LE RÉSEAU D`ESPIONNAGE
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LE RÉSEAU D`ESPIONNAGE
M° 533 - Jeudi 12 Janvier 1939 - 1 fr. 75 Comment elle brise LE RÉSEAU D'ESPIONNAGE tendu par ceux qui convoitent notre Empire VEiLLE! aux Co r8 Berlin 1* 83 *» itwmndtflt* 19*6 de Se ctioi* «• de 3ov>« 00 Ch.»"* *' ite La patrie est le désir et la volonté de faire en commun de grande^ chmes. de *er- ERNEST RENAN. Le voyage du président Edouard Daladier en Afrique du Nord, l'accueil qu'il reçut des populations indigènes ont été pour tous ceux qui convoitent notre Empire une réponse magnifique et probante. En marge de cette actualité, DETECTIVE offre cette semaine à ses lecteurs le début d'un documentaire unique sur les hommes qui furent et demeurent à la tête des bâtisseurs de notre Empire. On a beaucoup écrit sur la Légion. S'il s'agissait, quelles que fussent ses qualités littéraires, d'un reportage comme il y en eut tant dans la presse, DETECTIVE se contenterait d'y renvoyer ses lecteurs. Notre glorieuse Légion est trop présente à l'esprit des Français pour qu'on éprouve le besoin de répéter ce que nul n'ignores la longue histoire de ses combats, de ses conquêtes et de ses innombrables prouesses. Les récits de l'ex^égionnaire Henri Rojean, recueillis par notre collaborateur Morvan Lebesque, apportent, nous semble-t-il, assez d'éléments nouveaux et inédits poUr justifier la publication de ces pages. 4«* P°Située Par_„tribu« à ,. coloon'.^^chine .*y-n»in*a*,,.« col*"1* «*Vr«r ôeo» "°" £fw« ****° . dr. w0 ^Sï W m Tout «•9,10 1,on La légion l Elle a conquis notre Empire. Ses hommes les points du monde ont vécu et sont morts pour la grande patrie française. Et les Français n'oublieront jamais. Mais le document ci-dessus est un hommage indirect d'une portée inestimable, que tout Français méditera. nés en tous I. — Les secrets de l'espionnage allemand en Afrique du Nord ■I' mm M vL/f été légionnaire. Je me suis engagé et j'ai servi en connaissance de cause. On me fera la grâce de croire que je n'ai pas été poussé à ^^ÊÊr entrer dans la Légion par le souci d'effacer un passé trouble ou quelque vague rêvasserie d'aventures. Pourquoi donc ai-je été légionnaire ? Mettons que j'étais seul au monde, l'attirance de l'Afrique, le besoin de se dévouer à une cause propre... Avant d'entrer à la Légion, j'eus l'occasion de voyager beaucoup à travers le monde. Je visitai particulièrement l'Allemagne et l'Europe Centrale. C'est à Francfort que j'assistai pour la première fois et par hasard à un meeting contre la Légion. C'était au lendemain de la guerre. L'orateur, un petit homme chétif et malingre, appartenait sans doute à quelque association patriotique, les nazis n'étaient pas encore inventés. Pendant une heure, brandissant à tout moment des « documents » manifestement sortis de son imagination en délire, il décrivit des scènes effroyables de pillages, de meurtres, de sévices de toutes sortes, insulta et caricatura la Légion et ses chefs. Puis, brusquement, la main sur le ciœur et la larme à l'œil, il passa la parole à un gaillard d'une trentaine d'années qui sortit de la fumée des pipes comme un deux exmachina et qu'il présenta comme un malheureux munichois ayant servi dans la Légion. L'homme, avec des trémolos dans la voix, se mit à débiter une histoire extraordinaire : à l'en croire, il avait été enlevé par des agents recruteurs camouflés qui, sous la menace du revolver, l'avaient sommé de les suivre. Il avait été parqué dans un wagon mystérieux en compagnie de quatre pauvres bougres surveillés et terrorisés par un soldat français, le revolver au poing. Ma religion était éclairée. Elle le fut davantage AI 4 0^00 lorsque j'eus l'occasion, dans d'autres villes allemandes, de retrouver le même « légionnaire évadé » patronné par l'homunculus. Je n'ai cité cet exemple que pour montrer à quel point l'Allemagne — et d'autres pays — tentèrent par tous les moyens de déconsidérer la Légion étrangère et de désagréger ce corps d'élite qui veille aux marches de l'Empire français. Contrairement à ce que peuvent imaginer certains politiques à courte vue de telles campagnes n'ont pas commencé avec l'avènement d'Hitler au pouvoir. Elles étaient aussi violentes et aussi directes à l'époque d'Hindenburg et de Stresemann. La politique étrangère de l'Allemagne n'entre pas en ligne de compte : tant qu'il existera une Légion étrangère française, l'Allemand, qu'il soit communiste, démocrate ou nazi, réagira en Allemand, c'est-à-dire mènera campagne contre elle et la dénigrera de toutes les manières. C'est dans la Légion même qu'ils ont voulu porter le fer. C'est autour d'elle qu'ils ont patiemment tissé un long réseiau d'espionnage. C'est contre elle qu'ils ont voulu organiser la révolte et la désertion. Ils ont cru que tout cela était possible. Ils ont cru qu'il était facile de briser ce grand corps. Ils se sont cassé le nez. tiwt éiramqe "bon pasteur" Voici un exemple des méthodes que les Allemands employèrent pour l'impossible « noyautage » de la Légion. Cela commença par de petits cadeaux envoyés aux légionnaires allemands. C'était signé, à peu près : « Un ami lointain pense à vous », « Un de vos frères allemands ne vous oublie pas ». Inutile de dire que le premier colis provoqua déjà une surveillance implacable. Un colis au soldat, qu'il soit en Afrique ou en Argonne, c'est un peu de bonheur qu'on partage entre copains, quelques cigares qu'on distribue, une douceur qui améliore l'ordinire. Puis, au bout du colis, le monsieur finit bien un jour par s'amener lui-même. Oh, il n'avait rien de la décôupure de l'espion de cinéma tel qu'en figure de temps à autre M. Von Stroheim. Pas de regards fuyants, pas de monocle, pas de revolver à la main : un digne vieillard effacé et timide au front courfonné de cheveux gris. Il était accompagné d'une ravissante gretchen. Exactement le portrait de la jeune fille que tout légionnaire allemand a connu jadis au pays et dont la nostalgie parfois le hante : des nattes couleur de blé mûr, des yeux couleur de pervenche, le maintien timide et le regard modeste. Dès qu'il la vit, certain légionnaire que je connais bien tomba amoureux de cette « payse ». Le digne homme vêtu de noir se présenta aux autorités de Saïda. 11 était pasteur en retraite et ne voulait pas mourir avant d'avoir mené à bien une bonne œuvre. « Chargé d'ans... au bord de la tombe... il me serait doux de terminer mes jours dans cette ville en apportant quelques douceurs à mes compatriotes engagés dans la noble Légion étrangère... Par exemple une sorte de foyer où ils se retrouveraient de temps en temps, fêteraient la Noël... Un groupement évangélique... » L'homme était dans la place. On feignit d'entrer dans ston jeu afin de connaître sa méthode. Le lendemain, le Foyer évangélique du légionnaire allemand s'ouvrait dans la ville. Les camarades, bien entendu, s'y rendirent. Non qu'ils éprouvassent impérieusement le désir de relire les évangiles car, de ce côté là, ils savent bien que le bon Dieu les connaît, ils ont toujours joué franc jeu avec lui comme avec tout le m'onde et si les légionnaires ne vont pas au Paradis, on se demande en vérité, qui y entrera. Mais il y avait cette petite gretchen qui vous servait des délikatessen en baissant les yeux et en rougissant... Et puis, n'était-ce pas une occasion de parler un peu du pays ? Ah, il avait bien misé là-dessus, le digne vieillard î Ce fut un travail sournois, continu, en profondeur... Au fur et à mesure qu'il parlait, les gars revoyaient les filles aux cheveux.de Un, les houWonnièrw le Vater Rhein, les horizons perdus... Bien sur, us secouaient vite tout ça, mais tout de même... Ainri le vieux jugea le moment venu de demas- ^S^^Û U & eret rien à espérer. Mais Demandez au légionnaire ce qu'il pense des revendications %trangèresî Sans crainte et sans faiblesse, il veille sur I Empire. Ce document se passe de commentaires. Je me permettrai de noter cependant l'hommage indirect que von Lutze y rend à la Légion. Eh quoi ! Ce ne sont plus des mercenaires hâves et déguenillés pliant sous la cravache, c'est la colonne vertébrale desparle. possessions françaises. M. von Lutze sait de quoi il SJn'dfpeu! Les lecteurs s'amuseront aussi peut-être à relever la contradiction allemande : ce peuple qui parle des « oppresseurs » coloniaux étrangers... et réclame des colonies pour son propre compte. Mais je ne prétends pas philosopher. Il va sans dire que quelques S. A. acceptèrent l'effarante proposition de von Lutze. Comment ils furent dépistés et empêchés de nuire, comment leur plus gigantesque entreprise : FAIRE VOTER LES LEGIONNAIRES ALLEMANDS LORS DU PLEBISCITE DE L'ANSCHLUSS — vous avez bien lu — échoua lamentablement, c'est ce que nous verrons la prochaine fois. K^l^^ assurer qu'il serait oublié et qu'ils Pourraient reprendre joyeusement leur place au foyer de la patrie... » ^fiîïïïîn^'Hin. X... était, ce matin-là partage entre le bonheur et la crainte. De sa plus belle «entraavec des fautes dWthographe naïves, il demandaU à ses supérieurs l'autorisation d'épouser la fille de M. le pasteur du Foyer éyangelique Ti tendit la feuille. L'officier le regarda a la dero- ssBrSr rSte w M» puisés. On sut ,u'i. ( X r aient r a ïe mif "n% eme"nb o n g„e a Smsse.^ ga Grâce à un système de contre-espionnage qu'il ne nous est pas permis de divulguer et grâce au parfait loyalisme des légionnaires QUI N'ONT QU'UNE PATRIE : LA FRANCE, la Légion se protège d'ellemême contre désertion (3). les .espions et les entrepreneurs de ^ Espion ou salopard, c'est tout un : l'ennemi. On ne passe pas ! so.da.>. un parfait lég.onnaire. Et tlout finit très bien ainsi. A suivre. Un daeuwnent Henri ROJEAN. Le « pasteur » espion avait employé la seule arme P (1) Remarquons en passant que Der Junge Tag, le Jeune jour, n'est nullement une revue du parti national-socialiste, mais le bulletin d'une Association culturelle protestante, qui paraissait déjà sous cette forme à l'époque de la social démocratie. Oni ie le repeie répète : ravenement l'avènement d'Hitler n'est pour rien dans la. ......nourrie haine nourrie par les cercles allemands contre la Légion. (2) Souligné dans le texte allemand. e °ifest éVideTiue ses chefs ne lui en avaient, pas q consemé%'Ses Cela tombe sous le sens, mais si (3) A l'heure où nous écrivons ces lignes, un espion allemand en France vient d'être condamné à la peine de mort. similaire au tfnp■ de termes, ^ l^,&T.^s£ pas , noua a ."aient été r"ïn6 *J*Jftig f^fr ' »P E ^BM^BU tfOR» . J. SUTTE 1S « ^RA^C^ L ^CT COÎ<ST bien \Y. dc E ; nts t me pe manque ^èvoUe des " 10N« T.BGlw ^.^'en sûre mmwm r LBG , face D •^ïf Vl ^V A e NOUS APPAfïile ^^fOLA r « f oui ont 'F« ^^PlBE CO e D Les a irie, bn tnt „ne oreuve en était nécessaire, elle se trouverait dans 'extrïordfnaire document que nous allons publier. Ce n'est divulguer aucun secret que de le mettie ,ous le^s yeux lecteurs de Détective, Depuis longe ^rvices français l'ont connu et propage , fpnm\ fonïtemps les Allemands eux-mêmes ne se tS^wJ^^ ^on sur sa découverte f °îl s^agt d'un document ultra-secret et confidentiel Il s agiLU u sections d'assaut hitleU r e C ;?eCes Sné âu chef suprême de ces sections : dt ues ler .. S. VSolcbe^uETE tfëtâ?$& er s CcacbeO signé « '"pour ce bon public, les légendes suffisent. On lui fabrique des sur les J^^m $. tofiî Basions q SVo~mm une desVuL Allemand» ans trava.l ». S TA tous les chefs de groupes, sous-groupes et « sections des S. A. « Camarades, , UÂ de \er v « Bassement, insidieusement, le traite « Lines a ravi à l'Allemagne ses colon es. Nous : n'avons cessé d'en réclamer le retour ou la cession ' ***** - " — Si je vous aidais après tout. Vous m'avez l'air sérieux et votre métier m'intéresse. L'autre lui aurait baisé les mains. Nous passerons sur ce conte de fées d'un Lefèvre, clochard la veille, se retrouvant le. lendemain fringué à neuf, du fric dans ses poches et de la joie au coeur. Il est des miracles même dans la boue. Et il tiqua à peine, son honnêteté se révolta très peu quand celui qu'il appelait son sauveur lui dit — il le tutoyait maintenant : — Tu sais, des circulaires, des catalogues, des prospectus à imprimer, ça rapporte rien. Il vaut mieux fabriquer de la fausse monnaie. Ça, c'est du boulot qui paye et rien à craindre quand il est bien fait. Peu à peu, résolument, Lefèvre rentrait dans le bain. Après tout, cette garce de société, qui ne savait pas reconnaître ses bons serviteurs et qui n'avait pour lui que rebuffades, ne valait pas la peine qu'on la ménageât. Une presse énorme, un établi, des encres de teintes diverses, du matériel, des produits chimiques servant à la photographie constituèrent bientôt la frontière qui le séparait des honnêtes gens. Rue Eugène-Carrière, 42, dans un appartement sombre, cet alchimiste en papier sortit bientôt sa première fausse monnaie. C'étaient des livres sterling, pas mal imitées du tout, faisant honneur à son talent d'artiste improvisé en cette matière. De faux titres de Suez naquirent aussi du fond de cet antre où nul ne pénétrait jamais. Fernand-Charles Lefèvre vivait là, seul, sortait peu, faisait lui-même son ménage et ne se confiait à personne. le boulevard de Clichy, un homme grand, maigre, aux vêtements élimés, déambule mélancoliquement. Il s'arrête parfois aux devantures et semble contempler les objets de luxe ou d'utilité qu'elles renferment. Un observateur attentif remarquerait combien son regard est vague, distrait. Le promeneur, malgré tout, a flère allure. Il n'a rien d'un déclassé. Un visage fin, mal rasé, garde une certaine noblesse. Encore un, probablement, sur qui la misère a jeté des griffes qui ne lâchent pas leur proie. - A la terrasse d'une brasserie, il va s'asseoir et commande un bock. H fait chaud. Un consommateur voisin, qui n'a pas l'air du tout de le connaître, lui adresse la parole. L'autre répond. Cette conversation, anodine, le hasard de cette rencontre vont être le point de départ d'une association de malfaiteurs qui fera parler