Le joli coeur de la banquière - texte partiel
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Le joli coeur de la banquière - texte partiel
''Le joli cœur de la banquière'' Comédie de boulevard de Maurice LAMY [email protected] L’argument / Synopsis Cette comédie de boulevard dépeint une journée un peu particulière dans une famille de la bourgeoise friquée de Cannes. Le père banquier, la fille artiste assez dilettante, la mère qui se donne de grands airs, une tante un peu naïve et farfelue ; ajoutons-y une bonne portugaise à double face. Nous avons le profil de la famille classique du boulevard… Reste la situation : elle est un parfait exemple de celles qui régissent ce genre de comédies : La mère, grande bourgeoise plutôt snob, rencontre fortuitement un homme dans la rue et c’est le coup de foudre… C’est aussi le début de pas mal de quiproquos, où les choses ne vont pas se passer tout à fait comme prévu ! A vous de découvrir la suite… 8 Personnages 3 hommes - 5 femmes Par ordre d’entrée en scène : Céline Faucheux, la fille de la maison, 26 ans environ. Gisèle Faucheux, la mère, la petite cinquantaine. Consuella, la bonne, sans âge précis. Constantin Faucheux, le père, banquier, la cinquantaine ou plus. Emilienne, sœur aînée de Mme Faucheux, la cinquantaine. Joseph, dit "Jojo", la trentaine ou la quarantaine. Max Sanouiller, inspecteur de police, sans âge précis. Elisabeth Bertin, dite "Lison", secrétaire de M. Faucheux, 28 - 30 ans environ. Voir les remarques sur la composition des personnages à la fin du texte. Costumes : de ville – modernes. '' Le joli cœur de la banquière '' 1 Comédie de Maurice LAMY - 2014 Durée : environ 1h 25. – Un acte unique Décors Décor unique : La pièce se déroule dans la ville de Cannes, sur la terrasse d'une maison très bourgeoise et cossue, vue de 3/4 de la salle. Côté cour l'entrée dans la maison est surélevée d'une marche par un perron en biais. Celui-ci communique largement avec la terrasse. Deux plantes vertes en pots délimitent chacune les coins du perron. Toujours côté cour, l’entrée de la maison se fait par le haut de la marche au-dessus du perron. L’entrée est soulignée par un double rideau sur tringle drapé et rattaché avec une embrasse. Au centre de la scène, 2ème plan et face au public, un banc de jardin / canapé. Au jardin, à l'avant-scène, une table de jardin en fer et 2 chaises en métal peint… Sur la table, un vase avec un bouquet de fleurs. (Voir une suggestion par la photo à la fin du texte). Codes et repères de lecture des didascalies : - en bleu : les didascalies concernant les acteurs et le jeu ; - en rouge les informations concernant la régie lumière ; - en vert les informations concernant la régie son. Début de la pièce : A l’entrée du public, on ne voit rien du décor ; les objets décrits ci-dessus sont masqués par des tissus noirs. La scène n’est éclairée que par la lumière de la salle. Ou bien, lorsqu’il y en a un, le rideau de scène traditionnel, est fermé. (Voir ci-dessous les synchronismes de démarrage dans le noir). Noir salle. On entend en coulisse le brigadier frapper les 3 coups traditionnels du théâtre (une série assez longue de coups rapprochés et trois coups forts et très distincts). Son : Sur le troisième coup, démarre une musique sucrée, assez forte pour emplir l’espace et le blanc des 3 ou 4 secondes de sécurité avant l’arrivée de la lumière… Lumière : 4 ou 5 secondes après le départ de la musique, la lumière monte doucement partant du fond (douches et contre-jours) puis arrive jusque devant la scène (face), en même temps que le crescendo musique, jusqu’au plein feu… Son : Lorsque que le plein feu est atteint, des chants d’oiseaux se font entendre crescendo, tandis que la musique passe progressivement à zéro : les ambiances sonore et lumineuse conjuguées s’installent. '' Le joli cœur de la banquière '' 2 Comédie de Maurice LAMY - 2014 Scène 1 Nous sommes à la terrasse d’une maison de nouveau riche dans le midi de la France en tout début d’après-midi d'une chaude journée d'été et gazouillis d'oiseaux dans le lointain et clapotis d’une fontaine… On sent qu'il fait chaud et lourd en ce début d'après-midi… Céline est seule en scène, assise sur le banc de jardin. Elle est vêtue d'une petite robe d'été bleue : elle feuillette distraitement une revue de photos tandis qu’elle répond au téléphone. Le ton de sa voix dénote un peu d’impatience relativement à son interlocuteur. Céline : Non, écoute tu peux bien te débrouiller seul cette après-midi, j’ai besoin de faire une pause moi… Depuis 8 jours que je suis là-dessus ! Et puis le vernissage n’a lieu qu’après demain en fin d’après midi… Non écoute, je n’y vais pas cet après midi… Là. (Elle repose son portable à côté d’elle et continue de feuiller négligemment sa revue, songeuse…) Venant de la maison, on entend une voix très haut perché qui appelle la bonne d'une voix tonitruante et stimulante, qui contraste avec l'ambiance feutrée et réservée qui semble régner sur la terrasse. Gisèle : (de la coulisse) Consuella !! Consuella ! (Elle apparaît sur la première marche) Consuuueeeellllla !!! (Elle traverse la scène, s’arrêtant au milieu regardant vers le perron qu’elle vient de descendre pour voir que Consuella n’est toujours pas arrivée) Mais enfin où êtes-vous encore fourrée ?!! (Gisèle est vêtue de façon élégante, d'un ensemble jupe et corsage chic, avec une sorte de chapeau capeline, qu'elle enlèvera dès son entrée et qu’elle jettera négligemment sur une la table côté jardin…Elle ne verra pas d’abord Céline qui est juste sur le banc dans son dos) Voix de Consuella (en coulisse d'une voix traînante et très peu tonique) Voilà, Voilà madame, j' suis… là… J'arrive, madame… Gisèle : Enfin c'est toujours la même chose : vous n'êtes jamais là quand j'ai besoin de vous… !! Consuella : (apparaissant sur le perron traînant les pieds. Elle est en savates avec un tablier qui pendouille, mal fagotée, les cheveux remontés dans un chignon informe, en tous sens… Elle prend une grande inspiration pour parler, mais rien ne sort) Mais madame… Gisèle (la coupant) : Comme d'habitude, vous n'en finissez pas… Tenez ma bonne, prenez ça et allez !! Allez !! (Disant cela elle lui tend un sac en papier, visiblement une chose insignifiante pour laquelle elle aurait pu se dispenser de déranger la bonne… Jeu de Consuella). Consuella (soupesant le sac comme pour montrer qu'il n'y a pratiquement rien dedans ; puis regarde dedans ne voit rien, puis regarde Gisèle l'air étonné) : Oui madame…. Ah bon !! ?? Elle sort lentement. '' Le joli cœur de la banquière '' 3 Comédie de Maurice LAMY - 2014 Gisèle (revenant du perron et se laisse tomber sur la chaise de la table, toujours sans remarquer Céline, s’adressant au public) : Oh là-là, je suis fourbue moi, j'ai voulu faire une course ou deux, mais j'ai dû renoncer… (Marchant de long en large à l’avant-scène) Ça y est, les touristes sont arrivés nous sommes tout juste au début mai, mais déjà Cannes est envahi… Nous ne sommes plus chez nous ! Des anglais, des allemands, des Suisses aussi ! Des étrangers quoi ! Plus que jamais ! Qu'est-ce que cela va être durant le festival !! Nous ne pourrons plus sortir de chez nous !! J’aime mieux ne pas y penser !! (Dans un mouvement elle se retourne et vois Céline) Ah tu es là, toi ma chérie… Mais je te croyais partie à la médiathèque, travailler à ton exposition - photos sur ''Les vieilles rues de Cannes'' ? Céline (avec gentillesse) : Mais maman, tu sais bien que j'y suis déjà allée ce matin ! Tu as déjà oublié que cet après-midi je… Gisèle (l'interrompant vivement) : Oui, eh bien moi cet après-midi, j'ai besoin d'être un peu seule ici ! Céline : D'être seule ? Que veux-tu dire ? Gisèle (qui cherche visiblement une bonne raison) : Eh bien oui, quoi, d'être seule ! Ce n'est pas difficile à comprendre quand même ! (Au public) Que ces choses là ne sont pas faciles à dire à sa fille ! Céline (cherchant de son côté) : Seule ! Cela ne te ressemble pas ! D'habitude toi qui ne peux rester plus de cinq minutes sans parler à tel point