cas) - périanal et interfessier (4 cas) - racine de la cuisse en regard d’un aphte scrotal réalisant “deux kissing-aphtes” (1 cas) - membre inférieur (1 cas). Autres lésions cutanées non aphteuses : - L’hypersensibilité cutanée aux points de piqûre est notée dans 73 % des cas. - La pseudo-folliculite nécrotique est observée dans 56 cas (74 %). Celle-ci intéresse essentiellement le dos et les cuisses. - Les nodules derm o - hy p o d e rmiques sont notés chez 24 patients : . 14 cas d’érythème noueux ; . 10 cas de phlébite sous-cutanée. - Par ailleurs nous avons relevé : . Un cas d’érythème polymorphe ; . 5 cas d’ulcère de jambe postphlébitique ; . Enfin 3 cas d’ecthyma. DONNÉES THÉRAPEUTIQUES ET ÉVOLUTIVES A) Local : La majorité de nos patients a bénéficié d’un traitement local à base de : bains de bouche, antiseptiques... Médecine du Maghreb 1993 n°37 M. AIT OURHROUIL, F. BENNOUNA-BIAZ, A. YAZIDI, K. SENOUCI, B. HASSAM, HEID*, B. LAZREK B) Général : 1) Thalidomide dans 21 cas : La posologie initiale, fixée selon la gravité des signes cliniques, se répartit ainsi : - 100 à 150 mg dans 15 cas ; - 200 à 300 mg dans 6 cas. Durée : 3 à 4 semaines. La dose d’entretien est diminuée à 25 ou 50 mg/J ou 1 J/2 selon les cas. La durée totale varie de quelques jours à 20 mois. L’évolution a été marquée par la disparition rapide des aphtes en quelques jours dans 90 % des cas. Cependant dans un cas, le traitement doit être arrêté en raison de l’aggravation d’une thrombophlébite. Quelques effets secondaires mineurs ont été notés tels : une sécheresse buccale (2 cas), un état séborrhéïque du cuir ch evelu (3 cas), des céphalées et ve rt i ges (2 cas), une constipation (1 cas) et 2 cas de diarrhées. 2) Colchicine (44 cas). La dose quotidienne varie entre 1 et 1,5 mg/J pendant au moins 3 mois. L’évolution était la suivante : - Un échec total de traitement : 16 cas, - Une évolution favorable transitoire (rechute sous traitement) : 10 cas, - Favorable : 3 cas. Dans l’ensemble, la tolérance à la colchicine a été excellente, même chez les malades soumis pendant plusieurs mois à cette thérapeutique. 3) Autres médicaments : Nous nous contentons de citer les autres produits utilisés selon leurs indications : - corticoïdes (17 cas), - chlorambucil (7 cas), - disulone (2 cas), - solaskil (1 cas). DISCUSSION Les données épidémiologiques de notre série sont en accord avec les données classiques de la M.B : l’âge de prédilection se situe entre 20 et 40 ans (3, 6, 7, 12). La prédominance masculine est significative dans les gran- MALADIE DE BEHCET… des séries de la littérature et surtout méditerranéenne (3, 6, 7, 12). Très peu de maladies ont vu apparaître une profusion de critères de diagnostic comme la M.B. Quelles que soient ces cl a s s i fi c ations en cri t è res (O’DUFFY, MASON, HAMZA ou groupe d’étude internationale sur la M.B) (12), les manifestations cutanéo-muqueuses occupent une place primordiale : 3/4 voire 4/5 des critères dits majeurs de la M.B. L’aphtose buccale est constamment rencontrée 98 à 100 % des cas (3, 6, 7, 12, 13). L’aphtose est une ulcération dont les bords sont taillés à pic, entourée d’un liseré rouge et dont le fond est jaune beurre. Certains aliments tels que les épices, les fruits acides, les hydrates de carbone, le lait de vache, les noisettes, les amandes..., semblent favoriser les poussées (7, 21). L’aphtose buccale de la M.B est identique à celle qu’on observe parfois dans : le L.E.A.D, la polychondrite atrophiante et surtout la R.C.H, la maladie de CROHN et l’aphtose buccale isolée à rechutes (12). L’aphtose génitale se voit dans 60 à 90 % des cas selon les séries (14 in 7, 7, 9, 10, 11, 12, 23). Son aspect est identique à celui de l’aphtose buccale. Cependant les rechutes sont peu fréquentes ; de même elle évolue dans de très n o m b reux cas en laissant une cicat rice indélébile qui constitue un élément précieux pour le diagnostic, en dehors des poussées. Elle siège avec prédilection sur les bourses et les