d'elle en janvier 1939 : vingt millions de faux livres sterlings, de dollars, de titres iront constituer ou augmenter le bas de laine de certains à qui le franc malade n'inspirait pas grande confiance. Ils ont changé le cheval borgne pour l'aveugle. UR L'interlocuteur du client à l'air famélique était un homme distingué, fort correctement vêtu, aux cheveux grisonnants. Sous le prétexte banal, provoqué par ce dernier, d'obtenir un renseignement, le contact s'était fait rapidement. — Dans quelle partie travaillez-vous ? ,. — Hélas ! dans aucune, je suis en chômage. Ce jour-là, Fernand-Charles Lefèvre, directeur d'imprimerie sans place, habile artisan, avait trouvé son mauvais ange gardien. Mais aussi, la vie était tellement dure, injuste pour lui qui, de modeste ouvrier, s'était hissé, à la force des poignets, au rang de patron. Ce nouveau venu semblait s'irftéresser à son triste sort. Et puis, c'était Alerte ! si bon de pouvoir se dégonfler, de mettre son âme à nue, de pouvoir dire : — Et pourtant, monsieur, je suis un très bon technicien. Dans mon métier, je n'ai que d'excellentes références. Je faisais tout, à mon petit atelier : depuis la composition jusqu'au clichage. Je dessine bien, je grave encore mieux. Et malgré cela, je n'ai pas de travail. Je me présente dans toutes les maisons susceptibles de m'embaucher. Moi, ex*patron, rien ne me rebuterait, même les tâches les plus difficiles. Et partout, la même réponse : Pas d'embauché. C'est désolant, monsieur. Il y aurait de quoi faire un mauvais coup. L'inconnu considérait son partenaire. Il le jaugeait plutôt. « Un homme à la mer ne refuse jamais la bouée de sauvetage qu'on lui lance », songeait-il. Et ce pauvre type est bien près de boire la tasse. » Parfois, il s'absentait une journée entière. Il allait livrer à domicile son travail d'inflation. Comment ce dernier se répandait-il, s'infiltrait-il dans le public, il n'en avait cure, d'autant plus qu'ayant demandé des explications à ce sujet au compagnon qui l'avait sorti de la mistoufle, celui-ci, au ramage moins beau que le plumage, lui avait répondu : « C'est pas tes oignons, mêle-toi de tes f... ! » Il s'était tenu coi. Après tout, peu lui importait. Il vivait maintenant, largement même. Il avait toujours en poche de bonne et saine et vraie monnaie — il se méfiait de la sienne — et arrondissait, en homme qui a fréquenté la misère, son compte en banque. Un matin, l'appel convenu M. A. R. S., tapé en morse sur sa porte, le tira du dessin auquel il s'appliquait consciencieusement. Il alla ouvrir. — Allez, vieux. Tu vas décàniller ce soir d'ici. T'occupe de rien ; on fera, les amis et moi, ton déménagement. Tu prendras le train pour Aix-en-Prt> vence. Tout près, à Sainte-Mitre, j'ai une petite villa, « L'Aimée », bien placée au milieu des oliviers, discrète, où tu pourras mieux qu'ici te livrer à ton travail. On a inondé Paris avec les livres des rosbifs: la flicaille est alertée par les banques. La P. J. doit avoir des stocks de papelards-témoins et c'est dangereux, pour les copains, d'aller acheter, avec tes vignettes à la noix, un collier de jade ou une perle Nora sur les grands boulevards. « Ils ont beau dire : « ElUo ! Médemoiselle, je vôdrais, yes, ouan côôlier... » La mademoiselle prend la banknote, la porte au taulier qui l'inspecte, la tourne, la retourne, la mire comme un oeuf douteux et la rend. Ça va bien une fois, ce jeu-là, deux, trois, mais après ça casse. Tu fabriqueras des dollars à l'avenir. T'es assez mariole pour les faire au poil et que personne n'y vtoie rien. Docile, Lefèvre accepta ces ordres, venus d'un caïd tel que Marc-Antoine Rocca-Serra, homme prudent, méthodique, ne se « mouillant » pas. Sous les oliviers Fernand-Charles Lefèvre oublie, sous les frais ombrages des pins et des oliviers, son village natal de Pacy-sur-Eure, où il naquit le 6 novembre 1894. Il est devenu Méridional, mieux même, Provençal. La villa « Aimée » est charmante, quoique sans prétention. Les vieux meubles rustiques donnent le ton à cette « thébaïde » où Marc-Antoine RoccaSerra vient de temps en temps se reposer. Avec son petit jardin romantique, son allée de ciment bordée de soucis jaunes et d'asparagus, elle représente bien le lieu d'asile idéal, où, loin des bruits de la ville et de la foule, on peut se reposer en toute quiétude. Lefèvre, lui, y travaille comme un forcené. Il ne prend de repos que le soir, lorsque les cigales se sont tues et que les grenouilles ou les grillons, de leurs A-rrr ou tick monotones et infatigables, cassent le silence de la terre et des pinèdes endormies. Dans le stous-sol, il a installé sa presse, sa table de travail. Un curieux qui pénétrerait par hasard dans son repaire, que le soleil baigne par les lucarnes à fleur de terre, ne trouverait rien d'anormal à cet ameublement. Technique ! I I i | N'allez pas croire que Lefèvre va porter à un graveur le fac-similé complet d'un billet d'un dollar ou de cent dollars. Le fil serait trop gros et le brave artisan s'empresserait de signaler à la police les agissement d'un tel .individu qui veut reproduire, à peu de frais, l'image exacte d'une vignette chère aux Américains et aux petites femmes légères. « Donne, Tommy, give me oun dollar ! » Il procède, comme pour dresser un plan cadastral, par petits espaces de terrain... Il y a, sur ces billets, la tête de Franklin, des chiffres, des torsades sur les côtés à l'avers ; au verso, un beau castel, des guirlandes encore, etc. Lefèvre, lui. de sa main habile, dessine sur du papier canson ou autre, des têtes d'hommes célèbres : Franklin, qu'il reproduit exactement, au pantomètre, d'après le portrait qui se trouve au centre du dollar. Les autres figurines, la reine Wilhelmine, les présidents Carnot !ou Fallières, le roi Alphonse XIII ou le duc de Windsor ad libitum, cela n'a aucune importance si leurs traits ne sont pas très fidèles. Dans sa page de dessin, un seul pour lui présente de l'intérêt : Benjamin Franklin, l'inventeur du paratonnerre. Le graveur, à qui il porte son travail, n'a aucune méfiance. D'ailleurs, Lefèvre a soin de lui dire qu'il s'occupe de la confection d'un nouveau dictionnaire, ou autre volume important, et qu'il a besoin de ces clichés. Le plus petit soupçon ne peut donc effleurer le brave homme. Lefèvre, en possession de son cliché global, casse les figurines dont il n'a que faire. Ces pauvres et innocents comparses, qui furent grands de leur vivant, vont au panier et ensuite au feu. Benjamin Franklin reste seul, car lui seul a le droit de trôner au milieu du dollar, du m'oins celui qui intéresse le faussaire. Parfois, certes, celui-ci passait pour un original. Tout comme sur nos billets de banque, les billets américains comportent de larges chiffres qui dépassent souvent le milliard. Alors, Lefèvre avait imaginé, toujours pour éviter des questions embarrassantes, de présenter au graveur « la Valse des chiffres ». Sur une grande feuille, les cinq lignes d'une portée de musique s'étiraient, en plusieurs exemplaires, comme des rails de chemin de fer. Correspondant aux notes, des chiffres s'étalaient, parallèlement aux blanches et aux noires, et tenaient lieu de paroles... « Œuvre de fou », pensait le bon ouvrier... « Précaution d'homme prudent », se disait Lefèvre... Et il en était ainsi de tout le reste. Les châteaux du Michigan ou du Massachussets ou de Washington étaient perdus au milieu de Chambord, Cheverny, de tous ceux qui bordent la Loire et la rendent célèbre. Et toujours le cliché ne conservait que le château légal identifiant l'authenticité du précieux billet... Le papier était assez grossièrement filigrané. On le saupoudrait de mine de plomb, on le frottait, on ternissait son luisant. D'ailleurs, le rush des épargnants sur les monnaies étrangères facilitait, depuis 1936, la fraude. Dans les cafés, aux réunions hippiques, dans les cercles, la poire était facilement repérée par les démarcheurs. « Je n'ai plus de monnais pour jouer et je ne possède que des dollars. » Souvent, l'interpellé voyait une affaire ; il donnait un cours du change plus bas que l'officiel et croyait rouler l'adversaire. Combien de livres et de dollars douillettement gîtés dans un vieux portefeuille, couché lui-même entre deux draps de la vieille armoire bretonne ou normande, sont des usurpateurs et occupent la place de bons billets de notre Banque de France !... Combien de faux billets Sortirent-ils de la villa « Aimée » et inondèrent Marseille, Toulon, Nice, Monte-Carlo ? Il est certain que leur nombre est considérable. Là-bas encore, au pays des cigales et o*es frotadous, le pavé devenait brûlant, mais le chaud soleil n'y était pour rien. La police s'inquiétait. Et, une fois de plus, le proverbe qu' « on n'est jamais mieux caché qu'à Paris », s'avérait juste. D'ailleurs, cet homme peu causant, peu liant, semblait étrange aux fils de la langue d'Oc. En septembre dernier, il reprit le chemin de la capitale... Depuis longtemps sur les dents, la P. J. redoublait d'efforts pour arrêter l'introuvable faussaire et ceux qu'il servait. La brigade spéciale, qui a tant d'exploits à son actif, ayant à sa tête M. Roches, commissaire, son chef ; les inspecteurs principaux Barrad et Sahuc ; les inspecteurs Richard, Coquibus, Levitre, Badin, Desaunay, Morère, de jour et de nuit, cherchaient sans trêve. Combien de pistes suivirent les policiers avant de trouver la bonne. Enfin, ils 'ont le fil. Mais, chose étrange, inquiétante même, l'homme vers qui il mène n'a jamais été condamné. Si la piste était fausse... Tant pis, ce sera un nouveau coup pour rien. A Brunoy, une belle villa, avec de solides murs de piei're, des encorbellements en brique, au milieu d'un jardin anglais, reçoit leur visite. Les limiers de la P. J. trouvent un Lefèvre, un peu ému, qui les reçoit dans sa salle à manger confortable, ayant à, ses côtés son amie, Mlle Juery, et les deux enfants de cette dernière. « Je ne comprends pas, messieurs, cette intrusion insolite », dit doucement le faussaire. Les faussaires, comme ceux de la cambriole, ne comprennent jamais la venue des inspecteurs. Cela dérange toujours leur plan. Dans la cave, ils trouvèrent tout l'appareillage et un gros tas de papiers brûlés, déflation due à Lefèvre. A son amie, il avait, paraît-il, toujours caché ses occupations. « J'imprime des livres et des images obscènes, lui disait-il : ça ne saurait t'intéresser ni les gosses. » Et, peu curieuse, la femme n'était jamais descendue à la cave ; elle laissait ce soin à son amant. L'arrestation de ce dernier permit aux policiers de récupérer trois cents faux carnets spéciaux, dits carnets de bons postaux de voyage, libellés en francs-or et remboursables à vue dans tous les bureaux de poste de France, de Belgique, de Suisse et de Tchécoslovaquie, chaque bon ayant une valeur d'environ 1.200 francs. Un individu, disant s'appeler Granier avait loué rue SaintMarc un bureau de complaisance et devait toucher ces fameux bons. Secrètement alerté, il a disparu. Une perquisition n'a d'ailleurs rien donné. Arrestation du Caïd 10, rue Rachel, à Montmartre, c'est un des nombreux domiciles de Marc-Antoine Rocca-Serra qui, condamné pour meurtre à 18 ans de travaux forcés, a laissé la terre de la Guyane pour le pavé parisien. Très peu de doublage pour lui. Il a loué là un appartement sous le nom de Marc-Antoine Manoury. Resté très bel homme à cinquante-cinq ans, il mène une vie confortable, exempte de soucis pécuniers et amoureux. Le commissaire Roches et ses collaborateurs sont allés trtoubler cette quiétude. — Moi, mêlé à cette affaire de faux-monnayeurs ? Je ne connais rien à cette histoire. C'est de la fantaisie pure. Quai des Orfèvres : le cadre est moins favorable à son élégance et à sa morgue. Impitoyable, le commissaire Roches fonce. L'autre recule, s'enferre, se trouble. — Et la villa « Aimée », et l'expédition d'un colis de 1.200 kilos (c'est le poids de la presse), et les renctontres au café X..., et les échanges, sous la table, des faux talbins... C'est trop, la cascade est précise. Elle pique en pleine cible. Et Marc-Antoine Rocca-Serra, au prénom prestigieux, est lui aussi dans le bain. « Je ne me mouille jamais », a-t-il coutume de répéter. Pour un homme qui n'aime pas l'eau, drôle de douche tout de même... Hubert BOUCHET. Ci-dessous : Cette villa bourgeoise abritait Lefèvre et son amie. Marc-Antoine Rocca-Serra, dit " Toine **, caïd respecté de Montmartre et bailleur de fonds du faussaire. Dans la cave de la villa, Lefèvre, déflationniste, brûla pour des milliers de dollars, pendant que la police frappait aux portes. COLLECTION DÉTECTIVE Dernières publications LOUIS LATZARUS Pour sauver Lola MEANS DAVIS L'Hôpital de la Mort Traduit de l'anglais par Jean VALDEYRON • ANTHONY GRAY La Grange de la Folie Traduit par Madame G. D'ESTENSAN Chacun de ces Romans frs É A Toulon, les appareils à sous ne ruinent pas seulement les joueurs naïfs ; ils ont valu aussi de lourds ennuis à trois policiers honnêtes : les Inspecteurs Grimaùlt, Caltucoli et Fortuné. TOULON {De notre envoyé spécial.) ÎUT se déclencha à cause des appareils à sous. Vous en avez vu partout de ces roulettes de foire qui décrochaient vingt sous quand vous en aviez laissé cent dans la T tirelire. Il arrivait qu'on vidât son porte-monnaie dans cette sacrée machine ! Et c'était quelquefois la peine d'une semaine qui y passait. Alors, on avait fini par interdire les appareils ià sous. iLa police fut chargée de les râfler et de dresser contravention au placeur et au propriétaire du bar. Contravention ! Seize francs d'amende! Un petit tour chez le juge de paix. Le jeu valait bien la chandelle. On installa les appareils dans Tarrière-boutique. L'Etat tient à sa inorale. Il blâme la prostitution mais il lui fait payer patente. Il a banque ouverte dans les casinos où les meilleurs de ses ministres s'en vont en queue-de-morue, mais il interdit au bistrot de jouer à la boule avec ses clients. Le 31 août 1937, un décret assimila le propriétaire d'un