Traitement de la douleur
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Traitement de la douleur
19. TRAITEMENT DE LA DOULEUR 19.1. DEFINITION DE LA DOULEUR……………………………………………… 2 19.2. NEUROPHYSIOLOGIE DE LA DOULEUR………………………………… 19.2.1 Nociception…………………………………………………………… 19.2.2 Conduction de la douleur………………………………………….. 19.2.3 Mécanismes inhibiteurs de la douleur…………………………… 2 2 2 3 19.3 ORIGINE DE LA DOULEUR…………………………………………………. 4 19.3.1. Douleur nociceptive……………………………………………….. 4 19.3.2. Douleur neuropathique……………………………………………. 5 19.4 MESURE DE LA DOULEUR…………………………………………………. 19.4.1 Echelles unidimensionnelles…………………………………….. 19.4.2 Echelles multidimensionnelles…………………………………… 19.4.3 Echelles comportementales………………………………………. 5 5 6 6 19.5 TRAITEMENT MEDICAMENTEUX…………………………………………. 19.5.1 Classe I : analgésique non morphinique………………………. 19.5.2 Classe II : analgésique morphinique faible……………………. 19.5.3 Classe III : analgésique morphinique puissant……………….. 19.5.3.1. La morphine………………………………………………… 19.5.3.2. Fentanyl tts (Durogesic®)…………………………………. 19.5.3.3 Autres opiacés……………………………………………… 19.5.4 Médicaments adjuvants ou co-analgésiques………………….. 19.5.4.1 Antidépresseurs…………………………………………….. 19.5.4.2 Antiépileptiques…………………………………………….. 19.5.4.3 Antiarythmiques…………………………………………….. 19.5.4.4 Corticoïdes…………………………………………………... 19.5.4.5 Myorelaxants………………………………………………… 19.5.4.6 La kétamine…………………………………………………. 19.5.4.7 La clonidine…………………………………………………. 19.5.5 Adjuvants dans les douleurs osseuses : biphosphonates…. 7 7 8 8 9 11 13 14 15 15 16 16 16 16 17 17 19.6 PRINCIPE DU TRAITEMENT DE LA DOULEUR…………………………. 17 19.7 TRAITEMENTS NON PHARMACOLOGIQUES…………………………… 19.7.1 Techniques non invasives……………………………………….. 19.7.2 Techniques invasives……………………………………………… 19.7.2.1 Techniques anesthésiologiques : blocs nerveux neurolytiques…………………………………………………………. 19.7.2.2 Techniques neurochirurgicales…………………………… 18 18 19 19.8 CONCLUSION…………………………………………………………………. 20 19.9. REFERENCES………………………………………………………………… 20 19 19 19. TRAITEMENT DE LA DOULEUR 19.1. DEFINITION DE LA DOULEUR La douleur peut être définie comme une expérience sensorielle et émotionnelle correspondant à une lésion tissulaire, réelle ou potentielle. Elle est toujours subjective. La douleur dans la maladie cancéreuse est chronique, a tendance à augmenter avec le temps et est très influencée par ses connotations psychiques et existentielles. En effet, à cette douleur physique, s’ajoute la souffrance psychologique, sociofamiliale et spirituelle. L’ensemble est connu sous le terme de souffrance globale. Les Unités de Soins Palliatifs, dont on doit souligner l’importance actuelle, sont des équipes multidisciplinaires mobiles ou intra-hospitalières qui s’adressent à des malades atteints d’une affection médicale, évolutive, potentiellement mortelle et chez qui les traitements curatifs n’ont plus de place. Leur objectif est double : Maintenir la dignité jusqu’au terme de la vie. Prendre en charge la souffrance globale. Dans ce chapitre, seule la douleur physique est évoquée. 19.2. NEUROPHYSIOLOGIE DE LA DOULEUR 19.2.1 Nociception La douleur apparaît suite à des stimuli mécaniques (pression), thermiques ou chimiques qui activent les nocicepteurs. Ces nocicepteurs sont des extrémités dendritiques des fibres nerveuses sensitives, situés au niveau de la peau (très nombreux), de la cornée, des muscles, des articulations, des os, et des organes internes. 19.2.2 Conduction de la douleur La conduction du signal douloureux se fait par l’intermédiaire de 3 voies successives : Les voies ascendantes médullaires : Les influx nociceptifs pénètrent dans la corne postérieure de la moelle épinière par le 1er neurone (neurone afférent primaire). Les fibres font relais dans la substance gélatineuse par l'intermédiaire d'interneurones qui ont un rôle important de "filtres" de la douleur et auraient pour médiateur la substance P et pour neuromédiateur l'enképhaline. Les voies supramédullaires, de la moelle vers le thalamus : Les influx activent ensuite le neurone de la voie spinothalamique et atteignent le thalamus qui organise les réactions végétatives de la douleur. Enfin, depuis le thalamus, les axones du 3e neurone se dirigent vers le cortex et le système limbique qui intègrent le message douloureux et élaborent diverses manifestations comportementales et émotionnelles (figure 9). Figure 9 : 19.2.3 Mécanismes inhibiteurs de la douleur Des voies centrales inhibitrices de la douleur descendent du cortex, du thalamus, du bulbe rachidien et au niveau de la corne dorsale, influencent la neurotransmission depuis le 1er neurone vers le second neurone. Les opiacés jouent un rôle au sein de ce système inhibiteur descendant et contrôlent ainsi l’activité des voies ascendantes. L’effet analgésique des antidépresseurs s’explique également par l’intermédiaire de ce système. La substance P est le principal médiateur de la neurotransmission au niveau de la corne postérieure de la moelle. La jonction entre les neurones se fait par les synapses constituées : d’un bouton synaptique, d’une fente synaptique, d’une membrane post-synaptique. A l’arrivée de