que parfois tu te parles à toi- même si tu ne trouves personne !! Gisèle (s'énervant et s’agitant) : Oui, mais c'est comme ça ! Moi aussi je change figures-toi ! J'ai changé, là … !! J'ai envie d'être seule pour une fois… J'ai besoin d'être seule ! Là, voilà c'est ça, j’ai BESOIN d'être seule ! (Au public) Oh là-là comment lui dire ça ?! Céline (découragée et n'insistant pas, se levant) : Bon, comme tu voudras. Mais tu ne m'empêcheras pas de trouver cela bizarre et pour le moins inhabituel. (Elle ramasse ses revues sur le banc et va pour sortir, tandis que l'on voit Gisèle, perplexe, qui hésite. Puis lorsque Céline arrive au perron, pour sortir à la porte côté cour) Gisèle (se ravisant et stoppant Céline en train de sortir) : Oh et puis à toi, je peux bien le dire… Tu es ma fille après tout… (Se lançant et très vite) (Elle fait asseoir Céline sur le banc et passe derrière Céline). Voilà, ce matin j'ai rencontré un homme… Céline qui semble ne pas en croire ses oreilles, se lève d’un bond et reste bouche bée, abasourdie… Céline : Quoi maman, un homme ?! Gisèle (reprenant le jeu) : Oui, et un beau…Heu je veux dire … superbe… (Jetant un œil à la cour puis au jardin, elle s'assied pour se mettre à raconter ; tandis que Céline reviendra s’asseoir lentement près de sa mère) '' Le joli cœur de la banquière '' 4 Comédie de Maurice LAMY - 2014 Figures-toi que ce matin lors de ma promenade sur la Croisette comme tous les matins, j'étais sans doute inattentive, quand un homme qui courait sur le trottoir m'a heurtée de l'épaule. Mon sac est tombé, éparpillant son contenu… L'homme s'est confondu en excuses. Il m'a aidé à ramasser mes affaires et quand il s'est relevé, nos regards se sont croisés. Et là il s'est passé quelque chose… (Petit silence : elle reste songeuse un court instant). Il ne savait plus quoi faire pour s'excuser encore et encore ! Me proposant de m'asseoir, de m'acheter un autre sac, d'autres affaires... Sa confusion et sa maladresse m'ont touchée… (Comme revenant dans sa réalité passée) Oh lala, je me suis sentie, bouleversée anéantie… Tiens j’en ai encore les jambes qui flageolent et mon cœur qui s’accélère, rien que d’en parler !!... Oh, mais il est tellement beau et il a tellement de charme… J’en suis encore toute retournée… Il avait avec lui une valise. Il me dit qu'il devait aller la mettre à la consigne, car il partait dans l'arrière pays pour affaires… Bref, sachant que ton père ne rentre jamais les après-midi, je l'ai invité à déposer sa valise ici. (Un petit temps) Pour le voir encore un peu, quoi !... Il doit venir à 15 heures… Voilà tu sais tout… Céline (qui reste un instant interdite) : Mais enfin maman, tu n'y penses pas… Tu es mariée depuis 27 ans avec papa, sans… Gisèle (l'interrompant) : Eh bien justement 27 ans, c'est un sacré bail… Et puis ton père, ton père !... Mais ça fait presque 30 ans que je ne connais que lui… (Au public) Trop sans doute… (A Céline de nouveau) Et il n'y a que sa banque et l'argent, qui comptent… Depuis des années, il ne voit plus autre chose que sa banque… La réfection de sa banque ! L'agrandissement de sa banque ! Mais je n'ai pas épousé une banque, moi !... Céline (un peu outrée) : Là, maman tu exagères un peu. La banque et l'argent de papa comme tu dis, nous ont quand même mis à l'abri du besoin, tous ici et ont largement contribué à nous faire une vie facile… Et puis dis, maman, penses que tu viens de passer la cinquantaine et que ce n'est plus le moment de t'émanciper sur ce point… Gisèle (après un petit temps…Décidée et déterminée à ne pas laisser passer sa chance) : Oui, mais justement, il est grand temps que je m'occupe de moi et que je pense un peu à moi, à ma vie… Céline (essayant tous les arguments pour la raisonner) : Mais maman, as-tu pensé à papa… A ce qui se passera, le mal qu'il aura s'il l'apprend ? Gisèle : Oh, ton père lui, de tout façon, il s'en fout. Pourvu qu'il rentre de l'argent dans sa banque le reste…, et moi en particulier, ce n'est pas son problème… Céline : Et à moi, maman as-tu pensé à moi… Ce serait plutôt à moi de trouver un homme… Gisèle (sautant sur l'occasion) : Mais justement ma petite, rien ne t'empêche d'en faire autant… Je souhaite même que tu t'en occupes au plus vite… Tu as '' Le joli cœur de la banquière '' 5 Comédie de Maurice LAMY - 2014 maintenant 26 ans, il serait grand temps… Mais de toute façon, cela ne m'empêche pas moi de mon côté de faire comme je le veux… '' Le joli cœur de la banquière '' 6 Comédie de Maurice LAMY - 2014 Scène 2 Emilienne, arrive en trombe par le perron et fait une entrée tonitruante, à grands pas, posant ses affaires n'importe où, sur le balustre, sa valise sur le perron, dans le passage ou presque… Elle est un peu plus vieille que Gisèle, la petite soixantaine, mais on sent la vieille fille, pas acariâtre, mais volubile et casse-pieds. Elle est vêtue de façon un peu "vieux jeu", comme une vieille bourgeoise et avec une certaine exubérance : une robe assez longue et sombre, mal assortie à une écharpe et à un chemisier plutôt vieillot, avec un chapeau ringarde, des gants… Elle arpentera la scène de long en large durant ce qui suit. Emilienne : (criant presque) Mes enfants !! Oh là là là ! Je ne croyais jamais y arriver !!! Quel monde, quel monde dans le train, partout !! Déjà à la gare, pas moyen de trouver un taxi… Mais que font tous ces gens à encombrer les rues ainsi !!… (A Céline) Je me disais que si je ne t'avais pas promis de venir, pour le vernissage de ton exposition, je ne serais pas venue ! Gisèle (plutôt contrariée que sa sœur débarque ainsi à l'improviste) : Eh bien Emilienne, tu n'avais qu'à téléphoner que tu ne venais pas. Emilienne (le prenant de haut) : Et voilà, je fais tout cela pour t'être agréable, j'affronte la foule pour venir te voir et voilà ce que tu me dis : tu n'avais qu'à téléphoner !! Non mais je rêve… Je suis ta sœur après tout. Tu pourrais avoir pour moi quelques considérations ! Non ? Gisèle (voulant répondre) : Mais enfin Emilienne… Emilienne (la coupant) : Oh, je sais bien ! C'est toujours la même chose, je suis toujours celle qui est laissée pour compte dans la famille, moi… Restée seule, pas mariée… Mère me le faisait assez sentir que je n'avais aucun intérêt, même pas pour les miens ! Je ne suis pas aimée… (Elle est se met à pleurer, du moins elle essaie et le fait très mal). Gisèle (devenant un peu plus agressive) : Comment tu dis ça ?... Pas aimé ?! Alors que nous faisons tout pour toi. Qui c’est qui te fais vivre comme une princesse et s’occupe de tes rentes, hein ?!... Je t’ai laissé mes parts dans la banque et tu es donc maintenant associé à MON mari… Emilienne (dans un soupir, faisant semblant d’adhérer aux propos de Gisèle) : Oui, disons, je ne suis pas aimée… Pas comme je le voudrais, voilà… Je vis seule ne l’oublie pas. Et ça c’est dur même encore à mon âge… J’aurais pu avoir une vie comme toi, si je n’avais pas été l’aînée… Gisèle (agacée par tout ce cinéma, la rabrouant presque) : Une vie comme moi, une vie comme moi… Non mais, c’est toi qui n’as jamais voulu faire l’effort d’aller vers les autres, avec ton caractère revêche et ta manie de tout vouloir régenter… C’est pour ça que tu es restée seule, ne cherche pas ! Un petit silence. '' Le joli cœur de la banquière '' 7 Comédie de Maurice LAMY - 2014 Emilienne (un peu peinée) : Et bien toi, au moins tu es d’une gentillesse, aujourd’hui !... Gisèle (quelque agacée de cette présence) : Oui, eh bien gentille ou pas aujourd'hui, tu tombes mal… (Elle ne sait comment continuer) Cet aprèsmidi… Je … Je ne… je ne suis pas là, là voilà ! Emilienne (déconcertée) : Comment pas là… Et moi qui viens pour… Gisèle (l'interrompant) : Oui, enfin… Je suis là… Mais… en même temps, je ne suis pas là… Voilà ! Quoi… Ce n'est pas compliqué !! Emilienne (complètement larguée) : Pas compliqué ?... Ben, quand même… Céline (intervenant) : Tante Emilienne, ce que maman essaie de te dire, c'est que cet après-midi, elle est là mais… Elle n'est pas…, enfin…, pas disponible. Tout ça, parce qu'elle attend