lèvres et intéresse rarement, comme dans notre série, le gland, le vagin et le col. Au niveau uréthral, ces aphtes provoquent un écoulement pseudo-gonococcique. L’aphtose génitale peut se voir également dans la R.C.H et le CROHN. L’hypersensibilité aux points de piqûre reste l’élément distinctif (12). Les aphtes herpétiformes sont rencontrés dans 4 % de nos cas buccaux. Il s’agit d’aphtes miliaires sous forme d’érosions punctiformes groupées en plaques (20). L’aphte génital volumineux et unique était connu autrefois sous le nom d’ulcère aigu de LIPSCHUTZ (1912) et rattaché par TOURAINE à l’aphtose (in 4). Il est noté 1 fois sur 10 dans notre série. Les aphtes cutanés ne semblent pas rares. Leur fréquence varie entre 6 et 13 % (4, 7). Ils sont retrouvés 10 fois dans notre série (12 %). Ils siègent essentiellement au niveau des faces internes des cuisses, le tro n c, et les plis sousmammaires (7). L’aphte “cutané vrai” doit être distingué de la pseudo-folliculite nécrotique. Les aphtes peuvent se localiser également au niveau du larynx, la luette, les fosses nasales, voire la cornée (7) ; de 9 même pour l’oesophage et surtout la marge anale qui marque le tropisme pluri-orificiel de la maladie. La pseudofolliculite nécrotique est assez fréquente et différemment appréciée 20 à 86 % (4, 5, 7, 10, 12, 17). Elle siège sur le dos, les membres inférieurs, les fesses et les b o u rses vo i re le visage. Elle est également décrite au niveau palmo-plantaire (4). Pa r fois les lésions cutanées ont un aspect acnéifo rm e papulo-nodulaire sans évoluer vers une pustule (195 in 12). Cet aspect a été décrit par BIETTI en 1966 et ressemble à s’y méprendre à une acné vulgaire (12 in 17). Les lésions nodulaires sont bien étudiées par VILANOVA et PINOL-AGUADE (in 12). Elles sont aussi fréquentes que les précédentes et se voient dans 23 à 40 % des cas (7, 10, 11, 12). Ces lésions ne sont pas rares dans notre série (29 %). Elles correspondent à deux types de lésions : - érythème noueux qui est remarquable par sa topographie, siégeant aux points où les os sont superficiels, son aspect et son évolution en passant par les teintes de la biligénie. - phlébite sous-cutanée que l’on distingue des nouures en raison d’une disposition linéaire, dure, sombre, rouge violacé, d’évolution torpide sur plusieurs semaines s’associant fréquemment à une phlébite profonde. L’hypersensibilité aux points de piqûre est très caractéristique de la maladie et constitue pour certains auteurs, un critère majeur dans le diagnostic de la M.B (33 et 67 in 4). Elle s’observe dans 80 à 100 % des cas de la plupart des publications (3, 4, 10, 21, 25 in 4), sauf dans les séries anglo-saxonnes où elle est ra rement re t ro u v é e. Po u r HAMZA, on ne doit pas tenir compte de l’érythème, la papule n’a de valeur que si son diamètre dépasse 2 mm en cas de piqûre sous cutanée. Pour la piqûre I.V, la vésicule ou la pustule qui recouvre la papule a une grande valeur sémiologique (12). Enfin, ce test n’est pas exclusif à la peau. Il peut intéresser la muqueuse buccale, la synoviale, les veines et les artères. Nous signalons également d’autres manifestations cutanées rares : un ulcère de jambe post-phlébitique (5 cas), bilatéral une fois, BELIMER en a noté 3 cas (4), enfin 3 cas d’ecthyma ont été recensés. Dans tous ces cas particuliers, il parait difficile de rattacher les ulcérations à un syndrome post-phlébitique. Il semble plutôt s’agir de l’évolution phagédénique de lésions papulo-pustuleuses de l’aphtose. Enfin on a noté un cas exceptionnel d’érythème polymorphe. Dans une revue de la littérature, certaines manifestations Médecine du Maghreb 1993 n°37 M. AIT OURHROUIL, F. BENNOUNA-BIAZ, A. YAZIDI, K. SENOUCI, B. HASSAM, HEID*, B. LAZREK 10 sont possibles tels : un purpura pétéchéal vasculaire (10 bis), une panniculite récidivante, un rash éry t h é m at e u x morbiliforme, rubéoliforme parfois urticarien (10 bis). Purement symptomatique et suspensif, le traitement des m a