Pathologie des tendons du pied et de la cheville

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Pathologie des tendons du pied et de la cheville
M
ise au point
Pied
Pathologie des tendons
du pied et de la cheville
Les tendons fibulaires
Guillaume Rougereau
Paris
Heckman DS, Gluck GS, Parekh SG
Tendon disorders of the foot and ankle, Part 1. Peroneal tendon disorders.
Am J Sports Med 2009 ; 37 : 614-25.
sion de la cheville. Typiquement, le traitement non
opératoire associant kinésithérapie, anti-inflammatoires
non stéroïdiens et immobilisation est efficace. En l’absence de traitement, ces lésions des tendons fibulaires
peuvent aboutir à une douleur persistante latérale de la
cheville et des problèmes fonctionnels.
Les pathologies des tendons fibulaires sont une source
inhabituelle et sous-évaluée des douleurs latérales de l’arrière-pied et le dysfonctionnement des fibulaires peut être
délicate à distinguer des suites post-traumatiques des ligaments latéraux de la cheville. Quand elles ne sont pas
traitées, les lésions des tendons fibulaires peuvent
entraîner une douleur persistante, latérale de la cheville et
des problèmes fonctionnels importants. Les recommandations de traitement pour ces pathologies sont trop souvent
fondées sur des séries courtes et ne reflètent que l’avis d’un
expert. Les objectifs de cette revue sont de développer
l’anatomie, le diagnostic et l’évaluation morphologique
des tendons fibulaires et de présenter les options de traitement actuel ainsi que les techniques chirurgicales sélectionnées par les auteurs, pour ce qui concerne la prise en
charge opératoire des lésions des tendons fibulaires.
Anatomie
Les muscles long et court fibulaires appartiennent au
compartiment latéral de la jambe et sont innervés par le
nerf fibulaire superficiel. Les deux tendons ont une gaine
synoviale commune, située à environ 4 cm en proximal de
la pointe de la malléole latérale. Ils passent en arrière de la
malléole latérale dans un tunnel fibreux et osseux, la
longue portion se situant en postéro-latéral par rapport à la
courte. Cette gouttière ostéofibreuse est formée en postérolatéral par le rétinaculum fibulaire supérieur, la fibula en
avant, et en dedans les ligaments talofibulaires postérieurs,
calcanéofibulaire et le ligament tibiofibulaire postéro-inférieur. Le sulcus est recouvert de fibrocartilage et sa profondeur ainsi que sa forme sont variables. Le rétinaculum
fibulaire supérieur est constitué d’une bande de tissu fibreux
large de 1 à 2 cm dont la lésion entraîne une subluxation
des tendons fibulaires de la cheville (cf. figure 1).
Plus en distal, la gaine tendineuse se divise en deux au
niveau du tubercule des fibulaires à la face latérale du
calcanéus. Les tendons passent ensuite sous le rétinaculum fibulaire inférieur, 2 à 3 cm sous la pointe de la
malléole. Le tendon du court fibulaire continue directement vers son insertion sur la tubérosité du cinquième
métatarsien. Le tendon du long fibulaire tourne en
interne entre la gouttière du cuboïde et le long ligament
Présentation générale
Il y a trois catégories de lésion des tendons fibulaires : (1)
ténopathies et ténosynovites, (2) subluxations et luxations, (3) fissures et ruptures tendineuses. Ces lésions sont
peu fréquentes, sous-estimées dans les sources de douleur
latérale et de dysfonctionnements de l’arrière-pied, et
il peut être difficile de les distinguer des lésions du plan
capsulaire latéral. Dans l’étude de M.F. Dombek et al. (1),
seulement 60 %, 24/40 lésions des tendons fibulaires, ont
été diagnostiquées lors de la première évaluation clinique.
Ces lésions des tendons fibulaires sont fréquemment
rencontrées chez des patients porteurs d’une instabilité
chronique latérale de cheville ou d’un pied creux varus.