quelqu'un… Une visite…Une visite ici… Emilienne (sautant sur l'occasion et heureuse de comprendre enfin et rajoutant une couche d'enthousiasme) : Oh mais c'est formidable ça chérie… Gisèle tu sais combien j'aime rencontrer des gens et connaître le plus de monde possible… Céline (intervenant gentiment, tandis que Gisèle reste songeuse avec une colère contenue) : Mais non ma tante tu n'as pas compris, maman souhaite être seule pour rencontrer ce mons… (Elle tape du pied) Cette personne… Emilienne (un peu courroucée par les cachotteries de sa sœur) : Mais enfin Gisèle ça ne te ressemble pas ! Tu sais bien que nous partageons tout d'habitude, que tes amis sont mes amis ! Et d'abord qui est cette personne, comment se fait-il que tu la connaisses et pas, moi… Mais pourquoi ne me dit-on jamais rien à moi ! Gisèle (prise au dépourvu et mentant mal) : Mais tu ne peux pas le connaitre c’est un agent… un agent de… un agent de (Elle fait come si le mot ne revenait pas) Emilienne (voulant l’aider) : un agent de l’électricité ?... Du gaz ?... Gisèle (de plus en plus gênée) : Non… deee… Emilienne (insistant) : Ah, ils sont deux ? Gisèle (s’enferrant de plus en plus) : Non Emilienne, il est seul, un agent de… Emilienne (volant à son secours) : Un agent double alors ?!... Céline (intervenant pour combler le silence de sa mère): Laisse tante Emilienne, il est deux heures dix, je vais t'accompagner jusqu'à ta chambre. Nous bavarderons en attendant que maman soit de nouveau disponible… Elles sortent côté cour ; mais tandis que Céline entre dans la maison, Emilienne prend la valise, puis la repose pour aller chercher son sac resté sur la table, elle oubliera la valise en sortant. '' Le joli cœur de la banquière '' 8 Comédie de Maurice LAMY - 2014 Emilienne (déçue) : Mais enfin, pourquoi ne me dit-on rien à moi ? Consuella : (apparaissant sur le perron. Elle va ranger la valise qui était restée dans le passage, un peu plus loin sur le perron. Puis traînant les pieds et sur un ton très lent) : Madaamme, si madaamme peut me dire ce que madaamme veut manger ce soir pour que je puisse servir le dîner de madaamme et monsieur, comme madaamme le souhaite. Gisèle (excédée par le ton de Consuella) : Je vous ai déjà répété cent fois de ne pas mettre des ''maaadaaameees '' à chaque mot comme ça, c'est énervant à la fin !! Consuella : (même ton très lent qu'auparavant) : Mais madaamme, c'est madaamme qui m'a dit de l'appeler madaamme et pas autrement… Et puis si madaamme veut bien venir me préparer la commande de madaamme pour le repas de dimanche de madaamme, afin que je puisse descendre chez le fournisseur de madame… Gisèle (de plus en plus excédée et en prenant son parti) : Oui, oui !! Ca va, ça va !! J’y vais de suite Consuella, après je ne veux plus être dérangée, c'est compris… Consuella : Oui madaaaammmme… Consuella revient en scène, elle commence à ranger et épousseter de ci de là … Elle traîne les pieds et par sa tournure et sa mise, elle détonne un peu dans le milieu où elle évolue… Consuella : (Elle parle pour elle et au public elle va quitter très rapidement sa composition de personnage farfelu et un peu demeurée et s’adresser comme en aparté au public) Oh la la !! Quelle famille ! Remarquez, je ne me plains pas trop… Un peu quand même !... Juste ce qu’il faut pour pas que j’aie l’air trop bien, trop à l’aise quoi !... Sinon ils vont en rajouter et il faudra en faire encore plus et toujours plus… Vous n’avez jamais fait attention à ça, vous, peut-être ?? Mais quand vous travaillez pour les gens, il faut toujours en garder sous le pied, comme on dit… Ben oui, quoi !?… Quand on vous demande quelque chose. Eh bien il faut toujours se dépêcher d’attendre un peu pour le faire : pas trop vite, pas trop tôt… !! Sinon vous en avez 2 couches au lieu d’une… (Elle s’arrête un instant et face au public, les poings sur les hanches, elle montre en tournant son doigt au-dessus de sa tête). Oui, oui, je sais… on ne le dirait pas… Mais y en a là-dedans… !! Faut faire attention, hein !!… Surtout avec ceux-là… Ils sont gentils remarquez, mais le travail des autres ça, ça ne les gêne pas du tout vous savez !! Même que madame, elle est tout à fait capable d’inventer du travail aux autres !! Ah, oui, pour ça elle est imbattable !!… Elle va reprendre aussi rapidement son personnage de bonne un peu disjonctée et sort par le perron à la cour. La scène reste vide un instant. '' Le joli cœur de la banquière '' 9 Comédie de Maurice LAMY - 2014 Scène 3 Par l’entrée jardin, Constantin entre, il fait signe de rester en retrait à une personne que l’on ne voit pas … Constantin est un homme de la cinquantaine. Paraissant bon père de famille, vêtu sobrement mais élégamment, un chapeau qu'il posera rapidement dès l'entrée sur la table guéridon au jardin. Constantin court d’un coin à l’autre de la terrasse pour vérifier en catimini qu’il n’y a personne. Constantin (heureux de ne voir personne) : Personne, c'est une aubaine, vite profitons-en ! Pas d'explication à donner… (Il pose son chapeau et invite avec une certaine cérémonie Elisabeth à entrer par l’entrée du jardin. Constantin (empressé) : Chère Lison. C'est bien comme cela, ma chère Elisabeth, que vos amis vous appellent… Permettez-moi de vous appeler par ce si joli diminutif (il lui baise la main avec passion). Elisabeth Bertin est une jeune et jolie femme d'environ 30 ans, habillée de façon plutôt sexy : des talons hauts, une robe d'été assez craquante… Elle en rajoute dans la grâce. On sent qu'elle n'a pas froid aux yeux et montre à l'égard de Constantin un ''attachement'' assez modéré, mais calculé… En fait elle donne le change de façon très habile. Lison (fine mouche et avec une admiration subtilement feinte) : Cher monsieur Faucheux … Constantin (l'interrompant vivement) : Oh chère Lison, mais appelez-moi Constantin, je vous en prie, nous ne sommes plus au bureau, les convenances laissons-les à d'autres… Constant, même ce sera bien, non ? Ou encore Tintin ! Hein, n'est-ce pas ?! Ah oui !! Tintin ! Tintin, voilà… Je serai votre Tintin… Votre Rintintin ! (Il dit Rintintin est complètement loufoque et puérile, infantile, imitant le chien même ; il s'en amuse lui-même un peu trop). Lison (reprenant son rôle et minaudant avec un très fort accent anglais) : Oh ! Monsieur Constantin !! Comme vous y allez… (Constantin devient oppressant, commence à étreindre Lison, elle se dégage et le repousse avec tact et une certaine gêne. Puis elle trouve un prétexte pour s'en dégageren avisant le vase et le bouquet sur la table guéridon du jardin) Oh, quel beau bouquet ! Bien fait, harmonieux !! (Puis, un tantinet garce, mais avec détachement) L'on voit que vous avez beaucoup de goût monsieur Constantin, c'est vraiment très joli… Constantin (décontenancé par le compliment) : Quoi ?... Pour le bouquet ? Oh vous savez moi, les bouquets… (Il reprend les mains de Lison dans les siennes). Non, c'est plutôt ma fem… (En même temps il se rend compte de sa gaffe, sans comprendre que l'autre l'a manipulé pour en arriver là. Il lâche les mains de Lison et brusquement au public :) Qu’est-ce je suis en train de raconter moi !!! Oh lala !! (Se reprenant et cherchant à récupérer sa '' Le joli cœur de la banquière '' 10 Comédie de Maurice LAMY - 2014 gaffe:) Oui enfin ma fille, je veux dire ma fille est très adroite, elle étudie l'art, la photographie et… Lison (l'interrompant très subtilement) : Ah vous avez une grande fille monsieur Constantin… Ce doit être intéressant de faire de telles choses : l'art, la photographie… Oh, j’aimerais ça, moi aussi… Constantin (très fier) : Oui, c’est une artiste ! Elle a publié plusieurs ouvrages. Elle en prépare un sur les vieilles rues de Cannes ! Et elle monte une galerie d’exposition qui va ouvrir dans 2 jours. Lison (faussement admirative) : Ahhh, en effet ! Une exposition et plusieurs livres déjà… Et quel âge a-t-elle donc, cette jeune artiste ? Constantin (perdu, il hésite, il s’étrangle, puis gagnant du temps, il finit par dire entre ses dents, restant plutôt inaudible) : 26 ans …! Lison (fine mouche et sans avoir l'air d'insister) : Ah, 26 ans déjà !!… Presque comme moi ! Oh lala ! J'aimerais que vous… Constantin (qui vient de comprendre sa gaffe et pour créer diversion, lui prenant vivement la main) : Oh, ma chère Lison, excusez-moi un petit instant, (il montre la maison d’un coup de menton) juste le temps de monter à la maison, quelques affaires pour tenir jusqu'à demain et d’un bond, je suis à vous… (Il insiste, tout en sortant) Tout à vous… Lison restée seule inspecte les lieux d'un air détaché, et désœuvré. Elle se remaquille. Repassant près du bouquet elle le touche négligemment comme pour montrer le peu d'intérêt de la chose et son peu d'élégance… Lison (au public) : Non mais qu’es-ce qu’il croit le p’tit père Faucheux, qu’il peut se payer une jeune femme à peine plus âgée que sa fille ? Alors là, il peut se brosser ! (Elle sort un téléphone portable). Trois heures moins cinq, juste le temps de l'appeler. (Elle compose un numéro et comme elle porte le téléphone à son oreille, elle s'interrompt brusquement car Constantin revient). Constantin (entrant à fond la caisse comme un jeune cabri, une petite valise à la main qui ressemble comme une sœur à celle qu’Emilienne a laissée sur le perron) : Ma chère Lison voyez : un bond et je suis à vous… (Avec beaucoup de sous entendus) Tout à vous…. Je ferai téléphoner de mon bureau pour dire que j’ai dû partir en urgence ! Venez ma chère et ce soir, ce soir !!! Nous sommes à Genève ! … Vous connaissez Genève ?… Lison (surprise de la destination) : Où, Monsieur Constantin… A Genève ?!! Constantin (cherchant à ne pas donner trop d’explications) : Oui, à Genève… Pour y déposer en douce quelques liquidités…(Il tapote sur la valise) Lison (surprise et sur un ton un peu réprobateur) : Comment Monsieur Faucheux, vous n’allez pas me dire que… (Elle laisse la suite de la phrase en suspens) '' Le joli cœur de la banquière '' 11 Comédie de Maurice LAMY - 2014 Constantin (qui veut couper court) : Oh, juste quelques centaines de milliers d’euros pas plus… Juste pour échapper à l’I.S.F. ! Je ne veux pas exagérer, je suis un bon et honnête citoyen, moi ! Lison (même ton) : Oui, mais quand même, Monsieur Faucheux… Constantin (essayant de se justifier) : Qu’est-ce que vous croyez ma chère, mais tout le monde fait ça ! C’est devenu le grand sport national !… Lison (même ton) : Oui, un sport, mais seulement pour ceux qui peuvent se payer le permis, Monsieur Faucheux… Constantin (un peu offusqué) : Eh, je ne suis pas seul, hein. Regardez toute ces vedettes du showbiz, et les joueurs de tennis, ils vivent carrément là-bas ! Lison (insistant doucement) : Peut-être, Monsieur Faucheux, peut-être, mais… Constantin (l’interrompant) : Chut, Lison, chut !.... Que cela reste entre nous, voulez-vous, et vous ne le regretterez pas !... Lison (faisant semblant de se résigner) : Bien Monsieur Faucheux. Constantin (tout en l'entraînant vers le fond côté jardin) : Constantin, Tintin, ma chère Lison, votre Tintin, pour vous servir…! Vite passons par le jardin, j'ai appelé un taxi qui doit nous y attendre. (Il la fait pivoter devant lui indiquant la sortie jardin et se reculant d’un pas tandis qu’elle avance devant lui, il minaude, avec un ton très concupiscent :) Oh !! …. Lizon… Lison… (Il avance brusquement les mains tendues vers la croupe de Lison, il lui prend les fesses à pleine main dans un grand cri. AAAAAhhhhhh, Lizon !! Lizon !! (Il lui met une grande tape sur les fesses) Lison (qui se retourne sévère, fait le geste de lui flanquer son sac à main à la figure et tance Constantin) : Monsieur Faucheux, où vous croyez-vous !! Enfin ce ne sont pas des manières ! Pour qui me prenez-vous ?... Que cela ne se reproduise pas, je vous prie !... Ils sortent par le jardin. Jeu muet : M. Faucheux, faisant triste mine après son râteau, invite Lizon à passer devant. Celle-ci sévère et sûre d’elle lui fait signe que non ; elle le foudroie prend soin de le faire passer devant elle. Constantin sort en se frottant la joue, suivie de Lizon que l’on sent furieuse . La scène reste vide un très court instant. '' Le joli cœur de la banquière '' 12 Comédie de Maurice LAMY - 2014 Scène 4 On entend sonner à la porte… La bonne revient et fait entrer un homme bien mis, chemise blanche et pantalon blanc très chic. Beau gosse, il a belle allure, il paraît sûr de lui et plutôt séduisant. Le genre de type qui plaît aux femmes… Consuella (entrant sans enthousiasme et traînant toujours les pieds) : Voilà, monsieur… Si Monsieur veut bien se donner la peine d’entrer… Si Monsieur veux bien attendre, je vais prévenir Madame qu'un monsieur attend Madame… Qui dois-je annoncer ? L’Homme (un peu hésitant) : Monsieur Dufournet. S’il vous plaît. Consuella (surprise et sursautant, vivement) : Du quoi ?? Joseph (se demandant où il est tombé) : Monsieur Dufournet. Joseph Dufournet. Consuella (de en plus surprise) : Ca existe, ça ? Resté seul, Joseph soupire, soupèse sa valise… Puis il regarde attentivement autour de lui… Jeu de scène muet : il cherche manifestement une place pour planquer la valise… On entend la musique de la «Panthère Rose». Il va suivre la musique en essayant plusieurs cachettes, reprenant chaque fois la valise. Lorsqu’il va chercher à la dissimuler sous la table, il va renverser le vase par maladresse. Malgré une apparence de garçon, déluré, on va vite voir que c’est un ringard plutôt superficiel et maladroit… Il remettra tout en place… Il va chercher encore, puis, de guerre lasse s’arrête vers la table, cherchant, des yeux une cachette, il pose enfin la valise par terre à côté de lui, près de la table et sort son téléphone. Oh lala !! Dans quel guêpier je me suis fourré, moi ! Puis, debout devant la table, tournant le dos à l’entrée du perron et commence à faire un numéro. A cet instant, Emilienne apparait sur le perron. Elle vient reprendre sa valise restée sur le perron… D'abord Emilienne n’a pas vu Joseph ; elle empoigne sa valise et s'apprête à faire demi-tour sur le perron, lorsqu’elle remarque Joseph qui lui tourne le dos occupé avec son téléphone. Elle descend lentement vers lui et se plaçant juste derrière lui, pose sa valise pas très loin de celle de Joseph, un peu en avant. Emilienne (doucement dans le dos de Joseph) : Monsieur… A à qui ai-je l'honneur ? (Joseph surpris, sursaute lâche son téléphone, se prend les pieds dans une chaise, manque de tomber se rattrape à la table, le vase tombe de nouveau… Eperdu, il s'empare de la valise la plus proche et recule vers le fond de la scène, gardant la valise bien serrée dans ses bras… Emilienne (se voulant rassurante) : Mais monsieur, ne vous sauvez pas, ce n'est rien… (Relevant les objets tombés, regardant Joseph, puis en aparté au '' Le joli cœur de la banquière '' 13 Comédie de Maurice LAMY - 2014 public) Mazette, quel bel homme ! Fichtre, il est superbe !… Pas trop jeune, mais encore bien fringant… (S'approchant de Joseph, qui recule, la valise dans les bras) Cher ami, voilà enfin quelqu'un qui égaie cette demeure et ce n'est pas peu dire !… Il ne se passe jamais rien ici… (Continuant son forcing sur Joseph) : Mon cher ami, qui que vous soyez, soyez le bienvenu dans cette maison… Je ne suis que la sœur et la belle-sœur ici, mais je vous le dis : vous êtes ici chez vous !... Pourquoi ne me dit-on jamais rien à moi ! (Elle se baisse pour prendre sa valise. Elle jette un coup d’œil gourmand à Jojo, puis au public et s’avance vers le perron. Pendant ce jeu, Jojo a remarqué qu’elle a la même valise que lui, étonné, il s’interroge, regarde alternativement une valise puis l’autre et fini par se rassuré, tandis qu’Emilienne poursuit : Emilienne : Il n'empêche, voilà un homme que j'aurais grand plaisir à connaître un peu mieux ! (Elle sort). Joseph (resté seul et en aparté) : En voilà une vieille folle, non mais où suis-je tombé ?... Je viens voir la jolie bourgeoise que j'ai heurtée ce matin sur la Croisette et je tombe là-dessus. Mais où est donc, la femme du banquier ? (Un temps) Je n'aurais jamais dû me foutre là-dedans ! Ah ça non ! Il prend un petit temps et continue de prospecter l’espace pour trouver une cachette pour la valise. En définitive, il décide de la dissimuler derrière et sous la banquette de la terrasse. '' Le joli cœur de la banquière '' 14 Comédie de Maurice LAMY - 2014 Scène 5 Joseph revient vers la table pour téléphoner. Il compose de nouveau son numéro, comme précédemment tournant le dos à l’entrée. Céline est entrée et reste sur le perron d’où elle regarde Joseph à loisir). Céline (à part, au public) : Mais c'est le soupirant de maman que je vois là ?! Attends, toi, tu vas voir ! (S'adressant à Joseph d’une voix bien posée) Monsieur attend quelqu'un ? (Joseph surpris de nouveau, bondit en se retournant brusquement, il renverse de nouveau le vase une chaise, etc. Puis lui fait face) Monsieur avait rendez-vous ? (Puis, à part, au public) Mais c'est qu'il est beau mec… Décidément maman a plutôt bon goût… Joseph (ouvrant tout grand ses mirettes et n'en croyant pas ses yeux, regardant alternativement Céline puis le public. Assez mal à l’aise ; (au public et de façon admirative) : Oh lala, fichtre, celle-là, mais c’est qu’elle est mignonne ! (A Céline, en bredouillant) : Oui…, enfin non ! C'est-à-dire que j'ai bien un rendez-vous… Mais, enfin… Je veux dire… J'attends quelqu'un… (Au public) Et mince, mais c’est que je suis troublé, moi ! Je ne sais plus trop quoi lui dire, moi à cette jolie demoiselle… (A Céline) Oui, en fait… C’est… Je devrais dire que c'est plutôt quelqu'un qui m'attend… Céline (très chignon) : Ah tient, quelqu’un qui vous attend ? Et peut-on savoir qui est cette personne qui vous attend ? Mon père sans doute ; je ne vois pas qui d’autre ! Joseph (brusquement affolé) : Votre père ? Oh, non ! Non ! Surtout pas… Céline (poussant son avantage) : Ah, vous connaissez mon père ?!... Eh bien, alors, cette personne qui vous attend ? Joseph (plutôt coincé) : En fait, je ne saurais trop vous dire… (A part au public) Mais ça va lui paraître bizarre que je ne connaisse pas la personne. (A Céline) Je sais que c'est une dame… Céline (le baladant) : Ah, une dame dites-vous ? Sans doute est-ce ma tante, alors ? Joseph (de plus en plus coincé) : Euh… Votre tante croyez-vous ? (Puis faisant le lien avec la femme d’avant) Ah ! Oui la... la fo… (Se reprenant) Je ne sais pas… Je… Je ne pense pas… Céline (insistant) : Vous savez ma tante est quelqu'un de très bien ! Joseph (rapidement comme pour se débarrasser) : Oh mais je n'en doute pas… Je n'en doute pas !! Cependant je ne crois pas que ce soit avec une vieille dame que j'ai ce rendez-vous… Céline (faussement en colère) : Oh, mais cher monsieur, ma tante n’est pas une vieille dame !! Loin de là !! (Un peu aguichante et la jouant plutôt hautaine) Mais si je comprends bien, vous auriez préféré que ce soit avec quelqu’un de '' Le joli cœur de la banquière '' 15 Comédie de Maurice LAMY - 2014 plus jeune que vous aviez rendez-vous… Quelqu’un de mon âge par exemple ? Avec moi, peut-être alors ?... Eh oui, tiens, c'est vrai ça, pourquoi ce ne serait pas avec moi… Vous ne le souhaiteriez pas ?? Joseph (bafouillant et commençant à se sentir gêné) : Oh, mais si… Enfin non !... Je veux dire pourquoi pas ?... Il n'y aurait pas de raison… Même je dirais, si je puis me permettre, que j'y serais plutôt… Favorable !… Céline (s'approchant de lui et poussant son avantage) : Et bien monsieur puisque vous le souhaitez, c'est dit ! Je suis là… Faites comme si c'était avec moi que vous aviez rendez-vous… Hein ?! Vous voyez cher monsieur, je fais tout pour vous mettre à l'aise… Ne dites pas le contraire !! Joseph (de plus en plus gêné, mais d'un autre côté séduit) : Oh mademoiselle, comment vous dire… Si cela ne dépendait que de moi… Il y a longtemps que… Que… Céline (s'approchant de lui et poussant davantage encore son avantage) : Que ?... Que ?... Joseph (de plus en plus gêné, et séduit) : Je veux dire, que j'en profiterais sûrement… (Il s'emmêle les pinceaux) Oui, je veux dire j'en profiterais, enfin je… Je ferai ce qu'il faut pour... Céline (se plantant devant lui provocante, presque sur la pointe des pieds et buste en avant presque à le toucher) : Et bien profitez monsieur !! Profitez !! Faites donc ce qui doit être fait !... Mais qu'attendez-vous ??… Joseph (n'y tenant plus, la prend brusquement dans ses bras) : Eh bien alors, puisque vous vous me le proposez… Il bascule Céline ; il est sensé lui donner un long baiser. En fait, il se tourne de telle sorte que le public ne le voit que de dos. Céline, elle se trouve basculée vers l’arrière, en-dessous de lui. Ainsi basculée vers l’arrière Céline lève sa jambe gauche découvrant un jupon de dentelles et un joli panty blanc avec des nœuds assortis à la robe d’été... A cet instant Lison entre par l’entrée jardin ; elle a juste en face d’elle le profil des 2 tourtereaux. Elle les contemple un instant bras croisés et suffisante. Lison (qui se décide enfin à parler, avec son accent anglais et sur un ton cassant) : Eh bien ne vous gênez pas pour moi… Faites comme si je n'étais pas là !! A ces mots sous l'effet de la surprise, Valentin lâche brutalement Bénédicte qui cette fois tombe, tout à fait entraînant Valentin sur elle. Lison très calmement fait un pas vers le couple qui se relève rapidement. Joseph paraît désemparé. Lison gardera son accent anglais durant toute la scène avec Céline. Céline (retrouvant la première ses esprits) : Non mais, qui c'est celle-là ?!?... Que faites-vous chez moi, mademoiselle ?! '' Le joli cœur de la banquière '' 16 Comédie de Maurice LAMY - 2014 Lison (toujours très sûre d'elle, tançant de haut Céline, mais encore correcte. Elle s’approchera progressivement de Céline et du centre de la scène au fil des répliques suivantes) : Mais je suis où l'on m'a dit d'être mademoiselle… Je n'ai pas de compte à vous rendre… Céline (se mettant en colère) : Alors ça, c'est la meilleure ! Venir me parler comme ça, chez moi !! On aura tout vu… (Poings sur les hanches).Je vous répète ma question pour la dernière fois : Que faites-vous ici ?? Lison (toujours sans se démonter, poussant son avantage) : Je suis Elisabeth… (Un temps) Oui, Elisabeth Bertin… La nouvelle secrétaire de Monsieur Constantin Faucheux, votre père, mademoiselle… Céline (avec une colère rentrée) : Mon père ? Et alors, nous ne sommes pas à la banque ici, mademoiselle, vous êtes ici chez monsieur Faucheux, dans sa propriété personnelle… Que venez-vous faire ici ?... Et en plus, arrivant par l'entrée de service !! Lison (même jeu, affichant sa suffisance) : Votre père m'a demandé de l'attendre ici… Donc, je suis là… Et j'entends bien y rester tant que je n'aurai reçu de votre père, l'ordre contraire… Et puis… Silence durant lequel Lison prend une grande respiration et continue de tancer Céline, la regardant de haut. Consuella (arrivée pendant la réplique de Lison, à Céline) : Mademoiselle Céline…. Mademoiselle, votre tante vous réclame. Elle demande que vous montiez la voir un moment… Céline (à contre cœur et abandonnant la place à regrets) : Bien, je suis obligée de rendre momentanément les armes, mais vous ne perdez rien pour attendre mademoiselle ! Mademoiselle comment déjà ?? Lison (Crânement et lui tenant toujours tête) : Bertin… Mademoiselle Bertin ! Céline (très hautaine) : Bertin !! Evidemment ! Je me disais aussi !! (En sortant, au public) Non mais ! Quelle petite garce ! (Elle sort par le perron). Lison (qui explose, alors que Céline est à peine sortie, elle perd son accent anglais) : Non, mais des fois. (Elle remonte rapidement sur le perron et s’adresse en direction de l’entrée). Si elle croit que je vais baisser les yeux devant elle, parce que son père est banquier ! !! Une sale petite bourge, oui ! C’est tout ce qu’elle est !! Non mais, pour qui elle se prend celle-là ! Joseph (se risquant timidement pour calmer un peu Lison) : C’est quand même la fille de la maison… Alors, vaudrait mieux peut-être ne pas trop insister… Lison (donnant libre court à sa colère, colère qu’elle retourne maintenant contre Joseph) : Oh toi, ça va, hein !! Ne la ramène pas toi aussi, hein, le beau Jojo, parce que tu pourrais bien t’en prendre une ! (Elle le menace d’une gifle, au point que Joseph prudent, préfère battre en retraite) Tu crois peut-être que je n’ai pas compris ton petit manège de séduction… Et je te '' Le joli cœur de la banquière '' 17 Comédie de Maurice LAMY - 2014 rappelle aussi, au cas où tu l’aurais oublié qu’il n’était pas dit dans les prévisions que tu lui roules une pelle aussi !! Craintif, Joseph essaie de se faire oublier le plus possible. Lison (en furie donnant libre court à sa colère, colère qu’elle retourne maintenant contre Joseph) Hein, c’est la mère que tu devais séduire pour l’endormir et l’embobiner… Pas la fille que je sache… !! Je te rappelle que c’est moi Lison, qui ai imaginé le stratagème et je ne t’aurais jamais mis une poufiasse pareille dans les pattes ! Oh, je te connais trop mon petit Jojo !! Je suis bien placée pour savoir à quel point tu plais aux femmes… Avec la vieille, y avait pas trop de risques, mais avec celle-là, j’ai senti le danger… Pas question de te laisser approfondir le sujet… Joseph (toujours aussi timidement, ne sachant quelle attitude adoptée face à Lison) : Mais toi, Lison, que fais-tu là ? Avec cet accent anglais, hein ? Ce n’était pas prévu comme ça… Tu ne devrais pas être là, d’abord ; tu devrais être avec le banquier… Lison (agacée d’avoir à répondre à de telle question) : Il est avec la police. Joseph (qui brusquement change d’attitude. Il a visiblement peur) : La police ??! Mais alors… (Il ne finit pas sa phrase, mais la façon dont il la suspend en dit long sur sa peur). Lison (excédée de la stupidité de Jojo) : Ce que tu peux être bête mon pauvre Jojo… Mais réfléchis un p’tit peu ! Comme nous partions, il a été appelé in extremis par le commissariat et il m’a laissé là, c’est tout !... (Puis continuant, très cheftaine) A propos, le beau JoJo il en est où avec la vioque ?? T'as avancé tes billes ?? Elle a accepté de garder la valise… (Joseph soudain inquiet se demande où il a mis la valise… Anxieux, fébrile il la cherche… Lison devenant violente et invectivant Joseph. Ils couerent tous les deux en tous sens) : Quoi !!? Tu ne vas pas me dire que la valise se balade là toute seule, sans protection avec notre pognon… Mais t'es dingue mon pauvre ami… T’es complètement louff… (Se prenant la tête à deux mains et parcourant la scène de long en large). C’est n’importe quoi !... Mais qui m’a foutu un idiot pareil… Not’ pognon ! La valise hein, imbécile ! Qu'as-tu fais de la valise ??... (Joseph se souvient alors qu’avant l’entrée de Céline, il a dissimulée la valise derrière le banc… Il va la prendre. Lison lui arrache des mains et très calmement et dominatrice la pose sur le banc. Lison : Non, mais t’es malade !! Aller, aller… Donne-moi ça !! File-moi la valise et les 200 000 € avant que je pète un plomb… (Avec un soupir de soulagement, elle s'écarte un peu du banc. Joseph vient vers la valise et va comme pour l'ouvrir, mais elle l'arrête en tapant du pied). A partir de maintenant, c’est moi qui gère ça, compris !! Jojo, vexé et humilié fait face au public et lui tourne le dos… Puis elle l’ouvre en un tour de main… Jeu avec l'ouverture / fermeture de la valise…. '' Le joli cœur de la banquière '' 18 Comédie de Maurice LAMY - 2014 Lison (les yeux exorbités, elle n’en revient pas) : Non, mais c’est pas vrai !! Dismoi que je rêve !! Mais pauvre minable qu’as-tu fait du fric (Elle revient vers lui et lui martèle les épaules et les bras de ses poings). Joseph (qui ne comprend pas) : Quoi ? Qu’est-ce j’ai fait du fric ??… (Il revient vers la valise). Oh, nom de dieu !! Lison (remontant vivement près de lui et sortant en les jetant avec colère les sous-vêtements et les vêtements contenus dans la valise. Bientôt il y en aura partout qui joncheront le sol, sur le canapé, la table, etc.) : Oui vas-y, Jojo ! Cherche-les tes billets !!... 200 000 € en p’tites coupures, ça tient pas dans un sac à main non ?! !! Ahhhh… Ils ont belle gueule tes biftons… Pauvre minable !!! Minable !!! (Puis, elle sort les sous-vêtements en les jetant avec colère les sous-vêtements et les vêtements contenus dans la valise. Bientôt il y en aura partout qui seront suspendus aux objets...) * * Ces vêtements et sous-vêtements participeront au comique de la scène et seront judicieusement choisis pour cet effet, en rapport avec la personnalité composée pour Emilienne. Joseph (dépassé par les événements et qui ne fournit pas à rattraper les affaires… Il en aura rapidement une brassée qu’il viendra remettre dans la valise, ce qui permettra à Lison d’en pousser encore et encore … Jusqu’au moment où il va comprendre et les gardera dans les bras…) : Mais arrête !! Quoi, arrête je te dis !!... Lison !!... Ca ne sert à rien, voyons… Lison (se calmant un instant, comme faisant froidement le point) : Mais tu es plus bête que je ne le croyais, mon pauvre ami… Tu n’as rien compris !! Rien !! C’était simple pourtant : un plan d’enfer ! Ce matin, je suis seule à la banque dès 7 heures… Je pique les 200.00 € sur la recette d'hier, la caisse n'est comptée que le soir… Au lieu d'appeler le coursier, comme tous les matins, c'est toi que j'appelle, imbécile. Tu te pointes à la place et tu emmènes la valise avec les 200.000 €. C'était simple. Ensuite, après avoir bousculé, ''par hasard'' évidemment, la poufiasse du banquier, tu dois aller planquer la valise où ? Joseph (dépassé, ne comprenant pas) : Où ?? Lison (tapant presque sur Jojo, la colère la reprenant) Hein ? Où ?? Joseph (même jeu) : Hein ? Où ?? Lison (folle de rage devant tant de stupidité) : Mais chez lui, imbécile ?! Chez le banquier, abruti !!… Ici, là !! Où il était censé être en sécurité maximale !!... Et là maintenant, où il est le fric ?? Hein, il est où ??!! Joseph (ahuri qui répète sans comprendre) : Où !... Lison (même jeu) : Oui, où ?!... '' Le joli cœur de la banquière '' 19 Comédie de Maurice LAMY - 2014 Joseph (apeuré et se comportant comme un petit garçon qui va être battu) : Mais je ne sais pas moi Lison… Je ne sais pas… je n’ai pas quitté la valise des yeux… Même que je la valise, je l’avais le plus souvent à mon cou, la serrant très fort… Lison (brusquement suspicieuse et se mettant à chercher partout frénétiquement) : Ne me dis pas que tu étouffé le fric ! Hein ! Mon fric !!... Que tu m’aurais doublée sur ce coup !! Non ?! Tu ne m’aurais pas fait ça hein !! Dis !!! (Hurlant et le secouant) Mais réponds bordel !! (Lison le secoue comme un prunier et les affaires que Jojo a dans les bras s’éparpillent partout autour de lui… Il les ramasse promptement à la va-vite et les fourre en bouchon dans la valise. '' Le joli cœur de la banquière '' 20 Comédie de Maurice LAMY - 2014 Scène 6 Emilienne (entrant alors que Joseph finit de ramasser les derniers bouts de vêtements les donne à Lison, qui debout devant le banc met tout dans la valise et la ferme prestement. Emilienne ne voyant que Joseph) : Ah vous êtes-là, mon jeune ami… Quelle aubaine je suppose qu’adroit comme vous êtes, vous allez pouvoir me dépanner… (Joseph, maladroitement dissimule comme il peut les 2 ou 3 sous-vêtements derrière lui et notamment ne sachant où le mettre, il planquera à la hâte un soutien-gorge de couleur très voyante dans la poche arrière de son jean ou pantalon blanc ; de sorte que les brettelles du soutien gorge vont pendre derrière son dos durant toute la suite de la pièce… Lison imperturbable, les bras croisés, durant tout ce début de scène, semble s’amuser follement de voir Jojo en difficulté…) Emilienne (continuant et s’avançant vers Joseph) : Oui, mon cher, figurez-vous que ma valise… Oui ma valise !! Eh bien, elle est fermée à clé… Ce n’est pas grave, me direz-vous… Lison qui vient de comprendre que cette valise est celle d’Emilienne, va aller la cacher derrière le banc et va se mettre au coin du banc côté cour et attendra…) Une valise ça se ferme à clé, n’est-ce pas ?! Oui, mais voilà, c’est MA valise, elle est fermée à clé, et… (Jojo, bêtement sort la clé de sa poche et va pour la tendre à Emilienne. Lison lui fait désespérément signe de ne pas le faire et de la cacher… Jeu). Oh… Vous allez rire, n'est-ce pas !… Eh bien, je n’ai pas la clé… D’ailleurs ce qui est encore plus surprenant, c’est que je n’ai jamais eu de clé pour cette valise... Jeu muet de Joseph qui comprenant enfin qu’elle s’est trompée de valise, prend peur d’abord, puis dans l’instant comprenant que ces sous-vêtements sont ceux d’Emilienne à un geste repoussoir et de dégoût… Emilienne (continuant) : Sans doute, cher monsieur pourriez-vous m’aider à venir à bout de cette situation… Lison (haussant les épaules, flegmatique et avec l’accent anglais) : Ce n’est rien, madame… Nous allons vous arranger cela… Emilienne (faussement et très snob) : Eh bien à qui ai-je donc l’honneur ?! Nous n’avons pas été présentées il me semble ?! Lison (sur le même ton qu’Emilienne) : Mais quelle importance ?! Laissez donc… Emilienne (toujours très hautaine) : Mais enfin mademoiselle, je n’ai pas l’habitude de parler à des inconnues… Lison (commençant à perdre son calme) : Des inconnues ? Non, mais dites donc ! Vous voulez savoir qui je suis ? Eh bien, je suis… Je suis… (Un ton plus bas) Je suis la secrétaire de Monsieur Faucheux… Voilà, ça vous '' Le joli cœur de la banquière '' 21 Comédie de Maurice LAMY - 2014 suffit ? ? (Reprenant l’avantage) Alors cette valise, vous voulez qu’on l’ouvre ou non ?... Où est-elle ? Emilienne (un peu interloquée par l’assurance de Lison) : Mais… Mais dans ma chambre, mademoiselle… Dans ma chambre évidemment ! (Appelant la bonne) Consuella ?… Consuella ?!! La bonne apparaît en traînant les pieds tandis que Lison qui s’est approchée de Jojo. Lison (bas, à Jojo) : Toi, arrange-toi avec cette valise pendant que je l’occupe… Tu as la clé ? Pendant ce qui suit, Jojo cherche la clé partout sur lui, dans ses poches et partout, puis il finit par la trouver. Il la donne à Lison. Ensuite, ils regarderont la scène entre Consuella et Emilienne. Consuella : Oui, voilà, voilà !! … C’est pour vous madame Emilienne ? Emilienne : Oui, c’est pour moi… Consuella, montez au premier et descendeznous ma valise qui est sur le lit… Faites vite je vous prie. Consuella : Quoi ? Votre valise ?! … Emilienne : Oui, ma valise !… Consuella : Votre valise ?… Elle est en haut ? Emilienne (décontenancée par la bêtise de Consuella) : Eh bien oui, si je vous demande de ma la redescendre c’est qu’elle est en haut… Et alors ? Consuella (insistant lourdement) : Elle est en haut, et il faut que je la redescende ? Emilienne : Mais oui, puisque je vous appelle pour cela !… Consuella (en bougonnant) : Eh ben, pourquoi l’avoir montée, si c’est pour la redescendre ? Emilienne (qui perd son calme) : Ca, c’est trop fort ! Mais enfin, Consuella estce que je vous demande quelque chose, moi ?... Hein ?! Consuella (avec évidence) : Ben oui, madame, d'aller cherchez votre valise !!… Emilienne (finissant par être en colère) : Oui enfin, je veux dire : je ne vous demande pas votre avis !!... Non mais, c’est incroyable ça !! Allez me chercher ma valise et que l’on en finisse !! Consuella (sort en bougonnant) : Ben, si tout le monde s’y met, comment voulez-vous que j’avance moi ?! Emilienne (après la sortie de la bonne et revenant vers le couple, juste au moment où Lison a enfin la clé en main) : Eh bien ce n’est pas rien pour avoir sa valise !! Il n’y a plus moyen de se faire servir savez-vous… '' Le joli cœur de la banquière '' 22 Comédie de Maurice LAMY - 2014 Lison (elle s'arrange pour amener Emilienne vers l’avant scène cour, devant le perron, tout en faisant signe dans son dos à Jojo : Chère madame, je vous prie d’excuser mon geste d’humeur de tout à l’heure, mais en vous écoutant et en vous regardant, je viens de comprendre à qui j’avais affaire… Emilienne (plutôt fière d’être reconnue pour ce qu’elle est) : Ah la bonne heure ma fille, vous me faites un très grand plaisir en me disant cela !!... Mais pourquoi ne me dit-on jamais rien à moi ! Lison : Oui, si j’ai bien compris vous êtes la belle-sœur de M. Faucheux de la Banque Faucheux & Merivelle… La sœur donc, de madame Faucheux ? Emilienne (enjouée) : Mais c’est tout à fait ça, mademoiselle !… Bravo pour votre perspicacité ! Nous sommes en fait ma sœur et moi, les propriétaires de la banque que mon beau-frère gère pour nous… Très bien au demeurant, très bien !… Savez-vous que… Consuella (arrive sur le perron avec la valise à la main). Lison (voyant la valise dans les mains de Consuella) : Oui, oui, je sais… Je sais, Mademoiselle, je travaille dans la banque, alors… (Voulant couper court la conversation) Expliquez donc cela plutôt à monsieur Joseph (de façon péremptoire, elle fait signe à Jojo d‘occuper Emilienne… Puis, elle s’empare rapidement de la valise rapportée par Consuella). Joseph (entraînant Emilienne à l’avant scène côté jardin) : Vous disiez donc chère madame, que cette banque est à vous… Pendant ce temps Lison a posé la valise sur le banc et prestement mais bien à la vue du public, fait l’échange entre les 2 valises... Elle fera semblant de trifouiller la première avec la clé.) Emilienne (recommençant à expliquer à Joseph) : Oui, mon beau-frère, à la mort de Père a repris la banque et en l’espace de 16 ans il a doublé le capital… Vous vous rendez compte ?! Lison (qui se relève de devant le banc et ouvrant la valise) : En fait elle n’était pas fermée à clé… C’est simplement la serrure qui était coincée ! Emilienne (heureuse et ne sachant comment remercier) : Ah !! Magnifique !! Vraiment vous me sauvez la vie !! Vous au moins, on peut dire que vous êtes efficace !! (ouvrant la valise et regardant dans la valise). Eh bien dites donc, quelle pagaille !! Consuella a dû la bourlinguer cette valise pour que mes affaires soient dans cet état !! (Disant cela elle sort de la valise des sousvêtements qu’elle met devant elle comme pour vérifier que ce sont bien les siens). * *Voir remarque plus haut : à cet endroit on peut ajouter un effet de comique par le décalage des sous-vêtements en fonction de la personnalité mis en place pour Emilienne ou au contraire renforcer le "côté mémère "!! Si c’est bien anticipé : moment de comique garanti ! '' Le joli cœur de la banquière '' 23 Comédie de Maurice LAMY - 2014 Scène 7 Tandis qu’Emilienne tient devant elle les sous-vêtements, l’entrée de Gisèle plus fracassante, plus snob et plus Marie-Chantal que jamais, arrête Emilienne qui reste ainsi, le string devant son bas ventre… Deux pas derrière sa mère, Céline entrera et se tiendra sur le perron, vers le fond, à la cour. Elle restera silencieuse tout un temps ; on doit remarquer qu’elle observe tout le monde avec le plus grand intérêt (en particulier Jojo et Lison) et qu’elle cherche à comprendre ce qui se passe… Gisèle (apercevant Joseph, elle fonce droit sur lui, traversant la scène, la main droite tendue comme une invitation au baisemain, l’autre sur le front comme le ferait une tragédienne grecque) : Oh, mais lala… Que vois-je, mon cher ami ?… Vous ici et l’on ne m’a rien dit !!... Oh mais lala !!