Chapitre 7 : Pour l`amour du pétrole

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Chapitre 7 : Pour l`amour du pétrole
Chapitre 7 :
Pour l’amour du pétrole
Bureau du général Dumarchais, Plateau d’Albion
Quatre jours étaient passés depuis les derniers évènements dans Pégase. Les mauvais
pressentiments du général Dumarchais s’étaient concrétisés. L’heure n’était pas à la rigolade. Douze
soldats avaient perdu la vie et une quarantaine étaient blessés, dont certains très grièvement. Ils avaient
été rapatriés en France par la porte des étoiles. Officiellement, le MUJAO, Mouvement pour l’unicité
et le jihad en Afrique de l’Ouest, avait abattu un hélicoptère de l’armée française au Mali avec un
missile sol-air portatif récupéré dans les stocks de l’ancien dictateur libyen Kadhafi. L’état-major
espérait sincèrement qu’il n’aurait pas à réinventer des mensonges de sitôt.
D’autant que la situation politique semblait avoir grandement évolué en France. Le chef
d’état-major avait été victime d’un attentat manqué à la voiture piégée à son domicile parisien.
L’amiral Jean Becquet s’en était tiré sans une égratignure, mais était encore sous le choc. Sa famille
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mise en sureté, il avait repris les affaires. Il était devenu une cible. Mais il se savait chez un ami fidèle
dans le bureau du général Dumarchais.
— Vous êtes en sécurité amiral, lui dit poliment Dumarchais.
— Je m’en doute bien Alexandre. Je sais que je peux vous faire confiance.
— Confiance ? Vous redoutez une menace venant de l’institution ? demanda le général
— Je n’ai rien dit ! affirma nerveusement l’amiral. Je ne suis pas là pour parler de ma sécurité.
La DCRI s’occupe de trouver le coupable. Et vu le nombre d’ennemis de la France et de son chef
d’état-major, ça fait un paquet de monde. Donc, ne vous occupez pas de ça. Je vous rappelle que pour
l’instant vos résultats ne sont pas époustouflants, bien au contraire.
— Amiral, nous savions très bien les risques que nous encourions. Nous avons établi qu’il
était possible que l’ensemble de nos forces disparaisse d’un moment à l’autre sans que nous ne
puissions y faire grand-chose.
— Enfin Dumarchais, changez de ton ! À croire que ce qui nous arrive vous est égal !
— Non bien sûr, Amiral. Je vous demande de m’excuser si mes propos étaient maladroits. À
la vue du rapport du colonel Demont et des autres membres de l’expédition, il apparait que le pire a été
évité. Le professionnalisme de notre contingent a manifestement été décisif.
Les paroles de Dumarchais étaient à la fois sincères sans être dénuées d’arrières pensés. Le
constat était pourtant clair. Les évènements apparus sur place avaient découlé d’une entorse au
protocole de la part de Kanbeï. Or c’était Dumarchais qui l’avait fait venir en France, et ce contre
l’avis de bon nombre de fonctionnaires haut placé de la communauté du renseignement.
— Que vos hommes aient rattrapé le coup, je ne dis pas le contraire. En attendant, nous avons
plus de cinquante pertes humaines. Et pour ce qui est du matériel, la situation est catastrophique. 95 %
de nos réserves de carburant sont parties en fumée. Plusieurs dizaines de citernes remplies à ras bord !
Je vous rappelle que nous sommes dans un contexte économique et que notre ministère doit se serrer
la ceinture.
— Je le sais amiral, je le sais.
— Alors, tenez vos troupes bon dieu ! Vous vous rendez compte dans quelle situation vous me
mettez ? Je n’ai pas besoin de ça, surtout en ce moment, dit-il en faisant allusion à l’attentat. Le PR est
une girouette, vous le savez. Il commence à avoir de sérieux doutes sur la viabilité et l’avenir de notre
programme. Et les Américains lui font des yeux doux. La nouvelle majorité au Congrès rêve de
récupérer les compensations financières accordées après l’attaque.
— On risque l’annulation pure et simple à ce que je comprends ? répondit Dumarchais. Il est
pourtant clair qu’une telle entreprise serait ardue. Et puis il est trop tard. Nous en savons trop, les
Américains ne peuvent plus nous tenir écartés comme sous George W. Bush.
— Vu comment nous avons joué des coudes pour avoir cette porte, on ne reviendra pas
totalement dessus. Donc il n’y aura pas d’annulation du programme. Mais ses moyens pourraient être
sérieusement remis en cause. Par exemple la présence d’une base avancée dans Pégase. Il est étudié en
ce moment même un choix alternatif. Celui de laisser Pégase aux Américains et de s’engager dans le
combat contre l’Alliance Luxienne, une organisation autant terroriste que mafieuse. Mais l’objectif du
programme est de mettre la main sur les wraiths qui nous ont attaqués. Nous n’avons pas besoin d’un
nouvel ennemi. Du coup il se murmure qu’ils seraient prêts à relancer une mission conjointe sur
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Atlantis. Cela tuerait dans l’œuf notre programme. Voir même un engagement restreint avec des forces
spéciales qui se déploieraient dans Pégase via Midway.
— Cette option ne nous donne aucune liberté d’action. J’ose espérer que nous n’en arriverons
pas là. La planète que nous avons colonisée recèle probablement de secrets capitaux. D’ailleurs je tiens
à vous rappeler que nous avons fait main basse sur un vaisseau spatial extraterrestre !
— Un vaisseau archaïque et incapable de rivaliser avec une de ces satanées ruches.
— Bien sûr amiral, mais si je peux me permettre, ne soyez pas de mauvaise foi. Il dépasse de
loin toute la technologie spatiale de notre pays. Il peut nous permettre de faire un grand bond en avant.
— C’est vrai, je vous l’accorde, je n’étais pas objectif. Ce vaisseau est clairement la plus belle
prise de guerre depuis les turboréacteurs allemands de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Mais je
ne supporte pas que le GIRP ait déjà mis la main dessus.
— En même temps, c’est leur rôle. Nous nous saignons pour leur ramener des technologies
qu’ils étudient et copient.
— Certes. Mais devinez qui ils envoient faire une visite en avant-première du rafiot.
— Hortense Riveron. Je sais. Je l’ai vu passer hier soir. Elle avait l’air pressée de cette visite.
Je plains Lionel, dit-il en parlant du colonel Demont, il va devoir se la taper toute la journée. Enfin je
veux dire…
— Je vous avais compris général, sourit malicieusement Jean Becquet. Bon je dois y aller.
J’attends de votre part un rapport constant et régulier sur nos prospections pétrolifères dans Pégase. Le
temps que nous réacheminions du carburant sur Vauban, il serait bien d’en trouver, du pétrole, dans
cette foutue galaxie !
Au même moment, sur P5M-272, galaxie de Pégase
L’étoile la plus proche de P5M-272 plongeait la planète dans une chaleur torride. C’était
pourtant sur cette planète, dont la porte des étoiles se trouvait au beau milieu d’un désert de sable fin et
chaud, que l’armée française avait décidé d’implanter le Site de Prospection Autonome en Recherche
de Carburant déjà communément appelé SPARC.
Toute l’équipe du commandant Varrault était présente au camp de base, hormis le sergent
Delcourt, qui exceptionnellement pour cette mission, était sous les ordres du génie. Il avait quitté
depuis peu le camp de base à bord d’un Véhicule de l’Avant Blindé en direction du nord. Là-bas, un
convoi de véhicules vibreurs, chargés d’effectuer des analyses sismologiques dans le but de trouver
d’éventuelles nappes de pétrole souterraines, semblait avoir trouvé des gisements potentiels. Damien
et son équipe se rendaient sur place afin de baliser l’endroit en vue d’une future campagne de forage.
Le camp de base, qui n’était autre qu’un site de forage rudimentaire, était le théâtre d’une
drôle de scène. Le chef de la mission, le colonel Bouchard, du Service des Essences des Armées,
effectuait un topo aux hommes du commandant Varrault. Il leur décrivait les avancées de la mission
avec un grand enthousiasme. Faisant de grands gestes. Expliquant qu’un puits avait été creusé. Listant
les dimensions de celui-ci. La qualité du pétrole extrait. Etc. Et le tout sous le regard sans expressions
du commandant Varrault, les bras croisés au-dessus de son HK -416 accroché en bandoulière. D’après
Bouchard, cette région de la planète contiendrait de gigantesques réserves de pétrole. Équivalente aux
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gisements de la péninsule arabique sur Terre. Devant le manque de joie évident de Varrault, le colonel
arrêta d’essayer de l’impressionner. Il se tourna vers un militaire qui venait lui porter un message. Le
messager décrivit l’apparition d’un phénomène électromagnétique apparu au nord-ouest. Lorsqu’il
entendu le mot « électromagnétique », Kanbeï accouru pour en savoir plus.
— Colonel, vous permettez ?
— Allez-y, lieutenant. Il y a un souci ?
Kanbeï, intrigué par les relevés qu’il avait sous les yeux, ne prit même pas la peine d’écouter
la question du colonel. L’officier supérieur le relança. Le japonais répondit alors que ce phénomène
était anormal. Toutefois, une tempête de sable en était peut-être l’origine.
— Bien, commandant Varrault, vous et votre équipe, allez effectuer une reconnaissance de la
zone.
— Mon colonel, nous ne sommes pas censés nous éloigner du camp. Nous devons en assumer
la protection.
— Il n’y a pas de danger. Vous pouvez vous déployer. Rompez !
— A vos ordres mon colonel. Allez, on se bouge.
Castro Forteis, parvis de la porte des étoiles
Un vortex entrant était activé sur la base Vauban. Malgré le fait qu’il soit inscrit au planning et
totalement sans danger, les légionnaires chargés de la sécurité du site étaient tout de même sur le quivive. La dernière fois qu’ils avaient relâchés leur garde, ils l’avaient payé cher.
Au milieu de l’horizon des évènements, une dizaine de personnes apparurent. Il s’agissait d’un
groupe d’experts de la DGA appartenant au GIRP qui revenaient d’une inspection de l’escorteurcuirassé Castel Fortin. Ce dernier avait été arrimé à la station de ravitaillement de la géante Aredafe.
Cette même station, les réserves d’Hélium 3 vidées, disposait d’une porte des étoiles. Ainsi, depuis la
base Vauban on pouvait se rendre sur le vaisseau sans consommer d’énergie ni nécessiter de vaisseau
spatial. Ce que les Français n’avaient pas d’ailleurs.
Les trois individus qui fermaient la marche étaient les plus importants. En effet, Hortense
Riveron, la directrice du GIRP, était accompagnée du colonel Demont à sa gauche et de Marianne Le
Blanc à sa droite. Alors que la scientifique était muette, Lionel Demont, lui, haranguait l’énarque de
toute sa verve.
— Madame la directrice, je vous assure que vous pouvez avoir confiance en nos forces
militaires. La sécurité de votre contingent de scientifiques sera assurée sans failles. J’ai renforcé H-24
la surveillance de tous les sites sensibles. J’ai une douzaine d’hommes des commandos marine à bord
du vaisseau et le double sur la station. De plus nous disposons d’un…
— Colonel, passez-moi les détails s’il vous plait. Je vous laisse le contrôle de la chose
militaire. Tachez juste de ne pas échouer dans votre mission !
Demont, vexé, canalisa ses émotions et changea de sujet. Il briefa l’énarque sur l’état de santé
de la prisonnière, Kat. La jeune femme n’était pas humaine, comme ses analyses ADN l’avaient
prouvé. Pourtant elle était suffisamment proche de l’espèce humaine pour utiliser le même sang.
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D’ailleurs, grâce à des perfusions, elle avait retrouvé de la force. Son sang avait été en partie changé et
réoxygéné à la manière d’un cycliste dopé du tour de France. Si bien que la petite était maintenant
comparée à Christopher Froome par le personnel médical. Depuis ce matin elle était réveillée et
semblait pouvoir parler.
— Maintenant qu’elle va mieux, elle va devenir un vrai cobaye cette petite. Vos chercheurs du
GIRP ont déjà remplacé auprès d’elle tout mon personnel soignant. Moi je vous le dis comme je le
pense madame, si elle redevient un danger pour mon détachement, je serais obligé de la faire garder
sur une autre planète. Et je n’ose penser au pire des cas. Vous devez savoir que nous avons ordre de ne
pas relâcher dans la galaxie quiconque serait au courant de notre déploiement, de nos installations de
défense, de…
— C’est bon, j’ai compris colonel. Vous la tuerez si elle pose problème. Mais rassurez-vous,
elle ne fera pas prendre de risques à l’expédition. D’ailleurs, il vaut mieux que la petite soit entre les
mains des médecins du GIRP que des interrogateurs de la DGSE. En attendant, pourrais-je la voir ?
— C’est votre protégée maintenant.
— Très bien colonel. J’emprunte votre jeep. Claude, vous conduisez, dit-elle à un de ses
collaborateurs. Marianne, je vous retrouve ce soir, j’ai à vous parler. A bientôt colonel.
— Madame la directrice…
La Peugeot P4 personnelle du colonel Demont démarra et prit la direction de l’hôpital de
campagne sous les yeux médusés du chef du détachement. À ses côtés, le commandant Moretti de la
Légion lui fit son rapport.
— Au rapport mon colonel !
— Repos commandant.
— Aucune activité suspecte dans les quatre dernières heures. Relève de la garde assurée pour
le troisième quart.
— Très bien. Je vais à mon bureau. Faites-moi signe au moindre problème.
— Vous rentrez comment mon colonel ?
— Je suis parti pour faire les quatre kilomètres à pied. Sauf si bien sûr vous me prêtiez votre
jeep commandant.
— J’aimerais bien, mais elle n’a pas d’essence. Rationnement du carburant. Tout a été
réquisitionné pour les groupes électrogènes.
— Hmm, je m’en rappelle maintenant. C’est moi qui ai donné cette consigne. Ah, je regrette
déjà cet ordre…
SPARC, au nord-est du campement de base
Une tempête de sable se préparait dans les dunes au loin. Damien sentait déjà le léger souffle
d’air chaud sur son avant-bras qui pendait à la fenêtre droite du VAB. Le sergent n’était pas rassuré.
S’adressant à ses coéquipiers, Damien dit à son équipe qu’ils feraient mieux d’être au campement, en
dehors des dunes. Mais ces derniers, jusqu’au-boutistes, l’enjoignirent à continuer. Damien ne les
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connaissait pas personnellement. Ils étaient issus d’une unité d’un régiment qui n’était pas le sien. Il
sentait bien qu’il n’avait pas vraiment d’autorité sur eux. L’un d’eux était caporal-chef, soit le grade
juste en dessous du sien. Et comme Damien ne s’y connaissait pas en recherche pétrolière, il était
résigné à suivre ses compagnons d’infortune. Les sapeurs étaient tous d’accord sur une chose, les
relevés des sismographes étaient exceptionnels. Que les réserves de pétrole de la planète étaient
faramineuses. Pourtant, le sergent Delcourt avait tiqué sur un point lors du briefing. Les USA avaient
envoyé quelques années auparavant une mission de reconnaissance sur la planète. Celle-ci avait été
jugée non concluante. Or le sergent savait très bien que s’il y avait eu la moindre réserve utile aux
yeux des Américains, cette planète serait déjà la propriété du pays à la bannière étoilée.
Au sommet d’une dune, le VAB fit un mini vol plané. La conduite du chauffeur était très
énergique. Damien commençait à se poser de sévères questions devant l’énervement général des
hommes dans le blindé. La conduite du chauffeur était plus qu’à risque, à l’arrière, la moindre broutille
se transformait en joute verbale à la limite de l’empoignade. Trois fois déjà, le sergent avait dû faire
preuve d’autorité pour garder le calme. Plus le temps passait et plus Damien trouvait ça étrange. Mais
là, sur le moment, ce qu’il voulait le plus, c’était que le chauffeur ralentisse. Delcourt avait mal à la
tête. Les jérémiades des soldats et la conduite effrénée de l’homme à sa gauche ne faisaient qu’empirer
ses mauvaises sensations. Quelque chose n’allait pas.
Le VAB s’arrêta enfin à l’endroit prévu par les sapeurs du génie. Il n’y avait rien à l’horizon.
Que des étendues de sables fins. Or le convoi des équipes de sismologues devait se trouver ici.
Damien et quelques autres sortirent du véhicule pour observer les alentours, et ce sous une chaleur qui
leur donnait le tournis. Le sergent demanda des réponses aux autres. Ils furent incapables de lui en
donner une. Il prit alors sa radio pour contacter le campement. Mais il n’entendait rien à part de la
friture. Il n’arrivait à joindre personne. Il répétait sans cesse le même message alors que de la fièvre le
faisait légèrement vaciller. Il était à deux doigts de s’évanouir sans même en avoir conscience. Dans
un sursaut de bon sens, il ordonna au groupe de rebrousser chemin. Quelque chose d’anormal se
passait. Mais le VAB semblait ensablé. Enfin l’était-il ? Il n’en était pas sûr, il n’était plus sûr de rien.
Il lui vint à l’esprit qu’il perdait peut-être la… t… tê… t…
Pendant qu’il commençait à divaguer, personne ne s’aperçut que les français n’étaient pas
seuls et qu’une dangereuse présence s’approchait d’eux.
Dans le désert, au nord-ouest du camp principal
Le véhicule était maintenant dans le secteur d’où étaient apparues les interférences
électromagnétiques. De son poste de mitrailleur, Michelet apercevait très nettement le reflet des parties
métalliques d’un convoi de véhicules au loin sur le sable. La réflexion du soleil était-elle qu’il était
impossible de ne pas voir les véhicules.
Le commandant suivit le chemin le plus simple vers le convoi à l’arrêt tout en demandant à
Kanbeï un état des lieux des interférences. Le japonais décelait très clairement la présence d’une balise
et d’ondes provenant d’appareils de mesure en tout genre. Il s’agissait donc du convoi de prospection
parti sonder le sol le matin même.
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À leur arrivée près de la file de véhicules chenillés à l’arrêt, les militaires n’arrivèrent pas à
rentrer en contact avec les géologues. Varrault décida alors d’une approche très précautionneuse même
si le site ne présentait pas de menace apparente. Une menace qui avait pourtant été bien réelle. Au
détour d’un engin, Karmen, fusil d’assaut en joue, fit une découverte des plus macabres. Un mois
auparavant, elle aurait crié de toutes ses forces. Mais elle avait déjà vu un corps mutilé de cette façon,
ce qui lui glaça le sang plutôt que de le porter à ébullition.
— Commandant Varrault, venez ici, vite. Présence d’un cadavre ! Regardez leurs blessures !
Ils ont été tués par des wraiths, cela ne fait aucun doute !
Varrault examina en détail le corps d’un malheureux. Il l’identifia en trouvant dans une de ses
poches un effet personnel. Il s’appelait Gabriel Devaux, il avait 27 ans et il était géologue. Tout le
commando se mit en position de défense renforcée. Au bout de quelques minutes, ils trouvèrent douze
autres corps, dont quatre militaires du service des essences. Loïc Varrault rassembla les identités de
tous les corps qui étaient méconnaissables et les confondit avec une liste du personnel qu’il détenait.
Puisqu’il était en charge de la sécurité de l’expédition, il possédait des notes sur chacun des humains
envoyés par la porte sur la planète. Une fois ses vérifications terminées, il fut des plus affirmatifs. Les
treize corps étaient ceux partis ce matin du campement. Aucun n’y avait réchappé. Et ils avaient tous
subi le même sort. Dévitalisés par un wraith.
Les militaires étaient tous sur leurs gardes, scrutant l’horizon sans pour autant déceler un seul
wraith. Le caporal Thiégot tentait de prévenir par radio le campement de base pour les avertir du
danger. Mais il ne percevait aucune réponse. Une étrange série d’interférences bloquait les
transmissions. Kanbeï avait stoppé toutes les machines laissées à l’abandon par les géologues et
s’attachait à aider du mieux que possible Marc Thiégot pour en savoir plus sur ces interférences.
— Brouillage… dit-il à voix basse.
— Pardon ? Lui rétorqua Varrault
— Mon commandant, il s’agit de brouillage. Un brouillage particulier qui n’utilise pas les
mêmes propriétés que ce que nos armées utilisent. Mais je suis sûr de moi, le résultat est le même et
c’est voulu.
— Ce sont les wraiths qui font ça ? demanda le commandant.
— Je dirais même sans trop me hasarder que ce sont les wraiths qui ont fait ça, précisa le
nippon en désignant du doigt la rangée de cadavres alignés sur le sable et recouverts de toile de tente.
— Mon commandant, je perçois une transmission sur la fréquence B, déclara Thiégot. C’est le
sergent Delcourt je reconnais sa voix. Mais… il raconte n’importe quoi…
— Passez-moi le casque ! Delcourt, ici Varrault ! Répondez ! Quelle est votre position ? Un
convoi a été attaqué par des wraiths, je répète un… quoi ? Mais qu’est-ce que vous dites ? Allo ?
Sergent ! Bordel, mais il délire ce con ! Il est sous l’emprise de drogue ou quoi ! Estienne, on est
d’accord qu’il s’était remis de sa drogue sur l’autre planète ?
— Euh, oui, il me semble. Enfin il allait parfaitement bien ce matin.
— Hmm, je n’aime pas ça. Caporal, prévenez le camp de base. Dites-leur de renforcer la
garde. Kanbeï, vous avez la position de Delcourt ?
— La position non, mais la direction du signal oui.
— Très bien, en route, on y va !
— Mais et les corps mon commandant, fit remarquer Karmen.
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— Le temps urge, on reviendra avec une équipe de médecins légistes. Allez !
Au nord-est du campement de base, près du VAB
L’équipe de Damien était tombée dans un piège. Un des sapeurs fut happé par un wraith à
travers l’une des écoutilles du blindé. Un de ses collègues voulut le retenir, mais n’eut pas le temps. Il
prit son arme et ouvrit la porte arrière du véhicule pour porter secours à son camarade. C’est là qu’il
fut assommé par un wraith qui l’attendait devant la portière.
Alors que le tragique spectacle continuait, Damien, un peu à l’écart, laissa tomber son
combiné radio. Il n’avait plus la force de le tenir et de penser à ses paroles. En fait il divaguait et ne
racontait rien de censé. Il se retourna et vu un des soldats trainés sur le sol par un wraith. Il reprit alors
un peu de force et s’approcha pour régler son compte au wraith. Il fit le tour du VAB, mais ne trouva
aucun wraith. Il n’y avait que les dépouilles des quatre hommes qui constituaient son détachement.
Paradoxalement, alors que cette vision l’horrifiait, il se sentait légèrement mieux. Comme s’il
retrouvait ses facultés mentales. Il sentit alors une présence s’approchant dans son dos. Mais il ne fut
pas assez prompt pour à la fois se retourner, dégainer son FAMAS et viser juste. Une demi-rafale se
perdit dans les nuages alors qu’il était propulsé en arrière.
Il était allongé sur le dos, sonné par le choc. Le wraith lui arracha son fusil d’assaut et le jeta
au loin. Sans savoir pourquoi, Damien se mit à penser que le wraith voulait jouer avec sa proie avant
de la dévorer. Damien était comme un mulot entre les griffes d’un chat agile et perfide. Damien
dégaina son pistolet et le tendit à la verticale. Mais le monstre fut plus rapide et désarma le sergent en
assénant un violent coup dans l’avant-bras de l’humain. Le coup fut si puissant qu’il fractura le cubitus
de l’avant-bras de Damien qui hurla de douleur, à deux doigts de s’évanouir.
Le sergent serrait les dents et se tenait le bras gauche avec sa main droite. Il n’avait pas la
force de se relever. Le wraith le fit pour lui. Il l’attrapa par le col pour le soulever d’une seule main.
L’humain lévitait au-dessus du sol. Ses pieds ne touchaient pas terre. Il suffoquait à cause de la main
du wraith qui le tenait tout en appuyant sur sa pomme d’Adam. Les bras ballants, la tête tournoyant, le
sergent était sur le point de mourir. Il essayait pourtant de dire quelque chose à son prédateur. Le
wraith était curieux et comme il n’entendait pas le petit filet de sons émis par Delcourt, il plia son bras,
tout en gardant Damien dans les airs, pour rapprocher sa proie de ses oreilles.
— Argh… ne jamais… baisser sa… garde…
Les mots du sergent furent vite compris par le wraith. Mais cette fois-ci Damien fut plus
rapide. Secrètement, il tenait une grenade dégoupillée dans sa main droite, prêt à se sacrifier pour tuer
son meurtrier avec lui. Il la plaça dans un espace étriqué entre le dos du wraith et son gilet en cuir. Le
guerrier enragea. Il envoya valser Damien en l’air qui retomba brutalement par terre, quelques mètres
plus loin. Le sergent eut juste le réflexe de se mettre en PLS que la mise à feu de la grenade se
déclencha. Le buste du wraith fut pulvérisé en mille morceaux. Mais le choc fut suffisamment violent
pour toucher Damien qui perdit connaissance écroulé sur le sable. Un sable qui, par la force du vent,
commençait à le recouvrir peu à peu…
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Base Vauban de l’armée française sur Castro Forteis, dans une tente médicale
Hortense Riveron s’était rapidement entretenue avec les médecins au sujet de l’ADN de la
jeune Kat. Celui-ci n’avait jamais été rencontré par l’équipe d’Atlantis. Cependant, les recherches
effectuées montraient une certaine paternité avec l’ADN wraith. Pourtant la jeune adolescente était
loin d’avoir les mêmes attributs. Elle ne possédait d’abord pas le physique wraith caractéristique. Ni
balafres sur les joues, ni dentier menaçant, ni système d’aspiration vitale sur la paume des mains. Son
teint était aussi celui de l’homme, blanc caucasien. Quant à ses cheveux, ils étaient d’un brun des plus
banals chez les humains. Non rien physiquement ne la rapprochait des wraiths. Le biologiste du GIRP
avait avancé l’idée qu’elle était peut-être le chainon manquant entre l’Homme et le Wraith. Une
théorie qui ne reposait pour l’instant sur aucun fait scientifique.
La jeune captive était réveillée. Hortense la scrutait du regard. Elle termina sa conversation
avec le biologiste et le reste de l’équipe médicale pour aller parler avec l’étrange créature. L’énarque
se rappelait que Kat avait désarmé toute la salle d’embarquement d’Atlantis. Elle n’était pas
totalement rassurée d’être en face d’elle. Riveron décida donc de ne pas faire de tête-à-tête privé. Des
infirmiers et des commandos marine l’entouraient pour parer à toute éventualité. Hortense remarquait
que Kat était en nage et semblait prise dans un cauchemar. Elle avait les yeux fermés et balançait la
tête d’un côté à l’autre, clouée sur son lit d’hôpital. La petite parlait voix basse. Hortense crut déceler
le mot Otessa.
— Bonjour Kat, qui est Otessa ?
— Hmm. Bonjour. Otessa est mon amie. Elle me parle de par les étoiles.
— Elle te parle de par les étoiles ? Hmm intéressant.
Ou la petite était encore dans les vagues, ou elle était complètement tarée pensa Hortense. La
femme politique tenta de mener la conversation sur des choses qui l’intéressait. Ce que peu de monde
savait était que, bien que célibataire, elle avait été mariée. Elle était maintenant divorcée, mais avait
gardé de son précédent mariage un enfant qu’elle élevait seule. Ainsi, la mère qu’elle était savait
trouver les mots et la douceur pour parler avec Kat.
— Très bien. Et si tu me parlais de tes parents ?
— Je n’ai connu que ma mère, mais nous avons été séparées lors d’une attaque de notre
planète. Des soldats genïs m’ont secourue.
— Comment s’appelait-elle ?
— Je ne sais pas… dit-elle avant de se mettre à pleurer.
— Oh je suis désolé, ne t’en fais pas, c’est fini. N’en parlons plus.
— AH ! Hein ? Se mit soudain à s’interroger Kat
— Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a Kat ?
— Oh non, ce n’est pas vrai. Non ! Il faut le sauver !
— Quoi ? Mais de quoi parles-tu ?
Kat semblait complètement démente. Elle paraissait schizophrène. Hortense comprit alors
qu’elle parlait peut-être à son amie imaginaire, Otessa. Voir, était-ce sa mère dont elle se faisait une
représentation ? Un pédopsychiatre aurait plus de chances d’y répondre. Mais intriguée, Hortense
voulut en savoir plus. Kat lui donna un semblant de réponse
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— C’est Antoine, ils vont le tuer ! Ils vont le tuer ! Le dévorer ! Il faut faire quelque chose !
— Hein ? Mais qui appelles-tu Antoine ? Kat, réponds-moi, qui appelles-tu Antoine ? Et que
va-t-il lui arriver, où et quand ? Questionna l’énarque qui pensait avoir compris.
— Lieutenant Antoine Estienne, Escadron de chasse des Cigognes ! Il est sur la planète
SPARC, P5M-272 ! Une meute de chasseurs Wraith va lui tendre un piège ! Ils vont le tuer lui et ses
amis ! Ils vont le tuer !
— Sergent, gardez-la de près, je dois aller voir le colonel Demont !
Planète SPARC, au nord-est du campement de base
L’équipe de Varrault arrivait enfin sur le lieu de la dernière transmission de Damien. Une
légère tempête de sable était passée par là. Si bien que le VAB resté sur place, moteur allumé, avait été
ensablé. Varrault chercha quelqu’un à l’intérieur. Thiégot tenta de joindre par radio Damien. Mais la
radio de celui-ci fut retrouvée au milieu du sable, à l’écart du VAB. La tension montait chez les
militaires. Ils avaient un mauvais pressentiment. Leur découverte faite une heure plus tôt les rendait
nerveux. Guichard eut l’idée de chercher à contacter les soldats disparus sur une autre fréquence. Celle
interne à leur escouade.
En effet, les soldats en opération sur la planète utilisaient trois fréquences. Une fréquence
générale, utilisée par le PC de la mission, c’était avec celle-là que Damien les avait contactés. Il
existait une fréquence d’urgence et une fréquence par escouade. Celle de Damien avait la sienne, les
militaires tentèrent donc avec cette fréquence. Tout le monde se tut pour entendre le moindre son
trahissant une radio. Les militaires se séparèrent pour couvrir plus de terrain, ouvrant grand leurs
oreilles, pendant que Thiégot, à la radio, s’était enfermé dans le VAB pour crier à travers son micro
sans perturber les recherches.
— Là, venez tous ! J’ai trouvé un corps, cria l’aspirant Berson.
Les militaires comprirent très vite grâce au vocabulaire de Ludo Berson qu’il y avait eu une
attaque. Par terre gisaient quatre corps enfouis dans le sable. Ils étaient tous morts. Dévitalisés par
l’attaque de wraiths. Mais l’équipe comportait cinq membres… Ils identifièrent ceux qui étaient
présents devant leurs yeux grâce à leurs plaques. Le cinquième membre qui n’était pas dans ce
charnier était… Damien Delcourt.
— Loïc l’appela Guichard discrètement, tu as vu ces traces ? Il n’y avait pas qu’un seul wraith.
— Oui, j’ai vu. Il faut vite rejoindre le camp de base. Mais Delcourt y a peut-être réchappé, dit
Varrault. Écoutez tous, on forme un périmètre circulaire et on s’éloigne en groupe de manière
coordonnée. Ouvrez bien l’œil. Que tout le monde cherche le moindre indice.
Alors que le vent était de nouveau agité, balayant la dune, emmenant avec lui des vagues de
sables, tous les soldats se mirent en cercle autour des véhicules. Puis ils agrandirent le cercle en
organisant une sorte de battue circulaire, appelant au hasard le sergent Delcourt. Antoine frémissait, il
avait la chair de poule. Une boule d’angoisse parcourait son ventre. Il ne connaissait pas Damien
depuis longtemps. Il ne pouvait donc pas prétendre se dire intime du sapeur. Mais les quelques
semaines qu’il avait passées avec le sergent avaient fait naître une certaine complicité, une
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reconnaissance mutuelle entre les deux hommes qui se respectaient. Cette amitié naissante, Antoine y
tenait.
Alors que le pilote de chasse scrutait les environs, il se rendit compte qu’il était dans la lune.
Ses pensées obstruaient ses actions. Il fut rappelé à l’ordre par Karmen, qui se trouvait à une vingtaine
de mètres sur sa droite, qui l’enjoignit à redoubler d’effort. La jeune femme craignait que Varrault
décide de suspendre les recherches d’un moment à l’autre pour retourner au camp de base. Antoine se
remit donc à chercher. Il s’avança en profondeur, en avant du dispositif de recherche. Il s’agissait de
chercher un corps dans une étendue de sable fin. C’était pire qu’une aiguille dans une botte de foin.
Alors le lieutenant, secrètement, et presque inconsciemment, s’en remit à un étrange
phénomène dont il avait appris l’existence. Antoine avait en effet constaté que depuis aussi longtemps
que sa mémoire lui rappelait des souvenirs d’enfance, il avait cette étrange sensation de trouver
certaines réponses à ses questions, comme par magie. Une sorte d’intuition qui dans des moments
particuliers lui donnait la clé lui jaillissait à la figure. Il s’adonna à penser à cette sensation, à cette
intuition qui prenait vie dans son esprit sans qu’il s’en rende compte. Mais comment la provoquer ?
Comment l’utiliser ? Il vint alors à l’idée au lieutenant qu’elle était peut-être déjà en marche, à ce
moment précis. Il focalisa alors son attention sur une portion de la dune qu’il avait en ligne de mire
depuis quelques minutes. Soudain il crut décerner une couleur sombre dans le sable. Il se mit alors à
avancer à grandes enjambées, fixant du regard son objectif, tout en ayant un rythme cardiaque
endiablé. Karmen l’aperçut.
— Lieutenant, qu’est-ce que vous faites ? Vous avez trouvé quelque chose ?
— Je… attendez… là ! Là ! Il y a un corps. Non deux, il y en a un autre à côté !
Tous se précipitèrent pour rejoindre le lieutenant. Karmen rattrapa à la course Antoine et
arriva juste devant lui. Il y a avait deux corps. Un Wraith et un humain. Le Guelen identifia tout de
suite Damien qui gisait sur le dos. Elle se projeta à son secours, prodiguant les premières analyses
médicales. Antoine n’eut pas le temps de demander qu’elle criât à tout le monde que Damien était...
vivant. Mais il était totalement déshydraté et inconscient. Karmen, vu aussi que son bras était cassé.
Elle prit alors soin de stabiliser sa nuque avec son foulard. Varrault ordonna qu’on apporte du matériel
médical. Après quelques dizaines de minutes angoissantes où Antoine se sentait impuissant, à l’écart
avec Kanbeï, qui était toujours rivé sur son ordinateur, les commandos eurent fini de prodiguer les
premiers secours. On avait perfusé Damien pour lui redonner des forces. Un masque à oxygène lui
avait été adjoint pour lui permettre de respirer plus facilement. Enfin on l’avait calé sur une civière. Sa
tête était solidement arrimée avec une lanière et sa nuque était protégée par une minerve.
— C’est bon ? Attention, 1, 2, 3, portez ! Lança Guichard, à la manœuvre.
Damien était porté par Guichard, Berson, Michelet et Gaboriot, Karmen se tenant à côté,
tenant la poche de perfusion. Le blessé fut chargé à l’arrière d’un camion tout-terrain VLRA. Le
groupe embarqua dans le camion et une jeep Panhard, direction le camp de base.
À toute allure, le groupe ne tarda pas à rejoindre le camp de base, et ce malgré les conditions
climatiques et la tombée de la nuit. Ce qui était le plus difficile avec ces tempêtes de sable sur cette
planète était leur irrégularité. Elles étaient nombreuses, mais avaient tendance à disparaitre très vite
pour réapparaitre quelques dizaines de minutes plus tard à un endroit différent. Les hommes avaient du
mal à s’y adapter. Mais ils étaient enfin au bout de leur peine, à l’abri du camp de base, enfin le
pensait-il.
Avant même de poser pied-à-terre, les militaires comprirent que la situation n’était pas
normale. La base était plongée dans la pénombre. Aucun éclairage n’était en fonction. Et le silence
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était total. Les soldats se mirent en position d’assaut et convergèrent vers un poste de garde. Il y avait
une silhouette à ce poste de garde. Mais elle ne répondit pas aux appels énergiques des commandos. Et
pour cause, l’inconnu était mort et n’était autre qu’un des soldats français présents au camp de base
avant l’arrivée de l’équipe Varrault. Cette dernière fit un terrible constat qui déstabilisa les moins
endurcis du groupe. Le caporal-chef Thiegot ne put retenir ses larmes. Vingt-huit. C’était le nombre
d’hommes et de femmes qui avaient tous subi le même sort. Dévitalisés par les wraiths.
Alors que Varrault et quelques autres regroupaient les corps dans un coin du complexe en
notant scrupuleusement leur blessure et leur identité, le sapeur Bodinier et le caporal Thiegot tentèrent
de faire revenir le courant dans le complexe pour alimenter les projecteurs du site. Mais tous les
générateurs et le réseau électrique avaient été sabotés. Il faisait nul doute que c’était l’œuvre des
wraiths même s’il était difficile de le prouver. À ce moment précis, les terriens auraient eu bien besoin
d’un homme spécialisé en système D. Mais Damien était toujours dans un état grave, calé sur une
civière à côté de laquelle se trouvait Karmen en permanence.
La nuit était maintenant tombée depuis presque deux heures. Aucun équipement du camp de
base qui aurait pu être utile aux rescapés n’était utilisable. Ils n’avaient pas le choix. Ils devaient
quitter le site pour rejoindre la porte des étoiles et revenir plus tard avec une force plus imposante.
Karmen opposa pourtant un avis contraire. Elle estimait que le sergent Delcourt était dans un état qui
ne lui permettait pas d’être transporté de la sorte une nouvelle fois. Il lui fallait d’abord une aide
médicale plus poussée pour être déplacé. Antoine, lui, était à deux doigts de rappeler à ses
compagnons qu’il était risqué de s’aventurer dehors en pleine nuit alors qu’une menace rodait, qu’un
étrange et terrifiant bruit se fit entendre. Des cris de wraiths, similaire à ceux d’une meute de loups
semblaient venir de tous les horizons. Mais ils étaient lointains. Plusieurs kilomètres, estimèrent les
militaires qui s’étaient soudainement replacés en position de combat. La tension était insoutenable. La
peur prenait le contrôle des esprits terriens.
— Commandant, je veux vous dire quelque chose, demanda Florent Bodinier en s’adressant à
haute voix de sorte d’être entendu par tous. Sa voix était celle de quelqu’un se sachant écouter.
— Florent, on va trouver une solution, faites-moi confiance, tenta de le couper son chef.
— Je vous ai déjà parlé de mon père, commandant ?
— Pardon ? répliqua Loïc Varrault sous les yeux intrigués des autres soldats.
— Il était pompiste, dit-il en posant le pied sur un baril de pétrole couché sur le sol. Un jour, il
y a longtemps, j’étais petit, il y eut un incendie dans son garage. Il y réchappa de justesse…
Les militaires comprirent tout de suite où il voulait en venir. Varrault accepta le plan et tous se
concertèrent pour établir les défenses du site. Ils allaient résister aux wraiths, coute que coute…
Base Vauban de l’armée française, au PC du contingent
— Colonel Demont, je vous le dis, les dires de cette petite étaient suffisamment précis et
graves pour être pris en compte.
Le colonel semblait partagé. Il avait du mal à donner du crédit au récit d’Hortense Riveron.
Pas plus lui que les commandant Moretti, Hardy et le colonel Marin. Comment, une jeune fille
pourrait être au courant d’évènements se passant sur une autre planète. Mais il ne pouvait ignorer
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qu’elle n’était pas totalement humaine et que son sang wraith la rendait unique. De plus, les trois
dernières tentatives pour contacter le site SPARC s’étaient soldées par des échecs. Les opérateurs
avaient décelé des parasites, synonyme de phénomènes météorologiques. Rien n’indiquait un
quelconque danger. Pourtant la prudence était de mise depuis les derniers évènements. Lionel Demont
prit alors la décision de jouer la sécurité.
— Bon, sincèrement j’ai du mal à vous croire, mademoiselle Riveron. Mais on m’a
expressément demandé d’être attentif à tout élément pouvant mettre en danger notre sécurité. François,
dit-il au colonel Marin, prépare un drone Sperwer, je veux une reconnaissance du camp de base
SPARC.
— Tu es sûr Lionel ? Attendons quelques heures. À la levée du jour, nous enverrons une
patrouille.
— François, exécute !
— Bien mon colonel, j’y vais de ce pas, répondit Marin, résigné et pas totalement convaincu.
— Commandants Moretti et Hardy mettez en alerte une force de réaction blindée rapide. Vous
pouvez provisionner de l’essence pour l’occasion. Limitez-vous à quelques blindés légers. Vous
pouvez disposer. Nous serons bientôt fixés, mademoiselle Riveron. Et j’espère que vous aurez tort…
Planète SPARC, au centre du campement de base
Les wraiths avaient enfin décidé de passer à l’attaque. Les cris se faisaient plus menaçants que
jamais. Les monstres s’étaient rapprochés jusqu’aux limites du camp. Au centre de celui-ci, les
humains s’étaient regroupés. Damien toujours sur sa civière était affublé d’un masque à oxygène.
Karmen se trouvait à ses côtés. Les deux Français étaient au centre du dispositif, car ils étaient les plus
vulnérables. Venait ensuite l’ensemble du groupe, disposé en cercle. Chacun était espacé de plusieurs
bons mètres et orienté vers l’extérieur. De fait il n’y avait aucun angle mort. Le petit commando était
prêt à délivrer une pluie de balle sur leurs adversaires. On avait ramené des sacs de sable, des
mitrailleuses et tout un stock de munitions. Mais tout le monde savait qu’ils ne pouvaient vaincre les
wraiths. Ces derniers avaient considérablement augmenté leur force physique en dévorant la quasitotalité de l’expédition humaine sur la planète. L’objectif était de les repousser jusqu’au lever du jour.
Après quoi une sortie en véhicule serait tentée.
Les lumières du camp étant éteintes, c’est avec les lampes de leurs armes que les soldats
balayaient l’horizon, cherchant le moindre agresseur. L’aspirant Berson crut apercevoir une forme en
mouvement au loin, mais se retrouva paralysé au moment de parler. Il perdit de la force et s’écroula
sur le sol. Les autres soldats, qui étaient tous accroupis, commencèrent à ressentir la même gêne. Une
sensation d’ivresse leur faisait tourner la tête. Ils perdirent vite tous leurs moyens. Les plus résistants
restant conscients un peu plus longtemps que les autres. Le commandant n’eut même pas la force de
comprendre ce qu’il lui arrivait qu’il tombât lui aussi au sol. Il était le dernier. Les terriens étaient tous
allongés sur le sol, à moitié conscient, mais complètement paralysé. Ils luttaient tous dans leur tête
pour rester conscients, en vain.
C’est alors que les wraiths se mirent à s’approcher des humains. Ils étaient disposés en cercle
tout autour du terre-plein central ou s’étaient barricadés les militaires français. Cet espace était entouré
d’une série de digues à bonne distance censées à la base contenir des rejets de pétrole en cas de fuite
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dans l’installation. Varrault avait choisi cet endroit à découvert afin d’avoir une ligne de mire dégagée
sur les agresseurs. Pour Antoine, cela ressemblait quand même drôlement à DÐiêện Biên Phuủ.
D’autant plus qu’ils étaient maintenant encerclés et totalement incapables de se défendre. Les
assaillants, une cinquantaine de wraiths sur vitaminés commencèrent leur marche en avant,
progressivement, continuant à crier pour effrayer un adversaire qui ne les entendait même plus. En
effet, les wraiths, de concert, utilisaient une technique de chasse en meute redoutable. Grâce à leur
faculté mentale hors du commun, ils arrivaient à paralyser les humains. C’est de cette même façon
qu’ils avaient triomphé de leurs précédentes victimes. Et rien ne semblait pouvoir les mettre KO. Pas
même un objet volant dans le ciel qu’ils ne distinguaient pas, mais qui les distinguait très clairement.
Au même moment, Antoine était plongé dans les pensées que lui faisaient subir les wraiths.
Les plus grandes peurs de l’aviateur ressurgissaient, mêlées, dans son esprit. Il rêvait tour à tour
d’holocauste nucléaire, de noyade, d’abandon, de disparition, autant de chose qui le terrifiait
inconsciemment d’habitude. Mais à l’inverse des autres qui étaient complètement victime de ces
hallucinations, Antoine se mit à entendre une voix. D’abord sourde et distante. Mais régulière. Une
voix douce et familière. Elle s’accompagna vite d’un visage totalement flou dont il ne discernait que
les contours. Malgré cette incapacité à reconnaitre ce visage, Antoine avait l’impression de l’avoir
toujours connu. C’était le visage d’une femme, blonde et protectrice. Il ne s’en rendait pas compte,
mais sa subjugation pour ce visage le détournait des parasites wraiths. Si bien qu’il reprit légèrement
connaissance et retrouva l’usage de ses doigts. Il regarda autour de lui et vu Varrault, à quelques
mètres de lui, prostré sur le sol. Il tenait un objet dans sa main. Antoine savait de quoi il s’agissait et sa
pensée devint claire sur ce qu’il devait entreprendre. Toujours affaibli, il commença à ramper sur le sol
en direction du commandant. Puis se releva en titubant pour venir tomber en avant juste à proximité de
son supérieur. Le lieutenant observa Varrault, ce dernier avait dans sa main la commande des
explosifs, mais ne pouvaient l’enclencher, l’œil hagard. Antoine prit le détonateur et appuya de toutes
ses forces.
Une gigantesque explosion frappa tout le complexe. Un incendie, propagé par du carburant
soigneusement disposé, formait maintenant une haie de feu le long des digues entourant le petit groupe
et l’éclairait par la même occasion. Grâce à ce piège dont avait eu l’idée Florent Bodinier, une
trentaine de wraiths périrent dans les flammes. De fait, le contrôle mental des monstres sur les
humains fut totalement déréglé. Et presque instantanément, les militaires reprirent le contrôle de leur
esprit et de leur corps. Voyant les wraiths survivants courir dans leur direction, ils n’attendirent pas le
feu vert du commandant Varrault pour ouvrir le feu. Les premiers wraiths furent fauchés par la force
des projectiles des armes à feu. Mais plusieurs des monstres arrivèrent à rejoindre leurs proies.
S’engagea alors un combat au corps à corps désordonné.
Guichard avait ordonné aux hommes de troupe de se replier encore plus au centre pour
défendre Karmen, bien seule contre les wraiths. Tout le monde n’entendit pas cet ordre. Kanbeï était
seul, entouré de quatre wraiths. Il n’avait pas eu le temps de recharger son fusil d’assaut. Mais quitte à
mourir, il préférait le faire à sa façon. Il avait sorti ses deux katana, qu’is faisait tournoyés avec ses
deux mains. À la fois poussé par l’adrénaline de la survie et l’excitation d’un vrai combat de samouraï,
il tenait la dragée haute à ses adversaires. Antoine l’observa de loin décapiter un guerrier qui avait mis
un genou à terre.
Le pilote de chasse aussi n’avait pas entendu l’appel du lieutenant Guichard. Et même si cela
avait été le cas, il n’aurait pu le rejoindre. Il était dépassé par les combats. La fumée qui s’engouffrait
dans ses poumons le gênait considérablement. Soudain, alors qu’il se retournait, il vu un wraith se
jeter sur lui. Il redressa trop tard son arme, le wraith le plaqua au sol. Il ne pouvait appuyer sur la
gâchette de son fusil d’assaut de peur de se blesser lui-même. Il tentait de se débattre, mais sans
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succès. Son agresseur se redressa en hauteur et leva sa main droite en l’air. Tout d’un coup, Il vu une
forme se projeter sur le wraith et l’envoyer valser sur le côté. C’était Varrault qui venait de le plaquer.
Le commandant brandit un couteau de combat et l’enfonça profondément dans le cou de son agresseur
à l’endroit idéal pour le tuer sur le coup. Une fois sûr de la mort du guerrier, le commandant croisa le
regard du lieutenant Estienne pour savoir s’il n’était pas blessé. Les deux s’échangèrent du regard un
remerciement mutuel teinté de respect. Après tout, ils étaient tous les deux venus à la rescousse de
l’autre.
Le combat avait déjà pris une autre tournure quand une mystérieuse lumière fit son apparition
d’un côté du camp. Une colonne de véhicules fit son apparition. Elle traversa l’incendie à un endroit
où il était plus faible. Puis les véhicules se mirent ligne et continuèrent leur route pour venir faire
barrage entre les humains à bout de force et les wraiths. Il s’agissait de VAB envoyés par la base
Vauban. Grâce à la puissance de feu des mitrailleuses des blindés et du détachement de légionnaires
qui l’accompagnait, les créatures originaires de la galaxie de Pégase purent être neutralisées très
rapidement.
— Commandant Varrault, vous allez bien, demanda le commandant Moretti ? Venu à sa
rencontre.
— J’ai un blessé grave à évacuer. Le reste de mon groupe à l’air OK. On peut remercier
Estienne sur ce coup.
— Et le reste du détachement ? demanda le commandant Hardy qui venait de sauter du toit
d’un blindé.
Le commandant ne répondit pas. Il fit juste un signe évocateur avec sa main au niveau de sa
pomme d’Adam. Cette prospection s’était montrée encore plus désastreuse que l’attaque des Castel
Fortins. Il était temps de rentrer, le goût amer, pour panser ses plaies…
Village Raw'Shanock, P2M-634, galaxie de Pégase, moulin de Dito Vilgoran
Une tournée de farine venait d'être terminée. Le meunier Vilgoran s'était occupé de changer
les sacs, remplaçant les sacs pleins par des sacs vides en dessous du tamis à farine. Il était maintenant
libre de faire ce qu'il souhaitait. Son outil de travail travaillait seul. Il ne lui restait plus qu'à attendre la
fin du meulage pour transvaser la mixture de farine et de poussière sur le tamis qui les départagerait. Il
avait devant une heure ou deux d'inactivité.
Il en profita donc pour monter au dernier étage de son moulin. Là il rejoignit un petit espace
disposant d'une table en bois donnant sur une fenêtre ouverte. À cette hauteur, il surplombait le sol
d'une quinzaine de mètres. Hauteur à laquelle il fallait rajouter celle de la petite butte sur laquelle se
trouvait son édifice. De cette petite pièce, il avait une vue lointaine et dégagée sur les abords du
village. Sa vision portait jusqu'à la porte des étoiles. Quelques kilomètres à l'horizon.
Il s'assied sur un tabouret et attrapa un carnet soigneusement rangé à côté d'un tas de
paperasse. Il prit un crayon de bois et commença la rédaction d'une lettre. Elle était destinée à son fils,
Naro Vilgoran. C'était sa seule famille et malheureusement pour lui, son fils s'était engagé dans le
commerce. Il ne vivait pas à Raw'Shanock. Et il passait la plupart de son temps en voyage d'affaires à
travers le réseau de la porte des étoiles. À la recherche de nouveaux débouchés commerciaux dans ces
temps difficiles. Seulement le fils n'avait pas oublié son vieux père. Il passait chaque semaine à heures
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fixes pour venir prendre de ses nouvelles. Il ne restait jamais bien longtemps, aussi Dito aimait lui
écrire des lettres pour qu'il les lise chez lui, loin de toute agitation. Dans ses lettres, Dito se plaisait à
raconter la vie du village, les allées et venues, les histoires de mœurs, tout ce qui intéressait son fils,
resté malgré tout très proche de son monde natal.
Dito eut fini de mettre sur papier ses dernières impressions. Il avait passé, sans s'en rendre
compte, une bonne heure à écrire. Il refermât son calepin et le rangea. Puis il s'en alla vaquer à ses
occupations de meunier. Le cœur léger. Il le savait, son fils viendrait bientôt.
La suite à suivre dans le chapitre 8 du Tome II de Stargate: l'odyssée de la Terre ...
Pour toutes remarques ou commentaires,
n'hésitez pas à laisser un mot sur le topic de la fan fiction
présente sur le forum Stargate Fusion !
http://www.stargate-fusion.com/forum-stargate/fan-fiction/fanfic-stargate-odyssee-terre-t19721_1.html
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A bientôt sur Stargate Fusion …
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