Habituellement, elles résultent d’activités sportives
prolongées et répétitives avec des traumatismes en inver-
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A
B
TLF
Fibula
Tendon
long fibulaire
RFS
Tendon
court fibulaire
Bourrelet
fibreux
TLF
TCF
RFS
Rétinaculum
fibulaire supérieur
TCF
Figure 1 – Face latérale (A) et coupe horizontale (B) de la face latérale de la cheville et de la gouttière rétro-malléolaire.
plantaire, s’insérant à la face plantaire de la base du
premier métatarsien et sur la face latérale du cunéiforme
médial. L’os peroneum se trouve dans le tendon du long
fibulaire à hauteur de l’articulation calcanéocuboïdienne.
Cet os peroneum est ossifié dans environ 20 % de la population bien qu’il ne soit pas nécessairement reconnu sur
les radiographies standard.
Les tendons fibulaires reçoivent leur vascularisation à
partir de vincula provenant de l’artère fibulaire postérieure et de l’artère tarsienne médiale. Certaines études
ont proposé l’hypothèse de zones avasculaires pouvant
expliquer les tendinopathies. W. Petersen et al. (2) ont
décrit trois zones avasculaires : une dans le tendon du
court fibulaire en arrière de la malléole latérale et deux au
niveau du tendon du long fibulaire. La première zone est
au niveau du passage à l’aplomb de la pointe de la
malléole latérale, la seconde dans la gouttière du cuboïde.
Ces zones avasculaires correspondent aux localisations les
plus fréquentes des tendinopathies fibulaires (2). Mais
cette hypothèse de zones de fragilité vasculaire a été
réfutée par de nombreux auteurs (3), la microvascularisation des tendons fibulaires restant toujours un sujet de
controverses.
De nombreuses variations anatomiques vont aussi prédisposer à ces pathologies. Une gouttière rétro-malléolaire
trop étroite ou trop plate pourra affecter la stabilité des
tendons fibulaires, pouvant entraîner une subluxation
tendineuse. Un corps musculaire trop distal du court fibulaire ou la présence d’un quatrième fibulaire, muscle
accessoire, peuvent entraîner une sténose de la gouttière
rétro-malléolaire avec une distension du rétinaculum
supérieur et un risque supérieur de lésions tendineuses.
L’hypertrophie du tubercule des fibulaires augmente les
contraintes mécaniques sur les tendons, pouvant
entraîner une ténopathie et une réduction du glissement
normal des tendons dans leur gaine. Un arrière-pied en
varus augmente aussi le stress mécanique sur les tendons
fibulaires au niveau de la malléole latérale, du tubercule
calcanéen, de la gouttière cuboïdienne, ainsi que le risque
de traumatismes sur ses tendons.
Ténopathies des tendons fibulaires
et syndrome de l’os peroneum douloureux
Les tendinopathies et les ténosynovites fibulaires sont des
lésions inflammatoires du tendon ou de la gaine. Elles
sont souvent entraînées par l’activité prolongée et répétitive, particulièrement après une période de relative inactivité. Ces lésions sont fréquemment rencontrées chez les
coureurs, les danseurs de ballet et chez les patients avec
une instabilité chronique latérale de la cheville. Les autres
causes sont des entorses sévères de la cheville, des fractures de la cheville ou du calcanéus, ou une hypertrophie
du tubercule des fibulaires.
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ise au point
Le traitement des ténopathies fibulaires et du syndrome de
l’os peroneum douloureux doit être initialement non opératoire. Dans les cas réfractaires, le traitement opératoire
associe le débridement des tendons et une ténosynovectomie. Il est impératif de corriger les lésions anatomiques
ou biomécaniques associées. Le traitement chirurgical du
syndrome de l’os peroneum douloureux est l’excision
de ce dernier et la résection du tubercule hypertrophique
s’il existe, avec une réparation primaire tendineuse ou une
ténodèse du tendon du long fibulaire. Malheureusement,
les recommandations thérapeutiques sont fondées sur des
cas cliniques et sur des avis personnels.