n i fe s t ations cutanéo-muqueuses de la M.B, a deux objectifs essentiels : améliorer le confort du patient au moment de la poussée et tenter de diminuer la fréquence et la sévérité des poussées. Il fait appel dans un pre m i e r temps à des petits moyens (éviction de tout facteur favorisant les poussées, emploi d’antiseptiques, d’antibiotiques surtout les tétracyclines en bain de bouche, de stéroïdes “BETNEVAL : 5-10 tablettes/J, ce dernier doit être précoce dès les premiers prodromes, il permettrait de diminuer les douleurs et de raccourcir la durée d’une poussée (21), enfin le gel de lidocaïne améliore le confo rt des patients en facilitant l’alimentation. Le traitement général fait appel essentiellement au THALIDOMIDE et à la COLCHICINE. L’indication de la THALIDOMIDE dans l’aphtose a été découverte en 1979 par MASCARO (14). Depuis plusieurs études ont rapporté des effets convaincants de ce produit dans les manifestations cutanéo-muqueuses, avec des résultats significatifs dans les formes résistantes à la COLCHICINE (8 bis, 19, 31, 44 in 19). Nous mêmes avons pu observer des résultats concluants dans les formes résistantes à la COLCHICINE (8 bis). Les doses initiales sont de 300 mg, pouvant être réduites à 100 mg/J ou 1 J/2 (22). Nous pensons qu’une posologie de départ de 150 mg/J suffit. La THALIDOMIDE agirait par ses effets immuno-suppressifs, anti-inflammatoires (elle diminue le chimiotactisme des polynucléaires neutrophiles) et nerveux. Au total, dans les aphtes sévères caractérisés par un aphte géant unique ou par des aphtes buccaux et/ou génitaux subintrants avec gêne fonctionnelle intense, le traitement par THALIDOMIDE a une efficacité spectaculaire (19). Cette thérapeutique doit être formellement contre-indiquée chez la femme en période d’activité génitale en raison des phocomélies qu’elle entraîne. La COLCHICINE a donné lieu à de nombreux travaux. Ce sont les japonais, notamment “MISUSHIMA” (16) qui les premiers ont insisté sur l’effet de celle-ci dans la M.B. Différentes études publiées depuis, semblent défavorables au produit (8, lin 22) dont celles de WECHSLER (22) qui a noté également un taux de succès modéré de 33 % sous 1 MG/J. En ce qui nous concerne et dans une première étude menée au service (8), l’essai de la COLCHICINE ne nous a pas donné de résultats concluants et nous a guère incité à poursuivre cet essai sur une durée plus grande (échec = 90 %). A la lumière de notre modeste expérience, nous pensons que la place de la COLCHICINE dans le traitement de la M.B est très re s t re i n t e. Néanmoins pour WECHSLER (22) quelques patients bénéficient manifestement de cette thérapeutique, si bien qu’elle mérite d’être utilisée en première intention. Des doses de 2 mg/J sont souvent nécessaires. Il s’agit d’une thérapeutique au long terme qui ne doit pas être interrompue (18). Le shéma thérapeutique est le suivant : 1 à 2 mg/J pendant 1 an ; puis : 1/2/J ou 1 mg, 1 J/2 (18). Enfin divers produits ont été proposés avec des succès variables tels : Lévamisole (SOLASKIL®) qui fut introduit par HAMZA puis MERIEUX (15, 8 in 22). Le risque d’agranulocytose en limite l’emploi (10 in 22). La DISULONE a été proposée par SHARQUIE (cité par WECHSLER), qui a rapporté son efficacité à la dose de 100 mg/J. CONCLUSION Seule l’existence de manifestations cutanéo-muqueuses de la M.B permet une certitude diagnostique. I nve rsement, en leur ab s e n c e, malgré la dive rsité des symptômes systémiques le diagnostic reste incertain. Les patients consultent, malheureusement, surtout devant des manife s t ations systémiques parfois sévères, vue la caractère banal de l’aphtose isolée. Enfin, nous partageons l’avis de M. TOURAINE concernant “nos habitudes thérapeutiques de dermatologue, qui sont peu agressives et témoignent bien de la relative bénignité des formes d’aphtose que nous voyons”. Pa rmi les thérapeutiques utilisées, le THALIDOMIDE semble la plus efficace. 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