… Mais mon cher, mon très cher, vous allez me trouver très, très inconséquente !! Pardonnez à mon personnel, je vous prie !! Mais vous savez ce que sont les domestiques… A cet instant, elle se retourne vers le banc et découvre sa sœur avec devant elle une petite culotte (ou un soutien-gorge devant elle).En effet sur l’entrée en trombe de Gisèle, Emilienne est restée interdite, bloquée dans son geste où elle tenait à hauteur de son ventre le sous-vêtement en question. Gisèle (outrée de voir sa sœur ainsi et encore plus tragédienne si c’est possible, le verbe haut placé) : Mais Emilienne, es-tu devenue folle ?!... Qu’est-ce que tu montres là à Monsieur ? A Monsieur que tu ne connais même pas !! Emilienne (comme une enfant prise en faute, mais qui veut avoir raison) : Mais si justement je le connais ! Gisèle (insistant, allant vers elle et lui prenant le sous-vêtement des mains, le brandit, ce qui souligne l’indélicatesse du moment) : Tu le connais ? Mais d’où le connais-tu ? Allons, voyons ! Et quand bien même Emilienne, te rends-tu compte de ce que tu donnes à voir à Monsieur ? (Elle lui prend le sous vêtement des mains de sorte qu’elle le brandit involontairement sous le nez Jojo). Ce sont des choses intimes, enfin !..., qu’on ne montre jamais Emilienne ! Jamais… Et surtout pas à des inconnus, voyons Emilienne ! (Elle lui remet le sous-vêtement dans les mains avec dégoût. Puis revenant vers Jojo) : Excusez ma sœur, mon cher monsieur… Excusez ma honte aussi… Pour elle, Monsieur ; j’ai honte pour elle ! (Puis à Emilienne, très autoritaire) Emilienne, tu devrais avoir honte… Oui, honte à toi… Et tu aurais pu me prévenir que Monsieur était là ! (A Jojo). Enfin vous êtes là, c’est l’essentiel, n’est-il pas ?! (En même temps elle se fait câline et minaude) Que pourrais-je faire pour que vous me pardonniez ?! Dites-moi mon cher ami… Dites-moi ce que je pourrais vous donner… Que vais-je pouvoir vous offrir cher monsieur… Peut-être un peu de thé ?? … Ou un rafraîchissement… ? Dites-moi, mon cher ami, vos désirs seront des ordres… '' Le joli cœur de la banquière '' 24 Comédie de Maurice LAMY - 2014 Jojo ne sait plus quelle attitude prendre… Du regard, il appelle Lison au secours… Celle-ci, faussement très distante regarde d’un air très amusé ce qui se passe… Sur le perron, Céline n’en perd pas une miette non plus… Durant la dernière partie de la réplique de Gisèle, Emilienne qui a accusé le coup aura fini de ranger sa valise de façon à s’en emparer, juste à la réplique de Jojo : Joseph (va pour répondre) Oh, madame… Gisèle (qui aperçoit Emilienne prenant la valise de Jojo) : Ah la voilà, votre valise, nous allons vous la garder cher monsieur, n’en doutez-pas ! Emilienne (ne comprenant rien) : Comment la garder !? Pourquoi veux-tu garder ma valise maintenant ! Gisèle : Mais enfin Emilienne, tais-toi ! Ne t’occupe pas de la valise de monsieur… Emilienne (insistant) : Comment ça, la valise de monsieur ?? (Tapant du pied) Pourquoi ne me dit-on jamais rien à moi ! Gisèle (semblant dépassée) Attendez, aidez-moi… monsieur, c’est bien votre valise, celle que vous aviez ce matin… (Puis, apercevant Lison qui est restée en retrait derrière le banc) : Et vous mademoiselle qui êtes-vous, je vous prie ? Que faites-vous ici ? Vous êtes avec monsieur ? Lison (énigmatique) : En quelque sorte… Gisèle (déçue, regardant alternativement, Joseph, puis Lison) : Ah bon !! (Silence, un temps, Gisèle déstabilisée, ne sait que dire) Consuella (entrant) : Madame, c’est un monsieur pour madame !! … Gisèle (apercevant Lison) : Plus tard, Consuella, plus tard ! Consuella : Mais il insiste, madame… Il dit qu’il est de la police… Gisèle (interloquée) : De la police ?? Un homme s’avance par le perron. Chapeau mou, imperméable, la caricature du flic des années 60. Il pourrait aussi bien être un gangster qu’un flic… Max : Mesdames, monsieur… Je me présente : Max Sanouiller, inspecteur de la brigade financière. (S'adressant à Emilienne par erreur) : Madame Fauchard ? (Emilienne fait un geste pour lui indiquer sa sœur. Max rectifiant) : Je suis là à la demande de votre mari. Il y a eu un vol à sa banque ce matin… Gisèle et Emilienne (n’en revenant pas) : Un vol ?? Céline ne participe pas à l’étonnement des autres femmes et de Consuella restée dans l’entrée, mais observe avec grand intérêt les réactions de Lison et de Jojo. Celui-ci dès l’entrée du policier s’est caché le visage avec le '' Le joli cœur de la banquière '' 25 Comédie de Maurice LAMY - 2014 bouquet de fleur qu’il a pris dans le pot sur la table ; il a mis le chapeau de Constantin et des lunettes de soleil… Max : Un vol conséquent ! Plusieurs centaines de milliers d’euros, d’après M. Fauchard… (Avisant la valise sur le banc) Ah !! Mais la voilà la fameuse valise ! Elle correspond à la description. (Il va vers la valise pour l’ouvrir…) Emilienne (s’interposant fermement) : Mais de quelle valise parlez-vous monsieur ?? Mais, c’est ma valise et ce sont mes affaires ! Je défends bien qu’on y touche !! Max (très flic et avec d’un ton menaçant) : Votre valise ?? Mais, c’est exactement celle que M. Fauchant m'a décrite. En attendant je la mets sous séquestre moi, la valise, c’est une pièce à conviction et que personne n’y touche sans mon ordre ! Hein ! Jusqu’à l’arrivée de M. Facheux (Il se met en rempart devant la valise). Gisèle : Comment mon mari ? Mon mari va arriver, mais enfin quel rapport entre mon mari et cette valise ? Je ne comprends plus moi… (Elle se laisse tomber sur la chaise derrière la petite table). Emilienne (qui ne comprend pas davantage) : Je vous répète que c’est ma valise !! MA valise vous entendez !! Demandez à mademoiselle !... Et à monsieur… N’est-ce pas monsieur ? Joseph (qui est l’avant-scène côté jardin, juste devant le petit guéridon, tournant toujours le dos à tout le monde, à part, au public, entre ses dents et sans tourner la tête) Mais bon sang qu’elle se taise !! Qu’elle se taise !! Emilienne (qui revient vers sa valise et voulant forcer le, passage à Max) : Tenez monsieur Fenouillet, laissez-moi vous montrer… Max (la fusillant du regard) : Sanouiller, madame ! Max Sanouiller !!… On attend monsieur Fauché, j’ai dit !! '' Le joli cœur de la banquière '' 26 Comédie de Maurice LAMY - 2014 Scène 8 A cet instant, Constantin déboule en trombe par l’entrée jardin et de ce fait, se trouve immédiatement en face de Lison. Constantin (ne voyant que Lison, comme éploré, très amoureux et lui prenant les mains dans les siennes) : Ah ma chérie… Vous êtes ici, enfin !… Mais je vous attendais à la porte de service comme nous en étions convenus… (Il remarque alors les autres et arrête son jeu, surpris). Ben, en voilà du monde ? Que faites-vous tous ici ?? Gisèle (assise juste devant lui, effarée de voir son mari surgir et ainsi par le jardin et s’adresser à Lison de cette façon) : Ce serait plutôt à toi de t’expliquer et de nous dire ce que tu fais ici à cette heure. Qu’est-ce que c’est que cette histoire de vol à ta banque ? Je n’y comprends plus rien moi ! Constantin (qui, passé le moment de surprise, reprend ses esprits. A Gisèle) : Oui, oui ma chère, je vais t’expliquer (Il jette un regard circulaire et voit la valise sur le banc). Ah ! Eh bien la voilà, ma valise, (à Max) vous l’avez retrouvée monsieur Sanouillard. Max : Sanouiller, monsieur Fauchard, Max Sanouiller pour vous servir… Constantin (un peu vexé): Cheux, monsieur Fenouillard, Fau-cheux… Donc vous avez retrouvé ma valise, ah, merci… (Il va pour prendre la valise sur le banc) Emilienne (qui commence à en avoir assez, devant Constantin, avec force et détemination) : Mais arrêtez de vous en prendre à ma valise, j’en ai assez maintenant !! Rendez-moi ma valise et mes affaires qui sont dedans !! (Elle s’empare de la valise sur le banc, immédiatement, Max veut lui arracher des mains, aidé de Constantin… Musique de valse musette crescendo; commence une valse autour de la valise… Emilienne est costaude et ne lâche pas facilement son bout… Et une sorte de valse à trois se construit sur la scène… Constantin (tout en tournant dans le mouvement et passant près de Jojo qui tourne ostensiblement le dos…) : Mais, c’est mon chapeau… Mon chapeau vous dis-je !! (Il s’arrête de valser et se plante devant Jojo) Monsieur qui êtes-vous et de quel droit portez-vous mon chapeau ?? (Il veut lui enlever de la tête, mais il n'en aura pas le temps). Lison (accent anglais) : Arrêtez !! Stop ! On arrête !! Je vais tout vous expliquer ! …………… …/… '' Le joli cœur de la banquière '' 27 Comédie de Maurice LAMY - 2014 Si vous souhaitez connaitre les 3 pages qui restent et la fin que je vous propose pour cette pièce, vous pouvez me contacter par mail : [email protected]. Merci de me dire avec votre demande, d’où vous êtes et quel est le nom de votre troupe… Si ensuite, vous êtes intéressé jusqu’au bout pour la réaliser, je vous donnerai sans problème l’autorisation de la jouer. Bien cordialement et à bientôt peut-être, Maurice LAMY '' Le joli cœur de la banquière '' 28 Comédie de Maurice LAMY - 2014