ELVIS PRESLEY
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ELVIS PRESLEY
ELVIS PRESLEY EN 78 TOURS & EN LIVRE Le 14 janvier 1968, Elvis Presley part pour Nashville où il demande à Scotty Moore de transférer sur bande vingt-six 78 tours de sa collection. Cet inventaire nous éclaire sur les influences qui ont forgé cet artiste inoubliable, un des plus grands que la terre ait porté. De son côté, Peter Guralnick est un des meilleurs historiens ayant travaillé sur la carrière du King avec sa biographie en deux parties. Après le premier tome, « Last Train To Memphis », sur les années 1935-58, la suite arrive enfin en édition française, toujours au Castor Astral. JBM vous propose ici une interview de Peter Guralnick par Trevor Cajiao, l’éditeur de la revue Elvis The Man And His Music et du men suel anglais Now Dig This. LA COLLECTION DU KING vec les innombrables évocations du King, notamment pour les 30 ans de sa mort, on a vu un agglomérat d’évocations historiques et parfois de supputations plus ou moins hasardeuses concernant ses influences musicales. Peter Guralnick est sans doute le biographe qui a été le plus rigoureux dans sa recherche de la vie et de la carrière d’Elvis Presley. Mais lors de l’écriture de sa bio magistrale, il ne semble pas avoir eu accès à une source d’information exceptionnelle que JBM traite ici. Elle est basée sur un article de Trevor Cajiao paru dans Now Dig This d’août 1999 et rendu possible grâce à la collaboration de Scotty Moore. ELVIS FAN Fait rare, le titre de ce paragraphe ne se réfère pas à un fan d’Elvis... mais tout simplement à Elvis Presley, grand amateur de musique lui-même devant l’Eternel ! Le 14 janvier 1968, Elvis part pour Nashville où il va enregistrer, notamment, son futur tube « U.S. Male » de Jerry Reed. A Nashville, son vieux pote Scotty Moore s’occupe d’un studio depuis bientôt dix ans. Elvis emballe dans l’édition du jour du Commercial Appeal vingt-six 78 tours de sa collection et demande à Scotty de les transférer sur bande, ce qui est fait – avec une facture dûment honorée par Presley pour ce travail. En juin, Scotty et Elvis se voient pour la dernière fois ; pour l’enregistrement du show TV de la NBC qui va marquer la résurrection artistique de celui dont l’étoile avait un peu pâli, qu’on le veuille ou non. Pour la petite histoire, Elvis n’avait pas l’âme d’un collectionneur de disques passionné, ou il a été distrait, car il n’a jamais réclamé ses précieuses pièces à Scotty, qui les possède probablement encore ! On ne saura jamais pourquoi Elvis avait choisi les vingt-six 78 tours qui suivent plutôt que d’autres. Certains artistes qu’il vénérait ne figurent pas dans cette liste, d’Arthur Crudup à Dean Martin. Mais, en 1968, il reste suffisamment attaché à ces œuvres vieilles alors de plus de vingt ans pour souhaiter les écouter dans des conditions up to date. Pour nous, amoureux d’Elvis et du rock’n’roll, cet inventaire, loin de fantaisistes spéculations, nous éclaire sur certaines des influences qui ont forgé cet artiste absolument inoubliable, star, sex-symbol et icône de toute une jeunesse. JOE TURNER TURNER 1956 - Corrine, Corrina/ Boogie Woogie Country Girl. Atlantic 1008 C’est la deuxième version de ce classique par Joe Turner, qui l’a déjà enregistré au début des années 40. La face B est un rock’n’roll torride co-écrit par Doc Pomus, avant son partenariat avec Mort Shuman. « Corrine, Corrina » remonte à 1927 par Bo Carter, qui en a écrit le texte. L’air est plus ancien. Bo Carter le réenregistrera un peu plus tard avec d’autres paroles, avec Charlie McCoy ! Cela donne « The Northern Starvers Are Returning Home». Les reprises de « Corrine Corrina » sont nombreuses, de Cab Calloway à Bob Wills en passant par Bill Haley, Dean Martin jusqu’à Bob Dylan. Lorsqu’Elvis Presley explose à la télé nationale dans le Stage Show de janvier 1956, il interprète « Shake, Rattle And Roll » et « Flip, Flop And Fly », deux chefs-d’œuvre de ce géant du rhythm’n’blues, à la fois débonnaire et explosif, le grand Joe Turner. DOMINOES 1952 - That’s What You’re Doing To Me/ When The Swallows Come Back To Capistrano. Federal 12059 Le groupe comprend alors Clyde McPhatter, un des plus grands vocalistes de la musique noire. « That’s What You’re Doing To Me » est du très bon R&B primitif sauvage tandis que « When The Swallows Come Back To Capistrano » est une ballade due à Leon Rene (1940), avec des versions initiales des Ink Spots et de Glenn Miller. Elvis l’a enregistrée à titre personnel en 1966. On peut noter qu’il possédait un autre 78 tours des Dominoes, « Pedal Pushin’ Papa »/« The Bells » (Federal 12114). Lorsque Clyde McPhatter officie avec les Drifters, il génère un classique avec le sensationnel « Money Honey », immortalisé également par Elvis Presley. IVORY IVORY JOE JOE HUNTER HUNTER 1950 - It’s A Sin/ Don’t You Believe Her. MGM 10818 Un des nombreux cas de titre blanc repris par un Noir. Eddy Arnold (poulain du Colonel Parker avant Elvis) crée « It’s A Sin » en 1947 sur RCA ! Mais c’est la version d’Ivory Joe Hunter, un des chouchous du King, qui est celle de référence avec des intonations qui inspireront sa propre reprise de 1961. Pas moins de cinq compositions de Hunter ont été inscrites au répertoire de Presley : «I Need You So», «My Wish Came True», «Ain’t That Loving You Baby » (co-écrite avec Clyde Otis), « It’s Still Here » et « I Will Be True ». Ivory Joe Hunter a aussi chanté « I’ll Take You Home Kathleen » qui a enfanté la version d’Elvis. ROY BROWN & HIS MIGHTY, MIGHTY MEN 1953 - Hurry, Hurry Baby/ Travelin’ Man. King 4602 Un couplage classique : un jump-blues enlevé et un blues traditionnel. Le nom du groupe est une allusion à « Good Rockin’ Tonight » du même Roy Brown, devenu un classique des débuts du Hillbilly cat chez Sun. Roy Brown fait partie des artistes noirs qui furent bien traités par Presley, et qui a toujours affirmé qu’Elvis était tout sauf un raciste. De Roy à James Brown, le King a eu d’illustres amis artistes noirs ! FATS DOMINO 1956 - Blueberry Hill/ Honey Chile. Imperial 5407 Fats Domino aussi était très aimé et même admiré par Elvis Presley qui a repris son plus gros tube, « Blueberry Hill », en janvier 1957. C’est un exemple de plus d’un morceau blanc à l’origine, du cow-boy chantant Gene Autry (1940), interprété, avant Fats et Elvis, par Glenn Miller, Louis Armstrong ou Steve Gibson & The Red Caps. Lors d’un concert de février 1977, alors qu’il n’était plus au mieux de sa forme, Elvis remplace son pianiste pour livrer une introduction pianistique dans le plus pur style roulant de la Nouvelle-Orléans ! Fats – qu’Elvis et son entourage sont souvent allés voir à Las Vegas dans les années 60 – a déclaré avoir apprécié Presley dès son deuxième disque RCA. Donc, s’il ne se trompe pas dans ses souvenirs, il s’agit du sublime «I Want You, I Need You, I Love You». CRICKETS CRICKETS 1953 - You’re Mine/ Milk And Gin. MGM 11428 Si les Crickets et surtout Buddy Holly ont démarré leur carrière, comme tant d’autres, en découvrant le Hillbilly cat pas encore star, ces Crickets-ci sont un groupe noir, ce qui a engendré parfois des confusions entre les deux formations ! Grover Dean Barlow les a fondés en 1951, dans la foulée des premiers groupes de R&B vocal (ce qu’on a appelé plus tard doo-wop): Ravens, Orioles, Swallows... Une ballade et du rhythm’n’blues assez doux dans la lignée de ces formations constituent leur premier simple, repiqué sur bande par Scotty Moore grâce à la volonté d’Elvis Presley. TOMMY TOMMY EDWARDS EDWARDS 1951 - It’s All In The Game/ All Over Again. MGM 11035 Un immense tube en 1958... mais déjà en 1951 dans une première version avec une orchestration somptueuse, qui contraste avec celle de 1958, plus intimiste et sensible. « It’s All In The Game » a été écrit par... le futur vice-président 7