Le syndrome de l’os peroneum douloureux (SOPD) a été
décrit par M. Sobel et al. (4) pour décrire un ensemble de
conditions post-traumatiques au niveau des tendons fibulaires. Le syndrome regroupe une des situations suivantes :
(1) fracture de l’os peroneum ou bien un diastasis d’un
os peroneum multipartite, (2) une fracture chronique de
l’os peroneum associée à une ténosynovite sténosante du
long fibulaire, (3) une rupture partielle ou complète du
tendon du long fibulaire proche de l’os peroneum ou, (4)
un blocage des tendons du long fibulaire et de l’os peroneum par un tubercule hypertrophié.
Les patients porteurs d’une ténopathie fibulaire ont une
douleur en arrière et en dessous de la malléole latérale le
long des tendons avec une exacerbation de la douleur en
inversion passive de l’arrière-pied, cheville en flexion
plantaire, ou bien en éversion active contre résistance,
cheville en flexion dorsale. L’examen révèle une douleur et
la palpation peut retrouver un épaississement des tendons.
Il s’agit d’une ténopathie inflammatoire en cas de gonflement et de chaleur en regard des tendons fibulaires. Les
axes de l’arrière- et de l’avant-pied vont être examinés car,
comme nous l’avons noté plus haut, un pied creux varus a
plus de risque d’entraîner une pathologie au niveau des
fibulaires. Le test de Coleman est utile pour déterminer le
mal alignement primaire de ce pied creux varus. Si les
déformations de l’arrière-pied se corrigent avec le test de
Coleman, la déformation est causée par un dysfonctionnement de l’avant-pied, typiquement un premier rayon en
flexion plantaire. Si l’arrière-pied ne se corrige pas lors du
test, il faudra alors le corriger à son niveau.
Les radiographies en charge de la cheville et du pied pourront révéler des lésions osseuses qui peuvent être associées
aux ténopathies fibulaires, ou bien des diagnostics différentiels pouvant expliquer des douleurs latérales de la
cheville du pied comme la fracture du calcanéus, de la
malléole latérale, ou la présence d’un os peroneum.
L’hypertrophie du tubercule des fibulaires ou bien une
anomalie de la surface osseuse de la gouttière rétromalléolaire sont identifiées sur des incidences de Harris.
L’imagerie de l’arrière-pied est utile pour mesurer le varus,
facteur prédisposant aux ténopathies, ainsi que pour le
traitement du varus lui-même. L’IRM est la méthode standard pour évaluer les pathologies tendineuses. Les images
en IRM peuvent montrer un épanchement dans la gaine
des fibulaires ou un épaississement des tendons.
L’échographie des tendons fibulaires est de plus en plus
utilisée : son coût est peu élevé, elle est non invasive et
n’entraîne pas d’exposition des patients aux radiations
ionisantes, mais elle est opérateur-dépendant. La présence
de liquide dans la gaine et les lésions des tendons sont
facilement évaluées par l’échographie.
Préférence des auteurs
pour la ténopathie fibulaire
Les patients présentant une ténopathie des fibulaires sont
traités initialement de manière conservatrice. Cela inclut
les AINS, la mise en place d’attelles, la kinésithérapie et
une possible mise au repos par immobilisation. La rééducation doit associer des étirements et des exercices de renforcement musculaire, un travail proprioceptif ainsi que des
massages, des ultrasons, des stimulations électriques et,
éventuellement, des ionophorèses. Lors des poussées
douloureuses, une immobilisation plus ou moins stricte
dans une botte en appui permet de contrôler l’inflammation. Quand la douleur régresse, la rééducation reprend.
Après trois à six mois de traitement conservateur, en l’absence d’amélioration clinique, les auteurs proposent une
ténosynovectomie. Le patient est installé sur la table
d’opération à plat, un coussin sous la hanche ipsilatérale
pour dégager la partie postéro-latérale de la cheville. Le
garrot est placé à la cuisse. L’incision est curviligne de la
base du cinquième métatarsien à la pointe de la malléole
latérale, avec une extension proximale à la face postérieure de la fibula si nécessaire. Le nerf sural est recherché
à la partie distale de l’incision et protégé.
