Culture tradition et professionnalisme

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Culture tradition et professionnalisme
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Midi Olympique
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Mensuel
1er Octobre 012
CULTURE RUGBY / REGARD DE PRÉSIDENT
Par Mohed Altrad
Président du MHR
Patron du Groupe Altrad
Écrivain (dernier livre paru « La Promesse d’Annan » aux Ed. Actes Sud)
Culture tradition
et professionnalisme
L
e rugby possède déjà une longue histoire, plus que centenaire. ll s’est forgé
une tradition dans laquelle on trouve par exemple, les fameuses valeurs du terrain.
Toutefois s’il a une tradition, il a connu plusieurs cultures celle des collèges
britanniques, celle de villes industrielles d’Angleterre, celle des clochers dans le sud
de la France et bien d’autres encore. Aujourd hui, ce rugby est en pleine mutation,
il découvre une nouvelle culture le professionnalisme. Car il s’agit d’une culture comme
une autre, qu’on ne s’y trompe pas, un système de valeurs avec ses exigences,
ses règles ses qualites, et, comme toutes choses ses défauts. Culture et tradition
ne se confondent pas. La culture en appelle à la discipline et à I’apprentissage,
la tradition, à I’héritage. Mais cette différence ne signifie pas opposition.
La culture, et cela a éte le cas pour le rugby peut en effet proposer un cadre permettant
à la tradition de s’exprimer et de se renouveler.
Ce préambule n’a pour fin que d’introduire quelques réflexions sur des problèmes
actuels de jeu.
On parle beaucoup ces derniers temps, des mêlées et des fautes de mains.
Les deux sujets ne sont d’ordinaire pas liés. Je croîs pourtant qu’on peut les aborder
ensemble,du point de vue des nouvelles obligations professionnelles qui s’imposent
aux acteurs de ce sport, à tous les acteurs.
Si l’on prend I’exemple des fautes de mains — mais on pourrait raisonner dans le même
sens sur les mêlées, on le verra — que constate-t-on ?
Les fautes de mains, on le sait, sont directement dommageables. Elles pénalisent
une équipe jusqu’à lui faire perdre des matchs.
Comment expliquer cette situation ? On pourra évoquer avec raison dans certains cas,
la prise de risque dans le jeu l’âpreté de la défense adverse, mais eu égard au type
de faute en question et à leurs conséquences, je parlerais plutôt de manque
de professionnalisme. Car les joueurs sont des professionnels. Ils sont rémunérés
en principe pour leur rendement sur le terrain Je dis “ en principe ” parce que le systéme
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est ainsi fait que la rémunération qui leur est versée, négociée avant le début
de la saison repose plus sur leur réputation que sur leur rendement effectif.
Au mieux c’est ce qu’ils ont accompli la saison précédente qui sert de critère.
Reste que, une fois le contrat signé il semble qu’il n’y ait plus d’obligation sinon morale.
Les entraîneurs le savent bien si les performances d’un joueur sont en deça de ce que
l’on attend de lui, ils n’ont d’autres ressources que d’en appeler à son orgueil, à sa fierté.
Mais de quelle fierté s’agit-il, quand ces fautes de main renvoient au b.a.-ba du rugby,
à ses gammes ? Que dirait-on d’un banquier qui fait des erreurs de calcul ?
Ceux qui ont suivi les matchs depuis la reprise partageront probablement mon sentiment
qu’il s agit en l’espèce d’un problème de comportement et plus précisément
de concentration, d’implication. Or le monde professionnel a ses exigences.
Ainsi un club et un joueur sont liés par un contrat. Il revient à chacun de remplir sa part
au club d’avoir une gestion telle qu’il puisse assurer la rémunération de son joueur
et ses conditions de travail, au joueur de montrer sur le terrain qu’il mérite
I’investissement que le club a consenti pour lui. Et c’est là qu’à mon sens intervient non
la fierté mais la conscience professionnelle. Les joueurs du Top 14 sont pétris de talent
et ce sont des garçons de qualité. Nul doute là-dessus. Ils doivent toutefois comprendre,
intégrer dans leur attitude que ce sont des professionnels. La défaite fait partie du jeu
certes, et elle n’est pas scandaleuse quand les joueurs se sont donnes a 100 %.
Elle le devient, en revanche s’ils ne se sont impliqués qu’a 50 % !
Maintenant, je ne voudrais pas que l’on croie que les joueurs sont les seuls concernés.
Loin de là. Le cas des mêlées est à cet égard exemplaire. Car ici tous les intervenants
sont impliqués joueurs entraîneurs, présidents, arbitres tous. Or ces mêlées effondrées,
rejouées sans cesse jusqu’à la nausée pourrissent non seulement le jeu mais altèrent
I’image du rugby. Ce qui est dommageable pour le spectacle et, directement pour
le developpement de notre sport. Là encore, on cherche des excusesen évoquant
le combat, la volonté de ne pas reculer, de ne pas perdre. Mais à nouveau, il faut revenir
à la nouvelle culture, et accepter enfin qu’en devenant professionnel, le rugby s’ouvre
à un public toujours plus large. Ce faisant, il ne renonce pas à sa tradition, il se donne
plutôt les moyens de la rendre plus accessible. Mais en même temps, il entre
dans une dynamique de croissance dont il doit tenir compte. Pour le dire autrement
il n’est plus le seul maître de son essor. ll est confronté à des attentes extérieures,
celle du public notamment, auxquelles il doit repondre s’il veut pérenniser cette dynamique
qui le porte. Ne pas y prêter garde est là encore un manque de professionnalisme.
Certes, cette saison on a décidé d’instaurer de nouvelles règles pour assainir les
mêlées. Je ne me prononcerai pas sur leur utilité, ni sur les problèmes d’adaptation
qu’elles posent aux premières lignes. Je remarquerais seulement que les règles
ne résolvent pas tout. Le fond du problème, c’est le comportement. Puisque tout
le monde s’accorde à le reconnaître la question des mêlés est devenue un ecueil
majeur du jeu et désagréable, qui gâche le spectacle, il convient que nous nous attelions,
tout au long de la chaîne à travailler sur l’état d’esprit, le comportement, pour améliorer
I’image de notre sport en nettoyant cette phase de jeu sans bien entendu la sacrifier.
Être a 100 % sur le terrain, concentré, engagé, je ne pense pas que cette exigence
soit excessive. Travailler en amont dans le comportement la phase des mêlées,
plutôt qu’attendre d’être sanctionné sur le terrain, je ne crois pas que ce soit
au dessus de nos forces. Dans I’un et I’autre cas les résultats de l’équipe
comme la qualité du jeu en seront améliorés.
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