l’influx nerveux, des neurotransmetteurs vont être libérés et venir s’articuler sur les récepteurs de la membrane post-synaptique. La libération de neurotransmetteurs (ex : la substance P, la sérotonine, la noradrénaline, la somatostatine…) est elle-même modulée ou inhibée par des opiacés endogènes (enképhalines, dynorphines, endorphines). Après fixation sur les récepteurs morphiniques, ces opiacés endogènes induisent une analgésie plus ou moins importante et contrôlent ainsi l'activité des voies ascendantes de la douleur. Les récepteurs se distinguent : en “mu”, au niveau du tronc cérébral, en “delta”, au niveau du cortex cérébral, en “kappa”, au niveau de la moelle, en “sigma”, au niveau du système limbique. Dans les conditions normales, les récepteurs sont stimulés par les opiacés endogènes libérés par les influx nociceptifs. La prolongation des influx engendre un épuisement des réserves et donc de la synthèse des médiateurs. On comprend alors l’effet des opiacés exogènes qui ont un effet de remplacement. Conséquences de la stimulation des différents récepteurs : La morphine et les opiacés dits “agonistes morphiniques” vont activer le récepteur "mu". 19.3 ORIGINE DE LA DOULEUR Lors de son trajet depuis les récepteurs périphériques jusqu'au cortex cérébral, l'influx peut être modulé. Deux types de douleurs peuvent être distingués: La douleur par excès de nociception : Douleur nociceptive. La douleur par défaut d'inhibition : Douleur neuropathique. 19.3.1. Douleur nociceptive La douleur nociceptive est une douleur qui apparaît suite à une stimulation des nocicepteurs. On parle de douleur superficielle (peau), de douleur profonde (muscles, squelette, articulations) et de douleurs viscérales (viscères). Sa fréquence est plus importante que la douleur neuropathique, elle est liée à l’évolution tumorale : infiltrations tumorales osseuses, envahissement d’organes creux, de la plèvre ou de la capsule hépatique, compression des vaisseaux, nécroses et ulcérations de la peau et des muqueuses. Les douleurs peuvent aussi relever des traitements oncologiques antérieurs : mucite post-chimiothérapie ou post-radiothérapie, ostéoradionécrose, atteinte radique des viscères. 19.3.2. Douleur neuropathique La douleur neuropathique apparaît suite à un dommage ou à un dysfonctionnement du système conducteur de la douleur le plus souvent périphérique (nerfs, plexus, racine), parfois central (moelle épinière, cerveau). Elle est liée à des compressions tumorales nerveuses périphériques, à des compressions ou envahissements médullaires, à des destructions des plexus nerveux. Elle peut être également causée par le traitement de chimiothérapie. Les nerfs endommagés peuvent présenter des décharges électriques spontanées (analogie à l’épilepsie), qui sont conduites plus loin et donnent naissance à une sensation douloureuse. La douleur neuropathique est le plus souvent décrite comme une sensation de brûlure, à laquelle s’ajoute parfois une composante d’élancements douloureux. Les médicaments adjuvants (voir 19.5.4.) constituent ici le traitement de choix car la douleur neuropathique ne répond pas bien aux AINS, ni aux opiacés. 19.4 MESURE DE LA DOULEUR L'évaluation de la douleur est indispensable avant la mise en route d'un traitement. La ou les causes de la douleur doivent être recherchées, de même que l'efficacité d'un traitement antalgique déjà instauré. La douleur est un phénomène subjectif et complexe. Le malade est, par conséquent, le véritable juge pour apprécier l'intensité de sa douleur (auto-évaluation). Dans certaines situations où l'approche verbale n'est pas possible, l'hétéroévaluation par les médecins, infirmières, personnels d'entretien, parents devient alors le seul moyen d'évaluer la douleur. De nombreuses échelles existent pour permettre la mesure de l'intensité de la douleur. 19.4.1 Echelles unidimensionnelles Ce sont des échelles simples, rapides, reproductibles, qui mesurent une seule dimension : L'intensité de la douleur. Echelle verbale simple (EVS) : Une échelle de 0 à 5 donne un qualificatif aux douleurs ressenties. Douleur : Absence de douleur Douleurs faibles Douleurs modérées Douleurs intenses Douleurs extrêmement intenses Score : 0 1 2 3 4 Cette échelle est peu sensible du fait du peu de catégories qu'elle comporte. Echelle visuelle analogique (EVA) : Le patient donne une valeur à sa douleur en déplaçant un curseur sur une réglette allant de 0 à 10. 0………………………………………………….……….10 Absence de douleur Douleurs extrêmes La réglette est graduée en millimètres au verso, une mesure précise est possible. Cette méthode de mesure est la plus utilisée, elle se révèle sensible et reproductible. 19.4.2 Echelles multidimensionnelles Ce sont des échelles plus complexes associant des échelles comportementales, de vocabulaire, de l'humeur, qui apprécient quantitativement et qualitativement les différents aspects de la douleur. Questionnaires Mc Gill Pain (MPQ) ou de douleur Saint-Antoine (QDSA) : Ces questionnaires comportent une liste de qualificatifs répartis en sous-classes. Les sous-classes expriment les nuances qualitatives, sensorielles et affectives de la douleur. 