La gaine des tendons est incisée, les deux tendons sont
explorés. Les zones de sténose de la gaine doivent être
excisées. Les parties dégénératives des tendons ou les
fissures sont excisées et réparées (utilisant une technique
de tubularisation). La gaine n’est pas refermée pour éviter
des phénomènes de sténoses cicatricielles. Le rétinaculum
doit être méticuleusement réparé pour éviter une subluxation de tendons. Les tissus sous-cutanés sont fermés à
l’aide de sutures résorbables, la peau avec des agrafes. La
cheville est fixée dans une attelle en légère éversion pour
contrôler l’œdème.
En postopératoire, les patients n’ont pas l’appui. Au bout
de deux semaines, les agrafes sont retirées, l’appui est
repris avec une botte de marche. La mobilisation de la
cheville et des étirements sont commencés deux à quatre
semaines après l’intervention.
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souvent associé à un traumatisme ou à une fragilisation du
rétinaculum. Le mécanisme le plus fréquent est celui
d’une contraction soudaine, réflexe des muscles fibulaires
au cours d’un mécanisme d’inversion de la cheville en
flexion dorsale, ou bien d’une dorsiflexion forcée pied en
éversion. La subluxation des tendons fibulaires se
rencontre au cours de sports avec des changements de
direction, comme le football ou le ski.
Les patients porteurs d’une subluxation du tendon fibulaire décrivent une douleur en arrière de la fibula, audessus de l’interligne articulaire et peuvent avoir
occasionnellement une sensation douloureuse de subluxation à la partie latérale de la cheville. L’examen clinique
peut se faire sur un patient allongé sur le ventre, le genou
plié à 90°. La dorsiflexion active ainsi que l’éversion,
comme les mouvements de circumduction, entraînent
une instabilité douloureuse. L’instabilité tendineuse peut
se retrouver au cours de ces manœuvres. On peut aussi
retrouver un gonflement, une tension et une ecchymose
en arrière de la malléole latérale dans les cas post-traumatiques vus précocement. La force des tendons fibulaires est
habituellement normale. Un tiroir antérieur ou un ballottement talien peuvent indiquer une instabilité latérale
associée.
Les radiographies de la cheville peuvent montrer une
petite fracture par avulsion de la malléole latérale. Cela
indique une lésion de grade III du rétinaculum.
L’arrachement osseux est pathognomonique d’une luxation aiguë des tendons fibulaires. L’IRM offre une très
bonne visualisation des traumatismes du rétinaculum des
fibulaires, ainsi que de la morphologie de la gouttière
rétro-malléolaire. Les tendons en position de luxation
peuvent être vus sur l’IRM, cheville en dorsiflexion.
L’échographie dynamique en haute résolution donne une
imagerie en temps réel et permet le diagnostic d’une
subluxation épisodique, qui aurait pu être manquée par
l’IRM.
Le traitement conservateur peut être essayé pour les luxations aiguës, mais il est associé à une fréquente récidive en
particulier chez les athlètes sujets à de fortes contraintes
sur ces tendons fibulaires. Il s’agit alors d’immobiliser dans
une botte le pied en position neutre ou en très légère
inversion, pour permettre la cicatrisation du rétinaculum
à la partie postéro-latérale de la fibula. Le traitement
chirurgical est plus souvent indiqué chez les patients actifs
ou porteurs d’une subluxation chronique.
Plusieurs techniques opératoires ont été utilisées pour
traiter les luxations et subluxations. La suture anatomique
du rétinaculum peut se faire par des tunnels transosseux
ou bien par des ancres. Ces techniques ont pour but de
réparer les structures qui stabilisent les tendons. Les
butées osseuses se font par une ostéotomie sagittale de la
Préférence des auteurs pour
le syndrome de l’os peroneum douloureux
Le traitement initial est conservateur. Il associe les AINS,
la mise en place d’attelles, la kinésithérapie et une mise au
repos par immobilisation. La rééducation doit associer des
étirements et des exercices de renforcement musculaire,
un travail proprioceptif ainsi que des massages, des ultrasons, des stimulations électriques et des ionophorèses.
Lors des poussées douloureuses, une immobilisation dans
une botte en appui permet de contrôler l’inflammation.
Quand la douleur régresse, la rééducation est reprise.