appareil à sous à un tenancier de tripot. La contravention devint un délit punissable de prison et d'une amende variant entre 500 et 10.000 francs. A, Toulon, ça n'empêche pas les filles d'aller se baigner et la fontaine de la place Puget de pleurer sur sa mousse. Tout de même, il y avait trois placeurs d'appareils, citoyens ostensiblement connus et une brochette de patrons de bars à la belote facile qui s'écrièrent : ■— On ne peut donc f... la paix au pauvre monde ! %%% C'est ici que le mélodrame commence, au risque aujourd'hui de faire pleurer d'indignation toutes les filles du quartier. Les polices méridionales ont la réputation d'être compatissantes. Le service de surveillance des jeux et des mœurs, amours et hasard', s'en vont toujours de compagnie, était alors entre les mains d'un inspecteur chef que ses i; allègues appelaient Landru, Landru sans cuisinière, précisait-on. Nous continuerons à lui garder ce nom. Landru fit la tournée des bars, saisit quelques machines et en oublia une douzaine. — Que ceci vous serve de leçon, annonça-t-il. Mais je ne veux pas empêcher les gens de manger ! Lui-même avait bon appétit. Alors ça donnait dans les tramways, aux terrasses de cafés, dans les couloirs du théâtre, au jeu de boule, les dialogues suivants. : — Les appareils à sous sont interdits ! — J'en ai vu un avant-hier chez Toine. — Moi je te dis qu'ils sont interdits et que je l'ai lu sur le journal ! — Et moi je te réponds que j'en ai vu un autre chez Jules, au Pont-du-iLas, et même que j'ai perdu 10 francs. — Moi, on m'â juré que la police avait saisi ces appareils. — Probablèment qu'il y en a qui sont invisibles. C'est comme les catins. Tu verras toujours les mêmes sur le trottoir. Pourquoi ? Parce que les autres on les ramasse tous les soirs, malgré que ça soit illégal et qu'il y en a qui sont autorisées à se promener. Si le non Dieu m'avait fait putain... — Tu n'aurais pas eu beaucoup de clients... — Tu veux que je te dise, moi, pouruoi, il y a un appareil à sous chez ules, au Pont-du-Las, et un autre au Stand-Bar et un autre encore route de la Garde ?... Parce que ces boîtes-là te rapportent 20.000 francs par mois et que ceux qui ferment les yeux se payent des chambres à coucher en bois des îles pour s'embellir la vie et des paniers de Champagne pour faire réveillon tous les dimanches. Ce n'est pas la première fois que la police est épinglée. Après tout, on ne tuait personne. Il y avait même des malins qui ajoutaient en arlant de Landru et de ses deux collaorateurs les plus favorisés : — C'est régulier. A leur place, j'en ferais autant l Climat ! Î P Il y a dix-huit mois, un homme qui, pourtant, a l'habitude de marcher sur la pointe des pieds — il a la silhouette et l'esprit d'un père bénédictin — piétina ces gazons luisants. C'était M. Pascal Grisoni, le nouveau directeur de la Police d'Etat toulonnaise. Quand on arrive, on a un œil neuf. Tant de lettres anonymes tombèrent dans la boîte du directeur qu'il chargea trois inspecteurs de confiance, Maurice GrLmault, Alexandre Fortuné, Marc Caïtucoli d'enquêter sur les appareils à sous et la tolérance dont ils étaient l'objet de la part de ceux qui auraient dû les râfler. Ah ! ce fut édifiant ! Les trois placeurs de boîtes se firent un peu tirer l'oreille. Dame, n'allait-on point les accuser d'avoir corrompu des fonctionnaires ? — Corrompu, bon Dieu, s'écria l'un d'eux ; mais c'est nous, les coyons dans cette histoire. Et celui-ci d'avouer qu'il avait pris un petit arrangement avec Landru et deux acolytes grâce auquel on lui donnait un coup de téléphone quand une tournée de saisie avait été décidée. Moyennant quoi il récompensait en marchandises les trois protecteurs. C'était du Champagne, des liqueurs, des pendules, des meubles... Un autre raconta qu'une des machines ayant été saisie, elle fut envoyée au Parquet, la tirelire vide, alors qu'il avait remis la clef de l'appareil à un inspecteur. Le troisième confirma qu'il s'était assuré, moyennant des cadeaux, contre les rafles. M. Grisoni était fixé. Il déplaça Landru et décida de le traduire devant le conseil de discipline ainsi que ses deux complices. Du même coup, Marc Caltucoli fut nommé chef de service des mœurs et des jeux et, en moins d'un mois, il confisquait douze appareils dans des bars de la rue de la République, de la rue Cathédrale, des avenues Saint-Roch, MaréchalJoffre, de la rue Castillon et du Pont-duLas. Cette fois, le bistrot du coin n'y comprenait plus rien. — Comment, s'écriait l'un d'eux, j'ai vu la police le mois dernier. Ils m'ont rassuré. « Tu peux dormir sur tes deux oreil- • les. » J'en ai profité pour acheter trois appareils qui m'ont coûté 60.000 francs, et aujourd'hui on .me les embarque. C'est de la provocation ! C'était, en effet, du point de vue de la facilité, à n'y plus rien comprendre. Ce directeur de la Police d'Etat allait-il ainsi déchirer tous les traités de tolérance grâce auxquels les plus débrouillards pouvaient se chauffer, la panse pleine, au soleil du bon Dieu ? On sonna le ralliement des mécontents. — Voyez-vous, me disait un Toulonnais bien placé pour y comprendre quelque chose, il y a ici, comme à Marseille, deux sortes de gang. Le gang of ficiel, barbeaux et- autres garçons du « milieu » qui vivent à l'abri de leurs enseignes. L'autre, le petit gang, le plus dangereux, le plus dévoreur, composé de policiers marrons, de politiciens, d'avocats véreux, de démarcheurs dont les situations sociales ne sont que des prétextes. C'est ce dernier, le petit gang, qui entre en lutte. A la faveur d'un changement de préfet, Landru évita le Conseil de discipline. Il eût pu se terrer, faire oublier son dossier. Il préféra jouer sa revanche en proclamant qu'il était innocent, qu'il avait été victime d'une cabale, et que le directeur de la police d'Etat l'avait déplacé pour le remplacer par un Corse. ô « ô La guerre des « Corses » s'était déclarée. On était alors en été. Le pastis coulait ià pleins verres. Le soleil brûlait le sang. Il y avait de la poudre sèche dans l'air. Les comités politiques furent alertés bien que la plupart,des adversaires appartinssent au même parti. On sonna à la porte des députés, des sénateurs. Le préfet, qui reluquait les « shorts » au Val d'Esquières, dut rentrer précipitamment à Draguignan. La banque donna, l'industrie lourde marseillaise aussi. Sur la place publique, la population comptait les coups et manifestait comme s'il se fût agi d'une corrida. Les premières pluies auraient pu peutêtre calmer tout le monde. Mais, au bout de cet automne languide et tiède, l'actua- lité afficha un grand' spectacle sous le titre de « police corrompue..». Le décor avait été planté sur la Côte méditerranéenne afin d'amuser les lecteurs des grands quotidiens qui ont le goût d'un exotisme en pantoufles avec policiers, casinos, caboulots à matelots, paquebots dispensés du mal de mer. On ne fit point de distinction entre les attaques à main armée, les pillages de Marseille et l'épopée des boîtes à sous de Toulon — digne d'un film de Pagnol. Deux inspecteurs généraux arrivèrent à Toulon avec la consigne de sabrer. On s'apercevait brutalement que rien ne marchait dans la police.,Le lion allait juger les animaux malades de la peste. Et il arriva ce qui doit arriver pour que La Fontaine 'restât immoYtel. On fit venir les trois inspecteurs Grimaùlt, Caïtucoli, Fortuné qui avaient été chargés par M. Grisoni d'établir en toute impartialité le dossier des appareils à sous. — Ah ! c'est vous, leur dit-on en substance, qui avéz provoqué toute cette effervescence ! C'est vous qui avez monté le complot, dénoncé vos collègues, alimenté une campagne de presse qui a ému tout le pays ! Vous avez voulu le scandale ! Vous allez l'avoir. Nous vous suspendons ! Souriant, M. Pascal Grisoni partit pour Paris afin de faire savoir qu'il entendait prendre la retraite à laquelle il a droit, le l*r janvier. Voilà l'histoire. On pourrait rappeler que Maurice Grimaùlt, policier aussi adroit qu'incorruptible, chargé des stupéfiants, fut, à maintes reprises, félicité par ses chefs pour son courage et ses initiatives. Qu'il était considéré comme l'honnête homme n8 1. On pourrait vous montrer les douze appareils qu'a saisis. Caïtucoli lorsqu'il entra en fonctions, ce qui prouve, pour le moins, que ses prédécesseurs n'avaient pas fait leur métier. — Bêtise, sottise administrative, m'a dit un personnage en jaquette qui voudrait bien qu'on arrangeât ça sans casser de vitres et sans déranger son nœud de cravate. Eh bien, la bêtise est comme l'eau sucrée. Elle finit par écœurer ! Luc DORNA1N. MERCREDI. — A Nantes, des gamins dont « le capitaine » a douze ans, et ses complices huit et dix ans, volaient dans les magasins de la ville. LUNDI. — La sottise n'est pas exclusivement féminine et les hommes aussi se laissent prendre à de grossiers appeaux. Une jeune femme faisait passer dans les journaux cette annonce : « Qui veut correspondre avec l jeune femme moderne et raffinée? Ariette. » Des vS/ ^~*^C?«<3^ Ar quantités d'hommes voulaient bien correspondre avec une jeune femme moderne et raffinée. C'est MARDI. —< Je vous l'avais dit, il y a quelques vraiment incroyable ce que la jeune femme mo semaines, que, nous autres femmes, nous étions derne et raffinée se porte, par ces temps-ci. Il va sensibles à la beauté des hommes et surtout à l'unifalloir que j'y pense : ce doit être plus facile d'être forme qui les recouvrait car, pour nous, l'habit fait moderne et raffinée que d'écrire des sacrées vérités §| agréable. le moine et nous aimons les patenôtres de forme et ça doit rapporter davantage. Il est vrai qu'Ariette n'en profitait guère. Elle avait un ami qui disait l'espère que ça n'est pas cette sacrée vérité qui être Lucien Dusausoy et homme d'affaires. Dusaubreuses a donné dupes.v l'idée à Eugène Créteaux de faire de nomsoy, il n'était mie puisqu'il s'appelait Rolhrig, mais homme d'affaires, il était bien pusqu'il s'appropriait Vous comprenez qu'il n'eût point eu de succès les recettes d'Ariette qu'il ristournait sur les champs s'il avait continué de s'appeler Créteaux et d'être de courses. Ainsi ce qui venait par la sirène, s'en employé de commerce. En tout cas, lui le comprit. allait par la cloche... la cloche qui appelle les courIl troqua son nom contre celui, plus avantageux, de comte de Grémont et son état contre celui d'officier siers sur la ligne de départ... aviateur, chevalier de la Légion d'honneur, inspecteur à la base aérienne de Bron, confident du ministre de la Guerre. De telles références ne manquèrent point de toucher des cœurs sensibles. Et Créteaux — pardon ! — le comte de Grémont, eut autant et plus de fiancées qu'il en voulut et à qui il extorqua sommes. Jusqu'au jour où l'une porta d'importantes plainte. JEUDI. — Lorsque vingt-sept ans durant, on a encaissé sans une erreur des sommes importantes et qu'on s'aperçoit tout à coup que, chaque semaine, il est des trous dans les recettes, cela devient dur à « encaisser ». M. Callet, employé dans une agence de location de Lyon subissait ce martyre. Il voulut en avoir le cœur net. Il plaça sa femme en embuscade dans un placard d'où celle-ci, un beau soir, découvrit le secret : un employé de la maison, durant que Callet vérifiait ses bordereaux, s'approchait de lui; lui parlait du temps qu'il faisait, s'asseyait sur le bureau et, son corps formant écran entre M. Callet et la sacoche, d'une main experte fouillait dans le sac, prélevait des billets de mille. L'expérience fut renouvelée, mais cette fois, avec des inspecteurs de police dans le placard qui surgirent de leur cachette, lorsque le voleur, Jean Garnier, eut les billets dans sa main. Devant cette soudaine irruption, Garnier crut à une attaque de gangsters et appela du secours. Cet homme ne souffrait pas la concurrence. Le chef tenait un journal dans lequel il était question, souvent, de revolvers, de trahisons, de démission d'un membre de la bande. Pour cette fois, les Tartufes eux-mêmes ne pourront accuser Détective d'avoir faussé la mentalité de ces tristes enfants (je donne ici à triste son acception d'affligeant), car aucun ne lisait Détective et plusieurs même ne savaient pas lire. Mais il est facile, n'est-ce pas, d'accabler un journal dont le rôle est essentiellement de mise en garde ; il est facile de crier : « haro sur le baudet »; c'est plus commode et moins dangereux que de s'en prendre au puissant cinéma ou à la néfaste éducation comprimée de certains pions calamiteux qui, sous le couvert d'un certain enseignement, ne laissent point à l'âme la possibilité de s'épanouir. VENDREDI. — Les routes ne deviennent plus sûres ; retournerait-on au temps des attaques de diligences ? Evidemment, elles avaient leur romantisme et l'affaire du courrier de Lyon fut une mine d'or pour les chroniqueurs, pour les romanciers et même pour les avocats; il n'y eût guère que Lesurques pour en souffrir. Notre époque, plus prosaïque, ne parait pas réclamer de tels retentissants exploits et pourtant... L'autre semaine, un entrepreneur était attaqué près d'Aubervilliers par deux malandrins qui, en l'occurrence, furent mal inspirés car ils reçurent une maîtresse râclée de celui qu'ils avaient choisi pour victime. Mais les semaines se suivent et ne se ressemblent pas; jeudi, M. Jourdeuilh, architecte, ne renouvela point l'exploit de l'entrepreneur. Attaqué par quatre gangsters sur la route de Quarante-Sous, il lui en coûta son portefeuille qui contenait 1.800 francs, ses vêtements qu'ils déchirèrent et, finalement, de geler un assez long temps sur la route qui, pour lui, est sûrement mal baptisée. Quarante-Sous 1 Voilà une route qui, pour M. Jourdeuilh, est beaucoup plus coûteuse. SAMEDI. — Il est toujours agréable d'i quée par un beau garçon, élégamment pos sesseur d'une automobile ; et si vous êtes sans travail, il est plaisant de s'entendre dire que le beau jeune homme vous en trouvera, d'agréable et de rémunérateur. Les trois premiers jours furent enchanteurs pour Mlle L..., mais