LE RÉSEAU D`ESPIONNAGE

Transcription

LE RÉSEAU D`ESPIONNAGE
M° 533 - Jeudi 12 Janvier 1939 - 1 fr. 75
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LE RÉSEAU
D'ESPIONNAGE
tendu par ceux
qui convoitent
notre Empire
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La patrie est le désir et la volonté
de faire en commun de grande^
chmes.
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ERNEST RENAN.
Le voyage du président Edouard Daladier
en Afrique du Nord, l'accueil qu'il reçut des
populations indigènes ont été pour tous ceux
qui convoitent notre Empire une réponse
magnifique et probante.
En marge de cette actualité, DETECTIVE
offre cette semaine à ses lecteurs le début d'un
documentaire unique sur les hommes qui furent et demeurent à la tête des bâtisseurs de
notre Empire.
On a beaucoup écrit sur la Légion.
S'il s'agissait, quelles que fussent ses qualités
littéraires, d'un reportage comme il y en eut tant
dans la presse, DETECTIVE se contenterait d'y
renvoyer ses lecteurs. Notre glorieuse Légion est
trop présente à l'esprit des Français pour qu'on
éprouve le besoin de répéter ce que nul n'ignores
la longue histoire de ses combats, de ses conquêtes et de ses innombrables prouesses.
Les récits de l'ex^égionnaire Henri Rojean,
recueillis par notre collaborateur Morvan Lebesque, apportent, nous semble-t-il, assez d'éléments
nouveaux et inédits poUr justifier la publication de
ces pages.
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La légion l Elle a conquis notre Empire. Ses hommes
les points du monde ont vécu et sont
morts pour la grande patrie française. Et les Français n'oublieront jamais. Mais le document ci-dessus
est un hommage indirect d'une portée inestimable,
que tout Français méditera.
nés en tous
I. — Les secrets de l'espionnage
allemand en Afrique du Nord
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été légionnaire.
Je me suis engagé et j'ai
servi en connaissance de cause. On me fera la grâce
de croire que je n'ai pas été poussé à
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entrer dans la Légion par le souci d'effacer un passé trouble ou quelque vague
rêvasserie d'aventures. Pourquoi donc ai-je été légionnaire ? Mettons que j'étais seul au monde, l'attirance
de l'Afrique, le besoin de se dévouer à une cause
propre...
Avant d'entrer à la Légion, j'eus l'occasion de
voyager beaucoup à travers le monde. Je visitai particulièrement l'Allemagne et l'Europe Centrale. C'est
à Francfort que j'assistai pour la première fois et
par hasard à un meeting contre la Légion. C'était au
lendemain de la guerre.
L'orateur, un petit homme chétif et malingre,
appartenait sans doute à quelque association patriotique, les nazis n'étaient pas encore inventés. Pendant
une heure, brandissant à tout moment des « documents » manifestement sortis de son imagination en
délire, il décrivit des scènes effroyables de pillages,
de meurtres, de sévices de toutes sortes, insulta et
caricatura la Légion et ses chefs. Puis, brusquement,
la main sur le ciœur et la larme à l'œil, il passa la
parole à un gaillard d'une trentaine d'années qui
sortit de la fumée des pipes comme un deux exmachina et qu'il présenta comme un malheureux
munichois ayant servi dans la Légion. L'homme, avec
des trémolos dans la voix, se mit à débiter une histoire extraordinaire : à l'en croire, il avait été enlevé
par des agents recruteurs camouflés qui, sous la
menace du revolver, l'avaient sommé de les suivre.
Il avait été parqué dans un wagon mystérieux en
compagnie de quatre pauvres bougres surveillés et
terrorisés par un soldat français, le revolver au poing.
Ma religion était éclairée. Elle le fut davantage
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lorsque j'eus l'occasion, dans d'autres villes allemandes, de retrouver le même « légionnaire évadé »
patronné par l'homunculus.
Je n'ai cité cet exemple que pour montrer à quel
point l'Allemagne — et d'autres pays — tentèrent
par tous les moyens de déconsidérer la Légion étrangère et de désagréger ce corps d'élite qui veille aux
marches de l'Empire français. Contrairement à ce
que peuvent imaginer certains politiques à courte
vue de telles campagnes n'ont pas commencé avec
l'avènement d'Hitler au pouvoir. Elles étaient aussi
violentes et aussi directes à l'époque d'Hindenburg et
de Stresemann. La politique étrangère de l'Allemagne
n'entre pas en ligne de compte : tant qu'il existera
une Légion étrangère française, l'Allemand, qu'il soit
communiste, démocrate ou nazi, réagira en Allemand,
c'est-à-dire mènera campagne contre elle et la dénigrera de toutes les manières.
C'est dans la Légion même qu'ils ont voulu porter
le fer. C'est autour d'elle qu'ils ont patiemment tissé
un long réseiau d'espionnage. C'est contre elle qu'ils
ont voulu organiser la révolte et la désertion.
Ils ont cru que tout cela était possible. Ils ont
cru qu'il était facile de briser ce grand corps.
Ils se sont cassé le nez.
tiwt éiramqe "bon pasteur"
Voici un exemple des méthodes que les Allemands
employèrent pour l'impossible « noyautage » de la
Légion.
Cela commença par de petits cadeaux envoyés aux
légionnaires allemands. C'était signé, à peu près :
« Un ami lointain pense à vous », « Un de vos frères
allemands ne vous oublie pas ». Inutile de dire que
le premier colis provoqua déjà une surveillance
implacable. Un colis au soldat, qu'il soit en Afrique
ou en Argonne, c'est un peu de bonheur qu'on partage entre copains, quelques cigares qu'on distribue,
une douceur qui améliore l'ordinire.
Puis, au bout du colis, le monsieur finit bien un
jour par s'amener lui-même. Oh, il n'avait rien de la
décôupure de l'espion de cinéma tel qu'en figure de
temps à autre M. Von Stroheim. Pas de regards
fuyants, pas de monocle, pas de revolver à la main :
un digne vieillard effacé et timide au front courfonné
de cheveux gris. Il était accompagné d'une ravissante
gretchen. Exactement le portrait de la jeune fille que
tout légionnaire allemand a connu jadis au pays et
dont la nostalgie parfois le hante : des nattes couleur
de blé mûr, des yeux couleur de pervenche, le maintien timide et le regard modeste. Dès qu'il la vit, certain légionnaire que je connais bien tomba amoureux
de cette « payse ».
Le digne homme vêtu de noir se présenta aux autorités de Saïda. 11 était pasteur en retraite et ne voulait pas mourir avant d'avoir mené à bien une bonne
œuvre. « Chargé d'ans... au bord de la tombe... il me
serait doux de terminer mes jours dans cette ville en
apportant quelques douceurs à mes compatriotes engagés dans la noble Légion étrangère... Par exemple
une sorte de foyer où ils se retrouveraient de temps
en temps, fêteraient la Noël... Un groupement évangélique... » L'homme était dans la place. On feignit
d'entrer dans ston jeu afin de connaître sa méthode.
Le lendemain, le Foyer évangélique du légionnaire
allemand s'ouvrait dans la ville. Les camarades, bien
entendu, s'y rendirent. Non qu'ils éprouvassent impérieusement le désir de relire les évangiles car, de ce
côté là, ils savent bien que le bon Dieu les connaît,
ils ont toujours joué franc jeu avec lui comme avec
tout le m'onde et si les légionnaires ne vont pas au Paradis, on se demande en vérité, qui y entrera. Mais il
y avait cette petite gretchen qui vous servait des délikatessen en baissant les yeux et en rougissant...
Et puis, n'était-ce pas une occasion de parler un
peu du pays ?
Ah, il avait bien misé là-dessus, le digne vieillard î
Ce fut un travail sournois, continu, en profondeur...
Au fur et à mesure qu'il parlait, les gars revoyaient
les filles aux cheveux.de Un, les houWonnièrw le
Vater Rhein, les horizons perdus... Bien sur, us
secouaient vite tout ça, mais tout de même...
Ainri le vieux jugea le moment venu de demas-
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& eret rien à espérer. Mais
Demandez au légionnaire ce qu'il pense des
revendications %trangèresî Sans crainte
et sans faiblesse, il veille sur I Empire.
Ce document se passe de commentaires.
Je me permettrai de noter cependant l'hommage
indirect que von Lutze y rend à la Légion. Eh quoi !
Ce ne sont plus des mercenaires hâves et déguenillés
pliant sous la cravache, c'est la colonne vertébrale
desparle.
possessions françaises. M. von Lutze sait de quoi
il
SJn'dfpeu!
Les lecteurs s'amuseront aussi peut-être à relever
la contradiction allemande : ce peuple qui parle des
« oppresseurs » coloniaux étrangers... et réclame des
colonies pour son propre compte.
Mais je ne prétends pas philosopher.
Il va sans dire que quelques S. A. acceptèrent l'effarante proposition de von Lutze.
Comment ils furent dépistés et empêchés de nuire,
comment leur plus gigantesque entreprise : FAIRE
VOTER LES LEGIONNAIRES ALLEMANDS LORS
DU PLEBISCITE DE L'ANSCHLUSS — vous avez
bien lu — échoua lamentablement, c'est ce que nous
verrons la prochaine fois.
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assurer qu'il serait oublié et qu'ils Pourraient reprendre joyeusement leur place au foyer de la patrie... »
^fiîïïïîn^'Hin. X...
était, ce matin-là partage
entre le bonheur et la crainte. De sa plus belle «entraavec des fautes dWthographe naïves, il demandaU à ses supérieurs l'autorisation d'épouser la fille
de M. le pasteur du Foyer éyangelique
Ti tendit la feuille. L'officier le regarda a la dero-
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puisés. On sut ,u'i.
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Grâce à un système de contre-espionnage qu'il ne
nous est pas permis de divulguer et grâce au parfait
loyalisme des légionnaires QUI N'ONT QU'UNE PATRIE : LA FRANCE, la Légion se protège d'ellemême
contre
désertion
(3). les .espions et les entrepreneurs de
^
Espion ou salopard, c'est tout un : l'ennemi.
On ne passe pas !
so.da.>. un parfait lég.onnaire. Et tlout finit très bien ainsi.
A suivre.
Un daeuwnent
Henri ROJEAN.
Le « pasteur » espion avait employé la seule arme
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(1) Remarquons en passant que Der Junge Tag, le Jeune
jour, n'est nullement une revue du parti national-socialiste,
mais le bulletin d'une Association culturelle protestante, qui
paraissait déjà sous cette forme à l'époque de la social démocratie. Oni ie
le repeie
répète : ravenement
l'avènement d'Hitler n'est pour rien dans
la. ......nourrie
haine nourrie par les cercles allemands contre la Légion.
(2) Souligné dans le texte allemand.
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ses chefs ne lui en avaient, pas
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consemé%'Ses Cela tombe sous le sens, mais si
(3) A l'heure où nous écrivons ces lignes, un espion allemand en France vient d'être condamné à la peine de mort.
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« Lines a ravi à l'Allemagne ses colon es. Nous
: n'avons cessé d'en réclamer le retour ou la cession
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— Si je vous aidais après tout. Vous m'avez l'air
sérieux et votre métier m'intéresse.
L'autre lui aurait baisé les mains.
Nous passerons sur ce conte de fées d'un Lefèvre,
clochard la veille, se retrouvant le. lendemain fringué
à neuf, du fric dans ses poches et de la joie au coeur.
Il est des miracles même dans la boue. Et il tiqua à
peine, son honnêteté se révolta très peu quand celui
qu'il appelait son sauveur lui dit — il le tutoyait
maintenant :
— Tu sais, des circulaires, des catalogues, des prospectus à imprimer, ça rapporte rien. Il vaut mieux
fabriquer de la fausse monnaie. Ça, c'est du boulot
qui paye et rien à craindre quand il est bien fait.
Peu à peu, résolument, Lefèvre rentrait dans le
bain. Après tout, cette garce de société, qui ne savait
pas reconnaître ses bons serviteurs et qui n'avait
pour lui que rebuffades, ne valait pas la peine qu'on
la ménageât.
Une presse énorme, un établi, des encres de teintes
diverses, du matériel, des produits chimiques servant
à la photographie constituèrent bientôt la frontière
qui le séparait des honnêtes gens. Rue Eugène-Carrière, 42, dans un appartement sombre, cet alchimiste
en papier sortit bientôt sa première fausse monnaie.
C'étaient des livres sterling, pas mal imitées du
tout, faisant honneur à son talent d'artiste improvisé
en cette matière. De faux titres de Suez naquirent
aussi du fond de cet antre où nul ne pénétrait jamais.
Fernand-Charles Lefèvre vivait là, seul, sortait peu,
faisait lui-même son ménage et ne se confiait à
personne.
le boulevard de Clichy, un homme grand,
maigre, aux vêtements élimés, déambule
mélancoliquement. Il s'arrête parfois aux
devantures et semble contempler les objets de luxe ou d'utilité qu'elles renferment. Un observateur attentif remarquerait combien
son regard est vague, distrait. Le promeneur, malgré
tout, a flère allure. Il n'a rien d'un déclassé. Un visage
fin, mal rasé, garde une certaine noblesse. Encore un,
probablement, sur qui la misère a jeté des griffes
qui ne lâchent pas leur proie.
- A la terrasse d'une brasserie, il va s'asseoir et commande un bock. H fait chaud. Un consommateur voisin, qui n'a pas l'air du tout de le connaître, lui
adresse la parole. L'autre répond. Cette conversation,
anodine, le hasard de cette rencontre vont être le
point de départ d'une association de malfaiteurs qui
fera parler d'elle en janvier 1939 : vingt millions de
faux livres sterlings, de dollars, de titres iront constituer ou augmenter le bas de laine de certains à qui
le franc malade n'inspirait pas grande confiance. Ils
ont changé le cheval borgne pour l'aveugle.
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L'interlocuteur du client à l'air famélique était un
homme distingué, fort correctement vêtu, aux cheveux grisonnants. Sous le prétexte banal, provoqué
par ce dernier, d'obtenir un renseignement, le contact
s'était fait rapidement.
— Dans quelle partie travaillez-vous ?
,. — Hélas ! dans aucune, je suis en chômage.
Ce jour-là, Fernand-Charles Lefèvre, directeur
d'imprimerie sans place, habile artisan, avait trouvé
son mauvais ange gardien.