En cas d’échec du traitement médical conduit pendant
trois à six mois, il est proposé aux patients d’exciser l’os
peroneum. Le patient est installé sur la table d’opération à
plat, un coussin sous la hanche ipsilatérale pour dégager la
partie postéro-latérale de la cheville. Le garrot est placé à
la cuisse. L’incision est curviligne, de la base du cinquième
métatarsien à la pointe de la malléole latérale, avec une
extension proximale à la face postérieure de la fibula, si
nécessaire. Le nerf sural est recherché à la partie distale de
l’incision et protégé.
La gaine du long fibulaire est identifiée et ouverte. Le
tendon est suivi en distal jusqu’à la gouttière sous-cuboïdienne. L’os peroneum est identifié et celui-ci est retiré avec
précaution du tendon long fibulaire. Si le tendon est intact,
il peut être renforcé à l’aide de points de suture 2/0 non
résorbables. Si le tendon est fragilisé, il doit être réparé. On
peut utiliser la technique modifiée de Bunnell, Krackow ou
une tubularisation. Si plus de 50 % du tendon manque, une
ténodèse du long fibulaire sur le court peut être pratiquée.
Le segment proximal du long fibulaire est ténodésé sur le
court fibulaire utilisant des sutures non résorbables.
La gaine n’est pas refermée pour éviter des phénomènes
de sténoses cicatricielles. Les tissus sous-cutanés sont
fermés à l’aide de sutures résorbables, la peau avec des
agrafes. La cheville est fixée dans une attelle en légère
éversion pour contrôler l’œdème.
En postopératoire, les patients n’ont pas l’appui. Au bout
de deux semaines, les agrafes sont retirées, l’appui est
repris avec une botte de marche. La mobilisation de la
cheville est commencée deux à quatre semaines après l’intervention. Le renforcement musculaire est commencé
entre six et huit semaines après l’intervention et des activités sportives sont reprises après la fin de la rééducation.
Luxation et subluxation des tendons
fibulaires
La subluxation des tendons fibulaires survient quand un
ou les deux tendons sortent de la gouttière rétro-malléolaire, au cours d’une contraction musculaire. Cet état est
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En cas de lésion des tendons, ils seront réparés comme
cela est détaillé ci-après. En cas de fragilité du rétinaculum, ce dernier sera réparé comme spécifié plus haut, ou
bien réinséré dans la fibula par deux ou trois mini-ancres.
Puis vient la fermeture sous-cutanée et cutanée. Il est mis
en place une attelle en légère inversion afin de maintenir
les tendons dans cette gouttière nouvellement creusée.
En postopératoire, les patients n’ont pas d’appui. Les
sutures cutanées sont retirées à 15 jours et les patients
sont placés dans une botte de marche. La mobilisation
commence entre quatre et six semaines après l’intervention. Le renforcement musculaire est débuté entre six à
huit semaines postopératoires. L’activité sportive peut être
reprise à la fin de la rééducation.
fibula avec un déplacement postérieur du fragment latéral
pour empêcher, mécaniquement, le déplacement du
tendon. Néanmoins, il peut y avoir des pseudarthroses,
des conflits avec les tendons ou des adhérences. Les transferts locaux utilisant les tendons d’Achille, du plantaris,
du court fibulaire, ou bien un lambeau de périoste provenant de la fibula ont été utilisés pour renforcer un rétinaculum insuffisant ou abîmé. Les techniques de reroutage
des tendons ont été décrites dans lesquelles le ligament
calcanéo-fibulaire ou les tendons fibulaires sont divisés et
transposés sous ce ligament calcanéo-fibulaire pour éviter
une subluxation. Les techniques visant à approfondir la
gouttière rétro-malléolaire ont été utilisées pour traiter
une subluxation ou la luxation. Cependant, si la profondeur de la gouttière est insuffisante, le patient sera exposé
à un risque de subluxation. Malgré les nombreuses techniques proposées dans la littérature, aucune n’a encore fait
la preuve de son efficacité.
Lésion des tendons fibulaires
La plupart des lésions isolées des tendons fibulaires ou des
ruptures résultent de traumatismes aigus de la cheville en
inversion. Les lésions mécaniques d’usure des tendons
fibulaires peuvent survenir dans des conditions mécaniques telles que l’instabilité latérale de la cheville ou les
subluxations des tendons, le varus de l’arrière-pied, ou
certaines variations anatomiques qui sténosent la gouttière rétro-malléolaire. Les lésions du court fibulaire se
situent habituellement au niveau du sulcus rétro-malléolaire, indiquant l’origine probablement mécanique de ces
lésions. Les lésions du tendon du long fibulaire surviennent dans les régions où les contraintes en cisaillement
sont importantes comme le tunnel sous-cuboïdien, l’os
peroneum, le tubercule des fibulaires, ou à la pointe de la
malléole. Les lésions du long fibulaire peuvent être associées à un syndrome de l’os peroneum douloureux.
Cliniquement, les lésions des tendons sont typiquement
associées à une douleur sévère postéro-latérale de la
cheville avec un gonflement de la gaine des tendons. La
douleur peut se retrouver au niveau de la gouttière souscuboïdienne de même qu’à la plante du pied, dans les
lésions du long fibulaire. À l’examen, il existe un gonflement douloureux au niveau de la gaine des tendons, et
leur force se trouve diminuée. Une perte ou une limitation de la flexion plantaire du premier rayon peut aussi
indiquer une lésion du long fibulaire. Les lésions du court
fibulaire peuvent être testées de la manière suivante :
pression manuelle le long de la gaine au niveau de la gouttière rétro-malléolaire, genou fléchi à 90° et pied en
flexion plantaire, c’est le test de compression du tunnel
fibulaire.
Les radiographies du pied peuvent visualiser une migration
proximale ou une fracture de l’os peroneum, signant la
rupture du tendon du long fibulaire. Les fractures de la base
du cinquième métatarsien peuvent indiquer une avulsion
Préférence des auteurs pour
la subluxation/luxation des tendons fibulaires
Pour les sportifs, l’intervention est recommandée pour
optimiser les résultats. En cas de lésion unique du rétinaculum, celui-ci peut être réparé directement. Le patient
est installé comme précédemment avec un garrot.
L’incision est faite 1 cm en arrière de la fibula, remontant
de 5 cm en proximal et dépassant la pointe de la malléole
d’environ 2 cm. Une attention toute particulière doit être
apportée au respect du nerf sural, souvent retrouvé à la
partie distale de l’incision.
Le rétinaculum des fibulaires est identifié et incisé longitudinalement 1 cm en arrière de l’os. Celui-ci est avivé,
trois ou quatre trous de mèche sont réalisés et de latéral en
médial, dirigés vers l’arrière. Le rétinaculum est réinséré
en transosseux, éventuellement plicaturé à l’aide de fil
non résorbable. Les tissus sous-cutanés ainsi que la peau
sont fermés. Il est mis en place une attelle rembourrée en
légère éversion.
Si la gouttière rétro-malléolaire est trop plate, il conviendra
de la recreuser. La même installation est utilisée. L’incision,
de direction identique à celle vue précédemment, va de
part et d’autre de la pointe de la malléole, 3 cm en proximal
et 1 cm en distal. Le nerf sural est respecté à la partie distale
de l’incision. Le rétinaculum est identifié et incisé. S’il est
lésé, il sera réparé en fin d’intervention. Les tendons sont
identifiés et examinés à la recherche de fissures, de toute
autre anomalie, notamment musculaire. Le tendon du
court fibulaire est suivi au-delà de la pointe de la malléole
et écarté. La pointe de la malléole est vissée, sous contrôle
scopique et radiographique. Le méchage se fait sur 5 cm. La
gouttière est alors creusée à l’aide d’un chasse-greffon.
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entraîné les lésions des tendons fibulaires, soient corrigées
avec les tendons eux-mêmes.
du tendon du court fibulaire. L’anatomie des tendons fibulaires ainsi que les lésions seront visualisées par l’IRM.
