LES ARTS LE PEINTRE,

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LES ARTS LE PEINTRE,
LES ARTS
LE PEINTRE,
FORMATION ET STATUT
Du Moyen Age au 18e siècle, la façon dont le peintre est considéré évolue peu : ce n’est guère plus
qu’un habile artisan, dont on va reconnaître peu à peu le droit à la création artistique. Sa
formation par contre sera la même pendant toute cette période. Ce n’est qu’au début du 19e s.
que notre conception de l’artiste (créateur solitaire, voire incompris, qui bouleverse l’histoire de
la peinture, dont l’exemple le plus célèbre est Van Gogh) apparaît.
LA FORMATION
Elle s’effectue dans deux lieux fondamentaux : la bottega, ou atelier-boutique, et les
chantiers.
LA BOTTEGA
Ses fonctions
Dirigée par le maître, elle a une triple fonction
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Sociale : la bottega inscrit le peintre, artisan hautement qualifié, dans le tissu
social de la cité. Elle définit ses devoirs et précise ses droits.
Éc o n o m i q u e : la b o t t e g a est une petite unité de production capable de
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s a t i s f a i re les besoins nombreux et variés de la clientèle : peinture de mobilier ou
d’armoiries, coloriages de statues, dessins de costumes de fête, tableaux, etc …
Artistique : la bottega est le lieu privilégié de l’apprentissage.
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Les étapes de l'apprentissage
Souvent issu d’un milieu très modeste, l’apprenti y entre vers 14 - 15 ans : dès lors, il
reçoit un salaire. Il débute par de basses besognes (nettoyage des locaux, entretien du
matériel …)
Il observe, interroge les aînés et ap p rend sur le tas la “cuisine” : broyage et
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préparation très complexe, souvent secrète, des couleurs (croquis 1). Il s’initie au dessin
sous la direction du maître, participe à la préparation des panneaux de bois ou des toiles
(croquis 2) et exécute les multiples travaux secondaires qui sont la principale source de
revenus de la bottega (cf. fonction économique).
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La diversité des exigences de la clientèle implique une formation poly v a l e n t e.
Selon l’importance de la bottega, il pourra se spécialiser.
Le maître lui confie la peinture de personnages secondaires, des fonds, des vêtements…
il devient ainsi assistant
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Il réalise l’essentiel d’une œuvre et devient ainsi maître.Ce changement de statut
est officialisé par l’inscription à la guilde des ap o t h i c a i res et, à partir du 15e s, à la
UN ATELIER EXEMPLAIRE : LA BOTTEGA DE MAITRE ANDREA DEL VERROCHIO
De son vrai nom Andrea di Cione (1435 - 1488). Son père était un modeste carreleur. Il se forme dans l’atelier de l’orfèvre
Guiliano del Verrochio, dont il prend le nom.
Entre 1460 et 1480, il dirige la plus importante bottega de Florence. Il est le fournisseur des Médicis, alors à leur apogée.
Ses élèves sont formés à la peinture, mais aussi à la sculpture (bronze, marbre), à la restauration des statues antiques, à
l’architecture, aux mathématiques et à la musique.
Le Maître est dépassé par certains de ses élèves : Botticelli, Le Pérugin, Léonard de Vinci, entre autres, sont passés par la
bottega de Verrochio.
DONATELLO
GIULIANO DEL VERROCHIO
MASACCIO
DESIDERO DA SETTIGNANO
ANDREA DEL VERROCHIO
FILIPO LIPPI
maître de
BOTTICELLI
LE PERUGIN
LÉONARD DE VINCI
FILIPINO LIPPI
RAPHAEL
ÉCOLE LOMBARDE
LORENZO DI CREDI
(héritier de la bottega à la
mort du maître)
influence
le peintre - 2
confrérie de St Luc (cf. ci-dessous) et peut à son tour fonder une bottega, ou choisir de
s’associer avec son ancien maître.
LES CHANTIERS
Dans le système de formation, leur rôle est capital, mais souvent complexe à saisir.
Lieu de re n c o n t re de plusieurs botteghe : on y échange des procédés techniques, des
fo r mules artistiques, d’où influences réciproques et évolutions de styles (par ex : au
début du 16e s., au Palais du Vatican, sous le pontificat de Jules II, Bramante, Raphaël et
Michel-Ange se confrontent).
GIOTTO (1266 - 1337)
Son
styl e
nov at eu r
et
révolutionnaire lui vaut un très
grand succès.