19.4.3 Echelles comportementales L'observation du patient douloureux est l'indicateur le plus objectif de la sévérité de la douleur. On note en équipe pluridisciplinaire la présence et la fréquence de manifestations tels que: faciès crispé, immobilité, pâleur, plaintes, confusion, postures et gestes douloureux en mouvement, activités ou non (lecture, TV…). L'échelle Doloplus est un exemple d'échelle comportementale utilisée chez les personnes âgées lorsque l'auto-évaluation n'est pas possible. La réévaluation est biquotidienne jusqu'à sédation des douleurs puis réévaluation quotidienne ensuite. 19.5 TRAITEMENT MEDICAMENTEUX L’Organisation Mondiale de la Santé distingue 3 classes dans les analgésiques : Classe I : analgésique non morphinique - acide acétylsalicylique, - AINS, - paracétamol, - pyrazolés. Classe II : analgésique morphinique faible - codéine, dihydrocodéine, dextropropoxyphène, pentazocine, tramadol. Classe III : analgésique morphinique puissant - buprénorphine, fentanyl, hydromorphone, oxycodone, péthidine, piritramide. morphine, méthadone, A chaque classe, des médicaments adjuvants peuvent être ajoutés (voir 19.5.4). La classe I peut être associée à la classe II et à la classe III. Coefficient de conversion pour obtenir l’équianalgésie : La dose équianalgésique en morphine est obtenue en multipliant la dose de l’analgésique par le coefficient de conversion. Ce tableau peut se révéler précieux pour déterminer la posologie à utiliser lorsque l'on change de médicament ou de voie d'administration, cependant le coefficient de conversion n'est qu'un indicateur, les propriétés de chacun des médicaments doivent être prises en compte et un ajustement en fonction de chaque patient s'avère indispensable. 19.5.1 Classe I : analgésique non morphinique L’acide acétylsalicylique doit être donné à la dose de 1 g (15mg/kg) toutes les 4 à 6 heures. Le paracétamol est dépourvu d’effet anti-inflammatoire et son association avec l’acide acétylsalicylique ou avec des AINS peut se justifier, sa dose est de 1 g toutes les 4 à 6 heures. Dans les douleurs diffuses au niveau du foie (insuffisance hépatique), le paracétamol à la dose de 3 g peut toutefois s’avérer toxique. Les AINS ne sont pas réellement supérieurs à l’acide acétylsalicylique, mais ils présentent l’énorme avantage d’avoir une durée d’action plus longue et de ne pas augmenter le temps de saignement. Les AINS sont beaucoup plus efficaces que les analgésiques morphiniques dans les douleurs osseuses métastatiques. La toxicité gastro-intestinale (hémorragies digestives et ulcérations gastriques) reste le problème majeur de l’utilisation des AINS et de l’acide acétylsalicylique. Les pyrazolés peuvent être utilisés en cas d'intolérance aux AINS et aux analgésiques morphiniques faibles. 19.5.2 Classe II : analgésique morphinique faible La codéine doit être administrée toutes les 4 heures avec une dose de départ de 30 à 60mg (max. 400mg/j). Elle est souvent associée au paracétamol (Dafalgan codéine®). La dihydrocodéine (Codicontin®) à la dose max. 120mg/j et le dextropropoxyphène (Dépronal®) à la dose max. de 600mg/j doivent être administrés toutes les 12 heures. Le tramadol (Contramal®, Doctramado®, Dolzam®, Tradonal®, Tramadol® ) est un "mu" agoniste partiel, dose max. 400mg/j. Il induit moins de constipation et de dépression respiratoire aux doses équianalgésiques de la morphine mais se révèle moins efficace en cancérologie que la morphine orale. Le pentazocine (Fortal®) est un agoniste-antagoniste. Il ne peut être associé aux opiacés à cause de ses propriétés d’antagoniste et n’est donc pas utilisé en douleur chronique. La tilidine-naloxone (Valtran®) est un agoniste morphinique associé à un antagoniste la naloxone, il ne peut être associé aux opiacés. Lors de prise de fortes doses, la naloxone va atteindre la circulation générale et contrecarrer l’effet de la tilidine (ou d’autres opiacés). Cette association n’a pas d’intérêt en cancérologie. Les morphiniques faibles présentent, contrairement aux puissants, un plafond analgésique. Au-delà de ce plafond, on n'obtient plus aucun accroissement de l’effet analgésique, mais uniquement un accroissement des effets secondaires (notamment la constipation). 19.5.3 Classe III : analgésique morphinique puissant La morphine constitue le prototype de ce groupe ainsi que le médicament généralement choisi pour les patients atteints de cancer. Il n’y a pas de plafond analgésique et, en augmentant la dose, on obtient une augmentation de l’effet analgésique, presque toujours car il existe une douleur morphino-induite due à l'accumulation d'un métabolite glucuronyl-3- morphine (voir 19.5.3.3. L'hydromorphone et 19.5.4.6. La clonidine). Ses principaux effets secondaires sont de la somnolence (20%), des nausées et vomissements (30%), de la constipation (95%), du prurit et de la myoclonie. La dépression respiratoire est un signe de surdosage ainsi que la sédation prolongée. En cas de surdosage, la naloxone (Narcan®), antagoniste morphiniqu, est injecté en IV, IM ou SC. Chez la plupart des patients, les effets neurologiques centraux