Un tendon aplati peut signifier une fissure, en particulier
s’il s’y associe du liquide sur les images en T2. Une fissure
du court fibulaire peut apparaître sous forme d’une image
en C, d’un tendon séparé en deux parties, ou bien d’un
hyper-signal en T2. Une lésion du long fibulaire se manifestera comme une ligne ou une zone arrondie en augmentation de signal intratendineux, associée à une gaine
remplie de liquide, un œdème intra-osseux de la face latérale du calcanéus, ou bien une hypertrophie du tubercule
des fibulaires. Les petites fissures peuvent ne pas être visualisées sur l’IRM. Dans ces cas, l’examen clinique précis
emportera la décision diagnostique. Dans des mains entraînées, l’échographie est capable de détecter des fissures de
petite taille qui n’ont pas été visualisées sur l’IRM.
Le traitement conservateur des fissures des tendons fibulaires associe les AINS, la mise en place d’attelles, la kinésithérapie et une mise au repos par immobilisation. Mais,
les symptômes persistent fréquemment, en particulier
s’il existe une laxité chronique de la cheville, une
subluxation ancienne des tendons ou une déformation en
varus de l’arrière-pied.
Le traitement opératoire des lésions des tendons fibulaires
dépend de la sévérité de la lésion. J.O. Krause et
J.W. Brodsky (5) proposent que les lésions représentant
moins de 50 % de la surface du tendon soient traitées par
une excision de la fissure suivie d’une tubularisation, et
celles supérieures à 50 % par ténodèse. D. Redfern et
M. Myerson (6) ont développé un algorithme du traitement chirurgical des lésions des tendons fibulaires fondé
sur les découvertes peropératoires. Si les tendons sont
globalement intacts (type I), la fissure longitudinale est
excisée et le tendon tubularisé. Si un des tendons est irréparable et que le deuxième est fonctionnel (type II), une
ténodèse est réalisée entre les deux tendons à la partie
proximale de la rupture. Si les deux tendons sont non
fonctionnels (type III), alors une reconstruction est indiquée. Si la course tendineuse est suffisante et que la partie
proximale musculo-tendineuse n’est pas trop abîmée, la
réparation se fait en un temps avec une greffe tendineuse.
Pour les lésions anciennes avec un lit tendineux cicatriciel, un premier temps de reconstruction utilisant des tiges
de Hunter est nécessaire. En cas d’excursion tendineuse
minime, une greffe du tendon a peu de chances d’être efficace : il faudra alors réaliser un transfert tendineux. Le
long fléchisseur des orteils est utilisé car sa course et sa
force sont similaires à celles du court fibulaire. Des techniques utilisant le long fléchisseur de l’hallux ou le tendon
plantaris ont aussi été décrites. Là encore, il est impératif
que toutes les autres modifications pathologiques, qui ont
Préférence des auteurs pour les lésions
des tendons fibulaires
Les patients porteurs de lésions des tendons fibulaires
peuvent être traités médicalement au début. On associe
les AINS, les attelles, la rééducation et une possible
période d’immobilisation en cas de douleur, gonflement et
œdème. La kinésithérapie doit comprendre des étirements, du renforcement musculaire, du travail proprioceptif, ainsi que des massages, des ultrasons, de
l’électrostimulation. S’il est nécessaire d’immobiliser le
patient cela se fera dans une botte de marche, amovible
ou non, pour contrôler l’inflammation. Une fois que la
douleur disparaît, la rééducation peut être commencée.
Après une période de traitement conservateur de trois à
six mois sans amélioration, il est proposé un traitement
chirurgical. Le patient est installé sur la table d’opération
à plat, un coussin sous la hanche ipsilatérale pour dégager
la partie postéro-latérale de la cheville. Le garrot est placé
au niveau de la cuisse. L’incision est curviligne, de la base
du cinquième métatarsien à la pointe de la malléole latérale, avec une extension proximale à la face postérieure de
la fibula, si nécessaire. Le nerf sural, recherché à la partie
distale de l’incision, est protégé.
Le rétinaculum est incisé 5 mm en arrière de la fibula. Les
tendons fibulaires sont examinés en particulier sur leur
face profonde. Si le corps musculaire descend très bas ou
s’il existe un quatrième fibulaire, ses muscles sont excisés
ainsi que la réaction synoviale associée. Une fissure périphérique peut être réséquée. Une rupture inférieure à
50 % des tendons peut être traitée par un débridement et
tubularisation. La réparation est faite par une suture de
2/0 non résorbable. Si la rupture est plus importante, une
ténodèse est pratiquée entre la partie proximale et la
partie distale de court et du long fibulaire. Le tendon est
suturé à l’aide de 2/0 non résorbable. Il est important de
choisir le site de l’anastomose afin d’éviter une sténose ou
un impingement. Si le tendon est aplati, la tubularisation
au 2/0 non résorbable va rétablir son anatomie circulaire.
Le rétinaculum doit ensuite être méticuleusement réparé
pour éviter une subluxation des tendons. Après une
fermeture sous-cutanée et cutanée, il est mis en place une
attelle en légère inversion pour lutter contre l’œdème.
En postopératoire, les patients sont en non-mise en
charge. Les fils cutanés sont retirés à 15 jours, une
nouvelle botte est réalisée pour de nouvelles semelles sans
appui. La mobilisation de la cheville et les étirements sont
commencés quatre semaines après l’opération. Le sport
peut être repris à la fin de la rééducation.
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ise au point
rétro-malléolaire plate, un creusement est indiqué. Les
fissures des tendons fibulaires < 50 % peuvent être réparées
par un simple débridement alors que les lésions > 50 %
seront traitées par ténodèse entre les deux tendons fibulaires. Pour les lésions irréparables des deux tendons, une
reconstruction est indiquée. Il est très important que
toutes les anomalies anatomiques ou biomécaniques qui
ont prédisposé aux lésions de ces tendons soient réparées
au cours du même acte opératoire. Les techniques proposées dans cet article pour traiter les lésions des tendons
fibulaires sont fondées sur de courtes séries et des opinions
personnelles. Des études plus complètes sont donc nécessaires pour établir les preuves scientifiques des traitements
proposés de pathologies, sources de douleurs latérales de la
cheville chez les athlètes.
Conclusion
Les pathologies des tendons fibulaires sont une source
sous-estimée de douleur latérale de la cheville des sportifs.
La plupart des athlètes qui en sont atteints peuvent être
traités de façon conservatrice, avec des AINS, de la
rééducation, des attelles de stabilisation, éventuellement
une immobilisation. Le traitement chirurgical est réservé
à ceux chez qui le traitement conservateur a échoué après
une période de trois à six mois. Les ténopathies fibulaires
peuvent être traitées par ténosynovectomie, les
syndromes de l’os peroneum douloureux par excision de
l’os sésamoïde, suivie par une réparation primaire ou une
ténodèse du long fibulaire, si nécessaire. La subluxation
des tendons fibulaires chez les sportifs doit être opérée
avec une réparation du rétinaculum. En cas de gouttière
C’est un article très didactique et d’ailleurs un peu long, mais utile lors d’une recherche pour un cas rencontré dans sa
pratique quotidienne. Il s’agit de cas isolés et les séries longues font actuellement défaut. Le traitement est finalement
assez simple et donne de bons résultats. Il faut surtout reconnaître ces pathologies et ne pas hésiter à les opérer. L’IRM
n’est pas, à mon avis, le meilleur examen. C’est, bien sûr, celui que le chirurgien a le plus de facilité à relire.
L’échographie est plus performante. Notamment, elle permet un examen dynamique qui manque aux autres imageries.
Le scanner n’a pas été évoqué dans cet article bien qu’il soit l’examen de choix pour les lésions osseuses (évaluation
de la gouttière rétro-malléolaire et des tubercules des fibulaires).
Quelques points techniques : il est intéressant en effet de faire la différence entre la gaine synoviale et le rétinaculum.
La gaine excisée ne doit pas être réparée pour éviter les sténoses cicatricielles, mais le rétinaculum doit être soigneusement préparé pour éviter les subluxations. La ténoscopie des fibulaires à l’aide de deux voies ne peut être utilement
réalisée pour l’examen des tendons, pour la ténosynovectomie et le débridement d’une sténose qui est souvent sousévaluée notamment par l’IRM. Enfin, la fermeture par des points résorbables cutanés est moins invasive que les agrafes
qui sont plus profondes…
Références
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