Mais aussi, la vie était tellement dure, injuste pour
lui qui, de modeste ouvrier, s'était hissé, à la force
des poignets, au rang de patron. Ce nouveau venu
semblait s'irftéresser à son triste sort. Et puis, c'était
Alerte !
si bon de pouvoir se dégonfler, de mettre son âme à
nue, de pouvoir dire :
— Et pourtant, monsieur, je suis un très bon technicien. Dans mon métier, je n'ai que d'excellentes
références. Je faisais tout, à mon petit atelier : depuis
la composition jusqu'au clichage. Je dessine bien, je
grave encore mieux. Et malgré cela, je n'ai pas de
travail. Je me présente dans toutes les maisons susceptibles de m'embaucher. Moi, ex*patron, rien ne
me rebuterait, même les tâches les plus difficiles. Et
partout, la même réponse : Pas d'embauché. C'est
désolant, monsieur. Il y aurait de quoi faire un mauvais coup.
L'inconnu considérait son partenaire. Il le jaugeait
plutôt. « Un homme à la mer ne refuse jamais la
bouée de sauvetage qu'on lui lance », songeait-il.
Et ce pauvre type est bien près de boire la tasse. »
Parfois, il s'absentait une journée entière. Il allait
livrer à domicile son travail d'inflation. Comment
ce dernier se répandait-il, s'infiltrait-il dans le public,
il n'en avait cure, d'autant plus qu'ayant demandé
des explications à ce sujet au compagnon qui l'avait
sorti de la mistoufle, celui-ci, au ramage moins beau
que le plumage, lui avait répondu : « C'est pas tes
oignons, mêle-toi de tes f... ! » Il s'était tenu coi.
Après tout, peu lui importait. Il vivait maintenant,
largement même. Il avait toujours en poche de bonne
et saine et vraie monnaie — il se méfiait de la sienne
— et arrondissait, en homme qui a fréquenté la
misère, son compte en banque.
Un matin, l'appel convenu M. A. R. S., tapé en
morse sur sa porte, le tira du dessin auquel il s'appliquait consciencieusement. Il alla ouvrir.
— Allez, vieux. Tu vas décàniller ce soir d'ici.
T'occupe de rien ; on fera, les amis et moi, ton déménagement. Tu prendras le train pour Aix-en-Prt>
vence. Tout près, à Sainte-Mitre, j'ai une petite villa,
« L'Aimée », bien placée au milieu des oliviers,
discrète, où tu pourras mieux qu'ici te livrer à ton
travail. On a inondé Paris avec les livres des rosbifs:
la flicaille est alertée par les banques. La P. J. doit
avoir des stocks de papelards-témoins et c'est dangereux, pour les copains, d'aller acheter, avec tes
vignettes à la noix, un collier de jade ou une perle
Nora sur les grands boulevards.
« Ils ont beau dire : « ElUo ! Médemoiselle, je
vôdrais, yes, ouan côôlier... » La mademoiselle prend
la banknote, la porte au taulier qui l'inspecte, la
tourne, la retourne, la mire comme un oeuf douteux
et la rend. Ça va bien une fois, ce jeu-là, deux, trois,
mais après ça casse. Tu fabriqueras des dollars à
l'avenir. T'es assez mariole pour les faire au poil et
que personne n'y vtoie rien.
Docile, Lefèvre accepta ces ordres, venus d'un caïd
tel que Marc-Antoine Rocca-Serra, homme prudent,
méthodique, ne se « mouillant » pas.
Sous les oliviers
Fernand-Charles Lefèvre oublie, sous les frais
ombrages des pins et des oliviers, son village natal
de Pacy-sur-Eure, où il naquit le 6 novembre 1894.
Il est devenu Méridional, mieux même, Provençal.
La villa « Aimée » est charmante, quoique sans
prétention. Les vieux meubles rustiques donnent le
ton à cette « thébaïde » où Marc-Antoine RoccaSerra vient de temps en temps se reposer. Avec son
petit jardin romantique, son allée de ciment bordée
de soucis jaunes et d'asparagus, elle représente bien
le lieu d'asile idéal, où, loin des bruits de la ville
et de la foule, on peut se reposer en toute quiétude.
Lefèvre, lui, y travaille comme un forcené. Il ne
prend de repos que le soir, lorsque les cigales se
sont tues et que les grenouilles ou les grillons, de
leurs A-rrr ou tick monotones et infatigables, cassent
le silence de la terre et des pinèdes endormies. Dans
le stous-sol, il a installé sa presse, sa table de travail.
Un curieux qui pénétrerait par hasard dans son
repaire, que le soleil baigne par les lucarnes à fleur
de terre, ne trouverait rien d'anormal à cet ameublement.
Technique
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N'allez pas croire que Lefèvre va porter à un
graveur le fac-similé complet d'un billet d'un dollar
ou de cent dollars. Le fil serait trop gros et le brave
artisan s'empresserait de signaler à la police les
agissement d'un tel .individu qui veut reproduire, à
peu de frais, l'image exacte d'une vignette chère aux
Américains et aux petites femmes légères. « Donne,
Tommy, give me oun dollar ! »
Il procède, comme pour dresser un plan cadastral,
par petits espaces de terrain...
Il y a, sur ces billets, la tête de Franklin, des
chiffres, des torsades sur les côtés à l'avers ; au
verso, un beau castel, des guirlandes encore, etc.
Lefèvre, lui. de sa main habile, dessine sur du
papier canson ou autre, des têtes d'hommes célèbres :
Franklin, qu'il reproduit exactement, au pantomètre,
d'après le portrait qui se trouve au centre du dollar.
Les autres figurines, la reine Wilhelmine, les présidents Carnot !ou Fallières, le roi Alphonse XIII ou
le duc de Windsor ad libitum, cela n'a aucune importance si leurs traits ne sont pas très fidèles. Dans
sa page de dessin, un seul pour lui présente de l'intérêt : Benjamin Franklin, l'inventeur du paratonnerre.
Le graveur, à qui il porte son travail, n'a aucune
méfiance. D'ailleurs, Lefèvre a soin de lui dire qu'il
s'occupe de la confection d'un nouveau dictionnaire,
ou autre volume important, et qu'il a besoin de ces
clichés. Le plus petit soupçon ne peut donc effleurer
le brave homme.
Lefèvre, en possession de son cliché global, casse
les figurines dont il n'a que faire. Ces pauvres et
innocents comparses, qui furent grands de leur
vivant, vont au panier et ensuite au feu. Benjamin
Franklin reste seul, car lui seul a le droit de trôner
au milieu du dollar, du m'oins celui qui intéresse le
faussaire.
Parfois, certes, celui-ci passait pour un original.
Tout comme sur nos billets de banque, les billets
américains comportent de larges chiffres qui dépassent souvent le milliard. Alors, Lefèvre avait imaginé,
toujours pour éviter des questions embarrassantes,
de présenter au graveur « la Valse des chiffres ».
Sur une grande feuille, les cinq lignes d'une portée
de musique s'étiraient, en plusieurs exemplaires,
comme des rails de chemin de fer. Correspondant
aux notes, des chiffres s'étalaient, parallèlement aux
blanches et aux noires, et tenaient lieu de paroles...
« Œuvre de fou », pensait le bon ouvrier...
« Précaution d'homme prudent », se disait Lefèvre... Et il en était ainsi de tout le reste. Les châteaux
du Michigan ou du Massachussets ou de Washington
étaient perdus au milieu de Chambord, Cheverny, de
tous ceux qui bordent la Loire et la rendent célèbre.
Et toujours le cliché ne conservait que le château
légal identifiant l'authenticité du précieux billet...
Le papier était assez grossièrement filigrané. On le
saupoudrait de mine de plomb, on le frottait, on
ternissait son luisant. D'ailleurs, le rush des épargnants sur les monnaies étrangères facilitait, depuis
1936, la fraude. Dans les cafés, aux réunions hippiques, dans les cercles, la poire était facilement repérée par les démarcheurs.
« Je n'ai plus de monnais pour jouer et je ne
possède que des dollars. » Souvent, l'interpellé voyait
une affaire ; il donnait un cours du change plus
bas que l'officiel et croyait rouler l'adversaire. Combien de livres et de dollars douillettement gîtés dans
un vieux portefeuille, couché lui-même entre deux
draps de la vieille armoire bretonne ou normande,
sont des usurpateurs et occupent la place de bons
billets de notre Banque de France !...
Combien de faux billets Sortirent-ils de la villa
« Aimée » et inondèrent Marseille, Toulon, Nice,
Monte-Carlo ? Il est certain que leur nombre est
considérable.
Là-bas encore, au pays des cigales et o*es frotadous,
le pavé devenait brûlant, mais le chaud soleil n'y
était pour rien. La police s'inquiétait. Et, une fois
de plus, le proverbe qu' « on n'est jamais mieux caché
qu'à Paris », s'avérait juste. D'ailleurs, cet homme
peu causant, peu liant, semblait étrange aux fils de
la langue d'Oc. En septembre dernier, il reprit le
chemin de la capitale...
Depuis longtemps sur les dents, la P. J. redoublait
d'efforts pour arrêter l'introuvable faussaire et ceux
qu'il servait. La brigade spéciale, qui a tant d'exploits
à son actif, ayant à sa tête M. Roches, commissaire,
son chef ; les inspecteurs principaux Barrad et
Sahuc ; les inspecteurs Richard, Coquibus, Levitre,
Badin, Desaunay, Morère, de jour et de nuit, cherchaient sans trêve. Combien de pistes suivirent les
policiers avant de trouver la bonne.
Enfin, ils 'ont le fil. Mais, chose étrange, inquiétante
même, l'homme vers qui il mène n'a jamais été
condamné. Si la piste était fausse... Tant pis, ce sera
un nouveau coup pour rien.
A Brunoy, une belle villa, avec de solides murs
de piei're, des encorbellements en brique, au milieu
d'un jardin anglais, reçoit leur visite. Les limiers
de la P. J. trouvent un Lefèvre, un peu ému, qui les
reçoit dans sa salle à manger confortable, ayant à,
ses côtés son amie, Mlle Juery, et les deux enfants
de cette dernière.
« Je ne comprends pas, messieurs, cette intrusion
insolite », dit doucement le faussaire. Les faussaires,
comme ceux de la cambriole, ne comprennent jamais
la venue des inspecteurs. Cela dérange toujours leur
plan. Dans la cave, ils trouvèrent tout l'appareillage
et un gros tas de papiers brûlés, déflation due à
Lefèvre. A son amie, il avait, paraît-il, toujours caché
ses occupations. « J'imprime des livres et des images
obscènes, lui disait-il : ça ne saurait t'intéresser ni
les gosses. » Et, peu curieuse, la femme n'était
jamais descendue à la cave ; elle laissait ce soin à
son amant.
L'arrestation de ce dernier permit aux policiers
de récupérer trois cents faux carnets spéciaux, dits carnets de bons
postaux de voyage, libellés en
francs-or et remboursables à vue
dans tous les bureaux de poste de
France, de Belgique, de Suisse et
de Tchécoslovaquie, chaque bon
ayant une valeur d'environ 1.200
francs. Un individu, disant s'appeler Granier avait loué rue SaintMarc un bureau de complaisance
et devait toucher ces fameux bons.
Secrètement alerté, il a disparu.
Une perquisition n'a d'ailleurs
rien donné.
Arrestation du Caïd
10, rue Rachel, à Montmartre, c'est un des nombreux domiciles de Marc-Antoine Rocca-Serra qui,
condamné pour meurtre à 18 ans de travaux forcés,
a laissé la terre de la Guyane pour le pavé parisien.
Très peu de doublage pour lui. Il a loué là un appartement sous le nom de Marc-Antoine Manoury. Resté
très bel homme à cinquante-cinq ans, il mène une
vie confortable, exempte de soucis pécuniers et
amoureux.
Le commissaire Roches et ses collaborateurs sont
allés trtoubler cette quiétude.
— Moi, mêlé à cette affaire de faux-monnayeurs ?
Je ne connais rien à cette histoire. C'est de la fantaisie pure.
Quai des Orfèvres : le cadre est moins favorable
à son élégance et à sa morgue.
Impitoyable, le commissaire Roches fonce. L'autre
recule, s'enferre, se trouble.
— Et la villa « Aimée », et l'expédition d'un colis
de 1.200 kilos (c'est le poids de la presse), et les
renctontres au café X..., et les échanges, sous la table,
des faux talbins...
C'est trop, la cascade est précise. Elle pique en
pleine cible. Et Marc-Antoine Rocca-Serra, au
prénom prestigieux, est lui aussi dans le bain.
« Je ne me mouille jamais », a-t-il coutume de
répéter. Pour un homme qui n'aime pas l'eau, drôle
de douche tout de même...
Hubert BOUCHET.
Ci-dessous : Cette
villa bourgeoise abritait Lefèvre et son
amie. Marc-Antoine
Rocca-Serra, dit
" Toine **, caïd respecté de Montmartre
et bailleur de fonds
du faussaire. Dans
la cave de la villa,
Lefèvre, déflationniste, brûla pour des
milliers de dollars,
pendant que la police
frappait aux portes.
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DÉTECTIVE
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Chacun de ces Romans
frs
É
A Toulon, les appareils à sous ne ruinent pas seulement les joueurs naïfs ;
ils ont valu aussi de lourds ennuis
à trois policiers honnêtes : les Inspecteurs Grimaùlt, Caltucoli et Fortuné.
TOULON
{De notre envoyé spécial.)
ÎUT se déclencha à cause des
appareils à sous. Vous en
avez vu partout de ces roulettes de foire qui décrochaient vingt sous quand vous
en aviez laissé cent dans la
T
tirelire.
Il arrivait qu'on vidât son porte-monnaie dans cette sacrée machine ! Et c'était
quelquefois la peine d'une semaine qui
y passait.
Alors, on avait fini par interdire les
appareils ià sous. iLa police fut chargée
de les râfler et de dresser contravention
au placeur et au propriétaire du bar.
Contravention ! Seize francs d'amende!
Un petit tour chez le juge de paix. Le
jeu valait bien la chandelle. On installa
les appareils dans Tarrière-boutique.
L'Etat tient à sa inorale. Il blâme la
prostitution mais il lui fait payer
patente. Il a banque ouverte dans les
casinos où les meilleurs de ses ministres
s'en vont en queue-de-morue, mais il
interdit au bistrot de jouer à la boule
avec ses clients. Le 31 août 1937, un
décret assimila le propriétaire d'un appareil à sous à un tenancier de tripot. La
contravention devint un délit punissable
de prison et d'une amende variant entre
500 et 10.000 francs.
A, Toulon, ça n'empêche pas les filles
d'aller se baigner et la fontaine de la
place Puget de pleurer sur sa mousse.
Tout de même, il y avait trois placeurs
d'appareils, citoyens ostensiblement connus et une brochette de patrons de bars
à la belote facile qui s'écrièrent :
■— On ne peut donc f... la paix au pauvre monde !
%%%
C'est ici que le mélodrame commence,
au risque aujourd'hui de faire pleurer
d'indignation toutes les filles du quartier.
Les polices méridionales ont la réputation d'être compatissantes.
Le service de surveillance des jeux et
des mœurs, amours et hasard', s'en vont
toujours de compagnie, était alors entre
les mains d'un inspecteur chef que ses
i; allègues appelaient Landru, Landru sans
cuisinière, précisait-on. Nous continuerons à lui garder ce nom.
Landru fit la tournée des bars, saisit
quelques machines et en oublia une douzaine.
— Que ceci vous serve de leçon, annonça-t-il. Mais je ne veux pas empêcher les
gens de manger !
Lui-même avait bon appétit.
Alors ça donnait dans les tramways,
aux terrasses de cafés, dans les couloirs
du théâtre, au jeu de boule, les dialogues
suivants. :
— Les appareils à sous sont interdits !
— J'en ai vu un avant-hier chez Toine.
— Moi je te dis qu'ils sont interdits et
que je l'ai lu sur le journal !
— Et moi je te réponds que j'en ai vu
un autre chez Jules, au Pont-du-iLas, et
même que j'ai perdu 10 francs.
— Moi, on m'â juré que la police avait
saisi ces appareils.
— Probablèment qu'il y en a qui sont
invisibles. C'est comme les catins. Tu verras toujours les mêmes sur le trottoir.
Pourquoi ? Parce que les autres on les
ramasse tous les soirs, malgré que ça soit
illégal et qu'il y en a qui sont autorisées
à se promener. Si le non Dieu m'avait
fait putain...
— Tu n'aurais pas eu beaucoup de
clients...
— Tu veux que je te dise, moi, pouruoi, il y a un appareil à sous chez
ules, au Pont-du-Las, et un autre au
Stand-Bar et un autre encore route de
la Garde ?... Parce que ces boîtes-là te
rapportent 20.000 francs par mois et que
ceux qui ferment les yeux se payent des
chambres à coucher en bois des îles pour
s'embellir la vie et des paniers de Champagne pour faire réveillon tous les dimanches.
Ce n'est pas la première fois que la
police est épinglée.
Après tout, on ne tuait personne. Il y
avait même des malins qui ajoutaient en
arlant de Landru et de ses deux collaorateurs les plus favorisés :
— C'est régulier. A leur place, j'en ferais autant l
Climat !
Î
P
Il y a dix-huit mois, un homme qui,
pourtant, a l'habitude de marcher sur la
pointe des pieds — il a la silhouette et
l'esprit d'un père bénédictin — piétina
ces gazons luisants.
C'était M. Pascal Grisoni, le nouveau
directeur de la Police d'Etat toulonnaise.
Quand on arrive, on a un œil neuf.
Tant de lettres anonymes tombèrent
dans la boîte du directeur qu'il chargea
trois inspecteurs de confiance, Maurice
GrLmault, Alexandre Fortuné, Marc Caïtucoli d'enquêter sur les appareils à sous
et la tolérance dont ils étaient l'objet de
la part de ceux qui auraient dû les râfler.
Ah ! ce fut édifiant ! Les trois placeurs
de boîtes se firent un peu tirer l'oreille.
Dame, n'allait-on point les accuser d'avoir
corrompu des fonctionnaires ?
— Corrompu, bon Dieu, s'écria l'un
d'eux ; mais c'est nous, les coyons dans
cette histoire.
Et celui-ci d'avouer qu'il avait pris un
petit arrangement avec Landru et deux
acolytes grâce auquel on lui donnait un
coup de téléphone quand une tournée de
saisie avait été décidée. Moyennant quoi
il récompensait en marchandises les trois
protecteurs. C'était du Champagne, des
liqueurs, des pendules, des meubles...
Un autre raconta qu'une des machines
ayant été saisie, elle fut envoyée au Parquet, la tirelire vide, alors qu'il avait
remis la clef de l'appareil à un inspecteur.
Le troisième confirma qu'il s'était assuré, moyennant des cadeaux, contre les
rafles.
M. Grisoni était fixé. Il déplaça Landru
et décida de le traduire devant le conseil
de discipline ainsi que ses deux complices.
Du même coup, Marc Caltucoli fut
nommé chef de service des mœurs et des
jeux et, en moins d'un mois, il confisquait douze appareils dans des bars de
la rue de la République, de la rue Cathédrale, des avenues Saint-Roch, MaréchalJoffre, de la rue Castillon et du Pont-duLas.
Cette fois, le bistrot du coin n'y comprenait plus rien.
— Comment, s'écriait l'un d'eux, j'ai vu
la police le mois dernier. Ils m'ont rassuré. « Tu peux dormir sur tes deux oreil- •
les. » J'en ai profité pour acheter trois
appareils qui m'ont coûté 60.000 francs,
et aujourd'hui on .me les embarque. C'est
de la provocation !
C'était, en effet, du point de vue de la
facilité, à n'y plus rien comprendre. Ce
directeur de la Police d'Etat allait-il ainsi
déchirer tous les traités de tolérance
grâce auxquels les plus débrouillards pouvaient se chauffer, la panse pleine, au
soleil du bon Dieu ?
On sonna le ralliement des mécontents.
— Voyez-vous, me disait un Toulonnais bien placé pour y comprendre quelque chose, il y a ici, comme à Marseille,
deux sortes de gang. Le gang of ficiel, barbeaux et- autres garçons du « milieu »
qui vivent à l'abri de leurs enseignes.
L'autre, le petit gang, le plus dangereux,
le plus dévoreur, composé de policiers
marrons, de politiciens, d'avocats véreux,
de démarcheurs dont les situations sociales ne sont que des prétextes.
C'est ce dernier, le petit gang, qui entre
en lutte.
A la faveur d'un changement de préfet,
Landru évita le Conseil de discipline. Il
eût pu se terrer, faire oublier son dossier.
Il préféra jouer sa revanche en proclamant qu'il était innocent, qu'il avait été
victime d'une cabale, et que le directeur
de la police d'Etat l'avait déplacé pour
le remplacer par un Corse.
ô « ô
La guerre des « Corses » s'était déclarée. On était alors en été. Le pastis coulait ià pleins verres. Le soleil brûlait le
sang. Il y avait de la poudre sèche dans
l'air.
Les comités politiques furent alertés
bien que la plupart,des adversaires appartinssent au même parti. On sonna à la
porte des députés, des sénateurs. Le préfet, qui reluquait les « shorts » au Val
d'Esquières, dut rentrer précipitamment à
Draguignan. La banque donna, l'industrie
lourde marseillaise aussi. Sur la place
publique, la population comptait les
coups et manifestait comme s'il se fût
agi d'une corrida.
Les premières pluies auraient pu peutêtre calmer tout le monde. Mais, au bout
de cet automne languide et tiède, l'actua-
lité afficha un grand' spectacle sous le
titre de « police corrompue..». Le décor
avait été planté sur la Côte méditerranéenne afin d'amuser les lecteurs des
grands quotidiens qui ont le goût d'un
exotisme en pantoufles avec policiers, casinos, caboulots à matelots, paquebots
dispensés du mal de mer.
On ne fit point de distinction entre les
attaques à main armée, les pillages de
Marseille et l'épopée des boîtes à sous de
Toulon — digne d'un film de Pagnol.
Deux inspecteurs généraux arrivèrent à
Toulon avec la consigne de sabrer.
On s'apercevait brutalement que rien
ne marchait dans la police.,Le lion allait
juger les animaux malades de la peste.
Et il arriva ce qui doit arriver pour que
La Fontaine 'restât immoYtel.
On fit venir les trois inspecteurs Grimaùlt, Caïtucoli, Fortuné qui avaient été
chargés par M. Grisoni d'établir en toute
impartialité le dossier des appareils à
sous.
— Ah ! c'est vous, leur dit-on en substance, qui avéz provoqué toute cette effervescence ! C'est vous qui avez monté
le complot, dénoncé vos collègues, alimenté une campagne de presse qui a ému
tout le pays ! Vous avez voulu le scandale ! Vous allez l'avoir. Nous vous suspendons !
Souriant, M. Pascal Grisoni partit pour
Paris afin de faire savoir qu'il entendait
prendre la retraite à laquelle il a droit,
le l*r janvier.
Voilà l'histoire.
On pourrait rappeler que Maurice Grimaùlt, policier aussi adroit qu'incorruptible, chargé des stupéfiants, fut, à maintes
reprises, félicité par ses chefs pour son
courage et ses initiatives. Qu'il était considéré comme l'honnête homme n8 1.
On pourrait vous montrer les douze
appareils qu'a saisis. Caïtucoli lorsqu'il
entra en fonctions, ce qui prouve, pour
le moins, que ses prédécesseurs n'avaient
pas fait leur métier.
— Bêtise, sottise administrative, m'a
dit un personnage en jaquette qui voudrait bien qu'on arrangeât ça sans casser
de vitres et sans déranger son nœud de
cravate.
Eh bien, la bêtise est comme l'eau
sucrée. Elle finit par écœurer !
Luc DORNA1N.
MERCREDI. — A Nantes, des gamins dont « le
capitaine » a douze ans, et ses complices huit et
dix ans, volaient dans les magasins de la ville.
LUNDI. — La sottise n'est pas exclusivement féminine et les hommes aussi se laissent prendre à
de grossiers appeaux.
Une jeune femme faisait passer dans les journaux cette annonce : « Qui veut correspondre avec
l
jeune femme moderne et raffinée? Ariette. » Des
vS/ ^~*^C?«<3^ Ar
quantités d'hommes voulaient bien correspondre
avec une jeune femme moderne et raffinée. C'est
MARDI. —< Je vous l'avais dit, il y a quelques
vraiment incroyable ce que la jeune femme mo
semaines, que, nous autres femmes, nous étions
derne et raffinée se porte, par ces temps-ci. Il va
sensibles à la beauté des hommes et surtout à l'unifalloir que j'y pense : ce doit être plus facile d'être
forme qui les recouvrait car, pour nous, l'habit fait
moderne et raffinée que d'écrire des sacrées vérités
§|
agréable.
le moine et nous aimons les patenôtres de forme
et ça doit rapporter davantage. Il est vrai qu'Ariette
n'en profitait guère. Elle avait un ami qui disait
l'espère que ça n'est pas cette sacrée vérité qui
être Lucien Dusausoy et homme d'affaires. Dusaubreuses
a donné dupes.v
l'idée à Eugène Créteaux de faire de nomsoy, il n'était mie puisqu'il s'appelait Rolhrig, mais
homme d'affaires, il était bien pusqu'il s'appropriait
Vous comprenez qu'il n'eût point eu de succès
les recettes d'Ariette qu'il ristournait sur les champs
s'il avait continué de s'appeler Créteaux et d'être
de courses. Ainsi ce qui venait par la sirène, s'en
employé de commerce. En tout cas, lui le comprit.
allait par la cloche... la cloche qui appelle les courIl troqua son nom contre celui, plus avantageux, de
comte de Grémont et son état contre celui d'officier
siers sur la ligne de départ...
aviateur, chevalier de la Légion d'honneur, inspecteur à la base aérienne de Bron, confident du
ministre de la Guerre. De telles références ne manquèrent point de toucher des cœurs sensibles. Et
Créteaux — pardon ! — le comte de Grémont, eut
autant et plus de fiancées qu'il en voulut et à qui
il extorqua
sommes. Jusqu'au jour où
l'une
porta d'importantes
plainte.
JEUDI. — Lorsque vingt-sept ans durant, on a
encaissé sans une erreur des sommes importantes
et qu'on s'aperçoit tout à coup que, chaque
semaine, il est des trous dans les recettes, cela
devient dur à « encaisser ».
M. Callet, employé dans une agence de location
de Lyon subissait ce martyre.
Il voulut en avoir le cœur net. Il plaça sa
femme en embuscade dans un placard d'où celle-ci,
un beau soir, découvrit le secret : un employé de la
maison, durant que Callet vérifiait ses bordereaux,
s'approchait de lui; lui parlait du temps qu'il faisait,
s'asseyait sur le bureau et, son corps formant écran
entre M. Callet et la sacoche, d'une main experte
fouillait dans le sac, prélevait des billets de mille.
L'expérience fut renouvelée, mais cette fois, avec
des inspecteurs de police dans le placard qui
surgirent de leur cachette, lorsque le voleur, Jean
Garnier, eut les billets dans sa main. Devant
cette soudaine irruption, Garnier crut à une attaque
de gangsters et appela du secours. Cet homme ne
souffrait pas la concurrence.
Le chef tenait un journal dans lequel il était
question, souvent, de revolvers, de trahisons, de
démission d'un membre de la bande.
Pour cette fois, les Tartufes eux-mêmes ne pourront accuser Détective d'avoir faussé la mentalité
de ces tristes enfants (je donne ici à triste son
acception d'affligeant), car aucun ne lisait
Détective et plusieurs même ne savaient pas lire.
Mais il est facile, n'est-ce pas, d'accabler un journal dont le rôle est essentiellement de mise en
garde ; il est facile de crier : « haro sur le baudet »;
c'est plus commode et moins dangereux que de s'en
prendre au puissant cinéma ou à la néfaste éducation comprimée de certains pions calamiteux qui,
sous le couvert d'un certain enseignement, ne
laissent point à l'âme la possibilité de s'épanouir.
VENDREDI. — Les routes ne deviennent plus
sûres ; retournerait-on au temps des attaques de
diligences ? Evidemment, elles avaient leur romantisme et l'affaire du courrier de Lyon fut une mine
d'or pour les chroniqueurs, pour les romanciers et
même pour les avocats; il n'y eût guère que Lesurques pour en souffrir. Notre époque, plus prosaïque, ne parait pas réclamer de tels retentissants
exploits et pourtant... L'autre semaine, un entrepreneur était attaqué près d'Aubervilliers par deux
malandrins qui, en l'occurrence, furent mal inspirés
car ils reçurent une maîtresse râclée de celui qu'ils
avaient choisi pour victime. Mais les semaines se
suivent et ne se ressemblent pas; jeudi, M. Jourdeuilh, architecte, ne renouvela point l'exploit de
l'entrepreneur. Attaqué par quatre gangsters sur la
route de Quarante-Sous, il lui en coûta son portefeuille qui contenait 1.800 francs, ses vêtements
qu'ils déchirèrent et, finalement, de geler un assez
long temps sur la route qui, pour lui, est sûrement
mal baptisée. Quarante-Sous 1 Voilà une route qui,
pour M. Jourdeuilh, est beaucoup plus coûteuse.
SAMEDI. — Il est toujours agréable d'i
quée par un beau garçon, élégamment
pos
sesseur d'une automobile ; et si vous êtes sans travail, il est plaisant de s'entendre dire que le beau
jeune homme vous en trouvera, d'agréable et de
rémunérateur. Les trois premiers jours furent enchanteurs pour Mlle L..., mais le séducteur, le beau
Maxime Le Sergent, se lassa vite de nourrir sa
conquête. Il' supputa même qu'il pourrait récupérer
les frais faits pour elle en la prostituant. Il lui en
DIMANCHE. — M. Charles Kentzman, lui, n'opéfit la proposition qu'elle rejeta : ce qui lui valut
une correction
soignée.
rait pas comme le beau Le Sergent. C'est dans les
ment,
on était déjà
loin, Bien
vousqu'à trois jour*» nades en autr> bals-musettes qu'il recrutait. Les petites bonnes fré11
quentent beaucoup les bals-musettes ; ça les
son
revint A ,ners hns. w«„ .ez' d®s Prome
change des cuisines, et de danser avec M. Charles,
de belle prestance et bien habillé, les changeait dé
faire valser l'anse du panier. M. Charles leur faisait miroiter un avenir enchanteur. « Je suis puisîrne ia
a
-ours
„. ! ^issa nue
d
sant dans le cinéma; je ne prétends pas être Ber< nue
au académicien "ftES
nard Natan, mais tout de même je compte. Je ferai
tout
de vous une vedette. » Est-il possible qu'une jeune
bonne de 18 ans résiste à un tel appel du studio ?
es.
Si vous le croyez, c'est que vous n'avez jamais été
bonne à 18 ans. La résistance commençait quand
M. Charles voulait les faire « tourner » sur le Sébasto, mais il avait alors des arguments frappants
et des amis sûrs qui séquestraient les récalcitrantes
jusqu'à ce qu'elles fussent venues à résipiscence.
Finalement, c'est M. Charles qui est séquestré à
Fresnes. Telle est là moralité de l'histoire.
é
E
toute ma vie de « mac », je n'avais jamais
connu une meilleure gagneuse. Propre, impeccable, correcte et bien élevée, Maddy
tombait le micheton à volonté, et ses semaines atteignaient facilement les deux ou
trois sacs.
Pourquoi ne la gardai-je pas auprès de moi ? Pourquoi l'envoyai-je à la traite ? Hélas, avec moi les
« bonnes affaires » ont-tôt fait de se dissoudre.
— Maddy m'adorait des pieds à la tête.
Malheureusement, moi, je ne l'adorais pas. Je servais à l'admirable gagneuse qu'elle était un chiqué de
bon aloi — de ce côté-là elle en avait pour son
argent! — mais je n'éprouvais pour elle que le sentiment affectueux que l'on ne peut manquer d'éprouver
à l'égard d'une femme qui vous apporte, bon an mal
an, une dizaine de mille francs par mois.
De temps à autre, je collaborais avec Raymond le
Toulousain et sa bande à l'exportation d'un « colis »
ou deux.
Et voici qu'un de ces « colis » me resta collé aux
doigts.
Régine — tel était le nom de cette « nouvelle »,
— s'éprit de moi en même temps que je m'éprenais
d'elle — à notre deuxième rencontre, s'il vous plaît.
Au lieu de partir pour Ceylan elle resta purement
et simplement dans un petit hôtel de la rue Durantin,
à ma disposition, comme disent MM. les commissaires
de police.
Sérieusement mordu pour Régine, grande brune
aux seins durs, aux jambes enveloppantes, à la bouche avide, je résolus d'envoyer Maddy à l'étranger.
Mais on ne se sépare pas, d'une manière définitive, pour quelques billets, d'une gagneuse qui fait
gonfler votre compte en banque à vue d'œil. Aussi,
rompant avec la résolution que j'avais prise, depuis
mon avatar avec Suzanne, la déserteuse de Caracas,
je décidai d'envoyer Maddy au loin, à mon compte.
C'est à Shangaï que ma « régulière » allait continuer ses séries de michetons.
Mauvaises nouvelles...
Pendant les trois semaines que dura son voyage,
Maddy m'envoya, au hasard des escales, des cartes
et des lettres. Sur les cartes des « bonjour de tel
endroit », des « tendres baisers », sans plus. Mais
les lettres laissaient percer une immense tristesse,
une nostalgie si poignante qu'en les lisant je me sentais gagner par l'énervement et l'inquiétude.
— Pourvu qu'elle n'aille pas me claquer dans les
mains, me disais-je, comme cette garce de Suzanne.
Cette pensée me fichait un cafard noir, mais je
me consolais dans les bras de Régine, pour laquelle
j'étais de plus en plus mordu, et qui me le rendait
bien.
Puis enfin, je reçus la nouvelle de l'arrivée de
Maddy à Shangaï. Sa lettre était datée du lendemain,
de son débarquement, et elle me disait à peu près :
« Me voilà enfin dans cette ville lointaine, où je
suis venue sur ton ordre, sans discuter. Je crois maintenant pouvoir te dire que je pense que tu as été bien
vite à m'expédier. L'homme qui m'attendait m'a placée dans une maison et il m'a dit que j'allais gagner
beaucoup de dollars. Je l'espère pour toi, mon chéri,
mais à la vérité je dois te dire que de bien tristes pressentiments me serrent le aœur. J'ai comme une idée
que je ne reverrai jamais la France, ni toi par conséquent. Enfin je ferai pour le mieux pour toi, mon
petit homme chéri !... »
Cette lettre me coupa un peu la chique, mais je
me remontai le moral en me disant que Maddy se
ferait rapidement à son nouvel entourage.
Je me trompais lourdement. Un jour, je reçus un
câble impératif :
Viens urgence Shangaï ou tu ne me reverras pas
(1) Voir
DÉTECTIVE
depuis le n° 529.
CONFIDENCES
D'UN SOUTENEUR
recueillies par Harry GRE Y
stop Suis gravement malade stop Câble réponse stop.
Maddy.
Ce câble me plongea dans l'angoisse.
Nom d'un chien, me dis-je, voilà qu'elle me joue
la postiche avant de m'avoir envoyé un rond !
Ainsi qu'elle le demandait je lui expédiai un câble,
rédigé de manière à lui secouer les puces, et dur.
Pas question aller Shangaï stop Suis étonné pas
avoir reçu fonds stop Très mécontent stop Demande
explications urgence stop. Gaston.
Voilà qui fera rappliquer du fric, me disais-je.
On a comme cela des moments d'absence et des
accès d'illusion.
S. o. s.
La réponse de Maddy fut laconique.
Viens je t'en supplie. Maddy.
Du coup je m'inquiétai pour de bon, comprenant
en un éclair que la maladie de ma femme n'était pas
feinte. Je décidai de lui remonter le moral, en lui
appliquant le remède qu'il est convenu d'appeler le
bourrage de crâne.
Ayant encore recours au câble, je tentai de la rassurer par ces bonne paroles :
Impossible aller Shangaï maintenant cause affaires
stop Irai dans deux mois stop Tâche envoyer argent
voyage et frais stop Baisers Gaston.
— Et à nouveau je couvris quatre pages d'une
écriture serrée où les mots que je voulais consolateurs
se mêlaient malgré moi à des exigences pécuniaires
plutôt déplacées.
J'attendis une semaine, puis deux, puis trois.
Rien de rien.
Désespérément inquiet, je câblai derechef :
Sans nouvelles, inquiet. Gaston.
Quatre semaines s'écoulèrent.
Un matin vers huit heures, j'entendis frapper à
ma porte.
Me levant sans bruit pour ne pas réveiller Régine
qui dormait profondément, après une nuit tout entière passée en folies, j'ouvris, le cœur légèrement
pincé — à ces heures-là, n'est-ce pas, on ne sait
jamais ! — et je poussai aussitôt un discret soupir de
soulagement en constatant que je n'avais pas affaire
à des « bourres », mais simplement à un gros bonhomme à l'aspect débonnaire, qui tenait un paquet
sous son bras.
— Monsieur Gaston Guillaud ?
— Moi-même. Si c'est pour la représentation de
quelque chose, je n'ai besoin de rien.
Le visiteur haussa les épaules et me regardant bien
en face :
— Il ne s'agit pas de représentation. J'ai une commission là, pour vous — et ce disant, il frappa de la
paume de la main sur son paquet. Puis-je entrer ?
L'homme -flf deux pas en avant et je refermai la
porte doucement en lui disant :
— Ne faites pas de bruit. Il y a quelqu'un qui
dort.
*
— Une femme ? chuchota-t-il.
— Oui, répliquai-je, en le faisant pénétrer dans
mon petit salon.
Le premier objet qu'il tira de son paquet me donna
un choc au qœur. C'était la montre-bracelet de Maddy,
que je lui avais offerte quatre mois auparavant !
Le miche* au grand cœur
93
Il me remit la montre sans un mot. Ma main, en
la prenant, tremblait légèrement,
On aurait dit un étrange prestidigitateur, extirpant
au ralenti des objets d'un chapeau haut de forme.
L'homme continua, toujours en silence, à sortir les
boucles d'oreilles de ma « femme », son collier, son
sac à main, ses deux bagues, et après avoir jeté —
c'est le mot — sur le guéridon un petit paquet de lettres, les miennes, il termina son déballage avec une
petite chemise de soie aux bretelles déjà usées, la première chemise que j'avais offerte à Maddy.
— Qu'est-ce que cela veut dire ? demandai-je d'un
ton où perçait la hargne.
— Permettez-moi de me présenter, riposta le singulier messager. Se redressant, il annonça :
— M. Z..., propriétaire de rizières en Chine.
J'ai connu Mlle Maddy dans la... maison de Shangaï
où vous l'aviez placée. J'ai été de suite attiré vers elle
d'abord par sa beauté, et ensuite par la désespérante
nostalgie qui la rongeait et qu'elle ne parvenait pas,
malgré tous ses efforts, à dissimuler.
Une ombre sembla passer sur ses yeux et son ton
se fit plus dur :
— Maddy m'a narré, d'un ton qui dénotait son évidente sincérité, toute son aventure, la manière dont
vous l'avez arrachée à son travail, la manière dont
vous vous êtes fait aimer d'elle et la manière dont
vous l'avez mise sur le trottoir, pour l'envoyer finalement se prostituer à des milliers et milliers de kilomètres de la France, pour votre plus grand bénéfice !
— Chut..., lui dis-je, car il avait peu à peu élevé la
voix. Je vous ai déjà dit qu'il y avait à côté une dame
en train de dormir. Et je ne pus m'empêcher de ricaner sourdement : « Parlons-en des bénéfices de Maddy ! Elle ne m'a jamais envoyé un sou ! »
La voix de l'autre se fit plus dure encore :
— Ce n'est pas de sa faute. Au surplus, elle vous
en a donné assez pendant qu'elle était ici. Là-bas, la
nostalgie lui rongeait le cerveau et le cœur. Comme
Je vois que vous êtes consolé d'avance et qu'il n'y a
pas de ménagements à prendre avec vous, je vais
tout de suite vous dire que le chagrin l'a minée à
un tel point qu'après vous avoir désespérément appelé
à elle par des câbles que j'ai payés, devant votre
refus de venir, elle s'est laissée abattre et a fini par
succomber à une attaque de méningite cérébro-spinale
dans la clinique où je l'avais fait transporter.
Fidèle Jusqu'à la lin
Je dus m'appuyer sur un guéridon que je manquai
de faire choir.
— Maddy, balbutiai-je, Maddy... morte ! Ce n'est
pas possible.
Sans un mot, le colonial ouvrit son portefeuille et
me tendit l'acte de décès de ma « femme ». Alors,
pendant un court instant, tout sembla s'écrouler. Cette
mort qui se faisait annoncer comme ça sans prévenir, au saut du lit, me bouleversait littéralement...
C'était incompréhensible... Comment Maddy, si
jeune, si gaie, si ardente à vivre...
Après un bout de temps, je réussis à me reprendre
en main, et me redressant :
— Merci, monsieur, dis-je d'une voix que je voulais ferme mais que je sentais flottante. Je vous suis
très reconnaissant !...
— De rien, interrompit sèchement l'autre, en prenant son couvercle. C'est uniquement pour elle que je
suis venu vous apporter ces choses. Quand elle a su
que j'allais prochainement partir pour la France, elle
m'a supplié sur son lit d'agonisante de vous apporter
ces souvenirs. Je lui avais proposé de l'emmener avec
moi dans la propriété que je possède là-bas, de l'épouser et je vous garantis que si elle avait accepté, vous
auriez toujours pu tenter de venir la reprendre. Je
vous aurais réceptionné avec une balle explosive !
La porte claqua.
En revenant, hébété, d-ans le salon, j'eus un brusque
haut le corps. Décidément, c'était le matin des surprises. Régine, en peignoir, les cheveux défaits, la
bouche mauvaise, se tenait debout, examinant les
souvenirs de la morte,
— Qu/est-ce que c'est que ça ? Ce collier, ces bagues, ces lettres ?
Je sentis que tout mensonge serait inutile, et puis
je ne me sentais pas en forme pour en inventer un.
— Ce sont des objets qui viennent de loin, avouaije. Ils viennent de Shangaï. Ils ont appartenu à une
femme que j'ai connue avant toi.
Régine fronça les sourcils :
— Mais pourquoi t'envoie-t-elle tout ce bric-à-brac?
Très doucement, mais avec une fermeté irrésistible,
je lui ôtai les reliques des mains :
— Elle a remis tout cela à un ami à l'heure de sa
mort, dis-je, presque à voix basse, en le priant de
me les apporter quand elle ne serait plus.
— Elle est donc morte, vraiment ?
Ce « vraiment » était à ce point piqué de jalousie et de doute que je tirai l'acte de décès de ma
poche et le lui tendis.
— Tant mieux ! soupira-t-elle.
Ce fut toute l'oraison funèbre de ma pauvre Maddy,
ma meilleure gagneuse, la seule femme qui me soit
vraiment demeurée fidèle.
Vaches maigres
Comme gagneuse, Régine était loin, bien loin de
valoir Maddy. Et puis je dois aussi le dire, elle travaillait beaucoup moins. Avec le désir que nous
avions l'un de l'autre, les heures de nos tendres
ébats empiétaient sur celles qui auraient régulièrement dues être consacrées, moyennant finance, aux
michetons.
Bref, nos affaires allaient plutôt mal, et mon compte
en banque diminuait comme un bloc de glace caressé
par les rayons du soleil d'août.
Par un curieux contraste, ce début de vaches maigres coïncida avec une formidable poussée d'ambition de ma Régine.