et les vomissements deviennent moins gênants après quelques jours. En cas de nausées en début de traitement, des antiémétiques classiques peuvent être administrés ainsi que de l’halopéridol pendant quelques jours. La constipation demeure un problème, de sorte que l’on administre en routine des laxatifs (laxatif de contact + laxatif osmotique ou émollient) lorsque l’on entame un traitement par des morphiniques puissants. Les morphiniques utilisés de manière chronique donnent naissance à une accoutumance physique. L’accoutumance diffère de la dépendance, qui est un désir psychique et une pulsion que procure le médicament. Lorsque la morphine est administrée en raison de la douleur, le risque de dépendance est minime et on peut remédier à une éventuelle accoutumance physique avec phénomènes de manque en réduisant la dose sur une période de deux semaines. 19.5.3.1. La morphine La voie orale : Sa biodisponibilité orale est faible de 20 à 30% à cause d’un important métabolisme de premier passage au niveau du foie (glucuronoconjugaison). La morphine peut être prescrite : o en magistrale : • Sirop de Morphine Chlorhydrate de 1mg à 10mg /1ml, durée d’action de 4h. • R/ Morphine Chlorhydrate trois cent milligrammes Aqua conservans ad 300ml pf un sirop de Morphine 1mg/1ml • R/ Morphine Chlorhydrate trois mille milligrammes Aqua conservans ad 300ml pf un sirop de Morphine 10mg/1ml • Ces sirops peuvent se conserver deux semaines à l'abri de la lumière. o en comprimé : • • MS direct® 10mg: Morphine Sulfate à 10 mg durée d’action de 4h. La morphine sulfate existe en comprimé retard : • • • MS Contin® à 10, 30, 60, 100 et 200 mg, durée d’action de 12 heures. Les capsules contiennent des granules pouvant être administrées dans les sondes naso-gastriques de diamètre supérieur à 16 Fr ou en mélange dans les aliments. Kapanol® à 20, 50, 100mg, durée d’action de 24 heures o en gouttes et en solution orale : • Oramorph® : gouttes 20mg/ml flacon de 20ml et solution orale 2mg/ml flacon de 100ml ou solution orale à usage unique de 5 à 10mg/5ml ou 30mg/5ml Pour débuter un traitement morphinique, on procédera à une titration en administrant 5mg (2,5mg en gériatrie) d’une forme directe dès la 1re dose et ce, toutes les 4 heures. On commence à 10 mg si la classe II a été donnée à la dose max. En l’absence de réponse, le dosage suivant sera augmenté de 30 % jusqu’à obtention d’une sédation de la douleur. Si la dose administrée supprime la douleur mais provoque une somnolence importante, on diminue la dose par palier de 50 à 25 %. Dès que l’on aura atteint un état stable, on convertit la dose en forme retard. Mais attention, l’utilisation de forme retard ne doit pas empêcher de donner une forme directe pour les entre-doses. En effet, la douleur peut évoluer suite à des complications de la maladie ou tout simplement la douleur peut être exacerbée par certains mouvements (toilette, escaliers…). La posologie de l’entre-dose correspond à 1/12e de la dose de morphine de 24 heures. EX : Le patient prend 120 mg de MS Contin® matin et soir, la dose de 24 heures est de 240 mg, la valeur de l’entre-dose est de 20 mg. On augmente la dose de la forme retard si le patient demande plus de 2 entre-doses sur les 24 heures. La voie parentérale La voie parentérale est utilisée en cancérologie lorsque la voie orale n'est pas possible. Elle peut être sous-cutanée ou intraveineuse (IV), la voie intramusculaire ne présente pas d'avantages particuliers. Elle est essentiellement sous-cutanée notamment en cas de vomissements, d'exacerbation grave des douleurs, en phase terminale, en pathologie gastrointestinale et ORL. La dose à administrer par voie sous-cutanée est égale à la moitié de la dose orale. La morphine peut être administrée en sous-cutanée : soit discontinue : toutes les 4 heures (poser une aiguille à ailettes). soit continue : avec pousse-seringue ou pompe portable Graseby MS 26 (voir chapitre 20). La voie IV est préférée chez les thrombopéniques et lorsque le patient est déjà perfusé. La voie IV directe est à proscrire, la morphine est administrée en continu à l’aide de pousse-seringue ou pompe portable Graseby. La dose à administrer par voie IV est égale au tiers de la dose orale. Lorsqu’on initie un traitement par voie parentérale : soit une dose initiale de 0.5mg/kg/jour est administrée par voie sous-cutanée ou IV. soit on procède à une titration à l’aide de la voie sous-cutanée, lorsque la dose est connue, on peut passer en voie sous-cutanée continue ou en voie IV. Les ampoules sont disponibles en Morphine HCl : 10mg/ml, 20mg/ml, 30mg/ml et 40mg/ml. Des seringues de sulfate de morphine prêtes à l'emploi sont enregistrées sous le nom Kapaject® 50mg/50ml (Mayne). Ces seringues sont adaptables sur les pompes PCA Graseby 3000 et IVAC. La voie rectale Le sulfate de morphine en comprimé retard peut être administré par voie rectale en incorporant le comprimé dans un suppositoire de glycérine. En passant de la voie orale à la voie rectale, on utilise la même posologie mais un ajustement peut être nécessaire. Par voie rectale, l'absorption est plus lente mais il y a moins de métabolisation de premier passage. La voie rectale est utilisée lorsque les voies orale et parentérales ne sont pas possibles. Les voies médullaires Les voies péridurales et intrathécales permettent une analgésie de durée supérieure avec des doses moindres que les voies systémiques mais elles nécessitent une certaine technicité et présentent des risques infectieux et de mauvaise tolérance. Elles restent tout à fait exceptionnelles. Des ampoules de Morphine HCl sans conservateur sont utilisées. La morphine est diluée dans 5ml de soluté physiologique isotonique. 