le séducteur, le beau Maxime Le Sergent, se lassa vite de nourrir sa conquête. Il' supputa même qu'il pourrait récupérer les frais faits pour elle en la prostituant. Il lui en DIMANCHE. — M. Charles Kentzman, lui, n'opéfit la proposition qu'elle rejeta : ce qui lui valut une correction soignée. rait pas comme le beau Le Sergent. C'est dans les ment, on était déjà loin, Bien vousqu'à trois jour*» nades en autr> bals-musettes qu'il recrutait. Les petites bonnes fré11 quentent beaucoup les bals-musettes ; ça les son revint A ,ners hns. w«„ .ez' d®s Prome change des cuisines, et de danser avec M. Charles, de belle prestance et bien habillé, les changeait dé faire valser l'anse du panier. M. Charles leur faisait miroiter un avenir enchanteur. « Je suis puisîrne ia a -ours „. ! ^issa nue d sant dans le cinéma; je ne prétends pas être Ber< nue au académicien "ftES nard Natan, mais tout de même je compte. Je ferai tout de vous une vedette. » Est-il possible qu'une jeune bonne de 18 ans résiste à un tel appel du studio ? es. Si vous le croyez, c'est que vous n'avez jamais été bonne à 18 ans. La résistance commençait quand M. Charles voulait les faire « tourner » sur le Sébasto, mais il avait alors des arguments frappants et des amis sûrs qui séquestraient les récalcitrantes jusqu'à ce qu'elles fussent venues à résipiscence. Finalement, c'est M. Charles qui est séquestré à Fresnes. Telle est là moralité de l'histoire. é E toute ma vie de « mac », je n'avais jamais connu une meilleure gagneuse. Propre, impeccable, correcte et bien élevée, Maddy tombait le micheton à volonté, et ses semaines atteignaient facilement les deux ou trois sacs. Pourquoi ne la gardai-je pas auprès de moi ? Pourquoi l'envoyai-je à la traite ? Hélas, avec moi les « bonnes affaires » ont-tôt fait de se dissoudre. — Maddy m'adorait des pieds à la tête. Malheureusement, moi, je ne l'adorais pas. Je servais à l'admirable gagneuse qu'elle était un chiqué de bon aloi — de ce côté-là elle en avait pour son argent! — mais je n'éprouvais pour elle que le sentiment affectueux que l'on ne peut manquer d'éprouver à l'égard d'une femme qui vous apporte, bon an mal an, une dizaine de mille francs par mois. De temps à autre, je collaborais avec Raymond le Toulousain et sa bande à l'exportation d'un « colis » ou deux. Et voici qu'un de ces « colis » me resta collé aux doigts. Régine — tel était le nom de cette « nouvelle », — s'éprit de moi en même temps que je m'éprenais d'elle — à notre deuxième rencontre, s'il vous plaît. Au lieu de partir pour Ceylan elle resta purement et simplement dans un petit hôtel de la rue Durantin, à ma disposition, comme disent MM. les commissaires de police. Sérieusement mordu pour Régine, grande brune aux seins durs, aux jambes enveloppantes, à la bouche avide, je résolus d'envoyer Maddy à l'étranger. Mais on ne se sépare pas, d'une manière définitive, pour quelques billets, d'une gagneuse qui fait gonfler votre compte en banque à vue d'œil. Aussi, rompant avec la résolution que j'avais prise, depuis mon avatar avec Suzanne, la déserteuse de Caracas, je décidai d'envoyer Maddy au loin, à mon compte. C'est à Shangaï que ma « régulière » allait continuer ses séries de michetons. Mauvaises nouvelles... Pendant les trois semaines que dura son voyage, Maddy m'envoya, au hasard des escales, des cartes et des lettres. Sur les cartes des « bonjour de tel endroit », des « tendres baisers », sans plus. Mais les lettres laissaient percer une immense tristesse, une nostalgie si poignante qu'en les lisant je me sentais gagner par l'énervement et l'inquiétude. — Pourvu qu'elle n'aille pas me claquer dans les mains, me disais-je, comme cette garce de Suzanne. Cette pensée me fichait un cafard noir, mais je me consolais dans les bras de Régine, pour laquelle j'étais de plus en plus mordu, et qui me le rendait bien. Puis enfin, je reçus la nouvelle de l'arrivée de Maddy à Shangaï. Sa lettre était datée du lendemain, de son débarquement, et elle me disait à peu près : « Me voilà enfin dans cette ville lointaine, où je suis venue sur ton ordre, sans discuter. Je crois maintenant pouvoir te dire que je pense que tu as été bien vite à m'expédier. L'homme qui m'attendait m'a placée dans une maison et il m'a dit que j'allais gagner beaucoup de dollars. Je l'espère pour toi, mon chéri, mais à la vérité je dois te dire que de bien tristes pressentiments me serrent le aœur. J'ai comme une idée que je ne reverrai jamais la France, ni toi par conséquent. Enfin je ferai pour le mieux pour toi, mon petit homme chéri !... » Cette lettre me coupa un peu la chique, mais je me remontai le moral en me disant que Maddy se ferait rapidement à son nouvel entourage. Je me trompais lourdement. Un jour, je reçus un câble impératif : Viens urgence Shangaï ou tu ne me reverras pas (1) Voir DÉTECTIVE depuis le n° 529. CONFIDENCES D'UN SOUTENEUR recueillies par Harry GRE Y stop Suis gravement malade stop Câble réponse stop. Maddy. Ce câble me plongea dans l'angoisse. Nom d'un chien, me dis-je, voilà qu'elle me joue la postiche avant de m'avoir envoyé un rond ! Ainsi qu'elle le demandait je lui expédiai un câble, rédigé de manière à lui secouer les puces, et dur. Pas question aller Shangaï stop Suis étonné pas avoir reçu fonds stop Très mécontent stop Demande explications urgence stop. Gaston. Voilà qui fera rappliquer du fric, me disais-je. On a comme cela des moments d'absence et des accès d'illusion. S. o. s. La réponse de Maddy fut laconique. Viens je t'en supplie. Maddy. Du coup je m'inquiétai pour de bon, comprenant en un éclair que la maladie de ma femme n'était pas feinte. Je décidai de lui remonter le moral, en lui appliquant le remède qu'il est convenu d'appeler le bourrage de crâne. Ayant encore recours au câble, je tentai de la rassurer par ces bonne paroles : Impossible aller Shangaï maintenant cause affaires stop Irai dans deux mois stop Tâche envoyer argent voyage et frais stop Baisers Gaston. — Et à nouveau je couvris quatre pages d'une écriture serrée où les mots que je voulais consolateurs se mêlaient malgré moi à des exigences pécuniaires plutôt déplacées. J'attendis une semaine, puis deux, puis trois. Rien de rien. Désespérément inquiet, je câblai derechef : Sans nouvelles, inquiet. Gaston. Quatre semaines s'écoulèrent. Un matin vers huit heures, j'entendis frapper à ma porte. Me levant sans bruit pour ne pas réveiller Régine qui dormait profondément, après une nuit tout entière passée en folies, j'ouvris, le cœur légèrement pincé — à ces heures-là, n'est-ce pas, on ne sait jamais ! — et je poussai aussitôt un discret soupir de soulagement en constatant que je n'avais pas affaire à des « bourres », mais simplement à un gros bonhomme à l'aspect débonnaire, qui tenait un paquet sous son bras. — Monsieur Gaston Guillaud ? — Moi-même. Si c'est pour la représentation de quelque chose, je n'ai besoin de rien. Le visiteur haussa les épaules et me regardant bien en face : — Il ne s'agit pas de représentation. J'ai une commission là, pour vous — et ce disant, il frappa de la paume de la main sur son paquet. Puis-je entrer ? L'homme -flf deux pas en avant et je refermai la porte doucement en lui disant : — Ne faites pas de bruit. Il y a quelqu'un qui dort. * — Une femme ? chuchota-t-il. — Oui, répliquai-je, en le faisant pénétrer dans mon petit salon. Le premier objet qu'il tira de son paquet me donna un choc au qœur. C'était la montre-bracelet de Maddy, que je lui avais offerte quatre mois auparavant ! Le miche* au grand cœur 93 Il me remit la montre sans un mot. Ma main, en la prenant, tremblait légèrement, On aurait dit un étrange prestidigitateur, extirpant au ralenti des objets d'un chapeau haut de forme. L'homme continua, toujours en silence, à sortir les boucles d'oreilles de ma « femme », son collier, son sac à main, ses deux bagues, et après avoir jeté — c'est le mot — sur le guéridon un petit paquet de lettres, les miennes, il termina son déballage avec une petite chemise de soie aux bretelles déjà usées, la première chemise que j'avais offerte à Maddy. — Qu'est-ce que cela veut dire ? demandai-je d'un ton où perçait la hargne. — Permettez-moi de me présenter, riposta le singulier messager. Se redressant, il annonça : — M. Z..., propriétaire de rizières en Chine. J'ai connu Mlle Maddy dans la... maison de Shangaï où vous l'aviez placée. J'ai été de suite attiré vers elle d'abord par sa beauté, et ensuite par la désespérante nostalgie qui la rongeait et qu'elle ne parvenait pas, malgré tous ses efforts, à dissimuler. Une ombre sembla passer sur ses yeux et son ton se fit plus dur : — Maddy m'a narré, d'un ton qui dénotait son évidente sincérité, toute son aventure, la manière dont vous l'avez arrachée à son travail, la manière dont vous vous êtes fait aimer d'elle et la manière dont vous l'avez mise sur le trottoir, pour l'envoyer finalement se prostituer à des milliers et milliers de kilomètres de la France, pour votre plus grand bénéfice ! — Chut..., lui dis-je, car il avait peu à peu élevé la voix. Je vous ai déjà dit qu'il y avait à côté une dame en train de dormir. Et je ne pus m'empêcher de ricaner sourdement : « Parlons-en des bénéfices de Maddy ! Elle ne m'a jamais envoyé un sou ! » La voix de l'autre se fit plus dure encore : — Ce n'est pas de sa faute. Au surplus, elle vous en a donné assez pendant qu'elle était ici. Là-bas, la nostalgie lui rongeait le cerveau et le cœur. Comme Je vois que vous êtes consolé d'avance et qu'il n'y a pas de ménagements à prendre avec vous, je vais tout de suite vous dire que le chagrin l'a minée à un tel point qu'après vous avoir désespérément appelé à elle par des câbles que j'ai payés, devant votre refus de venir, elle s'est laissée abattre et a fini par succomber à une attaque de méningite cérébro-spinale dans la clinique où je l'avais fait transporter. Fidèle Jusqu'à la lin Je dus m'appuyer sur un guéridon que je manquai de faire choir. — Maddy, balbutiai-je, Maddy... morte ! Ce n'est pas possible. Sans un mot, le colonial ouvrit son portefeuille et me tendit l'acte de décès de ma « femme ». Alors, pendant un court instant, tout sembla s'écrouler. Cette mort qui se faisait annoncer comme ça sans prévenir, au saut du lit, me bouleversait littéralement... C'était incompréhensible... Comment Maddy, si jeune, si gaie, si ardente à vivre... Après un bout de temps, je réussis à me reprendre en main, et me redressant : — Merci, monsieur, dis-je d'une voix que je voulais ferme mais que je sentais flottante. Je vous suis très reconnaissant !... — De rien, interrompit sèchement l'autre, en prenant son couvercle. C'est uniquement pour elle que je suis venu vous apporter ces choses. Quand elle a su que j'allais prochainement partir pour la France, elle m'a supplié sur son lit d'agonisante de vous apporter ces souvenirs. Je lui avais proposé de l'emmener avec moi dans la propriété que je possède là-bas, de l'épouser et je vous garantis que si elle avait accepté, vous auriez toujours pu tenter de venir la reprendre. Je vous aurais réceptionné avec une balle explosive ! La porte claqua. En revenant, hébété, d-ans le salon, j'eus un brusque haut le corps. Décidément, c'était le matin des surprises. Régine, en peignoir, les cheveux défaits, la bouche mauvaise, se tenait debout, examinant les souvenirs de la morte, — Qu/est-ce que c'est que ça ? Ce collier, ces bagues, ces lettres ? Je sentis que tout mensonge serait inutile, et puis je ne me sentais pas en forme pour en inventer un. — Ce sont des objets qui viennent de loin, avouaije. Ils viennent de Shangaï. Ils ont appartenu à une femme que j'ai connue avant toi. Régine fronça les sourcils : — Mais pourquoi t'envoie-t-elle tout ce bric-à-brac? Très doucement, mais avec une fermeté irrésistible, je lui ôtai les reliques des mains : — Elle a remis tout cela à un ami à l'heure de sa mort, dis-je, presque à voix basse, en le priant de me les apporter quand elle ne serait plus. — Elle est donc morte, vraiment ? Ce « vraiment » était à ce point piqué de jalousie et de doute que je tirai l'acte de décès de ma poche et le lui tendis. — Tant mieux ! soupira-t-elle. Ce fut toute l'oraison funèbre de ma pauvre Maddy, ma meilleure gagneuse, la seule femme qui me soit vraiment demeurée fidèle. Vaches maigres Comme gagneuse, Régine était loin, bien loin de valoir Maddy. Et puis je dois aussi le dire, elle travaillait beaucoup moins. Avec le désir que nous avions l'un de l'autre, les heures de nos tendres ébats empiétaient sur celles qui auraient régulièrement dues être consacrées, moyennant finance, aux michetons. Bref, nos affaires allaient plutôt mal, et mon compte en banque diminuait comme un bloc de glace caressé par les rayons du soleil d'août. Par un curieux contraste, ce début de vaches maigres coïncida avec une formidable poussée d'ambition de ma Régine. — J'en ai assez, me dit-elle un matin. Nous vivotons et comme les temps vont devenir de plus en plus durs, je vois le moment arriver où nous en serons réduits à vivre au jour le jour. — A quoi veux-tu en venir, ma chérie ?... lui demandai-je d'un ton détaché. — Voilà, me répliqua-t-elle en jetant une lettre sur la table. J'ai reçu cette missive d'une amie qui est au Venezuela. Elle ne travaillait pas mieux que moi ici, et là-bas elle fait de l'or en barre. Du coup je me réveillai, — Tu veux partir à Caracas, toi aussi ? Régine alluma une cigarette à bout doré, et dans une volute de fumée m'expliqua : — Ecoute, Gaston, je t'aime autant que tu m'aimes. Tu ne peux l'ignorer. C'est justement pour cela que je désire gagner beaucoup d'argent afin que nous nous établissions d'une manière sûre et définitive. Régine avait raison. Il n'était que temps de nous ressaisir. Je dus sortir du tiroir où je les avais déposés, les pauvres bijoux de Maddy, et je me résignai à les vendre. C'était le seul moyen de parfaire la somme nécessaire au voyage de Régine, qui partit un beau soir, en me laissant sur le quai de la