On le demande à Assise, Florence,
Rome, Padoue, Rimini, Naples.
On sollicite plus son style que son
savoir-faire : avec lui apparaît la
notion de création artistique.
LÉONARD de VINCI :
COURTISAN ET COURTISÉ
Philosophe plus que praticien de la
pe in ture , on lui pardonne se s
nombreux échecs, son manque de
respect des délais d’exécution, etc …
Son prestige est tel qu’il devient de
son vivant un véritable mythe.
Sa culture universelle lui vaut d’être
consulté sur tous les sujets.
P aral ysé de la m ain gauc he ,
incapable de
pe ind re, il
term ine sa
vie près de
François I e r
c o m m e
conseiller; il
rêv e d’ une
capitale
idé ale
et
de ssi ne de
fantastiques
costumes
pour
le s
fê tes d e l a
Cour.
MICHEL-ANGE :
UN PRÉCURSEUR
Consci e nt de cré e r pour le s
générations futures, Michel-Ange
e st l e pre mi er artiste au se ns
moderne du terme.
Transgressan t
le s
rap ports
traditionnels entre commanditaire
et artiste, il refuse d’exécuter des
œuvres secondaires. Il sera donc en
conflit permanent avec les hommes
de pouvoir, les papes et les Médicis
par exemple.
Pour lui, l’œuvre d’art, même de
com mande , n’ est qu’ un moy en
d’ ex prim er se s pré occ upati ons
e st hét iqu es ou spi ritu el le s, se s
fantasmes et ses obsessions.
SON STATUT
Le peintre, du Moyen-Age à la fin du 18e s., ne travaille que sur commande. Sa verve
créatrice semble, à nos yeux, contrôlée, voire brimée, par les goûts et les désirs de ses
commanditaires. Mais pendant cette époque, la façon dont il est considéré va évoluer.
DU MOYEN AGE À GIOTTO : UN BON ARTISAN
Le peintre n’a pas conscience de réaliser une œuvre d’art qui défiera le temps. Il se
considère comme un excellent artisan qui réalise un objet ponctuel servant de support à
la prière : le tableau.
A la fois menuisier, sculpteur, doreur et enfin peintre, il est lié à son commanditaire par
un contrat qui précise :
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le sujet du tableau (toujours religieux)
le délai d’exécution
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la qualité et le prix des matériaux à employer (pigments, or, bois)
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la part que le maître et élèves doivent prendre à l’exécution
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le salaire
Celui-ci ne tient pas compte de la personnalité artistique du peintre, mais uniquement de
son savoir-faire. Il est souvent inférieur au prix des produits, notamment l’or et le bleu
outremer (lapis-lazuli broyé). Pour améliorer son salaire, le peintre triche souvent sur le
coût réel des produits. Les archives italiennes foisonnent de documents témoignant de
très nombreux conflits entre peintres et commanditaires.
Durant tout le Moyen Age le peintre est affilié à la guilde des médecins et apothicaires
(ceux-ci étant aussi marchands de couleurs).
AU 15e S. : LE PEINTRE COURTISAN
Création de la confrérie de Saint-Luc (saint Luc, patron des médecins et marchands de
couleurs, passait pour avoir peint plusieurs portraits de la Vierge; à ce titre, il devient le
saint patron des peintres). Les peintres et les botteghe acquièrent un statut autonome
leur assurant une meilleure protection.
Le 15e s. est l’âge d’or du mécénat. Le peintre, instrument privilégié de la propagande
des princes, entretient avec le pouvoir des rap p o rts ambigus (voir “L’adoration des
Mages” de Botticelli - musée des Offices). Familier des princes, il devient aussi le grand
ordonnateur des fêtes de la cour.
VERS L’ARTISTE ÉMANCIPÉ
Les conséquences du comportement de Michel-Ange sont considérables dans la
perception que la société a du statut de l’artiste.
Vasari, son disciple, publie la première biographie des artistes italiens. Conçue comme un
hommage à Michel-Ange, c’est la pre m i è re histoire de l’art. L’artiste est désormais
installé dans un “olympe”.
Vasari est à l’origine de la création de la première Académie de Peinture à Florence, en
1563. L’artiste n’est plus un simple travailleur manuel, plus ou moins virtuose, mais un
créateur qui a besoin d’une formation esthétique, philosophique, spirituelle, et dont les
droits, désormais importants, doivent être efficacement défendus.
Textes : Claude BASTY - Conception réalisation : Michèle GOZARD - Edition 2001