19.5.3.2. Fentanyl tts (Durogesic®) Le Fentanyl est un agoniste "mu" dont les propriétés physico-chimiques (Poids moléculaire bas, 80 fois plus puissant que la morphine, haute solubilité lipidique) en font un candidat idéal pour l'administration transdermique : • Durogésic® 2,1mg/5,25cm2 libère 12,5µg/h • Durogésic® 4,2mg/10,5m2 libère 25 µg/h • Durogésic® 8,4mg/21cm2 libère 50 µg/h • Durogésic® 12,6mg/31,5 cm2 libère 75 µg/h • Durogésic® 16,8.mg/42cm2 libère 100 µg/h Ce système transdermique habituellement appliqué sur le torse permet une délivrance contrôlée et prolongée de Fentanyl par voie transdermique avec une autonomie de 72 heures. Il est particulièrement intéressant chez les patients avec difficultés de déglutition (cancer ORL, digestifs hauts), ou lorsque des nausées, vomissements et dysphagies obligent à suspendre la voie orale. Sa concentration augmente progressivement avec un plateau à 12-24 heures après la pose. La concentration diminue graduellement après l’enlèvement (action de réservoir au niveau des tissus sous-cutanés). Il doit être utilisé dans la douleur chronique stable et non dans la douleur aiguë où une titration rapide est nécessaire. Le patient doit pouvoir avoir à sa disposition un analgésique d’appoint (ex: MS Direct®) pendant les 48 premières heures. Le patch sera changé toutes les 72 heures (cependant une minorité de patients cachectiques nécessite le remplacement au bout de 48 heures) et doit s’appliquer sur une peau saine, non pileuse. Dose équianalgésique à la morphine : La dose de départ fixée, l’augmentation de la dose sera fonction des entre-doses réclamées. Pour calculer l’entre-dose, on corrèle la dose de Fentanyl à la dose journalière de Morphine et on divise par 12. Ex : un patch de 75µg/h équivaut à une dose de morphine de 210mg, l’entre-dose sera de 20 mg. On augmente les doses de Fentanyl de 25µg lorsque le patient a réclamé plus de 60mg de morphine par 24 heures. Des variations individuelles et intra-individuelles existent au niveau de la résorption du médicament. Ces variations seraient dues à l'épaisseur de la peau, aux conditions de pose et à l'état du patient (hyperthermie). Durogésic® est un patch transparent rectangulaire comportant une couche de protection et deux couches fonctionnelles. De la surface externe à la surface qui adhère à la peau, ces couches consistent en : • une couche de support de polyester, • une couche adhésive : polyacrylate avec le Fentanyl. Durogesic® est disponible en cinq dosages différents dont la composition par unité de surface est identique. Le dosage est imprimé sur le patch en orange, rose, vert, bleu et gris, respectivement pour les patches Durogesic® de 12, 25, 50, 75 et 100 microgrammes/heure. 19.5.3.3 Autres opiacés Agonistes morphiniques : o L’hydromorphone est un dérivé synthétique proche du glucuronyl-6morphine, métabolite actif de la morphine. Par voie orale, l'hydromorphone est indiquée dans le traitement des douleurs intenses d'origine cancéreuse en cas de résistance ou d'intolérance à la morphine. L’hydromorphone est disponible en forme orale à libération immédiate (Palladone Immediate Release® : capsules à 1,3 et 2,6mg) et en forme orale à libération prolongée (Palladone Slow Release® : capsules à 4mg, 8mg, 16mg et 24mg). La posologie standard est de 1,3mg à 2,6mg toutes les 4 heures pour la forme à libération immédiate. Pour la forme à libération prolongée, commencer par 4mg toutes les 12 heures puis augmenter progressivement. o L’oxycodone (Oxicontin®) est indiquée dans le traitement des douleurs chroniques d’origine cancéreuse, intenses ou rebelles aux autres opioïdes. L’oxycodone existe en forme orale à libération prolongée : capsules à 5mg , 10mg, 20mg, 40mg et 80mg. La posologie recommandée est de 10mg toutes les 12 heures au départ avec possibilité d’augmenter progressivement la dose. o La méthadone (Méphénon®, comprimés à 5mg et ampoule à 10mg/1ml) est utilisée en seconde ligne mais son nom évoque des connotations négatives. o La péthidine ou mépéridine (Dolantine®, ampoule à 100mg/2ml) ne peut être utilisée en traitement chronique car l’accumulation de ses métabolites peut provoquer de l’agitation et de l’épilepsie et sa durée d'action est trop courte pour traiter des douleurs chroniques. Ses effets secondaires centraux ne répondent pas à la naloxone. o Le piritramide (Dipidolor®, ampoule à 20mg/2ml) est utilisé uniquement dans la douleur aiguë. Agoniste partiel : o La buprénorphine (Temgésic®, Transtec®): en raison de son activité partiellement antagoniste, elle ne peut