— J'en ai assez, me dit-elle un matin. Nous vivotons et comme les temps vont devenir de plus en
plus durs, je vois le moment arriver où nous en serons
réduits à vivre au jour le jour.
— A quoi veux-tu en venir, ma chérie ?... lui demandai-je d'un ton détaché.
— Voilà, me répliqua-t-elle en jetant une lettre sur
la table. J'ai reçu cette missive d'une amie qui est au
Venezuela. Elle ne travaillait pas mieux que moi ici,
et là-bas elle fait de l'or en barre.
Du coup je me réveillai,
— Tu veux partir à Caracas, toi aussi ?
Régine alluma une cigarette à bout doré, et dans
une volute de fumée m'expliqua :
— Ecoute, Gaston, je t'aime autant que tu m'aimes.
Tu ne peux l'ignorer. C'est justement pour cela que
je désire gagner beaucoup d'argent afin que nous
nous établissions d'une manière sûre et définitive.
Régine avait raison. Il n'était que temps de nous
ressaisir. Je dus sortir du tiroir où je les avais
déposés, les pauvres bijoux de Maddy, et je me
résignai à les vendre. C'était le seul moyen de
parfaire la somme nécessaire au voyage de
Régine, qui partit un beau soir, en me laissant sur le quai de la gare, nerveux,
irrité, «acariâtre et raide comme un
passe-lacet.
Le soir, en rentrant, j'eus une
•
^
crise de cafard épouvantable. Etait-ce le souvenir de
Maddy, était-ce simplement le désespoir d'être raide,
je ne sais pas, mais en tout cas, il est un fait certain,
c'est qu'après avoir râclé mes fonds de tiroir et avoir
trouvé à peine trois cents francs, je partis vite, très
vite, quittant l'appartement désert pour aller m'étourdir dans la foire, tel un micheton sentimental qui
aurait été délaissé.
Et s'il y a des « macs » qui lisent ces lignes, je les
engage à ne pas ricaner. Tous ont passé par là, ou ils
y passeront !
Venezuela à la hausse
Le premier et d'ailleurs le seul et unique envoi
d'argent que je reçus de Régine fut d'importance.
Quinze mille francs et dans un paquet recommandé
un étui à cigarettes en or qui lui avait été offert par
un micheton de là-bas. Je reçus également une longue
lettre :
— Les micheions sont fous de moi, m'écrivait Régine. Et il en est toujours ainsi pour les nouvelles
arrivées. Mais bien peu savent garder chez l'homme
cet emballement pour elles, aussi n'est-il pas rare de
voit les « comptées » diminuer au fur et à mesure
chaque mois. Pour ta petite Régine tu peux être tranquille et targent ne diminuera pas.
Cet envoi arriva dans ma vie comme le portefeuille
gonflé au pied d'un clochard.
J'étais doublement dans la mouise. La seule femme
que j'aimais était à vingt jours de voyage, les temps
commençaient à devenir très durs et s'aggravaient
d'une concurrence sans cesse augmentant, faite en
partie de danseurs mondains mis sur le pavé par suite
de l'éclaircissement des pistes.
Je plaçai bien par ci par là une ou deux « cravates > dans un quelconque claque de province, mais
cela ne me donnait que la stricte «matérielle » et
je n'avais pas encore pu, malgré tous mes efforts,
tomber une « doublarde » sérieuse, à cause des fonds
de lancement qui me manquaient, tant il est vrai que
l'on ne peut mettre en marche quoi que ce soit sans
argent, n'en déplaise à ceux qui se prétendent anticapitalistes.
J'avais même du retard sur le paiement de mon
terme et de mon garage.
Me hâtant de régler ces menues dettes, je bombai à
nouveau le torse dans le quartier et me mis sérieusement à la recherche d'une « doublarde » que je finis
par dénicher en la personne d'une fille nommée
Suzy, femme de métier, ayant déjà deux ans d'expérience de bitume parisien et du parfait « mac ».
Suzy» fleur de bitume
Je repérai Suzy un matin, vers les onze heures,
dans un café de la place Clichy. Seule à une table,
en face d'un café-crème qui refroidissait, elle rêvait
tristement, la tête dans les mains.
Quand.une * fleur de bitume » est triste, c'est du
cousu main.
Je m'approchai :
— Alors, Suzy, on a le cafard ?
La fille me regarda et me répondit d'un ton infiniment las :
— Quelle vacherie d'existence !
— Et Gustave ?
Gustave, c'était son homme. Je n'ignorais pas que,
depuis de longs mois, il pourrissait sur la paille
humide des cachots, avec une sale affaire sur les
reins.
— Comment, me dit-elle, tu n'es pas au courant
de son « balancement » ?
— Il est donp passé ?
D'un geste lourd, Suzy tira un journal qui se trouvait coincé entre ses fesses et la banquette et me
le tendit*
En quatrième page, juste avant les annonces, s'étalait l'article de trente lignes consacré à Tatave. Il y
était dit que l'accusé, reconnu coupable de meurtre
et accablé sous le double poids de ses antécédents
fâcheux, et de nombreux témoignages défavorables,
avait été condamné à vingt ans de travaux forcés.
-— Eh bien ! constatai-je, le voilà bon à perpète,
à moins qu'il ne s'évade.
Suzy leva les yeux au ciel, avala une gorgée de
son bain de pieds et soupira d'un air de doute :
— Pour jouer la belle, il faut du fric, et ce u'est
toujours pas moi qui lui en enverrai, à ce salaud !
Allons, Suzy, il ne faut pas parler ainsi d'un
homme, surtout quand il est dans le « trou » et
qu'il ne peut pas te répondre.
Têtue, la femme glapit :
— Si tu avais assisté au procès, tu dirais comme
moi.
Le visage de la fille se durcit encore :
— Tu connais l'affaire. Tu sais que le Grand
Raoul me cavalait après, mais que je n'avais jamais
marché. Eh bien ! Gustave n'a pas eu confiance, il
a cru que j'avais marché, et il a buté Raoul, au lieu
de lui f... une trempe. Il l'a buté sans aucun droit,
ne l'ayant jamais surpris avec moi. A l'audience,
pour se laver, il a dit au juge que c'était moi qui
l'avait poussé à sortir son feu et à descendre Raoul.
— Et ce n'était pas toi ?
— Bien sûr que non. Moi, quand j'en ai eu
marre des vannes qu'il m'envoyait au sujet de
Raoul, je lui ai dit : « Casse-lui la gueule ! »
Mais je ne lui ai jamais dit de le buter !
— Et maintenant, lui demandai-je, que vas-tu
faire ? Tu n'es pas habituée à rester seule... Tu
as toujours vécu avec un homme...
Agressive, elle répliqua :
— Cela ne veut pas dire que je ne pourrais
pas m'en passer !
Je lui pris le bras et, tout en lui chatouillant
le creux de la main, je m'efforçai de l'apprivoiser en lui disant :
— Voyons, Suzy, ne te fâche pas. Ce n'est
as parce que tu as eu un coup dur avec un
omme pour croire que nous sommes tous pa-
E
Une fois n'est pas
coutume. Ce fut Régine (en haut à g.)
elle-même qui organisa son départ pour
Caracas I — Tandis
que Suzy (cl-dessous)
"s'expliquait" le menais la " belle vie "...
reils dans le « milieu ». Les coups de pétard sont
plus rares, chez nious que dans les milieux bourgeois,
et. neuf fois sur dix. le « dur » qui tire prend tout
sur lui, tu le sais bien...
Un quart d'heure plus tard, nous roulions sur la
route de Quarante-Sous, en direction de Deauville.
Catastrophe
Le soir même, Suzy accepta de devenir ma femme.
Dès le lendemain, elle commença à me rapporter
son gain.
Enfin, je commençais à me sentir revivre. Les
jours s'écoulaient, sereins, dans l'attente du deuxième envoi de Régine. Plus que jamais, je bombais
le torse dans les bars et dans les dancings, en regardant d'un air légèrement méprisant les petits barbillons qui ne parvenaient pas à se débrouiller et
qui tentaient de lancer — toujours au mépris de
ces fameuses lois du milieu — des œillades discrètes
à ma femme, au risque de récolter un coup de poing
sur la gueule ou un coup de pompe au cul !
Soudain, brutale, la catastrophe éclata.
Un matin, je reçus une lettre de Régine. Cette
lettre, je l'ai gardée et je la reproduis in extenso :
Mon cher Gaston,
Je dois te dire que, quand je me suis décidée à te
quitter pour venir ici, c'est que je n'avais déjà plus
envers toi les sentiments de nog premiers temps. Tu
vois, je suis franche. Je t'ai beaucoup aimé, mais je
t'ai aussi jugé, et je sais qu'avec toi jamais je n'aurai
de position; parce que tu as la tête d'un enfant et
que tu te figures que ça durera toujours, alors que
moi je sais que non, parce que, si on ne met pas des
sous à gauche quand on est jeune, après c'est trop
tard.
Je t'ai envoyé de l'argent et un souvenir le mois
dernier parce que je ne voulais pas que tu restes
sans le rond après m'avoir donné tes sous pour que
je vienne ici. Maintenant, c'est fini entre nous, parce
que, de toute manière, je quitte le business pour me
marier avec un homme d'ici qui a une position et
qui m'emmène loin de Caracas pour demeurer chez
nous, dans un pays où personne ne me connaît.
Sûrement, je l'aimerai moins que je t'ai aimé
mais je te répète que j'aurai une position, et on ne
peut pas tout avoir dans la vie, l'amour et tout. Aussi
moi, j'ai choisi et j'espère bien que je ne serai pas
malheureuse avec lui et je penserai quelquefois à toi
comme je te demande de penser quelquefois à moi,
mon cher Gaston.
Je sais que tu n'auras pas de peine à trouver une
autre femme, aussi je ne m'en fais pas pour toi.
N'oublie pas que je t'ai beaucoup aimé et au nom
de tout notre mariage je te demande de ne pas m'en
vouloir et de penser sans rancune à celle qui a été
ta petite femme pendant longtemps.
Régine.
J'en tombai, comme on dit, sur le cul. Puis, reprenant la lettre, je me mis à la lire à nouveau, puis
à la relire, incapable de me graver dans la tête les
phrases qui dansaient devant mes yeux...
(A suivre.)
Gaston GUILLAUD.
Copyright 1938 by Détective and Harry Grey.
Reproduction, même partielle, rigoureusement interdite.
Reportage photographique DETECTIVE.
Marcel CARRIERE.
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Traitement de 2 mois, facile à suivre en secret.
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de violentes discussions avec ceux qu'il
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avait bernés. L'âge — il venait d'avoir
dié franco contre bon ou mt-poste adressé au
è J. RATIE, pharm., Oiv. 72 BR 45, r. de l'Echisoixante ans à la fin de l'année passée —
COMPTOIR DU LIVRE, 18, r. du Mail, Pctris-2'
quier, Paris (10*). Envoi discret par la poste. A
ne l'avait guère assagi.
BRUXELLES t Ph. Delacre ; GENEVE. Ph. des leraues
Il y a deux ans, tout de même, cè coureur de guilledou se sentit du vague à
l'âme. Les aventures sans lendemain ne
Le BONHEUR et ta JOIE au FOYER
l'égayaient plus.
Gaspard prit femme,
mais par correspondance. Une de ses compatriotes lui envoya sa photographie. Elle
était brune, avec de beaux yeux candides
et une poitrine appétissante. Ce portrait
attisa la flamme du vieux séducteur, et
bientôt débarquait à Escautpont l'élue de
son cœur. La photo n'avait pas menti.
Héléna Gawitz était vraiment un beau
brin de -fille, jeune, pleine d'ardeurs et de
désirs. Le sexagénaire mordit à belles
dents dans ce fruit mûr. Il la surveilla.
Ce communiste en amour, jadis, devenait
par
par la" SANTÉ.
conservateur. Parbleu, il en trouvait la
chair douce et désirable. Mais il n'était
pas le seul, et bientôt les jeunes godelureaux du patelin lui rendirent avec
abondance les traits qu'il avait faits aux
autres. Gaspard fut un cocu qui, s'il
n'était pas magnifique, le fut abondamment. Il aurait pu, sur sa modeste maisonnette, mettre un gros numéro. InsaL Institut Moderne du Dr.M.A.Orard
d'électrothérapie comprend
tiable, la jeune épousée recevait à
à Bruxelles vient d'éditer un traited Elecdomicile tous ceux, en mal d'amour,
ire PARTIE : seBBBBMBHBBBB
Irothérapie destiné à être envoyé gratuitequ'attiraient sons candide visage et sa poiment à tous les malades qui en feront la
SYSTÈME NERVEUX.
trine provocante. Le scandale fut si grand
demande Ce superbe ouvrage médical en
Neurasthénie. Névrose» diverses, Néque bientôt la police s'en mêla. Elle pria,
vralgies, Névrite», Maladies 4c la Moelle
5 parties, écrit en ,un langage simple et
après enquête, la donzelle de retourner
éplnïère. Paralysies.
clair explique la grande popularité du traidans son pays natal.
SJSJBBJBBBSnSSBBB lltlt PARTIE
BMSSBBSHSSBBBSS1
tement électrique et comment l'électricité,
Et, l'autre jour, la Loterie nationale lui
en agissant sur les systèmes nerveux et
ORGANES
SEXUELS
octroya
un beau billet de 1.000 francs.
musculaire, rend la santé aux malades-,
Il
offrit 'à boire à tous ceux qui voulaient.
débilités, affaiblis et déprimés.
APPAREIL URIIM AIRE.
Tard dans la nuit, fin soûl, Gaspard
Impuissance totale ou partielle, Varicoregagna son foyer, situé devant les écoles.
La cause, la marche et les symptômes
cèle, Pertes Séminales.
Prostatorrhée,
Il s'assit devant son poêle et le bourra
de chaque affection sont minutieusement
écoulements, Affections vénériennes et
d'une belle bûche...
décrits afin d'éclairer le malade sur la
maladies des reins, de la vessie ef de la
♦
FORCE
SANTÉ
VIGUEUR
L'
ELECTRICITE
et
nature et la gravité de son état. Le rôle
de l'électricité et la façon dont, opère le
courant galvanique est établi pour chaque
affection et chaque cas.
L'application de la batterie galvanique
se fait de préférence la nuit et le malade
peut sentir le fluide' bienfaisant et régénérateur s'infiltrer doucement et s'accumuler
dans le système nerveux et tous les organes, activant et stimulant l'énergie ner
veuse, cette force motrice de la machine
humaine.
Chaque famille devrait posséder cet
ouvrage pour y puiser les connaissances
utiles et indispensables à la santé afin
d'avoir toujours sous la main l'explication
de la maladie ainsi que le remède spécifique de la guérison certaine et garantie.
prostate.
assaMsassjsssi ime
PARTIE . saseoBSBSsasssi
MALADIES DELÀ FEMME.
Métrile, Salpingite, Leucorrhée, Écoulements. Anémie, Faiblesse extrême, Aménorrhée et dysménorrhée.
■BMBBSBBSBSBBl Ime PARTIE : SBSBSaSBSBSSSSSS*
VOIES
DIGESTIVES.
Dyspepsie, gastrite, gastralgie, dilata*
tion, vomissements, aigreurs, constipation,
entérites multiples, occlusion Intestinale,
maladies du foie.
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PARTIE 1 BSeSSBBSSMSMSBSS
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— Tiens, ça gueule dans la baraque
à Gaspard. Qu'est-ce qui se passe ? Va
donc voir !
Mme Goliot, sa voisine, parle ainsi à sa
jeune fille Madeleine. La Ailette, elle a
douze ans, sort. Mais elle a peur d'aller
toute seule dans le logis du vieux galant,
parce qu'elle a entendu des coups sourds,
des cris, des bruits de chute. Elle va
chercher Mme Czervonka, autre voisine,
amie de sa mère. Celle-ci vient, aperçoit
une ombre qui fuit, ne s'en préoccupe
pas, et pénètre chez Gaspard. Le mineur
gît dans la cuisine, le crâne fracassé à
coups de hache. Du sang macule le parquet, la cheminée, la chaise. Il y en a
partout. Aux cris d'appel de Mme Czervonka, les gens accourent. On alerte les
autorités.
Elles reconstituent rapidement la scène
tragique. Gaspard mettait une bûche au
feu lorsque l'assassin lui asséna un terri-
R. C. Seine 237.040 B — Le tirant t Hubert BOUCNET.
Iirp.
A 60 ans, Gaspard (à gauche) avait
encore bien des succès féminins. Las I
On le retrouva, le crtine fracassé, dans
la baraque où II gttalt. — Les enquêteurs sur les lieux. — La hache de
mineur, Instrument du crime.
ble coup de hache qui l'étendit raide après
lui avoir fracassé le crâne. Puis, il
s'acharna sur le moribond, lui martela
la figure, la réduisant en une bouillie
innomable. Il fouilla le cadavre, retourna
les poches, fouilla le portefeuille et visita
ensuite les tiroirs.
Il se retira enfin, non sans avoir abandonné la hache dont il avait soigneusement essuyé l'acier avec un journal.
Crime crapuleux ou vengeance d'époux
trompé ? Le vol n'aurait-il servi qu'à une
mise en scène et là égarer les soupçons ?
Un voisin arrêté, et sur les vêtements
duquel on avait relevé des traces de sang,
affirma que c'était" du sang de lapin. U
aveit éprouvé le désir de faire un civet
à trois heures du matin... Et, chose
curieuse, le fait était exact.
Un ancien bat-d'af fut également soupçonné. Il donna un alibi difficilement
vériflable, mais Alfred Jacquelin — c'est
son nom — est un mauvais garçon, revenu
dans le pays malgré une interdiction de
séjour. Il a été écroué pour cela.
Quant aux maris trompés, qui sont
innombrables, la police s'efforce de les
dénombrer et de chercher, parmi eux,
celui qui vengea leur honneur individuel
et collectif.
Héllo*.Archereau, 39, rue Àrchereau,
Imprimé en France.
Volupté nocturne
L
On coupe,
on compe
J
veux bien accepter que, pour
l'amour d'une belle, ce mari ait
trahi sa femme, je veux dire qu'il
l'ait abandonnée, elle et son enfant,
encore que cela ne soit ni très moral m
très légal, mais n'est-il pas vrai que le
cœur a souvent des raisons que ni la
morale ni le code ne peuvent connaître ?
E
Où cela devient grave, c'est quand la
trahison se double de perfidie. Notre infidèle, donc n'avait rien trouvé de mieux
pour justifier son abandon de domicile
que d'accuser sa femme d'être une avorteuse. En ce temps où l'orthodoxie est
d'avoir beaucoup d'enfants pour faire
beaucoup de soldats, ce crime, s'il eût été
prouvé, aurait relégué l'autre forfait en
une ombre quiète. Ce que devinait l'avocat de la femme, qui, pour justifier sa belle
cliente réclamait trois quarts d'heure
d'indulgence au tribunal pour entendre
ses explications avant que d'accorder à
l'inculpée une indulgence totale, c'est-àdire l'acquittement.
— Allons 1 pour une petite affaire
comme ça, vous exagérez, maître, objecte
le président.
— Petite affaire, petite affaire ! » s'indigne le jeune avocat pour qui c'est «peutêtre la plus belle affaire de sa carrière ;
comme vous y allez, monsieur le président.
Et c'est lui qui y va et de quel train !
Ah ! l'admirable documentation. Tour à
tour pathétique, péremptoire, docte, violent, patelin, il entreprend un cours de
gynécologie, un autre de droit, un troisième de psychologie. Ce n'est plus un
avocat ; c'est Pic de la Mirandole et ses
neuf cents thèses.
Mais le tribunal est mauvais public. Je
n'entendrai jamais le dénouement du
drame eschylien qu'animait devant la
correctionnelle Te talentueux jeune maître ;
jamais je n'ouïrai la péroraison de l'étonnante plaidoirie que le tribunal coupe au
tiers (c'est-à-dire après quinze minutes),
en disant : « Bien ! maître, nous rejetons
l'affaire faute de précision. »
Et dire que Je maître était prêt à les
fournir toutes, les précisions. S'il devient
un jour ministre de la Justice, je plains
les magistrats qui lui ont ainsi rentré sa
plaidoirie dans la gorge.
S. F.
Massage à bon compte
D
l'un de ses récits charmants,
Voltaire nous conte comment Zadig découvrit un jour un premier
ministre voleur. « Organisez un bal ditil aoi roi, et ordonnez que tous vos ministres dansent et fassent des entrechats.
Celui dont la danse sera la plus lourde
sera aussi le voleur. » C'est que, parbleu !
l'or qui emplissait les poches du voleur
l'empêchait de se mouvoir légèrement, et
c'est ainsi qu'apparut la félonie du premier ministre.
ANS
Le pharmacien qui employait M. Otto
eut la même pensée que Zadig, mais il
lui fut plus difficile d'obtenir rapidement
la vérité. Nos mœurs démocratiques ne
permettent plus qu'on prie, un soir, un
aide-pharmacien à danser afin de savoir
si ses poches sont pleines de choses mal
acquises.
Mais ledit pharmacien, aussi
sage et sagace que l'était Zadig, remarqua que, le soir, le pantalon d'Otto était
si gonflé que son pardessus restait droit,
tendu, malgré la maigreur de l'employé.
Parallèlement, il remarqua que les recettes baissaient toujours. Il établit un rapport de cause à effet entre le pantalon
pléthorique et la caisse anémique. Puis
(un logicien ne peut rien se refuser) il
délaissa quelque peu ses bocaux et ses
éprouvettes pour s'armer de la loupe et
de la pipe de Sherlock Holmes, je veux
dire pour se faire détective. Il rechercha
et retrouva les précédents employeurs
d'Otto. Cinq d'entre eux lui dirent qu'ils
avaient, comme lui, remarqué la baisse
de 20.000 francs par an du chiffre d'affaires, durant qu'ils occupaient Otto. Il apprit ensuite qu'Otto avait une amie dont
la profession était : masseuse, pédicure,
manucure, soins de beauté.
Est-ce que vous comprenez ? Le pharmacien, lui, comprit. Il comprit pourquoi disparaissaient les boîtes de cachets
amaigrissants, les fards, les rouges à lèvres, les flacons de parfum, de crème,
d'eau de Cologne, tout ce dont Mlle Adèle
avait besoin pour exercer son état. Les
trois protagonistes comparaissent devant
la XVIIe Chambre. Otto est si maigre et
défait qu'il a dû abuser des cachets amaigrissants, et Mlle Adèle est si plantureuse
qu'il ne devait point lui en laisser pour
sa consommation personnelle. Le pharmacien est assez fier de son enquête et, lorsqu'il entend que le tribunal condamne sjon
voleur à huit mois de prison et 3.000
francs de dommages-intérêts, il est aussi
glorieux crue mon chat lorsqu'il a pris
une souris.
S. F.
12
dams 66le bain
B
99
sûr qu'elle aimerait mieux ne pas
se trouver là, la jeune et jolie
Suzanne que nous n'appellerons pas
la chaste Suzanne car son état social
n'implique pas précisément la pudeur.
Elle préférerait se trouver dans le petit
hôtel sordide, près de la Bastille, avec un
client amoureux et généreux, généreux
surtout car pour l'amour, pour ces amours
passagères en tout cas, elle est plutôt
blasée. Pourtant elle n'a que dix-huit ans,
mais elle a déjà supporté et feint de
rendre beaucoup d'assauts luxurieux.
Jamais, jusqu'alors, elle n'avait eu une
pareille histoire. On l'accuse d'entôlage,
pensez donc, ce qui peut nuire beaucoup
à son avenir de prostituée. C'est le président Brissaud qui l'accuse ; elle se défend
ênergiquement, secouant sa jolie tète
blonde en signe de dénégation, s'étouffant
presque d'indignation. Le bon juge
retrace la scène (rassurez-vous, une partie seulement de la scène : le lever de
rideau) : Votre client voulait vous donner cent francs et de la tendresse. Vous
auriez dû vous en contenter, mais vous
avez les dents longues.
— Oh ! si l'on peut dire, monsieur le
Président ; je ne pourrais pas travailler
avec des dents longues ; surtout que j'ai
une spécialité...
Ça suffit ; pas de détails ; je veux dire
que vous êtes insatiable... en matière d'argent. Votre ami de passage, n'ayant pas
de monnaie, a eu l'imprudence de vous
confier un billet de 500 francs pour l'aller
changer. Lorsqu'il vous a vue mettre d'un
geste preste le billet dans votre bas, il
a pensé : « Elle veut me l'étouffer » et
il pensait juste.
— Mais non, le bas c'est notre portemonnaie à nous ; je ne voulais pas perdre
le billet, voilà tout. Tenez, voyez comme
c'est pratique. » Et la jolie fille pose son
petit pied sur le rebord du box, relève
haut ses jupes, découvre un mollet et
même toute la cuisse pour faire une
démonstration.
Le bon président Brissaud proteste
qu'il en sait assez et qu'il en a assez vu.
Il engage l'inculpée à se rasseoir et
l'adjure de chercher d'autre travail.
— Mais, mon président, je ne fais que
cela. Ce n'est pas ma faute si je n'en
trouve que le samedi.
— Ce n'est pas de ma faute non plus
si je vous condamne à un mois de prison,
mais avec sursis.
IEN
entendit des gémissements et
qu'il vit dans le passage sombre,
à la lueur de sa lanterne, une femme allongée sur le trottoir, notre
jeune cycliste s arrêta.
Cela partait d'un bon naturel et, lorsqu'il comprit que la femme ne réclamait
point d'autres soins que ceux d'Eros, il
s'efforça de la satisfaire. Toujours son
bon cœur, et puis quoi, un jeune cycliste
ne doit-il point toujours être prêt à chevaucher n'importe quelle monture ? Il
faut dire que celle-ci n'était point de
prane jeunesse, ce aont ne be tut peutêtre pas rendu compte le cycliste sans
la damnée lanterne. C'est une éternelle
vérité qu'il ne faut jamais faire la lumière en amour. La dame s'offrait sans
fausse pudeur, jambe de-ci, jambe de-là,
et tous voiles écartés, bien qu'on fût
déjà en octobre ; il est vrai que c'était
une soirée d'automne particulièrement
propice aux jeux de volupté en plein
air, un soir doux comme une peau de
vierge. Par malheur, la couche manquait
de moelleux, constituée qu'elle était par
les dalles d'asphalte du trottoir, et la
gémissante amoureuse, loin d'être vierge,
avait — on le sut ensuite — six enfants.
Aussi le bon cycliste
(oserai-je dire,
d'après l'apologue du Nouveau Testament,
le bon Samaritain qui versait d'u baume
et de l'huile sur les plaies ouvertes et
donnait, par surplus, tout le contenu de
sa bourse?) aussi le bon cycliste ne putil arriver à satisfaire l'ardente soif
d'amour qui brûlait la femme et qui commençait à l'embraser. Peut-être 'y fût-il
parvenu, car, à vingt ans, on est plein de
ressources, sans la fâcheuse intrusion
dans ce jeu de quilles d'agents cyclistes eux
aussi. Ceux-ci n'estimèrent point que la
charité devait l'emporter sur le devoir.
L'un prit par le bras le cycliste confus,
défait et déconfit; l'autre releva sans douceur la femme inapaisée.
Et voilà les coupables devant le président Patouillard.
— Je ne vous félicite pas, jeune homme, dit-il au cycliste (et l'on ne sait trop
s'il entend lui reprocher d'avoir choisi
une partenaire qui pourrait presque être
sa grand-mère ou s'il estime qu'à vingt
ans on ne doit jamais être à bout de
ressources et rester en chemin).
— Et, quant à vous... qu'avez-vous à
dire ?
L'amoureuse éperdue bredouille qu'elle
regrette d'avoir été presque dévêtue. Mais
le passage était si noir. Tenant compte
de la faiblesse humaine, et du coin noir,
et de l'heure où tout reposait dans Ur et
dans Jérimadeth (ce qui éloigne l'outrage
public), le bon président ne condamne les
deux boutefeux qu'à la peine légère de
quarante-huit heures de prison, et avec
le sursis, encore.
Je gage que le jeune cycliste profitera
sûrement de la loi Béranger : le trottoir
fut trop dur, trop désobligeant,
et
la
comparse trop complaisante.
S. F.
ORSQU'IL
Petites choses
V
FABRIZIANO, garçon coiffeur, secoue sa chevelure bouclée, d'un noir magnifique, ce
qui est une manière de protester.
On lui reproche d'avoir menacé de
mort sa maîtresse, Damita, qui l'avait
quitté, après avoir été hébergée pendant
quatre mois chez lui, pour aller retrouver
un souteneur, à sa sortie de prison.
La chose est fréquente et Fabriziano,
s'il avait été un sage, s'en serait accommodé. Mais Fabriziano n'est pas un sage,
Damita est à la barre, unique témoin
de l'accusation. C'est une jolie fille, espagnole, faite pour l'amour.
Damita raconte gentiment comment elle
est devenue la maîtresse du Sicilien :
IRGINIO
« ... // m'a dit des petites choses, moi
aussi... »
On sait où mènent ces « petites choses ». Tout alla très bien, tant que
l'amant de Damita fut à la Santé. Virginio Fabriziano avait recueilli l'Espagnole
et son fils, âgé de douze ans ; et puis, un
matin, Damita partit.
DAMITA. — Je ne voulais pas le revoir ; je savais qu'il était très nerveux.
Damita indique qu'elle est partie, par
crainte des représailles de l'autre. Mais
elle s'est trouvée ainsi entre deux dangers, car Virginio l'a menacée d'un revolver.
DANITA. — Il a montré l'arme à mon
fils en lui disant qu'il voulait me parler,
Et sur la seule déclaration d'un enfant
de onze ans, Virginio était poursuivi.
Le tribunal a pensé que ce témoignage
était douteux et il a acquitté Virginio.
Les malheurs
d'« Auguste »
O
pouvait remarquer, l'autre jour,
à la Xe Chambre du tribunal correctionnel de la Seine, deux anciens députés : la confiance des électeurs
leur ayant fait défaut, ils ont pris le
chemin du Palais, mais par des voies
différentes. L'un siégeait comme juge,
l'autre comparaissait comme inculpé.
Le juge, M. Tricard-Graveron, écoutait
son ex-collègue, M. Auguste Sabatier,
fameux par son pittoresque, sinon par son
éloquence, protester, avec une vigueur
qu'il tient certainement de son ancien
métier de boucher, contre l'accusation de
complicité de vol dont il était l'objet.
Car, Auguste Sabatier, qui représenta
un arrondissement de Paris au Parlement, avait à répondre de ce grief infamant.
Retiré de la vie politique, il est propriétaire d'une boîte de nuit : la « Feria ».
Excellente méthode pour diriger une boîte
de -nuit que celle qui consiste à avoir
siégé au Palais-Bourbon,
Il n'est pas de « boîte de nuit » qui
puisse rivaliser avec le temple aux colonnes néo-grecques, où s'agitent nos
députés.
Donc, Auguste Sabatier, plus connu sous
son seul et impérial prénom, était
accusé d'avoir exercé, avec un zèle excessif, ses fonctions directoriales : le plaignant, un homme d'équipe à la gare de
Bordeaux, M. Garrigues, avait été conduit
par une « entraîneuse » à la « Feria ». On
lui présenta une note de. 2.900 francs pour
quelques bouteilles de Champagne et deux
« assiettes anglaises ». Comme il trouvait l'addition trop « salée », M. Garrigues refusa de payer et c'est alors que
serait intervenu l'énergique « Auguste »,
dont le veston s'ornait de la rosette de
la Légion d'honneur.
Sur les instructions du patron, un de
ses dévoués collaborateurs aurait pris le
portefeuille de M. Garrigues, qui contenait un billet de 500 francs. Premier
acompte saisi ; puis, sous la pression
menaçante de ses gardes du corps, l'infortuné Bordelais avait dû signer une
traite de 1.500 francs.
M. Garrigues raconte ses malheurs :
M. GARRIGUES. — A trois heures du
matin, je fus accosté par une femme qui
m'invita à boire le Champagne...
LE PRÉSIDENT. — Ça commence toujours
ainsi.
La femme est connue de la police : c'est
peut-être la raison pour laquelle elle n'est
pas poursuivie. Son nom est « la Belle
Rousse ».
M. GARRIGUES. — Dès que j'entrai dans
l'établissement, je vis dans quel milieu
j'étais tombé.
LE PRÉSIDENT. — Pourquoi alors n'êtesvous pas parti tout de suite ?
L'homme d'équipe lève les bras : comme si c'était facile de s'échapper des bras
de la Belle Rousse ! Elle l'avait déjà entraîné dans un tango.
M. GARRIGUES. — J'ai fait trois tours
de danse avec elle, et entre chaque tour,
je constatais que le nombre des bouteilles augmentait : le barman (M. Garrigues
prononce « barmant ») mélangeait les
bouteilles factices aux autres...
(Lire la suite, 4* colonne.)
N
La vie n'est bas le théâtre, ni l'écran
Sacha Guitry ne juge plus mais
comparaît devant les juges pour bouleverser, une fols de plus, sa vie intime ; Il quitta Jacqueline Delubac après
quelques ans d'un rare bonheur...
et
LE DERNIER SCANDALE
L
'ENQUETE documentée que nos collaborateurs ont publiée la semaine
dernière sur « le secret de Natan » a révélé tous les dessous de ce
scandale.
On est littéralement dégoûté, écœuré de voir par quels procédés des
milliers d'épargnants, possesseurs d'actions de la société Pathé, ont été
volés et comment, en quelques mois, une magnifique entreprise, l'une des plus
anciennes firmes de cinématographie, a été vidée, « siphonnée », pour reprendre
l'expression des experts-comptables. .
Des réserves énormes, une centaine de millions représentés non par des titres
douteux ou même aléatoires, mais par des titres de Rente sur l'Etat, ont disparu.
Pas pour tout le monde, naturellement. Natan et Cerf se sont bien servis et plus
encore qu'eux, toute la bande des « faisans », des êtres tarés, des personnages
équivoques, des maîtres-chanteurs qui, flairant l'escroquerie ou le pillage, rodent
toujours dans les parages des malfaiteurs de haut vol.
Oui, le dégoût soulève le cœur de tous les braves gens qui lisent, chaque jour, un
chapitre nouveau de cette gigantesque escroquerie : on parle de 400 millions. Le
chiffre est, comme on dit, « coquet », bien qu'on soit habitué, depuis trop longtemps,
à voir valser, dans une sarabande infernale, les zéros...
Après le mouvement de dégoût, l'esprit reprend ses droits : il demande à comprendre, il réfléchit. Et dès lors, la question se pose, toute simple, élémentaire :
comment cela a-t-il pu se faire ? Comment, en un délai si bref, tant de millions
ont-ils pu être volés, alors surtout que l'affaire Natan n'était pas ignorée, que de
nombreux articles avaient été publiés sur la gestion malhonnête de ses dirigeants ?
Sans doute, objectera-t-on, il y a beaucoup d'articles de chantage. Mais nous
répondrons que, précisément, il est du devoir des autorités responsables de faire la
distinction entre les critiques sérieuses et celles qui s'accompagnent d'un « air de
musique »...
Et puis, aussi, on ne peut se déf endre d'un étonnement qui risque de se transformer en colère : il n'est pas question de faire de la xénophobie ; nos tendances
sont trop libérales pour que nous redoutions ce reproche.
Mais tout de même, quand on lit que Naphtoul Tanenzaft, né à Jassy (Roumanie),
a commencé par être figurant dans un film obscène, puis qu'en un espace de temps
rapide, il s'est fait appeler Natan et est devenu l'un des maîtres du cinéma français,
en dépouillant des milliers de petits épargnants de chez nous, quand on voit que
son complice fut un Grec, Johannidès, on ne peut s'empêcher d'être révolté. Trop
de nos compatriotes vivent dans une digne pauvreté, s'efforçant, avec peine, de gagner
leur vie, tandis que quelques « métèques », aussi habiles que canailles,
ruinent et dépouillent notre pays.
Les pouvoirs publics doivent prendre garde à certaines rumeurs
qui pourraient s'accentuer en grondements de colère.
ECHOS DU PALAIS
Au Palais, le bruit s'est répandu que
l'affaire Natan-Cerf et Cie... allait être
un nouveau scandale politique, qui
éclipserait en intensité l'affaire Stavisky.
C'est beaucoup dire... Pour l'instant,
aucun parlementaire ne semble compromis et si l'on a parlé d'un ancien
président du Conseil, il convient de
préciser qu'il n'aurait donné qu'une
consultation à Natan.
On est loin des « combinaisons »
d'Alexandre.
Mais il n'empêche que cette affaire
demeure surprenante et qu'il appartient à la justice de faire toute la lumière sur les conditions dans lesquelles Natan et Cerf parvinrent à vider
la société Pathé de tout son avoir, de
ses énormes réserves.
On a raconté bien des choses sur
Jean-Simon Cerf. C'est que le personnage est curieux. Drapé dans son ample pardessus beige clair, qu'il ne quitte pas à la Santé, il fait en ce moment
de fréquentes visites à M. LedoUx, juge d'instruction.
A la Santé, où il est soumis, comme
Natan, au régime de la haute surveillance (la lumière est allumée jour et
nuit dans sa cellule et un gardien, sans
relâche, contrôle ce qui s'y passe)
Jean-Simon Cerf doit méditer sur la
fragilité de la grandeur.
Lui qui menait un train somptueux,
il y a quelques jours à peine, peut faire de douloureuses comparaisons. Il
peut surtout se rappeler le temps où
il fit partie d'une commission de juristes, chargée d'établir un prlojet de
réorganisation des prisons !
Nous ne savons si le projet a été
achevé. Dans l'hypothèse vraisemblable où, comme tant de projets, il ne
l'aurait pas été, Cerf a désormais tout
loisir pour le mettre au point, en s'inspirant d'une expérience personnelle,
riche en enseignements.
On a raconté la « superbe » de JeanSimon Cerf, son faste, la splendeur de
son hôtel particulier, rue Vineuse, de
sa galerie de tableaux, sa vie de luxe
et de plaisirs.
Ce qu'on n'a pas dit encore, c'est
l'aventure qui lui arriva pendant la
guerre.
Gaillard solide, d'une carrure athlétique, Cerf avait été avocat à la Cour
d'Appel. A la déclaration de guerre, il
réussit à ne pas partir sur le front
et fut chargé de missions diverses, toutes fructueuses, pendant que les camarades se faisaient casser la gueule...
Cela provoqua, à juste titre, quelque
émotion et la bonne blague que voici :
un jour, c'était vers 1917, la bâtonnier reçut l'avis de décès de Cerf, mort
glorieusement des suites de blessures
survenues à l'attaque des Eparges. Au
conseil de l'ordre, on n'avait pas pris
le soin de vérifier l'information. Cerf
ne venait plus au Palais, on pouvait
donc le croire aux armées.
Le billet de faire-part laissait entendre que Cerf était mort à Paris, après
plusieurs mois de souffrances.
Conformément aux usages du barreau, deux avocats furent désignés
pour suivre l'enterrement. Quand ils
se présentèrent à la maison mortuaire,
ils trouvèrent le mort... en parfaite santé et tout surpris de ce qui lui arrivait.
Les malheurs
d'« Auguste »
{Suite de la 1" colonne.)
Naturellement, M« Guyonnet, qui défend
M. Sabatier, suggère que le plaignant
n'avait peut-être pas une lucidité d'esprit totale : quand on a bu et qu'on a
l'âme gaie, on est enclin à voir les choses en grand...
M. Garrigues, indique le défenseur,
s'était fait passer pour « météorologue »,
et ce titre avait fait une forte impression
sur la Belle Rousse. Un météorologue,
ça n'est pas n'importe qui. En outre, il
avait donné 20 francs à la quête des
musiciens : preuve de son opulence. On
pouvait donc le prendre pour un bon
client.
>M. GARRIGUES. — Après être resté attablé une heure, j'ai dis que je voulais
bien payer ce que j'avais consommé, mais
pas davantage. Le gérant, un garçon,
M. Joseph le barman et le caviste m'ont
entouré : chacun d'eux avait un rôle à
jouer ; c'était pas du personnel à proprement parler, c'était une bande douteuse
(sic).
M. SABATIER. — Dites donc, soyez poli.
M. GARRIGUES. — Je dis ce que je pense,
monsieur Sabatier ; vous étiez appuyé à
la caisse et vous donniez les ordres : vous
avez dit que je ne sortirais pas de rétablissement avant d'avoir payé.
Le président estime que le récit de
M. Garrigues contient certains points imprécis. Il veut savoir combien de temps
l'homme d'équipe est resté dans l'établissement. Le gérant, qui est poursuivi, ainsi
que le garçon, prétend que M, Garrigues
est resté environ trois heures, ce quf lui
aurait permis de faire d'abondantes consommations.
M. GARRIGUES. — Je suis arrivé vers
deux heures du matin et je n'y ai passé
qu'une heure.
LE PRÉSIDENT. — Mais qu'avez-vous donc
fait auparavant ?
M. GARRIGUES. — Je me suis promené
à pied pour voir Paris.
'M* Guyonnet toussotte pour marquer
son scepticisme.
On regrette l'absence d'une jeune « artiste » de 18 ans qui dansa avec M. Garrigues. Cette demoiselle est un des agréments de la « boîte ».
Le président qui ne doit pas fréquenter
beaucoup les lieux où l'on s'amuse, se
montra sévère moraliste. S'adressant à
M. Sabatier :
LE PRÉSIDENT. — Vous employez des
artistes de dix-huit ans ?
M» GUYONNET. — Elle venait, accompagnée de sa mère...
LE PRÉSIDENT. — Comme si c'était une
excuse.
Faute de pouvoir entendre l'artiste, on
lit la déposition qu'elle fit au juge d'instruction :
« J'ai dansé trois fois avec ce client,
avait-élle déclaré, il avait l'air ahuri... »
Comment démêler la vérité dans cette
histoire complexe : tour à tour. M" Guyonnet, pour « Auguste » ; M" Thaon, Enriquez et Garnier, pour les aptres inculpés,
s'efforcent de démontrer que M. Garrigues, qui a, dansé et bu, doit régler le
prix de ses plaisirs.
Le tribunal a décidé de méditer quelques jours avant de rendre sa sentence.
Mais ses malheurs actuels n'ont pas
abattu l'hôte de la Santé. Il a un cran,
un « abattage » formidables.
MISE AU POINT
A la suite d'un écho paru dans notre
numéro du 29 décembre. M* J.-Louis
Thaon nous écrit que jamais il n'y eut de
perquisition dans sa villa de la Côte
d'Azur, ce qui est exact.
Nous tenons à publier immédiatement
cette rectification, car le texte initial pouvait donner à croire que l'excellent avocat avait eu maille à partir avec la justice.
13
...où, serrés l'un contre l'autre, ils
trouvèrent le moyen — difficile — d'être heureux dans la gloire. Le divorce
sera prononcé aux torts réciproques.
Elle, invoque l'abandon du domicile
conjugal ; Lui, des lettres Injurieuses.
LE MYSTÈRE
A" ETAGE-
L
ES,
meilleurs romans policiers
ne commencent pas autrement que le mystère de la
villa de Plaisir-Grignon, dite
« Castel Bleu », où le professeur Mamelle a été découvert le 1er
janvier, tué d'une balle de revolver.
Mais, alors que les énigmes romancées
s'élucident au cours de la lecture, il
n'en est pas de môme pour celle dont
s'occupe actuellement, avec tant d'activité et de compétence, M, le commissaire Sicot, chef de la Sûreté à la police
d'Etat de Seine-et-Oise,
Le l*r janvier vers 6 heures du matin, Mme Mamelle, veuve Moreau, née
Jeanne Cochet, est dans sa chambre du corps à corps (3). Et, laissant la
située au premier étage de la villa. Une cape au rez-de-chaussée, l'épouse du
altercation éclate entre elle et son mari professeur remonte au premier étage.
le professeur Mamelle qui, depuis six
Mme Mamelle s'est-elle arrêtée un
mois, est retraité de l'école d'agricul- instant dans une autre pièce, avant
ture de Grignon. Dans une crise de d'apercevoir le corps du professeur
surexcitation déchaînée, l'époux, armé étendu sur le tapis du bureau ? C'est
d'un parabellum, crie à sa femme: « Il possible ! Toujours est-il que ce n'est
faut que tu me suives dans la tombe ». que cinq minutes environ après avoir
Une lutte s'engage, qui se poursuit jus- quitté le rez-de-chaussée qu'elle vient
que dans le bureau tout voisin de la avertir Malpièce du suicide de son
chambre à coucher. Un coup de feu mari.
retentit, mais l'arme a été déviée et
—■ Il n'est peut-être que blessé,
par bonheur s'est enrayée.
ajouta-t-elle. Vite, il faut téléphoner à
C'est alors la fuite à travers les piè- Neauphle pour appeler le docteur
ces du premier étage, jusqu'à l'esca- Moullard.
lier de bois conduisant au rez-deCelui-ci, aussitôt arrivé, constate la
chaussée où la lutte continue, M. Ma- mort tragique de son client et précomelle menaçant toujours sa femme nise de quérir les gendarmes. La maavec le revolver.
réchaussée, bientôt sur les lieux, ouvre
— Venez à mon secours s'écrie l'enquête.
Mme Mamelle.
L'appel est entendu par le domesti- Constatations
que, M. Malpièce, qui accourt non sans
avoir hésité. Les « patrons » (en cheLe cadavre de M. Mamelle est étenmises de nuit relevées jusqu'aux épaudu sur le dos, les bras allongés contre
les) sont étendus et luttent sur les der- les
flancs (4). Un revolver modèle 1892
nières marches de l'escalier (flg. 1).
se
trouve
à terre, à proximité de la
Dans la bataille une potiche et un tadroite, le canon tourné dans la.
bleau ont été brisés et sont tombés main
sur le parquet (2). Mme Mamelle par- direction de la tête (5).
Ce détail prend une très grande imvient à se dégager. Elle se retrouve
toute nue aux yeux de son serviteur portance, lorsque l'on constate que la
balle meurtrière est entrée à la base
et de la femme de celui-ci.
gauche
de la nuque pour se loger, inFacilement, Malpièce s'empare du térieurement,
près de l'arcade sourrevolver, qu'il passe à sa patronne ; cilière droite. De plus un prie-Dieu
puis il reconduit M. Mamelle dans le (8) qui a été déplacé porte une trace
salon boudoir du 1er étage, pendant que de sang, et le fauteuil du bureau (6),
Mme Mamelle se réfugie dans une un peu éloigné, a le devant du couschambre du rez-de-chaussée attenante sin également taché de sang.
à la cuisine.
Voici donc le principal élément trou— Qu'est-ce que je viens de faire ! blant sur quoi s'élèvera l'accusation :
s'exclame alors le professeur. C'est position jugée impossible pour se donfou :
laissez-moi reprendre mes ner la mort, en raison de la nature
esprits...
de l'arme employée, de la trajectoire et
Malpièce, qui n'est au service des de l'absence d'aucune trace apparente
époux Mamelle que depuis deux mois, de poudre à l'entrée de la balle,
a sans doute vù d'autres scènes du
MM. les experts sont venus. Ils ont
même genre, car après s'être assuré peut-être eu tort de reconstituer la poque son patron est plus calme, il re- sition de tir, sans enlever leur partourne à ses occupations, placide dessus et en tenant la tête rigoureusecomme devant.
ment droite, alors que la victime, ne
Mme Mamelle est toujours réfugiée l'oublions pas, était en chemise. Mais
dans la chambre d'amis du rez-de- ils sont experts n'est-ce pas ! Et ne
chaussée. Elle a demandé une cape pouvant négliger les conclusions des
pour se couvrir, et s'est fait ensuite techniciens, les enquêteurs sont obliservir son déjeuner du matin.
gés d'envisager que le professeur
— Vous n'avez rien entendu là-haut? Mamelle a été exécuté, se trouvant alors
demande-t-elle à Malpièce, avant de assis dans son fauteuil (6) devant son
remonter au premier étage.
bureau.
Sur la réponse négative du domesDans ces conditions, la victime autique, elle prie sa cuisinière, Mme Mal- rait donc été visée à la nuque, pas trop
pièce de lui passer une chemise, l'au- près mais avec justesse ; puis le cadatre étant restée dans l'escalier au cours vre aurait été tiré par les pieds pour
14
être étendu dans la position où il a
été découvert. Or, est-ce possible? Non.
Sans quoi ce ne serait pas le devant du
coussin-siège qui serait taché de
sang (7) mais le dossier du fauteuil (6).
En outre : comment expliquer la tache
sur le prie-dieu (8) ?...
D'autre part, les praticiens chargés
de l'examen du corps ont déclaré que
la mort avait été instantanée. Dès lors,
il faudrait chronométrer le temps
représenté par le mot « presque ». Au
moment du coup de feu mortel les experts se trouvaient-ils sur les lieux
pour constater les derniers réflexes de
la victime ? M. le professeur Mamelle,
sportif vigoureux et entraîné aux exercices de souplesse a pu se tirer une
balle à la nuque, dans une position
que nous ignorons, vaciller quelques
secondes, puis tomber définitivement
après avoir taché deux meubles avoisinants.
Et puis, il y a un fait dont, jusqu'ici,
nul n'a fait ressortir l'intérêt. En effet:
Mme Mamelle vient d'assister à un
coup de feu tiré par son mari dans le
bureau. Elle s'est réfugiée au rez-dechaussée après les péripéties déjà indiquées. Elle va « tuer son époux »
dans 20 minutes. Que fait-elle pendant
cette tragique attente ?
Elle prend son petit déjeuner du matin ! Singulier emploi du temps, vraiment, pour une femme qui se serait
apprêtée à donner la mort,..
Présomptions
Sur le bureau du professeur Mamelle
faisant face à celui de sa femme. M. le
commissaire Sicot a relevé les traces
très nettes du parabellum, semblant
indiquer Que la main tenant cette arme
avait été saisie et frappée sur le maroquin du bureau, provoquant le départ
de la balle et, heureusement, l'enrayement de l'arme.
La balle était venu frapper un pied
de lampe (10), le cadre et le verre contenant la photographie de Mme Mamelle (11) pour se perdre dans le classeur (12). Ces constatations se rapportent aux déclarations de cette dernière, précisant qu'avant de se suicider
son mari avait tiré dans la direction
de son portrait placé sur le bureau
(11). Aucun autre désordre ne régnait
dans la pièce. Dans la bibliothèque
(3), sur un rayon, se trouvait une
gaine de revolver, pouvant convenir
aux deux revolvers: 1892 ou parabellum.
Quant à la photographie qui fut la
Un Nez parfait pour vous
TRADOS, le véritable réformateur de nez (breveté).
Si votre nez est mal formé, vous pouvez le rendre parfait
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RÉVEILLEZ LA BILE
DE VOTRE FOIEcible du premier coup de feu, et qui
d'après la trajectoire (10, 11 et 12)
n'avait pas dû en souffrir beaucoup,
Mme Mamelle a préféré la faire détruire par le feu. Faut-il voir encore
une énigme dans la destruction de
cette photo? Les enquêteurs eux-mêmes
tiennent le fait pour insignifiant. C'est
qu'il était assez naturel que la femme
du professeur fit disparaître son portrait devenu le témoin d'un si tragique
souvenir.
Quoi qu'il en soit, Mme Mamelle est
arrêtée, et inculpée d'homicide volontaire sur la personne de son mari. Cependant, aucune preuve matérielle, aucun témoignage certain n'attestent sa
culpabilité. Seule, l'absence de tatouage de poudre à l'orifice de la blessure du cadavre, et seule la position
exceptionnelle de celui-ci ont valu à
la version du crime de l'emporter sur
celle du suicide. Autrement dit,
n'existent contre Mme Mamelle que des
présomptions « techniques ».
Eh, bien, soit. Admettons les présomptions. Mais faut-il encore qu'elles
se rattachent à des causes positives.
Quelles seraient donc les causes qui
auraient pu pousser la femme du professeur à exécuter celui-ci ?
La plupart de ceux qui la croient
coupable vont répétant que Mme Mamelle aurait tué par suite de la peur
qui l'aurait dominée au moment où
son mari voulait qu'ils mourussent ensemble. Mais, après ce moment-là, la
femme du professeur n'avait pas manqué de réclamer son petit déjeuner.
Aussi bien, qu'on nous trouve autre
chose que la peur pour expliquer le
drame...
Visée par des présomptions, mais non
par des soupçons indiscutables, Mme
Mamelle n'en est pas moins en prison.
La victime, M. Mamelle, trouva la
mort dans son bureau, pièce du /er
étage de sa villa. Ci-dessus, les plans
des lieux. A savoir :
A. - Armoires
8. - Bibliothèques
C. - Classeurs
C.-F. - Coffre-fort
D. I. - Bureau de Mme Mamelle
D. 2. - Bureau du professeur
Plans dressés par les enquêteurs
de DÉTECTIVE.
Autre chose : quoi ? L'amour ? le
professeur avait soixante-quatre ans;
sa femme, cinquante-deux ; et les plus
médisants eux-mêmes (ceux que nous
avons interrogés autour du « CastelBleu » et dans la région de Plaisir)
s'accordent à déclarer que les mœurs
du ménage ne laissaient pas la moindre part aux égarements passionnels.
Alors: l'intérêt? Mme Mamelle veuve
en première union d'un riche commerçant parisien, n'avait pas à attendre
l'héritage de son second mari pour
disposer d'une belle fortune. D'autre
part, le montant de la retraite du professeur s'élevait à trente-six mille
francs, dont la veuve ne peut percevoir
que la moitié. Mme Mamelle n'avait
aucun intérêt pécuniaire à se « débarrasser » de son époux.
Dès lors, que reste-t-il qui puisse
rendre plausible la version du crime
exécuté par l'épouse de la victime ?
On dit à Plaisir-Grignon que la présumée coupable était fort peu « commode » de caractère. Les domestiques et
les proches voisins, notamment, la disent hautaine, autoritaire, très susceptible et sans cesse querelleuse à l'égard
de son mari, lequel est unanimement
regretté pour sa bonté, sa simplicité et
sa haute valeur intellectuelle. Mais il
se trouve aussi des concitoyens et
concitoyennes de Mme Mamelle qui
nous ont révélé que, malgré son fâcheux caractère, elle ne manquait pas
de générosité pour les caisses de secours, de même qu'elle s'intéressait
avec la plus sensible bienveillance aux
destinées d'une jeune orpheline privée
de tout appui et de toute ressource.
Sans doute, la charité pour des tiers
n'exclut pas toujours la combativité
conjugale ; mais il est, toutefois, discutable que, n'ignorant point la pitié,
Mme Mamelle ait voulu donner la mort
à son mari après vingt minutes de
réflexion.
En tout cas, ce ne sont pas les familiers les plus intimes de l'inculpée
qui la taxent d'une inexorable méchanceté. Bien au contraire, les propres
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frères et sœurs de M. Mamelle affirment avec une inébranlable conviction
que leur belle-sceur s'est toujours montrée une femme de devoir, scrupuleusement dévouée à son mari. Au seuil
du « Castel-Bleu », nous avons recueilli, notamment, de la part d'une
des sœurs du défunt, Mlle Marie, la
plus fervente protestation d'estime en
faveur de l'inculpée ; et Mlle Marie
Mamelle nous a formellement déclaré
que tous les siens partageaient sa conviction quant à l'innocence de sa
belle-sœur. '
De plus, une autre sœur de la victime, Mme Thumann interprête l'énigme
tragique en l'attribuant au suicide camouflé en crime et non pas au crime
maquillé en suicide.
— Mon frère, dit-elle, était fort déprimé depuis sa mise à la retraite et,
surtout, depuis les événements qui ont
illustré la politique intérieure et la
politique internationale. Devenu morbidement pessimiste, il voulait entraîner sa femme dans la mort. Devant fle
refus de celle-ci, il a tenu en quelque
sorte à exercer contre elle sa rancune
posthume en se suicidant dans des
conditions apparaissant comme celles,
d'un crime.
Il est de fait que la correspondance
trouvée dans le cabinet de travail du
professeur témoigne d'une grave perturbation dans l'équilibre de ses nerfs.
D'autre part, les enquêteurs n'ont-ils
pas établi que la plus jeune sœur de
M. Mamelle est en traitement depuis
vingt ans, sous le contrôle des psychiatres ? Ce sont là des constatations,
qui portent à la réflexion ceux qui
rattachent 1 énigme au suicide et non
au meurtre du professeur.
Mais la police peut-elle s'entendre
reprocher d'avoir trop négligé les témoignages favorables à celle qui, maintenant, est emprisonnée à Versailles ?
Ce n'est point nous qui taxerons le
commissaire Sicot et ses inspecteurs
Martin et Vernet d'être partiaux, car
il nous a été donné trop souvent de les
voir exercer leur tâche avec un zélé
égal à leur loyauté. Ils n'ont, d'ailleurs, pas agi de leur seul mouvement
pour décider de l'arrestation de Mme
Mamelle. Les médecins légistes ont,
d'après l'autopsie, établi que la mort
de M. Mamelle n'était point consécutive à une balle tirée à bout touchant.
L'éminent D* Paul a confirmé cette
constatation, d'après la contre-autopsie.. Dès lors, les enquêteurs, ne pouvaient négliger de retenir la présomption relative au crime.
Il restera, pourtant.à prouver formellement que Mme Mamelle est coupable. Or, comme on l'a lu, pas la
moindre indication accusatrice, pas
la moindre trace ni le moindre témoignage précis ne permettent de confondre l'inculpée dont les protestations
d'innocence sont inébranlables. Pour
nous, si nous avions à répondre de la
défense de Mme Mamelle nous nous
tiendrions pour quasiment certains de
la rendre bientôt à la liberté.
René-J. PIOUET et Noël PRICOT.
15
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