gare, nerveux, irrité, «acariâtre et raide comme un passe-lacet. Le soir, en rentrant, j'eus une • ^ crise de cafard épouvantable. Etait-ce le souvenir de Maddy, était-ce simplement le désespoir d'être raide, je ne sais pas, mais en tout cas, il est un fait certain, c'est qu'après avoir râclé mes fonds de tiroir et avoir trouvé à peine trois cents francs, je partis vite, très vite, quittant l'appartement désert pour aller m'étourdir dans la foire, tel un micheton sentimental qui aurait été délaissé. Et s'il y a des « macs » qui lisent ces lignes, je les engage à ne pas ricaner. Tous ont passé par là, ou ils y passeront ! Venezuela à la hausse Le premier et d'ailleurs le seul et unique envoi d'argent que je reçus de Régine fut d'importance. Quinze mille francs et dans un paquet recommandé un étui à cigarettes en or qui lui avait été offert par un micheton de là-bas. Je reçus également une longue lettre : — Les micheions sont fous de moi, m'écrivait Régine. Et il en est toujours ainsi pour les nouvelles arrivées. Mais bien peu savent garder chez l'homme cet emballement pour elles, aussi n'est-il pas rare de voit les « comptées » diminuer au fur et à mesure chaque mois. Pour ta petite Régine tu peux être tranquille et targent ne diminuera pas. Cet envoi arriva dans ma vie comme le portefeuille gonflé au pied d'un clochard. J'étais doublement dans la mouise. La seule femme que j'aimais était à vingt jours de voyage, les temps commençaient à devenir très durs et s'aggravaient d'une concurrence sans cesse augmentant, faite en partie de danseurs mondains mis sur le pavé par suite de l'éclaircissement des pistes. Je plaçai bien par ci par là une ou deux « cravates > dans un quelconque claque de province, mais cela ne me donnait que la stricte «matérielle » et je n'avais pas encore pu, malgré tous mes efforts, tomber une « doublarde » sérieuse, à cause des fonds de lancement qui me manquaient, tant il est vrai que l'on ne peut mettre en marche quoi que ce soit sans argent, n'en déplaise à ceux qui se prétendent anticapitalistes. J'avais même du retard sur le paiement de mon terme et de mon garage. Me hâtant de régler ces menues dettes, je bombai à nouveau le torse dans le quartier et me mis sérieusement à la recherche d'une « doublarde » que je finis par dénicher en la personne d'une fille nommée Suzy, femme de métier, ayant déjà deux ans d'expérience de bitume parisien et du parfait « mac ». Suzy» fleur de bitume Je repérai Suzy un matin, vers les onze heures, dans un café de la place Clichy. Seule à une table, en face d'un café-crème qui refroidissait, elle rêvait tristement, la tête dans les mains. Quand.une * fleur de bitume » est triste, c'est du cousu main. Je m'approchai : — Alors, Suzy, on a le cafard ? La fille me regarda et me répondit d'un ton infiniment las : — Quelle vacherie d'existence ! — Et Gustave ? Gustave, c'était son homme. Je n'ignorais pas que, depuis de longs mois, il pourrissait sur la paille humide des cachots, avec une sale affaire sur les reins. — Comment, me dit-elle, tu n'es pas au courant de son « balancement » ? — Il est donp passé ? D'un geste lourd, Suzy tira un journal qui se trouvait coincé entre ses fesses et la banquette et me le tendit* En quatrième page, juste avant les annonces, s'étalait l'article de trente lignes consacré à Tatave. Il y était dit que l'accusé, reconnu coupable de meurtre et accablé sous le double poids de ses antécédents fâcheux, et de nombreux témoignages défavorables, avait été condamné à vingt ans de travaux forcés. -— Eh bien ! constatai-je, le voilà bon à perpète, à moins qu'il ne s'évade. Suzy leva les yeux au ciel, avala une gorgée de son bain de pieds et soupira d'un air de doute : — Pour jouer la belle, il faut du fric, et ce u'est toujours pas moi qui lui en enverrai, à ce salaud ! Allons, Suzy, il ne faut pas parler ainsi d'un homme, surtout quand il est dans le « trou » et qu'il ne peut pas te répondre. Têtue, la femme glapit : — Si tu avais assisté au procès, tu dirais comme moi. Le visage de la fille se durcit encore : — Tu connais l'affaire. Tu sais que le Grand Raoul me cavalait après, mais que je n'avais jamais marché. Eh bien ! Gustave n'a pas eu confiance, il a cru que j'avais marché, et il a buté Raoul, au lieu de lui f... une trempe. Il l'a buté sans aucun droit, ne l'ayant jamais surpris avec moi. A l'audience, pour se laver, il a dit au juge que c'était moi qui l'avait poussé à sortir son feu et à descendre Raoul. — Et ce n'était pas toi ? — Bien sûr que non. Moi, quand j'en ai eu marre des vannes qu'il m'envoyait au sujet de Raoul, je lui ai dit : « Casse-lui la gueule ! » Mais je ne lui ai jamais dit de le buter ! — Et maintenant, lui demandai-je, que vas-tu faire ? Tu n'es pas habituée à rester seule... Tu as toujours vécu avec un homme... Agressive, elle répliqua : — Cela ne veut pas dire que je ne pourrais pas m'en passer ! Je lui pris le bras et, tout en lui chatouillant le creux de la main, je m'efforçai de l'apprivoiser en lui disant : — Voyons, Suzy, ne te fâche pas. Ce n'est as parce que tu as eu un coup dur avec un omme pour croire que nous sommes tous pa- E Une fois n'est pas coutume. Ce fut Régine (en haut à g.) elle-même qui organisa son départ pour Caracas I — Tandis que Suzy (cl-dessous) "s'expliquait" le menais la " belle vie "... reils dans le « milieu ». Les coups de pétard sont plus rares, chez nious que dans les milieux bourgeois, et. neuf fois sur dix. le « dur » qui tire prend tout sur lui, tu le sais bien... Un quart d'heure plus tard, nous roulions sur la route de Quarante-Sous, en direction de Deauville. Catastrophe Le soir même, Suzy accepta de devenir ma femme. Dès le lendemain, elle commença à me rapporter son gain. Enfin, je commençais à me sentir revivre. Les jours s'écoulaient, sereins, dans l'attente du deuxième envoi de Régine. Plus que jamais, je bombais le torse dans les bars et dans les dancings, en regardant d'un air légèrement méprisant les petits barbillons qui ne parvenaient pas à se débrouiller et qui tentaient de lancer — toujours au mépris de ces fameuses lois du milieu — des œillades discrètes à ma femme, au risque de récolter un coup de poing sur la gueule ou un coup de pompe au cul ! Soudain, brutale, la catastrophe éclata. Un matin, je reçus une lettre de Régine. Cette lettre, je l'ai gardée et je la reproduis in extenso : Mon cher Gaston, Je dois te dire que, quand je me suis décidée à te quitter pour venir ici, c'est que je n'avais déjà plus envers toi les sentiments de nog premiers temps. Tu vois, je suis franche. Je t'ai beaucoup aimé, mais je t'ai aussi jugé, et je sais qu'avec toi jamais je n'aurai de position; parce que tu as la tête d'un enfant et que tu te figures que ça durera toujours, alors que moi je sais que non, parce que, si on ne met pas des sous à gauche quand on est jeune, après c'est trop tard. Je t'ai envoyé de l'argent et un souvenir le mois dernier parce que je ne voulais pas que tu restes sans le rond après m'avoir donné tes sous pour que je vienne ici. Maintenant, c'est fini entre nous, parce que, de toute manière, je quitte le business pour me marier avec un homme d'ici qui a une position et qui m'emmène loin de Caracas pour demeurer chez nous, dans un pays où personne ne me connaît. Sûrement, je l'aimerai moins que je t'ai aimé mais je te répète que j'aurai une position, et on ne peut pas tout avoir dans la vie, l'amour et tout. Aussi moi, j'ai choisi et j'espère bien que je ne serai pas malheureuse avec lui et je penserai quelquefois à toi comme je te demande de penser quelquefois à moi, mon cher Gaston. Je sais que tu n'auras pas de peine à trouver une autre femme, aussi je ne m'en fais pas pour toi. N'oublie pas que je t'ai beaucoup aimé et au nom de tout notre mariage je te demande de ne pas m'en vouloir et de penser sans rancune à celle qui a été ta petite femme pendant longtemps. Régine. J'en tombai, comme on dit, sur le cul. Puis, reprenant la lettre, je me mis à la lire à nouveau, puis à la relire, incapable de me graver dans la tête les phrases qui dansaient devant mes yeux... (A suivre.) Gaston GUILLAUD. Copyright 1938 by Détective and Harry Grey. Reproduction, même partielle, rigoureusement interdite. Reportage photographique DETECTIVE. Marcel CARRIERE. 5.000.000de faner Le Célèbre Professeur AOUR. dont la réputation est devenue mondiale, a décidé de distribuer GRATUITEMENT, à titre purement humanitaire et aux mille premières personnes qui en feront la demanda : I" La Mystérieuse FLEUR IRRADIANTE, préparée d'après votre nativité, dont la possession apporte la victoire ; 2* L'Horoscope (véritable étude de vie) qui révélera, entre autres choses, les moyens pour chacun de gagner à la LOTERIE, en indiquant le jour, la tranche et les nombres favorables ; 3* Un billet de Loterie absolument gratuit, è toutes les demandes qui lui paraîtront réunir les qualités requises pour gagner au tirage de la prochaine tranche, comptant uniquement sur la reconnaissance des favorisés. Des attestations par milliers et des félicitations des gagnants de la LOTERIE NATIONALE sont a votre disposition. Vous pouvez faire un essai de 20 jours sans aucun engagement de votre part. Faites lui confiance et découpez la présente annonce en l'envoyant avec l'indication de votre date de naissance (heure et lieu si possible) N'ENVOYEZ NI ARGENT, NI TIMBRES Professeur T. AOUR. 59. rue Victor-Hugo - LYON (Rhône) Cette annonce n'est pas valable pour la PAPFTÎM Belgique me MAY ' P International. Tarots. Mramène ItlMA Lignes mains. Guide, renseigne affection. Reçoit t. lis jours et dim. et « TROUBLANT », enchanteur, irréaJgtSble. attire la Sympathie et l'amour t 14 ir. et 32,40. Livre i Pour plaire, se faire aimer, de près, de lois. 22 ir. Pour hypnotiser en 3 leçons, 5,10. Livres psychiques, d'amour, etc., Ee. L'INITIATEUR, & VIESLY (Nord). Voyante di Iôme rAMUWl par correspond. 25 fr. 151. rue du Pg-Poissonnière, Parls-9». (M0 Barbès-Polssonnière-Qare du Nord.) Seins VÀLENCIENNES (De notre correspondant particulier.) Développés, raffermi», reANS cette rude région minière du constitués. Salières comblées Nord, à Escautpont, Ludwlg par les Gaspard, Tchécoslovaque, était venu, il y a déjà de nombreuses Pilotas Orientales années, apporter l'aide de ses Seul moyen pour la solides bras. Beau gars, dur au femme d'acquérir, de L'INFLUENCE PERSONNELLE. Volume Illustré : 20 fr. travail, il aimait cet horizon de grisaille, conserver, ou de recouLES FORCES MYSTÉRIEUSES (H. Frichet) : 18 fr. - TRAITÉ triste, où les corons, rangés géométriquevrer la DE SORCELLERIE ET DE MAGIE PRATIQUE, la science ment, et les crassiers formaient la toile det vieux magiciens mis» à la portée de tout (Pr Simard). BEAUTÉ DE LA de Fort volume Illustré: 30fr. • MANUEL DE L'AMOUR fond. Il aimait aussi les femmes, et POITRINE CONJUGAL (Or Eynon). Illustré : 14 fr. - L'ART D'AIMER ses bonnes fortunes ne se comptaient plus. (Dr Jaf). ///Miré : 14 fr. ■ AVANT, PENDANT, APRÈS Toujours bienfaisantes Ses succès n'étaient pas sans lui attirer (Or Coufeynon). Illustré : 12 fr. pour la santé des rancunes et, à maintes reprises, il eut Traitement de 2 mois, facile à suivre en secret. Chaque volume, accompagné du Catalogue de violentes discussions avec ceux qu'il général de livres rares et précieux, est expéFlocon ovec notice f* contre rembours/Mfr.'jO Ecrire avait bernés. L'âge — il venait d'avoir dié franco contre bon ou mt-poste adressé au è J. RATIE, pharm., Oiv. 72 BR 45, r. de l'Echisoixante ans à la fin de l'année passée — COMPTOIR DU LIVRE, 18, r. du Mail, Pctris-2' quier, Paris (10*). Envoi discret par la poste. A ne l'avait guère assagi. BRUXELLES t Ph. Delacre ; GENEVE. Ph. des leraues Il y a deux ans, tout de même, cè coureur de guilledou se sentit du vague à l'âme. Les aventures sans lendemain ne Le BONHEUR et ta JOIE au FOYER l'égayaient plus. Gaspard prit femme, mais par correspondance. Une de ses compatriotes lui envoya sa photographie. Elle était brune, avec de beaux yeux candides et une poitrine appétissante. Ce portrait attisa la flamme du vieux séducteur, et bientôt débarquait à Escautpont l'élue de son cœur. La photo n'avait pas menti. Héléna Gawitz était vraiment un beau brin de -fille, jeune, pleine d'ardeurs et de désirs. Le sexagénaire mordit à belles dents dans ce fruit mûr. Il la surveilla. Ce communiste en amour, jadis, devenait par par la" SANTÉ. conservateur. Parbleu, il en trouvait la chair douce et désirable. Mais il n'était pas le seul, et bientôt les jeunes godelureaux du patelin lui rendirent avec abondance les traits qu'il avait faits aux autres. Gaspard fut un cocu qui, s'il n'était pas magnifique, le fut abondamment. Il aurait pu, sur sa modeste maisonnette, mettre un gros numéro. InsaL Institut Moderne du Dr.M.A.Orard d'électrothérapie comprend tiable, la jeune épousée recevait à à Bruxelles vient d'éditer un traited Elecdomicile tous ceux, en mal d'amour, ire PARTIE : seBBBBMBHBBBB Irothérapie destiné à être envoyé gratuitequ'attiraient sons candide visage et sa poiment à tous les malades qui en feront la SYSTÈME NERVEUX. trine provocante. Le scandale fut si grand demande Ce superbe ouvrage médical en Neurasthénie. Névrose» diverses, Néque bientôt la police s'en mêla. Elle pria, vralgies, Névrite», Maladies 4c la Moelle 5 parties, écrit en ,un langage simple et après enquête, la donzelle de retourner éplnïère. Paralysies. clair explique la grande popularité du traidans son pays natal. SJSJBBJBBBSnSSBBB lltlt PARTIE BMSSBBSHSSBBBSS1 tement électrique et comment l'électricité, Et, l'autre jour, la Loterie nationale lui en agissant sur les systèmes nerveux et ORGANES SEXUELS octroya un beau billet de 1.000 francs. musculaire, rend la santé aux malades-, Il offrit 'à boire à tous ceux qui voulaient. débilités, affaiblis et déprimés. APPAREIL URIIM AIRE. Tard dans la nuit, fin soûl, Gaspard Impuissance totale ou partielle, Varicoregagna son foyer, situé devant les écoles. La cause, la marche et les symptômes cèle, Pertes Séminales. Prostatorrhée, Il s'assit devant son poêle et le bourra de chaque affection sont minutieusement écoulements, Affections vénériennes et d'une belle bûche... décrits afin d'éclairer le malade sur la maladies des reins, de la vessie ef de la ♦ FORCE SANTÉ VIGUEUR L' ELECTRICITE et nature et la gravité de son état. Le rôle de l'électricité et la façon dont, opère le courant galvanique est établi pour chaque affection et chaque cas. L'application de la batterie galvanique se fait de préférence la nuit et le malade peut sentir le fluide' bienfaisant et régénérateur s'infiltrer doucement et s'accumuler dans le système nerveux et tous les organes, activant et stimulant l'énergie ner veuse, cette force motrice de la machine humaine. Chaque famille devrait posséder cet ouvrage pour y puiser les connaissances utiles et indispensables à la santé afin d'avoir toujours sous la main l'explication de la maladie ainsi que le remède spécifique de la guérison certaine et garantie. prostate. assaMsassjsssi ime PARTIE . saseoBSBSsasssi MALADIES DELÀ FEMME. Métrile, Salpingite, Leucorrhée, Écoulements. Anémie, Faiblesse extrême, Aménorrhée et dysménorrhée. ■BMBBSBBSBSBBl Ime PARTIE : SBSBSaSBSBSSSSSS* VOIES DIGESTIVES. Dyspepsie, gastrite, gastralgie, dilata* tion, vomissements, aigreurs, constipation, entérites multiples, occlusion Intestinale, maladies du foie. SMSMBB Smi' PARTIE 1 BSeSSBBSSMSMSBSS SYSTÈME MUSCULAIRE ET LOCOMOTEUR. Myalgies, Rhumatismes divers, donne, Sciatique, Arthritisme. Ariério sclérose, Troubles de la nutrition. Lithiases, Diminution du degré de résistance organique. CFST GRATUIT Hommes et temmes, célibataires et mariés, écrive? une simple w LUI uuniun, carteposta|e à Mr le Docteur M. A. GRARD, 30, Avenue Alexandre Bertrand* BRUXELLES-FOR EST, pour recevoir par retour, sous enveloppe formée le précis d'élecirolhérapie avec illustrations et dessins explicatifs Affranchissement pour l'étranger- Lettres fr. 1.75 Cartes 1. » SOCIÉTÉ ANONYME DES PUBLICATIONS « ZED ». 