être associée à d’autres opiacés et est peu utilisée en cancérologie. Néanmoins, elle trouve une place en voie sublinguale (Temgésic®) dans les douleurs modérées à fortes (entre paliers II et III). Le traitement peut être commencé par voie IM pour éviter la latence d'action de la voie sublinguale (30 minutes). La buprénorphine par voie transdermique (Transtec®) est indiquée dans le traitement des douleurs cancéreuses modérées à sévères et douleurs sévères qui ne répondent pas aux antalgiques non-opioïdes. Il existe des patchs libérant 35 µg/h, 52,5 µg/h et 70 µg/h. Choix de la dose de départ : chez les patients n’ayant pas pris précédemment d’antalgiques ; on commence le traitement avec le dispositif transdermique le plus faiblement dosé (Transtec 35 µg/h). En cas de traitement antérieur par un antalgique de palier I de l’OMS (nonopioïde), il faudra également commencer par Transtec 35 µg/h. Selon les recommandations de l’OMS, le traitement par antalgique non opioïde peut être poursuivi en fonction de l’état général du patient. Lors d’un remplacement d’un antalgique opioïde par Transtec® et lors du choix de la dose initiale, il est recommandé de tenir compte de la nature, de l’administration et de la posologie quotidienne moyenne du traitement antérieur afin d’éviter la réapparition de la douleur. Les informations contenues dans le tableau suivant sont données à titre indicatif : 19.5.4 Médicaments adjuvants ou co-analgésiques Un certain nombre d’antidépresseurs, certains épileptiques et certains antiarythmiques de la classe I (analogues de la xylocaïne) ont un effet analgésique adjuvant. Ils constituent même un traitement de choix pour un certain nombre de syndromes douloureux neuropathiques. 19.5.4.1 Antidépresseurs Les antidépresseurs tricycliques tels que l’amitriptyline, l’imipramine, la désipramine, la doxépine et la nortriptyline sont utilisés dans les douleurs neuropathiques. Bien qu'ils soient utilisés avec succès dans les douleurs cancéreuses, aucune étude clinique contrôlée n'a été effectuée dans cette indication. Les doses proposées sont souvent inférieures à la dose antidépressive et pour l’amitriptyline, elles varient de 25 à 125mg. On suppose que ces médicaments activent les voies centrales descendantes inhibitrices de la douleur, peut-être par l’intermédiaire d’un effet sur la noradrénaline et/ou la sérotonine. Cet effet analgésique est indépendant de l’effet antidépresseur et il y a également une potentialisation de l’effet des opiacés. L’effet analgésique apparaît après une semaine, donc un peu plus rapidement que l’effet antidépresseur. Le facteur limitant l'utilisation des antidépresseurs tricycliques est l'apparition des effets indésirables de type anticholinergiques (sécheresse de la bouche, constipation, troubles de l'accommodation…) 19.5.4.2 Antiépileptiques Sur base de l’expérience avec la carbamazépine lors de névralgie du trijumeau, on a également utilisé ce médicament dans d’autres douleurs neuropathiques avec des résultats favorables. Le valproate et le clonazépam constituent des alternatives possibles. On utilise les doses classiques, comme en cas d’épilepsie, que l’on instaure progressivement. L’effet apparaît le plus souvent après quelques jours seulement. L'utilisation des antiépileptiques classiques est limitée par la fréquence de leurs effets indésirables, notamment ceux liés à la dose (nausées, vomissements, vertiges, somnolence, diplopie, céphalées,…), pouvant souvent conduire à arrêter le traitement. Pour les deux molécules suivantes, le traitement de la douleur neuropathique figure dans la notice : o La gabapentine (Neurontin®) semble montrer une efficacité supérieure aux autres antiépileptiques et de moindres effets secondaires. Il doit être prescrit à doses progressives, en commençant par 100mg 3x/jour et en augmentant progressivement jusqu’à efficacité. Des doses de 3600mg sont parfois nécessaires mais les effets secondaires de type sédatif limitent le plus souvent la dose à 1800 ou 2400mg. Le Neurontin® est disponible aux dosages suivants : 100mg, 300mg, 400mg, 600 mg et 800 mg. o La prégabaline (Lyrica®) est également indiquée dans le traitement des douleurs cancéreuses. Le Lyrica® est disponible aux dosages suivants : 75 mg, 150 mg et 300 mg. 19.5.4.3 Antiarythmiques Sur base de la constatation fortuite de l’effet favorable de la mexilétine (10mg/kg) lors de douleurs polyneuropahiques diabétiques, ce médicament et quelques autres antiarythmiques de classe I (flécaïnide) sont également utilisés lors de douleurs neuropathiques. Ces antiarythmiques présentent des risques potentiels cardiotoxiques, ce qui justifie leur utilisation prudente, après échec d'autres traitements, notamment chez le patient âgé. Ces médicaments inhibent les décharges spontanées qui peuvent se produire au niveau des nerfs afférents primaires endommagés et ont vraisemblablement aussi un mécanisme d’action central. 19.5.4.4 Corticoïdes Les corticoïdes ont leur place dans les douleurs osseuses, viscérales (métastases hépatiques douloureuses), dans les douleurs neuropathiques par compression et dans les maux de tête dus à des métastases cérébrales. Ils peuvent agir directement sur la lyse de certaines tumeurs (lymphomes) ou réduire les douleurs liées aux compressions médullaires en diminuant l'œdème dans la tumeur et le tissu environnant. Leur effet euphorisant et stimulant de l’appétit constitue un avantage supplémentaire. Les corticoïdes sont évidemment responsables de nombreux effets secondaires notamment de troubles hydriques et électrolytiques, musculo-squelettiques, dermatologiques, neurologiques, endocriniens, métaboliques et immunitaires. La dexaméthasone présente des avantages par rapport aux autres corticoïdes du fait d'une action minéralocorticoïde relativement faible. Elle possède, en outre, des effets antiémétiques et antinauséeux. La méthylprednisolone est utilisée dans les douleurs osseuses accompagnées d'infiltrations nerveuses et dans les céphalées métastatiques. 19.5.4.5 Myorelaxants Le diazépam (Valium®) et le tétrazépam (Myolastan®) sont utilisés en cas de contractures musculaires réflexes. Le baclofène (Liorésal ®) est utilisé dans les contractures spastiques d'origine médullaire. 19.5.4.6 La kétamine La kétamine (Kétalar®) est un anesthésique qui possède des propriétés antagonistes des récepteurs au N-méthyl-D-aspartate (NMDA). Les récepteurs NMDA jouent un rôle dans l’allodynie, un état dans lequel tous les stimuli provoquent de la douleur même les stimuli périphériques normalement non douloureux. Ces douleurs sont résistantes à la morphine. La kétamine provoque une anesthésie dissociative, le patient est déconnecté de l’environnement mais pas anesthésié. L'utilisation de la kétamine est limitée par ses effets indésirables, notamment psychomimétiques, telles que sédation et hallucinations. 19.5.4.7 La clonidine La clonidine (Catapressan®: co à 0,15mg) est utilisée dans les douleurs neuropathiques mais également dans les douleurs morphino-induites. Elle constitue une 3e ou 4e ligne après les antidépresseurs et antiépileptiques dans les douleurs neuropathiques. Elle est utilisée avec la classe III à la dose de 2 co 4x par jour. La clonidine potentialise l'activité antalgique de la classe III sans potentialiser l'effet de dépression respiratoire, elle permet une épargne morphinique. En raison des effets indésirables de la clonidine par voie systémique, l'administration par voie épidurale a été proposée (30µg/h pendant 14j), elle est significativement efficace dans les douleurs neuropathiques du cancer. 19.5.5 Adjuvants dans les douleurs osseuses : biphosphonates Les métastases osseuses sont une des principales causes de douleur en cancérologie. Les biphosphonates diminuent la lyse du tissu osseux. Le pamidronate (Aredia) est utilisé à la dose de 90 mg max. en IV toutes les 3 à 4 semaines. L’analgésie apparaît dans les jours qui suivent. Les effets secondaires sont fréquents : fièvre, syndrome pseudo-grippal, nausées et vomissements. Autres bisphosphonates utilisés par voie parentérale dans le traitement des métastases osseuses : Zometa® (acide zolédronique) et Bondronat® (Acide ibandronique) Des nécroses du maxillaire ont été rapportées lors de l’utilisation de biphosphonates en oncologie (surtout avec l’acide zolédronique et le pamidronate. Chez les patients cancéreux, un examen dentaire préventif est recommandé avant débuter un traitement par biphosphonates afin d’éviter autant que possible une intervention invasive durant le traitement. 19.6 PRINCIPE DU TRAITEMENT DE LA DOULEUR 1. Le choix de l'antalgique est fonction du type de douleur (aiguë ou chronique, neuropathique ou nociceptive) et de sa sévérité. Ex : les douleurs osseuses métastatiques répondent beaucoup mieux aux AINS qu’aux opiacés et la radiothérapie est l’approche non médicamenteuse de 1er choix. 2. Le traitement doit être adapté aux besoins du patient et l’utilisation d’échelle de douleur fournit des informations pour adapter individuellement les doses mais il ne faut pas associer un niveau d’échelle de douleur à une classe de l’OMS. 3. Il faut réprimer les stimuli douloureux aussi rapidement et aussi fort que possible en choisissant un niveau de l’OMS adéquat, afin d’empêcher la facilitation. 4. En cas de douleurs sévères, utiliser plusieurs médicaments en vue de synergie. Ce principe se traduit dans l’échelle classique de l’OMS pour le traitement de la douleur en 3 étapes : o 1re étape : classe I avec ou sans adjuvants o 2e étape : classe II avec ou sans adjuvants. Il est conseillé, au cours de cette étape, de poursuivre les AINS pour inhiber la composante inflammatoire, qui induit la sensitivation des nocicepteurs. o 3e étape : classe III remplace classe II. Les AINS continuent d’être administrés et on devra souvent faire appel à des adjuvants. Dans certains cas, on passera dès le 1er contact à la 3e étape. 5. L’association de plusieurs opiacés ne se justifie pas, en dehors des patients sous patch de Fentanyl et ayant des pics douloureux justifiant l'emploi de sulfate de morphine à libération directe. L’association d’un agoniste avec un agoniste-antagoniste est à proscrire. 