3, rua de Grenelle - Paris (6*). — Tiens, ça gueule dans la baraque à Gaspard. Qu'est-ce qui se passe ? Va donc voir ! Mme Goliot, sa voisine, parle ainsi à sa jeune fille Madeleine. La Ailette, elle a douze ans, sort. Mais elle a peur d'aller toute seule dans le logis du vieux galant, parce qu'elle a entendu des coups sourds, des cris, des bruits de chute. Elle va chercher Mme Czervonka, autre voisine, amie de sa mère. Celle-ci vient, aperçoit une ombre qui fuit, ne s'en préoccupe pas, et pénètre chez Gaspard. Le mineur gît dans la cuisine, le crâne fracassé à coups de hache. Du sang macule le parquet, la cheminée, la chaise. Il y en a partout. Aux cris d'appel de Mme Czervonka, les gens accourent. On alerte les autorités. Elles reconstituent rapidement la scène tragique. Gaspard mettait une bûche au feu lorsque l'assassin lui asséna un terri- R. C. Seine 237.040 B — Le tirant t Hubert BOUCNET. Iirp. A 60 ans, Gaspard (à gauche) avait encore bien des succès féminins. Las I On le retrouva, le crtine fracassé, dans la baraque où II gttalt. — Les enquêteurs sur les lieux. — La hache de mineur, Instrument du crime. ble coup de hache qui l'étendit raide après lui avoir fracassé le crâne. Puis, il s'acharna sur le moribond, lui martela la figure, la réduisant en une bouillie innomable. Il fouilla le cadavre, retourna les poches, fouilla le portefeuille et visita ensuite les tiroirs. Il se retira enfin, non sans avoir abandonné la hache dont il avait soigneusement essuyé l'acier avec un journal. Crime crapuleux ou vengeance d'époux trompé ? Le vol n'aurait-il servi qu'à une mise en scène et là égarer les soupçons ? Un voisin arrêté, et sur les vêtements duquel on avait relevé des traces de sang, affirma que c'était" du sang de lapin. U aveit éprouvé le désir de faire un civet à trois heures du matin... Et, chose curieuse, le fait était exact. Un ancien bat-d'af fut également soupçonné. Il donna un alibi difficilement vériflable, mais Alfred Jacquelin — c'est son nom — est un mauvais garçon, revenu dans le pays malgré une interdiction de séjour. Il a été écroué pour cela. Quant aux maris trompés, qui sont innombrables, la police s'efforce de les dénombrer et de chercher, parmi eux, celui qui vengea leur honneur individuel et collectif. Héllo*.Archereau, 39, rue Àrchereau, Imprimé en France. Volupté nocturne L On coupe, on compe J veux bien accepter que, pour l'amour d'une belle, ce mari ait trahi sa femme, je veux dire qu'il l'ait abandonnée, elle et son enfant, encore que cela ne soit ni très moral m très légal, mais n'est-il pas vrai que le cœur a souvent des raisons que ni la morale ni le code ne peuvent connaître ? E Où cela devient grave, c'est quand la trahison se double de perfidie. Notre infidèle, donc n'avait rien trouvé de mieux pour justifier son abandon de domicile que d'accuser sa femme d'être une avorteuse. En ce temps où l'orthodoxie est d'avoir beaucoup d'enfants pour faire beaucoup de soldats, ce crime, s'il eût été prouvé, aurait relégué l'autre forfait en une ombre quiète. Ce que devinait l'avocat de la femme, qui, pour justifier sa belle cliente réclamait trois quarts d'heure d'indulgence au tribunal pour entendre ses explications avant que d'accorder à l'inculpée une indulgence totale, c'est-àdire l'acquittement. — Allons 1 pour une petite affaire comme ça, vous exagérez, maître, objecte le président. — Petite affaire, petite affaire ! » s'indigne le jeune avocat pour qui c'est «peutêtre la plus belle affaire de sa carrière ; comme vous y allez, monsieur le président. Et c'est lui qui y va et de quel train ! Ah ! l'admirable documentation. Tour à tour pathétique, péremptoire, docte, violent, patelin, il entreprend un cours de gynécologie, un autre de droit, un troisième de psychologie. Ce n'est plus un avocat ; c'est Pic de la Mirandole et ses neuf cents thèses. Mais le tribunal est mauvais public. Je n'entendrai jamais le dénouement du drame eschylien qu'animait devant la correctionnelle Te talentueux jeune maître ; jamais je n'ouïrai la péroraison de l'étonnante plaidoirie que le tribunal coupe au tiers (c'est-à-dire après quinze minutes), en disant : « Bien ! maître, nous rejetons l'affaire faute de précision. » Et dire que Je maître était prêt à les fournir toutes, les précisions. S'il devient un jour ministre de la Justice, je plains les magistrats qui lui ont ainsi rentré sa plaidoirie dans la gorge. S. F. Massage à bon compte D l'un de ses récits charmants, Voltaire nous conte comment Zadig découvrit un jour un premier ministre voleur. « Organisez un bal ditil aoi roi, et ordonnez que tous vos ministres dansent et fassent des entrechats. Celui dont la danse sera la plus lourde sera aussi le voleur. » C'est que, parbleu ! l'or qui emplissait les poches du voleur l'empêchait de se mouvoir légèrement, et c'est ainsi qu'apparut la félonie du premier ministre. ANS Le pharmacien qui employait M. Otto eut la même pensée que Zadig, mais il lui fut plus difficile d'obtenir rapidement la vérité. Nos mœurs démocratiques ne permettent plus qu'on prie, un soir, un aide-pharmacien à danser afin de savoir si ses poches sont pleines de choses mal acquises. Mais ledit pharmacien, aussi sage et sagace que l'était Zadig, remarqua que, le soir, le pantalon d'Otto était si gonflé que son pardessus restait droit, tendu, malgré la maigreur de l'employé. Parallèlement, il remarqua que les recettes baissaient toujours. Il établit un rapport de cause à effet entre le pantalon pléthorique et la caisse anémique. Puis (un logicien ne peut rien se refuser) il délaissa quelque peu ses bocaux et ses éprouvettes pour s'armer de la loupe et de la pipe de Sherlock Holmes, je veux dire pour se faire détective. Il rechercha et retrouva les précédents employeurs d'Otto. Cinq d'entre eux lui dirent qu'ils avaient, comme lui, remarqué la baisse de 20.000 francs par an du chiffre d'affaires, durant qu'ils occupaient Otto. Il apprit ensuite qu'Otto avait une amie dont la profession était : masseuse, pédicure, manucure, soins de beauté. Est-ce que vous comprenez ? Le pharmacien, lui, comprit. Il comprit pourquoi disparaissaient les boîtes de cachets amaigrissants, les fards, les rouges à lèvres, les flacons de parfum, de crème, d'eau de Cologne, tout ce dont Mlle Adèle avait besoin pour exercer son état. Les trois protagonistes comparaissent devant la XVIIe Chambre. Otto est si maigre et défait qu'il a dû abuser des cachets amaigrissants, et Mlle Adèle est si plantureuse qu'il ne devait point lui en laisser pour sa consommation personnelle. Le pharmacien est assez fier de son enquête et, lorsqu'il entend que le tribunal condamne sjon voleur à huit mois de prison et 3.000 francs de dommages-intérêts, il est aussi glorieux crue mon chat lorsqu'il a pris une souris. S. F. 12 dams 66le bain B 99 sûr qu'elle aimerait mieux ne pas se trouver là, la jeune et jolie Suzanne que nous n'appellerons pas la chaste Suzanne car son état social n'implique pas précisément la pudeur. Elle préférerait se trouver dans le petit hôtel sordide, près de la Bastille, avec un client amoureux et généreux, généreux surtout car pour l'amour, pour ces amours passagères en tout cas, elle est plutôt blasée. Pourtant elle n'a que dix-huit ans, mais elle a déjà supporté et feint de rendre beaucoup d'assauts luxurieux. Jamais, jusqu'alors, elle n'avait eu une pareille histoire. On l'accuse d'entôlage, pensez donc, ce qui peut nuire beaucoup à son avenir de prostituée. C'est le président Brissaud qui l'accuse ; elle se défend ênergiquement, secouant sa jolie tète blonde en signe de dénégation, s'étouffant presque d'indignation. Le bon juge retrace la scène (rassurez-vous, une partie seulement de la scène : le lever de rideau) : Votre client voulait vous donner cent francs et de la tendresse. Vous auriez dû vous en contenter, mais vous avez les dents longues. — Oh ! si l'on peut dire, monsieur le Président ; je ne pourrais pas travailler avec des dents longues ; surtout que j'ai une spécialité... Ça suffit ; pas de détails ; je veux dire que vous êtes insatiable... en matière d'argent. Votre ami de passage, n'ayant pas de monnaie, a eu l'imprudence de vous confier un billet de 500 francs pour l'aller changer. Lorsqu'il vous a vue mettre d'un geste preste le billet dans votre bas, il a pensé : « Elle veut me l'étouffer » et il pensait juste. — Mais non, le bas c'est notre portemonnaie à nous ; je ne voulais pas perdre le billet, voilà tout. Tenez, voyez comme c'est pratique. » Et la jolie fille pose son petit pied sur le rebord du box, relève haut ses jupes, découvre un mollet et même toute la cuisse pour faire une démonstration. Le bon président Brissaud proteste qu'il en sait assez et qu'il en a assez vu. Il engage l'inculpée à se rasseoir et l'adjure de chercher d'autre travail. — Mais, mon président, je ne fais que cela. Ce n'est pas ma faute si je n'en trouve que le samedi. — Ce n'est pas de ma faute non plus si je vous condamne à un mois de prison, mais avec sursis. IEN entendit des gémissements et qu'il vit dans le passage sombre, à la lueur de sa lanterne, une femme allongée sur le trottoir, notre jeune cycliste s arrêta. Cela partait d'un bon naturel et, lorsqu'il comprit que la femme ne réclamait point d'autres soins que ceux d'Eros, il s'efforça de la satisfaire. Toujours son bon cœur, et puis quoi, un jeune cycliste ne doit-il point toujours être prêt à chevaucher n'importe quelle monture ? Il faut dire que celle-ci n'était point de prane jeunesse, ce aont ne be tut peutêtre pas rendu compte le cycliste sans la damnée lanterne. C'est une éternelle vérité qu'il ne faut jamais faire la lumière en amour. La dame s'offrait sans fausse pudeur, jambe de-ci, jambe de-là, et tous voiles écartés, bien qu'on fût déjà en octobre ; il est vrai que c'était une soirée d'automne particulièrement propice aux jeux de volupté en plein air, un soir doux comme une peau de vierge. Par malheur, la couche manquait de moelleux, constituée qu'elle était par les dalles d'asphalte du trottoir, et la gémissante amoureuse, loin d'être vierge, avait — on le sut ensuite — six enfants. Aussi le bon cycliste (oserai-je dire, d'après l'apologue du Nouveau Testament, le bon Samaritain qui versait d'u baume et de l'huile sur les plaies ouvertes et donnait, par surplus, tout le contenu de sa bourse?) aussi le bon cycliste ne putil arriver à satisfaire l'ardente soif d'amour qui brûlait la femme et qui commençait à l'embraser. Peut-être 'y fût-il parvenu, car, à vingt ans, on est plein de ressources, sans la fâcheuse intrusion dans ce jeu de quilles d'agents cyclistes eux aussi. Ceux-ci n'estimèrent point que la charité devait l'emporter sur le devoir. L'un prit par le bras le cycliste confus, défait et déconfit; l'autre releva sans douceur la femme inapaisée. Et voilà les coupables devant le président Patouillard. — Je ne vous félicite pas, jeune homme, dit-il au cycliste (et l'on ne sait trop s'il entend lui reprocher d'avoir choisi une partenaire qui pourrait presque être sa grand-mère ou s'il estime qu'à vingt ans on ne doit jamais être à bout de ressources et rester en chemin). — Et, quant à vous... qu'avez-vous à dire ? L'amoureuse éperdue bredouille qu'elle regrette d'avoir été presque dévêtue. Mais le passage était si noir. Tenant compte de la faiblesse humaine, et du coin noir, et de l'heure où tout reposait dans Ur et dans Jérimadeth (ce qui éloigne l'outrage public), le bon président ne condamne les deux boutefeux qu'à la peine légère de quarante-huit heures de prison, et avec le sursis, encore. Je gage que le jeune cycliste profitera sûrement de la loi Béranger : le trottoir fut trop dur, trop désobligeant, et la comparse trop complaisante. S. F. ORSQU'IL Petites choses V FABRIZIANO, garçon coiffeur, secoue sa chevelure bouclée, d'un noir magnifique, ce qui est une manière de protester. On lui reproche d'avoir menacé de mort sa maîtresse, Damita, qui l'avait quitté, après avoir été hébergée pendant quatre mois chez lui, pour aller retrouver un souteneur, à sa sortie de prison. La chose est fréquente et Fabriziano, s'il avait été un sage, s'en serait accommodé. Mais Fabriziano n'est pas un sage, Damita est à la barre, unique témoin de l'accusation. C'est une jolie fille, espagnole, faite pour l'amour. Damita raconte gentiment comment elle est devenue la maîtresse du Sicilien : IRGINIO « ... // m'a dit des petites choses, moi aussi... » On sait où mènent ces « petites choses ». Tout alla très bien, tant que l'amant de Damita fut à la Santé. Virginio Fabriziano avait recueilli l'Espagnole et son fils, âgé de douze ans ; et puis, un matin, Damita partit. DAMITA. — Je ne voulais pas le revoir ; je savais qu'il était très nerveux. Damita indique qu'elle est partie, par crainte des représailles de l'autre. Mais elle s'est trouvée ainsi entre deux dangers, car Virginio l'a menacée d'un revolver. DANITA. — Il a montré l'arme à mon fils en lui disant qu'il voulait me parler, Et sur la seule déclaration d'un enfant de onze ans, Virginio était poursuivi. Le tribunal a pensé que ce témoignage était douteux et il a acquitté Virginio. Les malheurs d'« Auguste » O pouvait remarquer, l'autre jour, à la Xe Chambre du tribunal correctionnel de la Seine, deux anciens députés : la confiance des électeurs leur ayant fait défaut, ils ont pris le chemin du Palais, mais par des voies différentes. L'un siégeait comme juge, l'autre comparaissait comme inculpé. Le juge, M. Tricard-Graveron, écoutait son ex-collègue, M. Auguste Sabatier, fameux par son pittoresque, sinon par son éloquence, protester, avec une vigueur qu'il tient certainement de son ancien métier de boucher, contre l'accusation de complicité de vol dont il était l'objet. Car, Auguste Sabatier, qui représenta un arrondissement de Paris au Parlement, avait à répondre de ce grief infamant. Retiré de la vie politique, il est propriétaire d'une boîte de nuit : la « Feria ». Excellente méthode pour diriger une boîte de -nuit que celle qui consiste à avoir siégé au Palais-Bourbon, Il n'est pas de « boîte de nuit » qui puisse rivaliser avec le temple aux colonnes néo-grecques, où s'agitent nos députés. Donc, Auguste Sabatier, plus connu sous son seul et impérial prénom, était accusé d'avoir exercé, avec un zèle excessif, ses fonctions directoriales : le plaignant, un homme d'équipe à la gare de Bordeaux, M. Garrigues, avait été conduit par une « entraîneuse » à la « Feria ». On lui présenta une note de. 2.900 francs pour quelques bouteilles de Champagne et deux « assiettes anglaises ». Comme il trouvait l'addition trop « salée », M. Garrigues refusa de payer et c'est alors que serait intervenu l'énergique « Auguste », dont le veston s'ornait de la rosette de la Légion d'honneur. Sur les instructions du patron, un de ses dévoués collaborateurs aurait pris le portefeuille de M. Garrigues, qui contenait un billet de 500 francs. Premier acompte saisi ; puis, sous la pression menaçante de ses gardes du corps, l'infortuné Bordelais avait dû signer une traite de 1.500 francs. M. Garrigues raconte ses malheurs : M. GARRIGUES. — A trois heures du matin, je fus accosté par une femme qui m'invita à boire le Champagne... LE PRÉSIDENT. — Ça commence toujours ainsi. La femme est connue de la police : c'est peut-être la raison pour laquelle elle n'est pas poursuivie. Son nom est « la Belle Rousse ». M. GARRIGUES. — Dès que j'entrai dans l'établissement, je vis dans quel milieu j'étais tombé. LE PRÉSIDENT. — Pourquoi alors n'êtesvous pas parti tout de suite ? L'homme d'équipe lève les bras : comme si c'était facile de s'échapper des bras de la Belle Rousse ! Elle l'avait déjà entraîné dans un tango. M. GARRIGUES. — J'ai fait trois tours de danse avec elle, et entre chaque tour, je constatais que le nombre des bouteilles augmentait : le barman (M. Garrigues prononce « barmant ») mélangeait les bouteilles factices aux autres... (Lire la suite, 4* colonne.) N La vie n'est bas le théâtre, ni l'écran Sacha Guitry ne juge plus mais comparaît devant les juges pour bouleverser, une fols de plus, sa vie intime ; Il quitta Jacqueline Delubac après quelques ans d'un rare bonheur... et LE DERNIER SCANDALE L 'ENQUETE documentée que nos collaborateurs ont publiée la semaine dernière sur « le secret de Natan » a révélé tous les dessous de ce scandale. On est littéralement dégoûté, écœuré de voir par quels procédés des milliers d'épargnants, possesseurs d'actions de la société Pathé, ont été volés et comment, en quelques mois, une magnifique entreprise, l'une des plus anciennes firmes de cinématographie, a été vidée, « siphonnée », pour reprendre l'expression des experts-comptables. . Des réserves énormes, une centaine de millions représentés non par des titres douteux ou même aléatoires, mais par des titres de Rente sur l'Etat, ont disparu. Pas pour tout le monde, naturellement. Natan et Cerf se sont bien servis et plus encore qu'eux, toute la bande des « faisans », des êtres tarés, des personnages équivoques, des maîtres-chanteurs qui, flairant l'escroquerie ou le pillage, rodent toujours dans les parages des malfaiteurs de haut vol. Oui, le dégoût soulève le cœur de tous les braves gens qui lisent, chaque jour, un chapitre nouveau de cette gigantesque escroquerie : on parle de 400 millions. Le chiffre est, comme on dit, « coquet », bien qu'on soit habitué, depuis trop longtemps, à voir valser, dans une sarabande infernale, les zéros... Après le mouvement de dégoût, l'esprit reprend ses droits : il demande à comprendre, il réfléchit. Et dès lors, la question se pose, toute simple, élémentaire : comment cela a-t-il pu se faire ? Comment, en un délai si bref, tant de millions ont-ils pu être volés, alors surtout que l'affaire Natan n'était pas ignorée, que de nombreux articles avaient été publiés sur la gestion malhonnête de ses dirigeants ? Sans doute, objectera-t-on, il y a beaucoup d'articles de chantage. Mais nous répondrons que, précisément, il est du devoir des autorités responsables de faire la distinction entre les critiques sérieuses et celles qui s'accompagnent d'un « air de musique »... Et puis, aussi, on ne peut se déf endre d'un étonnement qui risque de se transformer en colère : il n'est pas question de faire de la xénophobie ; nos tendances sont trop libérales pour que nous redoutions ce reproche. Mais tout de même, quand on lit que Naphtoul Tanenzaft, né à Jassy (Roumanie), a commencé par être figurant dans un film obscène, puis qu'en un espace de temps rapide, il s'est fait appeler Natan et est devenu l'un des maîtres du cinéma français, en dépouillant des milliers de petits épargnants de chez nous, quand on voit que son complice fut un Grec, Johannidès, on ne peut s'empêcher d'être révolté. Trop de nos compatriotes vivent dans une digne pauvreté, s'efforçant, avec peine, de gagner leur vie, tandis que quelques « métèques », aussi habiles que canailles, ruinent et dépouillent notre pays. Les pouvoirs publics doivent prendre garde à certaines rumeurs qui pourraient s'accentuer en grondements de colère. ECHOS DU PALAIS Au Palais, le bruit s'est répandu que l'affaire Natan-Cerf et Cie... allait être un nouveau scandale politique, qui éclipserait en intensité l'affaire Stavisky. C'est beaucoup dire... Pour l'instant, aucun parlementaire ne semble compromis et si l'on a parlé d'un ancien président du Conseil, il convient de préciser qu'il n'aurait donné qu'une consultation à Natan. On est loin des « combinaisons » d'Alexandre. Mais il n'empêche que cette affaire demeure surprenante et qu'il appartient à la justice de faire toute la lumière sur les conditions dans lesquelles Natan et Cerf parvinrent à vider la société Pathé de tout son avoir, de ses énormes réserves. On a raconté bien des choses sur Jean-Simon Cerf. C'est que le personnage est curieux. Drapé dans son ample pardessus beige clair, qu'il ne quitte pas à la Santé, il fait en ce moment de fréquentes visites à M. LedoUx, juge d'instruction. A la Santé, où il est soumis, comme Natan, au régime de la haute surveillance (la lumière est allumée jour et nuit dans sa cellule et un gardien, sans relâche, contrôle ce qui s'y passe) Jean-Simon Cerf doit méditer sur la fragilité de la grandeur. Lui qui menait un train somptueux, il y a quelques jours à peine, peut faire de douloureuses comparaisons. Il peut surtout se rappeler le temps où il fit partie d'une commission de juristes, chargée d'établir un prlojet de réorganisation des prisons ! Nous ne savons si le projet a été achevé. Dans l'hypothèse vraisemblable où, comme tant de projets, il ne l'aurait pas été, Cerf a désormais tout loisir pour le mettre au point, en s'inspirant d'une expérience personnelle, riche en enseignements. On a raconté la « superbe » de JeanSimon Cerf, son faste, la splendeur de son hôtel particulier, rue Vineuse, de sa galerie de tableaux, sa vie de luxe et de plaisirs. Ce qu'on n'a pas dit encore, c'est l'aventure qui lui arriva pendant la guerre. Gaillard solide, d'une carrure athlétique, Cerf avait été avocat à la Cour d'Appel. A la déclaration de guerre, il réussit à ne pas partir sur le front et fut chargé de missions diverses, toutes fructueuses, pendant que les camarades se faisaient casser la gueule... Cela provoqua, à juste titre, quelque émotion et la bonne blague que voici : un jour, c'était vers 1917, la bâtonnier reçut l'avis de décès de Cerf, mort glorieusement des suites de blessures survenues à l'attaque des Eparges. Au conseil de l'ordre, on n'avait pas pris le soin de vérifier l'information. Cerf ne venait plus au Palais, on pouvait donc le croire aux armées. Le billet de faire-part laissait entendre que Cerf était mort à Paris, après plusieurs mois de souffrances. Conformément aux usages du barreau, deux avocats furent désignés pour suivre l'enterrement. Quand ils se présentèrent à la maison mortuaire, ils trouvèrent le mort... en parfaite santé et tout surpris de ce qui lui arrivait. Les malheurs d'« Auguste » {Suite de la 1" colonne.) Naturellement, M« Guyonnet, qui défend M. Sabatier, suggère que le plaignant n'avait peut-être pas une lucidité d'esprit totale : quand on a bu et qu'on a l'âme gaie, on est enclin à voir les choses en grand... M. Garrigues, indique le défenseur, s'était fait passer pour « météorologue », et ce titre avait fait une forte impression sur la Belle Rousse. Un météorologue, ça n'est pas n'importe qui. En outre, il avait donné 20 francs à la quête des musiciens : preuve de son opulence. On pouvait donc le prendre pour un bon client. >M. GARRIGUES. — Après être resté attablé une heure, j'ai dis que je voulais bien payer ce que j'avais consommé, mais pas davantage. Le gérant, un garçon, M. Joseph le barman et le caviste m'ont entouré : chacun d'eux avait un rôle à jouer ; c'était pas du personnel à proprement parler, c'était une bande douteuse (sic). M. SABATIER. — Dites donc, soyez poli. M. GARRIGUES. — Je dis ce que je pense, monsieur Sabatier ; vous étiez appuyé à la caisse et vous donniez les ordres : vous avez dit que je ne sortirais pas de rétablissement avant d'avoir payé. Le président estime que le récit de M. Garrigues contient certains points imprécis. Il veut savoir combien de temps l'homme d'équipe est resté dans l'établissement. Le gérant, qui est poursuivi, ainsi que le garçon, prétend que M, Garrigues est resté environ trois heures, ce quf lui aurait permis de faire d'abondantes consommations. M. GARRIGUES. — Je suis arrivé vers deux heures du matin et je n'y ai passé qu'une heure. LE PRÉSIDENT. — Mais qu'avez-vous donc fait auparavant ? M. GARRIGUES. — Je me suis promené à pied pour voir Paris. 'M* Guyonnet toussotte pour marquer son scepticisme. On regrette l'absence d'une jeune « artiste » de 18 ans qui dansa avec M. Garrigues. Cette demoiselle est un des agréments de la « boîte ». Le président qui ne doit pas fréquenter beaucoup les lieux où l'on s'amuse, se montra sévère moraliste. S'adressant à M. Sabatier : LE PRÉSIDENT. — Vous employez des artistes de dix-huit ans ? M» GUYONNET. — Elle venait, accompagnée de sa mère... LE PRÉSIDENT. — Comme si c'était une excuse. Faute de pouvoir entendre l'artiste, on lit la déposition qu'elle fit au juge d'instruction : « J'ai dansé trois fois avec ce client, avait-élle déclaré, il avait l'air ahuri... » Comment démêler la vérité dans cette histoire complexe : tour à tour. M" Guyonnet, pour « Auguste » ; M" Thaon, Enriquez et Garnier, pour les aptres inculpés, s'efforcent de démontrer que M. Garrigues, qui a, dansé et bu, doit régler le prix de ses plaisirs. Le tribunal a décidé de méditer quelques jours avant de rendre sa sentence. Mais ses malheurs actuels n'ont pas abattu l'hôte de la Santé. Il a un cran, un « abattage » formidables. MISE AU POINT A la suite d'un écho paru dans notre numéro du 29 décembre. M* J.-Louis Thaon nous écrit que jamais il n'y eut de perquisition dans sa villa de la Côte d'Azur, ce qui est exact. Nous tenons à publier immédiatement cette rectification, car le texte initial pouvait donner à croire que l'excellent avocat avait eu maille à partir avec la justice. 13 ...où, serrés l'un contre l'autre, ils trouvèrent le moyen — difficile — d'être heureux dans la gloire. Le divorce sera prononcé aux torts réciproques. Elle, invoque l'abandon du domicile conjugal ; Lui, des lettres Injurieuses. LE MYSTÈRE A" ETAGE- L ES, meilleurs romans policiers ne commencent pas autrement que le mystère de la villa de Plaisir-Grignon, dite « Castel Bleu », où le professeur Mamelle a été découvert le 1er janvier, tué d'une balle de revolver. Mais, alors que les énigmes romancées s'élucident au cours de la lecture, il n'en est pas de môme pour celle dont s'occupe actuellement, avec tant d'activité et de compétence, M, le commissaire Sicot, chef de la Sûreté à la police d'Etat de Seine-et-Oise, Le l*r janvier vers 6 heures du matin, Mme Mamelle, veuve Moreau, née Jeanne Cochet, est dans sa chambre du corps à corps (3). Et, laissant la située au premier étage de la villa. Une cape au rez-de-chaussée, l'épouse du altercation éclate entre elle et son mari professeur remonte au premier étage. le professeur Mamelle qui, depuis six Mme Mamelle s'est-elle arrêtée un mois, est retraité de l'école d'agricul- instant dans une autre pièce, avant ture de Grignon. Dans une crise de d'apercevoir le corps du professeur surexcitation déchaînée, l'époux, armé étendu sur le tapis du bureau ? C'est d'un parabellum, crie à sa femme: « Il possible ! Toujours est-il que ce n'est faut que tu me suives dans la tombe ». que cinq minutes environ après avoir Une lutte s'engage, qui se poursuit jus- quitté le rez-de-chaussée qu'elle vient que dans le bureau tout voisin de la avertir Malpièce du suicide de son chambre à coucher. Un coup de feu mari. retentit, mais l'arme a été déviée et —■ Il n'est peut-être que blessé, par bonheur s'est enrayée. ajouta-t-elle. Vite, il faut téléphoner à C'est alors la fuite à travers les piè- Neauphle pour appeler le docteur ces du premier étage, jusqu'à l'esca- Moullard. lier de bois conduisant au rez-deCelui-ci, aussitôt arrivé, constate la chaussée où la lutte continue, M. Ma- mort tragique de son client et précomelle menaçant toujours sa femme nise de quérir les gendarmes. La maavec le revolver. réchaussée, bientôt sur les lieux, ouvre — Venez à mon secours s'écrie l'enquête. Mme Mamelle. L'appel est entendu par le domesti- Constatations que, M. Malpièce, qui accourt non sans avoir hésité. Les « patrons » (en cheLe cadavre de M. Mamelle est étenmises de nuit relevées jusqu'aux épaudu sur le dos, les bras allongés contre les) sont étendus et luttent sur les der- les flancs (4). Un revolver modèle 1892 nières marches de l'escalier (flg. 1). se trouve à terre, à proximité de la Dans la bataille une potiche et un tadroite, le canon tourné dans la. bleau ont été brisés et sont tombés main sur le parquet (2). Mme Mamelle par- direction de la tête (5). Ce détail prend une très grande imvient à se dégager. Elle se retrouve toute nue aux yeux de son serviteur portance, lorsque l'on constate que la balle meurtrière est entrée à la base et de la femme de celui-ci. gauche de la nuque pour se loger, inFacilement, Malpièce s'empare du térieurement, près de l'arcade sourrevolver, qu'il passe à sa patronne ; cilière droite. De plus un prie-Dieu puis il reconduit M. Mamelle dans le (8) qui a été déplacé porte une trace salon boudoir du 1er étage, pendant que de sang, et le fauteuil du bureau (6), Mme Mamelle se réfugie dans une un peu éloigné, a le devant du couschambre du rez-de-chaussée attenante sin également taché de sang. à la cuisine. Voici donc le principal élément trou— Qu'est-ce que je viens de faire ! blant sur quoi s'élèvera l'accusation : s'exclame alors le professeur. C'est position jugée impossible pour se donfou : laissez-moi reprendre mes ner la mort, en raison de la nature esprits... de l'arme employée, de la trajectoire et Malpièce, qui n'est au service des de l'absence d'aucune trace apparente époux Mamelle que depuis deux mois, de poudre à l'entrée de la balle, a sans doute vù d'autres scènes du MM. les experts sont venus. Ils ont même genre, car après s'être assuré peut-être eu tort de reconstituer la poque son patron est plus calme, il re- sition de tir, sans enlever leur partourne à ses occupations, placide dessus et en tenant la tête rigoureusecomme devant. ment droite, alors que la victime, ne Mme Mamelle est toujours réfugiée l'oublions pas, était en chemise. Mais dans la chambre d'amis du rez-de- ils sont experts n'est-ce pas ! Et ne chaussée. Elle a demandé une cape pouvant négliger les conclusions des pour se couvrir, et s'est fait ensuite techniciens, les enquêteurs sont obliservir son déjeuner du matin. gés d'envisager que le professeur — Vous n'avez rien entendu là-haut? Mamelle a été exécuté, se trouvant alors demande-t-elle à Malpièce, avant de assis dans son fauteuil (6) devant son remonter au premier étage. bureau. Sur la réponse négative du domesDans ces conditions, la victime autique, elle prie sa cuisinière, Mme Mal- rait donc été visée à la nuque, pas trop pièce de lui passer une chemise, l'au- près mais avec justesse ; puis le cadatre étant restée dans l'escalier au cours vre aurait été tiré par les pieds pour 14 être étendu dans la position où il a été découvert. Or, est-ce possible? Non. Sans quoi ce ne serait pas le devant du coussin-siège qui serait taché de sang (7) mais le dossier du fauteuil (6). En outre : comment expliquer la tache sur le prie-dieu (8) ?... D'autre part, les praticiens chargés de l'examen du corps ont déclaré que la mort avait été instantanée. Dès lors, il faudrait chronométrer le temps représenté par le mot « presque ». Au moment du coup de feu mortel les experts se trouvaient-ils sur les lieux pour constater les derniers réflexes de la victime ? M. le professeur Mamelle, sportif vigoureux et entraîné aux exercices de souplesse a pu se tirer une balle à la nuque, dans une position que nous ignorons, vaciller quelques secondes, puis tomber définitivement après avoir taché deux meubles avoisinants. Et puis, il y a un fait dont, jusqu'ici, nul n'a fait ressortir l'intérêt. En effet: Mme Mamelle vient d'assister à un coup de feu tiré par son mari dans le bureau. Elle s'est réfugiée au rez-dechaussée après les péripéties déjà indiquées. Elle va « tuer son époux » dans 20 minutes. Que fait-elle pendant cette tragique attente ? Elle prend son petit déjeuner du matin ! Singulier emploi du temps, vraiment, pour une femme qui se serait apprêtée à donner la mort,.. Présomptions Sur le bureau du professeur Mamelle faisant face à celui de sa femme. M. le commissaire Sicot a relevé les traces très nettes du parabellum, semblant indiquer Que la main tenant cette arme avait été saisie et frappée sur le maroquin du bureau, provoquant le départ de la balle et, heureusement, l'enrayement de l'arme. La balle était venu frapper un pied de lampe (10), le cadre et le verre contenant la photographie de Mme Mamelle (11) pour se perdre dans le classeur (12). Ces constatations se rapportent aux déclarations de cette dernière, précisant qu'avant de se suicider son mari avait tiré dans la direction de son portrait placé sur le bureau (11). Aucun autre désordre ne régnait dans la pièce. Dans la bibliothèque (3), sur un rayon, se trouvait une gaine de revolver, pouvant convenir aux deux revolvers: 1892 ou parabellum. Quant à la photographie qui fut la Un Nez parfait pour vous TRADOS, le véritable réformateur de nez (breveté). Si votre nez est mal formé, vous pouvez le rendre parfait avec le modèle Trados n° 25. 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Quoi qu'il en soit, Mme Mamelle est arrêtée, et inculpée d'homicide volontaire sur la personne de son mari. Cependant, aucune preuve matérielle, aucun témoignage certain n'attestent sa culpabilité. Seule, l'absence de tatouage de poudre à l'orifice de la blessure du cadavre, et seule la position exceptionnelle de celui-ci ont valu à la version du crime de l'emporter sur celle du suicide. Autrement dit, n'existent contre Mme Mamelle que des présomptions « techniques ». Eh, bien, soit. Admettons les présomptions. Mais faut-il encore qu'elles se rattachent à des causes positives. Quelles seraient donc les causes qui auraient pu pousser la femme du professeur à exécuter celui-ci ? La plupart de ceux qui la croient coupable vont répétant que Mme Mamelle aurait tué par suite de la peur qui l'aurait dominée au moment où son mari voulait qu'ils mourussent ensemble. Mais, après ce moment-là, la femme du professeur n'avait pas manqué de réclamer son petit déjeuner. Aussi bien, qu'on nous trouve autre chose que la peur pour expliquer le drame... Visée par des présomptions, mais non par des soupçons indiscutables, Mme Mamelle n'en est pas moins en prison. La victime, M. Mamelle, trouva la mort dans son bureau, pièce du /er étage de sa villa. Ci-dessus, les plans des lieux. A savoir : A. - Armoires 8. - Bibliothèques C. - Classeurs C.-F. - Coffre-fort D. I. - Bureau de Mme Mamelle D. 2. - Bureau du professeur Plans dressés par les enquêteurs de DÉTECTIVE. Autre chose : quoi ? L'amour ? le professeur avait soixante-quatre ans; sa femme, cinquante-deux ; et les plus médisants eux-mêmes (ceux que nous avons interrogés autour du « CastelBleu » et dans la région de Plaisir) s'accordent à déclarer que les mœurs du ménage ne laissaient pas la moindre part aux égarements passionnels. Alors: l'intérêt? Mme Mamelle veuve en première union d'un riche commerçant parisien, n'avait pas à attendre l'héritage de son second mari pour disposer d'une belle fortune. D'autre part, le montant de la retraite du professeur s'élevait à trente-six mille francs, dont la veuve ne peut percevoir que la moitié. Mme Mamelle n'avait aucun intérêt pécuniaire à se « débarrasser » de son époux. Dès lors, que reste-t-il qui puisse rendre plausible la version du crime exécuté par l'épouse de la victime ? On dit à Plaisir-Grignon que la présumée coupable était fort peu « commode » de caractère. Les domestiques et les proches voisins, notamment, la disent hautaine, autoritaire, très susceptible et sans cesse querelleuse à l'égard de son mari, lequel est unanimement regretté pour sa bonté, sa simplicité et sa haute valeur intellectuelle. Mais il se trouve aussi des concitoyens et concitoyennes de Mme Mamelle qui nous ont révélé que, malgré son fâcheux caractère, elle ne manquait pas de générosité pour les caisses de secours, de même qu'elle s'intéressait avec la plus sensible bienveillance aux destinées d'une jeune orpheline privée de tout appui et de toute ressource. Sans doute, la charité pour des tiers n'exclut pas toujours la combativité conjugale ; mais il est, toutefois, discutable que, n'ignorant point la pitié, Mme Mamelle ait voulu donner la mort à son mari après vingt minutes de réflexion. En tout cas, ce ne sont pas les familiers les plus intimes de l'inculpée qui la taxent d'une inexorable méchanceté. Bien au contraire, les propres ADMINISTRATION — RÉDACTION . ABONNEMENTS 3, RUE DE GRENELLE — PARIS (VIe) Directeur-Rédacteur «n Chef : HARIUS LARIQUE TELEPHONE i LITTRE 46-17 ADRESSE TELEGRAPHIQUE i DETEC-PARIS COMPTE CHEQUE POSTAL : N* 1298-37 e mois 12 mois Franc» et Colonies 41 » 77 y Etranger. Union postal» 54» 99 » Etranger, Autres pays 84 » 119 i Les règlements de compte et abonnements doivent être établis à l'ordre et au seul nondo « Detecive ». Sans calomel — Et vont sauterez du lit le matin, "gonflé à bloc". frères et sœurs de M. Mamelle affirment avec une inébranlable conviction que leur belle-sceur s'est toujours montrée une femme de devoir, scrupuleusement dévouée à son mari. Au seuil du « Castel-Bleu », nous avons recueilli, notamment, de la part d'une des sœurs du défunt, Mlle Marie, la plus fervente protestation d'estime en faveur de l'inculpée ; et Mlle Marie Mamelle nous a formellement déclaré que tous les siens partageaient sa conviction quant à l'innocence de sa belle-sœur. ' De plus, une autre sœur de la victime, Mme Thumann interprête l'énigme tragique en l'attribuant au suicide camouflé en crime et non pas au crime maquillé en suicide. — Mon frère, dit-elle, était fort déprimé depuis sa mise à la retraite et, surtout, depuis les événements qui ont illustré la politique intérieure et la politique internationale. Devenu morbidement pessimiste, il voulait entraîner sa femme dans la mort. Devant fle refus de celle-ci, il a tenu en quelque sorte à exercer contre elle sa rancune posthume en se suicidant dans des conditions apparaissant comme celles, d'un crime. Il est de fait que la correspondance trouvée dans le cabinet de travail du professeur témoigne d'une grave perturbation dans l'équilibre de ses nerfs. D'autre part, les enquêteurs n'ont-ils pas établi que la plus jeune sœur de M. Mamelle est en traitement depuis vingt ans, sous le contrôle des psychiatres ? Ce sont là des constatations, qui portent à la réflexion ceux qui rattachent 1 énigme au suicide et non au meurtre du professeur. Mais la police peut-elle s'entendre reprocher d'avoir trop négligé les témoignages favorables à celle qui, maintenant, est emprisonnée à Versailles ? Ce n'est point nous qui taxerons le commissaire Sicot et ses inspecteurs Martin et Vernet d'être partiaux, car il nous a été donné trop souvent de les voir exercer leur tâche avec un zélé égal à leur loyauté. Ils n'ont, d'ailleurs, pas agi de leur seul mouvement pour décider de l'arrestation de Mme Mamelle. Les médecins légistes ont, d'après l'autopsie, établi que la mort de M. Mamelle n'était point consécutive à une balle tirée à bout touchant. L'éminent D* Paul a confirmé cette constatation, d'après la contre-autopsie.. Dès lors, les enquêteurs, ne pouvaient négliger de retenir la présomption relative au crime. Il restera, pourtant.à prouver formellement que Mme Mamelle est coupable. Or, comme on l'a lu, pas la moindre indication accusatrice, pas la moindre trace ni le moindre témoignage précis ne permettent de confondre l'inculpée dont les protestations d'innocence sont inébranlables. Pour nous, si nous avions à répondre de la défense de Mme Mamelle nous nous tiendrions pour quasiment certains de la rendre bientôt à la liberté. René-J. PIOUET et Noël PRICOT. 15 Votre foie devrait verser, chaque Jour, au moins un litre de bile dans votre intestin. Si cette bile arrive mal, vous ne digérez pas vos aliments, 'îs se putréfient. Vous vous sentez lourd. Vous êtvs constipé. Votre organisme s'empoisonne et voo. êtes amer, abattu. Vous voyez tout en noir ! Les laxatifs sont des pis-aller. Une selle forcée n'atteint pas la cause. Seules les PETITES PILULES CARTERS POUR LE FOIE ont le pouvoir d'assurer cet afflux de bile qui vous remettra à neuf. Végétales, douces, étonnantes pour activer la bile. Exigez les Petites Pilules Carters. 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