6. La rotation des opioïdes peut être une solution à la prise en charge des douleurs sévères résistantes à la morphine quand toutes les mesures correctrices des effets indésirables se sont avérées infructueuses (hydratation pour éliminer les métabolites toxiques, prescription d'antiémétiques, de laxatifs). Le passage d'un opioïde à un autre est toujours délicat, les tables d'équianalgésie ne sont que des indicateurs et il faut toujours se rapporter aux propriétés de chacun des médicaments et s'adapter à chaque patient. 19.7 TRAITEMENTS NON PHARMACOLOGIQUES Il existe d'autres traitements, non pharmacologiques, invasifs ou non, permettant une meilleure maîtrise de certains types de douleurs. 19.7.1 Techniques non invasives Stimulation nerveuse électrique transcutanée (TENS) : La TENS est une technique physiothérapique qui consiste à réaliser une stimulation sensitive des fibres de gros diamètre (fibres de la sensation tactile) avec un minimum d'influence sur les fibres nociceptives, l'analgésie apparaît après 15 minutes environ, dure pendant toute la stimulation avec un post effet de 1 heure environ. Elle nécessite l'emploi d'un stimulateur externe se composant d'un générateur d'impulsions et d'électrodes cutanées. La TENS peut soulager la douleur neuropathique dans un contexte de soins palliatifs. La TENS perd de son efficacité au cours du temps. Les taux de réussite initiaux élevés, de l'ordre de 70%, tombent à 60% au bout d'un mois et ne sont plus que de 20 à 30% à long terme. 19.7.2 Techniques invasives 19.7.2.1 Techniques anesthésiologiques : blocs nerveux neurolytiques Deux médicaments neurolytiques sont utilisés : L'alcool éthylique utilisé à 40, 60 ou 95% permet de réaliser des blocs de longue durée (quelques années) en agissant sur les neurones (extraction du cholestérol, des phospholipides et précipitation des lipo et des muco-protéines). Seul l'alcool absolu (95%) provoque une destruction nerveuse permanente. L'alcool éthylique est très irritant et provoque des douleurs intenses lors de l'injection. Le phénol provoque une dénaturation protéique et provoque une anesthésie locale transitoire de 5 à 20 semaines. Le phénol dans la glycérine 7 et 10% ainsi que le phénol aqueux au 1/15e sont utilisés (préparations magistrales stériles). La solution de phénol dans la glycérine possède une action moins destructrice pour les tissus en raison de sa densité élevée (solution hyperbare) qui favorise le maintien du médicament au niveau du site d'injection mais son action est incomplète et moins importante. Les indications sont : o Le bloc coeliaque qui représente le traitement de choix des douleurs abdominales dans cancer du pancréas, du duodénum, et de l'estomac. o L'analgésie rachidienne pour des douleurs d'origine néoplasique. Leur utilisation est limitée par le mauvais contrôle de leur diffusion et donc de la topographie exacte de la lésion à obtenir. Etant donné les risques à utiliser ces médicaments (la résorption du phénol aqueux entraîne des troubles cardiaques, malaise vagal …), il est indispensable de réaliser les blocs neurolytiques sous contrôle scopique et d'effectuer une administration préalable d'anesthésique local. 19.7.2.2 Techniques neurochirurgicales Les techniques chirurgicales d'interruption des voies ascendantes de la douleur concernent les douleurs par excès de nociception, notamment les douleurs néoplasiques résistantes aux médicaments. Il s'agit de techniques : o peu invasives, comme la neurolyse thermique réalisée par thermocoagulation percutanée sous simple anesthésie locale. Ex : Neurolyse des nerfs intercostaux dans les douleurs néoplasiques avec envahissement pariétal). o invasives comme la création de lésions cérébrales ou médullaires au niveau des centres de perception de la douleur. Ex : Radicellotomie postérieure sélective qui consiste en une section sélective des fibres de la nociception). La neurostimulation électrique aux niveaux des cordons postérieurs de la moelle, des noyaux sensitifs du thalamus, du cortex moteur tendent à renforcer les mécanismes inhibiteurs physiologiques de la douleur. Les neurostimulateurs sont implantés par chirurgie ouverte ou percutanée. 19.8 CONCLUSION Par une combinaison adéquate de médicaments correctement dosés et administrés selon un intervalle adéquat, il est possible d’aider la grande majorité des patients. Pour les autres (<1%), on devra faire appel aux techniques d’anesthésie spinale, aux blocs nerveux, aux méthodes neuroablatives et aux techniques de neurostimulation périphérique et centrale. Ces techniques extrêmement spécialisées ont, elles aussi, leurs limites et ne sont appliquées qu’en cas d’échec d’un traitement médicamenteux. 19.9. REFERENCES Cancer, Principles & Practices of oncology, De Vita, 6 th edition. Dossier du CNIMH, traitements de la douleur, 2 ème édition, 2000, XXI, 5-6. Pharmacologie, Concepts Schorderet, 2 ème édition. fondamentaux aux applications thérapeutiques, Tijdschrift voor Geneeskunde: "Traitements médicamenteux de la douleur", D. Knockaert,Volume 53, 1997. Guide pratique des soins palliatifs: gestion de la douleur et autres symptômes, 2 ème édition, 1998, Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec.